Litige commercial UE/États-Unis porté devant l`OMC à
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Litige commercial UE/États-Unis porté devant l`OMC à
1 Confidential document Litige commercial UE/États-Unis porté devant l'OMC à propos d'allégations de subventions versées aux constructeurs d'avions de grande capacité, Airbus et Boeing 1. Historique de ce litige Quelles en sont les raisons ? En 1992, les Etats-Unis et les Communautés Européennes (désignées aujourd'hui l'Union Européenne, “UE”) ont conclu un accord bilatéral (“Accord de 1992”) dans lequel les parties définissent les règles visant à équilibrer les aides financières versées par le gouvernement américain à son industrie aéronautique, et les prêts remboursables accordés à l'industrie aéronautique européenne. Si l'UE a respecté de bonne foi les engagements pris au titre de cet accord, les Etats-Unis ont ignoré à de nombreuses reprises les limitations établies relatives aux montants et au type de subventions. Le montant sans précédent des différentes subventions versées par l'Etat de Washington pour le 787 et d'autres avions civils produits par Boeing, qui dépasse les 3 milliards de dollars, en est un exemple flagrant. L'Etat de Washington a alors indiqué très clairement que les différentes mesures incitatives avaient pour but "d'aider Boeing à battre Airbus". Selon des observateurs indépendants, ces mesures incitatives en faveur de Boeing constituaient une opération "sans précédent", basée sur "des relations totalement inédites entre un Etat et une société." Le 6 octobre 2004, Boeing a encouragé les Etats-Unis à se retirer unilatéralement et sans préavis de l'Accord de 1992, et de déposer immédiatement une plainte auprès de l'OMC concernant l'ensemble des aides européennes versées à Airbus, y compris celles préalablement acceptées par les Etats-Unis et figurant dans l'Accord de 1992. L'Union Européenne n'avait guère d'autre option que d'engager parallèlement une procédure auprès de l'OMC portant sur les aides versées par le gouvernement fédéral, les états et les autorités locales américaines à l'industrie aéronautique américaine (à savoir, Boeing). Parmi ces aides, on peut citer celles perçues par Boeing dans le cadre de la réglementation applicable aux sociétés de vente à l'étranger (désignée 'Foreign Sales Corporation Scheme'), que le Gouvernement américain avait continué à verser à Boeing alors qu'il avait été déclaré à maintes reprises que ces subventions constituaient une violation des règles de l'OMC. Ces deux recours déposés simultanément auprès de l'OMC, à savoir "l'Affaire Airbus" (DS316 : recours des États-Unis contre le soutien de l’UE à Airbus) et "l'Affaire Boeing" (DS353 : recours de l’UE contre le soutien des États-Unis à Boeing), ont suivi un calendrier différent en raison d'un certain nombre de retards au niveau de l'OMC. En décembre 2014, l'UE a contesté, dans le cadre d'un autre recours (DS487), les aides supplémentaires versées à Boeing par l'Etat de Washington en échange de la production de la voilure et du fuselage, et de l'assemblage final du 777X, sur l'Etat de Washington. Ces aides consistaient dans des exemptions fiscales applicables jusqu'en 2040, estimées par l'Etat de Washington à un montant de 8,7 milliards de dollars. 2 Confidential document Ce programme de subventions versées par un Etat est le plus important de toute l'histoire des Etats-Unis. Selon les spécialistes de l'industrie, le montant de ces subventions est largement suffisant pour couvrir la totalité des coûts de conception et de production du 777X de Boeing, et compenser l'ensemble de ses frais de développement et de commercialisation. Qui est responsable de l'affaire auprès de l'OMC ? Les différends sont portés devant l'OMC par les gouvernements. La Commission Européenne, qui représente quatre états membres de l'UE (la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Espagne – les "Etats Membres"), est responsable de l'affaire l'opposant aux Etats-Unis, et le Représentant au Commerce des Etats-Unis ("USTR" - US Trade Representative) est responsable de l'affaire pour les Etats-Unis. Airbus soutient pleinement la Commission Européenne dans le cadre de la préparation et de la conduite de la procédure juridique. Boeing apporte un soutien similaire à l'USTR. 2. Recours des Etats-Unis à l'encontre de l'UE – DS316 Les Etats-Unis affirment qu'Airbus reçoit plusieurs milliards d'euros de subventions qui sont prohibées ou contraires aux règles de l'OMC. Cette affirmation est un mythe et a été rejetée en grande partie par l'OMC. En réalité, le financement reçu par Airbus de la part des Etats Membres est remboursable avec intérêts, comme convenu par les Etats-Unis dans l'Accord de 1992. Dans la procédure initiale, le groupe spécial de l'OMC a estimé que le financement par les Etats Membres sous forme d'investissement de lancement remboursable (“RLI” - Repayable Launch Investment) ne constitue pas en soi une subvention, à la différence des aides ou des exemptions fiscales spécifiques à l'industrie. Cependant, dans certains cas spécifiques, le RLI pouvait être interprété dans une certaine mesure comme constituant une subvention, en raison d'un taux d'intérêt inférieur aux taux du marché. En outre, l'OMC a confirmé que le RLI ne constitue pas une subvention prohibée. Toutefois, l'OMC a estimé que certains cas de RLI, certains apports de capitaux historiques versés à Airbus au cours des années 1980 et au début des années 1990, ainsi que quelques mesures de soutien infrastructurelles, constituent des subventions qui portent préjudice à la compétitivité du marché. Plus spécifiquement, l'OMC a attribué à ce soutien de l'UE certaines ventes remportées par Airbus et perdues par Boeing. L'OMC a exigé de l'UE qu'elle élimine ces effets défavorables des subventions, ou qu'elle mette fin aux subventions. En réponse à cette demande, en décembre 2011, l'UE a présenté son programme d'actions exhaustives mises en place afin d'appliquer les décisions et recommandations de l'OMC. Les Etats-Unis ont affirmé que ces démarches étaient insuffisantes et décidé le lancement de procédures auprès de l'OMC en vue d'examiner les mesures de mise en conformité de l'UE. Lors des procédures d'évaluation de la conformité qui ont suivi, l'UE a constaté que la majorité des subventions mises en cause avait expiré, ou qu'elles avaient été retirées. L'UE a également démontré que, en raison du temps écoulé, des investissements non subventionnés effectués par Airbus pour la compétitivité de ses produits et d'autres développements commerciaux, il ne restait aucun effet négatif attribuable aux subventions. Un groupe spécial de l'OMC chargé de la mise en conformité a confirmé que l'ensemble des RLI antérieurs à l'A380, les apports de capitaux historiques versés à Airbus ainsi que certaines mesures de soutien infrastructurelles, avaient expiré. Cependant, pour le groupe spécial, l'expiration d'une subvention n'était pas synonyme de son retrait. 3 Confidential document Pourtant, il est difficile d'imaginer quelles autres actions pourraient être exigées de l'UE face à un système offrant des voies de recours, alors que les subventions n'existent plus. L'UE fait actuellement appel à la décision du groupe spécial. Le groupe spécial de l'OMC chargé de la mise en conformité a également estimé que le RLI accordé par les Etats Membres pour l'A350 XWB constituait une subvention. Le groupe spécial a utilisé un référentiel développé pour le financement de l'A380, ignorant toutes les différences pertinentes concernant les niveaux de risques des projets et leur financement. L'UE fait également appel à cette décision. En outre, le groupe spécial chargé de la mise en conformité a rejeté une fois encore les plaintes des Etats-Unis selon lesquelles les RLI concernant l'A380 et l'A350 XWB étaient prohibés. Il a également rejeté les plaintes des Etats-Unis selon lesquelles l'A380 et l'A350 XWB permettaient à Airbus de commercialiser des appareils que l'avionneur n'aurait pas été en mesure de lancer et développer autrement. Cependant, le groupe spécial a identifié certains effets néfastes, estimant qu'en l'absence des subventions accordées, Airbus et l'ensemble de ses produits n'auraient jamais existé. Ces conclusions s'appuient sur les effets de subventions qui ont expiré et pour lesquelles l'UE a donc assuré la mise en conformité avec le retrait des subventions. En outre, le groupe spécial a adopté une norme de causalité erronée, et a commis d'autres erreurs. L'ensemble de ces conclusions est actuellement présenté en appel. Faits majeurs liés à "l'Affaire Airbus " Conformément à l'Accord de 1992, le financement par les Etats Membres des avions Airbus dans le cadre de RLI est limité et remboursable avec intérêts. L'OMC a confirmé qu'un RLI ne constitue pas en soi des subventions ; cependant, dans certains cas spécifiques, des RLI ont constitué des subventions en raison de leur taux d'intérêt inférieur aux taux du marché. C'est ce qui distingue les RLI de la majorité des soutiens apportés à Boeing par les EtatsUnis sous forme d'aides et d'exemptions fiscales, qui constituent en pratique des subventions et ne sont jamais remboursables. L'OMC a confirmé que les RLI ne comportent pas de subordination à l'exportation ou à la règle relative au contenu d'origine nationale, et n'impliquent donc pas de subventions prohibées. Si le groupe spécial de mise en conformité a estimé que les RLI continuent à causer des effets négatifs sur le marché, ces conclusions reposent entièrement sur de prétendus effets sur le marché résultant de subventions qui ont expiré depuis longtemps (et dont le retrait a assuré la mise en conformité de l'UE). L'OMC a également confirmé lors des procédures initiales que tous les programmes R&D de l'UE (européens, nationaux et régionaux) sont pleinement compatibles avec les règles de l'organisation. Cette conclusion est particulièrement pertinente face aux conclusions de l'OMC relatives à l'affaire Boeing, selon lesquelles les subventions R&D de la NASA et du Département de la Défense ont entraîné des effets négatifs sur le marché. L'OMC a également rejeté le recours des Etats-Unis portant sur le site de production de l'A380 (Aéroconstellation) de Toulouse. L'OMC ayant déclaré que le soutien apporté au site de production de l'A380 du Mühlenberger Loch de Hambourg, Allemagne, était une subvention qui entraînait des effets négatifs, Airbus a depuis accepté d'accroître le montant de la location et, de ce fait, les Etats-Unis ont dû abandonner leur plainte. 4 Confidential document 3. Recours de l'UE à l'encontre les Etats-Unis – DS353 Dans son action intentée devant l'OMC contre les Etats-Unis, l'UE a déposé un recours concernant différentes subventions versées entre 1989 et 2006 par le gouvernement fédéral, les Etats et les gouvernements locaux au bénéfice de Boeing, s'élevant à 5-6 milliards de dollars (montant confirmé par le rapport de l'organe d'appel) sous forme de subventions non conformes à l'OMC. En mars 2013, l'UE a estimé que les subventions versées à Boeing après 2006 s’élevaient à des milliards de dollars supplémentaires. Afin de mieux comprendre l'importance du soutien apporté par le gouvernement américain à Boeing, il est intéressant de citer les déclarations prononcées par Barack Obama, Président des Etats-Unis, lors d'une visite de l'usine Boeing située à Everett en février 2012 : “Ce {787 Dreamliner} est le premier avion civil fabriqué avec 50 pour cent de matériaux composites. Il est plus léger, plus rapide, plus économe en carburant que tout appareil de la même catégorie. Et ses lignes sont attractives. Le Dreamliner est l'avion du futur. Et en le construisant ici, Boeing bénéficie dès aujourd'hui d'une immense opportunité : créer de nouveaux emplois et relancer l'activité de fabrication au sein des EtatsUnis d'Amérique. ... Nous avons toujours cru dans le pouvoir de l'innovation. L'innovation exige des recherches fondamentales. Regardez cet avion {un Boeing 787}. Il a été conçu virtuellement en utilisant la même technologie que celle développée par la NASA. La recherche gouvernementale a contribué à la création de cet appareil. … Un grand nombre de ces idées est le résultat de la recherche gouvernementale. Nous devons soutenir cette recherche avancée. Nous devons maintenir notre approche novatrice afin d'assurer que les emplois et les industries se développent ici, aux Etats-Unis, et non ailleurs.” Faits majeurs liés à "l'Affaire Boeing" Les exemptions fiscales accordées par l'Etat de Washington au cours des années 2006-2024 représentent une subvention de l'ordre de 3 milliards de dollars environ. Ces exemptions fiscales ont été ensuite étendues à différentes incitations fiscales mises en place par l'Etat pour le 777X, pour un montant de 8,7 milliards de dollars supplémentaires. La ville de Wichita (Kansas) a accordé près de 500 millions de dollars sous forme de réductions d'impôts sur les obligations-recettes industrielles (‘Industrial Revenue Bonds’) entre 1989 et 2006, autant de subventions dont Boeing bénéficie toujours à ce jour. Boeing a été éligible pour 2,2 milliards de dollars de subventions à l'exportation dans le cadre de la Foreign Sales Corporation, malgré des conclusions antérieures de l'OMC selon lesquelles il s'agit de subventions prohibées. A ce jour, cette éligibilité est maintenue pour certaines transactions de Boeing. 5 Confidential document L'organe d'appel (AB - Appellate Body) a confirmé que les subventions fiscales de Washington, celles de la Foreign Sales Corporation, ainsi que celles de Wichita, ont permis à Boeing d'enregistrer des commandes sur le marché des monocouloirs de 100 à 200 sièges (Boeing 737 vs. A320) au détriment d’Airbus. La NASA a versé à Boeing plus de 2,6 milliards de dollars de subventions dans le cadre de huit programmes de recherche fédéraux financés par la NASA, grâce à des paiements directs et un libre accès à des installations, équipements et employés. Ces subventions sont encore en cours à ce jour. L'organe d'appel a confirmé que les programmes susmentionnés ont fourni des subventions sous forme de transfert direct de fonds ou de mise à disposition par la NASA de biens et de services à Boeing, pour lesquels aucune redevance n'est due. Dans ce cas, Boeing a acquis les droits de propriété intellectuelle commerciaux. L'AB a confirmé en outre que le Département de la Défense des Etats-Unis (DOD), dans le cadre de ses programmes de Recherche & Développement, d'Essais et d'Evaluation, a transféré à Boeing, à titre gratuit, des technologies à double usage d'une valeur de 1,2 milliard de dollars, pour leur utilisation directe par Boeing dans la production d'avions civils de grande capacité, ainsi qu'un accès libre aux installations du DOD. Boeing continue à bénéficier de subventions dans le cadre de ces programmes. L'AB a confirmé que les relations entre la NASA et le DOD, d'une part, et Boeing, d'autre part, sont proches de celles existant au sein d'une joint venture, l'élément principal étant que les résultats des travaux conjoints appartiennent essentiellement à un seul partenaire, Boeing, qui n'a en général apporté aucune part de financement. Les subventions de la NASA et du DOD axées sur la recherche et le développement ont permis à Boeing de développer des technologies clés, sans lesquelles il lui aurait été impossible de lancer le 787 "Dreamliner" en 2004. Les subventions recherche et développement susmentionnées ont doté Boeing d'un avantage concurrentiel, entraînant la perte par Airbus de campagnes de vente. Airbus a subi une perte de son volume de vente des appareils A330 et A350 (le marché des avions de 200-300 sièges) et a encouru le risque de perdre certains marchés d'exportation. Même dans les cas où la société a pu réaliser des ventes, celles-ci ont dû être réalisées à des prix réduits en raison de la présence sur le marché du 787 subventionné. Les subventions illégales dont bénéficie Boeing ont un impact négatif sur les ventes, sur la part de marché et sur les prix des familles Airbus A320, A320neo, A330, et A350 XWB. Les Etats-Unis n'ont fourni aucune preuve de leur conformité aux décisions et recommandations de l'OMC, ce qui a incité l'UE, le 11 octobre 2012, à demander la création d'un groupe spécial de mise en conformité de l'OMC. Ses travaux sur la mise en conformité sont actuellement en cours. 6 Confidential document 4. Autre Affaire UE à l'encontre des Etats-Unis – DS487 En novembre 2013, l'Etat de Washington, dans le cadre de ses efforts visant à inciter Boeing à fabriquer son nouvel avion 777X dans sa région, a largement étendu et amendé ses incitations fiscales existantes destinées à l'aéronautique, fournissant ainsi des milliards de dollars supplémentaires de subventions à Boeing. La valeur estimée de ces exemptions fiscales, selon le gouvernement de l'Etat de Washington lui-même, est de l'ordre de 8,7 milliards de dollars. La loi adoptée par l'Etat de Washington fin 2013 lie spécifiquement la présence d'exemptions fiscales aux décisions de Boeing à fabriquer les composants majeurs du 777X (à savoir, les voilures et le fuselage) et d'effectuer l'assemblage final de l'appareil dans l'Etat de Washington. Ces conditions exigeant l'utilisation de biens fabriqués localement et non de biens importés rendent les subventions "prohibées" selon la loi de l'OMC (et donc illégales), et dénuées de toute option de mise en conformité autre que leur retrait immédiat. En décembre 2014, l'UE a lancé devant l'OMC un recours rapide à l'encontre de ces subventions, portant sur cette valeur de plusieurs milliards. Cette affaire, DS487, est examinée parallèlement au recours DS353. Le 28 novembre 2016, le groupe spécial de l'OMC a statué que les incitations fiscales offertes à Boeing par l'Etat de Washington incluent des "subventions prohibées". Cette décision porte sur les subventions qui seront effectives jusqu'en 2040. Le groupe spécial a expliqué que ces subventions de l'Etat de Washington appartiennent à "une catégorie spécifique de subventions que les Membres considèrent comme susceptibles de donner lieu à d'importantes distorsions commerciales, et sont donc interdites sans qu'il soit nécessaire qu'un Membre plaignant en démontre les effets négatifs." Le groupe spécial a également confirmé que ces subventions "visent spécifiquement à influer sur le commerce." Les EtatsUnis sont à présent dans l'obligation d'annuler ces subventions dans les meilleurs délais (90 jours), afin de respecter cette décision historique. 5. Etapes suivantes L'UE, les Etats Membres et Airbus ont toujours favorisé publiquement et clairement la résolution de ce conflit dans le cadre de négociations et non par la voie judiciaire. L'Europe a proposé à cet effet plusieurs offres concrètes à l'USTR et à Boeing. Cependant, la position des Etats-Unis a toujours été que la condition préalable à toute négociation est le retrait total du soutien des gouvernements européens. Cette exigence de capitulation unilatérale constitue bien évidemment une base inacceptable pour des discussions. Quoi qu'il arrive, l'Europe et les Etats-Unis seront certainement contraints à terme à négocier un nouvel accord. La question est simplement de savoir combien de temps les Etats-Unis feront traîner ce litige.