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Soins
Autogestion
Évaluer la motivation n’est pas toujours facile
Effets d’un programme non spécifique
de renforcement motivationnel sur
l'adhérence de patients à l’autogestion
de leur asthme
The effect of an illness unspecific motivational training
on asthma self-management adherence
Steurer-Stey C, Storch M, Benz S, et al. (Suisse)
exercer 2011;96(suppl2):74S-5S.
Mots-clés
Adhérence
Asthme
Contexte
psychosociaux et comportementaux ne sont que très peu
pris en considération, et le suivi est moins régulier qu’il
ne le devrait3.
L’organisation GINA (Global Initiative For Asthma) a
actualisé en 2009 ses recommandations1 sur la prise
en charge de l’asthme. L’éducation thérapeutique du
patient centrée sur l’autogestion de sa maladie en est
un élément essentiel. Il s’agit d’une collaboration étroite
entre le patient et son médecin, avec un plan d’action
écrit remis au patient (en fonction des symptômes ou
du peak-flow), des explications personnalisées et un
suivi régulier du contrôle de l’asthme. Une revue systématique de la littérature2 a montré que cette approche
permettait de diminuer significativement la morbidité
liée à l’asthme.
En pratique courante, les recommandations ne semblent
pas suivies à la lettre, la majeure partie de l’éducation
thérapeutique relative à la maladie asthmatique consistant en une simple information du patient. Les aspects
Objectif
Évaluer l’effet d’un programme de renforcement motivationnel non spécifique à l’asthme, le « Zurich Ressource
Model » (ZRM), sur l’adhérence de patients à l’autogestion de leur maladie.
Méthode
© Fotolia
Éducation
thérapeutique
[email protected]
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Essai randomisé contrôlé stratifié monocentrique.
Les patients inclus devaient être âgés de plus de
18 ans, être atteints d’asthme (défini par l’histoire de
la maladie, les symptômes, le FEV1 > 12 % et 200 ml
après bronchodilatation), et être stabilisés conformément aux recommandations du GINA. Les patients
souffrant de troubles psychiatriques, consommateurs
de drogues, souffrant d’autres pathologies pulmonaires ou ayant un niveau insuffisant en allemand
pour suivre le programme ZRM n’ont pas été inclus.
La randomisation a été stratifiée selon l’ancienneté de
la maladie (< 5 ans ou 암 5 ans) et l’âge (< 30 ans ou
암 30 ans).
Le groupe témoin recevait l’éducation habituelle à l’autogestion de l’asthme conforme aux recommandations. Le
groupe intervention recevait en plus le programme de
renforcement motivationnel ZRM. Ce programme fondé
sur la théorie cognitivo-comportementale était constitué
de 2 jours de travail en groupe. Des séances de rappel
de 2 heures étaient prévues après 4 et 12 semaines. La
période d’observation était de 3 mois.
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Soins
Autogestion
Les critères de jugement principaux étaient l’adhérence
à l’autogestion (mesurée par la tenue d’un carnet de
suivi quotidien du « peak-flow » et des symptômes) et
l’adhérence au plan d’action (mesurée par l’adaptation
effective des actions du patient aux recommandations
écrites dans le plan).
Le critère secondaire d’ « auto-efficacité » (self-efficacy),
c’est-à-dire la perception qu’a un individu de sa compétence pour effectuer une action, a été mesurée à
l’aide d’une version allemande validée de l’échelle
General Perceived Self-Efficacy Scale.
Un test non paramétrique des rangs de Wilcoxon et une
régression logistique ont été utilisés pour l’analyse des critères de jugement principaux. Une régression linéaire a été
utilisée pour l’analyse du critère de jugement secondaire.
Résultats
Soixante-douze patients avaient les critères d’éligibilité et 61 ont été randomisés : 30 dans le groupe intervention et 31 dans le groupe témoin. Il n’y a eu aucun
perdu de vue. Un patient dans le groupe témoin n’a pas
reçu l’éducation à l’autogestion et n’a pas été analysé.
Il n’y a pas eu de différence significative entre les deux
groupes sur l’adhérence à l’autogestion (83 % dans le
groupe témoin versus 90 % dans le groupe intervention ;
p = 0,65), ni sur l’adhérence au plan d’action (11 %
dans le groupe témoin versus 20 % dans le groupe
intervention ; p = 0,92).
Sur le critère de jugement secondaire, les patients du
groupe intervention avaient un sentiment d’« auto-efficacité » significativement plus élevé que ceux du groupe
témoin : 0,93 vs 3,5 pour le groupe intervention ;
p = 0,015.
Résultat principal
Sur l’adhérence à l’autogestion et au plan d’action,
le programme de renforcement motivationnel n’a
pas été significativement supérieur à l’éducation
habituelle.
Sur l’absence de différence significative entre les deux
groupes, plusieurs hypothèses sont à envisager.
• Tout d’abord, le groupe témoin a également bénéficié d’une éducation thérapeutique avec des rappels
sur l’autogestion de la maladie. Bien que recommandée, cette éducation n’est que rarement prodiguée.
De ce fait, le groupe témoin a bénéficié d’une intervention qui a diminué la différence attendue entre les
deux groupes.
• Ensuite, la période d’observation de 3 mois est trop
courte pour mettre en évidence une différence, surtout dans le cadre de l’observance de patients atteints
d’une pathologie chronique.
• Enfin, le nombre de patients inclus est insuffisant :
la différence attendue entre les 2 groupes ayant
servi pour le calcul d’effectif (45 %) est supérieure
à celle effectivement observée dans l’essai (9 %).
Pour atteindre la signification statistique éventuelle
d’une telle différence, il aurait fallu inclure plusieurs
centaines de patients dans chaque groupe.
Cette étude mériterait d’être menée en reconsidérant
ces deux derniers paramètres afin de déterminer si des
conditions d’échelle plus importantes permettraient
au programme de renforcement motivationnel d’atteindre la signification statistique.
L’analyse du critère secondaire montre un impact
psychologique positif du programme ZRM sur les
patients, mais l’interprétation de ce résultat est difficile dans la mesure où il n’y a pas de différence sur
le critère principal.
Il est paradoxal de constater la forte adhérence des
patients à l’autogestion de leur maladie malgré leur faible adhérence au plan d’action. Les patients seraient
donc très satisfaits de se prendre en charge eux-mêmes,
mais adapteraient cette prise en charge selon leurs
perceptions et leur expérience plutôt qu’en suivant
un plan d’action déterminé. Cette hypothèse mériterait d’être approfondie par des études qualitatives.
Clarisse Dibao-Dina – UFR Tours
Thibaut Raginel – UFR Caen
Commentaires
L’implication du patient dans l’autogestion de son
asthme améliore son observance2. Pourtant, l’observance des patients asthmatiques est faible, avec un taux
d’adhérence au traitement souvent inférieur à 50 %4.
Une solution est proposée par les auteurs de ce travail :
ajouter un programme de renforcement motivationnel
à l’éducation thérapeutique déjà proposée au patient.
La validité externe de cette étude est discutable : qui
effectuerait ce programme de renforcement motivationnel dans le système de soins français et quelle en
serait la prise en charge financière ?
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Références
1. GINA, Global Strategy for Asthma Management and Prevention,
updated 2009. www.ginasthma.com/download.asp?intId=388
Accédé le 5 février 2011
2. Gibson PG, Powell H, Coughlan J et al. Self-management education and regular practitioner review for adults in asthma. Cochrane
Database Syst Rev 2003;(1):CD001117.
3. Price D, Thomas M. Breaking new ground: challenging existing
asthma guidelines. BMC Pulm Med 2006;6:S6.
4. Gillisen A. Patient’s adherence in asthma. J Physiol Pharmacol
2007;58:205-22.
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