au sein de la minorité turque de Thrace occidentale (Grèce)
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au sein de la minorité turque de Thrace occidentale (Grèce)
NOTABILITÉ ET CONSTRUCTION ETHNIQUE au sein de la minorité turque de Thrace occidentale (Grèce) Jeanne HERSANT La minorité « musulmane » de Thrace occidentale a été exemptée de l’échange de population avec la Turquie en 1924, décidé par le protocole additionnel au traité de Lausanne 1. Cette minorité désignée comme « musulmane » dans le traité, était de facto reconnue comme turque jusqu’aux années 1960, jusqu’à ce que le contentieux chypriote fasse craindre l’irrédentisme turc aux autorités grecques. Aujourd’hui, la dénomination de ce groupe – conventionnellement présenté comme étant constitué de Turcs (turcophones), Tsiganes (turcophones) et Pomaques (locuteurs d’un dialecte bulgare) – est l’objet d’une lutte symbolique entre ses 1 Signé après la défaite de l’armée grecque à Izmir (1922), il délimitait les frontières de l’actuelle Turquie et, révisant le traité de Sèvres de 1920, il mettait fin aux ambitions européennes sur le territoire de l’ancien Empire ottoman. 120 Quelles hiérarchies sociales en Europe ? représentants et l’État turc d’une part, qui revendiquent la turcité de la minorité, et l’État grec de l’autre, qui promeut quant à lui l’expression d’une identité liée au dialecte pomaque. Il en va de même de l’évaluation numérique de la population musulmane, dans la mesure où les critères de religion et de langue maternelle ont disparu des statistiques grecques depuis le recensement de 1951. Dès lors, il n’est possible que d’estimer ou d’approcher le nombre de musulmans, notamment par le recours aux listes électorales 1. Ils seraient entre 100 000 et 120 000 et représenteraient la moitié de la population totale des départements du Rhodope et de Xanthi (Dalègre, 1997)2. Ce texte se propose de montrer « l’incorporation » du conflit étatique et la façon dont celui-ci se greffe sur des clivages sociaux préexistants, en les politisant. Il se transforme et prend pied dans la société sous la forme d’une lutte de positions entre groupes sociaux. Il est dès lors important d’abandonner les grilles de lecture en termes d’ethnicité pour se pencher sur les notables comme entrepreneurs sociaux. Il s’agit plus précisément 1 Sur les problèmes méthodologiques liés à l’absence de statistiques, on renvoie à l’article de Jeanne Hersant et Nepheli Yatropoulos (2007). 2 La Thrace occidentale « historique » (en référence à l’ancienne organisation administrative grecque) est composée d’un troisième département, l’Evros, frontalier avec la Turquie, dont les musulmans ont été « invités » à partir avant l’échange de population de 1924. Depuis 1994, la Thrace fait partie de la région (periphereia) Macédoine orientale-Thrace occidentale, qui compte cinq départements. Notabilité et construction ethnique 121 d’étudier les liens entre turcité – en tant que critère de différentiation sociale – et notabilité ; et de façon corollaire, de mettre en évidence la manière dont les différents groupes sociaux qui constituent la population musulmane se réapproprient la turcité. La difficulté est d’éviter que les catégories qui s’affrontent deviennent celles du chercheur. C’est pourquoi, d’une part, nous parlerons en général de population musulmane, en usant de guillemets lorsqu’il sera question de la dénomination officielle grecque de « minorité musulmane ». D’autre part, nous aurons recours aux caractères en italique lorsqu’il sera question de Turcs, en référence aux acteurs et promoteurs du mouvement identitaire, engagés depuis les années 1980 dans une mobilisation politique visant à faire reconnaître comme turque l’ensemble de la minorité par les instances européennes1. La turcité peut être comprise comme un référent idéologique, dans la mesure où les acteurs du mouvement identitaire turc se situent sans ambiguïté dans la sphère d’influence de la Turquie contemporaine. Mais il s’agira moins ici de définir la turcité en tant que construction intellectuelle liée au projet politique de la droite nationaliste en Turquie, que de considérer les attributs sociaux requis pour pouvoir se dire Turc 1 Ce procédé permet en outre de les distinguer des Turcs citoyens de la République de Turquie. Il est inspiré du travail de Charles Suaud (1997) qui distinguait la Vendée en tant que territoire géographique et entité administrative de la Vendée en tant que territoire investi d’imaginaires réfractaires à l’État. 122 Quelles hiérarchies sociales en Europe ? en Thrace occidentale, afin de comprendre en quoi la turcité est considérée comme synonyme de modernité. Qu’entendons-nous par notables dans le contexte étudié ? Les notables sont des médiateurs entre les musulmans, dont une partie ne parle pas le grec, notamment dans les zones rurales, et l’administration grecque. Leur statut social et leur puissance économique leur confère ce rôle (Tudesq, 1989 : 110). Ils bénéficient à la fois de bonnes relations avec le consulat turc de Komotini, et d’une bonne insertion dans les réseaux politiques grecs locaux, voire nationaux. Société majoritairement rurale1, la « minorité musulmane » constitue une société patronnée2 où la figure du notable et les rôles sociaux qui lui sont associés sont centraux. Nous nous attacherons par conséquent à montrer les systèmes locaux de production des notables. De façon corollaire, dans les représentations populaires s’opère une hiérarchie vis-à-vis de la figure du Pomaque, souvent associée à celle du villageois, réputé inculte. Ces processus de différenciation sociale sont perceptibles notamment à travers les stratégies scolaires adoptées. Le discours sur l’école et les revendications afférentes sont 1 La minorité musulmane est estimée rurale à 85 % et vit principalement de la monoculture du tabac. « Yunan adaylar cami kapõsõnda oy istedi » [Les candidats grecs prospectent à la porte des mosquées], Zaman, 7 mars 2004. 2 Cette expression renvoie à ce que Charles Tilly appelle un « répertoire d’action localisé et patronné » en référence à l’action protestataire en France et en Grande-Bretagne jusqu’au XIXe siècle (Tilly, 1984 : 99). Notabilité et construction ethnique 123 aussi le signe de la politisation de hiérarchies sociales préexistantes. À la croisée de ces logiques sociales et politiques, on envisagera le folklore comme un moyen de « domestiquer le sauvage de l’intérieur » (Certeau, 1980), représenté par la figure du villageois pomaque considéré comme n’étant pas assez turc. Les enquêtes ayant donné lieu à ce travail ont été réalisées entre août 2002 et septembre 2004 dans différentes localités des départements de Xanthi et du Rhodope, ainsi qu’en Turquie, principalement à Istanbul1. Elles sont complétées par une étude de la presse turcophone locale, à travers le dépouillement de l’hebdomadaire Gündem (Ordre du jour) entre août 2002 et septembre 2007. LA FIGURE DU NOTABLE Les systèmes locaux de production de la notabilité Deux systèmes d’intégration économique et de production de notables se croisent dans les départements du Rhodope et de Xanthi. Le premier 1 Plus précisément, des entretiens ont été réalisés avec cent vingt personnes, en Grèce, Allemagne et Turquie. Il s’agissait d’entretiens formels ou informels, individuels ou dans un cadre familial, plus ou moins approfondis. Ils ont été effectués en partie au cours de séjours dans des familles, ce qui permettait d’observer les interactions sociales de nos interlocuteurs. Une quarantaine de personnes ont été rencontrées à plusieurs reprises, souvent en Grèce et en Turquie ou en Grèce et en Allemagne. Une vingtaine d’entre elles étaient des interlocuteurs de référence, avec qui des contacts réguliers ont été établis, et qui nous ont introduit dans leur cercle de sociabilité. 124 Quelles hiérarchies sociales en Europe ? de ces systèmes s’est constitué autour des coopératives agricoles : au XIXe siècle et au début du e XX siècle, Komotini comme Xanthi ont dû leur essor économique au tabac, dont la culture et le commerce ont largement contribué au rayonnement urbain et à l’organisation de la vie sociale. Les notables traditionnels musulmans (agha) faisaient office d’intermédiaires avec les négociants « grecs » dans le processus de commercialisation du tabac (Dalègre, 1990 : 96). Alors que la production de tabac est le fait de petites exploitations musulmanes, les Grecs ont ainsi longtemps prédominé – c’est moins vrai aujourd’hui1 – parmi les négociants, puis les dirigeants des coopératives, celles-ci ayant peu à peu remplacé la médiation des agha. Un second système de production de notables peut être identifié, historiquement lié aux institutions communautaires2 et à la « turcité » ; c’est principalement un système urbain, organisant la cooptation au sein de la bourgeoisie commerçante et des lettrés. Ces deux 1 Pour une présentation détaillée de l’organisation contemporaine du commerce du tabac à travers les coopératives, on dispose de l’étude d’Aydõn Ömero lu (2005). 2 Parmi les rôles incarnant la notabilité au sein des institutions communautaires (cemaat) pérennisées par le traité de Lausanne figure le mufti, et plus généralement les rôles de notables liés aux fonctions exercées au sein des comités de gestion de ces institutions (chargées notamment de l’entretien des écoles de la minorité et des mosquées). La fonction de président de ces comités de gestion, particulièrement, était une distinction sociale définissant l’interlocuteur des autorités grecques et le dépositaire de l’autorité publique à l’échelle de la « minorité ». Notabilité et construction ethnique 125 systèmes décrits coexistent dans leur dimension rurale et urbaine. La représentation politique des musulmans repose, au moins jusqu’aux années 1970, sur les notables issus de ces systèmes ; les mêmes hommes se présentaient à chaque élection législative pendant des décennies. Depuis les années 1980, les députés musulmans sont choisis en majorité parmi ceux qui ont un diplôme universitaire, sachant que les études supérieures sont alors réservées encore à la haute bourgeoisie. Ces députés sont d’ailleurs presque tous issus de cette bourgeoisie urbaine qui parle grec sans difficulté. Si les coopératives agricoles jouent toujours leur rôle, produisant des notables « chrétiens » et « musulmans », le second système ne passe plus par les institutions communautaires. Désormais, c’est la cooptation au sein des structures associatives qui « fait » les notables. En effet, les associations turques sont devenues dans les années 1980 le lieu exclusif de la prise de décision au sein des représentants de la minorité. En réaction à la mise sous tutelle progressive des institutions communautaires par les autorités grecques, les muftis ont fondé une structure dissidente et informelle, le Conseil consultatif de la minorité, qui rassemble les élus locaux, députés et présidents de ces associations. 126 Quelles hiérarchies sociales en Europe ? Les associations turques en Thrace occidentale Trois associations ont été fondées à la fin des années 1920 dans le but de promouvoir les idéaux de la révolution kémaliste : l’Union turque de Xanthi ( skeçe Türk Birli!i), l’Union des jeunes Turcs de Komotini (Gümülcine Genç Türk Birli!i)1 et l’Union des instituteurs turcs de Thrace occidentale (Batõ Trakya Türk Ö!retmenler Birli!i). Ces associations sont engagées depuis plus de vingt ans dans un bras de fer judiciaire avec les autorités grecques, qui les poursuivent en raison de la présence de l’adjectif « turc/turque » dans leur intitulé. Une quatrième association a vu le jour en 1982, l’Association des membres de la minorité diplômés de l’université (Batõ Trakya Azõnlõ!õ Yüksek Tahsilliler Derne!i) qui a choisi de ne pas comporter l’adjectif incriminé. Néanmoins, les notables de la minorité sont encore aujourd’hui en partie ceux qui, par leur fonction (les muftis) ou leur ascendance familiale, sont liés à l’histoire de l’administration des institutions communautaires. Étant donné l’inactivité de celles-ci depuis la dictature militaire (1967-74), et en raison d’un phénomène de professionnalisation politique, cette situation est en train de disparaître pour les élus locaux et députés. 1 Précisons que le nom de cette association se rapporte à la jeunesse (un des thèmes de prédilection de la rhétorique kémaliste) et non aux Jeunes Turcs, dont le nom en turc est une transcription phonétique de l’expression française (Jön Türkler). Notabilité et construction ethnique 127 Les critères de la notabilité La possession conjointe de plusieurs attributs sociaux caractérise la notabilité. Il faut tout d’abord « être turc », c’est-à-dire parler un turc qui ressemble grammaticalement, mais aussi par l’intonation, à celui qui est parlé dans la Turquie urbaine. Le turc parlé en Thrace occidentale, particulièrement dans les campagnes, est souvent considéré comme un « patois », un turc dévoyé et impur, par les lettrés et par les « exilés » (gurbetçi) installés en Turquie. Certains s’appliquent d’ailleurs à le parler sans qu’on puisse déceler leur accent. Il faut aussi être citadin, cela implique notamment de parler couramment le grec, mais aussi pour les femmes de ne pas porter le voile. Les notables sont aujourd’hui principalement des membres de professions libérales : depuis la fin des années 1980, les députés de « la minorité » ont quasiment tous été avocats ou médecins. Le statut de notable implique d’avoir fait des études supérieures en Turquie ou en Grèce. C’est même le principal signe distinctif dans la mesure où c’était chose rare jusque dans les années 1990, surtout pour les universités grecques dont deux musulmans seulement étaient diplômés dans les années 19701. Il faut en outre être inséré dans les 1 Lorsque l’enseignement supérieur a commencé à entrer dans les pratiques des musulmans, dans les années 1970, ceux-ci passaient comme les autres citoyens grecs le concours d’entrée à l’université, extrêmement sélectif : même pour les étudiants de langue maternelle grecque, ce concours représente deux à trois ans de préparation intensive en cours du soir. Ceux qui réussissaient avaient en général 128 Quelles hiérarchies sociales en Europe ? réseaux grecs locaux de prise de décision, mais aussi être coopté et accepté au sein des notables turcs, parmi lesquels le consul général de Turquie. Pour cela, l’engagement au sein des associations turques est décisif : les notables sont aussi pour la plupart dirigeants d’une de ces associations qui sous-tendent le mouvement identitaire. La possession d’un capital économique, ensuite, est déterminante, que celui-ci ait été transmis par héritage ou acquis. Ainsi, les rares entrepreneurs (jusqu’au début des années 2000, les usines dirigées ou possédées par des musulmans se comptaient sur les doigts de la main) se trouvent parmi les élus ou caciques locaux d’un des deux grands partis, PASOK1 et Nouvelle Démocratie. La notion de carrière politique est importante : les députés de la minorité sont des notables qui parachèvent l’établissement de leur rayonnement social par l’obtention d’un mandat de député. Pour autant, il ne faut pas négliger les « ressources extra-partisanes » (Fretel, 2004) des effectué une partie de leur scolarité dans l’enseignement secondaire grec et non dans les lycées de la minorité. Jusque dans les années 1990, cette stratégie scolaire semble avoir été adoptée seulement par la bourgeoisie musulmane dont les acquis sociaux l’incitaient à rester en Thrace. Au contraire, les étudiants musulmans issus de milieux populaires ou de zones rurales non mixtes étaient peu familiers de la langue grecque, et leurs familles préféraient souvent les envoyer en Turquie poursuivre leur scolarité plutôt que de les inscrire dans un lycée grec. Enfin, ceux qui échouaient au concours grec tentaient celui des universités turques, et pouvaient l’année suivante faire transférer leur inscription dans une université grecque, sans avoir à repasser aucun concours. 1 Panellínio Sosialistikó Kínima, Mouvement Socialiste Panhellénique. Notabilité et construction ethnique 129 notables turcs, notamment les activités associatives et les visites de courtoisie (misafirlik). C’est ce que montre le profil des principaux candidats turcs aux élections législatives de 2004, dont les trajectoires de notabilité passent certes par un mandat électif, et non pas par une trajectoire au sein d’un parti politique (Hersant et Yatropoulos, 2007). Enfin, les notables se distinguent par leurs pratiques sociales : ils sont les seuls citadins à investir l’espace villageois, comme on le verra plus bas. LE STIGMATE DU VILLAGEOIS Dichotomie spatiale et différenciation ethnique On observe une dichotomie spatiale dans la mesure où il y a assez peu d’interactions entre les musulmans ruraux et urbains. Seuls ceux de nos interlocuteurs qui ont des attaches familiales dans les villages s’y rendent régulièrement. Mais ils ne connaissent souvent de l’arrière-pays que le village dont ils sont eux-mêmes originaires. Quant aux autres, il leur est souvent plus naturel de se rendre à Istanbul, que dans les villages distants de quelques dizaines de kilomètres de chez eux, dont parfois ils ne connaissaient pas l’existence lorsque nous les mentionnions. À cela s’ajoute le fait que les chefs-lieux de département sont relativement coupés de leur arrière-pays, en raison du déficit de transports périurbains. Ainsi, les villages sont souvent mal desservis, même lorsque quelques kilomètres seulement les séparent de la ville. 130 Quelles hiérarchies sociales en Europe ? « Oubliés » des citadins, les villages constituent néanmoins ce qu’on pourrait appeler le fief des notables qui, eux, ont une très bonne connaissance de leur arrière-pays. Les notables, ou du moins les personnes mettant en œuvre une stratégie d’ascension sociale en termes de notabilité, se reconnaissent par leur pratique assidue du terrain villageois. Le rôle du notable est entre autres de faire le lien entre les campagnes et la ville, a fortiori lorsque des ambitions politiques sont en jeu. On attend d’un député qu’il rende des services à ses électeurs et administrés : une grande partie du temps de l’élu est consacré à les recevoir, à écouter leurs doléances, à enregistrer leurs demandes d’emploi ou à les assister dans leurs démarches administratives. On attend également du député qu’il rende des visites de courtoisie et qu’il soit présent aux cérémonies de mariage ou de circoncision. Par-delà le cloisonnement spatial, les codes sociaux et modes de vie sont fort différents entre villages et centres urbains, quand bien même une dizaine de kilomètres seulement les séparent. Ce cloisonnement s’accompagne d’une différenciation ethnique, le fait d’être « vraiment » turc étant associé par nos interlocuteurs au mode de vie urbain, et aussi à l’espace géographique de la plaine1. A contrario, 1 Par analogie avec le discours officiel en Turquie vis-à-vis des Kurdes, dans les années 1990, les Pomaques sont désignés en Thrace comme étant des « Turcs des montagnes ». Par ailleurs, sur l’usage de l’opposition plaine/montagne dans les représentations sociales pour stigmatiser ou au contraire valoriser certains groupes sociaux, on pourra se reporter à la thèse de Gilles de Rapper (1998). Notabilité et construction ethnique 131 être pomaque est relié au mode de vie villageois, un mode de vie confiné et très codifié, surtout pour les femmes. En dépit du discours en vigueur au sein du mouvement identitaire revendiquant la reconnaissance de l’ensemble de la minorité comme étant turque, les catégories de « Pomaques » et de « Tsiganes » continuent d’être significatives dans les représentations du sens commun, avec une connotation nettement péjorative. Les Tsiganes souffrent d’un stigmate universel. Quant au dialecte pomaque, il est le stigmate du köylü 1. Le pomaque est l’idiome de la sphère domestique et féminine. C’est aussi la langue de ceux qui sont dépourvus de capital culturel : les hommes qui le parlent le plus fréquemment sont ceux qui n’ont pas eu l’opportunité de poursuivre leur scolarité au-delà de l’âge obligatoire de seize ans. Leur connaissance du grec comme du turc est aléatoire. Inverser le stigmate pour obtenir la reconnaissance sociale La migration vers la ville est un moyen de se départir de ce stigmate, de se fondre dans la « macroethnie » (Roy, 1991)2 turque au sein de la minorité musulmane de Thrace occidentale. L’intégration urbaine des villageois se traduit souvent par l’abandon 1 Ce terme signifie littéralement « villageois », mais a le sens très clair de « péquenot ». 2 Pour plus de précisions sur l’usage qui en est fait dans ce contexte, on renvoie à l’article de Jeanne Hersant (2007). 132 Quelles hiérarchies sociales en Europe ? du parler pomaque, même dans la sphère privée, ainsi que de certaines pratiques vestimentaires. L’abandon du port du voile, pour les jeunes femmes, permet de se dissocier de l’ethos villageois et aussi d’éviter d’être stigmatisées par la population grecque. L’intégration urbaine se traduit ensuite par « l’inversion du stigmate » (Goffman, 1975), dans la mesure où les musulmans originaires des villages « pomaques » prennent grand soin de se démarquer de leurs habitants, parfois avec un profond mépris. Cahil (inculte, ignare, illettré) est un adjectif qui revient fréquemment dans la bouche de nos interlocuteurs à propos des villageois. Aynur vit aujourd’hui à Istanbul ; elle est née à Xanthi mais ses parents sont originaires du village d’Oreon : « Je refuse qu’on dise que je suis Pomaque. Nous sommes de vrais Xanthiotes. D’ailleurs, nous sommes parmi les premiers du village à être venus nous installer en ville. Ma mère est arrivée en ville lorsqu’elle était enfant, elle a été la première à retirer son voile. Nous avons toujours parlé le turc à la maison. Ma mère utilisait le pomaque seulement lorsque ma grand-mère ne comprenait pas quelque chose. Alors non, je refuse d’être traitée de Pomaque ! » Apprenant nos visites au village de Kendavros, Aynur s’offusque et s’inquiète : « Attention, tu vas écrire des bêtises dans ta thèse si tu écoutes ce que racontent ces gens-là. Ils sont incultes (cahil). Ils savent distinguer l’eau du feu, c’est tout »1. 1 L’entretien a été réalisé en mai 2003. Notabilité et construction ethnique 133 La turcité est en somme une mesure dans l’échelle des valeurs sociales communément partagées au sein de la population musulmane de Thrace occidentale, comme ailleurs cela pourrait être le fait d’être « occidental » ou « européen ». Effectivement, ces représentations se rejoignent : être Turc, c’est éventuellement être reconnu des représentants de l’État turc et se reconnaître dans l’héritage officiel de la Turquie, mais ce n’est pas pour autant vouloir être associé aux Turcs de Turquie. Être Turc de Thrace occidentale c’est aussi, justement, être « Européen » et non pas « Anatolien ». Ali est un jeune architecte de Komotini qui a épousé en Allemagne une jeune femme dont la famille est originaire de la même ville. Leurs amis furent choqués de l’attitude du jeune homme : le lendemain du mariage, ils décidèrent d’aller danser dans une boîte de nuit où les jeunes Turcs de Stuttgart ont l’habitude de se rendre ; Ali refusa absolument d’y aller, s’emportant contre les Turcs esmer, qu’il refusait de côtoyer 1. 1 L’adjectif esmer désigne les gens bruns de peau et de cheveux. C’est un simple qualificatif d’usage courant qui acquiert parfois, comme dans ce cas précis, une connotation péjorative renvoyant implicitement aux habitants des régions rurales d’Anatolie, voire aux Kurdes. Cet incident nous a été rapporté par l’une des amies de la mariée. 134 Quelles hiérarchies sociales en Europe ? LA POLITISATION DE LA DIFFÉRENCE SOCIALE À TRAVERS LA CATÉGORIE « POMAQUE » Une hiérarchie ethnique transposée en politique La revendication de l’identité turque de l’ensemble de la minorité par les acteurs du mouvement identitaire n’est pas sans contradictions, lesquelles expriment l’ambiguïté liée à la turcité en Thrace occidentale : appartenance ethnique ou nationale revendiquée, tout autant que statut social. Or, un statut social ne se partage pas, et le principe des hiérarchies sociales est de préserver dans la mesure du possible les avantages réels et symboliques (représentations positives et valorisantes de soi) des groupes sociaux les mieux dotés1. Ce souci de démarcation n’est a priori contradictoire qu’en apparence avec le fait de revendiquer la reconnaissance de l’identité turque de l’ensemble de la minorité, puisqu’il s’agit là de deux niveaux d’identification distincts. L’un est politique et dirigé contre l’État grec, l’autre concerne les différents aspects de la vie sociale. Pourtant, l’ambiguïté de ce souci de démarcation lié à des représentations populaires est qu’il est transposé au niveau politique. Ainsi, les villageois identifiés comme « Pomaques », même s’ils ne sont jamais 1 Pour une analyse de la façon dont la bourgeoisie cloisonne son espace social, on se reportera aux travaux de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot (1989). Notabilité et construction ethnique 135 nommés comme tels, restent considérés parmi les acteurs du mouvement identitaire comme « moins turcs » et donc soupçonnés de ne pas prêter suffisamment allégeance à la « cause turque », particulièrement en période électorale1. Par ailleurs, certains de mes interlocuteurs, m’expliquant qu’ils sont Turcs, se sentent obligés de préciser ce terme : il est alors fait allusion au fait d’être ou pas un « vrai Turc » ou un « Turkmène », ce qui réintroduit un niveau de distinction entre le fait d’être Turc, associé à une revendication d’ordre politique, et le fait d’être « réellement » et « authentiquement » Turc, avec une connotation racialiste se rapportant aux thèses officielles du nationalisme en Turquie. Ali voulut m’expliquer « l’origine des tribus turques »2, affirmant que celles qui se sont installées en Thrace occidentale se sont mélangées aux Slaves, et que certaines sont devenues chrétiennes sous l’Empire byzantin. « C’est pour ça que nous sommes blonds aux yeux bleus, nous sommes les öz Türkler », conclut-il3, appuyant son propos en direction d’un de ses camarades, comme lui blond aux yeux clairs. 1 Pour une analyse détaillée, on renvoie à l’article de Jeanne Hersant et Nepheli Yatropoulos (2007). 2 Sur l’historiographie officielle en Turquie, on peut se reporter aux travaux d’Étienne Copeaux (1997). 3 Öz indique une chose qui est conforme à ce qu’elle était à l’origine, en ayant une connotation liée à la pureté, à l’authenticité. 136 Quelles hiérarchies sociales en Europe ? L’école, enjeu de la délimitation de l’espace social des notables La posture des notables vis-à-vis de l’école, instrument de différenciation sociale par excellence, permet de mieux comprendre le contentieux lié au système scolaire de la minorité en Thrace occidentale, sur lequel se concentrent une grande partie des revendications liées à la turcité. Un institut de formation des instituteurs musulmans (EPATH)1 a été créé en 1968 à Thessalonique, et en 1977 une loi décréta que les diplômés de cette école seraient désormais nommés en priorité dans les écoles de la minorité. Cette institution a pour objectif de faire en sorte que les instituteurs musulmans aient une maîtrise correcte du grec, et surtout qu’ils soient formés en Grèce et non plus en Turquie2. De ce fait, les instituteurs de la minorité diplômés d’une université turque ne trouvent pas de poste à leur retour en Thrace. Largement boycottée depuis les années 1980 pour des raisons politiques, l’ EPATH ne forme plus que ceux qui n’ont pas les moyens ou la formation scolaire nécessaire pour aller étudier en Turquie, souvent originaires des villages de montagne de 1 Eidikí Paidagogikí Akadímia Thessálonikis, Académie Pédagogique Spéciale. 2 Afin de pourvoir aux besoins en enseignants dans les écoles de la minorité, en 1953, environ six cents étudiants de la minorité ont été reçus dans les écoles de formation des instituteurs en Turquie. Ils ont été nommés ensuite dans les écoles de Thrace à partir de 1960. Notabilité et construction ethnique 137 l’ancienne zone militaire fermée1. Les enseignants qui y sont formés sont ainsi réputés incompétents car ils seraient tous « Pomaques », ou en tout cas des villageois mal instruits. Les notables et acteurs du mouvement identitaire réclament une sélection plus attentive du personnel enseignant dans les écoles primaires de la minorité, sélection à laquelle ils seraient associés, pour que seuls les « vrais Turcs » soient accrédités. Pourtant, depuis les années 1990, ce sont principalement les établissements secondaires2 de la minorité qui sont désinvestis par les notables et la bourgeoisie, au profit des écoles publiques grecques, réputées de meilleur niveau3. Les stratégies scolaires n’ont en somme que peu à voir avec le discours sur l’école véhiculé par les représentants du mouvement identitaire turc. En effet, l’école n’est pas qu’un instrument de diffusion du sentiment identitaire turc sur le mode national4. Dans la mesure où l’ascension 1 Instaurée dans toute la région frontalière de la Grèce du Nord en 1936, cette zone s’est rétrécie autour de la Thrace occidentale à partir des années 1970, afin de protéger la frontière avec la Turquie. Elle n’a été supprimée qu’en 1996, sous la pression des instances européennes. 2 Le lycée Celâl Bayar de Komotini et le lycée Muzaffer Saliho lu de Xanthi, respectivement fondés en 1952 et 1966, regroupent le collège et le lycée du système français. 3 Parmi les plus jeunes de nos interlocuteurs, ceux qui avaient entre vingtcinq et trente ans en 2002, affirmaient avoir été les seuls élèves musulmans de leur classe, voire de l’établissement entier lorsqu’ils étaient scolarisés dans un lycée d’État. Ceux qui avaient entre vingt et vingt-cinq ans, en revanche, mentionnaient une vingtaine d’élèves musulmans dans l’établissement. Cette proportion a probablement crû davantage depuis. Pour plus de précisions, on peut se reporter aux travaux de Efie Plexoussaki (2005). 4 Les manuels scolaires des écoles de la minorité proviennent de Turquie ; les fêtes nationales turques y sont célébrées. 138 Quelles hiérarchies sociales en Europe ? sociale comme le maintien d’une position passent par le choix d’une stratégie scolaire, l’école fait partie des espaces sociaux à verrouiller, ou du moins à cloisonner. De fait, à Xanthi, les élèves du lycée Muzaffer Saliho lu de la minorité, déserté par les citadins, sont aujourd’hui principalement les élèves des villages de montagne, locuteurs du pomaque 1 . Un double jeu s’établit en somme entre d’une part la stratégie de distinction sociale opérée par la bourgeoisie et les notables turcs locaux, et d’autre part leur souci de scolariser le plus grand nombre2 et de conquérir « un front intérieur » jugé insuffisamment turc. D’ailleurs, en tant qu’acteurs du mouvement identitaire turc, les notables locaux ne réclament pas tant un système scolaire autonome du système étatique – qui joue un rôle central dans les stratégies d’ascension sociale3 –, que le droit de contrôler la définition légitime de la turcité dans la région, et en particulier dans « leurs » écoles, celles de la minorité. 1 D’après un entretien réalisé avec une enseignante de ce lycée. En 2003, elle était la seule enseignante formée en Turquie à avoir été recrutée depuis les années 1970 – signe d’apaisement des autorités grecques face à l’opposition virulente des acteurs de la scène turque à l’Académie de Thessalonique. 2 Nos interlocutrices dans deux de ces villages, Kendavros et Mykis, âgées de dix-neuf à vingt-cinq ans en 2003, avaient été déscolarisées à l’âge de douze ans, à l’exception de deux d’entre elles qui avaient poursuivi jusqu’à l’âge de quinze ans une formation religieuse en Turquie dans des lycées appelés imam-hatip. 3 Prenant acte des inscriptions de plus en plus nombreuses d’élèves musulmans dans les établissements d’enseignement secondaire publics, le ministère de l’Éducation et des Cultes a mis en place, depuis la rentrée scolaire 2006, des cours facultatifs de langue turque dans cinq lycées de Xanthi et Komotini. La décision a été publiée dans le Journal Officiel n° 867 : « Devlet ortaokullarõna seçmeli Türkçe dersi » [Des cours de turc facultatifs dans les collèges publics], Gündem, 11 août 2006. Notabilité et construction ethnique 139 La création d’un folklore local Cette logique de conquête implique la re-création et la promotion d’un folklore local, lequel permet, à l’instar des stratégies scolaires adoptées par les notables locaux, de s’approprier l’espace villageois tout en maintenant les barrières nécessaires à la délimitation d’un espace social « réservé ». Les villages de l’ancienne zone militaire fermée sont érigés en conservatoires de l’authenticité turque en Thrace. Cette zone s’étendait pourtant jusqu’aux confins du département voisin du Rhodope, où il existe aussi de nombreux villages « pomaques ». Pourtant, l’imaginaire collectif turc se concentre sur le département de Xanthi. On peut interpréter cela comme une réaction à la stratégie menée par les autorités grecques, depuis les années 1990, afin de (ré)activer l’identité pomaque dans ces villages, peuplés exclusivement de musulmans 1. Le village de Mykis (Mustafçova) 2 incarne ce renouveau folklorique : les filles et femmes y sont toutes vêtues du costume traditionnel tissé à la main. C’est une étape incontournable pour les hommes politiques grecs ou turcs en visite dans la région, où ils peuvent contempler « l’essence » des traditions « turques » ou « musulmanes », selon l’État qu’ils représentent. 1 S’il existe des villages mixtes et d’autres non, la municipalité regroupant les villages en question, Mykis (Mustafçova), est la seule de toute la Thrace à être exclusivement peuplée de musulmans. 2 Il s’agit du nom du village compris dans le regroupement de communes éponyme. 140 Quelles hiérarchies sociales en Europe ? Le rituel est toujours le même : la personnalité à l’honneur se fait photographier au milieu d’une nuée de femmes et fillettes vêtues du costume traditionnel. Dans les années 1990, parallèlement à l’ampleur croissante prise par la question pomaque, les associations promouvant l’identité turque de la minorité ont investi les villages du département de Xanthi. On assiste ainsi à une volonté d’éducation des « Pomaques », notamment les femmes, qui se double de la création d’une sorte d’« exotisme » (Certeau, Julia et Revel, 1993) à travers la promotion de l’artisanat et du folklore local. Comment interpréter ce paradoxe ? Les villageois inspirent certes de la condescendance, voire du mépris aux notables turcs, selon une logique de différenciation sociale ; en même temps, les villageoises de Mykis sont la preuve vivante et visible de la présence musulmane et donc turque. Cela importe dans un contexte où les acteurs du mouvement identitaire stigmatisent « l’assimilation » des Turcs à la société grecque. Lors de l’une de nos conversations, nous avons fait part à Aynur, notre interlocutrice stambouliote, de notre étonnement lors d’un premier séjour dans la municipalité de Mykis, en voyant toutes les fillettes voilées. Pourtant hostile au port du voile, Aynur répondit spontanément que les femmes des villages portent le voile dès leur plus jeune âge « pour montrer qu’elles sont turques ». Nous lui avons alors fait remarquer que pourtant la prescription s’applique aux jeunes filles pubères, qui doivent dissimuler leur corps et leurs cheveux. « Tiens, je n’avais jamais pensé à cela », répondit Aynur surprise. Sa réponse initiale Notabilité et construction ethnique 141 illustre le réinvestissement de sens opéré par les acteurs associatifs turcs, au contact desquels Aynur a grandi 1. Liée à un fort conservatisme social, la pratique consistant à voiler les fillettes revêt ainsi une dimension noble : l’affirmation de l’identité turque des villageois. Les villages ont en ce sens une signification politique autant que sociale. C’est ce qu’on pourrait appeler, pour reprendre l’expression de Catherine Bertho (1980), « l’imaginaire de la province » à travers la fabrication d’un « stéréotype régional », reposant sur l’invention et l’entretien d’un folklore, c’est-à-dire les signes extérieurs d’une « civilisation rurale » (modes de vie paysans, costumes, coutumes, rites et superstitions). Conclusion En somme, deux formes symboliques de lutte des classements (Bourdieu, 1980 : 65) se jouent en Thrace occidentale : celle pour la reconnaissance de l’identité turque de la « minorité musulmane » et celle, concomitante, de la dévalorisation des composantes culturelles, notamment linguistiques, autres que celles subjectivement liées à cette identité turque. La mise à distance par l’exotisme et la fo lklorisation fait par ailleurs office 1 Ses parents et beaux-parents font partie des donateurs réguliers de l’Union turque de Xanthi, où elle a rencontré son futur mari lorsqu’elle était adolescente. 142 Quelles hiérarchies sociales en Europe ? d e marqueur social pour la bourgeoisie urbaine confrontée aux nouveaux arrivants issus de l’exode rural. D’autre part, cette lutte des classements fait partie du contentieux gréco-turc en Thrace occidentale. Pour Michel de Certeau, en effet, le folklore est une mise à l’écart symbolique de groupes sociaux contestataires. Or, la singularité des Pomaques, entretenue par les autorités grecques et ancrée dans les représentations sociales turques, est ainsi maîtrisée par l’exotisme. Notabilité et construction ethnique 143 Bibliographie BERTHO C., 1980. « L’invention de la Bretagne. Genèse sociale d’un stéréotype », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 35, p. 45-63. 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