Burne Jones, Portrait de Lady Frances Balfour

Transcription

Burne Jones, Portrait de Lady Frances Balfour
XIXe
Fiche d’œuvre/
Sir Edward Coley Burne-Jones (Birmingham, 1833 – Londres, 1898)
Portrait de Lady Frances Balfour, 1880
Mots clefs
Préraphaélites/ Renaissance italienne/ Epoque
victorienne/ Arts & Crafts/ Art du portrait
Portrait de Lady Frances Balfour, vers 1880, huile sur toile, 69 x 39 cm
Achat 1991
Inv. 9046, 991.3.1.P
Gérard Blot/Agence photographique de la RMN
© Domaine public
L’œuvre
Une œuvre rare à bien des égards
Sir Edward Burne-Jones n’a pas pour habitude de peindre des portraits, à quelques rares exceptions près.
Fidèle à une esthétique bien précise, il est attaché à des physionomies éthérées, gracieuses et idéalisées. L’exercice du
portrait est par conséquent pour lui une épreuve plus qu’un plaisir. Davantage tourné vers les grandes compositions
inspirées de la littérature médiévale et des grands mythes, il accepte cette commande par amitié envers l’architecte
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Eustace James Anthony Balfour, responsable de la Grosvenor Gallery de Londres où il exposera pendant 10 ans.
Ce dernier est le frère cadet du célèbre homme politique britannique, Lord Arthur James Balfour, Premier Ministre, chef
du parti conservateur, et mécène de Burne-Jones. La rareté du genre dans la production de l’artiste est doublée ici par la
rareté d’exposition de l’œuvre. Ce tableau n’a en effet jamais été montré du vivant de l’artiste et de son modèle. Resté
circonscrit au cercle intime de la famille Balfour, le portrait de la Lady n’est connu du grand public que depuis son
acquisition en 1991 par le musée des beaux-arts de Nantes. De plus, malgré un succès extraordinaire de son vivant, et
encore aujourd’hui, sur le plan national et international, les œuvres de Burne-Jones sont quasiment absentes des
collections françaises.
Une jeune aristocrate anglaise
Lady Frances Balfour (1858-1931) est issue de l’aristocratie écossaise. Elle doit d’ailleurs sa chevelure rousse flamboyante
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au clan Campbell auquel elle appartient. Dixième enfant de Georges Douglas Campbell , elle côtoie les grandes figures
politiques de son temps dès son plus jeune âge. Intelligente et cultivée, elle est dotée d’un esprit vif et réputée pour son
indépendance. En 1879, elle épouse l’architecte Eustace James Anthony Balfour, de 19 ans son aîné. Proche du couple,
Burne-Jones réalise le portrait de la jeune femme, alors âgée de 22 ans. La commande se portait au départ sur Eustace
mais il a finalement décliné l’offre et préféré se soustraire à l’exercice au profit de son épouse.
1
Cette galerie d’avant-garde londonienne a été fondée en 1877, Bond Street, par Sir Coutts Lindsay. Elle devint rapidement une concurrente de la Royal
Academy. Burne-Jones y expose dès l’inauguration.
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Duc d’Argyll et membre du cabinet du Premier Ministre William Ewart Gladstone
Musée des beaux-arts de Nantes / Service des Publics / Catherine LE TREUT / Janvier 2014
Un portrait atypique
Le portrait révèle tout le caractère et la posture de Frances à l’époque. Sobre et élégante, vêtue d’une robe immaculée,
évoquant sans doute son récent mariage ou la saison estivale, elle apparaît distante et timide. L’absence totale de décors
et de parures dans la chevelure ou sur le vêtement distingue ce portrait des représentations traditionnelles
d’aristocrates. L’esprit farouche de la jeune femme est également perceptible. D’après ses mémoires elle n’était pas ravie
de poser et de se soumettre à ces interminables séances de pose qu’implique la réalisation d’un portrait.
Son teint d’albâtre fait ressortir l’orange vif de ses cheveux, ramassés derrière la nuque, et la couleur écarlate de ses
lèvres charnues. Le visage de trois-quarts légèrement baissé lui confère une attitude de retenue qui va à l’encontre du
port altier habituel qu’arborent les personnes de son rang. Frances souffrait d’un léger handicap physique, elle boitait, ce
qui l’empêchait d’être parfaitement à l’aise en société.
Une référence à la Renaissance italienne
Burne-Jones s’inspire de l’art du portrait de la Renaissance italienne et plus particulièrement des œuvres d’Antonello da
Messina (1430-1479). Sur fond uni, les personnages sont souvent représentés de trois-quarts, en buste ou à mi-corps, les
mains posées sur un parapet ou la bordure d’un meuble au premier plan. La représentation des mains n’est pas
systématique et dépend des moyens du commanditaire, chaque partie du corps ayant un coût.
Antonello da Messina
Portrait d'homme, dit Le Condottiere, 1475
Huile sur bois, 36 x 30 cm
© Musée du Louvre/A. Dequier - M. Bard
Antonello da Messina
Vierge de l’Annonciation, 1476
Huile sur bois, 45 x 34,5 cm
Galleria Regionale della Sicilia, Palermo
© Domaine public
Giovanni Bellini
Portrait du Doge Leonardo Lorendan, 1501-02
Huile sur bois, 61,6 x 45,1 cm
National Gallery, Londres
© Domaine public
L’artiste en quelques dates
1833 : Naissance à Birmingham, ville industrielle du centre de l’Angleterre en pleine expansion, où son père exerce le
métier de graveur, d’encadreur et de doreur sur bois.
1844 : Entre à la King Edward's School. Il est placé dans la section économie et se destine à une carrière d'homme
d'affaire et de commercial.
1849 : Au bout de cinq années d'études où il est arrivé premier à chaque fois, le directeur convainc son père de le placer
dans la section "classique" pour qu'il puisse entrer à l'université.
1853 : Révolté par le puritanisme ambiant, selon ses propres termes, il part étudier à l'Exeter College d'Oxford pour
devenir ecclésiastique. Il y rencontre William Morris (1834-1896) qui se destine à la même carrière que lui et qui devient
son plus grand ami et futur collaborateur.
1854 : Présenté à John Ruskin (1819-1900), il découvre les tableaux de la première génération des Préraphaélites grâce
aux reproductions de son ouvrage The Modern Artists, 1843.
1855 : Lors d’un voyage dans le nord de la France, Burne-Jones décide de se détourner de la religion et de devenir
peintre.
1856 : Burnes-Jones et Morris quittent Oxford, sans avoir obtenu leur diplôme. Ils s'installent à Londres où ils partagent
un logement occupé précédemment par les peintres Dante Gabriel Rossetti (1828-1882) et Walter Deverell. Burne-Jones
entre en contact avec Rossetti, Morris trouve une place chez un architecte du Gothic Revival. Ils forment alors la seconde
génération des Préraphaélites. Burne-Jones rencontre le succès et sa carrière est rythmée par de nombreuses
commandes et récompenses officielles. Il meurt en 1898 à Londres.
Musée des beaux-arts de Nantes / Service des Publics / Catherine LE TREUT / Janvier 2014
Bonus
Les PRB ou Pre-Raphaelite-Brotherhood (Confrérie des Pré-raphaélites)
En septembre 1848, alors que l’Europe est en pleine effervescence révolutionnaire, trois jeunes étudiants s’opposent
farouchement à l’enseignement dispensé à la Royal Academy de Londres. John William Hunt, John Everett Millais et
Dante Gabriel Rossetti créent la Confrérie Préraphaélite et imposent un nouveau style basé sur l'observation directe de la
nature. Ils aspirent à bouleverser la peinture anglaise en retrouvant une simplicité et une vérité qu'ils estiment perdues
depuis Raphaël, à travers un art de lumière et de couleurs vives, de poésie médiévale et de séduction. L'art religieux, la
littérature et la mythologie, le paysage, la vie quotidienne, le portrait, les arts décoratifs sont autant de thèmes et de
domaines qu’aborderont ces artistes sur deux générations. Dénigrés dans un premier temps, ils symboliseront finalement
l’époque Victorienne.
Pour aller plus loin
D’autres artistes européens ont développé une esthétique et une doctrine proches de celles des PRB :
Les Nazaréens en Allemagne
Franz Pforr (Francfort, 1788 – Albano Laziale, 1812)
Peter von Cornelius (Düsseldorf, 1783 – Berlin, 1867)
Friedrich Overbeck (Lübeck, 1789 – Rome, 1869) et bien d’autres…
En France
Edgard Maxence (Nantes, 1871 – La Bernerie-en-Retz, 1954)
Louis Janmot (Lyon, 1814 – id., 1892), principal représentant de l’Ecole de Lyon
Bibliographie
- Catalogue d’exposition, Désirs et volupté à l'époque victorienne, Musée Jacquemart-André, Véronique Gérard-Powell,
Laurent Germeau, Jérôme Duquène, Bruno Monnier, Collection Pérez Simon, 2013.
- Guillaume Morel, Les Préraphaélites : De Rossetti à Burne-Jones, éditions Place des Victoires, Paris, 2013.
- Alison Smith, Tim Barringer et Jason Rosenfeld, Pre-Raphaelites : Victorian Avant-Garde, 2012, Londres-Tate Publishing
- John Christian, Edward Burne-Jones : the hidden humorist, British Museum Press, 2011.
- Patrick Bade, Edward Burne-Jones, Parkstone Press, 2004.
- Elizabeth Prettejohn, The art of the pre-Raphaelites, London : Tate Publishing, 2000.
- Catalogue d'exposition, Edward Burne-Jones (1833-1898) Un maître anglais de l'imaginaire, Stephen Wildman, John
Christian, Alan Crawford, Laurence des Cars, Réunion des musées nationaux, 1999.
- Christopher Wood, Burne-Jones : The life and works of Sir Edward Burne-Jones (1833-1898), London, Weidenfeld &
Nicolson, 1998.
- Catalogue d’exposition, Burne-Jones (1833-1898) : dessins du Fitzwilliam Museum de Cambridge, sous la dir. de Claude
Allemand-Cosneau, avec des contributions de Jane Munro, Hilary Morgan, John Christian, Musée des Beaux-arts de
Nantes, éd. Chiffoleau, 1992.
Sitographie
France :
http://www.musee-orsay.fr/
http://www.musee-orsay.fr/fr/collections/bienvenue/actualites/le-preraphaelisme.html
http://www.musee-orsay.fr/fr/evenements/expositions/voir-ecouter/video-les-preraphaelites.html
http://www.histoiredelart.net/courants/les-preraphaelites-18.html
http://www.wga.hu/
Angleterre et USA :
http://www.vam.ac.uk/page/p/pre-raphaelites/
http://www.vam.ac.uk/contentapi/search/?q=burne%2Bjones&search-submit=Go
http://www.victorianweb.org/painting/prb/1.html
http://www.metmuseum.org/toah/hd/praf/hd_praf.htm
Musée des beaux-arts de Nantes / Service des Publics / Catherine LE TREUT / Janvier 2014