En Isère, le double meurtre de Sarah et Saïda résolu vingt ans après
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En Isère, le double meurtre de Sarah et Saïda résolu vingt ans après
6 france 0123 Samedi 27 juillet 2013 Undoublemeurtrerésoluvingtansplustard Des expertises ADN ont permis de confondre le tueur de deux petites filles, à Voreppe, près de Grenoble Grenoble Envoyés spéciaux C ’est une infraction routière datant de décembre 2005 qui a fait basculer l’existence rangée de Georges Pouille. Jeudi 25 juillet, cet Isérois de 37 ans vivant en couple et père d’un enfant de 3 ans et demi, a été mis enexamenpour«assassinatet tentative de viol » en 1991 sur Sarah Syad, 6 ans, et pour le « meurtre » en 1996 de Saïda Berch, 10 ans. Il avait été interpellé mardi 23 juillet par les gendarmes de la section de recherche de Grenoble après que le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), dans lequel il figurait pour « conduite sous l’emprise de stupéfiants et défaut d’assurance», s’est avéré correspondre en tout point aux résultats d’expertises génériquesdes scellésdes deux crimes ordonnées en mars 2013, par la juge d’instruction Catherine Léger. « C’était l’expertise de la dernière chance. Nous en avons eu », a déclaré le procureur de Grenoble Jean-Yves Coquillat, jeudi, lors d’une conférence de presse. Les deux crimes ont pour théâtre Voreppe, dans la banlieue de Grenoble. Le 16 avril 1991, Sarah Syad, 6 ans, disparaît de l’aire de jeu de la cité HLM de Bourg-Vieux où elle vit. Son corps portant des traces de strangulation est découvert le lendemain dans des taillis d’un bois situé à 300mètres de son domicile. Les enquêteurs recueillent auprès du corps un emballage de mouchoirs en papier portant une empreintede pouce et des traces de sperme sur le chemisier de la fillette, mais leur analyse ne révèle rien. Depuis, les progrès de la biologie moléculaire et le fichage de George Pouille ont permis que ces deux scellés livrent son empreinte génétique. Le 24novembre1996, c’est Saïda Berch, 10 ans, qui s’évapore entre son domicile – une maison située en bordure d’une route nationale où elle vit avec sa mère et ses huit frèresetsœurs– etungymnasevoisin. Elle est retrouvée morte deux jours plus tard à un kilomètre de chez elle, dans un canal, étranglée avec son sweat-shirt. A l’époque, il est impossible de relever de l’ADN en milieu humide. Propriétaire d’un VTT gris clair, comme le jeune homme que plusieurs autres témoins assurent avoir vu auprès de l’enfant peu avant sa disparition, Georges Pouille est entendu par les gendarmes.Il démentalorsavoir vuSaïda. L’information judiciaire est close en 1999, faute d’éléments probants, avant d’être rouverte en février 2006 après un rapprochement avec l’affaire Syad. Alors que 960 personnes ont été fichées durant les investigations, les empreintes de Georges Pouille, auditionné comme simple témoin, n’ont jamais été relevées. Durant sa garde à vue dans le cadre de l’affaire Syad, GeorgesPouille a juré « sur la tête de son Le corps de Saïda Berch, 10 ans, étranglée avec son sweat-shirt, avait été retrouvé le 26 novembre 1996, gisant au bord d’un canal, à Voreppe (Isère). AFP fils » être étranger aux faits reprochés, avant d’offrir diverses versions, selon le procureur. Il a notamment raconté avoir découvert Sarah alors que deux hommes se tenaient devant son cadavre, et avoir palpé sa carotide pour vérifier si elle était encore en vie. Mais ellene l’était plus. Puis, il a dit avoir rencontré l’enfant par hasard dans le bois et avoir eu « un coup de folie ». A la juge d’instruction, il a indiqué que « le diable était entré Ilaindiquéàlajuge d’instructionque «lediableétaitentré en[lui]».Ilauraitalors jetélapetiteàterreet oubliécequ’ilavaitfait en [lui] ». Il aurait alorsjeté la petite à terre et oublié ce qu’il avait fait précisément ensuite. Il a dit ensuite s’être masturbé au-dessus de l’enfant morte, mais n’avoir pas voulu la tuer. Au sujet de l’affaire Berch, il a raconté que Saïda lui avait demandé de lui prêter son vélo – ce qu’il a fait –, avant de s’énerver lorsqu’elle a réitéré sa demande. Il l’aurait alors frappée à la tête, étranglée avec le sweat-shirt qu’elle portait, et déposée à proximité d’un canal. Sur la suite, il n’a guère de souvenir mais assure qu’il s’agissait d’un «accident ». «Mon client ne reconnaît pas les infractionstelles qu’ellessont qualifiées,a préciséau MondeMe Emmanuel Decombard, avocat de GeorgesPouille. Il ne nie pas s’être trouvésurles lieux,maispourlapremière affaire, il a dit au juge qu’il était “habité par le diable”. Et pour la deuxième, il assure que la fillette était vivante lorsqu’il est parti. J’ai demandé des expertises psychiatriquesdontlesrésultatsserontfondamentaux.» Durant toutes ces années, GeorgesPouille n’ajamaisquitté Voreppe. Atteint de la maladie de Steinert qui entraîne une dégénérescence des muscles, il boite, ne travaille plus et passe dans son voisinage pour n’être ni dangereux ni violent. « Il est très lourdement handicapé et se déplace très peu. Il a tué des enfantsqui lui étaient proches et dont il connaissait la famille », a déclaré M. Coquillat écartant ainsi le rapprochement avec d’autres affaires de meurtres de mineurs non résolues en Isère. Selon le parquet, Georges Pouille était un proche de certains frères des deux victimes et avait confié son fils en nourrice à la mère de l’une d’elles. p Patricia Jolly et Benoît Pavan Même après des années, l’expertise ADN permet de résoudre des crimes difficiles PLUSIEURS AFFAIRES criminelles ont été résolues ces dernières années grâce à l’ADN, molécule qui codifie le patrimoine génétique unique de chacun et permet d’identifier un individu avec certitude. Parfois l’identification survient plusieurs années après le crime, comme c’est le cas pour cet homme de 37 ans, arrêté mercredi et confondu vingt ans après les faits par l’ADN retrouvé près des corps de deux fillettes. 16 avril 1996 Un architecte de 69 ans à la retraite est torturé avec une perceuse et tué avant d’être cambriolé à La Celle-Saint-Cloud (Yvelines). Michel Ambras, dont l’ADN a été relevé pour une autre affaire de vol, est confondu en 2010 – quatorze ans après les faits – par ses empreintes retrouvées sur le lieu du crime. Il est condamné à vingt-cinq ans de prison. 18 juillet 1996 L’adolescente britannique Caroline Dickinson est violée et tuée à Pleine-Fougères (Ille-et-Vilaine). Un sans-domicile fixe de 39 ans avoue, mais l’ADN le disculpe. Il confondra en revanche en 2001 – cinq ans après les faits – l’Espagnol Francisco Arce Montes, 55 ans, arrêté pour une autre agression à Miami, condamné en juin 2005 à trente ans de réclusion. 11 janvier 2002 Le corps calciné d’Elodie Kulik, 24 ans, est retrouvé le long d’une route à quelques kilomètres de Péronne (Somme). Un préservatif et un mégot près du corps permettent le relevé de deux empreintes ADN. Malgré d’intenses recherches dans les fichiers, il faut attendre 2012 – soit dix ans – pour qu’une expertise identifie un des agresseurs, Grégory Wiart, mort depuis dans un accident de voiture. Un autre homme accusé de l’agression, Willy Bardon, en attente de procès, est identifié par sa voix. Juin 2004 Trois meurtres – ceux de Jeanne-Marie Kegelin, 10 ans, Hedwige Vallée, 38 ans, et Julie Scharsch, 14 ans – sont commis dans le Bas-Rhin. Quatre ans après les crimes, le 2 octobre 2008, Pierre Bodein, 59 ans, multirécidiviste en liberté conditionnelle, est condamné à perpétuité après avoir été identifié par son ADN. 23 juillet 2006 A Séoul, Jean- Louis Courjault découvre dans son congélateur deux corps de nouveau-nés. Sa femme Véronique et lui nient être les parents de ces enfants mais le 10 octobre 2006, les expertises d’ADN prouvent le contraire. Le père a obtenu un non-lieu mais la mère a été condamnée à huit ans d’emprisonnement en juin 2009. 24 janvier 2013 Le corpsd’unejog- geuse est découvert sur un chemin à Courbessac, près de Nîmes, à demi dénudé et portant de nombreuses traces de blessures à l’arme blanche. Un cutter et deux pierres ensanglantées sont retrouvés à proximité. Moins d’une semaine plus tard, un Britannique de 32 ans est confondu par son ADN retrouvé sur ces objets. p Condamnationssymboliquespourles militantsde Générationidentitaire Les dix-neuf militants du mouvement d’extrême droite avaient occupé en mai la terrasse du siège du Parti socialiste, rue de Solférino L e 26 mai, en marge d’une importante manifestation contre le mariage homosexuel, l’occupation du toit-terrasse du siège du Parti socialiste, rue de Solférino, à Paris, avait été immédiatement revendiquée par le mouvement Génération identitaire. Jeudi 25 juillet, devant le tribunal correctionnel de Paris, l’action est soudain devenue orpheline. Aucune des 19 personnes interpellées cet après-midi-là n’a voulu reconnaître une quelconque responsabilité dans l’opération. Poursuivis pour « violation de domicile», une infraction passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, les dixsept garçons et les deux filles de 19 à 36 ans, ont fait profil bas et ont pour la plupart nié appartenir à ce mouvementqui s’était fait connaître en octobre 2012 en occupant la mosquée de Poitiers. Tous sont pourtant signalés comme membres de cette mouvance d’extrême droitepar les servicesde renseignement. Les uns après les autres, ils ont expliqué que ce jour-là, provinciaux perdus dans les rues de la capitale, ils sont passés « par hasard » rue de Solférino, ont constaté un attroupement, puis grimpé les barreaux d’une échelle sans savoir qu’elle était adossée au siège du parti majoritaire. Ils n’ont enfin découvert qu’après-coup le slogan « Hollande démission » sur la banderole. Une défense qui a donné lieu, pendant près de huit heuresde débat, à quelques échangescroquignolesquesavec le président du tribunal, Jean-Christophe Hullin. « Je me suis laissé entraîner par un mouvement de foule, je n’ai pas réfléchi, je suis monté », a expliqué l’un d’eux. « C’est comme dans une fête, a renchéri un autre. Parfois la sono est là, on ne sait pas qui l’a montée. » Réplique du président, goguenard: « Mais en général, il y a un disc-jockey. Là, on ne l’a pas retrouvé.» Absence de « décence » Le magistrat a tout de même regretté l’absence de « décence intellectuelle» des prévenus. « Ce n’est pas interdit d’appartenir à ce mouvement. Qu’est-ce qui vous gêne? » Il reprend: « Nous avons le sentimentquece qui a été bien réussi, c’est l’effet de surprise. D’où notre impression qu’il s’agit d’une action concertée. » « Aujourd’hui, ils ont tous avancé masqués », a déploré le procureur, en concédant la « gravité moyenne » des faits. « On a envie de leur dire : “Assumez, pourquoi masquer l’appartenance à cette mouvance?” » Ce sont finalement les sept avocats de la défense qui ont cherché à politiser le procès. « Nous sommes dans la disproportion », a pointé Me Frédéric Pichon, évoquant « une coloration idéologique » du procès et « un réquisitoire politique ». Me Isabelle Bredy a pour sa part dénoncé« des questions inquisitoriales» et « une procédure surréaliste » pour ce qui n’est, selon elle, qu’« une blague de potache ». Reconnaissant l’intentionnalité et le caractère organisé d’une action « voulue comme une action politique», le tribunal a condamné quinze prévenus à une amende de 500 euros avec sursis, trois à une amende de 500 euros et le dernier à une peine de 90 jours amende à 10 euros, soit 900 euros au total. p François Béguin