Le Trip-hop - Médiathèque Côte-d`Or

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Le Trip-hop - Médiathèque Côte-d`Or
Le trip-hop
Dans le foisonnement des musiques électroniques, on trouve une multitude de
genres et de sous-genres, aux appellations souvent peu éloquentes, attribuées par la
presse musicale ou les artistes eux-mêmes.
La MCO vous propose de découvrir quelques artistes majeurs d’un de ces courants :
le trip-hop.
Les albums en bleu et en italique font partie du catalogue de la MCO.
Médiathèque Côte-d’Or – juin 2012
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Contexte historique
Les deux mouvements principaux et fondateurs créés dans les années 80 de ce
qu’on nommera plus tard « musiques électroniques », sont nés dans deux villes
industrialisées des Etats-Unis : la house, à Chicago et la techno, à Detroit.
À la fin des années 80, l’explosion électronique gagne l’Europe, où la techno suscite
un engouement massif, comme en Angleterre, Allemagne ou Belgique…, pays déjà
très friands de sons électroniques.
En marge de la house et de la techno, des artistes utilisent des rythmes plus lents,
influencés par les breakbeats (littéralement, ruptures de rythme : base rythmique du
hip-hop).
Cette tendance « downtempo », dérivée du hip-hop plus que de la techno, est à
l’origine de styles variés souvent intriqués, qui peuvent être également, suivant les
étiquettes, rattachés à l’electronica ou à l’ambient : le trip-hop, l’abstract hip-hop et
le dub électronique.
Emergence
Le trip-hop, nommé ainsi par des journalistes en 1994, est un courant qui émerge à
Bristol, une ville portuaire du sud-ouest de l’Angleterre, où les quartiers jamaïcains
résonnent de sound-systems. L’appellation trip-hop serait une contraction d’abstract
hip-hop, un style pourtant sensiblement différent, proche du hip-hop, dans lequel le
texte laisse la place à des effets instrumentaux. Ce courant est néanmoins souvent
classé dans le trip-hop, avec par exemple l’artiste représentatif DJ Shadow, auteur
d’un album de référence : Endtroducing… (1996).
Building steam with a grain of salt / DJ Shadow : Découvrir
Source : Wikicommons
Photo : The Herbaliser
Auteur : Korben 93
Le label Ninja Tune, créé en 1990 par Jonathan More et Matt
Black, du duo Coldcut, oriente ses productions dans l’abstract
hip-hop. Mais la frontière est très floue avec le trip-hop, Coldcut
étant parfois classé sous cette étiquette, ainsi que les autres
artistes du label comme The Herbaliser ou le brésilien Amon
Tobin.
Reanimator / Amon Tobin : Découvrir
Le trip-hop, lui, « se base sur le modèle de la chanson, la voix prenant une place
très importante, reposant sur des sons électroniques très élaborés et aériens, avec
des basses profondes issues du dub1 ». Inspiré par le dub de Jamaïque, le hip-hop
instrumental et l’acid jazz, le trip-hop, caractérisé par un son lo-fi2, se nourrit aussi
d’autres influences comme le blues, la soul (dans la sensualité des mélodies) et le
jazz. Le mot trip (« voyage » en anglais) évoque une forme d’évasion virtuelle et
musicale, en connexion avec les atmosphères des musiques de film.
1
Musiques électroniques : des avant-gardes aux dance floors / Guillaume Kosmicki. – Le Mot et le Reste, 2009
(Formes)
2
Le son lo-fi, low-fidelity opposé au son hi-fi, high fidelity est une méthode d’enregistrement dont le but est de
produire un son sale, non aseptisé.
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2
Un des groupes pionniers du trip-hop est Massive Attack, créé
en 1988 à partir d’un sound-system de reggae/dub : The Wild
Bunch. Ce collectif de graphistes, DJ et chanteurs, se nomme
alors Massive, la deuxième partie du nom ayant été mise de
côté pendant la guerre du Golfe.
Source : Wikicommons
Photo : Massive Attack
Auteur : Festival
Eurockéennes
Leur premier album, Blue Lines (1991) est un chef-d’œuvre,
considéré rétrospectivement comme l’album fondateur du triphop.
Unfinished sympathy / Massive Attack : Découvrir
Tempo lent, voix soul, atmosphère sombre et sensuelle : leurs albums suivants,
Protection (1994) et Mezzanine (1998), s’enrichissent de nombreux invités comme
Horace Andy, Tracey Thorn, Nicolette, Elizabeth Fraser…
Angel / Massive Attack : Découvrir
Massive Attack fonde aussi son label, Melankolic, qui produira d’autres groupes de
trip-hop bristoliens comme Alpha, qui de leur premier opus Come from heaven
(1997) à l’album Two phased people (2009) réalisé avec Horace Andy, distille un
downtempo dub sensuel et harmonieux.
Fire / Horace Andy & Alpha : Découvrir
Source : Wikicommons
Photo : Portishead
Auteur : José Goulao
Avec Massive Attack, d’autres artistes vont constituer la scène
trip-hop de Bristol, comme le groupe Portishead, créé en 1992,
qui produit un blues électronique mélancolique qui influencera
beaucoup la pop anglaise, dès leur premier album Dummy
(1994). C’est d’ailleurs à partir de cet album que la presse parle
de trip-hop.
Glory box / Portishead : Découvrir
Tricky, échappé de Massive Attack après l’album Protection, est l’un des
empereurs de la scène de Bristol. Il impose une atmosphère tout en sensualité et en
noirceur avec son premier album Maxinquaye (1995)…
Overcome / Tricky : Découvrir
Un label fondateur du trip-hop et de l’abstract hip-hop est Mo’Wax, qui porte le nom
d’un club d’Oxford dirigé par James Lavelle. Passionné d’acid-jazz et de hip-hop, il
crée le label en 1992 qui devient une référence en matière de trip-hop expérimental :
il signe U.N.K.L.E. (collectif dont il fait partie et qui sort un album remarqué :
Psyence fiction avec la participation de Thom Yorke de Radiohead, Richard Ashcroft
de The Verve, Mike D. des Beastie Boys, etc.), DJ Shadow, Luke Vibert…
Bloodstain / U.N.K.L.E. : Découvrir
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L’explosion trip-hop : droite ligne et filiations en Grande-Bretagne
A la suite de ces pionniers, labels et artistes se multiplient à Bristol (sur le label Cup
of Tea notamment) puis hors de la ville, à l’image des artistes de Manchester : Mark
Rae et Steve Christian, Mr Scruff et son album Keep it unreal sur Ninja Tune
(1999), ou encore le duo Lamb qui réinvente le genre avec ses expérimentations
jazzy drum’n’bass, contrebasse et électronique (premier album Gorecki, 1996).
Get a move on / Mr Scruff : Découvrir
Cotton wool / Lamb : Découvrir
Originaire de Brighton et vivant aujourd’hui aux États-Unis, l’un
des artistes les plus populaires du label Ninja Tune, Simon Green
alias Bonobo, crée au fil de ses albums une musique downtempo
planante très marquée par le jazz, constituée d'une superposition
d'échantillons sonores (acoustiques ou récupérés à partir de
différentes sources musicales telles que des enregistrements sur
vinyle).
Source : Wikicommons
Photo : Bonobo
Auteur : Sibonobo
Between the lines / Bonobo : Découvrir
A Londres, le groupe Archive conjugue le rap à la voix de la chanteuse Roya Arab,
dans l’esthétique trip-hop (Londinium, 1996), avant d’évoluer ensuite vers une
musique plus pop.
Londinium / Archive : Découvrir
La sœur de Roya Arab, Leila, s’inscrit aussi dans la mouvance trip-hop, dès son
premier album : Like weather (1998).
Source : Wikicommons
Photo : Goldfrapp
Auteur : Captain Pendy
Autre artiste féminine, Allison Goldfrapp fait sa première
apparition sur l’album de Tricky, Maxinquaye, en 1995, avant
d’entamer une carrière en duo avec Will Gregory sous le nom de
Goldfrapp. Enregistré sur le label Mute records, l’album Felt
Mountain passe quasi inaperçu auprès du public mais est
unanimement salué par la critique. Le succès vient avec leurs
albums suivants, et notamment Supernature en 2005, et leur style
musical s’ouvre à d’autres influences : électro-pop, house, glamfunk…
Lovely Head / Goldfrapp : Découvrir
D’autres artistes britanniques s’intègrent dans le mouvement trip-hop comme
Pressure Drop, Morcheeba, Nightmares on Wax…
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En Europe, le trip-hop s’exporte
Mais la popularité du trip-hop dépasse les frontières de la Grande-Bretagne : en
Autriche, Peter Kruder et Richard Dorfmeister renouvellent le genre (The K&D
Sessions). Richard Dorfmeister enregistre également avec Rupert Huber sous le
nom de Tosca des albums de trip/hop et dub (Suzuki), tandis que Peter Kruder
poursuit sa carrière sous la signature de Peace Orchestra. Le quatuor Sofa Surfers
ou l’artiste Waldeck, produit par Kruder et Dorfmeister, s’inscrivent dans la même
veine.
Aquarius / Waldeck : Découvrir
En Allemagne, le label Compost est actif sur la scène trip-hop et
des collectifs se font connaître comme Jazzanova, composé de
trois DJ berlinois, dont le style se rapproche du nu-jazz.
Source : Wikicommons
Photo : Hooverphonic
Auteur : Jaak Geebelen
En Belgique, DJ Morpheus, ancien chanteur d’un groupe newwave, est à l’origine des compilations Freezone, d’abord
orientées ambient puis dub, down-tempo et jungle.
Hooverphonic, autre artiste belge, publie des albums trip-hop
aux inspirations new-wave.
2 Wicky / Hooverphonic : Découvrir
Le groupe anglo-suédois Cirkus est composé de Burt Ford (alias Cameron McVey,
célèbre producteur de Massive Attack, de Tricky ou de Portishead), Karmil, Lolita
Moon et Neneh Cherry (épouse de McVey).
Groupe familial, le clan Cirkus a composé en Suède deux albums voluptueux et
mélancoliques : Laylow (2006) et Medicine (2009).
Starved / Cirkus : Découvrir
La touche française : un foisonnement créatif autour du trip-hop
En France, le trip-hop a été très présent grâce au label Yellow Productions, créé par
Migty Bop, alias Christophe Le Friant (beaucoup plus célèbre sous le nom de Bob
Sinclar) et s’est développé avec DJ Cam, Snooze (pseudonyme du chanteur
Dominique Dalcan), La Funk Mob…
Source : Wikicommons
Photo : Air.
Auteur : Wonker
Jean-Benoît Dunckel et Nicolas Godin se font connaître et
deviennent très populaires notamment en Grande-Bretagne sous
le nom de Air. Leur musique est influencée par les musiques de
film, les productions des années 70, l’easy-listening, l’ambient…
Après un mini-album (Premiers symptômes, 1997), Air sort
Moon Safari en 1998, énorme succès publié dans 40 pays à la
fois.
Le duo incarne alors la French Touch, et se fait connaître outreAtlantique en composant la bande originale du film de Sofia
Coppola, Virgin suicides.
Casanova 70 / Air : Découvrir
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Autre artiste majeur du trip-hop français, Kid Loco, alias Jean-Yves Prieur, publie
chez Yellow Productions un album devenu référence, A grand love story (1998), à
l’ambiance érotique.
A grand love story / Kid Loco : Découvrir
Roudoudou, adepte de collages sonores se fait connaître par le single Peace and
tranquility to Earth (album Tout l’univers (Listener’s digest), 1997), utilisé à outrance
dans des génériques et documentaires télévisés.
Peace and tranquility to Earth / Roudoudou : Découvrir
Dans un univers musical plus large que le trip-hop au sens strict, le groupe
marseillais Troublemakers crée une électro cinématique, comme une bandeoriginale teintée de soul et de jazz.
Très belle surprise en 2001, l'album Doubts & Convictions va devenir incontournable
pour les amateurs cinéphiles de trip-hop.
Get Misunderstood / Troublemakers : Découvrir
Jean-Christophe Le Saoût alias Wax Tailor sort son premier album Tales Of The
Forgotten Melodies en 2005, qui reçoit de très bons échos. En 2007, Wax Tailor
revient avec Hope & Sorrow à l'influence indéniablement hip-hop, créant un univers
soul, jazzy et chaleureux qui fait de lui l'un des artistes phares de la scène
downtempo-trip-hop internationale.
Nommé aux Victoires de la musique en 2008 et 2010, il poursuit une carrière
internationale : son dernier album In the mood for life (2009) est truffé de
collaborations avec Charlie Winston, Dionne Charles, Charlotte Savary, A State of
Mind (ASM), etc.
Say yes / Wax Tailor feat. ASM : Découvrir
Source : Wikicommons
Photo : DJ Krush
Auteur : Jhayne
Héritier de DJ Shadow et DJ Krush, Doctor Flake a créé un
univers unique alliant trip-hop, abstract hip-hop, rock, folk, dub,
drum’n’bass, funk, bandes sonores de films, etc. en quatre
albums cinématographiques et atmosphériques : Intervention
chirursicale (2006), Paradis Dirtyficiels (2007), Minder surprises
(2009) et Flake up (2011).
Promenons-nous dans les bois / Doctor Flake : Découvrir
Ce panorama de la scène downtempo-trip-hop française n’est bien sûr pas exhaustif
et d’autres artistes et groupes, séparés aujourd’hui comme Mig (groupe grenoblois,
auteur de deux albums : Dhikrayat en 2003 et Yamatna en 2006), ou toujours actifs
comme Alif Tree, artiste de Marseille mêlant le jazz au trip-hop dans des productions
originales (French Cuisine, 2005 ; Clockwork, 2009…), ont donné au trip-hop, loin
des clichés parfois véhiculés par l’étiquette French Touch, une résonnance française
riche d’émotions, de couleurs musicales et de créativité.
Reality / Alif Tree : Découvrir
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Sources :
-
Musiques électroniques : des avant-gardes aux dance-floors / Guillaume
Kosmicki. – Le Mot et le reste (Formes), 2009
-
Mix : les musiques électroniques / Nicolas Dambre. – Éditions Alternatives,
2001
-
Formation « Les musiques électroniques » dispensé par Gilles Rettel (MSAI)
/ CNFPT Metz, 6-7 nov. 2008
-
site www.trip-hop.net
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