La liberté d`indifférence
Transcription
La liberté d`indifférence
1 LA LIBERTE D’INDIFFERENCE Quelques suggestions pour traiter le sujet : 1) Partir d’une définition précise de la liberté d’indifférence : définition commune : état de celui que rien ne contraint ; définition cartésienne (in Méditations métaphysiques, 4e + Lettre au père Mesland du 9/2/1645) : état de la volonté lorsqu’elle n’est pas portée vers un parti plutôt que vers un autre par le poids d’aucune raison. En un autre sens, libre arbitre, c’est-à-dire faculté positive d’affirmer ou de nier, de se déterminer pour l’un ou l’autre contraire, bien plus de dire non même en présence des raisons les plus contraignantes. - La notion de liberté d’indifférence oscille entre ces deux sens – l’un négatif, l’autre positif. Préciser que la liberté d’indifférence renvoie à l’étape qui précède le choix et qui présente à la volonté tout un champ de possibles pour lesquels elle peut indifféremment opter. Du coup, la liberté d’indifférence peut signifier : la capacité de produire un acte totalement indéterminé ; la faculté de se déterminer en dehors de toute prévision. La liberté d’indifférence peut alors passer pour la liberté par excellence, dans la mesure où elle exclut ici la nécessité. Or, si la liberté d’indifférence renvoie à l’arbitraire de la décision, incarne-t-elle réellement le plus haut degré de la liberté ? Peut-on définir la liberté comme le pouvoir de faire n’importe quoi ? N’est-elle pas, au contraire, le pouvoir de faire les bons choix, d’agir en connaissance de cause ? Qui plus est, la liberté dindifférence est-elle seulement possible ? Ne relève-t-elle pas plutôt d’une illusion traduisant l’ignorance des nécessités ou des causes qui nous déterminent ? Le problème : la liberté d’indifférence est-elle la liberté authentique ? 2) La liberté d’indifférence comme l’absolue liberté. Elle serait d’abord l’indécision dans laquelle se trouve la volonté de choisir entre plusieurs partis à prenrde. Dans la liberté d’indifférence, ma volonté s’éprouve comme totalement indépendante des déterminations, elle chosiit sans que rien ne vienne influencer son choix. En ce sens, elle désigne l’absolu pouvoir de ma volonté, la capacité de résister à toute détermination, elle s’identifie au libre-arbitre. Cf. Descartes (lettre au Père Mesland citée ci-dessus) : la liberté d’indifférence est qualifiée de « faculté positive ». Nous pouvons, en pleine conscience, refuser le vrai ou le bien, chosir le pire alors que nous voyons le meilleur. Elle marque notre puissance à nous soustraire de toute détermination. 3) Conséquence : la liberté d’indifférence rapporche la volonté humaine de la liberté divine (cf. 4e Méditation méta.). L’infinité de la volonté par rapport à l’entendement est la preuve que je suis à l’image de Dieu. Le libre-arbitre s’apprente au pouvoir divin de création ex nihilo. La liberté d’indifférence peut alors être considérée comme le lus haut degré de la liberté. 4) Pour illuster cette liberté d’indifférence, on pourrait donner l’exemple de l’acte gratuit : acte sans motif apparent, purement arbitraire, don’t l’existence dépend uniquement de la volonté de celui qui l’a produit. L’acte gratuit comme preuve d’une liberté absolue de l’homme. Voir André Gide, Les caves du Vatican : le personage de Lafcadio qui commet 2 un acte gratuit en défenestrant un vieillard sans raison aucune. Exemple également des actes de vandalisme qu’on qualifie souvent d’actes gratuits. 5) A partir de cet exemple, on peut se demander s’il suffit de vouloir faire preuve de sa liberté d’indifférence pour être véritablement libre. Comment savoir si Lafcadio ou le vandale n’ont agi qu’en fonction de la détermination de leur volonté ? Comment la volonté peut-elle se déterminer si elle est absolument indéterminée ? Comment être sûr de la possibilité d’une réelle liberté d’indifférence ? Comment savoir si l’expérience que je fais de mon libre-arbitre n’est pas illusoire ? Le problème est donc celui de la possibilité même de la liberté d’indifférence. 6) Par ailleurs, la liberté d’indifférence peut-elle encore se donner à voir comme le plus haut degré de la liberté si elle débouche sur des actes moralement condamnables (tuer un vieillard, brûler une voiture…) ? L’indétermination ou l’indécision sont-elles réellement constitutives de la plus haute liberté de l’homme ? 7) On peut insister de nouveau avec Descartes (quatrième méditation) sur le fait qu’une liberté ne se mesure pas seulement formellement, mais aussi pour la fin qu’elle se donne et sur laquelle elle débouche. Définir la liberté indépendamment des actes auxquels elle aboutit (la liberté d’indifférence) est abstrait. Descartes montre que je suis d’autant plus libre, non quand j’ai la possibilité de faire n’importe quoi, mais quand j’ai le pouvoir d’accomplir des actions efficaces, quand je juge en connaissance de cause, quand ma volonté est éclairée par mon entendement. Une volonté sera d’autant plus libre et forte qu’elle se déterminera en fonction de ce qu’elle sait être le vrai ou le bien. La liberté d’indifférence est, en réalité, « le plus bas degré de la liberté », elle s’assimile davantage à une errance, à un caprice quà une réelle liberté. Ce qu’ils ‘agit donc de dépasser, c’est la définition simpliste et commune dela liberté comme absence de contraintes (faire ce que l’on veut, jouir sans entraves : cf la thèse de Calliclès dans Gorgias de Paton. Si tu le souhaites, je peux t’envoyer le corrigé de ce texte). 8) Si la liberté d’indifférence est totalement indéterminée, d’où la volonté reçoit-elle l’impulsion qui détermine le choix ? On peut signaler ici l’impossibilité, pour une volonté, de se déterminer indépendamment de tout motif. Anecdote de l’âne de Buridan qui, placé entre une écuelle d’eau et un seau d’avoine, et ayant autant soif que faim, se laisse mourir sans jamais réussir à se déterminer. Une totale indétermination ne se transforme jamais en choix. Là où il y a choix, il y a nécessairement détermination. L aliberté d’indifférence est une liberté vide. 9) Dès lors, ne pas connaître les causes qui nous font agir ne signifie pas que nos actions ne sont pas déterminées. Exemple de la psychanalyse : notion de déterminisme psychique. L’acte gartuit est l’acte qui ignore les motifs qui le déterminent. C’est ce que signale Spinoza (in Ethique, III, proposition II, scolie). L’illusion du libre-arbitre. C’est donc ici le débat liberté/déterminisme qu’il faut soulever. Suivre les analyses de Spinoza. 10) Problème : le déterminsime, en niant la liberté d’indifférence, ne nie-t-il pas toute forme de liberté ? Ne faut-il pas défendre la notion de liberté d’indifférence pour sauver la liberté elle-même ? Or, liberté et nécessité ne doivent pas être opposées. Une liberté contngente (liberté d’indiférence) est une liberté illusoire. L avraie liberté consiste à être soi-même, dans un accord avec les déterminations extérieures. Est libre, dit Spinoza, celui qui réussit à être pleinement lui-même (cf. Lettre LVIII). Devenir la cause adéquate de ce 3 qui se passe en nous. Parvenir à une connaissance de ses affections pour qu’elles cessent d’être des passions. Liberté comme libération, passage de la servitude des passions au régime de la vertu. La négation de la liberté d’indifférence permet de parvenir à la liberté véritable. Si tu veux plus de choses sur Spinoza, je peux t’envoyer mon cours sur la troisième partie de L’Ethique. 11) On aboutit alors à la notion de liberté intérieure : l’âme peut rester libre en adoptant une indifférence face aux choses extérieures. Se détacher des choses qui ne dépendent pas de nous (Epictète). Je t’envoie le corrigé du texte d’Epictète. Tu peux trouver des éléments relatifs à la liberté intérieure, à l’apthie stoïcienne. L’indifférence, non plus comme indétermination, acte gratuit, etc., mais au contraire comme pouvoir de la volonté. Liberté d’indifférence non plus au sens de libre-arbitre mais comme capacité à se déprendre des choses qui ne sont pas en notre pouvoir. Tout cela est expliqué dans le corrigé. 12) On peut terminer en insistant sur la dimension morale de la notion de libre-arbitre. On ne peut certes trouver quelque chose qui corresponde à la liberté d’indifférence, sauf à s’illusionner, mais l’idée est utile pour penser les notions de responsabilité, de mérite, de mal qui n’ont de sens qu’à supposer l’existence du libre-arbitre, en dépit justement des déterminations qui orientent mes actions. L’impossibilité de penser le libre-arbitre dans la sphère théorique et réelle n’empêche pas la nécessité de le postuler dans la sphère pratique, morale. Cf. Kant, Critique de la raison pure (chap.II, 9e section, III) + Critique de la raison pratique. Seule la sphère de la moralité peut révéler la liberté d’indifférence comprise comme libre-arbitre.