15. Absorption intestinale : études spéciales par analytes

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15. Absorption intestinale : études spéciales par analytes
15. Absorption intestinale : études spéciales par analytes
15.1. L'absorption de l'eau et des électrolytes
L'absorption de l'eau est un phénomène passif lié à l'absorption des électrolytes
(Na+, Cl-,…) et des éléments nutritifs (glucose, acides aminés). L'absorption se fait à
partir des cellules situées sur les villosités intestinales (alors que les cellules de
crypte sont sécrétrices et assurent l'humidification de l'intestin dans les périodes
interdigestives).
Chez l'homme environ 8L d'eau passent quotidiennement dans le tube digestif, la
majorité (90%) étant réabsorbée dans le jéjunum et l'iléon.
Les cellules intestinales impliquées dans la réabsorption de l'eau sont jointives grâce
à la présence des jonctions serrées ce qui oblitère normalement tout passage
paracellulaire. L'utilisation de marqueurs (oxyde de Deutérium ou D2O) a montré
que l'eau quittait essentiellement la lumière intestinale à travers des canaux nommés
aquaporines, (voir fig. 14.8) et n'occupant que 0.1% de la surface de l'épithélium.
Ces canaux excluent toute molécule ayant une poids moléculaire >200 g.Mol-1. Les
aquaporines forment des tétramères dans les cellules membranaires qui peuvent
laisser passer d'autres molécules (comme le glycol) mais qui s'opposent au passage
des ions. Il existe également des aquaporines dans le néphron (aquaporine II du
tube contourne distal) qui sont contrôlées par l'ADH. Un déficit génétique de cette
aquaporine conduit au diabète insipide.
Les flux d'eau sont fonction du niveau d'expression des aquaporines qui est élevé
dans la partie proximale de l'intestin grêle (jéjunum) et qui diminue progressivement
vers les parties distales. La perméabilité du côlon est plus faible car l'expression des
aquaporines est faible (chez l'homme le côlon a une capacité maximale de
réabsorption de 4.5 L/jour et dans des conditions normales, il ne réabsorbe pas plus
de 1 à 2 L sur les 8 L total d'eau).
Les molécules d'eau sont transportées passivement en s'écoulant le long d'un
gradient osmotique dans ces canaux. Il s'agit d'un mouvement passif contrôlé par
un gradient osmotique et il n'y a aucune évidence (pour aucun organisme vivant)
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d'un transport actif d'eau et c'est la captation d'électrolytes et de sucre qui créé le
gradient osmotique.
Les échanges peuvent se faire dans les 2 sens (intestin/sang ou sang/intestin).
C'est ainsi que dans le duodénum, le chyme hyperosmotique est très rapidement
ramené à l'isotonicité. L'ingestion d'un repas hypotonique (grand volume d'eau)
conduit à une absorption rapide de l'eau dans le sang et l'isotonicité du chyme est
obtenue avant le jéjunum. Au contraire, la présence d'un agent osmotique actif dans
la lumière digestive comme le mannitol ou encore un syndrome de malabsorption
en cas d'entérite (lactose mal digéré) va conduire à une sécrétion excessive d'eau
par le tube digestif avec production d'une diarrhée.
L'absorption de l'eau est liée à celle du Na+ (voir plus loin). Le gradient étant le plus
élevé au sommet des villosités, c'est à ce niveau que s'effectuera la réabsorption.
C'est aussi à ce niveau que se fait l'essentiel de la réabsorption du Na+. De plus, il
existe un mécanisme de contre-courant dans la circulation de la villosité qui
augmente la concentration à l'extrémité, c'est-à-dire que le sang artériel qui remonte
dans la villosité capte du Na+Cl-
qui descend et qui va assurer le maintien du
gradient.
La réabsorption de l'eau est contrôlée par des hormones. La gastrine agit
indirectement pour inhiber la réabsorption de l'eau. La CCK et la sécrétine inhibent
la réabsorption de Na+, K et Cl- dans le jéjunum.
15.2. L'absorption des ions
Chez l'homme chaque jour 30 g de Na+ sont sécrétés dans la lumière digestive. A
cela s'ajoute les 7-8 g d'ingérés. 80% du Na+ est réabsorbé dans le jéjunum.
Cela nécessite une réabsorption efficace et en cas de diarrhée les pertes en
électrolytes peuvent être rapidement désastreuses. Physiologiquement, la quantité
de sodium éliminée par les fèces est faible.
L'absorption du Na+ se fait par des pompes à Na+, ce qui implique les ATPases
membranaires.
Le sodium passe du chyme vers la cellule de façon passive car la concentration
intracellulaire en Na+ est faible (50 meq.L-1) contre 142 meq.L-1 dans le chyme ; c'est
au niveau du pôle basal ou latéral que l'extrusion sera active (voir fig. 16.12). Ce
mécanisme est à l'origine d'un gradient qui attire l'eau dans les espaces
intercellulaires.
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Dans les parties proximales du tube digestif le Na+ passe la membrane apicale
(luminale) des entérocytes via un co-transport avec un nutriment via un échange
Na+/H+ ou par un canal sodique (prépondérant au niveau du côlon et régulé par
l'aldostérone). Cette absorption luminale est dépendante du gradient sodique généré
par ATPase basolatérale qui assure l'extrusion dans les espaces interstitiels.
L'absorption du chlore suit celle du Na+ (gradient électrique). Le chlore passe par
voie paracellulaire.
15.3. L'absorption du calcium
Le Ca2+ requiert un mécanisme d'absorption actif. Il existe une protéine de
transport (calcium binding protein) dans les microvillosités dont l'expression est
réglée par le calcitriol. Le calcitriol est le métabolite actif (hydroxyle en 1 et 25) du
cholécalciférol ou vitamine D3. La vitamine D3 est elle-même issue de la
transformation
par
la
peau (sous
l'action
des
rayons
du
soleil)
du
7-
déhydrocholestérol qui est apporté par les aliments d'origine animale. Les végétaux
apportent l'ergostérol qui sera transformé en vitamine D2.
15.4. L'absorption de la vitamine B12
C'est la plus large des vitamines hydrosoluble (PM = 1357 g.Mol-1). Elle est associée
avec des protéines alimentaires comme co-enzyme. Le processus de transfert va
consister à quitter ces protéines alimentaires pour rejoindre une microprotéine
connue sous le nom de facteur intrinsèque ou encore facteur hémopoiétique qui
est produit par les cellules pariétales de l'estomac sécrétant l'H+.
Son absence conduit à l'anémie pernicieuse car la vitamine B12 est essentielle à
l'hématopoièse (certaines plathelminthes).
15.5. L'absorption des sucres
L'essentiel de l'absorption des sucres s'opère dans le duodénum (95%). Ce
processus n'est pas influencé par l'insuline et il a un haut débit (grand Vmax) avec
Vmax = 120 g/h. Cela est une nécessité car l'hydrolyse rapide de l'amidon va créer
une quantité importante de glucose qui s'il n'était pas absorbé créerait un gradient
osmotique avec un appel d'eau (10 g d'amidon donnent une quantité de glucose de
60 mOsm ce qui nécessite 200 mL d'eau pour maintenir le caractère iso-osmotique).
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Les mécanismes d'absorption (diffusion facilitée) ont été vus dans le chapitre 14.
Une fois absorbé, le glucose gagne le système porte et de là, le foie (synthèse du
glycogène) ou les muscles. Cela implique le passage par des capillaires qui sont
fenestrés et dont les fenestrations occupent 10% de la surface totale des capillaires.
Le débit sanguin dans les capillaires peut être un facteur limitant notamment dans les
villosités (le temps de transit est de 4 à 8 sec et est augmenté par les contractions).
15.6. L'absorption des protéines et des acides aminés
En principe, les protéines sont complètement hydrolysées avant d'être absorbées par
l'intestin grêle. Il est possible que de petites quantités de peptides soient absorbées
mais ils sont immédiatement hydrolysés dans la cellule par des peptidases
spécifiques et ce sont des acides aminés qui apparaissent du côté sérique.
Contrairement aux disaccharidases qui sont localisés dans la bordure en brosse, les
peptidases sont dans le cytoplasme des entérocytes.
Il y a 4 transporteurs spécifiques des acides aminés dans l'intestin tout comme
dans le rein. Cela a été mis en évidence à partir de l'étude des anomalies génétiques
et par les études de compétition.
15.6.1.
Le transport actif des acides aminés
Chez les mammifères, le transport actif Na+ -dépendant des acides aminés prend
place grâce à 4 systèmes de co-transportage agissant de façon non compétitive
chaque système transporte juste une catégorie d'acides aminés (Tableau 15.1).
1) les 3 acides aminés dibasiques (lysine, arginine et histidine), sont des AA
ayant chacun 3 groupes amines.
2) Les acides aminés diacidiques (glutamate, aspartate) ayant 2 groupes
carboxyliques
3) Une classe spécialisée pour la glycine, la proline et l'hydroxyproline (iminoacides
4) Les autres AA neutres (alanine, sérine, leucine, isoleucine, phénylalanine…)
A chaque canal correspond des maladies génétiques.
L'absorption se fait contre un gradient de concentration ce qui indique le caractère
actif (co-transport avec Na+).
Le transport est pyridoxine-dépendant. Le dinitropnénol, les ions cyanure et
l'anaérobiose bloquent l'absorption.
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Tableau 15.1 Systèmes de transport des acides aminés (AA)
Transporteur
AA transportés
Neutral (α-amino-monocarboxylic)
Aromatic (Phe, Tyr, Trp)
Aliphatic (Gly, Ala, Val, Leu, Ile, Ser
His, Met, Asn, Gln, Cys, Pro,
OH-Pro
Basic (cationic)
Lys, Arg, Orn, Cys
Acidic (anionic)
Glu, Asp, SeC
Imino
Pro, OH-Pro, GABA, Tau, Gly, other AA
with amino groups in β or γ positions
15.6.2.
Dipeptides / tripeptides
Il existe des transportages séparés pour les dipeptides et les tripeptides. Une fois
dans la cellule, ces dipeptides et tripeptides sont clivés par les peptidases cellulaires
ce qui évite la constitution d'un gradient d'oligopeptides.
Remarque : des médicaments ressemblants aux AA sont absorbés grâce à ces
transporteurs aux AA.
-
Gabapentine (un anti-épileptique)
-
α-methyldopa
-
L-dopa
-
D-cyclosporine
Les transporteurs aux oligopeptides prennent en charge les antibiotiques de type βlactamines, inhibiteurs de l'enzyme de conversion (ACEI).
15.6.3.
Absorption
des
protéines
:
le
cas
des
immunoglobulines.
L'animal adulte n'absorbe pas de protéines, cependant quelques protéines peuvent
être absorbées ce qui sera à l'origine de certaines allergies alimentaires.
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Chez le nouveau-né, la situation peut être totalement différente. Pour certaines
espèces (cheval, ruminants, porcs) le transfert de l'immunité se fait après la
naissance via le colostrum. Les immunoglobulines, issues du sérum s'accumulent
dans le colostrum et elles représentent 70% des protéines.
Chez le veau, après la première tétée, le caséinogène est précipité par la rennine (ou
présure ou chymosine) de la caillette. Cela libère le lactosérum qui gagne l'intestin.
Parvenu dans l'intestin, les protéines (lactoglobulines) ne sont pas digérées car
l'activité trypsique est très faible et le colostrum contient une antitrypsine.
Les immunoglobulines vont être absorbées par un mécanisme d'endocytose et
transférées vers les lymphatiques par exocytose. L'endocytose comprend la
pinocytose (liquide) et la phagocytose (solide). Ces processus correspondent à
une séquence d'évènements avec la formation et la fusion d'une vésicule qui va se
fondre avec la membrane.
Les immunoglobulines seront intégralement absorbées par l'intestin grêle par
pinocytose et vont gagner la circulation via le système lymphatique. Cela explique un
certain délai dans l'augmentation de la gammaglobuline (3-4h). Les petites protéines
qui seront absorbées en même temps seront rapidement éliminées par le rein (il y a
une protéinurie physiologique chez le nouveau-né).
Chez le porcelet, l'estomac a une très faible activité protéolytique et l'action tampon
du colostrum interdit l'action de la pepsine. Il y a également une antitrypsine et la
majeure partie des gammaglobulines est absorbée en 12h.
Remarque : un porcelet peut encore absorber des gammaglobulines à l'âge de 5
jours s'il reste à jeun.
A la naissance, la concentration sérique du chiot en immunoglobuline est identique à
celle de la chienne. Le chiot peut absorber par le tube digestif des protéines pendant
10 jours et la protéinurie du chiot dure environ 8 jours.
Chez les primates, l'intestin est imperméable.
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Développement de l'imperméabilité intestinale.
Avec l'âge l'intestin devient imperméable aux protéines chez le veau alors que cela
est lié à l'absorption du colostrum chez le porc.
Le veau produit de la pepsine dès la naissance mais l'HCl n'est sécrété qu'à partir de
24-36h et le colostrum stimule cette sécrétion.
Il est à noter que le cortisol accélère la fermeture de cette voie d'absorption d'où
l'impact des parturitions difficiles, ou le déclenchement de la parturition avec des
corticoïdes etc. Un agneau stressé par le froid peut avoir des problèmes ayant cette
origine.
Chez le porcelet, ce n'est pas l'âge mais l'ingestion ou non du colostrum qui contrôle
le processus.
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