L`histoire du monde au XVe siècle

Transcription

L`histoire du monde au XVe siècle
L’histoire du monde au XVe siècle
Patrick Boucheron
Il s’agissait d’une conversation entre Philippe-Jean CATINCHI, journaliste, et Patrick Boucheron ,
qui a dirigé la publication de L’histoire du monde du XVe (Fayard, 2009).
1er thème abordé : l’école historique française et la World History
Le titre a été choisi pour être le plus neutre possible.
Il insiste sur les possibles du siècle, une autre mondialisation était possible. C’est l’intérêt de
l’histoire : « défataliser » l’histoire.
L’auteur dit avoir été très marqué par le livre de G.Noiriel sur la crise de l’histoire en 96 où il évoquait
des épistémologues qui parlaient de l’histoire sans la faire et qui étaient satisfaits de l’existence
d’une crise de l’histoire ; c’était un problème pour les historiens qui eux faisaient l’histoire et qui en
souffraient.
Quelle heure est-il là-bas ? (Seuil, ) et « les quatre parties du monde (La Martinière) de Serge
Gruzinski sont deux ouvrages de référence un peu sur les mêmes thèmes. L’historiographie française
doit comprendre pourquoi elle a soigneusement évité la World History alors que c’est le courant
dominant depuis 20 ans ; c’est très étonnant pour le pays de Braudel qui est celui qui a ouvert ce
courant.
Sanjay Subramanyam dans L’empire portugais d’Asie (1500-1700) écrit une histoire de l’océan Indien
et des Portugais mais du point de vue des Malais, pas des Européens  Démarche d’histoire
connectée (connecter les temps et les espaces)
La démarche du livre de Patrick Boucheron est née sur une frustration d’étudiant de voir après La
Méditerranée de Braudel un rétrécissement de sa vision.
2ème thème : tentative d’explication de la démarche de l’ouvrage
Le livre commence en 1452 : naissance de Vinci, couronnement du dernier empereur allemand par le
pape et disparition d’une petite île du Pacifique qui a entraîné des changements climatiques, cendres
dans l’atmosphère venues planer au-dessus de Constantinople quelques jours avant sa chute. Cela a
joué un rôle dans la prise de la ville par les troupes du sultan qui se sont vus encouragés : cet
événement est commenté dans tous les bassins d’historicité : chroniques chinoises, d’Egypte et
d’Europe occidentale.
Aujourd’hui, on sait que cette poussière qui a fait baisser la température mondiale de 1°, 1.5°
pendant deux ans provient de l’éruption qui a détruit cette petite île du côté de Vanuatu. Cela ne
nous étonne pas car nous avons conscience de notre appartenance à une terre unique. A l’époque,
ce ne fut pas un événement car personne ne l’a su ; il s’est déroulé dans un des « creux » du monde,
une région ignorée, où vivent des peuples qui ne connaissent pas l’écriture. « Ce n’est pas parce que
quelque chose est concomitant que c’est contemporain » si c’est ignoré. Problème dans l’écriture de
l’histoire, dans la rédaction des chronologies par exemple (comment écrire que ce fut le dernier
couronnement d’empereur allemand alors qu’on ne le savait pas à l’époque ?).
Le livre veut présenter un XVe siècle de médiévistes, pas l’aube d’un monde nouveau.
Méthode : l’idée générale est que c’était un livre qu’on pouvait aborder de manière superficielle ou
approfondie.
3ème thème : la construction et le contenu du livre
1ère partie : atlas politique
La prise de Constantinople doit être remise dans son contexte du monde musulman de l’époque : se
produit après l’effondrement du monde musulman en son centre (Samarcande) qui vit un
déplacement des musulmans vers les marges : Constantinople et surtout l’océan Indien.
2è partie : L’histoire du monde est aussi l’histoire des anti-mondialisations c’est-à-dire la
construction des différences entre les peuples  Beaucoup de dates totémiques de la construction
des Etats-nations.
3e partie : ouvrir la librairie du monde pour montrer la diversité du monde.
4e partie : partie la plus aventureuse : centre de toute la démarche, appelle à penser l’histoire
autrement.
Il s’agit de 12 essais d’histoire globale qui prenaient souvent pour cadre le monde entier. La
particularité de l’historien est qu’à priori il connaît la fin de l’histoire… ! Là, il doit penser en tentant
de s’abstraire de cette connaissance.
Quelques exemples :
Pourquoi la Chine n’a-t-elle pas réalisé sa mondialisation ? histoire de ce refus ; 1433 : arrêt
des expéditions de Zeng He et même condamnation de sa mémoire jusqu’à une date très
récente (glorification de sa mémoire lors des JO de Pékin)
Au XVe, l’Europe est encore en crise, elle est en rattrapage économique ; ses spécificités sont
de l’ordre de la représentation.
Il se trouve qu’en 1436 naissent simultanément les empires aztèque et inca et qui s’ignorent
totalement ; l’Amérique ne s’était pas découverte elle-même.