Cybermonde et éducation

Transcription

Cybermonde et éducation
Cyberworld
et
éducation
:
chance
ou
risque
???
Extraits
de
divers
textes
sur
la
cyberculture
et
qui
pourraient
concerner
l’éducation...
« Internet est un espace culturel très hétérogène qui ne se laisse réduire ni à une glorieuse
révolution culturelle détrônant sur son passage les ordres culturels établis, ni à une « sousculture » dégradée. » (François Dortier)
Le
monde
virtuel
:
une
analogie
avec
le
monde
réel
?
Vraiment
?
«
Comme
au
bon
vieux
temps,
on
ouvre
sa
boîte
aux
lettres
pour
relever
son
courrier,
on
envoie
des
messages
à
des
adresses,
on
transmet
des
documents,
on
visite
des
sites,
on
effectue
des
recherches,
on
consulte
des
pages,
on
crée
des
liens,
on
navigue,
on
est
en
ligne.
[…]
installer
un
pare‐feu,
héberger
un
site
sur
un
serveur,
attacher
un
fichier,
témoignent
aussi
que
cette
révolution
est
appréhendée
comme
une
transposition
du
monde
sensible.
[…]
ce
dont
notre
corps
ne
peut
faire
l’expérience
est
appréhendé
à
travers
des
analogies
et
des
métaphores
qui
constituent
le
seul
moyen
de
donner
sens
à
des
concepts
sans
réalité
tangible.
»
(Sander
2007)
Avoir
et
être
dans
le
cybermonde
«
[…]
l’objet
de
possession
s’est
dématérialisé
jusqu’à
n’être
qu’une
simple
adresse
accessible
à
tout
moment.
[…]
Si
la
Toile
a
ébranlé
«
l’avoir
»,
«
l’être
»
n’est
pas
en
reste.
Le
concept
de
présence
notamment
est
en
mutation.
Avec
l’avènement
de
murs
de
téléprésence
ou
des
salles
de
réunions
construites
sur
mesure,
dans
lesquelles
les
personnages
sont
de
taille
réelle,
se
regardent,
dont
la
voix
semble
provenir
de
la
bouche,
avec
la
table
de
réunion
prolongée
par
son
homologue
distante,
l’illusion
de
proximité
physique
est
telle
qu’un
important
effort
d’imagination
est
nécessaire
pour
se
dire
que
l’interlocuteur
se
trouve
à
des
milliers
de
kilomètres.
La
frontière
entre
réel
et
virtuel
en
devient
encore
plus
incertaine,
voire
de
moins
en
moins
pertinente.
»
(Sander)
Espace
et
temps
«
Internet
transforme
également
la
conception
de
la
distance
et,
de
manière
indissociable,
le
rapport
au
temps.
L’éloignement
physique
perd
toute
pertinence
dans
de
multiples
contextes
et
l’instantanéité
devient
la
règle
lorsque
l’humain
est
hors
de
la
boucle
:
les
adresses
postales
sur
la
Toile
rendent
leurs
détenteurs
immédiatement
accessibles
et
les
mettent
à
égale
distance,
tous
à
portée
de
courriel.
»
(Sander)
Le
savoir
à
portée
de
clic
de
souris
?
«
La
caractéristique
la
plus
évidente
d’Internet
est
sans
doute
de
ressembler
à
un
eldorado
de
la
connaissance
:
il
n’y
a
qu’à
se
pencher
pour
ramasser.
Qui
plus
est,
l’information
disponible
sur
Internet
n’a
pas
seulement
la
forme
inerte
de
documents
électronique.
Elle
a
aussi
une
dimension
humaine
et
interactive,
c’est
une
communauté
d’information,
de
connaissances,
d’expériences,
matérialisée
par
des
blogs,
des
forums
1 /5
ou
des
groupes
de
messageries
instantanées.
En
rendant
accessible
à
tout
moment
une
multitude
d’informations,
Internet
modifie
profondément
notre
relation
au
savoir.
»
(Sander)
Mais
le
coût
en
termes
de
TCD*
?
«
Il
faut
noter
que
l’on
manque
de
notions
unificatrices
pour
analyser
les
apprentissages,
et
plus
généralement
les
stratégies
de
traitement
de
l’information,
sur
la
Toile.
Le
coût
cognitif
constitue
un
indicateur
qui
fait
office
de
plus
petit
dénominateur
commun
:
les
bénéfices
en
termes
d’apprentissage
sont
mis
en
regard
du
coût
pour
maîtriser
l’interface
de
navigation.
Cet
indicateur
a
de
réducteur
qu’il
ne
retient
d’un
phénomène
que
son
coût,
un
peu
comme
si
l’étude
de
la
vie
d’un
ménage
était
réduite
à
un
équilibre
budgétaire,
mais
il
a
l’intérêt
de
tenir
compte
du
fait
que
l’être
humain
est
limité
dans
ses
capacités
de
traitement
et
guidé
par
des
principes
d’économie
cognitive.
»(Sander)
Danger
d’addiction
?
«
Les
comportements
d’addiction
vraiment
nouveaux
liés
à
l’émergence
d’Internet
portent
en
réalité
sur
les
jeux
en
ligne
dans
les
univers
persistants,
les
fameux
MMORPG
(massively
multiplayer
online
role‐playing
games,
jeux
de
rôle
en
ligne
massivement
multijoueurs).
»
(Valleur)
Profil
type
du
cyberdrogué
:
«
Il
s’agit
généralement
d’un
jeune
homme,
entre
17
et
25
ans,
plutôt
introverti,
abordant
avec
réticence
la
perspective
de
la
vie
active.
Les
mondes
virtuels
représentent
un
refuge
où
nul
ne
peut,
par
exemple,
porter
un
jugement
sur
son
vrai
corps.
Mais
depuis
quelque
temps,
des
trentenaires
ou
quadragénaires
viennent
à
leur
tour
en
consultation.
[…]
Ce
qui
compte,
c’est
de
savoir
à
quel
moment
l’attirance
pour
le
jeu
compromet
la
vie
réelle,
et
où
la
nécessité
de
jouer
l’emporte
sur
le
plaisir.
Il
n’est
pas
rare
de
voir
des
jeunes
devenir
assez
seuls
dans
la
vie
de
tous
les
jours
et
renoncer
peu
à
peu
à
leurs
vrais
amis,
voire
à
leur
conjointe,
pour
mieux
s’absorber
dans
le
jeu.
Au
point
de
ne
plus
parler
qu’à
d’autres
joueurs,
et
à
propos
du
jeu
exclusivement.»
(Valleur)
Internet
et
les
enfants
:
quelques
chiffres
:
«
Ils
sont
les
premiers
à
être
tombés
dedans
dès
l’enfance :
les
adolescents
raffolent
d’Internet,
mais
surferaient
sans
garde‐fou.
Qu’en
est‐il
vraiment ?
Six
ans :
tel
est
l’âge
moyen
auquel
les
enfants
commencent
à
surfer
sur
Internet.
Un
tiers
des
petits
Français
s’y
adonnent
dans
leur
chambre,
régulièrement
pour
77 %
des
6‐17
ans
et
96 %
des
15‐17
ans.
37 %
des
adolescents
passent
une
à
deux
heures
par
jour
devant
leur
écran
(contre
27 %
qui
y
restent
trois
heures,
21 %
quatre
heures,
et
7 %
au‐delà).
Il
semble
bien
que
le
Net
ait
rongé
le
temps
naguère
imparti
à
la
télévision
.
Mais
que
font‐ils
donc
sur
la
Toile ?
Avant
tout,
ils
papotent !
En
France,
45 %
chattent
à
tout‐va,
les
garçons
presque
autant
que
les
filles.
70 %
s’épanchent
sur
une
messagerie
instantanée
de
type
MSN,
où
30 %
entretiennent
plus
de
50
contacts.
Leurs
requêtes
dans
les
moteurs
de
recherche
traduisent
leurs
préoccupations
liées
à
la
socialisation
et
à
l’exploration
ludique
(les
sites
YouTube,
Google,
Facebook
occupent
les
trois.
»
(Jean‐
François
Marmion)
2 /5
Les
Jeux
«
Aujourd’hui,
on
distingue
classiquement
•
Les
jeux
de
plateforme
:
le
joueur
dirige
un
personnage
qui
saute
de
plateforme
en
plateforme
pour
atteindre
un
but
malgré
les
embûches.
Des
bonus
dispersés
dans
l’espace
du
jeu
augmentent
ses
capacités
(vitesse,
force…)
ou
lui
en
donnent
de
nouvelles.
•
Les
First
Person
Shooter
(FPS)
:
le
joueur
voit
l’action
du
point
de
vue
de
son
personnage.
Il
dispose
d’un
armement
de
plus
en
plus
puissant
pour
abattre
ses
ennemis.
•
Les
jeux
de
simulation
(de
conduite
automobile,
ou
d’un
avion…).
•
Les
jeux
de
stratégie
en
temps
réel
:
le
joueur
commande
une
faction
dont
il
doit
assurer
le
développement.
Celui‐ci
peut
concerner
les
domaines
militaires,
scientifiques,
sociaux,
politiques…
•
Les
jeux
de
rôle
et
d’aventure
:
ils
procèdent
des
jeux
de
rôle
à
la
Dongeons
et
Dragons.
Le
joueur
incarne
un
personnage
avec
des
caractéristiques
physiques
et
mentales
déterminant
ce
qu’il
est
capable
de
faire.
•
Les
browser
games
:
ils
se
jouent
avec
le
navigateur
Internet.
Ce
sont
généralement
des
jeux
courts,
simples,
nécessitant
peu
de
temps
et
de
ressources
de
calcul.
•
Les
jeux
sérieux
:
ils
ont
pour
fonction
de
soutenir
des
apprentissages.
[…]
Plus
de
250
jeux
de
rôle
en
ligne
sont
en
activité,
impliquant
17
millions
de
personnes
(10
millions
de
personnes
jouent
au
seul
World
of
Warcraft).
Second
Life
compte
1
370
000
résidents
(ce
chiffre
correspond
aux
personnes
qui
se
sont
connectées
au
moins
une
fois
en
septembre
2009).
»
(Yann
Leroux)
Réseaux
et
blogs
:
la
fin
de
l’intimité,
invasion
commerciale
?
«
GENÈSE
DES
BLOGS
«
Les
blogs
ont
commencé
en
2000
aux
États‐Unis,
leur
origine
étymologique
est
intéressante.
Au
début
du
web,
se
posait
le
problème
de
repérer
ce
qui
existait
:
les
navigateurs
et
les
portails
étaient
déjà
présents,
les
moteurs
de
recherche
non.
Des
internautes
vont
alors
créer
un
genre
:
web‐log,
le
journal
de
bord
du
web.
Il
s’agit
de
sites
web,
aux
pages
truffées
de
renvois
sur
des
sites.
Peter
Meyer
Holtz
propose
le
jeu
de
mots
sur
web‐log
:
we‐blog,
pour
exprimer
l’idée
que
les
personnes
qui
s’adonnent
à
cela
forment
une
communauté…
»
(Giffard)
«
Skyblog
est
le
premier
hébergeur
de
blogs
de
jeunes
(1).
Sa
grande
facilité
d’accès
et
de
maniabilité
a
favorisé
son
succès.
[…]
Des
marques
occupent
sans
vergogne
le
terrain.
Skyblog
est
bourré
de
faux
blogs
pilotés
par
les
agents
de
changement,
décrits
par
Naomi
Klein
(2)
que
l’on
voit
ici
en
pleine
action.
Il
ne
s’agit
pas
de
personnes
mais
de
sociétés.
Sous
l’apparence
d’un
blog
de
jeune,
un
agent
de
changement
raconte
sa
journée
:
il
se
lève,
commence
à
enfiler
son
survet
Adidas
et
ses
baskets
Nike…Une
fois
qu’on
a
lu
20
posts,
on
se
rend
compte
qu’il
passe
sa
journée
à
mettre
ses
tee‐shirt
de
marques…
Il
3 /5
s’agit
du
type
même
de
la
publicité
clandestine
en
cours
sur
un
grand
nombre
de
plateformes
commerciales,
sujet
difficile
à
travailler
précisément
à
cause
de
sa
clandestinité…
Bien
sûr,
par
ailleurs,
ce
que
la
création
de
ces
millions
de
blogs
apporte,
c’est
une
abondance
d’adresses
mails
que
Skyblog
peut
ensuite
revendre.
Il
s’agit
d’un
marketing
quasi
captif,
un
système
qui
peut
servir
de
manière
extraordinaire
la
publicité,
puisqu’en
tenant
Skyblog,
on
peut
décrypter
les
thématiques
en
vogue
chez
les
jeunes
actuellement
et
vendre
les
informations…
»
(Giffard)
Nécéssité
d’un
«
Internet
3
»
«
Un
court‐circuit
dans
les
structures
relationnelles
établies
donne
un
avantage
à
celui
qui
provoque
le
court‐circuit,
ce
que
fait
aussi
la
télévision.
Mais
avec
les
médias
numériques,
on
peut
faire
du
travail
chirurgical,
personnaliser,
suivre
les
gens
de
manière
extrêmement
rapprochée,
avec
une
efficacité
qui
peut
conduire
à
une
catastrophe
psychique.
On
n’en
finirait
pas
de
faire
la
liste
des
dangers
du
web.
Et
pourtant,
tandis
que
le
pharmakon
télévisuel
est
intrinsèquement
dissociatif,
le
web
est
structurellement
associatif,
et
il
y
a
beaucoup
plus
à
attendre
des
médias
numériques
que
des
médias
analogiques.
La
télévision
repose
sur
la
dissociation,
elle
rompt
les
espaces
et
les
temps
dialogiques
‐
c'est
ce
que
décrivait
Guy
Debord
dans
La
société
du
spectacle
–
en
imposant
une
logique
émetteur‐récepteur
qui
a
mis
en
place
dans
le
monde
du
symbolique
la
logique
des
entreprises
avec
des
producteurs
d'un
côté,
des
consommateurs
de
l'autre.
TF1
détruit
le
symbolique,
qui
est
intrinsèquement
dialogique.
Cela
a
pour
effet
une
désublimation
et
une
désaffection
qui
ruine
les
efforts
des
éducateurs.
Cela
conduit
au
pulsionnel
–
non
seulement
les
élèves,
mais
aussi
leurs
parents,
c’est
à
dire
aussi
les
éducateurs,
enseignants
compris
bien
sûr.
Aussi
dangereux
qu’il
puisse
être,
le
nouveau
médium
ne
fonctionne
pas
comme
cela
:
Internet
ne
peut
marcher
que
s’il
y
a
une
participation.
Cela
ne
veut
pas
dire
qu'il
n'est
pas
dangereux,
il
est
pharmacologique
comme
tout
hypomnematon,
il
peut,
par
exemple,
produire
d’un
hyperaudimat
participatif.
À
cet
égard
il
peut
être
encore
plus
dangereux
car
il
implique
encore
plus
les
gens
:
il
individualise,
il
permet
la
personnalisation
du
marketing.
Mais
en
même
temps
il
ouvre
des
possibilités
de
rupture
avec
le
modèle,
à
condition
qu’on
arrive
au
web
3
critique
:
celui
où
on
développe
sur
le
web
des
comportements
d’analyse
et
de
critique
du
web.
»
(Stiegler,
entretien
Médiadoc
2009)
Bibliographie
sélective
Anderson
C.
(2009)
Free ! Entrez
dans
l’économie
du
gratuit. Paris
: Pearson.
Ballarini‐Santonocito
&
Serres
A.
(2009)
Sur
la
culture
informationnelle.
Entretien
avec
Bernard
Stiegler.
dans
MÉDIADOC
FADBEN
–
N°2
,
AVRIL
2009
Bomsel
O.
(2007)
Gratuit !
Du
déploiement
de
l’économie
numérique.
Paris
:
Gallimard.
Ichbiah
D.
(2007)
Comment
Google
mangera
le
monde
.
Paris
:
L’Archipel.
4 /5
Dortier
F.
(2007)«
La
troisième
culture
»
dans
Sciences
Humaines
N°
186
‐
octobre
2007
«
Que
vaut
l'école
en
France
?
»
Giffard
A.
(2009)
Skyblog:
La
grande
secte
molle.
dans
L'école
des
parents
"Adolescents
:
Confidences
sur
Internet"
N°577‐
Hors‐série
mars
2009.
Keen
A.
(2008)
Le
Culte
de
l’amateur
: Comment
Internet
tue
notre
culture
Montréal : Editions
de
l’Homme.
Leroux
Y.
(2009)
Jeux
et
mondes
virtuels
du
plaisir
à
l'addiction.
dans
Grands
Dossiers
Sciences
Humaines
N°
17
‐
décembre
2009
/
janvier‐février
2010
«
Villes
mondiales
:
les
nouveaux
lieux
de
pouvoir.
Marmion
J.‐F.
(2009)
Génération
Internet
dans
Grands
Dossiers
Sciences
Humaines
N°
17
‐
décembre
2009
/
janvier‐février
2010
«
Villes
mondiales
:
les
nouveaux
lieux
de
pouvoir.
Gloria
Origgi
(2003)
Pour
une
science
humaine
de
l’Internet
sur
:
www.interdisciplines.org/defispublicationweb/papers/1/version/fr
Pisani
F.
&
Piotet
D.
(2008)
Comment
le
web
change
le
monde
:
L’alchimie
des
multitudes.
Paris
:
Pearson. Sander
E.
(2007)
Comment
Internet
change
notre
façon
de
penser.
Dans
Sciences
Humaines
N°186
Octobre
2007.
SH
(2009)
:
entretien
avec
Marc
Valleur
:
«Il
y
a
cyberdépendance
quand
le
besoin
de
jouer
l'emporte
sur
le
plaisir»
dans
Grands
Dossiers
Sciences
Humaines
N°
17
‐
décembre
2009
/
janvier‐février
2010
«
Villes
mondiales
:
les
nouveaux
lieux
de
pouvoir.
»
Stiegler
B.
&
Tisseron
S.
(2009)
Faut‐il
interdire
l’écran
aux
enfants
?
Sussan
R.
(2009)
Demain,
les
mondes
virtuels.
Limoges
:
FYP
éditions.
Thagard,
P.
(1997)
“Collaborative
Knowledge”
in
Nous,
pp.
46‐62.
Wolton
D.
(2009)
Informer
n’est
pas
communiquer.
Paris
:
Éd.
CNRS,
coll.
Débats.
5 /5