la relation medecin – malade - Collège des Généralistes

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la relation medecin – malade - Collège des Généralistes
LA RELATION
MEDECIN – MALADE
Dr Marc BONY
Document bibliographique
TCEM – Médecine Générale
Faculté d’Amiens
LES ATTITUDES DE PORTER (élève de Carl Rogers) ......................................................... 2
Liste de sentiments ..................................................................................................................... 3
Quelques besoins fondamentaux ................................................................................................ 4
COMMUNICATION MÉDECIN-MALADE EFFICACE AU QUOTIDIEN.......................... 5
L’approche négociée Modèle de relation patient/médecin ........................................................ 6
LA RELATION D’AIDE d’après Carl ROGERS ................................................................... 13
La place de l'empathie dans l'éducation du patient .................................................................. 16
BIBLIOGRAPHIE: .................................................................................................................. 18
1
Cette attitude tend à imposer mon point de vue à autrui, je porte un jugement moral, critique ou
approbateur, je me pose en censeur (attention aussi à: « il faut… »).
"C’est assez curieux, mais un jugement même positif est aussi menaçant… qu'un jugement péjoratif, puisque dire
à quelqu'un qu'il agit bien suppose que vous avez aussi le droit de lui dire qu'il agit mal". C. Rogers
JUGEMENT – EVALUATION
A
« c’est bien…. » « c’est nul »
, Cette réponse peut prendre la forme d’un conseil, d’un ordre
"…Quoique l'aidant puisse savoir de la situation… le client est le seul qui puisse résoudre le problème" (C.
Rogers).
je décide, avant d'être allé au fond du problème. Le risque d'erreur est donc important. Cette attitude tend à
instaurer une dépendance, je risque de décider à la place de l'intéressé.
DECISION – CONSEIL
B
« Moi à votre place, je… »
C
D
SUPPORT – SOUTIEN –
Cette formule vise à aider ou rassurer l’interlocuteur. Mais elle peut lui donner l’impression qu’on minimise son
SYMPATHIE
problème. Au mieux, elle ne lui apporte qu’un soulagement momentané, qui ensuite le laisse seul face à ses
« Ce n’est pas si grave, vous allez
difficultés.
vous en sortir. » ou « vous n’êtes pas
le seul »
dans certains cas permet de vérifier que l’on a bien compris, mais :
Je transforme le problème en supposant des explications que l'intéressé ne donne pas ou ne voit pas, essayant de
lui faire dire ce qu'il ne dit pas.
INTERPRETATION
Même positive, ce qui risque de bloquer encore plus, car crée une soumission (l'autre en connaît trop), une
relation de dépendance.
« Parce que… »
"La prise de conscience est une expérience qui doit être atteinte par le malade"(C. Rogers).
E
ENQUETE –
QUESTIONNEMENT
« Voulez-vous me préciser vos propos
? », « Pourquoi n’avez-vous pas fait
cela?»
F
EMPATHIE
« Quand vous dites… vous vous
sentez…,Est-ce bien cela ? »
Cette attitude qui vise à obtenir des précisions peut facilement prendre la forme d’une attitude d’enquête qui
pousse l’interlocuteur dans une certaine direction.
Dans la première formulation, elle peut favoriser la communication, si elle est utilisée avec prudence. Mais la
seconde la bloque car l’évaluation négative du questionneur est implicite, même si elle est inconsciente de sa part.
"En reformulant, je communique le message suivant: "Je vous écoute avec la plus grande attention et même avec
une attention telle que je suis capable de reformuler ce que vous avez dit… pour vous permettre de vous entendre
vous-même grâce à moi…" (C. Rogers).
LES ATTITUDES DE PORTER (élève de Carl Rogers)
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Liste de sentiments
CONTENT
heureux
excité
joyeux
satisfait
ravi
plein de courage
reconnaissant
confiant
inspiré
soulagé
rassuré
touché
épanoui
gonflé à bloc
fier
GAI
enjoué
énergétisé
revigoré
enthousiasme
plein d’entrain
rafraîchi
stimulé
d’humeur espiègle
plein de vie
vivifié
exubérant
étourdi
aventureux
émoustillé
pétillant
EN PAIX
tranquille
calme
paisible
absorbé
content
concentré
en expansion
en confiance
serein
satisfait
détendu
relaxé
centré
béat
zen
FATIGUE
épuisé
inerte
léthargique
indifférent
ramolli
las
dépassé
impuissant
lourd
endormi
saturé
sans élan
rompu
APEURE
craintif
alarmé
anxieux
tendu
sous pression
sur ses gardes
qui a la trouille
effrayé
terrifié
terrorisé
épouvanté
paniqué
horrifié
angoissé
bloqué
TRISTE
découragé
en détresse
déprimé
d’humeur noire
consterné
démoralisé
désespéré
seul
impuissant
sur la réserve
mécontent
malheureux
blessé
abattu
débordé
PLEIN
D’AMOUR
chaud
amical
sensible
plein d’affection
empli de
tendresses
plein
d’appréciation
plein de
compassion
reconnaissant
nourri
en expansion
ouvert
amoureux
émerveillé
proche
plein de gratitude
FACHE
en colère
enragé
exaspéré
(fou) furieux
hors de soi
agacé
contrarié
nerveux
irrité
qui en a mare
amer
pessimisme
plein de
ressentiment
dégoûté
écœuré
CONFUS
perplexe
hésitant
troublé
inconfortable
embrouillé
tiraillé
partagé
déchiré
embarrassé
embêté
mal à l’aise
frustré
méfiant
bloqué
agité
ET ENCORE
fragile
vulnérable
démuni
surpris
étonné
décontenancé
ébahi
sidéré
ahuri
curieux
intrigué
intéressé
impatient
……….. ;
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Quelques besoins fondamentaux
BESOINS PHYSIOLOGIQUES
JEU
abri
air
eau
nourriture
expression sexuelle
mouvement, exercice
protection contre les agents qui menacent
la vie : virus, bactéries, insectes, animaux,
prédateurs (humains)
AUTONOMIE – LIBERTE
choix de ses projets de vie, valeurs,
opinions, rêves
choix de ses plans d’action pour réaliser sa
vie,
INTEGRITE
authenticité
créativité
estime de soi
recherche de sens
CELEBRATION EXPRESSSION
INTERDEPENDANCE
acceptation
amour
appartenance communautaire
appréciation
chaleur humaine
compréhension
confiance
contribuer à l’épanouissement
délicatesse, tact
empathie, compréhension
honnêteté, sincérité
proximité
respect
sécurité
soutien
SPIRITUALITE
beauté
harmonie
inspiration
ordre
paix
la création de la vie, des rêves réalisés
l’expression d’un deuil, de la déception
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COMMUNICATION MÉDECIN-MALADE EFFICACE AU QUOTIDIEN
CONSEILS PRATIQUES
AU DÉBUT DE L'ENTRETIEN
Prendre quelques secondes pour un premier contact «humain» (regarder, donner la main, se
présenter, s'assurer du confort)
Impact :
annonce un esprit d'ouverture, ce qui est une base pour la relation de confiance
Cerner explicitement l'agenda de la rencontre
si le patient peut avoir des attentes personnelles, bien vérifier ce qu'il espère de cette rencontre,
expliquer mon rôle (et ses limites) et ce que je vais faire (surtout si le patient n'a pas d'attente...
impact:
favorise une bonne collaboration du patient; ses réponses sont pertinentes bon «focus-» - (évite des informations inutiles qui nous irritent)
EN COURS D'ENTRETIEN
Vérifier régulièrement si ma compréhension des réponses du patient est exacte, faire un résumé
et le valider auprès de lui
impact
le patient a la certitude d'avoir été entendu et compris, ce qui est important
pour le lien de confiance.
S'enquérir de comment le patient comprend son problème (ce qu'on lui a dit, ce qu'il a compris,
les idées qu'il s'est faites, ses inquiétudes)
impact
le patient qui se sent rejoint dans ses préoccupations collabore mieux; il sera
plus facile à rassurer à la fin si on connaît précisément ses conceptions et ses inquiétudes.
Prendre le temps de désamorcer une conception catastrophique erronée que le patient pourrait
avoir de son problème
augmente la validité des informations ultérieures qu'il fournira à l'histoire et à
impact
l'examen physique (les données cliniques peuvent en effet être faussées par une conception du patient
diamétralement opposée aux hypothèses du médecin)
Prendre soin d'expliquer au patient le lien entre ma question et les hypothèses qui sous-tendent
son problème lorsque l'information recherchée peut lui paraître éloignée ou délicate à fournir.
prévenir des réponses incomplètes ou faussées par l'incompréhension ou
impact
l'inconfort du patient (surtout pour des données cruciales dans Ici résolution de son problème)
A LA FIN DE L'ENTRETIEN
S'assurer que le patient a compris
- quel est son problème
- quel est le but de l'intervention
- ce que chacun doit f aire
utilité :
essentiel pour l'observance et la collaboration (à l'investigation, au traitement)
Bien s'articuler avec le médecin référant et s'assurer d'un message au patient équivoque ou
cohérent si on intervient à plusieurs
Utilité :
prévient un «build up» fait par le patient à partir de conceptions erronées
successives favorisées par des messages contradictoires.
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L’approche négociée Modèle de relation patient/médecin
par Gilles Girard et Paul Grand’Maison
M. Gilles Girard est psychologue clinicien à l'unité de médecine de famille du Centre hospitalier de
l’Université de Sherbrooke, responsable du service - de psychologie et chargé de cours a département
de médecine de famille de l’université de Sherbrooke.
Le Docteur Paul Grand’Maison est médecin de famille, professeur titulaire et chef du même
département
L'approche négociée patient/médecin est un processus relationnel souple caractérisé par une
participation des deux partenaires et visant l’atteinte de consensus ponctuels et renouvelés
« Mon médecin ne me comprend pas. » - « Ce patient ne sait pas ce qu'il veut. » - « Je ne vais pas
gober toutes ces pilules. » - « Mon patient refuse de prendre ses médicaments. » - « Je ne sais
pas où j’en suis avec ma maladie et mes traitements. »
Incompréhension ? Malentendus ? Traitement non suivi ? Manque d'informations ? Autant
d'indices d'une relation patient/Médecin insatisfaisante.
Dans le cadre de leur interaction, le patient et le médecin négocient constamment mis pas toujours de
manière consciente et appropriée, D'emblée leurs Perspectives sont fréquemment divergentes. Lorsque
ces différences de perception ne sont pas reconnues, les deux parties monologuent et n'arrivent pas à
des ententes explicites. Alors, le patient se sent incompris et considère moins sérieusement ce que lui
propose le médecin (Lazare et al., 1979). Or, pour qu'un problème clinique soit reconnu et bien pris en
charge, il importe que le médecin et le patient le fassent par consensus (Quill, 1983). L'approche
négociée se vaut un outil simple et réaliste pour aider le médecin à relever ce défi.
Principes et définition de l’approche négociée
L'approche négociée s'inspire de principes fondamentaux de la relation patient/médecin mis en
évidence par divers auteurs et résumés au tableau 1 (Lazare et al., 1979, Quill, 1983, 1989, Botelho,
1992).
Sur la base de ces principes, l'approche négociée peut être définie comme un processus relationnel
souple caractérisé par une participation optimale des deux partenaires et visant l’atteinte de consensus
ponctuels et renouvelés. Ceux-ci portent sur les divers objets de la démarche clinique et tiennent
compte de la situation médicale, des besoins et des ressources du patient et de celles du médecin.
La négociation est ici le processus centrai qui permet de réduire les différences de perception entre les
personnes (Quill, 19M, 1989 Coulehan et Block, 1991). Lazare et al. (1979) précisent que cette
négociation est gagnante uniquement lorsque les deux partenaires arrivent à une entente satisfaisante.
Les deux parties coopèrent à un but commun: résoudre les problèmes du patient. Cette démarche
conjointe augmente la qualité de la participation, le pouvoir et la satisfaction des deux parties dans la
transaction (Katon et Kleinman 1980, Brody et al., 1988).
Les partenaires en présence sont d'une part le patient avec son problème particulier, ses besoins et ses
ressources et d'autre part le médecin avec son expertise professionnelle, ses habiletés
interpersonnelles et sa personnalité. Dans certains contextes de pratique, les partenaires peuvent être
multiples, par exemple la patient et sa famille d'un côté, et le médecin ainsi que les autres membres
de l'équipe traitante de l'autre. Chacun remplit un rôle et des tâches particulières pour assurer le
fonctionnement, optimal de la relation. Toutefois, c’est d'abord au médecin qu'incombe la tâche de
gérer le processus de la relation et de rendre ses règles explicites.
La plupart du temps, c'est le patient: qui prend l'initiative de la relation en décidant de consulter le
médecin. Il tend à se placer en position de dépendance et cède momentanément au médecin une partie
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de son pouvoir. En effet, en tant qu'expert consulté le médecin se trouve dans une position de pouvoir
relatif. Une fois le contact établi, il est souhaitable que le patient récupère son pouvoir. Le médecin
doit en être conscient et aider le patient à endosser la responsabilité la plus complète possible de sa
situation.
Le médecin, qui souscrit à l'approche négociée, est soucieux d'être à l'écoute, de répondre aux besoins
réels du patient et de suivre leur évolution dans le temps. La personnalité du médecin et sa formation
influencent son approche de sorte qu'un certain nombre de praticiens ne sont à l'aise dans leurs
relations que lorsqu'ils restent en position d'expert et contrôlent unilatéralement les patients. Le
médecin peut développer sa capacité de modifier son niveau de contrôle et de responsabilité en
fonction de la situation du patient
Principes fondamentaux de l’approche négociée
- Se centrer sur les perceptions du patient et le prendre où il en est et non pas là où le médecin voudrait
qu'il soit
- Aborder le patient sur un mode individualisé
- Favoriser une participation optimale et autonomie du patient à ses choix de santé
- Aider le patient à faire évoluer ses perceptions par un feedback approprié et l'encourager à répondre à
son tour aux propositions qui lui sont faites
- Identifier et résoudre les différences inévitables de perceptions du médecin et du patent présentes
tout au long de la démarche clinique
- Reconnaître que les niveaux de contrôle et de responsabilité du patient et du médecin sont
complémentaires
- Adapter son niveau de contrôle et de responsabilité des soins de santé du patient en fonction de
l'évolution des besoins réels de ce dernier
- Parler de façon explicite avec le patient du partage du contrôle et de la responsabilité des soins
- Réévaluer et modifier les ententes ou contrats établis avec le patient au fur et à mesure que
surviennent des changements dans son état et dans la relation thérapeutique
- Réaliser que ces principes s'appliquent pour chaque objet de la démarche clinique, à savoir: la
définition du problème, le choix des objectifs, les décisions sur les méthodes et sur les conditions de
traitement et la mise en application de ces ententes
Les quatre niveaux de la négociation patient/médecin
forment un continuum allant d’un pôle centré sur le médecin à un autre centré sur le patient :
passivité- contrôle, dépendance- expertise, coopération- partenariat et autonomie- facilitation.
Niveaux de la négociation
Chez le patient, quatre niveaux de contrôle et de responsabilité peuvent être distingués: la passivité, la
dépendance, la coopération et l'autonomie. Chez le médecin, les quatre niveaux complémentaires sont
le contrôle, l'expertise, le partenariat et la facilitation de l'autonomie. En les mettant par paires, on
obtient un continuum de quatre niveaux de négociation allant d'un pôle centré sur le médecin à un
autre centré sur le patient : passivité-contrôle, dépendance- expertise, coopération- partenariat et
autonomie-facilitation (figure 1).
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Cette conception des niveaux de négociation s'inspire des travaux de Botelho (1992) qui en distingue
quatre dans le cadre de la relation patient/médecin : l'autocratie, le parentalisme, le partenariat
égalitaire et l’autonomie, et de ceux de Szasz et Hollender qui, en 1956, en ont identifié trois :
activité-passivité, guide- coopération et participation mutuelle.
Chaque niveau de négociation est approprié à certaines situations cliniques. Plus le patient est confiné,
pour quelque raison que ce soit à un rôle passif, plus le médecin assume le contrôle dans la relation.
Plus le patient est en mesure d'endosser une part importante du contrôle et de la responsabilité, plus le
médecin peut alors envisager un partenariat égalitaire, ou même un rôle de consultant ou de facilitateur
Le niveau passivité-contrôle est le premier niveau de la négociation. La relation est presque
complètement centrée sur le médecin. Le patient joue un rôle passif et laisse le contrôle au médecin
qui assure unilatéralement les soins de santé du patient. Ce modèle est principalement applicable dans
les situations critiques d'urgence où la vie du patient est en danger (p. ex. prise en charge d'un patient
souffrant d'un oedème aigu du poumon).
Le niveau dépendance-expertise, correspond au mode de fonctionnement traditionnel de la relation
patient/médecin centrée sur la maladie. Le patient fournit l'information nécessaire au médecin et
adopte une position de dépendance. Il laisse une partie de son contrôle et de sa responsabilité au
médecin qui, possédant l'expertise, domine la relation a la manière d'un parent et prend les décisions
auxquelles le patient se conforme, c'est le niveau de négociation le plus fréquent dans la relation
patient/médecin. Dans les contextes de soins aigus (p. ex. prescription d'antibiotiques pour une
pneumonie ou de benzodiazépines pour une anxiété), le caractère Ponctuel et spécifique de la
demande pousse le médecin à mettre l'accent sur l'investigation objective et à contrôler le traitement de
la maladie. Plusieurs patients Préfèrent ce niveau de relation affirmant qu'ils font confiance au
médecin, et veulent qu'il agisse ainsi (Botelho, 1992).
Le niveau coopération-partenariat caractérisé par un plus grand partage du contrôle et de la
responsabilité entre le patient et le médecin et ce dans un contexte relationnel égalitaire Ce niveau
nécessite chez le médecin une perspective globale des soins de santé. Le patient et le médecin se
considèrent comme des partenaires responsables qui communiquent sur une base égalitaire lors des
prises de décision (Quill, 1983). Ce niveau relationnel est privilégié dans les soins à long terme où le
médecin établit une relation thérapeutique significative favorisant chez le patient une plus grande prise
en charge. Ce niveau s'applique souvent aux services globaux et continus offerts en médecine de
famille (p. ex. suivi d'un diabétique qui s'autocontrôle).
Au niveau autonomie-facilitation la relation est essentiellement contrée sur le patient qui assume un
rôle actif et dominant alors que le médecin se limite à celui de facilitateur. Le patient est ici apte et
intéressé à garder la plus grande part du contrôle et de la responsabilité dans les décisions touchant ses
soins de santé. Le médecin remplit alors un rôle plus discret de consultant et d'informateur, prêt à
répondre aux questions et aux inquiétudes du patient. Il soutient ce damier dans ses démarches pour
promouvoir sa santé globale. Ce niveau se retrouve principalement dans les suivis à moyen et à long
terme de patients capables de prendre en charge leur situation et au besoin, de demander de l'aide (p.
ex. discussion avec un hypertendu léger au sujet de son style de vie).
Dynamique des niveaux de contrôle
Quoique le niveau de contrôle et de responsabilité de chaque patient: soit fluctuant nous considérons
que chacun manifeste, selon son état habituel de santé et ses ressources, un niveau de contrôle
typique qu'il aura tendance à adopter dans la plupart des situations. Par exemple, Chantal, 35 ans, qui
nie avoir un côlon irritable et qui consulte régulièrement son médecin pour le renouvellement de son
ordonnance de médicaments, affiche un niveau typique de dépendance.
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Le niveau de contrôle typique d'un individu peut être semblable (ou différent) à son niveau optimal qui
correspond au niveau le plus élevé qu'il peut atteindre dans les meilleures conditions. Par exemple,
Chantal pourrait accéder au niveau de coopération si, au lieu de se limiter à un traitement
symptomatique, elle reconnaissait que sa relation avec son conjoint est problématique et décidait d'y
travailler. Par contre, dans certaines situations, le patient peut être dépassé par sa maladie en raison de
sa souffrance et afficher un niveau de contrôle différent de son niveau typique. Par exemple, Chantal
apprend que son conjoint la quitte et accuse une exacerbation de ses symptômes de côlon irritable. En
pleurs dans le cabinet du médecin, elle le supplie de l'aider (niveau de passivité). Son médecin pourrait
la retirer de son travail et lui ordonner un repos complet temporaire. La tâche du médecin est d'adopter
dans un premier temps, un niveau de contrôle complémentaire de celui du patient et de faire évoluer le
niveau de négociation en fonction de la situation, tout en favorisant un niveau optimal d'autonomie
chez le patient.
Les niveaux de contrôle et de responsabilité du patient et du médecin doivent être complémentaires et
appropriés à la situation du patient pour que la relation soit non seulement fonctionnelle mais aussi
qu'elle incite aux changements thérapeutiques. Si le patient peut assumer une plus grande prise en
charge que celle exigée par le médecin, la relation pourra être fonctionnelle, mais elle n'encouragera
pas le patient à évoluer.
Le patient et le médecin sont fréquemment en désaccord sur le niveau de négociation le plus approprié
au moment présent. Ainsi, pour diverses raisons, un patient peut vouloir être passif et donner le
contrôle complet au médecin alors que celui-ci estime devoir prendre un rôle de partenaire ou de
facilitateur de l'autonomie. Le médecin pourra alors, grâce à son habileté et au pouvoir que lui attribue
le patient privilégier un niveau de contrôle et donc de négociation plus approprié à la situation. Deux
cas cliniques illustrent la résolution de ce type de dilemme en se référant à l'approche négociée (voir
plus foin).
Les objets de la négociation
Le niveau de la négociation entre le patient et le médecin peut aussi varier selon ce qui est discuté. Les
principaux objets de la négociation sont: la définition du problème, le choix des objectifs, les
décisions sur les méthodes et sur les conditions de traitement et le bilan de l'application des
ententes. Cette séquence, quoique la plus habituelle, comporte de fréquents recoupements.
La définition du problème comprend, d'une part l'évocation par le patient de us plaintes et
symptômes et, d'autre part, l'évaluation médicale proprement dite. Le médecin s'assure que le patient
exprime de façon optimale son problème y compris ses inquiétudes, sa raison actuelle de consultation,
ses attentes et ses demandes spécifiques. Il lui fait part ensuite de sa propre perception et de ses
hypothèses. Cette étape est plus simple lorsque le problème du patient est aigu et sa demande,
circonscrite. À partir des points de similitude entre leurs perspectives et en discutant sur l'écart de leurs
perceptions, le patient et le médecin arrivent à une définition commune et partagée du problème,
laquelle intègre à la fois la maladie du patient et sa situation dans la vie. L'entente sur ce premier objet
de négociation est cruciale car, si elle eu escamotée, toutes les autres étapes du processus s'en
ressentiront. Devant une impasse, il faut souvent clarifier à nouveau cet objet de la négociation qui est
la base de tout.
Le choix des objectifs ou des changements visés est un objet de la négociation que le médecin omet
souvent de clarifier. Souvent il prend faussement pour acquis que le patient a les mêmes objectifs que
lui ou cherche uniquement à être soulagé de ses symptômes. Rendre explicite la négociation des
objectifs facilitera la prochaine étape. Cela permet aussi au médecin de montrer au Patient son intérêt
pour ses valeurs et ses préférences (p.ex. choix d'un traitement curatif du palliatif). Pour obtenir des
résultats favorables, le médecin aide le patient à concevoir avec lui des buts réalistes, mesurables
précis dans le temps, positifs et le plus possible, gratifiants.
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Les décisions sur les méthodes et lu conditions de traitement constituent l’objet le plus important
des négociations après la définition Partagée du problème. Dans la plupart des cas, le médecin, en
raison de se compétence, est le seul habilité à choisir les méthodes appropriées de traitement
Toutefois, celles-ci deviennent effectives uniquement lorsque le patient les ratifie. Sauf dans les
situations critiques d'urgence, prendre le temps d'offrir et d'expliquer au patient les traitements
possibles avec leurs conséquences et le laisser décider, plutôt que de simplement lui faire des
prescriptions
, cela permet souvent d’augmenter sa fidélité au traitement. Le patient négocie la
conduite proposée de façon plus ou moins active et directe selon la perception qu’il a de son pouvoir
de négociation dans la relation. Plus il peut le faire ouvertement, plus lie médecin est en mesure de
rectifier les erreurs de perception et de vaincre les réserves du patient par rapport à une meilleure
possibilité de traitement. C'est souvent au moment de la discussion des conditions de traitement (coûts,
horaires, etc.) que le patient a le plus de facilité à faire valoir son désir et à exprimer su réticences.
Le bilan de l'application des ententes thérapeutiques, des résultats obtenus et de l'atteinte des objectifs
boucle le cycle des négociations. Pour les problèmes chroniques et les suivis à long terme, le bilan
permet une nouvelle définition du problème et des besoins du patient et donc de nouvelles
négociations.
Les deux cas cliniques suivants mettent en lumière l'interaction des niveaux de contrôle et de
négociation entre le patient et le médecin et en particulier, l'action déterminante de ce dernier sur
l'évolution du niveau de responsabilité du patient.
Cas clinique n° 1
Marc, 33 ans, invoquant une urgence, se présente au cabinet de son médecin. Il souffre d'une céphalée
intense. Craignant une tumeur, il a apporté sa valise et veut être hospitalisé pour investigation et
traitement. À l'anamnèse et à l'examen, le médecin conclut à une céphalée par tension. Le patient
s'incruste et insiste pour être hospitalisé. Il y a donc un désaccord sur la définition et la gravité du
problème.
Le médecin lui dit alors: « Marc, je comprends que tu as un mal de tête important et que c'est très
pénible mais mon évaluation me confirme que ce n'est pas dangereux et qu'il n'y a pas de tumeur. Ton
mal de tète est dû à des contractions musculaires qui peuvent provenir de la fatigue, de la tension ou
du stress. À court terme, je te propose de prendre des médicaments pour enrayer la douleur. Dans nos
prochaines rencontres, je t'aiderai à en cerner la cause. Entre-temps, commence à noter les éléments de
tension et de stress dans ta vie ». Se sentant rassuré, Marc accepte de revoir son médecin.
Au suivi, le patient est soulagé du fait que les maux de tête ont diminué avec la médication. D'emblée,
il ne perçoit pas de facteurs de stress mais, aidé par les questions ouvertes du médecin, il identifie des
tensions à son travail. Marc enseigne au secondaire et déplore que son nouveau directeur ne l'appuie
pas dans ses décisions disciplinaires envers ses élèves. Entre ses rencontres avec le médecin, il négocie
et obtient d'être mieux soutenu par son directeur
Le niveau typique de responsabilité de ce patient est la coopération (niveau 3). Toutefois, confronté à
un stress aigu, il tend à utiliser la passivité face au médecin (niveau 1). À l'évaluation, ce dernier
constate que ce niveau est inapproprié à la situation de céphalée par tension. Il accueille Marc dans ce
qu'il vit et, prenant successivement des positions de contrôle (niveau 1), d’expert (niveau 2) et de
partenaire (niveau 3), il fait évoluer le niveau de leur négociation et contribue à ramener Marc à son
niveau typique de responsabilité.
Cas clinique n° 2
Hélène, 42 ans, avocate, souffre depuis longtemps de migraines qu'elle maîtrise bien en prenant au
besoin, des comprimés de Fiorinal. Elle vient à son rendez-vous pour le renouvellement de son
ordonnance. À l'anamnèse, le médecin découvre non seulement que les migraines sont plus fréquentes
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et plus intenses mais aussi que le caractère de la douleur a changé. Hélène prend plus de médicaments
et a eu dernièrement des nausées le matin et des vomissements à deux reprises.
Elle attribue tous ces symptômes au stress mais son médecin soupçonne un problème Plus grave. A
l'examen clinique, il observe une faiblesse de l'hémicorps gauche qu'il tient à investiguer davantage.
Hélène répond qu'elle a beaucoup de travail et qu'elle ne veut être évaluée que dans un mois. Il y a ici
un désaccord sur la définition du problème et sur la conduite à tenir pour l'investigation.
Le médecin insiste: « Hélène, les changements survenus dans tes céphalées m'inquiètent Je veux
poursuivre les examens dans les plus brefs délais. Tu passeras une tomographie axiale dans deux jours
et je te reverrai le lendemain ». Ayant reçu le rapport d’examen qui révèle une masse au lobe temporal
droit, le médecin demande l'hospitalisation de la patiente pour une intervention chirurgicale.
Six mois après l'ablation de sa tumeur, Hélène est en assez bonne forme et satisfaite de se sentir
physiquement rétablie. Néanmoins, elle a le sentiment d'avoir perdu une partie de sa vivacité d'esprit
nécessaire à l'accomplissement de son travail et ce, même si l'évaluation de son fonctionnement
neurologique et intellectuel se révèle normale. Elle se sent donc inapte à reprendre ses activités
professionnelles. Son médecin accepte de prolonger de quelques mois le congé de maladie, tout en lui
demandant d’aller au travail quelques heures par semaine pour reprendre contact avec ses collègues et
se tenir au courant de l'évolution de ses dossiers. Après cinq ou six visites à son bureau, Hélène est
prête à envisager un retour progressif au travail.
Hélène est une patiente très autonome (niveau 4). En raison d'une urgence médicale, le médecin doit
adopter une ferme position de contrôle et amener Hélène à renoncer pendant un certain temps à son
autonomie pour se résigner à un rôle de passivité (niveau 1). Une fois guérie, elle a besoin de l'aide de
son médecin pour quitter sa position de passivité et, après une étape de dépendance temporaire (niveau
2), reprendre un niveau 3 ou 4 de responsabilité plus conforme à sa réalité
Processus et stratégies de négociation
Le médecin peut recourir à diverses stratégies pour faciliter la négociation (Lazare et al., 1979, Quill,
1989). Ainsi, l'écoute empathique et la légitimation (utilisation de son pouvoir pour valider une
réaction appropriée à la situation) sont essentielles pour le médecin dans le contexte d'une approche
négociée (voir cas n° 1). Elles permettent au patient de mieux accepter ce qu'il vit et de récupérer son
pouvoir et son habileté à négocier.
Le médecin peut aussi identifier ouvertement avec le patient les points d'accords et de désaccords
entre leurs positions respectives (voir cas n° 1 et 2). Souvent le seul fait pour le patient de se sentir
compris et, pour les deux parties, de saisir les motifs de leur conflit, permet de renforcer l'alliance
thérapeutique et de parvenir à une entente satisfaisante.
À maintes reprises, le médecin aura avantage à recadrer la négociation avec le patient sur leurs
intérêts communs plutôt que de débattre de leurs positions divergentes. Sur le plan de la
communication, le médecin peut adopter une position non experte je ne sais pas... »), pour inciter,
au besoin, le patient à augmenter son niveau de responsabilité par rapport à sa maladie. Il peut
demander l’aide du patient: (« j'ai besoin que vous m'aidiez à.. »), pour explorer et résoudre un
malaise qui semble nuire à l'évolution favorable d'un traitement. Il peut aussi responsabiliser le patient
en partageant avec lui l'incertitude liée à telle situation ou à telle méthode de traitement. Ces formes
de partage sont souvent efficaces et ont l'avantage de faire évoluer la communication à un niveau plus
égalitaire (niveau 3 de la négociation).
La tâche du médecin est d'adopter dans un premier temps un niveau de contrôle
complémentaire de celui du patient et de faire évoluer le niveau de négociation en fonction de la
situation tout en favorisant un niveau optimal d'autonomie chez le patient
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En cas d'impasse, une clarification visant à dissocier les personnes du problème aide les deux
protagonistes à réaliser qu'ils sont peut-être frustrés par un problème qui se chronicise et non pas
forcément l'un par rapport à l'autre.
Diminuer ses attentes et faire un pas en arrière permettent souvent de dénouer une impasse et de
mieux progresser. Lorsqu'un patient refuse une action thérapeutique essentielle et donc non
négociable, le médecin peut chercher un compromis en offrant une concession unilatérale sur une
demande négociable du patient qui n'est ni dommageable ni coûteuse (voir le suivi du cas n° 2). Dans
ce cas, il doit obtenir que ce dernier change sa position. Par exemple, « si nous procédons à la
radiographie que vous demandez et si les résultats sont négatifs, vous accepterez d'envisager une aide
psychologique»
Le médecin peut aussi partager avec le patient une partie du contrôle en ce qui concerne les
conditions d’investigation ou de traitement. Il peut, par exemple, lui donner l'option de modifier la
dose d'un médicament dans le cadre de certaines limites ou de choisir la fréquence des visites de
contrôle. Pour vaincre une position « antimédicament» il aura intérêt à procéder par étapes et à
proposer des ententes à court terme sur de petites doses de médicaments.
Le recours à un tiers soit un consultant, soit un membre de la famille ou de l'entourage, aide souvent
à atténuer le problème en le resituant dans un cadre plus large et procure au patient un soutien
appréciable.
Parfois, le médecin doit reconnaître qu'avec tel patient un conflit particulier est pour le moment sans
solution et qu'il est préférable de travailler avec celui-ci sur d’autres problèmes où il est possible de
négocier des ententes. Par contre, si un conflit paralyse de façon critique le processus thérapeutique et
s’il peut être modifié à court terme par des changements d'attitudes, le médecin et le patient peuvent
choisir la confrontation. Cela suppose que les deux parties sont aptes à envisager la fin de leur
relation si elles n'arrivent pas à régler le conflit. Enfin, il est parfois nécessaire de voir avec le patient
si la relation doit prendre fin.
Dans toute interaction patient/médecin, il y a un processus de négociation explicite ou implicite.
Connaître ce qui sous-tend ce processus le rendre explicite et utiliser des stratégies appropriées pour
qu'il soit efficace et respectueux du patient voilà ce que propose l'approche négociée. Ce modèle met
l'accent sur un processus relationnel dynamique axé sur les besoins du patient et suppose l'ouverture et
la flexibilité du médecin. Concrètement, l'approche négociée se traduit dans le quotidien par une suite
d'ententes thérapeutiques ponctuelles, modifiables et renouvelables dans le temps selon la situation.
Mots clés : négociation, relation patient/ médecin, médecine de famille.
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LA RELATION D’AIDE d’après Carl ROGERS
D'une manière générale, "c'est une relation au cours de laquelle… l'un des protagonistes cherche à
favoriser la croissance, le développement, la maturité, un meilleur fonctionnement, et une plus grande
capacité à affronter la vie…cherche à favoriser… chez l'autre une appréciation plus grande des
ressources latentes et internes de l'individu, ainsi qu'une plus grande possibilité d'expression et un
meilleur usage fonctionnel de ces ressources." (p.29)
Cela implique certaines notions:
• Il s’agit de "favoriser chez l'individu une plus grande autonomie et une personnalité mieux
harmonisée"
"L'attention est dirigée sur la personne, et non sur le problème. Le but n'est pas de résoudre le
problème précis, mais d'aider au développement de la personne, de telle sorte qu'elle puisse affronter
ce problème et d'autres par la suite, avec une personnalité parvenue à une plus parfaite intégration."
• "La technique primordiale qui conduit la prise de conscience chez le patient, requiert du
médecin un degré suprême de retenue, plutôt qu'un degré d'initiative agissante. La technique
primordiale est d'encourager l'expression des attitudes et des sentiments du patient jusqu'à ce
que la compréhension intuitive apparaisse spontanément." (in La Relation d’aide et la
psychothérapie)
• Ne pas oublier que "…c'est le client lui-même qui sait ce dont il souffre, dans quelle direction
il faut chercher…J'aurais à m'en remettre au patient pour la direction et le mouvement du
processus thérapeutique."
Les trois conditions de la relation d’aide
• La congruence
• La considération positive inconditionnelle
• L'empathie.
I/ La congruence
C'est "la plus basique des 3 conditions". C'est le terme "…employé pour indiquer une correspondance
exacte entre l'expérience et la prise de conscience…On peut prendre pour exemple un enfant au
berceau…Il a faim il est mécontent…il est, à ce moment, intégré ou unifié dans cette faim…Une des
raisons pour lesquelles la plupart des gens éprouvent de la sympathie pour les enfants au berceau est
probablement qu’ils sont si complètement authentiques, intégrés et congruents…Pour prendre un
exemple de non-congruence… l’homme qui se laisse emporter par la colère au cours d'une
discussion… il parle sur un ton furieux, il menace... Et pourtant quand un ami lui dit : Allons, ne nous
mettons pas en colère pour ça !…il répond avec une sincérité et une surprise évidentes :"mais je ne
suis pas en colère! "
C’est donc "…l’attitude première : être soi-même…Etre en accord avec soi-même, ce n’est pas facile.
Ce n’est jamais définitif ; ce qui exige de s'observer dans ses comportements physiques qui sont le
signe de nos rigidités spirituelles" (in Conférence De Peretti : Pensée et Vérité de Rogers).
"La façon dont nous allons intervenir est aussi importante que ce que nous dirons. Le signifiant seul
peut rendre crédible le signifié. L'attitude est plus parlante que le discours lui-même. La façon dont
nous disons les choses doit être notre préoccupation fondamentale".
"Lorsque mon attitude reflète l'agacement que j'éprouve vis-à-vis de quelqu'un mais que je n'en suis
pas conscient, ma communication comprend des messages contradictoires. Mes paroles communiquent
un certain message, mais je communique aussi d’une manière détournée l’agacement que j’éprouve, ce
qui crée une certaine confusion chez l'autre personne et la rend moins confiante…" (p.40)
"Si je puis accepter le fait que je suis agacé ou ennuyé… je suis aussitôt mieux disposé… à accepter
les réactions que provoque mon attitude".
"Dans mes relations avec autrui, j’ai appris qu’il ne sert à rien, à long terme, d’agir comme si je n’étais
pas ce que je suis. Il ne sert à rien d’agir avec calme et gentillesse alors qu’en fait je suis agacé et
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enclin à la critique…Je n’ai jamais trouvé utile et efficace, dans mes rapports avec autrui, d’essayer de
maintenir une façade, d’agir d’une certaine façon, à la surface, alors que j’éprouve au fond quelque
chose de tout à fait différent." (p. 15)
"…mon intervention est plus efficace quand j’arrive à m’écouter et à m’accepter, et que je puis être
moi-même. " (p.16).
II/La Considération positive inconditionnelle
C'est porter "…une attention chaleureuse au client. Une attention qui ne soit pas possession, qui ne
demande aucune gratification personnelle. C’est une manière d’être qui manifeste simplement « je
vous porte attention » et non pas « je vous porte attention à condition que vous vous comportiez de
telle ou telle manière »." (p.204)
"J’en suis venu à croire qu’une des expériences les plus satisfaisantes que je connaisse - et aussi celles
qui contribuent le plus au développement d’autrui - consiste simplement à apprécier complètement
l'autre de la même manière que j’apprécie un coucher de soleil".
Mais c'est aussi savoir que ce que le patient dit n'est pas "…exactement ce qu'il veut dire, et pourtant
on croit à ce qu'il nous apporte ; c’est le paradoxe : d’une part on ne le fixe pas dans ce qu’il dit, et
d’autre part, on prend ce qu’il dit au sérieux". (conférence de De Peretti)
En fait, "…la plus grande barrière qui s'oppose à la communication mutuelle interpersonnelle…est
notre tendance naturelle à juger, à évaluer ou désapprouver les dires de l'autre personne".
Le jugement
Le jugement pourrait être une aide à condition de porter sur l’acte et non sur l’auteur.
"Dire à son époux : « tu fais tout de travers » ne mènera probablement qu’à son conflit. Mais dire « Ce
que tu fais m’ennuie beaucoup » exprime un fait sur les sentiments de l’interlocuteur ; un fait que
personne ne peut nier. Ce n’est plus une accusation en soi-même". (p.29)
Inconvénient : "C’est assez curieux, mais un jugement même positif est aussi menaçant… qu'un
jugement péjoratif, puisque dire à quelqu'un qu'il agit bien suppose que vous avez aussi le droit de lui
dire qu'il agit mal". (p.42).
Le conseil
"…Quoique l'aidant puisse savoir de la situation… le client est le seul qui puisse résoudre le
problème".
Le médecin ne peut donner une solution au malade, c'est le malade qui choisit la solution, qui choisit
s'il veut guérir ou non.
Le support, la sympathie, l’affection
"L'une des plus importantes limitations à la situation d'aide est la limitation du degré d'affection que
doit montrer le thérapeute".
"La voie constructive est que le patient peut apprendre que l'affection aussi bien que le refus peuvent
faire partie d'une relation, et qu'une relation peut être satisfaisante même avec des limitations".
Inconvénient : risque d’induire une dépendance affective.
L’interprétation
"La prise de conscience est une expérience qui doit être atteinte par le malade".
"De nombreux thérapeutes sont tentés de renseigner le patient sur ses structures, de lui expliquer ses
actions et sa personnalité…mais, plus l'interprétation est précise, plus grande sera la résistance
défensive qu'elle rencontre".
"L'interprétation peut ralentir l'avènement d'une prise de conscience du patient". (in Relation d’aide et
Psychothérapie)
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L'enquête
Interrogation à la recherche d'un complément d'information
• Avantages
– Permet d'obtenir des réponses, des précisions selon la nature des questions (ouvertes,
fermées)
– Aide à l'expression, à la formulation
• Inconvénients
– Risque de dirigisme en fonction du projet du médecin, de ce qui est important pour lui
– Toute question dès l'instant où elle est posée, va dévoiler quelque chose de l'autre,
même (surtout) dans une absence de réponse
– Savoir ne pas poser "la" question…ou pas trop vite
Au total, l’attitude qui semble idéale pour favoriser une relation d’aide est :
III/L’empathie
"C'est une façon de sentir le monde intérieur de l'autre comme s'il était le nôtre, quoiqu'en n'oubliant
jamais qu'il n'est pas le nôtre".
"Le thérapeute ne prend pas la place du patient, il ne guide pas, il ne se laisse aller à aucune
identification ni fusion à l'autre".
"Le paradoxe de l'écoute: d'un côté nous sommes complètement en écoute et, en même temps, d'un
autre côté, nous restons nous-mêmes".
"C’est l'agent le plus poussant pour modifier la structure de base de la personnalité d'un individu et
améliorer ses relations et ses communications avec autrui. Si je puis écouter les choses qu'il me dit, si
je puis comprendre comment elles lui apparaissent, si je puis voir ce qu'elles signifient pour lui, si je
puis sentir la saveur émotionnelle qu'elles ont pour lui, je libérerai en lui des forces puissantes de
changement". (p.231)
Pour essayer de développer cette attitude d'empathie, il existe un moyen qui est la reformulation.
"En reformulant, on communique le message suivant: "Je vous écoute avec la plus grande attention et
même avec une attention telle que je suis capable de reformuler ce que vous avez dit… pour vous
permettre de vous entendre vous-même grâce à moi…".
"Comme le client trouve quelqu'un qui écoute et accepte ses sentiments, il devient peu à peu capable
de s'écouter lui-même. Il commence à recevoir ce qui lui est communiqué de l'intérieur… il devient
capable de prêter l’oreille à des sentiments qu'il avait toujours niés et refoulés…Il en vient à mieux
s'accepter… tel qu'il est, et se trouve donc prêt à avancer dans le processus de devenir". (p.50)
Sauf précision dans le texte, les passages entre guillemets sont tirés de l’œuvre de Carl R. Rogers « Le
Développement de la Personne », éd. DUNOD.
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La place de l'empathie dans l'éducation du patient
DIABETE EDUCATION :"Santé - Éducation 2003" - 24/01/2003
La qualité de la relation soignant soigné intervient de façon importante dans les résultats des
traitements proposés aux patients souffrant de pathologies chroniques 1. Plusieurs études ont démontré
que les marqueurs de santé étaient améliorés lorsque la relation soignant - soigné était de type
égalitaire, selon le modèle de l'Approche Centrée sur le Patient proposé par le consensus de Toronto 2
: "attitude facilitant l'expression par le patient des raisons pour lesquelles il consulte, y compris ses
symptômes, ses idées, ses sentiments et ses attentes; la consultation est menée par le patient, le
médecin fonctionne selon la chronologie du patient, répond à ce que le patient dit et la relation est
considérée comme égalitaire dans le but de comprendre l'expérience du patient et son point de vue".
Ce modèle est proche de celui de l'Approche Centrée sur la Personne de Carl Rogers 3, qui postule que
"l'individu a en lui-même de grandes ressources pour se comprendre et modifier sa conception de luimême et sa façon de se comporter. Ces ressources ne peuvent être exploitées que si l'on met en place
de façon très précise un climat facilitant l'expression de ces attitudes psychologiques".
Le soignant désireux d'aller dans le sens de cette approche est souvent démuni car il est rarement
préparé (et a même été souvent déconditionné pendant sa formation) à une relation de type égalitaire.
Ce n'est probablement qu'en retrouvant et en s'appuyant sur trois qualités fondamentales qu'il y
parviendra : l'authenticité, l'acceptation, la bienveillance empathique 4. C'est l'écoute empathique,
notamment, qui va être le vecteur essentiel de l'expression par le patient de son expérience
personnelle, y compris son ressentiment, et de l'expression par le soignant de ce qui lui semble
nécessaire ou possible pour aller dans le sens d'un meilleur état de santé du patient. Dans le même
mouvement, bien sûr, il s'impose de lâcher prise sur les habitudes de prescription et d'exigence que le
soignant a envers le patient. Cela peut remettre en question les notions de compliance du patient ou
d'adhésion au traitement, et l'expérience montre que cela n'est pas facile 5. Il s'agit ici d'un véritable
changement d'attitude 6.
Le processus de Communication Non Violente ou empathique, développé par le psychologue
clinicien Marshall Rosenberg 7, a pour but de nous aider à échanger les informations dont nous avons
besoin pour collaborer d'une manière satisfaisante, respectant nos valeurs et celles de l'autre. Ce
processus est centré sur l'expression des sentiments et des besoins qui animent toute personne instant
par instant, et qui déterminent le comportement verbal ou non-verbal de chacun. L'enjeu est de
minimiser le risque d'interprétation erronée de ce qu'une personne exprime lorsqu'elle émet des
jugements, explique un raisonnement ou demande quelque chose. Il devient alors beaucoup plus facile
de reconnaître mutuellement ses besoins et de mettre en place, ensemble, des solutions qui satisfassent
chacun. Ce n'est pas une technique, ni une méthode, il s'agit plutôt d'un recadrage de sa façon de
concevoir sa relation à l'autre. Ce recadrage permet de redécouvrir toutes les richesses que chacun a en
lui et de libérer les intuitions profondément inscrites en nous qui permettent de mieux en profiter et
d'en faire profiter les autres.
Le processus de communication empathique peut schématiquement être divisé en deux parties:
* Clarifier, puis exprimer avec clarté et honnêteté ce qui se passe en moi;
* Recevoir avec empathie ce qui se
passe en l'autre,
et il nous permet d'acquérir la capacité à maintenir le dialogue jusqu'à ce que les deux protagonistes,
ici le médecin et son patient, soient satisfaits de làoù ils en sont arrivés.
Prenons l'exemple d'un patient diabétique obèse, que vous suivez depuis quelques années, et qui n'a
pas maigri.
Le médecin peut avoir des jugements sur son patient, tels que" il n'a aucune volonté ", mais aussi
sur lui-même, tel que" je ne sais pas m'y prendre". La première étape consiste à prendre conscience de
ces jugements, et à identifier les besoins sous-jacents, ainsi que les sentimerlts associés, car c'est cela
qui va faciliter la compréhension et le dialogue.
16
Ici, le médecin se sent probablement découragé et irrité, car il a besoin d'une part de sens dans son
travail, d'être rassuré sur sa propre valeur, ses compétences, et d'autre part de compréhension de ce qui
se joue dans la relation et de que le patient vit. Le besoin sous-jacent est probablement celui
d'authenticité et de coopération.
Après avoir pris ce temps pour clarifier ce qui se passe en lui-seul, ou, encore mieux en échangeant
avec un ou des collègues, le médecin peut aborder le dialogue avec son patient de la manière suivante:
. Bonjour, comment vous sentez-vous aujourd'hui?
* Docteur, vous n'allez pas être content, malgré tous mes efforts, je n'ai pas maigri.
. J'avais justement envie que l'on prenne un moment pour parler un peu différemment aujourd'hui. Je
perçois combien vous êtes découragé, avez-vous besoin d'être rassuré que je ne vous juge pas?
* Oui, j'ai peur que vous pensiez comme tout le monde que je ne fais pas d'efforts.
. Vous vous sentez triste et seul j'imagine, et vous avez vraiment besoin de compréhension par rapport
à la difficulté de perdre du poids, c'est cela?
* Oui
. C'est vrai que par moments j'ai eu de telles pensées. Mais en fait dans ces moments là je me sens
surtout découragé, et démuni, car j'aimerais tellement contribuer à votre ,bien être et je vois bien que
pour le moment je n'y suis pas arrivé. J'ai vraiment besoin de mieux comprendre ce que vous vivez, et
que vous osiez me dire si la manière dont je m'y prends vous convient. J'aimerais savoir comment vous
vous sentez quand je vous dis cela.
* Cela me fait du bien docteur - c'est la première fois où je ne me sens pas jugée. .........
Dans ce type de dialogue, le soignant a pour souci primordial la qualité de la relation, et non pas
la critique ou la recherche d'une solution opérationnelle. Le défi est de lâcher prise sur le
résultat et d'avoir confiance qu'un climat empathique favorisera que le patient mette en place
progressivement ce qui conviendra le mieux à son développement personnel, y compris sa santé.
Un des points forts de cette démarche est pour beaucoup de soignants, d'oser reconnaître et
exprimer leurs ressentis vis à vis de tel ou tel patient (satisfaction, ennui, inquiétude, irritation), ainsi
que leurs besoins. Les soignants qui se sont formés à cette démarche, tant en milieu hospitalier qu'en
pratique libérale, décrivent une plus grande satisfaction à pratiquer leur profession, et expriment l'impression que les patients en éprouvent davantage également. Ceci laisse espérer de meilleurs résultats
thérapeutiques, en accord avec plusieurs études qui ont démontré un lien entre la qualité de la relation
soignant - soigné, le degré de satisfaction du patient, et les résultats en terme de santé (revue in 8 et 9).
Pascale Molho*, Paris Patrice Gross, CH de Roubaix
* [email protected] - Tél 01 41 34 04 52 28, rue Pannentier - 92200 Neuilly sur
Seine
Notes
1 - Meryn S. lmproving doctor-patient communication. BMJ 1998;316:1922.
2 - Simpson M., Buckman R., Stewart M. Doctorpatient communication: the Toronto Consensus
statement. Br Med J 1991;303:1385-1387.
3 - Rogers C. - Le développement de la personne. Ed. Dunod.
4 - Brown F. Counseling in practice. Practical Diabetes lnt. 1996,13(6):191-194.
5 - Glasgow R.E, Anderson R.M. Moving from compliance to adherence is not enough. Something
entirely different is needed. Diabetes Care 1999 ;22(12):2090-2091.
6 - Lorenz R.A, Bubb J., Davis D., et al Changing Behavior : Practical lessons from the Diabetes
Control and Complications Trial. Diabetes Cafe 1996:19,648-652.
7 - Rosenberg M. Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs). Ed. La Découverte.
S - Williams S,Weinman J, Dale J, Doctor-patient communication and patient satisfaction: a review.
Fam Prat 1998;15:480-492.
9 - Stewart MA. Effective physician-patient communication and health outcome : a review. CMAJ
1995 ;152(9):1423-1433.
17
BIBLIOGRAPHIE:
- BALINT M. Le médecin, son malade et sa maladie. Paris.
Petite bibliothèque. PAYOT.1973
- POUCHAIN et Coll. Médecine générale Concepts et pratique. MASSON 1996
- ISRAEL L. La relation médecin-malade. Encyclopedia Universalis. 1998
- ROGERS C. La relation d’aide et la psychothérapie. Paris. ESF. 1996
- ROSENBERG M. Les mots sont des fenêtres. La découverte 2002
- D’ANSEMBOURG T. Etre heureux, ce n’est pas nécessairement confortable. Les Editions
de l’Homme 2004
- WINCKLER M. La maladie de Sachs. Paris Editions P.O.L. 1998
- Info-patients.net site sur la relation médecin patient
18

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