Revue belge de numismatique et de sigillographie

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Revue belge de numismatique et de sigillographie
.
REVUE BELGE
DE
NUMISMATIQUE
SOUS LES HOSPICES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE DE NUMISMATIQUE
DIRECTEURS
MM.
le V'«B. de
JONGHE.leOTh.
de
x
LIMBURG-STIKUMet A.deWITTE
1903
CINQUANTE-NEUVIÈME ANNÉE
BRUXELLES,
J.
GOEMAERE, IMPRIMEUR DU ROI,
T{ue de
la
Limite, 2 1
1903
5i
JETONS RELATIFS
A LA
CONSTRUCTION DE LA COUPURE DE BRUGES
(1753)
ET DE
L'ÉCLUSE DE SLYKENS
Vers
le
(1757).
milieu du XVIII e siècle, la Flandre vit
décréter d'importants travaux publics, heureux
effet
de
la sollicitude
du gouvernement. Dans
le
nombre, nous relevons ceux dont furent l'objet
canaux de Gand à Bruges et de Bruges à
les
Ostende.
Une somme
par
les
de 3,3o8,733 florins fut consacrée
l'amélioration du premier.
Il
d'une part, de l'approfondir et de
le
États à
s'agissait,
curer; d'autre part de le mettre en
communication,
à ses deux extrémités, avec d'autres cours d'eau,
sans compter
la
construction ou la reconstruction
de nombreux ponts tournants. C'était une entreprise considérable; la lecture
du cahier des char-
ges, conservé à la bibliothèque de l'université de
Gand, peut seule en donner une
idée.
Les sec-
tions nouvelles à créer furent appelées Coupures,
et le
mot est
resté.
La Coupure
de Gand, partant de la porte de Bru-
52
ges, devait traverser tout
un quartier de
la ville
Lys au pont des Chaudronniers.
La Coupure de Bruges devait prolonger le canal
en aval de la porte de Gand, le long des remparts,
pour rejoindre les canaux deDamme et d'Ostende;
de plus, un embranchement, pénétrant en ville,
devait permettre d'atteindre les canaux intérieurs
pour rejoindre
la
au pont des Moulins.
Commencés
en 1753.
Un
en I75i, les travaux furent achevés
souvenir numismatique s'y rattache.
un jeton. Nous
C'est
reproduisons d'après
le
l'exemplaire en argent que
le
toujours serviable
M. Victor de Munter a bien voulu mettre à notre
disposition.
Le catalogue de
porte sous
la
le n°
la vente
1724
:
1753, Creusement
Coupure à Gand, rare.
cette
Kluyskens, Gand, 1886,
A
notre
du canal de
humble
mention, peut-être reproduite depuis
est erronée et destinée à
neurs.
Une
lettre,
adressée
tromper
le
avis,
ailleurs,
les collection-
6 septembre 1753 par
waradin de Bruges aux Etats de Flandre, nous
apprend qu'au cours d'une visite de la Monnaie,
le
le
comte Charles de Cobenzl
lui avait
ordonné
53
de faire à son usage quelques jetons à
Marie-Thérèse,
sujet
du revers.
de
l'effigie
laissant libre pour le choix du
Le pensionnaire Pycke, présent
le
à l'entretien, conseilla d'imaginer, pour ce revers,
quelque chose se rapportant de près ou de loin à
Coupure (Etats de Flandre, n° go3, archives de
la
l'État,
«
àGand).
Wanneer
Sijne Excellentie den graaf van Cobenzl ons
d'eere heeft gedaen
van
besichtighen de Munte, heeft
te
ons gheordonneert
sijne voorseijde Excellentie
voor
sijn
te
maeken
ghebruijckeenighe jettons representerende vanden
eenen cant het portraict van haere Majesteijt, ende vanden
anderen t'gone ick soude goed ghevonden hebben, in
wesen van den heere Pensionnaris Pijcke die mij
dan
moeten conciepieren voor het revers dat insicht
sijde iets te
of eenige relatie hadde tôt de Coupure.
La Coupure dont il
que
als
bij-
»
est question ici,
ne peut être
où eut lieu l'entretien,
sinon, toujours à notre humble avis, le mot Gand
celle
de Bruges, la
ville
eût été prononcé et reproduit.
D'après
Overloope,
la suite
le
de la
lettre,
Simon-Pierre van
waradin, se mit aussitôt à l'œuvre,
etson projet fut approuvé par les
Jointe des monnaies.
était
de s'assurer
la
Il l'adressa aux États, pièces
à l'appui, avec prière de
but
membres de
si
lui
retourner
le tout.
Son
leurs députés ne désiraient
pas aussi quelques spécimens du jeton.
«
Ick hebbe ghedacht ende ten
maeckt het medecomende
de jointe
(:
selven
daeghe
projet, t'gone d'heeren
den heer président Cordeijs à
la tête
ghe-
van de
:)
wel
54
hunne missive
heeft bevallen volghens
voegt, de welcke benevens het project
»
hier nevens ghe-
te retour versoecke.
Endealsoo UEseer Eerweerde ende Edele moghelijck
oock sullen ghedient
believen de selve t'ordonneren a
becommen,
verne.
van een quantiteijt der selve
sijn
te
mon gou-
»
Pour plus de
clarté,
abordons
ici la
description
de la pièce, avant de transcrire la suite de la missive.
Buste de Marie-Thérèse, jeune.
MAR
Inscription
:
TH D G IMP R COM FLA
Sous la coupure du bras H (Norbert Heylbrouck,
le
:
:
graveur de
•
:
:
:
:
:.
l'officine brugeoise).
Rev. Une représentation du passage de la Mer
Rouge sous un ciel vivement éclairé par une
colonne de feu et les rayons du soleil. En dessous,
INSUETUM — PER ITER —
1753. Tout autour EXSPECTATA DIU POPULIS COMMERCIA PANDIT, et le petit lion,
sur trois lignes
:
:
marque de
l'atelier
L'État possède
de Bruges (diam.
le
:
29 millim.).
coin de ce revers. Piot, dans
son Catalogue des coins, poinçons et matrices, etc.,
l'a décrit sous le n° 73o. Il y avait vu une variante
du jeton frappé à l'occasion de la construction du
canal de Louvain, creusé la
Van Overloope
même
année.
a été traité un jour par M. A. de
Witte de gascon de waradin [Gazette numismatique,
III, p. 36),
l'auteur
parce qu'il s'était vanté, en 1757, d'être
d'une allégorie qui ne
manquait pas
55
quer
démar-
alors qu'il s'était contenté de
d'allure,
Mauger,
une médaille de
Louis XIV. Dans
ans plus
à-dire quatre
à
l'effigie
tôt,
avait agi
il
manière analogue, sans pousser toutefois
Une
giat aussi loin.
Louis
XIV
médaille de 1667, à
aussi, porte
louse et la légende
la pièce
remplacé
la
pla-
l'effigie
de
au creusement du canal du
ayant été frappée à l'occasion
la
légende
vue de Toulouse par un dessin pas-
sablement vague, un passage de
avons-nous
le
au revers une vue de Tou-
de cet événement. Van Overloope a pris
et
d'une
Expectata diu populis commer-
:
cia pandit, allusion
Languedoc,
de
circonstance présente, c'est-
la
dit.
Pour
l'affirmer,
explications fournies par
le
nières lignes de sa lettre.
il
Mer Rouge,
la
nous a
waradin dans
fallu les
les der-
s'y défend contre
Il
un
reproche d'obscurité, probablement énoncé dans
l'avis soi-disant favorable de la Jointe (encore
Ma composition
gasconnade?)
«
tique
en substance,
», dit-il
nouvelle ouverte au
le
colonne
Den
un
canal est une voie
le
gouverne-
passage delà Mer Rouge
une voie nouvelle pour
duits par
«
le
commerce par
ment (princeps), comme
était
«
une
n'est pas énigma-
les
Hébreux con-
feu céleste affectant la forme d'une
»
sin
van desen penninck en
wanneer men dunckt dat de Coupure
quod princeps commercia pandit soo
is
niet enigmaticq,
iter
insuetum per
als iter
insuetum was
is
de passage over de Roode Zee voor de kinderen van Israël
geleijt
door eene vierighe
waer op den
sin speelt...
»
[sic)
welcke
als
eene colonne
56
Inventée pour
besoin
le
de
la
cause, cette
colonne est une allusion au gouvernement, appui
ou soutien du peuple. L'allégorie n'habitait décidément pas un palais diaphane. Ainsi en jugèrent
peut-être aussi les Etats. L'offre de
loope
n'est pas inutile.
Van Over-
sèchement déclinée. Le
fut assez
La production ayant
détail
été réduite,
à peu de chose près, aux quelques spécimens
commandés par
gagne en
qui,
le
comte de Cobenzl,
rareté, à la plus
comme M.
le
jeton
grande joie de ceux
de Munter,
le
possèdent dans
leurs cartons.
*
*
*
Nous avons
canal
cité,
au début de cette notice,
comme
de Bruges à Ostende
ayant,
le
lui
aussi, sollicité l'attention
du gouvernement. Quoi-
que creusé sur toute
distance qui sépare les
deux
villes,
autrement
il
la
n'était pas relié
dit, les
peu d'années après
coûta en
;
magnifiques écluses de Slykens
n'étaient pas construites.
et
au port d'Ostende
le
chiffres
Ce
travail fut entrepris
creusement des Coupures
ronds
i,33o,ooo
florins.
Des jetons commémoratifs furent frappés vers
l'époque où il s'achevait, c'est-à-dire en 1757
(De Coster, n°8n-8i2; Piot, n° 750-751). Trois
documents, que nous connaissons par les copies
rencontrées dans un des registres des Etats
de Flandre (archives de l'État, Gand, n° gi5),
nous apprennent que quelques exemplaires furent
57
adressés à Charles de Lorraine, alors en campagne
(guerre de Sept ans). C'est d'abord une lettre des
députés au gouverneur général
lettre
de Cobenzl; c'est enfin la
;
c'est ensuite
lettre
une
de remercî-
ment de Charles de Lorraine, que la précédente
accompagnait. Aucune de ces missives ne nous
révèleundétail nu mismatographique, mais elles
abondent en preuves de
la parfaite entente
qui
régnait entre nos gouvernants. Leur existence,
comme
celle
du document
relatif à la
Coupure,
M. Van Werveke, conservateur des musées de Gand, à qui nous nous faisons un devoir d'exprimer ici toute notre gratitude
pour l'obligeante communication.
nous a
été signalée par
Ch. Gilleman.