les recherches sur le cancer
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LES RECHERCHES SUR LE CANCER >>> Lyphome humain et son identification à l’aide d’ anticorps monoclonaux une recherche transversale et allant jusqu’aux malades dossier On privilégie de plus en plus les recherches qui assurent un continuum du laboratoire jusqu’à la prise en charge des patients. >>> Georges DELSOL, Professeur de l’UPS, Il y a chaque année en France 300 000 protéines. L’objectif de la recherche en nouveaux cas de cancers. Cette maladie oncologie est d’identifier de nouveaux est responsable de 150 000 décès et marqueurs moléculaires associés au actuellement 800 000 personnes sont développement des cancers et suivies pour un cancer. Ces chiffres susceptibles de pouvoir servir de cibles expliquent pourquoi la lutte contre le pour la découverte de nouveaux cancer fait l’objet d’un soutien privilégié traitements innovants. L’évaluation de coordonné par l’Institut National du ces nouvelles molécules doit faire l’objet Cancer (INCa), dans tous ses aspects : d’essais cliniques obéissant à des prévention, dépistage, amélioration de la protocoles très précis. Directeur du CENTRE DE PHYSIOPATOLOGIE (CPTP), unité mixte Inserm/UPS et coordonnateur du « Cancéropôle Grand-Sud-Ouest) qualité des soins, formation en cancérologie et recherche. La tendance D’autres voies de recherche très actives actuelle est de soutenir des recherches impliquant à la fois des physiciens et de qui assurent un continuum du chimistes, concernent l’imagerie laboratoire à la prise en charge des appliquée à la détection des tumeurs. patients atteints de cancer. C’est la recherche que les anglo-saxons qualifient de « translational research ». Aujourd’hui, nous savons que le cancer est une maladie des gènes et des page 19 Contact : [email protected] dOSSIER Les recherches sur le cancer L’oncologie à l’Université Paul Sabatier Plus de 300 chercheurs permanents appartenant à 28 équipes différentes de l’UPS (et souvent unités mixtes avec l’INSERM ou le CNRS) travaillent dans les recherches sur le cancer. La compréhension des processus cancéreux fait schématiquement appel à trois approches : Les filières de formation L’université participe très activement à la formation et, en dehors des enseignements orientés vers l’oncologie médicale dispensés dans les facultés de médicine, la création récente d’un mastère (M2) de cancérologie souligne le souci de l’université de s’impliquer aussi dans l’enseignement des mécanismes plus fondamentaux. Cet enseignement s’appuie sur de nombreux laboratoires de recherche qui devraient se regrouper sur le futur « Cancéropôle-Langlade » page 20 > l’analyse des anomalies géniques et de la fonction des gènes. Ces anomalies sont responsables des propriétés des cellules cancéreuses, notamment l’instabilité génétique et la résistance aux traitements (cf article Ch Cazaux et B Ducommun), et de leur aptitude à se mobiliser pour donner des métastases. L’un des objectifs de la thérapie génique est de corriger le mauvais fonctionnement des gènes. Bien que le transfert des données expérimentales au traitement des patients se soit révélé plus difficile que prévu, plusieurs essais cliniques sont en cours et les équipes de recherche toulousaines ont acquis dans ce domaine une expertise reconnue, notamment dans la mise au point de nouveaux vecteurs (cf article Buscail, AC Prats). > l’analyse du protéome, c’est-à-dire de l’ensemble des protéines exprimées par les cellules cancéreuses. Le comportement anormal des cellules cancéreuses dépend in fine des protéines, qui sont les véritables effecteurs de l’oncogenèse et donc des cibles potentielles pour le traitement. Ainsi, les protéines kinases jouent un rôle prépondérant dans la communication intracellulaire et on essaie de trouver de nouveaux médicaments pour endiguer l’action de ces protéines qui jouent un rôle crucial dans la croissance de certaines tumeurs. De ce fait, la connaissance des voies de signalisation dans les cancers est une étape préalable à la découverte de nouvelles cibles pharmacologiques (cf article de G. Favre , B. Payrastre) ; > l’analyse du micro-environnement tumoral c’est à dire la réponse immunitaire et l’angiogenèse (la formation de nouveaux vaisseaux). Pour poursuivre sa croissance une tumeur doit se raccorder au système sanguin, ce qui lui permet de s’approvisionner en oxygène et nutriments. Plusieurs équipes s’intéressent aux facteurs intervenant dans l’angiogenèse dont dépend la croissance des tumeurs (cf. article H Prats et S Pyronnet). L’évolution d’un cancer est également conditionnée par la réponse immunitaire anti-tumorale. Une recherche transversale exemplaire impliquant des oncologues, des immunologistes et des chimistes vient de débuter. L’objectif est d’évaluer l’effet des dendrimères (molécules phosphorées) sur la stimulation des cellules immunitaires dans le myélome, une maladie hématologique en attente de traitement curatif (cf. article de M Attal et R. Poupott). Une équipe s’est par ailleurs spécialisée dans l’évaluation des nouvelles molécules, (cf. article de R. Bugat et J.-P. Delord). Contrairement aux chimiothérapies actuelles, cette nouvelle génération de médicaments ne devraient détruire que les cellules cancéreuses. Cet objectif présuppose l’étude des mécanismes généraux de la cancérogenèse et l’analyse des mécanismes qui sont spécifiquement impliqués dans tel ou tel type de cancers. La diversité des tumeurs malignes, leur sensibilité variable aux diverses chimiothérapies, leur aptitude à donner des métastases plus ou moins précoces, reflètent la complexité des mécanismes qui vont permettre à une cellule normale de devenir cancéreuse. Contact : [email protected] >>> Avec la construction du Cancéropôle-Langlade (vue aérienne) le site toulousain du "Cancéropôle GrandSud-Ouest" se positionne au plan national et européen. Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 5 dOSSIER Les recherches sur le cancer Affamer les tumeurs La prolifération des cellules cancéreuses nécessite le développement des circuits d’alimentation sanguine. Cette angiogenèse pourrait constituer le talon d’Achille des tumeurs. >>> Hervé PRATS, Professeur à l’UPS, chercheur dans le laboratoire « HORMONES, FACTEURS DE CROISSANCE ET PHYSIOPATHOLOGIE VASCULAIRE » Unité INSERM/UPS La formation du système vasculaire est une étape précoce du développement de l’embryon et débute par la formation des vaisseaux qui deviendront les artères et les veines. L’étape suivante, l’angiogenèse, permet alors la création de néovaisseaux par bourgeonnement des cellules endothéliales (cellules qui tapissent la paroi de tous les vaisseaux sanguins) à partir des vaisseaux préexistants. Cette étape vient en réponse à des signaux émis dans l’environnement du vaisseau. Chez l’adulte, l’angiogenèse s’observe lors du remodelage cyclique dans le système génital féminin ainsi que lors de la cicatrisation. Les autres événements impliquant l’angiogenèse chez l’adulte relèvent de phénomènes pathologiques et particulièrement les cancers. Les cellules qui constituent les capillaires tumoraux présentent une organisation imparfaite et expriment des marqueurs de surfaces particuliers. Ces néovaisseaux sont donc distincts des autres vaisseaux et ces différences constituent des cibles privilégiées pour des traitements anticancéreux. Bloquer l’angiogènese >>> Analyse par microscopie à fluorescence de cellules stimulées par un facteur angiogénique, le FGF-2 (1) : collaboration avec l’IPBS, unité UPS/CNRS (2) collaboration avec le LABORATOIRE DE BIOLOGIE ET PATHOLOGIE DIGESTIVE, unité INSERM/UPS En 1971, J. Folkman suggérait que la croissance tumorale et la progression métastatique étaient dépendantes de l’angiogenèse et que le blocage de celle-ci pourrait représenter une nouvelle stratégie pour stopper la croissance tumorale, faire régresser la tumeur et limiter la dissémination métastatique. Plusieurs laboratoires de l’UPS développent des recherches actives dans ce domaine. Et plusieurs voies de recherche sont suivies : la caractérisation des modes d’action des facteurs angiogéniques majeurs comme le FGF-2 ( Fibroblast Growth Factor) ou le VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor)(1). Par ailleurs, les mécanismes qui contrôlent l’expression de ces facteurs sont aussi activement explorés et particulièrement la traduction, une étape de l’expression génique encore largement méconnue. On s’intéresse aussi à décrypter le rôle d’un facteur peptidique et son récepteur caractéristique des cellules endothéliales en prolifération. Enfin, une de nos équipes page 21 a identifié une famille de facteurs de transcription (responsables de la modulation de l’expression des gènes) spécifiques des cellules endothéliales. Cibles thérapeutiques Tous ces facteurs sont donc des cibles thérapeutiques potentielles et la recherche et/ou la caractérisation d’inhibiteurs est programmée. Sur le versant des stratégies anti-angiogéniques et antitumorales, une nouvelle molécule, la fibstatine, montre une forte activité de blocage de la néovascularisation et de la croissance tumorale dans un modèle animal. On a aussi montré(2) qu’une hormone, la somatostaine, possède, dans certaines circonstances, des effets antitumoraux et antiangiogéniques. L’élucidation des mécanismes de cette activité sont actuellement en cours, de même que la mise en place de protocoles cliniques pour le traitement des cancers du pancréas. On a pu montrer aussi comment certains facteurs angiogéniques induisaient une résistance des cellules tumorales aux traitements radio-ionisants. En dernier lieu, il faut noter l’émergence de nouvelles stratégies de thérapie génique expérimentales dans le but de bloquer, par des cocktails d’agents anti-angiogéniques, la progression tumorale(2) L’ensemble de ces travaux montrent l’intérêt que de nombreux groupes de notre université portent au phénomène d’angiogenèse tumorale. Actuellement, ce domaine attire de nouvelles équipes qui souhaitent appliquer les résultats de leurs recherches ou de leurs expertises. Ce domaine présente le grand intérêt de concerner l’ensemble des cancers puisque la vascularisation est comparable, quelque soit la tumeur considérée. Ainsi, après les cancers digestifs qui ont constitué la base du projet retenu dans le cadre du Cancéropole Grand Sud-Ouest, de nouvelles études débutent sur les cancers de la prostate, du poumon, de l’os ou du cerveau. Contact : [email protected] dOSSIER Les recherches sur le cancer Les espoirs de guérison du myélome multiple Chimistes, immunologistes et cliniciens ont uni leurs efforts pour développer une thérapie efficace qui permettrait de guérir des malades atteints de ce cancer jusqu’ici incurable. >>> Rémy POUPOT, Maître de Conférences à l’UPS, au CENTRE DE PHYSIOPATOLOGIE (CPTP), unité mixte UPS/INSERM et >>> Michel ATTAL, Professeur à l’UPS, praticien des hôpitaux, au Service d'Hématologie, (CHU Purpan) Le myélome multiple est un cancer qui touche les cellules du système immunitaire, le système lymphoïde B. Il aboutit à la prolifération de plasmocytes (cellules sécrétant les anticorps) anormaux dans la moelle osseuse. Cette maladie fait 3 000 nouveaux cas par an en France. Jusqu’au début des années 90, la médiane de survie n’excédait pas 2 à 3 ans, sans aucun progrès depuis 30 ans. La pauvreté de l’arsenal thérapeutique explique ces résultats médiocres. L’association de traitements plus agressifs grâce aux autogreffes de cellules souches hématopoiétiques, et la découverte de 3 nouveaux médicaments actifs dans la maladie permettent d’élever aujourd’hui la médiane de survie à plus de 7 ans. Malgré ces progrès, la guérison reste encore exceptionnelle, justifiant la recherche de nouvelles stratégies thérapeutiques. Injecter des lymphocites >>> Structure tridimensionnelle d'un dendrimère phosphoré activateur de cellules tueuses naturelles humaines (1) : collaboration avec une équipe du Laboratoire de Chimie de Coordination, unité CNRS associée à l’UPS. page 22 La voie la plus largement étudiée concerne l’identification au niveau des plasmocytes malins de l’expression anormale de certains gènes afin de proposer des thérapeutiques ciblées. Le groupe toulousain a choisi une approche différente : agir indirectement sur l’environnement régulateur de la cellule plasmocytaire anormale. En effet, le système immunitaire exerce une régulation négative du clone plasmocytaire. Des études cliniques montrent que l’injection de lymphocytes T de donneurs allogéniques peut faire disparaître la maladie dans 20 à 30% des cas. On a aussi montré que l’administration de grandes quantités de lymphocytes provenant du patient lui-même diminue de moitié la rechute osseuse. De nombreux travaux chez l'animal ont démontré que l'injection d'un nombre suffisant de cellules de l'immunité innée inhibe le développement d'un myélome expérimental et que ces cellules immunitaires sont capables de tuer in vitro des lignées plasmocytaires et des plasmocytes de malades. L’injection d'un nombre suffisant de cellules tueuses naturelles (NK) provenant du malade pourrait donc inhiber le clone plasmocytaire malin. La conjonction des efforts de chimistes(1) synthétisant des molécules phosphorées de forme et de taille extrêmement particulière, les dendrimères, et des immunologistes qui démontraient leur aptitude à faire proliférer des cellules NK humaines en culture permettent d’envisager une telle approche. On peut actuellement obtenir en dix-huit jours de culture jusqu'à un milliard de cellules NK à partir d'un prélèvement sanguin qui n'en contenait que 2 millions ! A contrario, des cellules issues des cellules souches particulières nourrissent et protègent le clône tumoral. La mise en évidence d’anomalies fonctionnelles et d’une expression aberrante de certains de leurs gènes ouvrent ainsi la voie à des thérapeutiques ciblées du microenvironnement médullaire. Ces travaux réalisés grâce à une collaboration exemplaire entre les chimistes, les immunologistes et les services hospitaliers de Purpan portent l'espoir d'approches thérapeutiques radicalement nouvelles qui ne ciblent pas directement le plasmocyte malin mais, d'une part son environnement médullaire de soutien et d'autre part le système immunitaire capable de l'attaquer. L’application de ces techniques dans des situations de maladie résiduelle minime pourrait permettre d’envisager la guérison de cette maladie encore incurable. Contacts : [email protected] et Ré[email protected] Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 5 dOSSIER Les recherches sur le cancer Quand les cellules apprennent à lutter contre les tumeurs Les thérapies géniques et les thérapies cellulaires gagnent en efficacité dans la lutte contre les cancers. >>> Louis BUSCAIL, Professeur à l’UPS et chercheur au LABORATOIRE DE BIOLOGIE ET PATHOLOGIE DIGESTIVE, unité mixte INSERM/UPS La thérapie génique des cancers est fondée sur le transfert de gène(s) thérapeutique(s), l’ADN devenant un véritable médicament. Le premier problème est de choisir le ou les ADN thérapeutiques qui devront remplir un certains nombre de conditions; être le plus spécifique possible du cancer à traiter, provoquer une inhibition de la prolifération tumorale, induire la mort des cellules tumorales et surtout produire un effet de diffusion thérapeutique à partir des cellules «transduites» vers les cellules tumorales adjacentes. En effet, que le transfert de l’ADN médicament se fasse in vivo (injection directement dans la tumeur) ou ex vivo (à partir de cellules humaines transduites in vitro puis ré-injectées dans le tumeur) le taux de cellules « touchées » sera faible et l’effet de diffusion thérapeutique est donc capital. Outre la recherche d’un effet thérapeutique, se pose celui de la sécurité. L’ADN médicament est en effet transporté par des vecteurs (viraux ou synthétiques) qui vont guider l’ADN de la membrane cellulaire vers le noyau en espérant une expression forte et durable. Mais certains vecteurs viraux présentent eux-mêmes un risque oncogénique. >>> Anne-Catherine PRATS, Directeur de recherche INSERM au laboratoire « HORMONES, FACTEURS DE CROISSANCE ET PHYSIOPATHOLOGIE VASCULAIRE », unité mixte INSERM/UPS. Eduquer les cellules Dans la thérapie cellulaire, la cellules devient «vecteur thérapeutique» quand elle est transduite pour produire des protéines antitumorales. Mais elle peut être éduquée à la destruction spécifique des cellules cancéreuses quand elle est sensibilisée à un antigène tumoral (principe des cellules dendritiques). Elle devient alors un vecteur « intelligent ». Les équipes toulousaines se sont doté des structures nécessaires aux études pré-cliniques qui sont primordiales à ce type d’approche thérapeutique : «preuve du concept » sur des modèles de cancers les plus adaptés possibles, amélioration des outils vectoriels et de ciblage moléculaires. Un certain nombres d’équipes de recherche mais aussi d’équipes soignantes se sont lancées dans cet enjeu. Elles disposent d’outils tels que des animaleries protégées, une imagerie moléculaire in vivo et des laboratoires de confinement pour produire des vecteurs viraux. Les page 23 collaborations avec des partenaires locaux sont actives comme avec l’entreprise Cayla/Invivogen et le centre de thérapie cellulaire de l’Etablissement Français du Sang. Enfin, le direction de la recherche clinique du CHU et le Centre d’Investigation Clinique ( et sa récente antenne dédiée aux biothérapies) accompagnent les développements cliniques. >>> Transfert de gène in vivo à l’aide d’un adénovirus vecteur dans un modèle de cancer pancréatique (marquage bleu). (Photo : Pierre Cordelier) Plusieurs protocoles sont arrivées au stade de l’application clinique (en cours ou en dépôt auprès des instances réglementaires) : thérapie cellulaire de la douleur du patient cancéreux (Pr Y Lazorthes), Immunothérapie génique ex vivo du cancer du foie (Dr J-M Péron, Pr B. Couderc, Pr J-P Vinel), thérapie génique in vivo du cancer pancréatique (Pr L. Buscail). D’autres approches sont à un stade pré-clinique comme le transfert multiple de gènes à activité anti-angiogénique (Dr A-C Prats) ou la thérapie cellulaire adjuvante de la greffe de moelle pour le traitement du myelome (Pr M. Attal, Dr P. Bourin). En parallèle, il faut signaler l’effort de formation, pas seulement dans les modules de formation initiale (masters en particulier), mais aussi sous forme d’une université d’été de thérapie génique. Le défi doit être relevé, car les biothérapies rejoindrons sans aucun doute l’arsenal thérapeutique du cancer dans les 10 ans à venir. Contacts : [email protected] et [email protected] dOSSIER Les recherches sur le cancer Comprendre le langage des cellules pour stopper le cancer La compréhension fine des cascades de signaux intracellulaires qui conduisent aux cancers permet d’envisager des traitements ciblés, moins nocifs que les traitements actuels. >>> Gilles FAVRE, professeur à l’UPS CENTRE DE PHYSIOPATOLOGIE de Toulouse Purpan (CPTP), unité mixte UPS/INSERM >>> Equipe de Bernard PAYRASTRE, Directeur de recherches CNRS, CENTRE DE PHYSIOPATOLOGIE de Toulouse Purpan (CPTP), unité mixte UPS/INSERM Les mécanismes de cancérisation sont liés à des anomalies de la communication inter et intracellulaire. Les grandes fonctions cellulaires, en particulier la prolifération et la survie des cellules, déréglées lors des cancers, sont en effet orchestrées par des signaux intracellulaires très contrôlés, organisés en réseaux complexes faisant appel à de nombreuses enzymes, protéines adaptatrices et lipides spécialisés. Or, ces dernières années des avancées considérables ont permis de mieux comprendre certains mécanismes d’intégration, de propagation et de spécificité des signaux intracellulaires. Les interventions thérapeutiques ciblant spécifiquement des relais de signalisation intracellulaire, dérégulés dans les cancers, suscitent un grand intérêt. L’enjeu est de développer de nouveaux médicaments beaucoup plus spécifiques des cellules tumorales que les chimiothérapies actuelles. L’objectif est de tuer sélectivement les cellules tumorales pour diminuer la toxicité des traitements. Un des premiers relais de signalisation identifié a été l’oncogène RAS. Sa découverte a ouvert la voie à la conception de molécules inhibitrices de son activité et aux premiers essais de traitement ciblés. De plus, on pouvait, pour la première fois envisager de caractériser la présence de mutations de l’oncogène RAS dans les tumeurs pour prédire la réponse thérapeutique. Bien que les résultats cliniques soient encore peu convaincants, ces travaux ont permis de développer le concept de « thérapies à la carte ». Thérapies à la carte >>> Co-localisation d’acteurs clés de la signalisation. Ici on peut visualiser la colocalisation d’un lipide bioactif, (PI5P), de la kinase Akt sous sa forme activée et de structures d’actine en anneau dans des cellules HeLa, au repos (R) ou stimulées (S) dans un contexte bien particulier. page 24 L’identification des mécanismes clés des processus de transformation cellulaire représente donc un enjeu majeur pour le développement de molécules permettant de moduler spécifiquement une ou des voies de signalisation dérégulées. Cependant, l’utilisation rationnelle de ces inhibiteurs, en augmentation constante, suppose l’identification rapide de l’ensemble des relais dérégulés chez chaque patient. Ainsi, l’analyse moléculaire des tumeurs devient un élément déterminant dans la conduite des traitements. Un traitement personnalisé associant une combinaison de molécules choisie pour inhiber les relais de signalisation dérégulés chez chaque patient est envisageable à moyen terme. Actuellement les relais de signalisation les mieux connus et les plus étudiés sont probablement les protéines et lipides kinases qui sont fréquemment mutées ou surexprimées dans les cancers, conduisant à leur hyper-activité. La pertinence des stratégies thérapeutiques visant à inhiber ces kinases dans les traitements anti-cancéreux est illustrée par l’inhibition de l’activité tyrosine kinase portée par l’oncogène BCR-ABL responsable des leucémies myéloïdes chroniques. Cet inhibiteur, le Glivec, permet aujourd’hui de guérir des patients atteints de cette maladie jusqu’alors incurable. Néanmoins, les cellules traitées par ces inhibiteurs développent fréquemment des mécanismes de résistance souvent mal compris. Dans de nombreux cas, une meilleure connaissance des voies de signalisation où sont impliquées ces cibles thérapeutiques pourrait permettre de prévoir ces résistances et d’adapter le traitement en conséquence. Une recherche fondamentale permettant d’identifier de nouveaux mécanismes moléculaires, souvent extrêmement complexes, et de nouvelles cibles pharmacologiques reste un enjeu majeur des prochaines années. La perspective d’améliorer les traitements anticancéreux passe donc par une meilleure compréhension des processus fondamentaux de régulation des cellules normales et transformées. Contacts : [email protected] et [email protected] Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 5 Les recherches sur le cancer dOSSIER Les enjeux de la recherche clinique en cancérologie >>> Jean Pierre DELORD, PH, médecin spécialiste de centre et Roland BUGAT, Professeur à l’UPS, praticien des hôpitaux, Directeur du Groupe de pharmacologie clinique expérimentale des médicaments anti-cancereux. Equipe d’accueil de l’UPS. >>> Exemple de nouvelle cible thérapeutique : le domaine catalytique du récepteur au facteur de croissance des épidermes(EGF-R). Les progrès réalisés dans le domaine de la connaissance fondamentale du vivant ont mis en évidence le rôle de nombreuses cibles (essentiellement des protéines) dans les étapes précoces ou différées de l’oncogénèse humaine. Les progrès simultanés de la chimie structurale et du « drug design » ont conduit au développement clinique précoce de nombreux « candidats médicaments » dont le principe d’action est radicalement différent des molécules de chimiothérapie traditionnelle. Ces candidats médicaments peuvent inhiber de façon totale ou partielle l’activité, préalablement identifiée, d’une protéine, d’une fonction biologique ou d’une voie métabolique dans sa globalité. C’est à ce titre qu’elles sont dites ciblées. Ce ciblage peut concerner préférentiellement (mais ce n’est pas toujours le cas) le métabolisme tumoral et épargner les tissus sains. Dotées dès lors d’un index thérapeutique plus favorable, ces thérapeutiques ciblées vont vraisemblablement rendre progressivement archaïques les chimiothérapies cytotoxiques conventionnelles. Le développement clinique de ces molécules fait entrevoir dès lors une pratique de l’oncologie médicale radicalement différente de celle que nous avons connue jusqu’à présent. Les traitements prescrits pourraient tous devenir parfaitement adaptés aux mécanismes mis en jeu dans l’oncogénèse de telle ou telle tumeur, ces mécanismes seront d’ailleurs mis en évidence par les moyens modernes du diagnostic « biopathologique », ajoutant à l’évaluation morphologique traditionnelle des tumeurs, les résultats de l’expertise protéique ou génétique. Cependant, un certain nombre de défis doivent encore être relevés. page 25 Défis pour des traitements radicalement différents L’un de ces défis concerne la méthodologie même de la recherche clinique. Il n’est désormais plus nécessaire d’envisager des phases I traditionnelles qui, pour trouver la posologie « utile » des cytotoxiques, avaient pour objectif d’atteindre la « dose maximale tolérée » par les patients. Les molécules ciblées doivent être développées en évaluant d’autres paramètres, en particulier celui de la « dose biologique efficace » paramètre complexe à renseigner. Cette nouvelle exigence nécessite de développer, parallèlement à l’expertise clinique et radiologique traditionnelle, de nouveaux outils d’exploration tissulaire et métabolique. L’autre défi concerne le ciblage et la définition de groupe de patients dont la tumeur est classée, non plus selon des critères cliniques et anatomopathologiques traditionnels, mais selon des critères biologiques ou moléculaires signant la « dépendance » de cette tumeur vis-à-vis de tel ou tel oncogène. La recherche en transfert doit donc se donner les moyens d’avoir un impact immédiat sur la recherche clinique. En effet, la validation en recherche clinique de la preuve expérimentale du concept (une cible/ une molécule) ne peut résister à la complexité des situations rencontrées en clinique que si nous nous donnons les moyens d’intégrer cette complexité. Parmi les efforts à déployer, l’accès à un réseau de tumorothèques compatibles, correctement annotées et associées à des moyens biostatistiques et bioinformatiques bien coordonnés est un pré-requis essentiel. C’est d’ailleurs un des objectifs du volet Recherche du Plan Cancer. Contacts : [email protected] et [email protected] dOSSIER Les recherches sur le cancer >>> Christophe CAZAUX, Professeur à l’UPS et directeur à l’Institut de Pharmacologie et de Biologie Structurale (IPBS) du département « Mécanismes de surveillance du génome », Unité mixte UPS/CNRS. >>> Bernard DUCOMMUN, Professeur Universitaire-hospitalier, et directeur du laboratoire de Biologie Cellulaire et Moléculaire du Contrôle de la Prolifération (LBCMCP), unité mixte UPS/CNRS. >>> Ces deux chercheurs ont été chargés par le CNRS d’animer la structuration scientifique du prochain centre de recherche du « Cancéropôle-Langlade ». A la source des cancers Une cellule devient cancéreuse à la faveur d’une erreur de recopiage de son génome. La connaissance des mécanismes de surveillance du génome ouvre de nouvelles pistes. Les informations nécessaires au bon fonctionnement de tout organisme vivant sont inscrites dans chacune de ses cellules et « annotées » dans un code génétique composé d’environ 3 milliards de cryptogrammes. Ces informations, portées par l’ADN, doivent être « photocopiées » fidèlement lors de chaque division cellulaire et chacun des exemplaires transmis correctement aux cellules filles. La moindre erreur dans ces processus conduit à une variabilité génétique qui, à l’image de ce qui est observé pour les virus, facilite la génération de sous-populations cellulaires variantes capables de proliférer de façon incontrôlée dans l’organisme (tumeurs) et éventuellement de s’adapter à la pression thérapeutique. Ces erreurs dans la duplication ou la transmission du matériel génétique proviennent notamment du fait que l’ADN d’une cellule est directement soumis à des dommages liés à l'exposition aux rayonnements ultraviolets et ionisants ou à des composés chimiques qualifiés de génotoxiques et que les mécanismes assurant sa répartition dans les cellules filles peuvent être intrinsèquement altérés ou perturbés par différents types de molécules. L’évolution a donc sélectionné des mécanismes très performants permettant la duplication efficace et contrôlée de l’ADN, la réparation de ses lésions, la transmission fidèle des deux lots de chromosomes et la coordination de ces évènements avec l’activité cellulaire globale. Les travaux de plusieurs de nos équipes portent sur l'étude de ces différents processus biologiques. Surveillance de la division cellulaire Une de ces unités de recherche s’intéresse ainsi aux protéines chargées de “surveiller ” fidèlement l’intégrité structurale du génome. Ces protéines sont des enzymes généralement impliqués dans les voies de réplication fidèle du génome, de réparation par excision de l’ADN endommagé ou bien de réparation par recombinaison génétique (mécanismes dits des “ 3R ”). Une autre unité étudie le contrôle du cycle cellulaire afin de mieux comprendre les rouages qui gouvernent la division et la mort des cellules et d’identifier les bases moléculaires de leurs perturbations pathologiques. Ces mécanismes mettent en jeu un ensemble complexe d’enzymes, qui grâce à leur faculté de modifier la structure d’autres enzymes, permettent à la cellule de prendre en compte les signaux >>> Chromosomes issus de cellules normales (à G) ou tumorales (à D). Le génome des cellules tumorales est caractérisé par de multiples réarrangements et anomalies génétiques extra- ou intracellulaires qui assurent la réalisation spatio-temporelle parfaite de la division et garantissent ainsi la ségrégation parfaite du matériel génétique. Le cancer peut être, à certains égards, considérée comme une maladie du matériel génétique et de la division cellulaire. Les mécanismes de surveillance du génome ainsi que ceux qui contrôlent le cycle cellulaire sont étroitement impliqués dans la réponse tumorale aux traitements et constituent des cibles thérapeutiques potentielles. Ce constat conduit les deux unités concernées à étudier avec des équipes de cliniciens l'implication de ces mécanismes dans l'apparition et la progression de la maladie, et à rechercher en collaboration avec des laboratoires privés et publics, de nouveaux composés actifs capables renforcer l’efficacité des prescriptions actuelles. À titre d'exemple, dans le cadre d’un programme labellisé par le Cancéropôle Grand Sud Ouest, un consortium de laboratoires académiques, hospitaliers et privés a mis en place un projet intitulé « l’instabilité génétique comme signature péjorative de la maladie ». Les connexions très fortes entre les mécanismes de contrôle de la division cellulaire et ceux de l'intégrité du génome rapprochent les travaux réalisés par ces deux unités qui ont proposé de se fédérer. Ce regroupement, qui s’inscrira dans la dynamique du futur Centre de Recherche Intégrée sur le Canceropôle de Langlade, a déjà attiré d’autres équipes qui s’intéressent à des aspects connexes comme l'étude de la structure nucléo-protéique du génome, la mort programmée des cellules en état de stress (apoptose) et l’expression des « gènes du cancer ». Contacts : [email protected] et [email protected] page 26 Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 5 La Recherche à l’UPS Le Potentiel de Recherche de l’Université Paul Sabatier se répartit sur 99 laboratoires, dont 80 reconnus au niveau national, la plupart unités mixtes avec le CNRS, l’INSERM, l’IRD, l’INRA, le CNES… Plus de 2000 chercheurs et enseignants-chercheurs et 1000 personnels technique et administratif travaillent dans ces laboratoires. 1450 doctorants sont inscrits à l’UPS, répartis dans 9 Ecoles Doctorales. Les grands domaines de recherche sont : > Biologie et Santé : 6 laboratoires mixtes, 6 unités INSERM, 14 EA ; 3 IFR. > Chimie : 5 laboratoires mixtes ; 1 unité CNRS, 1 EA ; 1 JE, 1 Fédération. > Mathématiques : 3 laboratoires mixtes et 1 Fédération. > Sciences Ecologiques : 3 laboratoires mixtes ; 1 Fédération. > Sciences Humaines et de Société : 6 EA, 1 ERT. > Sciences pour l’Ingénieur : 4 laboratoires mixtes ; 3 EA. 1 ERT, 2 Fédérations. > Sciences Physiques : 4 laboratoires mixtes ; 1 unité CNRS. 1 Fédération. > Sciences et Technologies de l’information et de la communication : 1 laboratoire mixte, 1 unité CNRS, 2 EA, 1 ERT, 1 Fédération. > Sciences de la planète et de l’Univers : 7 laboratoires mixtes. 1 Observatoire. > Sciences de la Vie : 8 laboratoires mixtes, 1 EA, 2 IFR. © P. DUMAS © OMP Pour plus de détails consultez : www.ups-tlse.fr rubrique "recherche" Les MASTERS à L’UPS rentrée 2006 Domaines de formation > sciences de la modélisation, de l’information et des systèmes (4 mentions) > sciences et techniques de la matière et de l’énergie (6 mentions) > sciences de l’univers (4 mentions) > sciences de la vie et de la santé (9 mentions) > sciences humaines et sociales (1 mention) > gestion (2 mentions) Le cursus master comporte en 2ème année une centaine de spécialités “ recherche ” et “ professionnelle ”. Un certain nombre de ces spécialités sont cohabilitées avec d’autres universités et établissements de la région toulousaine. Université Paul Sabatier