Revue 1992-2 - Centre de Droit Maritime et des Transports

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Revue 1992-2 - Centre de Droit Maritime et des Transports
72° ANNÉE - N° 3
JUILLET - AOÛT - SEPTEMBRE 1995
ISSN 1256 - 7590
REVUE DE DROIT
COMMERCIAL,
MARITIME, AÉRIEN ET
DES TRANSPORTS
Fondateur : Paul SCAPEL
Directeur honoraire : Louis SCAPEL
Directeur : Christian SCAPEL
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Rédacteur en chef : Jacques BONNAUD
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Secrétaire de Rédaction : Patricia RIOTTE
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(TRIMESTRIEL)
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450 F par an
Prix du numéro : 130 F
C.C.P. Christian SCAPEL
7200.13 M MARSEILLE
Administration et Rédaction :
28, Boulevard Paul-Peytral, 28
13006 MARSEILLE
Téléphone : 91. 33. 38. 29
Fax : 91.55.61.41
PRINCIPAUX COLLABORATEURS
Jean-Louis BERGEL
Professeur à la Faculté de Droit et de Science Politique d'Aix-Marseille III
Avocat au Barreau de Marseille
Pierre BONASSIES
Professeur à la Faculté de Droit et de Science Politique d'Aix-Marseille III
Jean CALAIS-AULOY
Professeur à la Faculté de Droit de Montpellier
Aboubacar FALL
Docteur en Droit - Avocat au Barreau du Sénégal
Jacques MESTRE
Professeur à la Faculté de Droit de Science Politique d'Aix-Marseille III
Pierre-Yves NICOLAS
Docteur en Droit
Roger PARENTHOU
Secrétaire Général Honoraire du Comité des Assureurs Maritimes de Marseille
Emmanuel DU PONTAVICE
Professeur à la Faculté de Droit, d'Économie et de Sciences Sociales de Paris
Martine REMOND-GOUILLOUD
Professeur de Droit Maritime et des Transports
Jean-Claude RICCI
Professeur à la Faculté de Droit et de Science Politique d'Aix-Marseille III
Richard SHAW
Solicitor - Londres
Alain TINAYRE
Avocat au barreau de Paris
Les Abonnements sont reçus à la "REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS"
28, Boulevard Paul-Peytral - C.C.P. Christian SCAPEL 7200.13 M MARSEILLE - N° C.P.P.A.P. 53155
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PRESSES UNIVERSITAIRES D'AIX-MARSEILLE
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Secrétaire de Rédaction : Patricia RIOTTE
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SOMMAIRE
DOCTRINE :
DROIT MARITIME : RETROSPECTIVE 1994/1995 (suite) :
- "Le droit international et le droit communautaire en 1994" par Pierre BONASSIES
- "Les nouvelles règles d'York et d'Anvers 1994" par Roger PARENTHOU
Annexes : York-Antwerp Rules 1994 - Traduction en langue française (Règles d'York et d'Anvers 1994)
JURISPRUDENCE :
DROIT MARITIME :
- TRANSPORT MARITIME - OPÉRATIONS JURIDIQUES ACCOMPLIES (OUI) - TRANSFERT DE LA DÉTENTION (NON) LIVRAISON (NON) : Cour d'Appel de Montpellier, Audience solennelle, Arrêt du 13 février 1995
Note : "Le moment de la livraison : suite et fin" par Jacques BONNAUD
- CLAUSE COMPROMISSOIRE - SAISINE DE LA JURIDICTION ARBITRALE - SAISIE CONSERVATOIRE POSTÉRIEURE
- FIXATION DU MONTANT DE LA CAUTION : Cour de cassation, Arrêt de rejet du 8 juin 1995
- TRANSPORT MARITIME - LOCALISATION DU DOMMAGE - TEXTE APPLICABLE : Cour de cassation, Arrêt de rejet du
20 juin 1995
Note Jacques BONNAUD
- TRANSPORT MARITIME - CLAUSE DE JURIDICTION - RECEVABILITÉ DE L'ACTION - FORTUNE DE MER (NON) :
Tribunal de Commerce de Marseille, Jugement du 3 mars 1995
DROIT AERIEN :
- TRANSPORT AÉRIEN - REDEVANCE POUR SERVICES TERMINAUX DE LA CIRCULATION AÉRIENNE - MODE DE
RÉPARTITION - EXCÈS DE POUVOIR (OUI) : Conseil d'État, Section du contentieux, Décision du 10 février 1995
- TRANSPORT AÉRIEN - DÉPENSES LIÉES AU CONTRÔLE DE L'ÉTAT - CALCUL DE LA REDEVANCE DUE PAR
CHAQUE COMPAGNIE - EXCÈS DE POUVOIR (OUI) : Conseil d'État, Section du contentieux, Décision du 10 février 1995
- TRANSPORT AÉRIEN - REDEVANCES DE ROUTE AÉRIENNE - CONDITIONS D'APPLICATION PAR ACCORD
MULTILATÉRAL - ARRÊTÉ DE PUBLICATION - LÉGALITÉ (OUI) : Conseil d'État, Section du contentieux, Décision du 22
juillet 1994
DROIT FLUVIAL :
- CONTRAT D'AFFRÈTEMENT FLUVIAL - RECONNAISSANCE DE DETTE (NON) - PRESCRIPTION (OUI) - POUVOIR
SOUVERAIN D'APPRÉCIATION : Cour de cassation, Arrêt de rejet du 9 mai 1995
DROIT ROUTIER :
- TRANSPORT ROUTIER INTERNATIONAL - DÉFAUT D'ARRIMAGE NON APPARENT - PRÉSOMPTION EN VERTU DE
LA CMR : Cour de cassation, Arrêt de cassation du 31 janvier 1995
- TRANSPORT ROUTIER - FAUTE ÉQUIPOLLENTE AU DOL (OUI) - DROIT DE LIMITER LA RESPONSABILITÉ (NON) :
Cour de cassation: Arrêt de rejet du 31 janvier 1995
- CENTRE PORTUAIRE D'ACCUEIL ROUTIER - PROCÉDURE JUDICIAIRE - ARRÊTÉ DE CONFLIT - NATURE DU
SERVICE - COMPÉTENCE ADMINISTRATIVE (OUI) : Tribunal des Conflits, Décision du 25 avril 1994
INFORMATIONS :
- Réglementation
Colloques, Séminaires, Congrès, Stages, Conférences
BIBLIOGRAPHIE :
- IMTM : Annales 1995
- Ouvrages récemment parus
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REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
DOCTRINE
DROIT MARITIME : RÉTROSPECTIVES 1994 / 1995 (suite)
Dans notre précédent numéro, nous avons publié le texte des interventions lors d'"Info IMTM 95"
(1) de Christian Scapel -"Le revirement de jurisprudence de la Cour de cassation en matière de clauses
attributives de juridiction"- et de Jacques Bonnaud -"Quelques décisions françaises dans le domaine des
transports maritimes"-.
Comme annoncé, nous publions dans le présent numéro, les interventions du Professeur Pierre
Bonassies et de Roger Parenthou consacrées au droit international et communautaire et aux Règles
d'York et d'Anvers 1994.
En annexe, nos lecteurs trouveront le texte des Règles d'York et d'Anvers 1994 en anglais car
c'est la seule version officielle et la traduction qui en a été effectuée par l'Association des dispacheurs
français.
LA REDACTION
(1) L'Institut Méditerranéen des Transports Maritimes publie les actes de cette réunion. IMTM, Immeuble CMCI, 2 rue Henri
Barbusse, 13241 Marseille cedex 01 - Tél. : 91.90.17.13 - Fax : 91.90. 01.62.
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
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LE DROIT INTERNATIONAL ET LE DROIT COMMUNAUTAIRE
EN 1994
par
Pierre BONASSIES
Professeur à la Faculté de Droit et de Science Politique d'Aix-Marseille
Un seul événement d'importance à noter en droit international en 1994 : c'est l'entrée en vigueur,
le 17 novembre, de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer, habituellement dénommée
Convention de Montego-Bay. Mais cette entrée en vigueur ne changera pas grand chose au droit positif.
La Convention n'a été ratifiée par aucune grande puissance, même si des États maritimes notables y
ont adhéré, tels le Brésil, l'Égypte, le Sénégal, la Tunisie, voire Chypre. Par ailleurs, cette Convention
est considérée comme exprimant le droit de la mer coutumier, et les principes et règles qu'elle inclut
sont déjà largement appliqués.
Pour le reste, aucune nouvelle grande convention maritime n'a été signée en 1994. L'O.M.I. et la
C.N.U.C.E.D. ont toutefois continué à préparer un nouveau texte sur la saisie des navires, texte destiné
à remplacer la Convention de 1952, à la suite de l'adoption de la nouvelle Convention de 1993 sur les
hypothèques et privilèges maritimes (sur cette Convention, voir les Annales 1994 de l'I.M.T.M.).
Pareillement, les travaux concernant la future convention sur la responsabilité des propriétaires de
navires transportant des substances polluantes (dite Convention H.N.S. : voir les Annales 1993 de
l'I.M.T.M.) se sont poursuivies à l'O.M.I., et il n'est pas impossible qu'un texte ne soit adopté au
printemps 1996.
C'est en revanche la stagnation totale pour ce qui est des Règles de Hambourg. Une nouvelle
ratification de ce texte est intervenue dans les derniers jours de 1993, celle de l'Autriche, portant le
nombre des États adhérents à 21. La Communauté Européenne, devenue l'Union Européenne, a, quant
à elle, semblé se désintéresser du problème. Un rapport établi par un cabinet britannique de consultants
à la demande de la Commission a conclu que la ratification des Règles de Hambourg changerait peu de
choses pour les chargeurs, - un point de vue depuis longtemps défendu par l'I.M.T.M. La Commission
n'envisage donc pas de mettre le problème à son ordre du jour, - en tout cas à brève échéance. La
réunion du Comité Maritime International à Sydney en octobre 1994 a été pleine d'intérêt, mais elle n'a
donné de résultats concrets qu'en ce qui concerne les Règles d'York et d'Anvers (sur ces résultats, voir
la communication exhaustive de Roger Parenthou).
En revanche, le droit communautaire a connu une activité importante, qu'il s'agisse d'arrêts de la
Cour de Justice ou de décisions de la Commission.
I. - L'APPORT DE LA COUR DE JUSTICE AU DROIT COMMUNAUTAIRE EN 1994
La Cour de Justice a rendu trois décisions, dont deux sont d'un grand intérêt, la troisième
apparaissant d'importance mineure.
Une première décision du 17 mai 1994 condamne toute discrimination dans les tarifs de pilotage
(Corsica Ferries Italia et Corpo Dei Piloti del Porto di Genova, DMF 1994, 664 ; Revue Scapel 1994, 93).
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Les tarifs de pilotage du Port de Gênes prévoyaient différentes réductions au tarif de base, et
notamment une réduction de 40% au profit des navires de lignes admis au cabotage maritime entre
ports italiens. Statuant à la suite d'une action portée devant les tribunaux italiens par la Compagnie
Corsica Ferries - laquelle aura bien mérité du droit communautaire - la Cour de Justice a vu dans la
discrimination ainsi établie un abus de position dominante, interdit par les dispositions de l'article 86 du
Traité de CEE.
La Cour observe d'abord que le port de Gênes peut être considéré comme "une partie
substantielle du Marché Commun". Bénéficiant du droit exclusif d'effectuer les services de pilotage
obligatoires dans le port de Gênes, la corporation des pilotes devait donc être considérée comme
occupant une position dominante au sens de l'article 86 du Traité de CEE. En appliquant des conditions
inégales pour des prestations équivalentes à ses partenaires commerciaux, elle exploitait de façon
abusive sa position dominante. Et le fait que ses tarifs aient été homologués par l'État italien était sans
conséquence, autorisant seulement à conclure qu'en permettant à la corporation des pilotes d'exploiter
sa position dominante de façon abusive, cet État enfreignait tout à la fois les dispositions de l'article 86
et celles de l'article 90 du Traité CEE.
Dans un arrêt du 5 octobre 1994 (Recueil 1994. 5145), la Cour de Justice des Communautés se
prononce définitivement sur la non-conformité au droit communautaire des taxes perçues sur les navires
transporteurs de passagers au port de Bastia. Jusqu'à la modification du régime antérieur par un décret
du 18 mai 1994, les navires effectuant le trafic France continentale/Corse étaient frappés d'une taxe
calculée par passager embarquant à Bastia, tandis que les navires effectuant le trafic Italie/Corse
étaient frappés de la même taxe, mais calculée par passager débarquant ou embarquant à Bastia.
Chacun se souvient que, dans un arrêt du 13 décembre 1989, la Cour de Justice des Communautés
avait exprimé, et de la manière la plus claire, ses réserves à l'égard du système ainsi appliqué (voir nos
observations, DMF 1991, 10), tandis que, dans un arrêt du 19 août 1992, la Cour d'appel de Bastia avait
condamné l'Administration des Douanes à rembourser les droits mal perçus (DMF 1993, 181 et nos
observations). La France ayant tardé à modifier son système de taxes sur les passagers, la Commission
des Communautés a introduit, le 3 août 1993, un recours contre la France, recours visant, en vertu de
l'article 169 du Traité CEE, à faire constater que celle-ci avait manqué à ses obligations
communautaires.
Dans son arrêt du 5 octobre 1994, la Cour de Justice constate effectivement que le système mis
en place par la France emportait manquement aux obligations qui incombaient à cet État en vertu du
Règlement 4055/86 du 22 décembre 1986. C'est en vain que, lors des ultimes débats, la France a fait
valoir qu'elle avait modifié sa législation dans le sens imposé par le droit communautaire. La Cour de
Justice ne prend en effet en considération, dans une action en manquement, que les faits existant au
jour de sa saisine, et ne tient pas compte du fait que, depuis cette date, il a pu être mis fin au
manquement. C'est en vain aussi que la France a fait valoir qu'en vertu du règlement 3577/92 du 7
décembre 1992 sur le cabotage national, les exigences du droit communautaire ne devaient s'appliquer
aux transports maritimes que progressivement. En effet, observe la Cour, ce règlement ne concerne que
l'accès des prestataires de services des autres États membres au cabotage maritime. Il ne définit pas le
régime qui doit être appliqué aux navires admis à ce cabotage.
La troisième décision rendue par la Cour de Justice en matière maritime, moins importante,
démontre surtout l'imagination extrême des juristes italiens. C'est un arrêt du 14 juillet 1994, où la Cour
de Justice déclare que ne porte pas atteinte au droit communautaire la législation d'un État membre
n'interdisant en haute mer le rejet de substances polluantes qu'aux navires portant son pavillon (Matéo
Peralta, DMF 1994, 668). Interdisant à tous les navires, sans distinction de nationalité, tout rejet
d'hydrocarbures dans les eaux territoriales et les eaux intérieures italiennes, une loi italienne du 31
décembre 1982 applique la même interdiction en haute mer, mais aux seuls navires battant pavillon
italien. Poursuivi devant le prêteur de Ravenne, le capitaine Peralta, commandant d'un navire citerne
battant pavillon italien, avait soutenu que la réglementation italienne était contraire aux dispositions du
droit communautaire. La Cour de Justice, saisie d'un recours préjudiciel de l'article 177 du Traité CEE,
n'a pas accepté l'argumentation développée par lui.
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
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Pour la Cour, le fait que seuls les navires italiens soient, en haute mer, soumis à l'interdiction de
toute pollution, ne peut constituer une discrimination contraire au Traité de CEE, "puisque la législation
italienne ne peut pas s'appliquer en haute mer aux bateaux ne battant pas pavillon italien", - une règle
contraignante du droit international venant limiter ici la compétence de l'État italien. Par ailleurs,
s'appliquant à tous les navires, qu'ils effectuent des transports internes à l'Italie ou des transports à
destination des États membres, la loi de 1982 n'apportait pas de restriction particulière, et condamnable,
à la liberté de circulation entre États membres.
II. - L'APPORT DE LA COMMISSION AU DROIT MARITIME COMMUNAUTAIRE EN 1994
La Commission, quant à elle, a rendu deux décisions d'une extrême importance en matière de
conférences maritimes. La première concerne le Trans Atlantic Agreement, ou TAA ; la seconde
concerne la Far East Freight Conference, ou FEFC. Il importe de présenter le contenu de ces décisions
avant de proposer un certain nombre d'observations.
1. La décision TAA a été rendue le 19 octobre 1994. Le TAA est un accord conclu en 1992 entre
la plupart des armateurs desservant l'Atlantique Nord, armateurs antérieurement membres des deux
conférences NEUSARA et USANERA, auxquels s'étaient joints certains armateurs indépendants. Son
objet était d'abord d'établir un tarif des taux de fret. Ce tarif n'était pas toutefois rigide. D'une part, la
possibilité est donnée aux membres du TAA de proposer des frets d'un taux inférieur au tarif (c'est
l'independant action du droit américain). D'autre part, des contrats de service à frets réduits pouvaient
être conclus avec de gros chargeurs.
L'objet du TAA était ensuite de régir un programme de gestion de capacité (capacity management
programm, - CMP), les membres de l'accord s'entendaient pour ne pas utiliser toutes leurs capacités
disponibles. Concrètement, les membres du TAA définissaient pour deux ans, par périodes de trois
mois, d'une part les capacités réellement disponibles pour chacun d'entre eux, et d'autre part la quantité
que chaque membre est autorisé à transporter. Quand cette dernière quantité était atteinte, l'armateur
concerné devait refuser de transporter le chargement qui lui était proposé, ayant toutefois la possibilité
d'affréter des slots auprès des autres membres du groupe.
Dans sa décision, la Commission a considéré que le TAA d'une part ne pouvait bénéficier de
l'exemption de groupe prévue par le règlement 4056, d'autre part ne pouvait non plus bénéficier d'une
exception individuelle telle que prévue par l'article 12, alinéa 4, du même règlement. Il n'est pas possible
de présenter ici tous les éléments de cette décision, laquelle comporte plus de cinquante pages. Aussi
nous bornerons-nous à en exposer les observations principales.
S'agissant du refus de l'exemption de groupe, la Commission le fonde essentiellement sur trois
raisons.
En premier lieu, pour elle, le TAA n'était pas une véritable conférence au sens du Règlement
4056. Pour la Commission, les conférences visées par le règlement 4056, ce sont les seules
conférences visées par le Code de la CNUCED. Et ce Code ne vise lui-même que les conférences
"traditionnelles", c'est-à-dire les conférences instituant un système strict, uniforme, de taux de fret. Or, le
TAA, prévoyant des contrats à taux réduits, comportait un système de taux non uniformes.
A la vérité, selon la Commission, le TAA dissimulait, derrière l'apparence d'une conférence, un
accord de tarifs entre une conférence et des indépendants. Un tel accord n'était pas couvert par le
Règlement 4056.
En deuxième lieu, le programme de réduction de capacité prévu par le TAA n'était pas non plus
couvert par le règlement 4056. Celui-ci (et l'on retrouve la même idée qu'exprimée ci-dessus) ne
s'applique qu'aux seules activités traditionnelles et normales des conférences maritimes, telles que
décrites dans le Code CNUCED. Certes, l'article 3 (d) du règlement 4056 vise, parmi les comportements
autorisés aux conférences, la "régulation de la capacité de transport offerte par chacun des membres",
mais, pour la Commission, "cette notion de régulation des capacités se comprend dans le contexte des
activités traditionnelles des conférences, visant à permettre l'offre d'un service régulier, fréquent et
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fiable". Elle ne vaut que "s'il s'agit d'ajustements à des fluctuations saisonnières ou conjoncturelles de la
demande ... elle ne vise pas des réductions ou des gels de capacité ... qui ne sont pas liés à
l'organisation ou à l'amélioration des services offerts".
Enfin, le TAA prévoyait la fixation des tarifs multimodaux. Or, pour la Commission, le règlement
4056 ne vise que les transports maritimes, et la fixation de tarifs concernant les segments terrestres
inclus dans un transport multimodal ne peut être couverte par ledit règlement. Aussi bien, le 11ème
considérant de l'exposé des motifs de ce texte indique clairement "qu'en matière de transports terrestres
organisés par les transporteurs maritimes, ceux-ci restent soumis au Règlement 1017/68". Et la fixation
de tarifs concernant les segments terrestres n'était pas non plus couverte par le règlement 1017/68 du
19 juillet 1968 sur les transports terrestres.
S'agissant du refus d'une exemption individuelle, la Commission le justifie en confrontant le TAA
avec chacune des quatre conditions inscrites, pour l'obtention d'une telle exemption, dans l'article 85-3
du Traité de CEE, texte auquel renvoie ici le règlement 4056 dans son article 11.
La première de ces conditions, c'est que l'accord concerné réalise une amélioration de la
production ou de la distribution ou la promotion d'un progrès économique ou technique. Mais, pour la
Commission, tel n'était pas le cas pour le TAA. Car la stabilité qu'il entendait établir n'était pas la stabilité
des taux de fret, fondement de la dérogation accordée aux conférences maritimes, mais "plutôt celle
d'une offre de services, c'est à dire le maintien des services et la survie des entreprises en place sur le
trafic, et la garantie dans la mesure du possible de leur bénéfice".
La seconde condition exigée par l'article 85 pour accorder une exemption à une entente, c'est que
celle-ci affecte une part équitable des bénéfices qui en découlent au profit des usagers. Or ce n'était pas
le cas du TAA, comme le montrent les augmentations de fret mises en place le 1er janvier 1993,
lesquelles ont été de l'ordre de 20 à 60% par rapport à 1992 sur une vaste gamme de produits, et les
nombreuses plaintes des chargeurs et transitaires reçues par la Commission.
La troisième condition de l'application de l'article 85-3 est celle du caractère indispensable des
restrictions inscrites dans l'entente. Mais, là aussi, tel n'était pas le cas pour le TAA. La Commission
observe ici, entre autres arguments, qu'aucun mécanisme de gestion de capacité n'avait été mis en
oeuvre sur le trafic États-Unis/Europe, alors que les sur-capacités y sont beaucoup plus évidentes que
sur le trafic Europe/États-Unis.
Enfin, pour bénéficier d'une exemption, une entente ne doit pas donner à ses membres la
possibilité d'éliminer la concurrence sur une partie substantielle des services en cause. Or, pour la
Commission, d'une part divers faits établissaient qu'il n'existait aucune concurrence réelle entre les
membres du TAA. D'autre part, la concurrence exercée par les armateurs indépendants non membres
du TAA, tel l'armateur Evergreen, n'était pas vraiment significative.
Pour conclure, la Commission constate que les conditions exigées par le règlement 1017/68 sur
les transports terrestres pour l'obtention d'une exemption individuelle n'étaient pas remplies par le TAA,
en tant que celui-ci incluait un tarif commun dans les transports terrestres.
2. La seconde décision rendue par la Commission est la décision Far East Freight Conference
(FEFC) du 21 décembre 1994. Cette décision est assez proche de la décision TAA, mais beaucoup plus
centrée sur les tarifs multimodaux institués par la conférence.
La FEFC gère les trafics de l'Europe de l'ouest vers l'extrême orient (Chine, Japon, Taïwan,
Corée, Singapour, Malaisie, Hong Kong, Viet Nam) et réciproquement. La conférence a édicté un
double tarif, un tarif concernant les opérations de transport maritime, - de bord à bord -, et un tarif
concernant les opérations de transport terrestre, - de chacun des ports couverts par la conférence à
chacune des grandes destinations de l'hinterland. Ce tarif terrestre est applicable aux chargeurs qui
confient à l'un des membres de la Conférence une opération de transport combiné, en lui laissant le soin
d'organiser le transport terrestre de pré-acheminement et de post acheminement (carrier haulage).
Cependant, tout chargeur est libre d'organiser lui-même le pré-acheminement de sa marchandise au
port de chargement (merchant haulage).
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
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La Commission a considéré que l'inclusion par la FEFC dans ses conditions de transport d'un tarif
applicable aux opérations de transport terrestre était contraire au droit communautaire. Pour justifier sa
conclusion, elle analyse d'abord les pratiques concernées pour conclure, ce qui était évident, qu'elles
apportent des restrictions importantes à la conférence et qu'elles affectent le commerce entre États
membres, répondant ainsi aux conditions d'application de l'article 85 du Traité de Rome. Elle observe
ensuite que les tarifs institués par la FEFC pour les transports terrestres organisés par elle ne pouvaient
bénéficier des exemptions accordées par le Règlement du 19 juillet 1968 à certains accords de fret. Ils
ne constituent pas des accords techniques, tels que visés par l'article 3 de ce règlement, mais des
accords entre petites et moyennes entreprises, tels que visés par l'article 4.
Pour la Commission, le système mis en place par la FEFC ne peut non plus bénéficier de
l'exemption accordée aux conférences maritimes par le règlement du 22 décembre 1986. Ce règlement
ne vise que les transports maritimes et ne s'étend pas aux transports terrestres, même liés à un
transport maritime. Et la Commission écarte ici tous les arguments de texte ou de raison proposés par la
FEFC. Enfin, comme dans sa décision TAA, la Commission s'interroge sur la possibilité de faire
bénéficier les accords FEFC d'une dérogation individuelle fondée soit sur l'article 85 du Traité de Rome,
soit sur le règlement de 1968 sur les transports terrestres. Mais là aussi, comme pour le TAA, il lui
apparaît qu'une telle dérogation n'est pas possible.
Il n'est pas établi que le fait de fixer collectivement les prix du carrier haulage améliore la qualité
des services de transports terrestres ou emporte un progrès technique réel. Il ne prend pas non plus en
considération les intérêts des usagers. Enfin, il ne présente pas un caractère indispensable, tel qu'exigé
par les règles du droit communautaire.
Sur ce dernier point, l'analyse est un peu plus serrée. Devant la Commission, les armateurs
avaient fait valoir que l'établissement d'un tarif de fret de bout en bout, - donc l'application d'un tarif
uniforme de fret aux transports terrestres -, était indispensable au bon fonctionnement de la conférence.
En l'absence d'un tel tarif, la concurrence que veut précisément éviter le système des conférences
maritimes risquait d'apparaître sur le secteur terrestre. La Commission voit là une allégation qui n'est
pas prouvée. Par ailleurs, elle observe qu'un autre moyen existe pour éviter la concurrence sur les
segments terrestres, c'est de créer un pool de cargaison ou un pool de recettes.
Pour finir, la Commission inflige aux entreprises membres de la FEFC des amendes, mais d'un
caractère beaucoup plus limité que dans l'affaire Delmas-Vieljeux, puisque ces amendes ne s'élèvent
qu'à 10.000 écus par entreprise (alors que c'est une amende de plus de 11.000.000 d'écus qui avait été
prononcée contre la Compagnie Delmas-Vieljeux).
En conclusion, nous observerons que l'affaire du TAA, comme celle de la FEFC ne sont pas
terminées. Dans ces deux affaires, les juridictions communautaires ont été saisies et le Tribunal de
première instance puis la Cour de Justice seront donc appelés à se prononcer. Déjà, le Tribunal de
première instance a rendu une décision préliminaire. Le 10 mars 1995, il a ordonné le sursis à
l'application de la décision TAA pour ce qui est des tarifs terrestres, et la Commission a fait appel de
cette décision. Par ailleurs, le TAA a prononcé sa dissolution, la plupart des armateurs membres de la
conférence se constituant en une nouvelle conférence, le TACA, - conférence qui a déjà des difficultés
avec la Commission.
3. Si l'on s'interroge maintenant sur les décisions analysées ci-dessus, il apparaît que la
Commission a maintenu en 1994 la grande rigueur qu'elle avait manifestée en 1993, dans sa décision
Comités armatoriaux.
Dans la décision TAA, cette rigueur se manifeste par une interprétation rigide, systématiquement
réductrice, des dispositions du règlement 4056. C'est ainsi que rien n'imposait à la Commission
d'adopter la conception très étroite de la notion de conférence à laquelle elle se réfère. Il est très
douteux que cette notion soit celle du Code de conduite. De surcroît, même si cela était, rien n'impose
au droit communautaire d'adopter la notion de conférence maritime inscrite dans le Code de conduite.
En 1986, quand le règlement sur les conférences a été adopté, le Code de conduite ne faisait pas partie
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REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
du droit communautaire, n'ayant été ratifié ni par la Belgique, ni par l'Irlande, l'Italie et la Grèce, - sans
parler du Luxembourg, aujourd'hui lui aussi État maritime.
Par ailleurs, rien, ni dans le règlement 645/79 du 15 mai 1979 concernant la ratification par les États
membres du Code de conduite de 1974, ni dans le règlement 4056, n'établit de liaison contraignante
entre la définition donnée des conférences maritimes par le Code de la CNUCED et la définition
communautaire des conférences.
S'agissant d'un autre point important de la décision, l'interprétation à donner aux termes
"régulation de la capacité de transport offerte à chacun des membres" de l'article 3 du règlement 4056,
on pourrait faire les mêmes observations. La référence de principe que fait la Commission au Code de
conduite et aux sources de celui-ci (rapport de la CNUCED publié en 1972) n'est nullement justifiée, et,
de surcroît, la lecture que la Commission donne des textes sur lesquels elle se fonde est souvent
contestable.
Enfin, le refus de la Commission d'autoriser, sur le fondement du règlement 4056, les tarifs
multimodaux, témoigne d'une même interprétation littérale des textes. Si, en effet, l'établissement de tels
tarifs n'est pas expressément inclus par le règlement 4056 parmi les actions autorisées aux
conférences, il n'est nullement prohibé par ce texte. Et, à interdire ces tarifs, on prive le règlement 4056
lui-même de son effectivité, eu égard au développement du transport multimodal transmaritime.
A la vérité, la volonté permanente de la Commission d'interpréter de la manière la plus rigoureuse
le règlement 4056. Pour la Commission, le primat unique du droit communautaire est l'interdiction de
tout accord restrictif de la concurrence. Toute exception à ce primat doit, dès lors, être interprétée de la
manière la plus restrictive possible.
On nous permettra de ne pas être pleinement en accord avec la Commission. Pour nous, une
autre analyse du droit communautaire de la concurrence est possible, l'analyse faite par la Commission
nous paraissant, de surcroît, méconnaître la spécificité du règlement 4056.
Dans notre opinion, le droit communautaire de la concurrence n'a pas la rigidité que la
Commission voudrait lui donner. Une lecture ouverte en est possible, comme le montre la comparaison
que l'on peut faire entre le droit communautaire et le droit des États Unis, - source de toute réflexion en
la matière.
En droit américain, la concurrence est considérée comme la condition impérative, voire absolue du
progrès économique. Sauf dérogation législative, - telle d'ailleurs la dérogation accordée aux
conférences maritimes -, aucune restriction à la concurrence ne peut bénéficier d'une exception à
l'interdiction prononcée par le Sherman Act. En droit communautaire, la concurrence est certes
considérée comme un moyen privilégié de progrès économique. Mais elle n'est qu'un moyen. Si la
nécessité l'impose, d'autres moyens peuvent être utilisés pour assurer ce qui est le but ultime de la
Communauté, à savoir non pas l'établissement d'un régime de concurrence, mais le développement
harmonieux des activités économiques dans l'ensemble de la Communauté (voir sur ce point nos
observations, Les fondements du droit communautaire de la concurrence : la théorie de la
concurrence-moyen, Mélanges Weill 1982, et, sur l'évolution du droit communautaire, notre
communication au Colloque de la CEDECE sur La Communauté et l'entreprise, Paris 1992, à paraître).
Cette acceptation de certaines restrictions à la concurrence par le droit communautaire,
acceptation dont les dispositions de l'article 85-3 sont l'indice le plus éclatant, peut aller très loin, en tout
cas en situation de crise. Par exemple, dans le secteur charbon-acier, le Traité de Communauté donne
à la Commission elle-même le pouvoir d'instituer des prix minima ou des quotas de production, pouvoir
qu'elle a largement utilisé dans les années 1980-1987, et ce alors qu'il s'agit là de restrictions
considérables à la concurrence. Dans un domaine très proche de celui des transports maritimes, en
matière de transports terrestres, le règlement 1017/68 prévoit dans le même sens que si le Conseil a
constaté un état de crise dans tout ou partie d'un marché de transport, des accords de nature à réduire
les perturbations du marché en cause, c'est-à-dire en fait là encore des accords de prix ou de quotas,
pourront être exemptés de l'interdiction de l'article 85 (article 6).
Aussi bien, la spécificité du droit communautaire de la concurrence par rapport à une théorie pure
de la concurrence a-t-elle été affirmée par la Cour de Justice elle-même dans un texte important, dont
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
91
on peut regretter qu'il soit passé quelque peu inaperçu, l'avis que la Cour a donné le 14 décembre 1991
sur le projet d'accord de création d'un espace économique européen (EEE) négocié par la Communauté
et les pays de l'AELE (Recueil 1991.6079). Ce projet ayant prévu la mise en place d'un système
juridictionnel propre, appelé à juger notamment des décisions prises, en matière de concurrence, par les
organes de contrôle de l'AELE, la Commission a saisi la Cour d'une demande d'avis sur la compatibilité
du projet avec le droit communautaire.
Dans son avis, la Cour a d'abord insisté sur la spécificité notamment du droit communautaire de la
concurrence. Elle observe qu'il résulte, tant des articles 2, 8 A et 1O2 A du traité de CEE que de l'article
1er de l'Acte Unique, que "les dispositions du traité CEE régissant la libre circulation et la concurrence,
loin de représenter une finalité en soi, ne sont que des moyens pour la réalisation" des objectifs du traité
(souligné par nous). Elle en a conclu que, ne respectant pas pleinement cette spécificité, le projet à elle
soumis était incompatible avec l'ordre juridique communautaire.
D'autre part, et c'est là la seconde raison qui, dans notre opinion, plaide en faveur d'une
application ouverte du droit communautaire de la concurrence en matière de transports maritimes, le
règlement 4056 présente un caractère original, - caractère qui, lui aussi, n'a pas été suffisamment
souligné. Ce n'est pas un texte qui met seulement en oeuvre la politique de concurrence. Il met aussi en
oeuvre la politique des transports maritimes. Il est en effet expressément fondé non seulement sur les
dispositions de l'article 87 du Traité de CEE, texte de base pour tout règlement du droit de la
concurrence, mais aussi sur les dispositions de l'article 84 paragraphe 2, fondement de la politique des
transports maritimes : "vu le Traité instituant la Communauté Économique Européenne, et notamment
ses articles 84 paragraphe 2 et 87", énonce-t-il aux premières lignes de son texte. Cela signifie, ou en
tout cas devrait signifier, qu'il y a lieu dans l'interprétation et dans l'application du règlement 4056 de
prendre particulièrement en considération les exigences du transport maritime communautaire.
L'idée que le droit communautaire de la concurrence peut, au delà de son unité de principe, se
diversifier selon le secteur économique en cause n'est nullement étrangère au droit communautaire. Le
droit de la concurrence du marché charbon-acier a sa spécificité, comme le droit de la concurrence des
produits agricoles. Quant à l'idée que l'application des règles de concurrence doit être orientée dans le
sens des politiques communautaires, elle n'est pas non plus nouvelle. Elle a été exprimée par la Cour
de Justice dès 1969, dans l'arrêt Walt Wilhelm (13 février 1969, Recueil 1969.1). Dans cette décision, la
Cour observe que "si (par le jeu de l'article 85), le traité vise, en premier lieu, à éliminer les entraves à la
libre circulation des marchandises dans le Marché commun, et à affirmer et sauvegarder l'unité de ce
marché, il permet aussi aux autorités communautaires d'exercer une certaine action positive, quoique
indirecte, en vue de promouvoir un développement harmonieux des activités économiques dans
l'ensemble de la Communauté, conformément à l'article 2 du Traité".
Et plusieurs décisions récentes de la Cour de Justice illustrent d'une manière tout à fait
remarquable cette idée. De ces décisions, nous ne retiendrons que la plus récente, et sans doute la plus
importante, un arrêt rendu le 5 octobre 1994 (République Fédérale d'Allemagne c. Conseil, Recueil
1994. 4973). La République Fédérale d'Allemagne avait contesté la validité d'un règlement adopté par le
Conseil en matière d'organisation commune des marchés dans le secteur de la banane, en arguant que
ce règlement portait atteinte au principe d'une concurrence non faussée, principe inscrit dans l'article 3
(f) du Traité de CEE. La Cour a rejeté le recours ainsi formé, en se fondant sur la primauté de la
politique agricole sur la politique de concurrence. Pour la Cour, "il convient de rappeler que
l'établissement d'un régime de concurrence non faussée n'est pas le seul objectif mentionné à l'article 3
du Traité, lequel prévoit aussi, notamment, l'instauration d'une politique agricole. Les auteurs du traité,
conscients de ce que la poursuite simultanée de ces deux objectifs pouvait se révéler difficile, à certains
moments et dans certaines circonstances, ont prévu, à l'article 42 1er alinéa du traité :'les dispositions
du chapitre relatif aux règles de concurrence ne sont applicables à la production et au commerce des
produits agricoles que dans la mesure déterminée par le Conseil ... compte tenu des objectifs (de la
politique agricole)'. - Sont ainsi reconnus tout à la fois la primauté de la politique agricole par rapport aux
objectifs du traité dans le domaine de la concurrence et le pouvoir du Conseil de décider dans quelle
mesure les règles de concurrence trouvent à s'appliquer dans le secteur agricole" (point 6O, texte
92
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
souligné par nous ; voir aussi, dans le même sens, les arrêts Reiff, 17 novembre 1993, Recueil 1993.
5801 et Delta Schiffahrts, 9 juin 1994, Recueil 1994. 2517, décisions qui établissent que, comme le
relève l'avocat général Darmon, "confronté à d'autres objectifs, l'établissement d'un régime de
concurrence non faussée passe au second plan", conclusions Reiff, point 32).
Mais l'article 3 mentionne pareillement, comme l'un des objectifs du Traité, "l'instauration d'une
politique commune dans le domaine des transports". La primauté que la Cour de Justice vient ainsi de
reconnaître à la politique agricole sur les règles de concurrence doit aussi s'exprimer en faveur de la
promotion de la politique maritime de l'Union Européenne.
*
Nous ne pouvons terminer cette brève présentation du droit communautaire sans évoquer le
problème des consortiums. Le 20 avril 1995, la Commission a en effet publié le règlement, tant attendu,
les concernant. De ce règlement il faudra reparler en 1996.
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
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LES NOUVELLES REGLES D'YORK ET D'ANVERS 1994
Par
Roger PARENTHOU
Chargé d'Enseignement à la Faculté de Droit et de Science Politique d'Aix-en-Provence
Les Règles d'York et d'Anvers 1994 ont été adoptées à la 35ème Conférence du Comité Maritime
International, qui s'est tenue à Sydney du 2 au 8 octobre 1994 (2).
Elles ont été prévues pour être applicables aussitôt que possible (as soon as ... dans le texte
anglais) après le 31 décembre 1994.
Nous aborderons successivement :
- Le contexte avant la révision ;
- Le contenu de la révision ;
- Une conclusion.
LE CONTEXTE
En quelque sorte savoir d'où l'on vient pour savoir où l'on va.
On rappellera que les Règles d'York et d'Anvers ne constituent pas une Convention Internationale,
même si elles sont pratiquement d'application mondiale.
Il s'agit d'une simple codification de la matière, mise à la disposition du commerce international.
Leur application est d'ordre contractuel, par la voie des dispositions des connaissements et /ou des
chartes parties.
Depuis 1864, date de l'élaboration des premières Règles d'York, le texte a été périodiquement
revu, corrigé, complété.
Le Comité Maritime International qui a pris la suite de l'International Law Association, a mis en
oeuvre sept révisions constituant ce que nous avons appelé comme autant de cures de jouvence (3).
Aucune Convention Internationale ne peut se flatter d'en avoir fait autant.
Mais on constate qu'à chaque fois que l'on a souhaité réviser, on s'est aussitôt posé la question :
ne faut-il pas abolir ?
Les détracteurs de l'institution ont parfois utilisé des termes virulents (4)..
Le langage des attaques n'a pas toujours été aussi vigoureux, sinon on se serait trouvé
rapidement devant deux espèces en voie de disparition : l'avarie commune et les dispacheurs!!!
En fait que reproche-t-on essentiellement à la procédure d'avarie commune, parfois à la notion
elle-même qualifiée de désuète : c'est difficile, long et coûteux.
On explique que le règlement des avaries communes est une opération notoirement compliquée
et absorbante dont le poids retombe en fin de compte sur les assureurs représentant les différents
intérêts.
(2) R. Parenthou, Réflexions autour de l'avarie commune avant le "lifting" de 1994, Revue de Droit Francais Commercial,
Maritime et Fiscal -Spécial 70ème anniversaire- janvier à mars 1994, p. 23 et suivantes.
(3),Ibid p. 23.
(4) Douglas Owen, Secrétaire de l'Alliance Insurance Company dans un mémoire lu au Lloyd's. C.H. Johnson, Thames and
Mersey Marine Insurance Company dans un mémoire lu à l'Insurance Institute de Liverpool - General average abolition - le 11
février 1925.
94
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
La tâche du règlement de ces avaries est si difficile -dit-on encore- qu'elle a une réputation bien
établie et qu'un corps spécialisé de dispacheurs hautement qualifiés sont occupés à ce genre de
règlements.
La tendance par ailleurs, au fil des années, a été non pas de restreindre mais d'étendre le champ
d'application ou la portée de l'institution.
On relèvera au passage que ce sont essentiellement les anglo-saxons qui sont allés dans cette
voie (cf. modifications de 1950 puis de 1990).
On fait aussi valoir que le gigantisme des navires et d'autres évolutions du transport maritime (les
conteneurs par exemple) auraient pour effet de compliquer exagérément le règlement des avaries
communes.
En sens inverse le transport des hydrocarbures, du gaz liquéfié ou d'une façon générale des
marchandises en vrac, ne met en cause qu'un nombre limité d'intérêts : navire et cargaison unique ou
quasi-unique.
Enfin, la liquidation des avaries communes et leur règlement prennent beaucoup de temps et
entraînent des retards et des frais.
On pourra constater dans quelle mesure il a été répondu, par les nouvelles Règles d'York et
d'Anvers, à certaines de ces critiques.
Mais, il faut préalablement déterminer quelles sont les formules qui ont été ou sont proposées,
pour remplacer le système de l'avarie commune.
Nous retiendrons les cinq principales.
1 - Le navire supporterait la charge de tous les sacrifices et de toutes les dépenses d'avarie
commune, y compris les pertes et avaries des marchandises.
Cette solution apparaît impossible à mettre en oeuvre sous l'empire de la Convention
Internationale du 25 août 1924 complétée par le Protocole du 23 février 1968 (Règles de Visby).
Qu'en serait-il avec la Convention des Nations-Unies sur le transport des marchandises par mer
du 30 mars 1978 (Règles de Hambourg) ?
On notera que les dites Règles de Hambourg sont entrées en vigueur le 1er novembre 1992
seulement et qu'elles n'ont été adoptées -pour le moment- par aucun des pays maritimes importants.
La plus grande incertitude règne sur la jurisprudence qui se dégagera dans les divers pays sur de
nombreux problèmes soulevés par leur application (5).
Il reste par ailleurs le problème rarement évoqué et jamais résolu de la limitation de réparation ( 6).
Il existe toutefois dans les polices d'assurances maritimes sur corps de navires -françaises
notamment- une clause, dite d'absorption, qui évite de recourir à une procédure d'avarie commune dans
les limites d'un capital prévu.
2. - On retournerait à la notion de salut commun. Depuis 1950 et la création de la règle
d'interprétation, obtenue sous la pression anglaise à propos de l'affaire "Makis", on a pu en effet faire
coexister la notion de salut commun avec celle d'intérêt commun.
Mais il n'y a pas beaucoup de passion pour cette solution d'un retour en arrière qui, selon le
Professeur K. Selmer "procéderait d'un certain romantisme oublieux des réalités pratiques" (7).
3 - Les sacrifices (avaries-dommages) resteraient à la charge de ceux qui les subissent. C'est la
formule préconisée par les Australiens et les Néo-Zélandais : "they should lie where they fall ".
Mais on continuerait à répartir les dépenses (avaries-frais)..
On a objecté -à juste titre- que cette solution ne réduirait pratiquement pas le nombre de
règlements d'avarie commune, ni leur difficulté.
(5) Pierre Bonassies, L'entrée en vigueur des Règles de Hambourg, Annales 1992 de l'I.M.T.M., p. 94 et suivantes.
(6) R. Parenthou, Revue de Droit Francais Commercial Maritime et Fiscal n° 7 oct/nov. 1979 "L'avarie commune et les Règles
de Hambourg 1978", p. 49
(7) K. Selmer, "The survival of General average a necessity or an anachronism", p. 148.
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
95
4 - Tous les sacrifices et toutes les dépenses seraient laissés à la charge de ceux qui les
supportent et/ou les engagent.
Cela reviendrait à abolir le système tout entier de répartition de l'avarie commune.
Même les plus combatifs pensent que l'abolition pure et simple présenterait un grave inconvénient.
On en a donné l'exemple suivant :
Un navire vaut 1, la cargaison 5 (cette proportion n'est souvent pas insolite de nos jours). Il faut
dépenser 2 pour sauver l'expédition entière. L'armateur (ou ses assureurs corps) ne dépensera jamais
plus de 1. Or, laisser perdre 6 est impensable.
Donc, on fera appel à un assistant.
Mais si celui-ci est obligé de demander des garanties et d'engager une action, éventuellement,
contre chacun des intérêts en jeu, on se retrouverait avec des problèmes analogues et même pires à
résoudre que ceux résultant de la procédure d'avarie commune.
Il faudrait donc obligatoirement recourir a un système d'assurance spéciale et supplémentaire pour
couvrir ce qui relèverait de l'avarie commune.
La prime de cette assurance spéciale incomberait soit à l'armateur, soit au chargeur, sous forme
de surfrêt.
5 - D'où l'idée que le connaissement puisse servir aussi de police d'assurance sur facultés
(insured bill of lading).
Mais les grandes sociétés commerciales préfèrent traiter directement avec des assureurs qu'elles
ont choisis et sont généralement opposées, voire hostiles, à l'idée d'un "connaissement assuré". La
marchandise perd en pareil cas le contrôle de l'assurance et cette situation est préjudiciable à la fois aux
intérêts des assureurs et des assurés.
En définitive, on retiendra que la recherche de solutions nouvelles, afin de supprimer les
inconvénients du système de l'avarie commune, fait toujours intervenir l'assurance.
Mais de nombreuses difficultés subsistent car armateurs et chargeurs ne désirent changer le
système de répartition que si le nouveau mis en place les met dans une position financière non
aggravée, voire meilleure.
Autrement dit, il ne faut pas augmenter les primes d'assurance, ni les taux de fret et si ces
derniers l'étaient, il faudrait réduire les primes d'assurance facultés.
C'est un peu la quadrature du cercle !!
Et puis, il reste que le dossier de l'abolition de l'avarie commune est encore affaibli par la
constatation qu'on estime qu'une proportion non négligeable des navires et des marchandises n'est pas
assurée, ou ne l'est qu'à des conditions restrictives.
C'est donc dans ce contexte que la révision des Règles d'York et d'Anvers est intervenue.
LE CONTENU DE LA REFORME
Qu'a-t-on fait à Sydney?
On retiendra pour le déterminer la méthode assez traditionnelle d'examen des Règles précédées
de lettres (on utilise souvent pour la commodité l'expression "Règles lettrées" bien qu'il s'agisse d'un
néologisme) qui posent les principes, puis des Règles précédées de chiffres (romains) qui résolvent des
cas.
Nous nous bornerons à souligner les modifications ou ajouts importants ou encore de principe,
laissant volontairement de côté, pour ne pas rebuter le lecteur (8) les problèmes relevant de la pratique
des dispacheurs eux-mêmes, ou de l'élaboration des règlements d'avarie commune.
Depuis 1950 -on le sait- les Règles lettrées et chiffrées ont été "chapeautées" par une règle dite
d'interprétation, d'inspiration anglaise, à la suite de l'affaire "Makis" et de la décision rendue à Londres
par la Haute Cour de Justice.
(8)Voltaire, l'Enfant Prodigue, préface "Tous les genres sont bons, hors le genre ennuyeux".
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REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
Cette Règle donne dans son 2ème alinéa une sorte de prééminence des Règles chiffrées sur les
Règles lettrées.
Ceci en dépit des efforts déployés par les latins, parmi lesquels essentiellement les français, pour
faire adopter une solution plus juridique et plus logique : les principes doivent avoir priorité sur les cas
concrets, ceux-ci ne constituant que des compléments et des précisions (9).
A Sydney on a ajouté à la Règle d'interprétation une Règle Paramount proposée par la délégation
américaine avec le soutien, dans son principe notamment, de la délégation anglaise.
Le motif invoqué serait une décision de justice rendue à Londres dans une affaire "Alpha" (1991).
En matière de contrat de transport la clause Paramount est celle qui, dans une charte-partie ou un
connaissement est supérieure aux autres clauses.
Lord Paramount, c'était le suzerain, celui auquel les autres étaient soumis.
Autrement dit, c'est d'une façon générale la clause qui définit la loi à laquelle le contrat sera
soumis (10) .
En l'occurrence, dans notre matière, la Règle a été rédigée comme suit :
"En aucun cas un sacrifice ou une dépense ne seront admis en avarie commune s'ils n'ont pas eu un
caractère raisonnable".
Il est à noter qu'initialement la proposition américaine n'avait pas eu le soutien de la majorité du
groupe de travail international chargé de préparer, comme c'est l'usage, un rapport pour Sydney.
On avait fait observer notamment que la notion du caractère raisonnable de l'acte d'avarie
commune était déjà introduite dans la Règle A.
Le fait que la Règle d'interprétation fasse maintenant expressément allusion à la Règle Paramount
signifie, à notre sens, qu'à l'avenir le caractère dominant des Règles chiffrées sur les Règles lettrées,
sera supprimé chaque fois que la notion du caractère raisonnable de l'acte d'avarie commune sera en
cause.
Même si l'on peut regretter que soit venu se greffer, sur les Règles d'York et d'Anvers qui avaient
leur spécificité, un élément nouveau, on ne peut que se féliciter du frein ainsi mis à certains abus
éventuels, en mettant en exergue le caractère raisonnable du sacrifice ou de la dépense.
La Règle A qui donne en quelque sorte la définition de l'acte d'avarie commune n'a pas été
modifiée. On lui a simplement ajouté un second paragraphe constitué à l'identique par l'ancienne Règle
B.
Par contre, la nouvelle Règle B a été entièrement rédigée pour traiter du problème particulier des
navires remorqués ou poussés, sauf lorsque l'opération de remorquage se situe elle-même dans le
cadre d'une opération d'assistance. On a voulu régler ainsi des problèmes surgis essentiellement, à
notre connaissance, aux USA, au CANADA et en NORVEGE.
La Règle C traite du lien direct qui doit exister entre les dommages ou les dépenses admis en
avarie commune et l'acte d'avarie commune lui-même.
Par l'adjonction d'un second paragraphe on a mis l'accent sur l'inadmissibilité en avarie commune
des dommages, pertes ou dépenses entraînés par un dommage à l'environnement ou consécutifs à des
substances polluantes émanant des biens engagés dans l'aventure maritime commune.
Cette question avait fait l'objet d'amples discussions au sein du groupe de travail international,
notamment après la révision en 1990 de la Règle VI sur les dépenses d'assistance (11).
Il est heureux que l'on soit allé cette fois vers la solution restrictive et non pas vers l'extensive. On
ne peut pas à la fois désirer restreindre les cas d'avarie commune et en étendre le champ d'application
à un domaine qui relève de celui des responsabilités et des assureurs d'icelles.
(9) R. Rodière, Traité général de Droit maritime - Événements de mer, l'avarie commune par P. Lureau, p. 307 et suivantes.
(10) R. Rodière, op. cit. Tome II, Les contrats de transport de marchandises, n° 792. - E. Du Pontavice, "A propos de l'arrêt
"Loammi Baldwin", DMF 1962, p. 447 et suivantes.
(11) R. Parenthou, La Convention Internationale du 28 avril 1989 sur l'assistance et ses incidences sur l'avarie commune DMF
1990, p. 459 et suivantes
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La nouvelle rédaction de la Règle E est très importante sur le plan de la procédure. Le premier
paragraphe n'a pas été modifié. C'est toujours à celui qui demande une admission en avarie commune
de supporter selon l'expression consacrée le "fardeau de la preuve".
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Mais on a introduit deux dispositions très intéressantes :
a) une obligation de délai pour présenter la demande d'admission : dans les douze mois de la fin de
l'aventure ;
b) une autorisation donnée au dispacheur (à l'expert-répartiteur pour utiliser la qualification de la loi
française, de prendre en considération, passé le délai susvisé, les éléments dont il dispose pour
estimer aussi bien le montant de l'éventuelle admission, que celui des valeurs contributives à retenir.
Cette estimation ne pourra de surcroît être contestée qu'en cas d'erreur manifeste.
Le but recherché est bien évidemment de contribuer à abréger les délais d'établissement des
règlements d'avarie commune.
Il est à noter que cette nouvelle disposition que l'on a volontiers présentée comme d'origine
anglaise, avait été prévue par les dispacheurs français dans le compromis d'avarie commune élaboré
par leur Association dès 1975 c'est-à-dire il y a vingt ans!! (12).
Pour en terminer avec l'examen des principaux changements apportés aux Règles précédées de
lettres, il reste à apprécier l'inclusion dans les Règles d'YORK et d'ANVERS de ce qu'il est convenu
d'appeler une clause de non-séparation.
Il s'agit d'un texte suivant lequel lorsqu'il y a séparation matérielle des intérêts, par la réexpédition
totale ou partielle de la cargaison - dans les cas prévus par les Règles X et XI traitant des Ports ou lieux
de refuge - tout se passe, par fiction, comme s'ils étaient restés liés.
Cette clause est le type même de celles dont l'emploi -dans des cas exceptionnels- peut être
justifié, mais qui est aussi susceptible de donner lieu à des abus (13).
C'est pourquoi l'Association des Dispacheurs Français et l'Association Française du Droit
Maritime, avaient nettement marqué leur hostilité à l'insertion d'une telle clause dans les Règles d'York
et d'Anvers.
Elles estimaient qu'un texte de ce type devait demeurer dans le cadre d'un arrangement des
parties et n'avait pas sa place dans des Règles permanentes.
Cet accord doit se déterminer une fois l'événement connu et non a priori.
On a conclu en sens inverse à Sydney et la clause de non-séparation a fait l'objet des
paragraphes 3 et 4 de la nouvelle Règle G.
Encore convient-il de souligner que par l'adjonction du § 4 (que les anglo-saxons désignent sous
le terme de "Bigham clause") on a, de surcroît, introduit un texte peu clair et difficile à appliquer, limitant
à la fois les droits de l'armateur et le pouvoir d'appréciation du dispacheur.
En abordant les modifications apportées aux Règles précédées de chiffres nous éliminerons,
comme déjà indiqué, celles mineures ou relevant de la technique de l'établissement des règlements
d'avarie commune pour ne retenir que les principales.
La Règle VI traitant de la rémunération d'assistance avait été profondément modifiée en 1990 pour
répondre aux impératifs de la Convention Internationale de 1989 sur la prévention ou la limitation des
dommages à l'environnement.
Elle n'a pas de nouveau été remaniée.
On se rappellera cependant la modification apportée au paragraphe 2 de la Règle C qui met
l'accent sur l'inadmissibilité des dommages, pertes ou dépenses entraînés par un dommage à
l'environnement ou consécutifs à des substances polluantes provenant des biens de l'aventure, en
soulignant que dans un cas (Règle VI) il s'agit de la prévention des dommages à l'environnement, dans
l'autre (Règle C) des dommages eux-mêmes.
On retrouvera cette même distinction par le biais de la nouvelle Règle XI, § d, prévoyant que le
coût des mesures prises pour prévenir ou limiter un dommage à l'environnement sera admissible en
avarie commune dans quatre cas de figure seulement :
a) Une opération faite pour le salut commun et qui, entreprise par un étranger à l'aventure maritime
commune lui aurait donné droit à une indemnité d'assistance.
(12) A. Pierron, Le compromis d'avarie commune, DMF 1976 p. 579
(13) R. Parenthou, Des excès de la clause de non séparation, DMF 1975, p.707, voir aussi P. Lureau, DMF 1963, p. 515 et A.
Pierron, DMF 1970, P. 195.
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b) Une condition expresse posée par les autorités pour permettre au navire d'entrer dans un port de
relâche ou d'en sortir.
c) Une condition expresse posée par les autorités pour permettre au navire d'y séjourner.
d)
Enfin, lorsqu'il existe un lien nécessaire avec le chargement, l'emmagasinage ou le rechargement
de la cargaison dès lors que le coût de ces opérations est lui-même admissible en avarie commune.
Il s'agit, comme l'a écrit le Président du Groupe de travail international, d'éviter des problèmes à
des navires en danger, mais considérés comme des "lépreux" (14).
A l'exception de ce § d de la Règle XI, rien n'a été changé, après un long débat, aux Règles X et
XI sauf aussi à remettre de l'ordre dans les divers paragraphes de XI.
Pour ce qui a trait aux valeurs contributives (Règle XVII) le texte a été amendé pour tenir compte
de l'incidence de la Règle VI 1990 et aussi pour exempter de façon formelle de toute contribution :
- le courrier postal,
- les bagages des passagers,
- les effets personnels et les voitures privées et accompagnées.
Des modifications mineures ont été apportées aux Règles XX (commission d'avance de fonds) et
XXI (intérêts).
Toutefois pour l'application de cette dernière on a limité le calcul des intérêts à trois mois
maximum, à compter de la date de dépôt du règlement d'avarie commune.
Nous dirons pour conclure qu'après des menaces de séisme on a seulement atteint -on l'aura
compris- des secousses de première magnitude sur "l'échelle de Richter de l'avarie commune".
En fait, on ne peut pas être un démolisseur avant d'avoir été, au préalable, un bâtisseur!
La réforme a le mérite d'exister et on peut penser - raisonnablement compte tenu de l'expérience que, sauf imprévu, les nouvelles Règles demeureront en l'état jusqu'en l'an 2015 ou 2020 !
L'introduction d'une fin de non recevoir (Règle E) l'exclusion formelle des dommages à
l'environnement (Règle C) par exemple, constituent des améliorations très intéressantes.
La création de la clause Paramount aussi, sous réserve de l'application qui en sera faite dans la
pratique.
En revanche, nous mettrons au débit de la révision l'adoption, dans les Règles, de la clause de
non-séparation.
En définitive, le bilan est positif et on a eu la sagesse de rejeter des propositions plus ou moins
extravagantes comme celle tendant à prévoir que les règlements d'avarie commune devraient - par une
Règle - être établis en droits de tirage spéciaux (D.T.S.) alors que l'on sait qu'il s'agit d'une unité de
compte et non pas d'une monnaie.
On pourra regretter que le CMI qui, en 1974, avait publié le texte des Règles nouvelles, en anglais
et en français simultanément, n'ait cette fois diffusé qu'un texte en langue anglaise.
Le commentateur de l'Association Française du Droit Maritime a également déploré que les
débats, à Sydney, aient, de façon exagérément exclusive, eu lieu en anglais alors que la langue
française est aussi, à notre connaissance, la langue officielle du Comité Maritime International (15).
Ainsi qu'il l'a fort justement souligné : "la langue est le véhicule indispensable de la pensée", et la
pensée juridique française ne doit pas être absente, sous peine d'appauvrissement général.
Mais peut-être a-t-on oublié cette phrase de Noël Coward : "Ce qu'on ne peut vraiment pas
pardonner aux Français, c'est que parfois, parmi eux, il y a des gens très bien !".
(14) David Taylor, CMI News Letter, n° 3 1994, page 9.
(15) P. Rembauville Nicolle, CMI News Letter, n° 4 1994, p. 8.
100
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
YORK-ANTWERP RULES 1994
RULE OF INTERPRETATION
In the adjustment of general average the following Rules shall apply to the exclusion of any Law
and Practice inconsistent therewith.
Except as provided by the Rule Paramount and the numbered Rules, general average shall be
adjusted according to the lettered Rules.
RULE PARAMOUNT
In no case shall there be any allowance for sacrifice or expenditure unless reasonably made or
incurred.
RULE A
There is a general average act when, and only when, any extraordinary sacrifice or expenditure is
intentionally and reasonably made or incurred for the common safety for the purpose of preserving from
peril the property involved in a common maritime adventure.
General average sacrifices and expenditures shall be borne by the different contributing interests
on the basis hereinafter provided.
RULE B
There is a common maritime adventure when one or more vessels are towing or pushing another
vessel or vessels, provided that they are all involved in commercial activities and not in a salvage
operation.
When measures are taken to preserve the vessels and their cargoes, if any, from a common peril,
these Rules shall apply.
A vessel is not in common peril with another vessel or vessels if by simply disconnecting from the
other vessel or vessels she is in safety; but if the disconnection is itself a general average act the
common maritime adventure continues.
RULE C
Only such losses, damages or expenses which are the direct consequence of the general average
act shall be allowed as general average.
In no case shall there be any allowance in general average for losses, damages or expenses
incurred in respect of damage to the environment or in consequence of the escape or release of
pollutant substances from the property involved in the common maritime adventure.
Demurrage, loss of market, and any loss or damage sustained or expense incurred by reason of
delay, whether on the voyage or subsequently, and any indirect loss whatsoever, shall not be admitted
as general average.
RULE D
Rights to contribution in general average shall not be affected, though the event which gave rise to
the sacrifice or expenditure may have been due to the fault of one of the parties to the adventure ; but
this shall not prejudice any remedies or defences which may be open against or to that party in respect
of such fault.
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
101
RULE E
The onus of proof is upon the party claiming in general average to show that the loss or expense
claimed is properly allowable as general average.
All parties claiming in general average shall give notice in writing to the average adjuster of the
loss or expense in respect of which they claim contribution within 12 months of the date of the
termination of the common maritime adventure.
Failing such notification, or if within 12 months of a request for the same any of the parties shall fail
to supply evidence in support of a notified claim, or particulars of value in respect of a contributory
interest, the average adjuster shall be at liberty to estimate the extent of the allowance or the
contributory value on the basis of the information available to him, which estimate may be challenged
only on the ground that it is manifestly incorrect.
RULE F
Any additional expense incurred in place of another expense which would have been allowable as
general average shall be deemed to be general average and so allowed without regard to the saving, if
any, to other interests, but only up to the amount of the general average expense avoided.
RULE G
General average shall be adjusted as regards both loss and contribution upon the basis of values
at the time and place when and where the adventure ends.
This rule shall not affect the determination of the place at which the average statement is to be
made up.
When a ship is at any port or place in circumstances which would give rise to an allowance in
general average under the provisions of Rules X and Xl, and the cargo or part thereof is forwarded to
destinalion by other means, rights and liabilities in general average shall, subject to cargo interests being
notified if practicable, remain as nearly as possible the same as they would have been in the absence of
such forwarding, as it the adventure had continued in the original ship for so long as justifiable under the
contract of affreightment and the applicable law.
The proportion attaching to cargo of the allowances made in general average by reason of
applying the third paragraph of this Rule shall not exceed the cost which would have been borne by the
owners of cargo if the cargo had been forwarded at their expense.
RULE I - JETTISON OF CARGO
No jettison of cargo shall be made good as general avelage, unless such cargo is carried in
accordance with the recognised custom of the trade.
RULE II - LOSS OR DAMAGE BY SACRIFICES FOR THE COMMON SAFETY
Loss of or damage to the property involved in the common maritime adventure by or in
consequence of a sacrifice made for the common safety, and by water which goes down a ship's
hatches opened or other opening made for the purpose of making a jettison for the common safety, shall
be made good as general average.
RULE III - EXTINGUISHING FIRE ON SHIPBOARD
Damage done to a ship and cargo, or either of them, by water or otherwise, including damage by
beaching or scuttling a burning ship, in extinguishing a fire on board the ship, shall be made good as
general average ; except that no compensation shall be made for damage by smoke however caused or
by heat of the fire.
RULE IV - CUTTING AWAY WRECK
Loss or damage sustained by cutting away wreck or parts of the ship which have previously been
carried away or are effectively lost by accident shall not be made good as general average.
102
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
RULE V - VOLUNTARY STRANDING
When a ship is intentionally run on shore for the common safety, whether or not she might have
been driven on shore, the consequent loss or damage to the property involved in the common maritime
adventure shall be allowed in general average.
RULE VI - SALVAGE REMUNERATION
(a) Expenditure incurred by the parties to the adventure in the nature of salvage, whether under
contract or otherwise, shall be allowed in general average provided that the salvage operations were
carried out for the purpose of preserving from peril the property involved in the common maritime
adventure.
Expenditure allowed in general average shall include any salvage remuneration in which the skill
and efforts of the salvors in preventing or minimising damage to the environment such as is referred to in
Article 13 paragraph 1(b) of the International Convention on Salvage, 1989 have been taken into
account.
(b) Special compensation payable to a salvor by the shipowner under Article 14 of the said
Convention to the extent specified in paragraph 4 of that Article or under any other provision similar in
substance shall not be allowed in general average.
RULE VII - DAMAGE TO MACHINERY AND BOILERS
Damage caused to any machinery and boilers of a ship which is ashore and in a position of peril,
in endeavouring to refloat, shall be allowed in general average when shown to have arisen from an
actual intention to float the ship for the common safety at the risk of such damage ; but where a ship is
afloat no loss or damage caused by working the propelling machinery and boilers shall in any
circumstances be made good as general average.
RULE VIII - EXPENSES LIGHTENING A SHIP WHEN ASHORE, AND CONSEQUENT DAMAGE
When a ship is ashore and cargo and ship's fuel and stores or any of them are discharged as a
general average act, the extra cost of lightening, lighter hire and reshipping (if incurred), and any loss or
damage to the property involved in the common maritime adventure in consequence thereof, shall be
admitted as general average.
RULE IX - CARGO, SHIP'S MATERIALS AND STORES USED FOR FUEL
Cargo, ship's materials and stores, or any of them, necessarily used for fuel for the common safety
at a time of peril shall be admitted as general average, but when such an allowance is made for the cost
of ship's materials and stores the general average shall be credited with the estimated cost of the fuel
which would otherwise have been consumed in prosecuting the intended voyage.
RULE X - EXPENSES AT PORT OF REFUGE, etc.
(a) When a ship shall have entered a port or place of refuge or shall have returned to her port or
place of loading in consequence of accident, sacrifice or other extraordinary circumstances which
render that necessary for the common safety, the expenses of entering such port or place shall be
admitted as general average ; and when she shall have sailed thence with her original cargo, or a part of
it, the corresponding expenses of leaving such port or place consequent upon such entry or return shall
likewise be admitted as general average.
When a ship is at any port or place of refuge and is necessarily removed to another port or place
because repairs cannot be carried out in the first port or place, the provisions of this Rule shall be
applied to the second port or place as if it were a port or place of refuge and the cost of such removal
including temporary repairs and towage shall be admitted as general average. The provisions of Rule Xl
shall be applied to the prolongation ot the voyage occasioned by such removal.
(b) The cost of handling on board or discharging cargo, fuel or stores whether at a port or place of
loading, call or refuge, shall be admitted as general average, when the handling or discharge was
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
103
necessary for the common safety or to enable damage to the ship caused by sacrifice or accident to be
repaired, if the repairs were necessary for the safe prosecution of the voyage, except in cases where the
damage to the ship is discovered at a port or place of loading or call without any accident or other
extraordinary circumstances connected with such damage having taken place during the voyage.
The cost of handling on board or discharging cargo, fuel or stores shall not be admissible as
general average when incurred solely for the purpose of restowage due to shifting during the voyage,
unless such restowage is necessary for the common safety.
(c) Whenever the cost of handling or discharging cargo, fuel or stores is admissible as general
average, the costs of storage, including insurance if reasonably incurred, reloading and stowing of such
cargo, fuel or stores shall likewise be admitted as general average. The provisions of Rule Xl shall be
applied to the extra period of detention occasioned by such reloading or restowing.
But when the ship is condemned or does not proceed on her original voyage, storage expenses
shall be admitted as general average only up to the date of the ship's condemnation or of the
abandonment of the voyage or up to the date of completion of discharge of cargo if the condemnation or
abandonment takes place before that date.
RULE XI - WAGES AND MAINTENANCE OF CREW AND OTHER EXPENSES BEARING UP FOR
AND IN A PORT OF REFUGE, etc.
(a) Wages and maintenance of master, officers and crew reasonably incurred and fuel and stores
consumed during the prolongation of the voyage occasioned by a ship entering a port or place of refuge
or returning to her port or place of loading shall be admitted as general average when the expenses of
entering such port or place are allowable in general average in accordance with Rule X(a).
(b) When a ship shall have entered or been detained in any port or place in consequence of
accident, sacrifice or other extraordinary circumstances which render that necessary for the common
safety, or to enable damage to the ship caused by sacrifice or accident to be repaired, if the repairs were
necessary for the safe prosecution of the voyage, the wages and maintenance of the master, officers
and crew reasonably incurred during the extra period of detention in such port or place until the ship
shall or should have been made ready to proceed upon her voyage, shall be admitted in general
average.
Fuel and stores consumed during the extra period of detention shall be admitted as general
average, except such fuel and stores as are consumed in effecting repairs not allowable in general
average.
Port charges incurred during the extra period of detention shall likewise be admitted as general
average except such charges as are incurred solely by reason of repairs not allowable in general
average .
Provided that when damage to the ship is discovered at a port or place of loading or call without
any accident or other extraordinary circumstance connected with such damage having taken place
during the voyage, then the wages and maintenance of master, officers and crew and fuel and stores
consumed and port charges incurred during the extra detention for repairs to damage so discovered
shall not be admissible as general average, even if the repairs are necessary for the safe prosecution of
the voyage.
When the ship is condemned or does not proceed on her original voyage, the wages and
maintenance of the master, officers and crew and fuel and stores consumed and port charges be
admitted as general average only up to the date of the ship's condemnation or of the abandonment of
the voyage or up to the date of completion of discharge of cargo if the condemnation or abandonment
takes place before that date.
(c) For the purpose of this and the other Rules wages shall include all payments made to or for the
benefit of the master, officers and crew, whether such payments be imposed by law upon the
shipowners or be made under the terms of articles of employment.
(d) The cost of measures undertaken to prevent or minimise damage to the environment shall be
allowed in general average when incurred in any or all of the following circumstances :
104
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
(i) as part of an operation performed for the common safety which, had it been undertaken by a party
outside the common maritime adventure, would have entitled such party to a salvage reward ;
(ii) as a condition of entry into or departure from any port or place in the circumstances prescribed in
Rule X(a) ;
(iii) as a condition of remaining at any port or place in the circumstances prescribed in Rule X(b),
provided that when there is an actual escape or release of pollutant substances the cost of any
additional measures required on that account to prevent or minimise pollution or environmental
damage shall not be allowed as general average ;
(iv) necessarily in connection with the discharging, storing or reloading of cargo whenever the cost of
those operations is admissible as general average.
RULE XII - DAMAGE TO CARGO IN DISCHARGING, etc.
Damage to or loss of cargo, fuel or stores sustained in consequence of their handling, discharging,
storing, reloading and stowing shall be made good as general average, when and only when the cost of
those measures respectively is admitted as general average.
RULE XIII - DEDUCTION FROM COST OF REPAIRS
Repairs to be allowed in general average shall not be subject to deductions in respect of "new for
old" where old material or parts are replaced by new unless the ship is over fifteen years old in which
case there shall be a deduction of one third. The deductions shall be regulated by the age of the ship
from the 31st December of the year of completion of construction to the date of the general average act,
except for insulation, life and similar boats, communications and navigational apparatus and equipment,
machinery and boilers for which the deductions shall be regulated by the age of the particular parts to
which they apply.
The deductions shall be made only from the cost of the new material or parts when finished and
ready to be installed in the ship.
No deduction shall be made in respect of provisions, stores, anchors and chain cables.
Drydock and slipway dues and costs of shifting the ship shall be allowed in full.
The costs of cleaning, painting or coating of bottom shall not be allowed in general average unless
the bottom has been painted or coated within the twelve months preceding the date of the general
average act in which case one half of such costs shall be allowed.
RULE XIV - TEMPORARY REPAIRS
When temporary repairs are effected to a ship at a port of loading, call or refuge, for the common
safety, or of damage caused by general average sacrifice, the cost of such repairs shall be admitted as
general average.
When temporary repairs of accidental damage are effected in order to enable the adventure to be
completed, the cost of such repairs shall be admitted as general average without regard to the saving, if
any, to other interests, but only up to the saving in expense which would have been incurred and
allowed in general average if such repairs had not been effected there.
No deductions "new for old" shall be made from the cost of temporary repairs allowable as general
average.
RULE XV - LOSS OF FREIGHT
Loss of freight arising from damage to or loss of cargo shall be made good as general average,
either when caused by a general average act, or when the damage to or loss of cargo is so made good.
Deduction shall be made from the amount of gross freight lost, of the charges which the owner
thereof would have incurred to earn such freight, but has, in consequence of the sacrifice, not incurred.
RULE XVI - AMOUNT TO BE MADE GOOD FOR CARGO LOST OR DAMAGED BY SACRIFICE
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
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The amount to be made good as general average for damage to or loss of cargo sacrificed shall
be the loss which has been sustained thereby based on the value at the time of discharge, ascertained
from the commercial invoice rendered to the receiver or if there is no such invoice from the shipped
value. The value at the time of discharge shall include the cost of insurance and freight except insofar as
such freight is at the risk of interests other than the cargo.
When cargo so damaged is sold and the amount of the damage has not been otherwise agreed,
the loss to be made good in general average shall be the difference between the net proceeds of sale
and the net sound value as computed in the first paragraph of this Rule.
RULE XVII - CONTRIBUTORY VALUES
The contribution to a general average shall be made upon the actual net values of the property at
the termination of the adventure except that the value of cargo shall be the value at the time of
discharge, ascertained from the commercial invoice rendered to the receiver or if there is no such
invoice from the shipped value. The value of the cargo shall include the cost of insurance and freight
unless and insofar as such freight is at the risk of interests other than the cargo, deducting therefrom any
loss or damage suffered by the cargo prior to or at the time of discharge. The value of the ship shall
assessed without taking into account the beneficial or detrimental effect of any demise or time
charterparty to which the ship may be committed.
To these values shall be added the amount made good as general average for property sacrificed,
if not already included, deduction being made from the freight and passage money at risk of such
charges and crew's wages as would not have been incurred in earning the freight had the ship and
cargo been totally lost at the date of the general average act and have not been allowed as general
average ; deduction being also made from the value of the property of all extra charges incurred in
respect thereof subsequently to the general average act, except such charges as are allowed in general
average or fall upon the ship by virtue of an award for special compensation under Article 14 of the
International Convention on Salvage, 1989 or under any other provision similar in substance.
In the circumstances envisaged in the third paragraph of Rule G, the cargo and other property
shall contribute on the basis of its value upon delivery at original destination unless sold or otherwise
disposed of short of that destination, and the ship shall contribute upon its actual net value at the time of
completion of discharge of cargo.
Where cargo is sold short of destination, however, it shall contribute upon the actual net proceeds
of sale, with the addition of any amount made good as general average.
Mail, passengers' luggage, personal effects and accompanied private motor vehicles shall not
contribute in general average.
RULE XVIII - DAMAGE TO SHIP
The amount to be allowed as general average for damage or loss to the ship, her machinery
and/or gear caused by a general average act shall be as follows :
(a) When repaired or replaced,
The actual reasonable cost of repairing or replacing such damage or loss, subject to deductions in
accordance with Rule XIII ;
(b) When not repaired or replaced,
The reasonable depreciation arising from such damage or loss, but not exceeding the estimated cost
of repairs. But where the ship is an actual total loss or when the cost of repairs of the damage would
exceed the value of the ship when repaired, the amount to be allowed as general average shall be
the difference between the estimated sound value of the ship after deducting therefrom the estimated
cost of repairing damage which is not general average and the value of the ship in her damaged state
which may be measured by the net proceeds of sale, if any.
RULE XIX - UNDECLARED OR WRONGFULLY DECLARED CARGO
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REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
Damage or loss caused to goods loaded without the knowledge of the shipowner or his agent or to
goods wilfully misdescribed at time of shipment shall not be allowed as general average, but such goods
shall remain liable to contribute, if saved.
Damage or loss caused to goods which have been wrongfully declared on shipment at a value
which is lower than their real value shall be contributed for at the declared value, but such goods shall
contribute upon their actual value.
RULE XX - PROVISION OF FUNDS
A commission of 2 per cent on general average disbursements, other than the wages and
maintenance of master, officers and crew and fuel and stores not replaced during the voyage, shall be
allowed in general average.
The capital loss sustained by the owners of goods sold for the purpose of raising funds to defray
general average disbursements shall be allowed in general average.
The cost of insuring general average disbursements shall also be admitted in general average.
RULE XXI - INTEREST ON LOSSES MADE GOOD IN GENERAL AVERAGE
Interest shall be allowed on expenditure, sacrifices and allowances in general average at the rate
of 7 per cent per annum, until three months after the date of issue of the general average adjustment,
due allowance being made for any payment on account by the contributory interests or from the general
average deposit fund.
RULE XXII - TREATMENT OF CASH DEPOSITS
Where cash deposits have been collected in respect of cargo's liability for general average,
salvage or special charges, such deposits shall be paid without any delay into a special account in the
joint names of a representative nominated on behalf of the shipwoner and a representative nominated
on behalf of the depositors in a bank to be approved by both. The sum so deposited, together with
accrued interest if any, shall be held as security for payment to the parties entitled thereto of the general
average, salvage or special charges payable by cargo in respect to which the deposits have been
collected. Payments on account or refunds of deposits may be made if certified to in writing by the
average adjuster. Such deposits and payments or refunds shall be without prejudice to the ultimate
liability of the parties.
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
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RÈGLES D'YORK ET D'ANVERS 1994
Traduction établie par l'Association des Dispacheurs Français
RÈGLE D'INTERPRÉTATION
Dans le Règlement d'Avaries Communes, les Règles suivantes doivent s'appliquer à l'exclusion de
toute loi et pratique incompatibles avec elles. A l'exception de ce qui est prévu par la Règle Dominante
(Paramount) et les Règles numérotées, l'avarie commune doit être réglée conformément aux Règles
précédées de lettres.
RÈGLE DOMINANTE (PARAMOUNT)
En aucun cas un sacrifice ou une dépense ne seront admis en Avarie Commune s'ils n'ont pas eu
un caractère raisonnable.
RÈGLE A
Il y a acte d'avarie commune quand, et seulement quand, intentionnellement et raisonnablement,
un sacrifice extraordinaire est fait ou une dépense extraordinaire encourue pour le salut commun, dans
le but de préserver d'un péril les propriétés engagées dans une aventure maritime commune. Les
sacrifices et dépenses d'avarie commune seront supportés, sur les bases déterminées ci-après, par les
divers intérêts appelés à contribuer.
RÈGLE B
Il y a aventure maritime commune lorsqu'un ou plusieurs navires remorquent ou poussent un ou
plusieurs autres navires, pourvu que tous soient alors engagés dans des activités commerciales et non
dans une opération d'assistance.
Lorsque des mesures sont prises pour préserver ces navires et, s'il y a lieu, leurs cargaisons d'un
péril commun, les présentes Règles seront applicables.
Un navire n'est pas en situation de péril commun avec un ou plusieurs autres navires s'il lui suffit
de s'en libérer pour se trouver en sécurité ; mais si le fait de s'en libérer constitue lui-même un acte
d'avarie commune, l'aventure commune se poursuit.
RÈGLE C
Seuls les dommages, pertes ou dépenses qui sont la conséquence directe de l'acte d'avarie
commune, seront admis en avarie commune. En aucun cas ne seront admis en avarie commune des
dommages, pertes ou dépenses encourus au titre de dommages à l'environnement, ou consécutifs à
des fuites ou rejets de substances polluantes émanant d'une propriété engagée dans l'aventure
maritime commune. Ni le chômage, ni la différence de cours, ni les dommages, pertes ou dépenses dus
à un retard survenu en cours du voyage ou postérieurement, non plus qu'aucune perte indirecte
quelconque, ne seront admis en avarie commune.
RÈGLE D
Lorsque l'événement qui a donné lieu au sacrifice ou à la dépense aura été la conséquence d'une
faute commise par l'une des parties engagées dans l'aventure, il n'y aura pas moins lieu à contribution,
mais sans préjudice des recours ou des défenses pouvant concerner cette partie à raison d'une telle
faute.
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REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
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RÈGLE E
La preuve qu'une perte ou une dépense doit effectivement être admise en avarie commune
incombe à celui qui réclame cette admission.
Toute demande d'admission en avarie commune sera notifiée par écrit au dispacheur dans les
douze mois de la fin de l'aventure maritime commune.
Faute d'une telle notification, ou faute encore pour un intéressé, dans les douze mois de la
demande qui lui en aura été faite, de fournir les justificatifs de sa réclamation ou des précisions sur la
valeur de son intérêt contributif, le dispacheur sera fondé à estimer le montant de l'admission ou de la
valeur contributive à partir des informations dont il dispose, cette estimation ne pouvant être contestée
qu'en cas d'erreur manifeste.
RÈGLE F
Toute dépense supplémentaire encourue en substitution d'une autre dépense qui aurait été
admissible en avarie commune sera réputée elle-même avarie commune et admise à ce titre, sans
égard à l'économie éventuellement réalisée par d'autres intérêts, mais seulement jusqu'à concurrence
du montant de la dépense d'avarie commune ainsi évitée.
RÈGLE G
Le règlement des avaries communes doit être établi, tant pour l'estimation des pertes que pour la
contribution, sur la base des valeurs au moment et au lieu où se termine l'aventure.
Cette règle est sans influence sur la détermination du lieu où le règlement doit être établi.
Quand un navire se trouve dans un port ou lieu quelconque dans des circonstances susceptibles
d'entraîner une admission en avarie commune selon les Règles X et XI, et que la cargaison, en totalité
ou en partie, est réexpédiée à destination par d'autres moyens, les droits et obligations au regard de
l'avarie commune -sous réserve que les intérêts cargaison en soient s'il se peut avisés- demeureront
aussi proches que possible de ce qu'ils eussent été si la réexpédition n'avait pas eu lieu et que le
voyage se soit poursuivi sur le navire primitif, pour autant que cela soit légitime d'après le contrat
d'affrètement et la loi applicable.
La part des admissions en avarie commune relative à la cargaison, résultant de l'application du 3è
paragraphe de la présente Règle, ne devra pas excéder le coût qu'auraient supporté les propriétaires de
la cargaison si celle-ci avait été réexpédiée à leurs frais.
RÈGLE I - JET DE CARGAISON
Aucun jet de cargaison ne sera admis en avarie commune à moins que cette cargaison n'ait été
transportée conformément aux usages reconnus du commerce.
RÈGLE II - PERTE OU DOMMAGE CAUSÉ PAR SACRIFICES POUR LE SALUT COMMUN
Sera admis en avarie commune la perte ou le dommage causés aux propriétés engagées dans
l'aventure maritime commune par un sacrifice ou en conséquence d'un sacrifice fait pour le salut
commun, et par l'eau qui pénètre dans la cale par les écoutilles ouvertes ou par toute autre ouverture
pratiquée en vue d'opérer un jet pour le salut commun.
RÈGLE III - EXTINCTION D'INCENDIE A BORD
Sera admis en avarie commune le dommage causé au navire et à la cargaison, ou à l'un d'eux,
par l'eau ou autrement, y compris le dommage causé en submergeant ou en sabordant un navire en
feu, en vue d'éteindre un incendie à bord ; toutefois, aucune bonification ne sera faite pour dommage
causé par la fumée quelle qu'en soit la cause, ou par la chaleur de l'incendie.
RÈGLE IV - COUPEMENT DE DÉBRIS
La perte ou le dommage éprouvé en coupant des débris ou des parties du navire qui ont été
enlevés ou sont effectivement perdus par accident, ne sera pas bonifié en avarie commune.
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REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
RÈGLE V - ÉCHOUEMENT VOLONTAIRE
Quand un navire est intentionnellement mis à la côte pour le salut commun, qu'il dût ou non y être
drossé, les pertes et dommages en résultant pour les propriétés engagées dans l'aventure maritime
commune seront admis en avarie commune.
RÈGLE VI - RÉMUNÉRATION D'ASSISTANCE
(a) Les dépenses encourues par les parties engagées dans l'aventure et ayant le caractère
d'assistance, soit en vertu d'un contrat soit autrement, seront admises en avarie commune, pourvu que
les opérations d'assistance aient été effectuées dans le but de préserver du péril les propriétés
engagées dans l'avarie maritime commune.
Les dépenses admises en avarie commune comprendront toute rémunération d'assistance dans la
fixation de laquelle l'habilité et les efforts des assistants pour prévenir ou limiter les dommages à
l'environnement, tels qu'ils sont énoncés à l'article 13 1 (b) de la Convention Internationale de 1989 sur
l'assistance, ont été pris en compte.
(b) L'indemnité spéciale payable à l'assistant par l'armateur sous l'empire de l'article 14 de ladite
Convention, dans les conditions indiquées par le paragraphe 4 de cet Article, ou de toute autre
disposition de portée semblable ne sera pas admise en avarie commune.
RÈGLE VII - DOMMAGE AUX MACHINES ET AUX CHAUDIÈRES
Le dommage causé à toute machine et chaudière d'un navire échoué dans une position périlleuse
par les efforts faits pour le renflouer, sera admis en avarie commune, lorsqu'il sera établi qu'il procède
de l'intention réelle de renflouer le navire pour le salut commun au risque d'un tel dommage ; mais
lorsqu'un navire est à flot, aucune perte ou avarie causée par le fonctionnement de l'appareil de
propulsion et des chaudières, ne sera en aucune circonstance admise en avarie commune.
RÈGLE VIII - DÉPENSES POUR ALLÉGER UN NAVIRE ÉCHOUÉ ET DOMMAGE RÉSULTANT DE
CETTE MESURE
Lorsqu'un navire est échoué et que la cargaison, ainsi que le combustible et les
approvisionnements du navire, ou l'un d'eux, sont déchargés dans des circonstances telles que cette
mesure constitue un acte d'avarie commune, les dépenses supplémentaires d'allégement, de location
des allèges, et, le cas échéant, celles de rechargement ainsi que la perte ou le dommage en résultant
pour les propriétés engagées dans l'aventure maritime commune, seront admis en avarie commune.
RÈGLE IX - CARGAISON. OBJETS DU NAVIRE ET APPROVISIONNEMENTS UTILISÉS COMME
COMBUSTIBLES
La cargaison, les objets et approvisionnements du navire ou l'un d'eux, qu'il aura été nécessaire
d'utiliser comme combustible pour le salut commun en cas de péril, seront admis en avarie commune,
sauf à créditer l'avarie commune du coût estimatif du combustible qui autrement eut été consommé pour
la poursuite du voyage.
RÈGLE X - DÉPENSES AU PORT DE REFUGE. etc...
(a) Quand un navire sera entré dans un port ou lieu de refuge ou qu'il sera retourné à son port ou
lieu de chargement par suite d'accident, de sacrifice ou d'autres circonstances extraordinaires qui auront
rendu cette mesure nécessaire pour le salut commun, les dépenses encourues pour entrer dans ce port
ou lieu seront admises en avarie commune ; et, quand il en sera reparti avec tout ou partie de sa
cargaison primitive, les dépenses correspondantes pour quitter ce port ou lieu qui auront été la
conséquence de cette entrée ou de ce retour seront de même admises en avarie commune.
Quand un navire est dans un port ou lieu de refuge quelconque et qu'il est nécessairement
déplacé vers un autre port ou lieu parce que les réparations ne peuvent être effectuées au premier port
ou lieu, les dispositions de cette Règle s'appliqueront au deuxième port ou lieu, comme s'il était un port
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
111
ou lieu de refuge, et le coût du déplacement, y compris les réparations provisoires et le remorquage,
sera admis en avarie commune.
Les dispositions de la Règle XI s'appliqueront à la prolongation du voyage occasionnée par ce
déplacement.
(b) Les frais pour manutentionner à bord ou pour décharger la cargaison, le combustible ou les
approvisionnements, soit à un port, soit à un lieu de chargement, d'escale ou de refuge, seront admis en
avarie commune si la manutention ou le déchargement était nécessaire pour le salut commun ou pour
permettre de réparer les avaries au navire causées par sacrifice ou par accident si ces réparations
étaient nécessaires pour permettre de continuer le voyage en sécurité, excepté si les avaries au navire
sont découvertes dans un port ou lieu de chargement ou d'escale sans qu'aucun accident ou autre
circonstance extraordinaire en rapport avec ces avaries ne se soit produit au cours du voyage.
Les frais pour manutentionner à bord ou pour décharger la cargaison, le combustible ou les
approvisionnements ne seront pas admis en avarie commune s'ils ont été encourus à seule fin de
remédier à un désarrimage survenu au cours du voyage, à moins qu'une telle mesure soit nécessaire
pour le salut commun.
(c) Toutes les fois que les frais de manutention ou de déchargement de la cargaison, du
combustible ou des approvisionnements seront admissibles en avarie commune, les frais de leur
magasinage, y compris l'assurance si elle a été raisonnablement conclue, de leur rechargement et de
leur arrimage seront également admis en avarie commune.
Les dispositions de la Règle XI s'appliqueront à la période supplémentaire d'immobilisation
entraînée par ce rechargement ou ce réarrimage.
Mais si le navire est condamné ou ne continue pas son voyage primitif, les frais de magasinage ne
seront admis en avarie commune que jusqu'à la date de condamnation du navire ou de l'abandon du
voyage ou bien jusqu'à la date de l'achèvement du déchargement de la cargaison en cas de
condamnation du navire ou d'abandon du voyage avant cette date.
RÈGLE XI - SALAIRES ET ENTRETIEN DE L'ÉQUIPAGE ET AUTRES DÉPENSES POUR SE
RENDRE AU PORT DE REFUGE, ET DANS CE PORT, etc.
(a) Les salaires et frais d'entretien du capitaine, des officiers et de l'équipage raisonnablement
encourus ainsi que le combustible et les approvisionnements consommés durant la prolongation de
voyage occasionnée par l'entrée du navire dans un port de refuge, ou par son retour au port ou lieu de
chargement, doivent être admis en avarie commune quand les dépenses pour entrer en ce port ou lieu
sont admissibles en avarie commune par application de la Règle X, a).
(b) Quand un navire sera entré ou aura été retenu dans un port ou lieu par suite d'un accident,
sacrifice ou autres circonstances extraordinaires qui ont rendu cela nécessaire pour le salut commun, ou
pour permettre la réparation des avaries causées au navire par sacrifice ou accident quand la réparation
est nécessaire à la poursuite du voyage en sécurité, les salaires et frais d'entretien des capitaine,
officiers et équipage raisonnablement encourus pendant la période supplémentaire d'immobilisation en
ce port ou lieu jusqu'à ce que le navire soit ou aurait dû être mis en état de poursuivre son voyage,
seront admis en avarie commune.
Le combustible et les approvisionnements consommés pendant la période supplémentaire
d'immobilisation seront admis en avarie commune à l'exception du combustible et des
approvisionnements consommés en effectuant des réparations non admissibles en avarie commune.
Les frais de port encourus durant cette période supplémentaire d'immobilisation seront de même
admis en avarie commune, à l'exception des frais qui ne sont encourus qu'à raison de réparations non
admissibles en avarie commune.
Cependant si des avaries au navire sont découvertes dans un port ou lieu de chargement ou
d'escale sans qu'aucun accident ou autre circonstance extraordinaire en rapport avec ces avaries se
soit produit au cours du voyage, alors les salaires et frais d'entretien des Capitaine, Officiers et
équipage, ni le combustible et les approvisionnements consommés non plus que les frais de port
encourus pendant l'immobilisation supplémentaire pour les besoins de la réparation des avaries ainsi
112
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
découvertes ne seront admis en avarie commune même si la réparation est nécessaire à la poursuite du
voyage en sécurité.
Quand le navire est condamné ou ne poursuit pas son voyage primitif, les salaires et frais
d'entretien des Capitaine, Officiers et équipage et les approvisionnements consommés ainsi que les
frais de port ne seront admis en avarie commune que jusqu'à la date de la condamnation du navire ou
de l'abandon du voyage ou jusqu'à la date d'achèvement du déchargement de la cargaison en cas de
condamnation du navire ou d'abandon du voyage avant cette date.
(c) Pour l'application de la présente Règle ainsi que des autres Règles, les salaires comprennent
les paiements faits aux capitaine, officiers et équipage ou à leur profit, que ces paiements soient
imposés aux armateurs par la loi ou qu'ils résultent des conditions et clauses des contrats de travail.
(d) Le coût des mesures prises pour prévenir ou limiter un dommage à l'environnement sera admis
en avarie commune lorsqu'il aura été encouru dans l'une quelconque des situations suivantes :
[i] dans le cadre d'une opération accomplie pour le salut commun et qui, entreprise par un tiers à
l'aventure maritime commune, lui aurait donné droit à une indemnité d'assistance.
[ii] Comme condition pour entrer dans un port ou lieu ou en sortir dans les circonstances prévues à la
Règle X a).
[iii] Comme condition pour séjourner dans un port ou lieu dans les circonstances prévues à la Règle X
b), sauf à ne pas admettre en avarie commune, en cas de fuites ou de rejets effectifs de substances
polluantes, le coût des mesures supplémentaires exigées pour prévenir ou limiter la pollution ou le
dommage à l'environnement.
[iv] Comme nécessairement liées au déchargement, à l'emmagasinage ou au rechargement de la
cargaison, chaque fois que le coût de ces opérations est admissible en avarie commune.
RÈGLE XII - DOMMAGE CAUSÉ A LA CARGAISON EN LA DÉCHARGEANT, etc.
Le dommage ou la perte résultant pour la cargaison, le combustible ou les approvisionnements de
leurs manutentions, déchargement, emmagasinage rechargement et arrimage, seront admis en avarie
commune lorsque le coût respectif de ces opérations sera admis en avarie commune, et dans ce cas
seulement.
RÈGLE XIII - DÉDUCTION DU COÛT DES RÉPARATIONS
Les réparations à admettre en avarie commune ne seront pas sujettes à des déductions pour
différence du "neuf au vieux" quand du vieux matériel sera, en totalité ou en partie, remplacé par du
neuf, à moins que le navire ait plus de quinze ans ; en pareil cas la déduction sera de un tiers. Les
déductions seront fixées d'après l'âge du navire depuis le 31 Décembre de l'année d'achèvement de la
construction jusqu'à la date de l'acte d'avarie commune, excepté pour les isolants, canots de sauvetage
et similaires, appareils et équipements de communications et de navigation, machines et chaudières,
pour lesquels les déductions seront fixées d'après l'âge des différentes parties auxquelles elles
s'appliquent.
Les déductions seront effectuées seulement sur le coût du matériel nouveau ou de ses parties au
moment où il sera usiné et prêt à être mis en place dans le navire.
Aucune déduction ne sera faite sur les approvisionnements, matières consommables, ancres et
chaînes.
Les frais de cale sèche, de slip et de déplacement du navire seront admis en entier.
Les frais de nettoyage, de peinture ou d'enduit de la coque ne seront pas admis en avarie
commune à moins que la coque ait été peinte ou enduite dans les douze mois qui ont précédé la date
de l'acte d'avarie commune ; en pareil cas ces frais seront admis pour moitié.
RÈGLE XIV - RÉPARATIONS PROVISOIRES
Lorsque des réparations provisoires sont effectuées à un navire, dans un port de chargement,
d'escale ou de refuge, pour le salut commun ou pour des avaries causées par un sacrifice d'avarie
commune, le coût de ces réparations sera bonifié en avarie commune. Lorsque des réparations
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
113
provisoires d'un dommage fortuit sont effectuées afin de permettre l'achèvement du voyage, le coût de
ces réparations sera admis en avarie commune, sans égard à l'économie éventuellement réalisée par
d'autres intérêts, mais seulement jusqu'à concurrence de l'économie sur les dépenses qui auraient été
encourues et admises en avarie commune, si ces réparations n'avaient pas été effectuées en ce lieu.
Aucune déduction pour différence du "neuf au vieux" ne sera faite du coût des réparations provisoires
admissibles en avarie commune.
RÈGLE XV - PERTE DE FRET
La perte de fret résultant d'une perte ou d'un dommage subi par la cargaison sera admise en
avarie commune, tant si elle est causée par un acte d'avarie commune que si cette perte ou ce
dommage est ainsi admis.
Devront être déduites du montant du fret brut perdu, les dépenses que le propriétaire de ce fait
aurait encourues pour le gagner, mais qu'il n'a pas exposées par suite du sacrifice.
RÈGLE XVI - VALEUR A ADMETTRE POUR LA CARGAISON PERDUE OU AVARIÉE PAR
SACRIFICE
Le montant à admettre en avarie commune pour dommage ou perte de cargaison sacrifiée sera le
montant de la perte éprouvée de ce fait en prenant pour base le prix au moment du déchargement
vérifié d'après la facture commerciale remise au réceptionnaire ou, à défaut d'une telle facture, d'après
la valeur embarquée. Le prix au moment du déchargement inclura le coût de l'assurance et le fret, sauf
si ce fret n'est pas au risque de la cargaison.
Quand une marchandise ainsi avariée est vendue et que le montant du dommage n'a pas été
autrement convenu, la perte à admettre en avarie commune sera la différence entre le produit net de la
vente et la valeur nette à l'état sain, telle qu'elle est calculée dans le premier paragraphe de cette Règle.
RÈGLE XVII - VALEURS CONTRIBUTIVES
La contribution à l'avarie commune sera établie sur les valeurs nettes réelles des propriétés à la
fin du voyage sauf que la valeur de la cargaison sera le prix au moment du déchargement vérifié d'après
la facture commerciale remise au réceptionnaire ou, à défaut d'une telle facture, d'après la valeur
embarquée. La valeur de la cargaison comprendra le coût de l'assurance et le fret sauf si ce fret n'est
pas au risque de la cargaison, et sous déduction des pertes ou avaries subies par la cargaison avant ou
pendant le déchargement. La valeur du navire sera estimée sans tenir compte de la plus ou moins value
résultant de l'affrètement coque nue ou à temps sous lequel il peut se trouver.
A ces valeurs sera ajouté le montant admis en avarie commune des propriétés sacrifiées, s'il n'y
est pas déjà compris. Du fret et du prix de passage en risque seront déduits les frais et les gages de
l'équipage qui n'auraient pas été encourus pour gagner le fret si le navire et la cargaison s'étaient
totalement perdus au moment de l'acte d'avarie commune et qui n'ont pas été admis en avarie
commune.
De la valeur des propriétés seront également déduits tous les frais supplémentaires y relatifs,
postérieurs à l'événement qui donne ouverture à l'avarie commune, à l'exception des frais qui auront été
admis en avarie commune ou qui incombent au navire en vertu d'une sentence allouant une indemnité
spéciale conformément à l'article 14 de la Convention Internationale sur l'assistance de 1989 ou à toutes
autres dispositions similaires.
Dans les situations prévues au 3ème paragraphe de la Règle G, la cargaison et les autres
propriétés contribueront sur la base de leur valeur à leur destination d'origine à moins qu'elles n'aient
été vendues ou qu'il n'en ait été autrement disposé avant l'arrivée à destination, et le navire contribuera
sur sa valeur réelle nette à la fin du déchargement de la cargaison.
Quand une cargaison est vendue en cours de voyage, elle contribue sur le produit net de vente
augmenté du montant admis en avarie commune.
Le courrier, les bagages des passagers, les effets personnels et les véhicules à moteur privés
accompagnés ne contribueront pas à l'avarie commune.
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REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
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RÈGLE XVIII - AVARIES AU NAVIRE
Le montant à admettre en avarie commune pour dommage ou perte subis par le navire, ses
machines et/ou ses apparaux, du fait d'un acte d'avarie commune, sera le suivant :
a) en cas de réparation ou de remplacement, le coût réel et raisonnable de la réparation ou du
remplacement du dommage ou de la perte sous réserve des déductions à opérer en vertu de la Règle
XIII.
b) dans le cas contraire, la dépréciation raisonnable résultant d'un tel dommage ou d'une telle perte
jusqu'à concurrence du coût estimatif des réparations.
Mais lorsqu'il y a perte totale ou que le coût des réparations du dommage dépasserait la valeur du
navire une fois réparé, le montant à admettre en avarie commune sera la différence entre la valeur
estimative du navire à l'état sain sous déduction du coût estimatif des réparations du dommage n'ayant
pas le caractère d'avarie commune, et la valeur du navire en son état d'avarie, cette valeur pouvant être
déterminée par le produit net de vente, le cas échéant.
RÈGLE XIX - MARCHANDISES NON DÉCLARÉES OU FAUSSEMENT DÉCLARÉES
La perte ou le dommage causé aux marchandises chargées à l'insu de l'armateur ou de son
agent, ou à celles qui ont fait l'objet d'une désignation volontairement fausse au moment de
l'embarquement, ne sera pas admis en avarie commune, mais ces marchandises resteront tenues de
contribuer si elles sont sauvées.
La perte ou le dommage causé aux marchandises qui ont été faussement déclarées à
l'embarquement pour une valeur moindre que leur valeur réelle sera admis sur la base de la valeur
déclarée, mais ces marchandises devront contribuer sur leur valeur réelle.
RÈGLE XX - AVANCE DE FONDS
Une commission de deux pour cent sur les débours d'avarie commune autres que les salaires et
frais d'entretien du capitaine, des officiers et de l'équipage et le combustible et les approvisionnements
qui n'ont pas été remplacés durant le voyage, sera admise en avarie commune.
La perte financière subie par les propriétaires des marchandises vendues pour se procurer les
fonds nécessaires aux dépenses d'avarie commune sera admise en avarie commune. Les frais
d'assurance des débours d'avarie commune seront également admis en avarie commune.
RÈGLE XXI - INTÉRÊTS SUR LES PERTES ADMISES EN AVARIE COMMUNE
Un intérêt sera alloué sur les dépenses, sacrifices et bonifications classés en avarie commune au
taux de 7 % par an, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois à dater du dépôt du règlement d'avarie
commune, en tenant compte toutefois des paiements provisionnels effectués par ceux qui sont appelés
à contribuer, ou prélevés sur le fonds des dépôts d'avarie commune.
RÈGLE XXII - TRAITEMENT DES DÉPÔTS EN ESPÈCES
Lorsque des dépôts en espèces auront été encaissés en garantie de la contribution de la
cargaison à l'avarie commune, aux frais de sauvetage ou frais spéciaux, ces dépôts devront être versés,
sans aucun délai, à un compte joint spécial aux noms d'un représentant désigné pour l'armateur et d'un
représentant désigné pour les déposants dans une banque agréée par eux deux. La somme ainsi
déposée augmentée, s'il y a lieu, des intérêts, sera conservée à titre de garantie pour le paiement aux
ayants droit en raison de l'avarie commune, des frais de sauvetage ou des frais spéciaux payables par
la cargaison et en vue desquels les dépôts ont été effectués. Des paiements en acompte ou des
remboursements de dépôts peuvent être faits avec l'autorisation écrite du dispacheur. Ces dépôts,
paiements ou remboursements, seront effectués sans préjudice des obligations définitives des parties.
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REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
JURISPRUDENCE
DROIT MARITIME
TRANSPORT MARITIME
OPÉRATIONS JURIDIQUES ACCOMPLIES (OUI)
TRANSFERT DE LA DÉTENTION (NON)
LIVRAISON (NON)
La livraison n'est pas accomplie quand le destinataire,
en l'absence de tout comportement fautif, n'a pas été en
mesure de prendre effectivement possession de sa
marchandise et d'émettre d'éventuelles réserves sur son état,
et ce malgré l'accomplissement des opérations juridiques par
la remise du bon à délivrer et de la billette qui sont
nécessaires mais insuffisantes pour assurer le transfert
matériel de la détention.
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Audience solennelle
Première et deuxième chambres réunies
Arrêt du 13 février 1995
SEINE ET RHONE
c./
SOCIÉTÉ MARITIME DELMAS VIELJEUX
CAPITAINE DU NAVIRE "ROLLINE"
SOMOTRANS
MORY SA
La Société Transports Racine a confié à la Compagnie Maritime des Chargeurs Réunis le transport maritime
de Casablanca à Marseille d'une remorque chargée d'un
groupage de colis. La Société Mory, transitaire chargée
d'en prendre livraison sous connaissement émis par
Transports Racine, obtenait conformément aux usages du
port de Marseille un bon à délivrer apposé par le
consignataire du navire dans les bureaux de ville du
transporteur maritime, et se présentant le lendemain au
quai recevait dans les locaux de la Société Somotrans,
mandataire du transporteur, un bon de livraison dit "billette"
avant de constater la disparition de la remorque.
Celle-ci était retrouvée par la suite vidée de son
contenu.
Après avoir indemnisé les propriétaires des colis
volés, Transports Racine et son assureur Seine et Rhône
ont assigné la Compagnie Maritime des Chargeurs Réunis
et la Société Somotrans en dommages-intérêts.
Le transporteur demandait garantie à Somotrans et
à la Société Mory.
Par un jugement du 19 mai 1987, le Tribunal de
commerce de Marseille mettait hors de cause le Capitaine
du navire, appelé aux débats en son nom personnel et en
qualité de représentant des armateurs et affréteurs, et
déboutait la Compagnie Seine et Rhône et la Société
Transports Racine de leurs demandes, au motif que la
délivrance de la billette avait opéré un transfert de
propriété entre les mains du mandataire du destinataire qui
devait prendre toute précaution nécessaire en vue de la
conservation du bien, alors qu'il relevait que celui-ci avait
imprudemment abandonné la remorque une demi-heure
sans surveillance.
Saisie par la Compagnie Seine et Rhône et la
Société
Transports
Racine
la
Cour
d'appel
d'Aix-en-Provence confirmait le premier juge par arrêt du
25 septembre 1990, mais en faisant remonter la livraison
opérant transfert des risques à l'apposition sur le
connaissement du cachet "bon à délivrer" par l'agent
consignataire du transporteur maritime, écartant toute
signification translative de droit à la billette, simple
document administratif destiné à permettre l'opération
matérielle de sortie.
Sur un pourvoi formé par la Société Transports
Racine et son assureur, la Cour de cassation cassait et
annulait cette décision par arrêt du 17 novembre 1992, au
motif qu'il ne résultait pas de ses énonciations que le
mandataire du destinataire, la Société Mory en l'espèce,
avait lors de la remise du bon à délivrer manifesté son
acceptation de la marchandise et du véhicule qui lui
auraient été présentés, en étant mis en mesure d'en
vérifier l'état et, le cas échéant, d'assortir son acceptation
de réserve, puis de prendre effectivement possession de la
chose livrée.
Devant la Cour de céans saisie du renvoi de
l'affaire, la Compagnie Seine et Rhône désormais
subrogée dans les droits de son assuré, demande la
condamnation in solidum de la Compagnie Maritime des
Chargeurs Réunis, du Capitaine du navire, et de la Société
Somotrans, pour 848.490 francs qu'elle a payés pour son
assuré, et 100.000 francs au titre de l'article 700 du
Nouveau Code de Procédure Civile, ou subsidiairement
garantie de la Société Mory pour ces montants.
Elle prétend relever dans les auditions de l'enquête
de police que le vol a eu lieu avant la remise de la billette,
que de toutes façons les dispositions de la loi du 18 juin
1966 indiquées en visa par la Cour de cassation impliquent
de mettre à la charge du transporteur la preuve du moment
du vol par rapport à la livraison qu'il allègue, qu'enfin la
livraison ne peut s'entendre pour le transfert des risques
sur la chose que par sa remise matérielle et son acceptation avec ou sans réserve après avoir pu l'examiner.
Elle soutient son subsidiaire en indiquant que la
Société Mory chargée pour elle de la réception de la
remorque devait prendre toutes mesures nécessaires pour
éviter le vol, notamment en procédant à l'enlèvement
immédiat de la remorque.
Le transporteur, dénommé aujourd'hui Société
Maritime Delmas Vieljeux (M.D.V), et le Capitaine du
navire, demandent confirmation de la décision du premier
juge
Ils exposent que l'article 50 du décret du 31
décembre 1966 en application de la loi du 18 juin 1966
énonce que "la remise du connaissement établit la livraison
sauf preuve contraire", que l'échange du connaissement
contre le bon à délivrer consacre la rencontre des volontés
mettant fin au contrat de transport, après laquelle le
transporteur est déchargé de toute obligation, que la
tradition matérielle n'est qu'un accessoire d'une tradition
consensuelle déjà réalisée.
Ils indiquent qu'aucun délai légal n'étant imparti au
destinataire muni du bon à délivrer pour retirer la marchandise, la prolongation de la responsabilité du transporteur au
delà le rendrait tributaire d'une condition purement
potestative pour en être exonéré, que les conditions
émises par la Cour de cassation pour opérer la livraison,
présentation de la marchandise et vérification par le
destinataire, pouvaient s'effectuer avant l'apposition du bon
à délivrer de façon à permettre toute réserve utile à ce
moment là et toute disposition pour assurer la protection du
bien. Subsidiairement la Société M.D.V demande
garantie à la Société Somotrans qui avait pour elle la garde
de la remorque sur le quai.
La M.D.V et le Capitaine réclament 50.000 francs
sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de
Procédure Civile
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
La Société Somotrans demande aussi confirmation
du jugement déféré sur le bénéfice de ses écritures déposées devant la Cour d'Aix-en-Provence, et 10.000 francs
sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Dans des conclusions en réplique la Compagnie
Seine et Rhône ajoute que l'usage dans le port de
Marseille ne permettait pas une présentation matérielle de
la marchandise préalablement à la remise du
connaissement contre le bon à délivrer, et que seule la
délivrance de la billette permettait de savoir où se trouvait
la marchandise.
Elle rappelle que le décret de 1966 stipule que la
livraison entre les mains du destinataire libère seule le
transporteur, et qu'il doit formuler ses réserves au plus tard
au moment de la livraison.
Elle expose que seul un retard fautif dans le
retirement pourrait éventuellement libérer le transporteur
de la charge des risques avant la livraison matérielle.
La Société Mory régulièrement citée ne comparait
pas.
Motifs :
Au terme de l'article 27 de la loi du 18 juin 1966
relative au transport maritime, le transporteur répond des
pertes et dommages jusqu'à la livraison de la marchandise
transportée.
Il est constant que dans l'espèce le mandataire du
destinataire, la Société Mory chargée de prendre livraison,
a fait apposer le 6 juin 1985 à l'arrivée du navire, par le
représentant du transporteur, le cachet "bon à délivrer" sur
l'original du connaissement, puis s'est fait remettre le
lendemain matin 7 juin dans les locaux de la Société
Somotrans, gardien de la remorque à quai pour le
transporteur, la "billette" qui devait permettre d'en obtenir la
remise effective. Lorsque le chauffeur qui devait amener la
remorque s'est ensuite rendu sur le quai environ une
demi-heure après, il a constaté qu'elle avait été volée.
Il ressort ainsi du déroulement des faits qu'au
moment de la disparition de la marchandise objet du
contrat de transport maritime, le destinataire n'avait pas été
en mesure d'en prendre effectivement possession après
avoir vérifié son état et pu faire toute réserve éventuelle à
son acceptation, malgré l'accomplissement des opérations
juridiques du bon à délivrer puis de la billette, nécessaires
mais insuffisantes pour assurer le transfert matériel de la
détention sans lequel la livraison qui décharge le
transporteur de sa responsabilité n'est pas véritablement
accomplie, dès lors que la tentative de retrait de la
remorque dans un délai raisonnable après les dernières
formalités ne caractérisait pas en l'espèce un comportement fautif du porteur des documents.
Il y a lieu en conséquence de condamner in solidum
la Société M.D.V, transporteur maritime, et le Capitaine
commandant le navire, pris en sa qualité de représentant
des armateurs ou affréteurs du navire, à réparer les
dommages subis par la Compagnie Seine et Rhône,
subrogée dans les droits de son assuré.
Le préjudice matériel, justifié aux débats par les
factures des différents clients des Transports Racine dont
les marchandises ont été volées, n'est pas contesté pour le
montant global de 848.490,26 francs.
Il apparaît justifié de faire droit également à titre de
dommages-intérêts à la prétention de la Compagnie Seine
et Rhône qui a dû acquitter des factures réclamées par
leurs bénéficiaires depuis 1985 d'assortir ce montant des
intérêts au taux légal depuis la première assignation
délivrée le 5 juin 1986 contre le transporteur maritime
devant le premier juge.
Au terme de l'article 52 du décret du 31 décembre
1966, le transporteur maritime dispose d'une action en
117
garantie contre l'entrepreneur de manutention, la Société
Somotrans en l'espèce, qui avait pour son compte la garde
de la marchandise à quai jusqu'à la livraison effective, dont
il a été relevé par les motifs précédents qu'elle n'était pas
réalisée du seul fait de la remise de la "billette".
La Société Somotrans qui ne prétend à aucun des
cas d'exonération de sa responsabilité énumérés à l'article
53 b du décret, ni à une limitation des montants garantis en
application de l'article 54 du décret, sera condamnée à
garantir le transporteur pour les sommes mises à sa
charge.
En revanche aucune faute contractuelle ou
délictuelle n'est relevée contre la Société Mory qui doit être
mise hors de cause.
Il est équitable dans l'espèce de mettre à la charge
solidaire des parties tenues au paiement du préjudice de la
Compagnie Seine et Rhône une part des frais non
remboursables que celle-ci a engagés dans cette instance,
dans la proportion de 18.000 francs.
Par ces motifs :
En audience solennelle et publique par arrêt réputé
contradictoire à l'égard de la "S.A. Mory",
La Cour,
Infirme le jugement déféré, et statuant à nouveau
sur le fond,
Condamne in solidum la S.A. Maritime Delmas
Vieljeux et le Capitaine commandant le navire "Rolline"
agissant en qualité de représentant des armateurs et
affréteurs du navire à payer à la S.A. Seine et Rhône
subrogée dans les droits de la SARL Transports Racine la
somme de huit cent quarante huit mille quatre cent quatre
vingt dix francs et vingt six centimes (848.490,26 F.) avec
intérêts au taux légal depuis le 5 juin 1986, et dix huit mille
francs (18.000 F.) sur le fondement de l'article 700 du
Nouveau Code de Procédure Civile,
Condamne la SA Somotrans à garantir la Société
M.D.V et le Capitaine du navire ès qualités de ces
sommes,
Met hors de cause la Société Mory,
Condamne in solidum la Société M.D.V et le
Capitaine du navire, d'une part, et la S.A. Somotrans,
d'autre part, aux dépens de l'instance, ceux exposés
devant la Cour de renvoi pourront être recouvrés par Me
Garrigue, Avoué, selon les dispositions de l'article 699 du
Nouveau Code de Procédure Civile.
PRÉSIDENT : M. BACOU
CONSEILLERS : MM. THIOLET - BAUDOUIN - GAILLARD BESSON
AVOCATS : SCP SCAPEL - SCAPEL-GRAIL - BONNAUD ((Seine
et Rhône) ; Me VIDALMAGNE (Société Maritime Delmas Vieljeux,
M. le Capitaine du navire "Rolline") ; Me GUERIN (Somotrans)
NOTE
Le moment de la livraison : suite et fin
Nos lecteurs ont pu suivre l'évolution récente de la
jurisprudence en la matière puisque notre revue a publié
les principales décisions de justice sur cette question qui a
beaucoup occupé les prétoires depuis 1987. Le signataire
de cette note a fait le point de la question pour les lecteurs
de cette revue au début de 1994 (16).
Depuis plusieurs arrêts ont été rendus ( 17 ) tous
dans le même sens: "La livraison se caractérise par le
(16) J. Bonnaud, cette revue, Transport maritime : le moment de la
livraison, 1994, p.45 et s.
(17) Voir notamment, Aix enProvence,06.01.94, cette revue 1994,
p. 74 et DMF 1994, p. 771, note Y. Tassel ; Cass. com. 18.01.94,
DMF 1995, p.547; Cass. com. 05.07.94, DMF 1994, p.760, note
Y.Tassel.
118
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
transfert effectif de la détention de la marchandise au
destinataire ou à son mandataire, sauf au transporteur à
faire la preuve que c'est par la faute du destinataire que le
transfert de détention de la marchandise n'a pu avoir lieu "
(18) .
Il restait à connaître la décision de la Cour de
renvoi, qui avait à statuer sur une affaire ( 19) cassée par la
Cour Suprême (20).
C'est la Cour de Montpellier qui a eu à se prononcer
dans l'arrêt reproduit ci-dessus.
Cette Cour s'est très logiquement ralliée à la thèse de la
Cour de cassation .
Pour la Cour de Montpellier, il ressort ainsi du
déroulement des faits "qu'au moment de la disparition de la
marchandise, objet du contrat de transport maritime, le
destinataire n'avait pas été en mesure d'en prendre
effectivement possession après avoir vérifié son état et pu
faire toutes réserves éventuelles à son acceptation malgré
l'accomplissement des opérations juridiques du bon à
délivrer puis de la billette, nécessaires mais insuffisantes
pour assurer le transfert matériel de la détention sans
lequel la livraison qui décharge le transporteur de sa
responsabilité n'est pas véritablement accomplie dès lors
que la tentative de retrait de la remorque dans un délai
raisonnable, après les dernières formalités ne caractérisent
pas en l'espèce, un comportement fautif du porteur des
documents".
Cette jurisprudence logique, conforme aux textes,
approuvée par la doctrine et semblable à ce qui se passe
dans les autres modes de transport est donc définitive.
Jacques Bonnaud
*
CLAUSE COMPROMISSOIRE
SAISINE DE LA JURIDICTION ARBITRALE
SAISIE CONSERVATOIRE POSTERIEURE
FIXATION DU MONTANT DE LA CAUTION
L'existence d'une clause compromissoire n'interdit
pas, même après la saisine de la juridiction arbitrale d'une
demande de paiement, la mise en oeuvre d'une saisie
conservatoire dans les conditions requises par la loi
applicable.
La fixation du montant de la caution à fournir pour
obtenir la main levée de la saisie conservatoire relève du
pouvoir des juges du fond.
COUR DE CASSATION
Deuxième Chambre Civile
Arrêt de rejet du 8 juin 1995
SOCIETE NATIONALE DU TRANSPORT DES
HYDROCARBURES ET
DES PRODUITS CHIMIQUES - SNTM HYPROC c./
SOCIETE NOUVELLE DES ATELIERS ET CHANTIERS DU
HAVRE - SNACH -
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué
(Aix-en-Provence, 24 septembre 1992) d'avoir ordonné la
mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée, à la
demande de la Société Nouvelle des Ateliers et Chantiers
(18) Pierre Bonassies, Le droit positif francais en 1994, DMF 1995,
p.187.
( 19 ) Aix-en-Provence 25.09.90, conforme à Aix-en-Provence
13.03.87, DMF 1989, p. 123.
(20) Cass. com. 17.11.92, cette revue 1993, p.38, DMF 1993,
p.563, note Pierre Bonassies, BTL 1993, p. 50, article d'Andrée
Chao.
du Havre (la SNACH), sur le navire Hassi R'Mel
appartenant à la Société nationale du Transport des Hydrocarbures et des Produits Chimiques (la SNTM HYPROC) à
charge pour cette dernière société de fournir à la SNACH
une caution donnée par une banque française de premier
rang, alors que, selon le moyen, d'une part, "les parties à
un arbitrage ne peuvent être autorisées à pratiquer, en
application des dispositions de la Convention de Bruxelles
du 10 mai 1952, une saisie conservatoire de navires, la
procédure en mainlevée dans laquelle le propriétaire du
navire peut être condamné à la fourniture d'une caution,
n'est pas soumise à la condition de l'urgence ni à celle du
péril de la créance ; qu'en affirmant dès lors, pour autoriser
la Société SNACH à pratiquer, après la saisine de la
juridiction arbitrale, la saisie conservatoire du navire
appartenant à la Société SNTM HYPROC, que l'existence
d'une clause compromissoire ne privait pas les parties de
leur droit de procéder par voie de saisie conservatoire, la
Cour d'appel a violé ensemble l'article 1458 du Nouveau
Code de Procédure Civile et les dispositions de la
Convention de Bruxelles du 10 mai 1952" ; alors que,
d'autre part, "les parties à un arbitrage ne peuvent
s'adresser au juge étatique que pour demander les
mesures conservatoires destinées à garantir l'exécution de
la sentence à venir ; que la Société SNTM HYPROC avait
fait valoir que la saisie conservatoire de son navire,
pratiquée après qu'elle ait saisi la juridiction arbitrale d'une
demande de paiement contre la Société SNACH, qui
restait débitrice à son égard d'une somme de 369.973, 94
francs, tendait, sous la menace d'une saisie de navire, à
obtenir le paiement de sommes indues ; qu'en se bornant à
énoncer que l'existence d'une clause compromissoire ne
faisait pas échec à la faculté de la Société SNACH de
procéder à une saisie conservatoire, sans expliquer en
quoi cette saisie était destinée à garantir l'exécution de la
sentence arbitrale à venir, la Cour d'appel a privé sa
décision de base légale au regard de l'article 1458 du
Nouveau Code de Procédure Civile" ;
Mais attendu que l'existence d'une clause
compromissoire n'interdit pas, même après la saisine de la
juridiction arbitrale, la mise en oeuvre d'une saisie
conservatoire dans les conditions requises, pour que cette
saisie soit autorisée, par la loi applicable ;
Et attendu que la Cour d'appel, qui a constaté que
la créance alléguée par la SNACH était réclamée par cette
société dans son mémoire d'arbitrage, n'avait pas à
préciser la finalité de la mesure sollicitée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir fixé à la
somme de 4.500.000 francs le montant de la caution
bancaire contre laquelle il a ordonné la mainlevée de la
saisie conservatoire du navire "Hassi R'Mel", alors que "si,
selon l'article 5 de la Convention de Bruxelles du 10 mai
1952, la mainlevée de la saisie conservatoire d'un navire a
pour seule condition la fourniture par le propriétaire du
navire d'une caution ou d'une garantie suffisante, il n'en
demeure pas moins que le caractère suffisant de la caution
suppose la recherche d'une corrélation entre la caution
propre et le montant de la créance invoquée ; qu'en fixant
à la somme de 4.500.000 francs le montant de la caution
qu'elle a condamné la Société SNTM HYPROC à fournir
sans rechercher si, comme le faisait valoir cette société,
cette somme n'excédait pas le montant de la créance
invoquée par la Société SNACH dans le cadre de la
procédure arbitrale, pour une somme de 3.122.628, 32
francs, la Cour d'appel a, en tout état de cause, privé sa
décision de toute base légale au regard de l'article 5 de la
Convention de Bruxelles du 10 mai 1952" ;
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
Mais attendu que la Cour d'appel, après avoir relevé
que la SNACH avait mis en demeure la partie adverse de
payer une créance pour le principal mentionné dans le
mémoire d'arbitrage ainsi que pour les intérêts, a
souverainement fixé le montant de la caution qui devait
être fournie pour obtenir la mainlevée de la saisie ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur les demandes présentées au titre de l'article 700
du Nouveau Code de Procédure Civile :
Attendu que la SNTM HYPROC et la SNACH
sollicitent, sur le fondement de ce texte, l'allocation d'une
certaine somme ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir ces
demandes ;
Par ces motifs :
Rejette le pourvoi ;
Rejette également les demandes présentées au
titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Condamne la SNTM HYPROC, envers la SNACH,
aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Président : M. ZAKINE
Conseiller rapporteur : M. BUFFET
Conseillers : MM. DELATTRE - LAPLACE - SENE - CHARDON MME VIGROUX
Avocat général : M. TATU
Avocats : SCP MATTEI - DAWANCE (SNTM HYPROC) ; SCP
MASSE-DESSEN - GEORGES - THOUVENIN (SNACH)
*
TRANSPORT MARITIME
LOCALISATION DU DOMMAGE
TEXTE APPLICABLE
La loi française du 18 juin 1966 est applicable à un
transport effectué au départ d'un port français pour les
opérations exclues du champ d'application de la Convention
de Bruxelles du 25 août 1924.
Tel est le cas en l'espèce dans la mesure où le
transporteur maritime soutenait que le dommage avait une
cause antérieure au chargement ou postérieure au
déchargement.
COUR DE CASSATION
Chambre commerciale, financière et économique
Arrêt de rejet du 20 juin 1995
COMPAGNIE MARITIME D'AFFRÈTEMENT
c./
AMERICAN HOME INSURANCE COMPANY
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15
juin 1993), que la Société Schweizerische Isola Werke (le
chargeur) a fait charger à Marseille des conteneurs sur le
navire "Ville du Sahara" en vue de leur transport par voie
maritime jusqu'au port de Dubai (Émirats Arabes Unis) par
la Société Compagnie Maritime d'Affrètement (le
transporteur maritime), suivant un connaissement émis à
Bâle (Suisse), le 2 novembre 1985 ; que l'un des
conteneurs ayant été reçu à l'arrivée vide de tout contenu
et dépourvu de plomb, la Compagnie American Home
Insurance (l'assureur), subrogée dans les droits du
chargeur pour l'avoir indemnisé, a assigné le transporteur
maritime en paiement du montant de l'indemnité qu'il avait
versée ;
Attendu que le transporteur maritime reproche à
l'arrêt d'avoir retenu sa responsabilité sur le fondement du
droit français alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en
déclarant la loi française applicable du seul fait que le
119
transport avait eu lieu à partir d'un port français, l'arrêt a
violé tout à la fois l'article 16 de la loi du 18 juin 1966,
l'article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile et
l'article 10 de la convention de Bruxelles du 25 août 1924,
modifiée par la convention de Bruxelles du 23 février 1968,
la loi française n'étant pas d'une application obligatoire du
seul fait du départ du transport d'un port français, laissant
ainsi sans réponse les conclusions relatives à l'application
de la convention de Bruxelles, en s'abstenant de
rechercher la loi applicable au transport ; et alors, d'autre
part, qu'en s'abstenant de se prononcer sur l'application de
la convention de Bruxelles du fait de l'inclusion au
connaissement d'une "Paramount", l'arrêt a violé l'article
1134 du Code civil et l'article 455 du Nouveau Code de
Procédure Civile ;
Mais attendu, d'une part, que si, en vertu de son
article 10 a) ou b), la convention de Bruxelles du 25 août
1924 pour l'unification de certaines règles en matière de
connaissement, telle qu'amendée par le protocole du 23
février 1968, avait vocation à régir la responsabilité du
transporteur maritime, elle ne s'appliquait cependant, selon
son article 1er e), qu'à la responsabilité encourue par lui
pendant le temps écoulé depuis le chargement des
marchandises à bord du navire jusqu'à leur
déchargement ; que la Cour appel a exactement déduit,
dès lors que le transporteur maritime soutenait que le
dommage avait une cause antérieure au chargement du
conteneur ou postérieure à son déchargement, que sa
responsabilité devait s'apprécier sur le fondement de la loi
française du 18 juin 1966 qui est applicable, aux termes de
son article 16, alinéa 1er, aux transports, effectués au
départ d'un port français, qui ne sont pas soumis à une
convention internationale à laquelle la France est partie, et
en tout cas aux opérations de transport qui sont hors du
champ d'application d'une telle convention ;
Attendu, d'autre part, qu'il ne résulte, ni de ses
conclusions, ni de l'arrêt, que le transporteur maritime ait
soutenu devant les juges du fond que le connaissement
aurait étendu, par l'une quelconque de ses clauses, les
dispositions de la convention de Bruxelles révisée à des
opérations n'entrant pas dans le champ d'application de
celle-ci ;
D'ou il suit que le moyen est nouveau et, mélangé
de fait et de droit, irrecevable en sa seconde branche et
mal fondé en sa première ;
Par ces motifs :
Rejette le pourvoi ;
Condamne la Société Compagnie Maritime
d'Affrètement à payer à la Compagnie American Home
Insurance la somme de 10.000 francs sur le fondement de
l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
La condamne, envers la Société American Home
Insurance Company, aux dépens et aux frais d'exécution
du présent arrêt ;
Président : M. BEZARD
Conseiller rapporteur : M. REMERY
Conseillers : Mme PASTUREL - CLAVERY ; MM. EDIN GRIMALDI - LASSALLE - TRICOT - BADI - ARMAND PREVOST
Conseiller référendaire : M. LE DAUPHIN
Avocat général : M. DE GOUTTES
Avocats : Me BALAT (CMA) ; Me LE PRADO (American Home
Insurance Company)
NOTE
120
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
Dans cet arrêt (1), la Cour de cassation rappelle
que la loi française du 18 juin 1966 est applicable aux
transports internationaux effectués au départ d'un port
français qui ne sont pas soumis à une convention
internationale à laquelle la France est partie et en tous cas,
aux opérations de transport qui sont hors du champ
d'application d'une telle convention.
La question ne devrait pas prêter à polémique et
pourtant elle génère toujours un contentieux important.
La loi est pourtant claire: "le présent titre est
applicable aux transports effectués au départ ou à
destination d'un port français, qui ne sont pas soumis à
une convention internationale à laquelle la France est
partie, et en tous cas, aux opérations de transport qui sont
hors du champ d'application d'une telle convention..." (art.
16, L. 1966) .
C'est dire qu'en matière internationale, si le voyage
est au départ ou à destination d'un port français, la loi de
1966 s'appliquera quand la Convention de Bruxelles de
1924 n'est pas applicable.
Si la convention est territorialement applicable, la loi
française s'appliquera néanmoins dans les cas suivants :
- Absence de connaissement ou de document similaire,
- Marchandise particulière : animaux vivants ou transports
spéciaux,
- Marchandise en pontée,
- De la prise en charge jusqu'au début de
l'embarquement et de la fin du débarquement jusqu'à la
livraison.
Ce régime s'appliquera jusqu'à ce que les Règles
de Hambourg soient ratifiées par la France et en la
matière, on ne peut que constater, selon le mot du
Professeur Bonassies une "stagnation totale (2) .
Jacques Bonnaud
*
TRANSPORT MARITIME
CLAUSE DE JURIDICTION
RECEVABILITÉ DE L'ACTION
FORTUNE DE MER (NON)
Une clause de juridiction est inopposable au chargeur
lorsque le transporteur maritime, en présence d'un
connaissement non signé, ne prouve pas qu'elle ait été
connue et acceptée lors de la formation du contrat.
La clause qui donne compétence à "la juridiction du
lieu où le transporteur a son principal établissement" est
inapplicable dans la mesure où elle ne permet pas, sans des
recherches approfondies, de déterminer précisément le
tribunal compétent.
Le chargeur qui a subi personnellement un préjudice
et qui produit une cession de droits du destinataire à son
profit a qualité et intérêt pour agir contre le transporteur.
Le fait pour un navire, apte à affronter le mauvais
temps, d'avoir rencontré des dépressions dont l'existence est
connue des marins qui pratiquent en hiver la Méditerranée
orientale et auxquelles il était possible de faire face en
adoptant une route et une vitesse appropriée, ne constitue
pas un cas de fortune de mer exonératoire de toute
responsabilité dans la mesure où l'événement n'était ni
imprévisible ni irrésistible.
TRIBUNAL DE COMMERCE DE MARSEILLE
Jugement du 3 mars 1995
LA CONCORDE ET 11 AUTRES COMPAGNIES D'ASSURANCE
c./
(1) Cet arrêt a été cité dans le bulletin du Dictionnaire permanent
du droit des affaires qui nous l'a aimablement communiqué.
(2) Voir, l'article de Pierre Bonassies "Le droit international et le
droit communautaire en 1994", cette revue, ce numéro.
IGNAZIO MESSINA SPA
CAPITAINE DU NAVIRE "JOLLY GRIGIO"
Attendu que par citation délivrée le samedi 11 mars
1995, les compagnies d'assurances SA La Concorde, SA
GAN Incendies Accidents, SA CAMAT, SA Commercial
Union, SA Le Continent, SA Zurich, Compagnie Européenne d'Assurances Industrielles (C.E.A.I.), SA Guardian
Royal Exchange Assurance, SA Nationale Suisse, SA
Navigation et Transports, SA Allianz, et Mutuelle du Mans
exposent que l'armateur Ignazio Messina a pris en charge
à Marseille selon connaissement n° 002, 5 conteneurs
chargés de barils de détergent, à bord de son navire "Jolly
Grigio" à destination de Benghazi en Libye ; que le navire
après avoir fait escale à La Spezia et à Alexandrie se
trouvait devant le port de Benghazi le 13 janvier 1994
lorsque sous l'effet du roulis, deux des conteneurs sont
tombés à la mer et le transporteur a émis les certificats de
perte attestant de ces dommages dont il doit entière
réparation ; que la valeur des marchandises s'élevait à la
somme de 23.100 US$ dont les assureurs ont indemnisé le
chargeur ; qu'en conséquence, elles ont cité, devant le
Tribunal de commerce de Marseille, la SPA Compagnie
Ignazio Messina et Monsieur le Capitaine du Navire "Jolly
Grigio" pour les entendre condamner à lui payer la somme
de 23 100 US$ avec intérêts au taux légal à compter du
jour de la demande en justice et celle de 20.000,00 F au
titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de
Procédure Civile, outre les dépens et pour entendre
ordonner l'exécution provisoire ;
Attendu que par conclusions écrites développées
oralement, la SA La Concorde et autres demandent au
tribunal de :
- rejeter l'exception d'incompétence soulevée par le
transporteur maritime, dire et juger que le tribunal de céans
est bien compétent,
- dire et juger que la demande est recevable, - condamner les requis à leur payer la somme de 23 100
US$ avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
outre la somme de 20.000 F d'indemnité au titre de l'article
700 du NCPC et entiers dépens et ordonner l'exécution
provisoire ;
Attendu que par un premier jeu de conclusions
écrites développées oralement, la SPA Compagnie Ignazio
Messina et Monsieur le Capitaine du Navire "Jolly Grigio"
soulèvent l'incompétence du Tribunal de commerce de
Marseille en vertu de la clause 2-c du connaissement ; que
par ailleurs, il s'agissait d'une vente maritime au départ de
telle sorte que les marchandises perdues voyageaient aux
risques et périls du destinataire ; que de surcroît, le
connaissement était à ordre et a été accompli à destination
par le destinataire ; que les demandeurs ne justifient
d'aucune cession de droits du destinataire de telle sorte
que leur demande devra être déclarée irrecevable ;
qu'enfin, sur le fond, le navire a rencontré un très mauvais
temps à partir du jeudi 13 janvier 1994 entre Alexandrie et
Benghazi ; que le vendredi 14 janvier 1994, le navire a subi
un très fort roulis et un très fort tangage qui ont provoqué la
rupture de l'arrimage de 11 conteneurs vides stockés sur le
pont supérieur, occasionnait des dommages à la cargaison
et au navire ; qu'un peu plus tard, en raison d'un très fort
roulis, les deux conteneurs arrimés sur le pont supérieur où
s'était produit le désarrimage des 11 conteneurs vides,
sont tombés à la mer après une rupture de leur arrimage ;
qu'en conséquence, on doit considérer que le sinistre a eu
pour cause la fortune de mer et à ce titre elle entraîne
l'exonération du transporteur maritime ; qu'en conséquence, ils demandent au tribunal de :
- se déclarer incompétent au profit du Tribunal civil de
Gênes,
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
- condamner les demandeurs à leur payer la somme de
10.000 F en vertu de l'article 700 du NCPC,
- subsidiairement, mettre hors de cause le Capitaine du
navire dont l'assignation est sans fondement,
- déclarer irrecevable la demande et la déclarer mal
fondée,
- débouter les demandeurs et les condamner à leur payer
la somme de 10.000 F en vertu de l'article 700 du NCPC et
les condamner aux dépens ;
Attendu que par un second jeu de conclusions
écrites développées oralement, la SPA Compagnie Ignazio
Messina et Monsieur le Capitaine du Navire "Jolly Grigio"
ajoutent notamment que la jurisprudence et la loi n'exigent
plus que le connaissement ait été signé par le chargeur
pour considérer comme valable les clauses de
compétence ; qu'ils demandent au tribunal de leur adjuger
de plus fort l'entier bénéfice de leurs précédentes
écritures ;
Attendu que l'affaire a été mise en délibéré ;
Sur quoi :
Attendu qu'il convient de rappeler que devant les
Tribunaux de Commerce, la procédure est orale (article
871 alinéa 1 du Nouveau Code de Procédure Civile) ;
qu'en outre, eu égard aux dispositions des articles 15 et 16
du Nouveau Code de Procédure Civile, il est interdit aux
juges de fonder leur décision sur une pièce produite par
une partie, qui n'a pas fait l'objet d'une discussion contradictoire (Civ. 3e 15 janvier 1976) ; qu'en conséquence, il y
a lieu de rejeter les notes que les parties ont fait parvenir
au Tribunal après l'audience de plaidoiries ;
Sur la compétence :
Attendu que par exploit en date du 11 mars 1994,
les Compagnies La Concorde et diverses autres
Compagnies déclarant agir aux droits acquis et en tant que
de besoin comme subrogées et cessionnaires de la
Société Sentis & Compagnie ont assigné la Compagnie
Maritime Ignazio Messina et le Capitaine Commandant le
navire "Jolly Grigio" en vue de les entendre condamner à
leur régler la somme de 23.100 US$ à raison de la perte
totale de deux conteneurs, chargés de barils de détergent,
embarqués à Marseille à destination de Benghazi (Libye)
sous couvert d'un connaissement émis au port de
chargement le 7 décembre 1993 ;
Attendu que le connaissement couvrant le transport
litigieux comportant une clause de juridiction donnant
compétence "au tribunal du lieu où le transporteur a son
principal établissement", la Compagnie Ignazio Messina
entend soulever in limine litis l'incompétence du Tribunal
de commerce de céans au profit du Tribunal civil de Gènes
en Italie ;
Attendu que s'il n'est pas contestable que les
clauses de compétence ne sont ni prohibées par la loi
française ni par la Convention de Bruxelles de 1924 et
emportent renonciation aux règles normales de
compétence, il n'en demeure pas moins que toute clause
dérogatoire au droit commun a des exigences impératives
et ne "peut être opposée qu'à la partie qui l'a acceptée au
moment de la formation du contrat" (Cass 26/05/92), les
magistrats de la Cour suprême ajoutant de surcroît la
nécessité "que la juridiction dont la compétence est élue
soit aisément identifiable" (Cass 19/03/91) ; que plus
récemment encore, la Chambre commerciale de la Cour de
cassation a clairement posé le principe : " pour être
opposable, soit au chargeur soit au destinataire, une
clause attributive de compétence territoriale doit avoir été
acceptée au plus tard, pour le premier, au moment de la
conclusion du contrat de transport et, pour le second, au
121
moment où recevant la livraison de la marchandise, il a
adhéré au contrat " (Cass 29/11/94) ;
Attendu qu'il résulte de ces principes que si tout
contrat de transport est consensuel et que l'absence de
signature n'a aucune incidence sur la validité d'un
connaissement, il n'en demeure pas moins que la
signature est primordiale pour démontrer formellement la
connaissance et l'acceptation des conditions que le contrat
comporte notamment des clauses dérogatoires que sont
les clauses de juridiction ;
Attendu qu'il n'est pas contestable que le
connaissement du 7 décembre 1993 n'est point revêtu de
la signature du chargeur et que seul figure sur son verso
un endos lequel selon les défenderesses "vaut acceptation
du chargeur" ;
Attendu qu'il échet d'observer que selon une
pratique constante, l'endos d'un connaissement a pour
objectif principal sa transmission ; que cette cession
intervient dans tous les cas postérieurement à la formation
du contrat, la Cour de cassation dans un arrêt du 3 janvier
1989 à propos de l'endossement des connaissements, a
d'ailleurs clairement relevé que : "la Cour a jugé que les
compagnies de navigation ne pouvaient s'en prévaloir
faute d'établir que les chargeurs et leurs mandataires
avaient accepté la clause fut-ce tacitement au moment de
la formation du contrat" ;
Attendu qu'ainsi dans la mesure où aucun élément
en la cause ne démontre que le chargeur ait accepté
implicitement ou tacitement la clause de juridiction lors de
la formation du contrat, il échet de déclarer ladite clause
inopposable aux demanderesses ;
Attendu qu'au surplus si l'on se réfère à la jurisprudence constante en la matière "la juridiction compétente"
doit être désignée de façon aisément identifiable ; que tel
n'est pas le cas en l'espèce dans la mesure où la clause
litigieuse donne compétence à la "juridiction du lieu où le
transporteur a son principal établissement" ; qu'une telle
clause de par son caractère imprécis "est inapplicable car
elle ne permet pas, sans des recherches approfondies de
déterminer quel est le tribunal compétent" ;
Attendu qu'en l'état de ce qui précède il échet pour
le Tribunal de commerce de céans de se déclarer
compétent à raison du lieu ;
Sur la recevabilité de la demande :
Attendu que la Compagnie Ignazio Messina et
Monsieur le Capitaine commandant le navire "Jolly Grigio"
soulèvent l'irrecevabilité de la demande des compagnies
d'assurances au motif qu'en l'absence formelle du
renoncement du destinataire à agir à leur encontre, ces
dernières ne rapportent pas la preuve de l'existence du
droit à agir de l'expéditeur ;
Attendu qu'il résulte de l'analyse des documents
produits aux débats que la Société Sentis & Compagnie,
pour avoir été débitée de la contre-valeur des marchandises perdues et les avoir remplacées ultérieurement, est
parfaitement en droit de se prévaloir de la jurisprudence
"Mercandia" lui conférant qualité pour agir dans la mesure
où en sa qualité de chargeur, elle est bien la seule à avoir
subi un préjudice ;
Attendu qu'ainsi en se prévalant tant de l'acte de
subrogation du chargeur qu'elles ont indemnisé que de la
cession de droits du destinataire en faveur dudit chargeur,
les compagnies demanderesses justifient incontestablement de leur qualité et de leur intérêt pour agir ; qu'il y a
donc lieu de déclarer recevable leur action à l'encontre de
la Compagnie Ignazio Messina et du Capitaine
commandant le "Jolly Grigio" ;
Sur le fond :
122
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
Attendu qu'aucune faute n'étant invoquée à
l'encontre du Capitaine commandant le navire "Jolly
Grigio", il y a lieu de le mettre hors de cause à titre
personnel ; que son armement étant présent et représenté
à la barre, il échet de le mettre hors de cause ès-qualité ;
Attendu qu'il n'est pas contestable que tout
transporteur maritime est de plein droit responsable des
pertes et des avaries survenues aux marchandises qui lui
sont confiées depuis leur prise en charge jusqu'à leur livraison ; que pour s'exonérer de cette présomption de
responsabilité, il peut se prévaloir d'un cas exonératoire
prévu par la loi ; que néanmoins, il lui incombe de rapporter
la preuve formelle de l'existence du cas exonératoire dont il
se prévaut ;
Attendu que dans le présent litige, la Compagnie
Ignazio Messina entend se prévaloir de la fortune de mer
en raison des conditions météorologiques rencontrées par
le navire durant son voyage ;
Attendu que selon la jurisprudence constante en la
matière, pour être acceptée en tant que telle, la fortune de
mer doit se caractériser comme un événement imprévisible
et irrésistible ;
Attendu que si l'on se réfère à l'étude des circonstances de l'accident faite par le Commandant Calvi, requis
par le transporteur, les deux conteneurs LMCU 122269/9 &
260069/5 sont tombés à la mer "au cours des manoeuvres
d'atterrissage à Benghazi le 14 janvier 1994", l'expert
poursuivant "le navire en évolution reçoit la mer par son
travers babord et pour une raison inconnue mais vraisemblablement due à l'altération de la houle par les
hauts-fonds essuie plusieurs coups de roulis violents et
désordonnés marqués de violents rappels, de sorte que
deux conteneurs arrimés à l'extrême avant tribord cassent
leurs saisines et tombent à la mer" ;
Attendu qu'au vu de ce rapport, il échet de constater d'une part qu'un premier désaisissage de conteneur
s'était produit avant que ne chutent à la mer les deux
conteneurs objets du présent litige et que d'autre part il
n'est pas contestable que la description aveugle des
événements faite par le Commandant Calvi appert nettement amplifiée comparativement au rapport de mer du
Capitaine du navire ;
Attendu que si l'on se réfère toujours au rapport
d'expertise, il échet de constater que Monsieur Calvi
expose :
1°) l'existence de dépressions centrées sur la côte
Libano-Égyptienne généralement formées dans le Golfe de
Gabes et se déplaçant vers l'est est un phénomène
météorologique bien connu des marins qui pratiquent en
hiver la Méditerranée Orientale, ces dépressions
particulièrement fortes à terre déterminent un large courant
d'Est avec une mer dure mais courte et souvent hachée
par le déplacement de la dépression,
2°) au large un navire en bon état de navigabilité peut
efficacement se défendre contre la mer en adoptant une
route et une vitesse appropriée, il n'en est pas de même
dans les phases d'atterrissage et d'entrée au port qui
imposent leurs propres contraintes ;
Attendu qu'au vu de ce dire, il échet de faire
observer que le mauvais temps et la tempête sont des
événement prévisibles en matière maritime, que les
navires sont construits et doivent être gouvernés pour y
faire face qu'ainsi des vents de force 9 ne caractérisent
pas impérativement la fortune de mer ;
Attendu que dans le présent litige, il est indiscutable
que le navire qui, pour pratiquer régulièrement cette ligne,
ne pouvait ignorer ce "phénomène météorologique" bien
connu des
marins selon le Commandant Calvi auquel il était possible
de faire face "en adoptant une route et une vitesse
appropriée" ;
Attendu qu'en définitive, en l'absence de preuves
formelles, en dehors des déclarations de l'expert, permettant de connaître si le saisissage des conteneurs avait été
réalisé selon les normes et suffisamment approprié pour
affronter des conditions particulières, il appert que le
dommage à la cargaison résulte de la seule volonté du
Capitaine du navire de rentrer dans le port de Benghazi,
malgré l'importance du vent et de la houle empêchant un
atterrissage habituel y compris "la prise du pilote s'opérant
habituellement à 1 mille dans le NW des jetées", qui a
choisi d'affronter une mer "dure et hachée" au lieu de
rechercher une route appropriée dans l'attente d'une
accalmie d'autant qu'un premier désarrimage avait précédé
la chute des conteneurs litigieux ;
Attendu qu'ainsi il échet de constater que le
dommage résulte indiscutablement d'un manque de
diligence du Capitaine ; que dès lors la Compagnie Ignazio
Messina ne saurait se prévaloir de la fortune de mer ;
Attendu qu'en l'état de ce qui précède, il y a lieu de
faire droit à la demande de la SA La Concorde et autres et
de condamner la SPA Compagnie Ignazio Messina à lui
payer la somme de 23.100,00 US$ (vingt trois mille cent
US dollars) en principal avec intérêts au taux légal à
compter de la citation, outre les dépens ;
Attendu qu'en application des dispositions de
l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, il échet
d'allouer aux compagnies d'assurances la SA La Concorde
et autres la somme de 7.500,00 F (sept mille cinq cents
francs) au titre des frais irrépétibles occasionnés par la
présente procédure ;
Attendu que l'exécution provisoire s'avérant
nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, il échet
de l'ordonner excepté toutefois en ce qui concerne les
condamnations prononcées au titre de l'article 700 du
Nouveau Code de Procédure Civile et au titre des dépens ;
Attendu qu'il échet de rejeter tout surplus des
demandes comme non fondé, ni justifié ;
Par ces motifs :
Le Tribunal de commerce de Marseille,
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Advenant l'audience de ce jour et,
Statuant par jugement contradictoire et en premier ressort,
Rejette les notes parvenues en cours de délibéré ;
Par une première disposition : Se déclare compétent à raison du lieu ;
Par une seconde disposition : Dit la demande
recevable ;
Met hors de cause Monsieur le Capitaine du navire
"Jolly Grigio" tant à titre personnel qu'ès qualités ;
Condamne la SPA Compagnie Ignazio Messina à
payer à la SA La Concorde, SA GAN Incendies Accidents,
SA CAMAT, SA Commercial Union, SA Le Continent, SA
Zurich, Compagnie Européenne d'Assurances Industrielles
(C.E.A.I.), SA Guardian Royal Exchange Assurance, SA
Nationale Suisse, SA Navigation et Transports, SA Allianz,
et Mutuelles du Mans la somme de 23.100 US$ (vingt trois
mille US$) ou sa contrevaleur en francs français au cours
du jour du prononcé du présent jugement en principal avec
intérêts au taux légal à compter de la citation et celle de
7.500,00 F (sept mille cinq cents francs) au titre des
dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de
Procédure Civile ;
Condamne la SPA Compagnie Ignazio Messina aux
dépens toutes taxes comprises de la présente instance ;
Ordonne l'exécution provisoire des dispositions du
présent jugement. excepté toutefois en ce qui concerne les
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
condamnations prononcées au titre de l'article 700 du
Nouveau Code de Procédure Civile et au titre des dépens ;
Rejette pour le surplus toutes autres demandes, fins
et conclusions contraires aux dispositions du présent
jugement ;
Président : M. TESSOR
Juges : MM. POISAT - HENRY
Avocats : SCP SCAPEL - SCAPEL-GRAIL - BONNAUD (La
Concorde et 11 autres compagnies d'assurances) ; SCP BOLLET
et Associés (Ignazio Messina SPA et Capitaine du navire "Jolly
Grigio")
*
DROIT AÉRIEN
TRANSPORT AERIEN
REDEVANCE POUR SERVICES TERMINAUX
DE LA CIRCULATION AERIENNE
MODE DE REPARTITION
EXCES DE POUVOIR (OUI)
Est annulé l'arrêté pris par le ministère chargé de
déterminer le montant du coût national du service rendu aux
aéronefs à l'arrivée et au départ des aérodromes et de
calculer la redevance due par chaque compagnie aérienne
lorsqu'il n'a pas, d'une part, justifié que la partie des frais de
fonctionnement des services centraux correspondait aux
services rendus et, d'autre part, distingué entre les
aérodromes dont l'activité dépassait un certain seuil fixé par
le Code de l'aviation civile et ceux dont l'activité était
inférieure audit seuil.
CONSEIL D'ETAT
Section du Contentieux
8ème sous-section
Décision du 10 février 1995
CHAMBRE SYNDICALE DU TRANSPORT AERIEN
c. /
MINISTERE DU BUDGET
MINISTERE DE L'EQUIPEMENT DES TRANSPORTS ET DU
TOURISME
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 26 février 1993 et 24 juin 1993 au
secrétariat du Contentieux du Conseil d'État, présentés
pour la Chambre Syndicale du Transport Aérien représentée par son président, dont le siège est 43 bd Malesherbes
à Paris (75008) ; la Chambre Syndicale du Transport
Aérien demande que le Conseil d'État annule l'arrêté, en
date du 21 décembre 1992, par lequel le ministre du
budget et le ministre de l'équipement, du logement et des
transports ont fixé les conditions d'établissement et de
perception de la redevance pour services terminaux de
circulation aérienne ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le Code de l'aviation civile ;
Vu la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu le Code des tribunaux administratifs et des cours
administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le
décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n°
87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
Le rapport de M. Chabanol, Conseiller d'État ;
Les observations de la SCP Célice, Blancpain,
avocat de la Chambre Syndicale du Transport Aérien ;
Les conclusions de M. Arrighi de Casanova,
Commissaire du gouvernement.
123
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de
la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article R.134-4 du
Code de l'aviation civile "Les services rendus par l'État
pour la sécurité de la circulation aérienne et pour la rapidité
de ses mouvements à l'arrivée et au départ des aérodromes dont l'activité dépasse un certain seuil donnent lieu
à rémunération sous forme d'une redevance pour services
rendus dite redevance pour services terminaux de la circulation aérienne. La liste de ces aérodromes est fixée par
arrêté du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre
chargé des finances... Son montant est déterminé en
fonction de la masse maximum au décollage de l'aéronef,
par application d'un taux unitaire, suivant des modalités
fixées par arrêté du ministre chargé de l'aviation civile et du
ministre chargé des finances.- Le taux unitaire normal doit
tenir compte du coût national du service rendu..." ; que la
Chambre Syndicale du Transport Aérien demande l'annulation de l'arrêté en date du 21 décembre 1992 fixant les
conditions d'établissement et de perception de ladite
redevance pour les aéronefs utilisant l'aide à l'approche
des aérodromes inscrits sur la liste annexée audit arrêté ;
Considérant que pour arrêter le montant du coût
national du service aux aéronefs, les auteurs de l'arrêté
attaqué ont, d'une part, affecté de façon forfaitaire une
partie de l'ensemble des coûts inhérents au fonctionnement de la direction générale de l'aviation civile d'autre
part, retenu les dépenses du service de contrôle d'approche exposées dans les aérodromes figurant sur la liste
annexée audit arrêté ;
Considérant, en premier lieu, que l'administration ne
justifie pas que la partie des frais de fonctionnement des
services centraux prise en compte pour le calcul de la
redevance contestée corresponde aux services rendus aux
compagnies aériennes au titre du contrôle d'approche ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte des
termes même de l'article R.134-4 précité que seuls les
services rendus aux usagers d'aérodromes disposant d'un
service de contrôle d'approche assuré par l'État et dont, en
outre, l'activité dépasse un certain seuil peuvent être pris
en compte pour le calcul de la redevance ; que, par suite,
en retenant, pour établir la liste dont il s'agit, tous les
aérodromes où opèrent des services de contrôle d'approche assurés par l'État, les ministres n'ont pas effectué la
distinction que leur imposaient les dispositions précitées
entre ceux de ces aérodromes dont l'activité dépasse un
certain seuil et ceux dont l'activité est inférieure à ce seuil ;
que, par suite, et en admettant même que la répartition des
services de contrôle assurés par l'État ait elle-même été
opérée en fonction de critères liés à l'activité des
aérodromes, les dépenses prises en compte pour
l'établissement de la redevance en cause ont incorporé
des coûts que les dispositions précitées imposaient
d'exclure ;
Considérant qu'il suit de là que la Chambre
Syndicale du Transport Aérien est fondée à soutenir que
l'arrêté attaqué est entaché d'excès de pouvoir ;
Sur les conclusions tendant à l'application de
l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de
la loi du 10 juillet 1991 fait obstacle à ce que la Chambre
Syndicale du Transport Aérien, qui n'est pas dans la
présente instance la partie perdante, soit condamnée à
verser à l'État la somme qu'il demande au titre des frais
non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de
l'espèce, de condamner l'État à verser à la Chambre
Syndicale du Transport Aérien une somme de 25.000 F. au
titre des frais non compris dans les dépens ;
124
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
Décide :
Article 1er : L'arrêté en date du 21 décembre 1992,
par lequel le ministre du budget et le ministre de
l'équipement, du logement et des transports ont fixé les
conditions d'établissement et de perception de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne, est
annulé.
Article 2 : l'État est condamné à payer une somme
de 25.000 F. à la Chambre Syndicale du Transport Aérien
au titre de frais non compris dans les dépens.
Article 3 : Les conclusions du ministre de l'équipement, des transports et du tourisme tendant à l'application
de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la
Chambre Syndicale du Transport Aérien, au ministre du
budget et au ministre de l'équipement, des transports et du
tourisme.
Président de la Section du Contentieux : M. COMBARNOUS
Présidents-adjoints de la Section du Contentieux : MM. BAVILLE VUGHT - ROUGEVIN - Mme BAUCHET
Présidents de la sous-section : MM. MORISOT - GROUX LECLERC - MASSOT - ROUX - J.F. THERY - LAVONDES LABETOULLE - COSTA Conseillers d'État : MME LATOURNERIE - M.B. CHERAMY
*
TRANSPORT AERIEN
DEPENSES LIEES AU CONTROLE DE L'ETAT
CALCUL DE LA REDEVANCE DUE PAR CHAQUE
COMPAGNIE
EXCES DE POUVOIR (OUI)
Est annulé l'arrêté gouvernemental qui a fixé la redevance en vue de financer le contrôle technique d'exploitation
concernant le personnel navigant, le matériel volant et son
exploitation par chaque compagnie en incluant dans la base
de calcul le coût d'opérations exposées dans l'intérêt général
des usagers du transport aérien et des populations survolées
et celui de prestations non directement rendues aux
compagnies concernées par ladite redevance.
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
CONSEIL D'ETAT
Section du contentieux
8ème sous-section du contentieux
Décision du 10 février 1995
CHAMBRE SYNDICALE DU TRANSPORT AERIEN
c./
MINISTERE DE L'EQUIPEMENT DES TRANSPORTS ET DU
TOURISME
Vu la requête et le mémoire complémentaire,
enregistrés les 18 mai 1993 et 11 août 1993 au secrétariat
du Contentieux du Conseil d'État, présentés pour la
Chambre Syndicale du Transport Aérien, dont le siège est
43, boulevard Malesherbes à Paris (75008), représentée
par son président ; la Chambre Syndicale du Transport
Aérien demande que le Conseil d'État annule pour excès
de pouvoir l'arrêté en date du 4 mars 1993 par lequel le
ministre de l'équipement, du logement et des transports a
fixé les modalités de répartition de certaines dépenses de
contrôle technique d'exploitation entre les entreprises
autorisées de transport aérien ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le Code de l'aviation civile ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le
décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n°
87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
Le rapport de M. Chabanol, Conseiller d'État ;
Les observations de la SCP Célice, Blancpain,
avocat de la Chambre Syndicale du Transport Aérien ;
Les conclusions de M. Arrighi de Casanova,
Commissaire du gouvernement.
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de
la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article R.330-4 du
Code de l'aviation issu du décret du 12 novembre 1954, et
relatif au contrôle de l'exploitation technique des entreprises autorisées à exercer une activité de transport
aérien : "Les entreprises autorisées sont soumises au
contrôle que l'État exerce pour l'application des dispositions fixées par les conventions internationales, les lois et
les règlements en vigueur concernant le personnel
navigant, le matériel volant et l'exploitation technique de ce
matériel... Les dépenses entraînées par les contrôles sont
à la charge des entreprises. Chaque entreprise a la charge
des contrôles qui sont exercés spécialement à son égard.
Les autres dépenses de contrôle sont réparties entre les
entreprises proportionnellement au tonnage effectivement
transporté. Cette répartition est fixée chaque année par
arrêté du ministre chargé de l'aviation civile" ; que par
application de ces dispositions, le ministre de l'équipement,
du logement et des transports a, par l'arrêté attaqué, fixé,
pour l'année 1993, à 11,10 F. par tonne effectivement
transportée par chaque entreprise en 1991, la répartition
des dépenses des contrôles techniques non exercés
spécialement à l'égard des entreprises ;
Considérant que le gouvernement ne pouvait
légalement instituer, par les dispositions précitées, une
redevance mise à la charge des entreprises autorisées, en
vue de financer le contrôle technique d'exploitation qu'à la
double condition d'une part que les opération qu'elle est
appelée à financer ne soient pas effectuées essentiellement dans l'intérêt général des usagers du transport aérien
et des populations survolées, et d'autre part que ladite
redevance trouve sa contrepartie dans une prestation
directement rendue aux compagnies.
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des
pièces du dossier que la base de calcul de la redevance
forfaitairement mise à la charge des compagnies, en
125
application des dispositions précitées, incorpore des frais
de contrôle au sol des aéronefs et des documents de vol,
effectués de façon inopinée dans les aérodromes, à la
diligence de l'administration, soit avant décollage soit après
atterrissage ; que de telles dépenses qui sont exposées
dans l'intérêt de la sécurité des usagers et des populations
survolées ne pouvaient légalement être comprises dans
cette base de calcul ;
Considérant, en deuxième lieu, que ladite base
comporte également des dépenses liées à la formation
initiale des pilotes, à la certification des matériels neufs
ainsi qu'à l'élaboration de la réglementation ; que lesdites
dépenses, qui ne correspondent pas à des prestations
directement rendues aux compagnies, ne pouvaient de ce
fait être légalement incluses dans la base de calcul de la
redevance contestée ;
Considérant qu'il suit de là qu'à supposer même
que les autres dépenses prises en compte aient été de
nature à être imputées forfaitairement aux compagnies, et
non mises à la charge des entreprises à l'égard desquelles
sont exercés certains contrôles, la Chambre Syndicale du
Transport Aérien est fondée à soutenir que l'arrêté est
entaché d'excès de pouvoir et à en demander l'annulation ;
Décide :
Article 1er : L'arrêté en date du 4 mars 1993 par
lequel le ministre de l'équipement, du logement et des
transports a fixé pour l'année 1993 la répartition entre les
entreprises autorisées au transport aérien des dépenses
de contrôles techniques d'exploitation non exercées
spécialement à l'égard de chaque entreprise, est annulé.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la
Chambre Syndicale du Transport Aérien et au ministre de
l'équipement, des transports et du tourisme.
Président de la Section du Contentieux : M. COMBARNOUS
Présidents-adjoints de la Section du Contentieux : MME
BAUCHET - MM. ROUGEVIN - BAVILLE - VUGHT
Présidents de sous-section : MM. MORISOT - GROUX LECLERC - MASSOT - ROUX - J.F. THERY - LAVONDES LABETOULLE - COSTA
Conseillers d'État : MME LATOURNERIE - M. B. CHERAMY
*
TRANSPORT AERIEN
REDEVANCES DE ROUTE AERIENNE
CONDITIONS D'APPLICATION PAR ACCORD
MULTILATERAL
ARRETE DE PUBLICATION
LEGALITE (OUI)
Il n'appartient pas au juge administratif français
d'apprécier le bien fondé des taux unitaires de redevances
pour services rendus en matière de navigation aérienne fixés
par une instance internationale constituée de représentants
de tous les États contractants.
En conséquence, l'arrêté ministériel publiant ces taux
ne peut être annulé.
CONSEIL D'ETAT
Section du contentieux
8ème et 9ème sous-sections
Décision du 22 juillet 1994
CHAMBRE SYNDICALE DU TRANSPORT AERIEN
c./
MINISTERE DU BUDGET
MINISTERE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU
TOURISME
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 26 février 1993 et 24 juin 1993 au
126
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
secrétariat du Contentieux du Conseil d'État, présentés
pour la Chambre Syndicale du Transport Aérien représentée par son président, dont le siège est 43 bd
Malesherbes à Paris (75008) ; la Chambre Syndicale du
Transport Aérien demande que le Conseil d'État annule
l'arrêté, en date du 21 décembre 1992, par lequel les
ministres du budget et de l'équipement, du logement et des
transports ont modifié les tarifs unitaires des redevances
de route exigées des exploitants d'aéronefs survolant le
territoire français ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le Code de l'aviation civile ;
Vu la loi du 20 avril 1983 portant ratification de
l'accord international du 12 février 1981, relatif à
l'organisation européenne pour la sécurité de la navigation
aérienne ;
Vu la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu le Code des tribunaux administratifs et des cours
administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le
décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n°
87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
Le rapport de M. Chabanol, Conseiller d'État ;
Les observations de la SCP Célice, Blancpain,
avocat de la Chambre Syndicale du Transport Aérien ;
Les conclusions de M. Arrighi de Casanova,
Commissaire du gouvernement.
Considérant qu'il résulte des stipulations de l'accord
multilatéral relatif aux redevances de route, en date du 12
février 1981, ratifié en vertu de la loi du 20 avril 1983, que
la "commission élargie" instituée par ledit accord, et constituée de représentants de tous les États contractants est
chargée, entre autres, de déterminer les conditions d'application du système commun de redevances de route, y
compris "les taux unitaires, les tarifs et leur période d'application" ; que, par suite, et même si ladite commission se
détermine à partir d'informations chiffrées adressées par
les États contractants au service central des redevances
de route, relatives au coût national des services d'aide à la
navigation aérienne, le tarif unitaire, arrêté par décision en
date du 27 novembre 1992 de la commission élargie,
présente le caractère d'une décision prise par un organisme international et dont l'arrêté attaqué, conformément aux
dispositions de l'article R.134-1 du Code de l'aviation civile
dans sa rédaction résultant du décret du 18 juillet 1990, se
borne à assurer la publication ;
Considérant en premier lieu, qu'en confiant à un
arrêté interministériel le soin d'assurer la publication des
règles ainsi fixées par une instance internationale, le décret
du 18 juillet 1990 n'a pas confié aux ministres qu'il
désignait le soin d'arrêter le montant des redevances de
route ; que le moyen tiré de ce qu'en raison de l'illégalité
d'une telle délégation de compétence l'arrêté attaqué serait
entaché d'incompétence ne peut dès lors qu'être en tout
état de cause écarté.
Considérant en deuxième lieu, que même en
admettant que, bien que non publié l'acte créant la
commission consultative économique soit opposable à
l'administration, cet organisme, chargé de donner son avis
sur la tarification des services rendus en matière de
navigation aérienne, n'avait pas à être consulté sur la
publication, à laquelle l'État était tenu, de règles arrêtées
dans le cadre de l'organisation européenne pour la sécurité
de la navigation aérienne ; que par suite la circonstance
que ladite commission n'aurait pas été consultée en temps
utile sur le projet de budget annexe de l'aviation civile est
sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué ;
Considérant en troisième lieu, que si l'article 95 du
Traité instituant la communauté économique européenne
interdit de frapper les produits importés d'impositions
intérieures discriminatoires ou de nature à protéger indirectement d'autres productions, ces dispositions sont en tout
état de cause inapplicables aux redevances frappant des
prestations de services ; que le moyen tiré de ce que cet
article faisait obstacle à la publication du tarif en cause ne
peut dès lors qu'être écarté ;
Considérant en quatrième lieu, que si la requérante
se prévaut de la violation des règles découlant de la
convention de Chicago, elle ne précise pas quelle norme,
inscrite dans cette convention et revêtant pour les autorités
françaises un caractère contraignant, est méconnue par les
dispositions de l'arrêté attaqué ; que le moyen sus analysé
doit donc en tout état de cause être écarté ;
Considérant enfin qu'il n'appartient pas au juge
administratif français d'apprécier le bien fondé des taux
unitaires de redevances arrêtés par une instance
internationale ; que par suite les moyens tirés de ce que
ces taux seraient exagérés et de ce que, à défaut de
proportionnalité avec le service rendu, la redevance dont
s'agit constituerait une imposition ne peuvent qu'être
écartés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la
Chambre Syndicale du Transport Aérien n'est pas fondée à
demander l'annulation de l'arrêté attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l'application du I de
l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'aux termes de l'article I de l'article
75 de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances,
le juge condamne la partie tenue aux dépens ou à défaut la
partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il
détermine, au titre des frais exposés et non compris dans
les dépens" ;
Considérant, d'une part, que ces dispositions font
obstacle à ce que l'État, qui n'est pas dans la présente
instance la partie perdante, soit condamné à payer à la
Chambre Syndicale du Transport Aérien la somme qu'elle
réclame au titre des frais non compris dans les dépens ;
Considérant, d'autre part, que ces dispositions font
obstacle à ce que l'État, qui se borne à faire état de
surcroît de travail pour ses services, sans se prévaloir de
frais exposés obtienne la condamnation qu'il réclame ;
Décide :
Article 1er : La requête de la Chambre Syndicale du
Transport Aérien est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du ministre de l'équipement, des
transports et du tourisme tendant à l'application du I de
l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la
Chambre Syndicale du Transport Aérien, au ministre du
budget et au ministre de l'équipement, des transports et du
tourisme.
Président de la section : M. ROUGEVIN - BAVILLE
Présidents des sous-sections : MM. GROUX - LECLERC
Conseillers d'État : MM. QUERENET ONFROY DE BREVILLE FOUQUET - TURQUET DE BEAUREGARD
*
DROIT FLUVIAL
CONTRAT D'AFFRÈTEMENT FLUVIAL
RECONNAISSANCE DE DETTE (NON)
PRESCRIPTION (OUI)
POUVOIR SOUVERAIN D'APPRÉCIATION
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
Seule une reconnaissance de dette contenant un
engagement ferme de payer et adressé directement au
réclamant par le débiteur, peut valoir renonciation à la
prescription acquise au profit de celui-ci.
L'appréciation d'un document produit à titre de preuve
et relatif à une reconnaissance de dette relève du pouvoir
souverain des juges du fond.
127
128
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
COUR DE CASSATION
Chambre Commerciale, Financière et Économique
Arrêt de rejet du 9 mai 1995
Mme DIDIER
c./
SOCIÉTÉ SOUFFLET NÉGOCE
Sur le moyen unique pris en ses première et deuxième
branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 février
1993), que la Société EATE a conclu avec la Société
Soufflet un contrat dit "de location à temps" de péniches,
selon des tarifs de fret préférentiels convenus sur la base
d'un tonnage déterminé à transporter ; qu'elle a assigné
cette dernière société en paiement d'une somme
représentant la différence entre le tarif normal et le tarif
préférentiel du fait que le tonnage prévu n'aurait pas été
atteint ; que le Tribunal a accueilli cette demande ;
Attendu que le liquidateur judiciaire de la Société
EATE fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande comme
prescrite, alors, selon le pourvoi, d'une part, que,
lorsqu'elle a la forme d'un acte unilatéral, la renonciation ne
requiert pas le concours de son bénéficiaire ; d'où il suit
qu'en s'attachant à la qualité du destinataire de la lettre du
17 janvier 1989, bien que cette circonstance fût inopérante,
les juges du fond ont violé les articles 1134, 2220 et 2221
du Code civil ; et alors, d'autre part, que la renonciation à
la prescription s'analyse comme l'abdication, par la partie
qui en est titulaire, du droit d'invoquer la prescription ;
qu'en exigeant une promesse de payer, qu'en soi la
renonciation à la prescription n'implique pas, les juges du
fond ont violé les articles 1134, 2220 et 2221 du Code
civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté, d'un côté, que la
lettre du 17 janvier 1989 avait été adressée par le courtier
de la Société Soufflet, non au réclamant, mais à l'Office
National de la Navigation, et qu'elle s'insérait dans
l'enquête diligentée par cet office à la suite de la mise en
liquidation judiciaire de la Société EATE, d'un autre côté,
que ce document relevait les positions respectives de
chacune des parties dans l'ensemble de leurs relations,
sans contenir un engagement ferme du débiteur de payer
les sommes réclamées, c'est par une appréciation souveraine du sens et de la portée de l'écrit qui lui était soumis
que la Cour d'appel a estimé que celui-ci ne constituait
pas, de la part de la Société Soufflet, une reconnaissance
de dette spécifique de l'objet du litige valant renonciation à
la prescription acquise ; que le moyen n'est fondé en
aucune de ses branches ;
Sur les troisième et cinquième branches du moyen :
Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir
ainsi statué, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la lettre
du 17 janvier 1989 énonçait : "Les Établissements J.
Soufflet reconnaissent devoir à l'EATE pour la campagne
86/87... FF 966.411,50", et encore : "dû à l'EATE par les
Établissements J. Soufflet 866.411,50 F"; qu'en estimant
que ces mentions ne valaient pas reconnaissance de dette,
quand elles établissaient sans équivoque que la Société
Soufflet se reconnaissait débitrice, au moins à concurrence
d'un certain montant, les juges du fond ont dénaturé la
lettre du 17 janvier 1989; et alors, d'autre part, que, les
termes de ladite lettre, tels qu'ils sont rapportés ci-dessus,
révélant que la Société Soufflet s'est reconnue débitrice,
au moins jusqu'à un certain montant, de la Société EATE,
les juges du fond, en considérant qu'il n'y avait pas
engagement de paiement, en ont dénaturé les termes ;
Mais attendu que la Cour d'appel n'a fait qu'exercer
son pouvoir souverain en appréciant le sens et la portée
d'un document produit à titre de preuve ; que le moyen ne
peut être accueilli en ses troisième et cinquième branches ;
Sur les quatrième et sixième branches du moyen :
Attendu qu'il est enfin fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi
statué, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, faute d'avoir
rappelé, au moins sommairement, les termes de la lettre
du 17 janvier 1989, et dit en quoi les énonciations de ce
document ne pouvaient être retenus comme valant
abandon par la Société Soufflet de la prescription qu'elle
pouvait invoquer, les juges du fond ont privé leur décision
de base légale au regard des articles 1134, 2220 et 2221
du Code civil ; et alors, d'autre part, que, faute d'analyser
au moins sommairement les termes de la lettre du 17
janvier 1989, à l'effet de faire apparaître s'ils permettaient
ou non de constater l'existence d'un engagement de payer,
les juges du fond ont privé leur décision de base légale au
regard des articles 1134, 2220 et 2221 du Code civil, 107
et 108 du Code de commerce ;
Mais attendu que l'arrêt a relevé que la lettre du 17
janvier 1989, adressée, non au réclamant, mais à l'Office
National de la Navigation, relevait les positions respectives
de chaque partie dans l'ensemble de leurs relations et ne
contenait pas un engagement ferme du débiteur de payer
les sommes demandées ; qu'en l'état de ces constatations,
la Cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Par ces motifs :
Rejette le pourvoi ;
Condamne Mme Didier, ès qualités, envers la
Société Soufflet négoce, aux dépens et aux frais
d'exécution du présent arrêt ;
Président : Mme PASTUREL
Conseiller rapporteur : M. BADI
Conseiller : M. EDIN
Avocat Général : Mme PINIOT
Avocats : Me FOUSSARD (Mme Didier) ; Me CHOUCROY
(Société Soufflet Négoce)
Décision aimablement communiquée par Me Alain Tinayre du
barreau de Paris.
*
DROIT ROUTIER
TRANSPORT ROUTIER INTERNATIONAL
DÉFAUT D'ARRIMAGE NON APPARENT
PRÉSOMPTION EN VERTU DE LA CMR
Le transporteur routier qui établit que l'avarie pouvait
résulter d'un défaut d'arrimage non apparent imputable à
l'expéditeur, bénéficie en vertu des dispositions de la CMR
d'une présomption le dispensant de rapporter une preuve qui
ne lui incombe pas.
COUR DE CASSATION
Chambre Commerciale, Financière et Économique
Arrêt de cassation du 31 janvier 1995
LA RÉUNION EUROPÉENNE
REVIRON TRANSPORTS
c./
WAVIN SA
Sur le moyen unique pris en sa première branche :
Vu les articles 17-4-c et 18-2 de la convention de
Genève du 19 mai 1956 relative au contrat de transport
international de marchandises par route (CMR) ;
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
Attendu qu'en vertu de ces textes, lorsque le
transporteur établit qu'eu égard aux circonstances de fait,
l'avarie a pu résulter d'un défaut d'arrimage non apparent
imputable à l'expéditeur, il y a présomption qu'il en résulte ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué que la Société
Transports Reviron (le transporteur) a transporté une
machine de France en Italie que lui avait confiée la Société
Wavin (l'expéditeur) ; que le destinataire qui a constaté que
la machine avait subi de avaries, a mentionné des réserves
sur la lettre de voiture internationale ; que la Société Wavin
a assigné en réparation de ses préjudices, le transporteur
et son assureur, la Société La Réunion Européenne
(l'assureur) ; que le transporteur a invoqué le risque particulier tiré d'un défaut d'arrimage d'une partie mobile de la
machine par l'expéditeur ;
Attendu que, pour écarter ce risque particulier et
condamner le transporteur et son assureur au paiement,
l'arrêt retient "que le transporteur est en mesure de
dégager sa responsabilité si le dommage est dû à des
mauvaises conditions d'emballage ou de chargement non
apparentes lorsqu'il s'est effectué, que dans ce cas la
preuve incombe au transporteur" et "que les transporteurs
ne rapportent pas la preuve qui leur incombent" ;
Attendu qu'en statuant ainsi la Cour d'appel a violé
les textes susvisés ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur
les autres griefs du pourvoi :
Casse et annule, dans toutes ses dispositions,
l'arrêt rendu le 28 octobre 1992, entre les parties, par la
Cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause
et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit
arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour
d'appel de Bourges ;
Condamne la Société Wavin, aux dépens et aux
frais d'exécution du présent arrêt ;
Président : M. BEZARD
Conseiller rapporteur : M. APOLLIS
Conseiller : Mme PASTUREL
Avocat Général : M. RAYNAUD
Avocats : Me LE PRADO (La Réunion Européenne et Reviron
Transports) ; SCP MASSE-DESSEN - GEORGES - THOUVENIN
(Société Wavin)
*
129
bateau, placé sur un ber, a glissé, puis a basculé vers
l'avant du véhicule et a subi des avaries ; qu'assignée par
M. Etche-Garay en réparation de la totalité de ses
dommages, la Société Ouest Montage a invoqué la clause
limitative de responsabilité du contrat ;
Attendu que la Société Ouest Montage fait grief à
l'arrêt d'avoir, pour écarter cette limitation de responsabilité, retenu sa faute lourde, alors, selon le pourvoi, que
le ber, comme le voilier, avait été conçu et fabriqué par M.
Etche-Garay qui l'avait expressément présenté à la Société
Ouest-Montage comme permettant le transport sur
remorque, sans émettre aucune réserve sur sa solidité ;
que les juges du fond ne pouvaient donc retenir l'existence
d'une faute lourde commise par la Société Ouest Montage
en se bornant à relever que cette société aurait du
procéder au renforcement du ber et en relevant par ailleurs
que l'insuffisance du calage et de l'arrimage qui lui était
reprochée n'était pas à l'origine de l'accident survenu
durant le transport du voilier ; qu'en statuant ainsi la Cour
d'appel a violé l'article 1150 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt a retenu, par motifs propres
et adoptés, que l'impropriété du ber au transport du voilier
était apparente et manifeste pour un professionnel du
transport, que le transporteur qui, contractuellement, avait
accepté d'effectuer le chargement, le transport et le
déchargement du bateau, ne pouvait échapper à son
obligation de contrôle du chargement et de l'arrimage,
qu'en constatant que le ber n'était pas adapté au transport
il aurait dû, soit refuser la mission, soit procéder ou faire
procéder au renforcement du ber, soit enfin fournir une
remorque aménagée spécialement pour un tel transport ;
que de ces constatations l'arrêt a pu retenir qu'en passant
outre et en s'abstenant de caler le ber sur sa remorque, et
en se contentant d'un arrimage transversal insuffisant pour
limiter la tendance au déversement du chargement sur
l'avant tel qu'il s'est produit, tandis qu'elle pouvait ainsi
éviter le sinistre, la Société Ouest Montage avait commis
une négligence d'une extrême gravité confinant au dol et
dénotant l'inaptitude du transporteur à l'accomplissement
de la mission contractuelle qu'il avait acceptée ; que le
moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs :
TRANSPORT ROUTIER
FAUTE ÉQUIPOLLENTE AU DOL (OUI)
DROIT DE LIMITER LA RESPONSABILITÉ (NON)
Rejette le pourvoi ;
Condamne la Société Ouest Montage à payer à M.
Etche-Garay la somme de 10.000 francs en vertu de
l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
La condamne envers M. Etche-Garay aux dépens
et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Un professionnel qui accepte de réaliser le transport
d'un voilier posé sur un ber manifestement inadapté audit
transport, commet une négligence d'une extrême gravité
confinant au dol et démontrant son inaptitude à exécuter sa
mission contractuelle, pour avoir insuffisamment calé et
arrimé ledit ber et pour avoir omis de proposer une remorque
spécialement adaptée à ce type de transport.
Il ne peut, en conséquence, bénéficier de son droit à
limiter sa responsabilité.
Président : M. BEZARD
Conseiller rapporteur : M. APOLLIS
Conseiller : Mme PASTUREL
Avocat Général : M. RAYNAUD
Avocats : Me BLANC (Société Ouest-Montage) ; SCP WAQUET FARGE - HAZAN (M. Etche-Garay)
COUR DE CASSATION
Chambre Commerciale, Financière et Économique
Arrêt de rejet du 31 janvier 1995
SOCIÉTÉ OUEST-MONTAGE
c./
M. OYER ETCHE-GARAY
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Rennes, 8
décembre 1992), que M. Etche-Garay a confié le transport
de son voilier à la Société Ouest Montage ; qu'au cours de
son déplacement et à l'occasion d'un ralentissement, le
*
CENTRE PORTUAIRE D'ACCUEIL ROUTIER
PROCÉDURE JUDICIAIRE
ARRÊTÉ DE CONFLIT
NATURE DU SERVICE - COMPÉTENCE
ADMINISTRATIVE (OUI)
Le Centre Portuaire d'Accueil Routier, étant un
organisme non autonome géré par le Syndicat Mixte
d'Équipement de Marseille qui reçoit pour une part
prépondérante des subventions de la ville et de la Chambre
de Commerce, n'est pas un établissement public industriel et
commercial.
130
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
En conséquence, la juridiction judiciaire ne pouvait
pas statuer sur un litige le concernant et ses décisions
doivent être annulées.
TRIBUNAL DES CONFLIT
Décision du 25 avril 1994
SYNDICAT MIXTE D'ÉQUIPEMENT DE MARSEILLE
c./
COMPAGNIE D'ASSURANCES NAVIGATION ET TRANSPORTS
Vu, enregistrée à son secrétariat le 14 janvier 1994,
la lettre par laquelle le ministre d'État, Garde des Sceaux,
ministre de la justice a transmis au Tribunal le dossier de la
procédure opposant le Syndicat Mixte d'Équipement de
Marseille à la Compagnie d'Assurances Navigation et
Transports, et autres devant la Cour d'appel
d'Aix-en-Provence ;
Vu le déclinatoire, présenté le 2 décembre 1992 par
le préfet de la région Provence - Alpes - Côte d'Azur, préfet
des Bouches-du-Rhône, tendant à voir déclarer la
juridiction judiciaire incompétente par les motifs que le
Syndicat Mixte d'Équipement de Marseille est un service
public de caractère administratif, dont le contentieux extracontractuel relève de la juridiction administrative ;
Vu l'arrêt du 15 septembre 1993 par lequel la Cour
d'appel d'Aix-en-Provence a rejeté le déclinatoire de
compétence, et sursis à toute procédure ;
Vu l'arrêté du 5 novembre 1993 par lequel le préfet
a élevé le conflit ;
Vu, enregistré le 11 mars 1994, le mémoire
présenté par le ministre d'État ministre de l'intérieur et de
l'aménagement du territoire, tendant à la confirmation de
l'arrêté de conflit par les motifs que le Syndicat Mixte
d'Équipement de Marseille ne peut être regardé comme
gérant un service public industriel et commercial dès lors
que son financement est assuré de façon prépondérante
par des fonds publics ;
Vu, enregistré le 25 mars 1994, le mémoire,
présenté par le Syndicat Mixte d'Équipement de Marseille,
tendant à la confirmation de l'arrêté de conflit par les motifs
que le centre portuaire d'accueil routier est financé en
majorité par des fonds public et est installé sur le domaine
public ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16
fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ;
Vu l'ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Leclerc, membre du tribunal,
- les conclusions de M. de Caigny, Commissaire du
Gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que
le "Centre Portuaire d'Accueil Routier" (CPAR), sur le parc
de stationnement duquel avait été garée la remorque dont
le vol est à l'origine du litige porté devant le Tribunal de
commerce de Marseille, puis devant la Cour d'appel
d'Aix-en-Provence, a été réalisé. par le Syndicat Mixte
d'Équipement de Marseille créé par la Ville et la Chambre
de Commerce de Marseille ; que le financement tant du
Syndicat Mixte d'Équipement de Marseille que du Centre
Portuaire d'Accueil routier, qui ne constitue pas un organisme autonome et dont les dépenses et recettes sont
intégralement reprises dans le budget du syndicat, est
assuré, pour une part prépondérante, par des subventions
de la Ville et de la Chambre de Commerce de Marseille ;
que, compte tenu des conditions de fonctionnement et des
modalités de financement du Centre Portuaire d'Accueil
Routier, le litige ne peut être regardé comme mettant en
cause les relations d'un établissement public industriel et
commercial avec ses usagers ; que, dès lors, il n'appartient
pas à la juridiction judiciaire d'en connaître ; qu'ainsi, c'est
à bon droit que le conflit a été élevé ;
Décide :
Article 1er : L'arrêté de conflit pris le 5 novembre
1993 par le préfet de la région Provence - Alpes - Côte
d'Azur, préfet des Bouches-du-Rhône est confirmé. :
Article 2 : Sont déclarés nuls et non avenus la
procédure engagée par la Compagnie d'Assurance
Navigation et Transports, et autres devant le Tribunal de
commerce de Marseille et par le Syndicat Mixte
d'Équipement de Marseille devant la Cour d'appel
d'Aix-en-Provence, et le jugement du Tribunal de
commerce du 5 juin 1992 et l'arrêt de la Cour d'appel du 15
septembre 1990 :
Article 3 : La présente décision sera notifiée au
ministre d'État, Garde des Sceaux, ministre de la justice,
qui est chargé d'en assurer l'exécution.
Président : M. LEMONTEY
Conseillers : MM. ROUGEVIN-BAILLE - VUGHT - MORISOT SAINTOYANT - CULIÉ - CHARTIER - LECLERC
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
131
INFORMATIONS
REGLEMENTATION DES TRANSPORTS
UNION EUROPEENNE
20 avril 1995 - Les consortia :
Par un Règlement, la Commission des Communautés a défini les conditions auxquelles les
"consortia" (catégorie d'accords, de décisions et de pratiques concertées entre compagnies
maritimes de ligne) doivent satisfaire pour bénéficier de l'exception par catégorie à l'obligation de
libre concurrence.
Règlement (CE) n° 870/95 de la Commission du 20 avril 1995 - J.O.C.E., 21.04.95, L. 87/7 à 12.
19 juin 1995 - Sécurité maritime :
Par une Directive, le Conseil de l'Union Européenne a défini "l'application aux navires faisant
escale dans les ports de la communauté ou dans les eaux relevant de la juridiction des États
membres, des normes internationales relatives à la sécurité maritime, à la prévention de la
pollution et aux conditions de vie et de travail à bord des navires et l'exercice de leur contrôle par
l'État du port.
Directive 95/21/CE du Conseil du 19 juin 1995 - J.O.C.E. 7 juillet 1995, n° L.157/1.
FRANCE
14 juin 1995 - Ministère :
Par décret du Président de la République, ont été fixées les attributions du secrétaire d'État aux
transports. Celles-ci sont exercées par délégation du Ministère de l'aménagement du territoire, de
l'équipement des transports.
Décret n° 95.786 du 14 juin 1995 - J.O. 15 juin 1995, p. 9143.
20 juin 1995 - Transports internationaux ferroviaires :
Par décret, ont été publiées les dispositions complémentaires pour interpréter les règles uniformes
concernant le contrat de transport international ferroviaire en cas de séparation de la gestion de
l'infrastructure ferroviaire et de l'exploitation des services de transport des entreprises ferroviaires.
Décret n° 95.814 du 20 juin 1995 - J.O. 27 juin 1995, p. 9628.
19 juillet 1995 - Encadrement des Transports :
Un projet de loi a été présenté au Sénat afin d'améliorer diverses dispositions relatives aux
transports maritimes, aériens et terrestres . Il tend à renforcer la sécurité des différents modes de
transport et à mettre notre législation en conformité avec la réglementation européenne.
N° 383, Sénat 3° session extraordinaire de 1994/1995.
132
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
COLLOQUES, SEMINAIRES, CONGRES,
STAGES, CONFERENCES
1995
2 octobre :
Institut Méditerranéen des Transports Maritimes (I.M.T.M.), Info navires, IMTM 1995.
Les transports maritimes intracommunautaires, Marseille, I.M.T.M., Tél. 91.90.17.15, Fax
91.90.01.62.
6 octobre :
Institut du Droit International et des Transports
Le transport multimodal de marchandises dangereuses
Les différents domaines dans lesquels les réglementations propres à chaque mode de transport
se chevauchent ou combinent leurs dispositions.
Rouen, IDIT, Tél. 35.71.33.50, Fax 25.15.15.88.
9 octobre :
Institut Français de Navigation
Politique française des aides à la navigation aérienne, maritime et terrestre.
Paris I.F.N., Tél. (1) 44.38.40.43., Fax (1) 44.38.41.44.
9-11 et 12-13 octobre :
Lloyd's Maritime Training
The 5th International Time and Voyage Charterparties Seminars
Londres, L.L.P., Phone 171 250 1500, Fax 171 253 9907;
10-11 octobre :
Forum du Droit et des Affaires
Les nouvelles relations administrateurs - actionnariat - dirigeants
Paris, Forum, Tél.(1) 53.68.76.76., Fax (1) 45.31.06.70.
16-17 octobre :
Édition Formation Entreprise
L'occupation privative du domaine public
Paris E.F.E., Tél. (1) 44.09.24.24., Fax (1) 40.55.00.68.
27 octobre :
Propeller Club, Port of Marseilles-Fos
Maritime Day
Marseille, Propeller, Tél. 42.22.60.63., Fax 42.22.73.94.
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
30 octobre - 3 novembre :
ESCAP - UNCTAD - BIMCO
Régional seminar on charter parties and ship finance
Bangkok, Unctad, Genève Tél. 907-2064 Fax 907-0049.
16 novembre - 14 - 15 décembre :
Édition Formation Entreprise
Optimisez la gestion de vos baux commerciaux
Paris, E.F.E. Tél. (1) 44.09.24.24, Fax (1) 40.55.00.68.
17 novembre :
Union des avocats européens
Le droit des transports (des rapports actuels chargeur - transporteur - réceptionnaire)
Marseille - CARSAM
22 - 24 novembre :
Lloyd's Maritime training
The 13th International Maritime Law Seminar
Londres, L.L.P. Phone 171 250 1500 Fax 171 253 9907.
14 décembre :
Association Française de Droit Maritime, Société Française de Droit Aérien et Spatial
Journée Air/Mer : prévention, traitement et conséquences des accidents maritimes et aériens.
Paris, AFDM/SFDAS. Tél. 42.91.53.66. Fax 42.91.52.98.
1996
24 au 28 juin :
Congrès International des Arbitres Maritimes
Twelfth International Congress of Maritime Arbitrators
Paris, ICMA XII, Chambre Arbitrale Maritime, Tél. (1) 45.62.11.88. Fax (1) 45.62.00.17.
133
134
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
BIBLIOGRAPHIE
I.M.T.M. : Annales 1995
La parution des annales est un événement attendu avec intérêt par les maritimistes. Peut-être plus
encore cette année par suite du changement de leur rédacteur en chef, Madame le Professeur Nathalie
Fabbe-Costes ayant succédé au Commandant Louis Fraisse.
Que ceux de nos lecteurs qui n'ont pas encore lu ces annales soient rassurés : elles demeurent un
moyen privilégié pour permettre à l'I.M.T.M. de remplir -et de bien remplir- son objet de formation,
d'études, de réflexion et de dialogue.
Ces annales conservent le haut niveau de qualité atteint par les précédents numéros grâce au
Commandant Fraisse, dont elles bénéficient encore de la précieuse collaboration puisqu'outre la "lettre
à un jeune Commandant" celui-ci a interviewé Monsieur Yves Marchand.
Elles bénéficient en outre, naturellement, de l'apport de Nathalie Fabbe-Costes. Le
développement du dossier, consacré au "rôle maritime des zones d'activités logistiques" renforce le côté
thématique qui fait si souvent défaut aux ouvrages de ce type. Les annales y gagneront en tant
qu'ouvrage de référence.
La deuxième partie intitulée "Le monde maritime en perspective" maintient la richesse des annales
par la diversité des sujets traités.
La relève a bien été assurée, les annales de l'IMTM continuent leur route en menant leurs lecteurs
vers une meilleure connaissance du monde maritime et des transports.
Nos lecteurs trouveront ci-dessous de larges extraits de la présentation des annales 95 par
Nathalie Fabbes-Costes. Ils auront ainsi une juste idée du grand intérêt de ce onzième numéro de ces
annales qu'ils pourront se procurer en s'adressant à :
Institut Méditerranéen des Transports Maritimes
C.M.C.I., 2 rue Henri Barbusse - 13241 Marseille Cedex 01
Téléphone : 91.90.17.15 - Télex : 441247 - Fax : 91.90.01.62.
J. BONNAUD
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
135
PRESENTATION DES ANNALES 1995
Avec ce 11° numéro des Annales (1995), nous dessinons le profil de la nouvelle génération de
numéros. La structure en sera plus simple, chaque numéro ne sera plus composé que de deux parties,
le contenu plus large, tout en restant résolument ancré "maritime".
* Pour la première partie des Annales, nous renouons avec la tradition du "Dossier" qui rassemble
sur un thème donné plusieurs contributions de professionnels et d'universitaires spécialisés sur le sujet,
offrant ainsi différents "points de vue" sur une question donnée.
Le thème du Dossier 1995 est "Le rôle maritime des zones d'activités logistiques". L'objectif de ce
dossier que nous aurons l'occasion de détailler dans notre introduction est de s'interroger sur
l'importance des zones d'activités logistiques "de l'intérieur" (en opposition aux zones logistiques
portuaires) dans la définition des chaînes de transport comportant un maillon maritime.
- Monsieur le Professeur Pierre Bonassies commence par nous rappeler les dispositions juridiques
relatives à la création et à l'exploitation sur les zones d'activités, ainsi qu'à leur régime douanier. Il
montre que les aspects juridiques ne peuvent en aucun cas être considérés comme des obstacles "dès
lors que la nécessité économique d'une telle zone se fait sentir et qu'il existe une volonté réelle de la
mettre en place". Cette nécessité économique ne peut être validée que par les acteurs économiques
eux-mêmes, décideurs ou opérateurs du transport international.
- Monsieur Jean Chapon, Président de l'Association des Utilisateurs de Transports de Fret,
témoigne de l'utilité de ces zones pour les chargeurs et met l'accent sur les conditions du succès de ces
zones dans l'organisation du transport international porte-à-porte compte tenu des attentes des
chargeurs.
- Madame Martine Vidal, Multimodal Manager chez Maersk, dans l'interview qu'elle a bien voulu
accorder au représentant de notre Institut, exprime le point de vue d'un armement opérateur de
conteneurs et transporteur intégré qui doit donc concilier l'exploitation de lignes maritimes, l'exploitation
de moyens de transport terrestres et la gestion d'un parc de conteneurs en proposant à des chargeurs
un service porte-à-porte ; les plates-formes portuaires et continentales jouant un rôle déterminant dans
la massification des flux de conteneurs (vides et pleins).
- Monsieur Philippe Laylle fait part de la politique de la CNC opérateur rail-route dont une part de
l'activité concerne le pré et post acheminement de conteneurs maritimes. Il présente le rôle de son
réseau national de plates-formes dans l'amélioration de sa productivité d'opérateur et du service offert
aux clients chargeurs et opérateurs de conteneurs.
- La contribution de Monsieur Jean-Louis Poirier, Managing Director de Concord Freight System,
montre comment un opérateur peut proposer un service original (aberrant pour certains) en s'appuyant
sur de grandes plates-formes multimodales et en combinant les modes maritimes et aériens "a contrario
des flux existants" pour bénéficier des capacités de transport vacantes. L'existence de grandes plaques
tournantes de trafic à l'échelle mondiale permet, sinon favorise, ce type d'initiative opportuniste.
- En guise de conclusion, Monsieur Elie Le Du, Rédacteur en Chef de la Lettre Confidentielle des
Transports, revient aux plates-formes portuaires. Après avoir retracé l'évolution du rôle "logistique" des
plates-formes portuaires, notamment françaises, il évoque "la chance de récupérer le traitement des
marchandises au lieu de regarder passer les boites". Il indique quelques pistes pour que les ports, dont
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la vocation de zones d'activités logistiques est "naturelle", reconquièrent les opérations qui se font dans
les zones d'activités logistiques de l'intérieur.
* Dans la seconde partie des Annales, que nous intitulons "Le monde maritime en perspective",
nous souhaitons regrouper plusieurs types de contributions : des réflexions autour de questions
d'actualité, des informations sur des événements récents, des sujets plus "culturels" qui nous font
découvrir des activités ou des sujets maritimes peu ou mal connus, et des contributions plus
pédagogiques. Les fidèles des Annales ne manqueront pas de noter qu'à la suite de notre numéro
anniversaire, nous consacrons la disparition des rubriques "Questions méditerranéennes" et "Transports
maritimes". Loin de nous l'idée de ne plus nous intéresser à ces questions, comme en témoigneront les
contributions de ces Annales. Ce choix révèle plutôt une volonté d'ouverture. Les océans
communiquent, les questions maritimes sont mondiales, les phénomènes sont liés, aussi si nous
privilégions toujours la perspective méditerranéenne ainsi que le transport maritime, il nous semble
dangereux de se limiter à ces aspects.
Dans le présent numéro, trois contributions proposent des réflexions complémentaires sur un sujet
qui n'en finit pas d'être d'actualité et qui nous tient à coeur à l'I.M.T.M. : l'avenir en France de la marine
marchande, des ports et de la construction navale.
- Le Commandant Fraisse profite du recul qu'il a pris pour nous livrer quelques réflexions. Si,
comme il le note lui-même, "tout cela n'est pas bien gai", gageons que son propos alarmiste nous fera
tous réfléchir.
- Tout comme l'interview que Monsieur Yves Marchand, Député-Maire de Sète et Président du
Conseil Supérieur de la Marine Marchande a bien voulu accorder au représentant de notre Institut, qui
revient sur les trois aspects en confirmant d'une part les liens entre les trois activités et d'autre part
l'importance des choix politique en la matière.
- Monsieur Hubert Péri, Président de l'Union Nationale des Industries de la Manutention, apporte
un éclairage plus précis sur l'avenir des ports français en faisant le point sur la Réforme de 1992. Il en
rappelle la genèse, le principe, évoque son application actuelle et le chemin qu'il reste à parcourir pour
obtenir les résultats escomptés, sans cacher que "la voie qui mène au succès est étroite".
- Le texte de Monsieur Paul Gavarry, Directeur de l'Institut National de la Plongée Professionnelle,
nous entraîne dans le "grand bleu", et nous fait découvrir une activité maritime peu connue : la plongée
professionnelle. Il retrace l'histoire de la plongée, en particulier la plongée industrielle, et les innovations
technologiques successives qui ont permis à l'homme d'aller toujours plus profond en sécurité. Il évoque
l'évolution de la formation des plongeurs professionnels, et le rôle en France de l'I.N.P.P. Il achève son
propos en traçant les évolutions futures des métiers de la plongée professionnelle et de son cadre légal,
en France mais aussi à l'échelle européenne.
- La contribution de Monsieur Patrick Gonon, Chef du Service Réparation Navale et Colis Lourds
au Port Autonome de Marseille, rend compte de l'impressionnant chantier qui s'est déroulé dans la
forme de radoub n° 10 du P.A.M. d'avril 1994 à l'été 1995 : la construction par le groupement Bouygues
d'une barge support flottant en béton précontraint de 220 mètres de long (le plus grand support flottant
de sa catégorie dans le monde) pour le compte de la société Elf pour l'exploitation du champ pétrolier de
Nkossa au Congo.
- La très dense contribution de Mademoiselle Juliette Magd qui a suivi le D.E.S.S. de Droit
Maritime et des Transports de l'Université d'Aix-Marseille III en 1993/94, nous apporte une solide
information sur les règles gouvernant l'arbitrage maritime à Londres qui est la plus grande place de
l'arbitrage maritime. Après nous avoir rapidement rappelé le cadre général de l'arbitrage en Angleterre,
elle détaille l'arbitrage maritime en abordant successivement les différentes phases d'une telle
procédure.
Ce numéro 11 des Annales s'achève sur la liste des mémoires soutenus par les étudiants du
D.E.S.S. de Droit Maritime et de Transports de l'Université d'Aix-Marseille III (promotion 1994:95) et la
liste des activités et des publications de notre Institut pour l'année universitaire 1994/1995.
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Nathalie FABBE-COSTES
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OUVRAGES RECEMMENT PARUS
- Professeur F. BERLINGIERI
Time-barred actions, second édition, CMI, Lloyd's of London Press LTD.
- Denis BROUSSOLE
Le droit des transports de personnes, Que sais-je ? P.U.F. n° 2942, Avril 1995.
- Centre de Droit Maritime
Faculté de droit et des sciences politiques, Université de Nantes, Annuaire de Droit Maritime, Tome
XIII, 1995 (A. Pédone).
- Colin M. de la RUE
Liability for damage to the marine environment, CMI, Lloyd's of London Press LTD.
- Comité Central des Armateurs de France
Annuaire de la marine marchande 1995.
- Comité Maritime International
Annuaire 1994, Sydney II, Documents de la conférence.
- Deen GIBIRILA
Le dirigeant de société, statut juridique, social et fiscal.
Préface Jean-Pierre Marty, Litec.
- Le Guide des Ports Français et d'Afrique Francophone
46° édition 1994/1995, Guides Éditions sarl.
- Ph.-J. HESSE, J.-P. BEURIER, P. CHAUMETTE, Y. TASSEL, A.H. MESNARD, R. REZENTHEL
Droits Maritimes, Tome I, Mer, Navire et Marins, les Éditions Juris service.
- ICC International Maritime Bureau - London
Due Diligence, Spécial Report, ICC Publication n° 534.
- Institut Méditerranéen des Transports Maritimes (I.M.T.M.)
"Passerelle", Infos IMTM n° 1, juillet 1995 (nouvelle publication).
- Jayant ABHYANKAR and S.I. BIJWADIAN
Maritime joint ventures, Centre for Maritime Cooperation of the International Chamber of Commerce,
ICC Publication n° 527 (E).
- A. SPARKS
Steel : Carriage by sea, second edition, Lloyd's of London Press LTD 1995.
- Karl-Heinz THUME
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Kommentar zur CMR (commentaire de la CMR), Verlag Recht und Wirtschaft, Heidelberg 1994.
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