Revue de presse POUSSIERE DANS LE VENT de

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Revue de presse
POUSSIERE DANS LE VENT de HOU HSIAO-HSIEN
Source : Etude
Hou Hsiao-hsien est aujourd’hui moins actif que dans les années 1980 et 1990 où il fut l’une des figures de proue de la « vague asiatique ». Cette reprise de
Poussière dans le vent (1986) viendra rappeler à qui l’aurait oublié combien il est un cinéaste essentiel – citons La Cité des douleurs (1989) ou Les Fleurs de
Shanghai (1998).
Questionnant les relations intergénérationnelles et le passage du temps qui parasite les liens affectifs et familiaux, ce film souligne pleinement la filiation entre
le Taïwanais et Yasujiro Ozu. Aussi, comme l’a souvent fait le maître japonais, Poussière dans le vent met en tension la ville et la campagne, la tradition et la
modernité. 1965 : une fille et un garçon, Huen et Wan, amis d’enfance issus du même village méridional de l’île de Taïwan, partent à la capitale Taipei. Leur
lien glisse peu à peu vers l’évidence d’un sentiment amoureux que le départ de Wan au service militaire va cruellement éprouver. Avec un art consommé du
plan séquence jouant superbement avec la profondeur de champ, le film avance avec une grâce tranquille. Le souvenir – Poussière dans le vent appartient au
« cycle autobiographique » de la filmographie du cinéaste – est rendu sous des formes matérielles (la transmission des objets) et sensorielles (la saisissante
syncope de Wan). Comme l’épaisseur de l’air de la jungle ou la saveur des aliments, le temps représente une matière palpable, sur laquelle Hou fait très
subtilement souffler le vent de l’histoire de Taïwan.
De Arnaud Hée
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POUSSIERE DANS LE VENT de HOU HSIAO-HSIEN
Source : Slate
Autant en emporte la scène
Comme beaucoup de films de ce réalisateur, Poussière dans le vent s’ouvre par un long trajet. Ce trajet, en train, visualise le déplacement entre les deux lieux
principaux de l’action, le village natal des deux jeunes gens au centre du récit et la capitale, Taipei. Il établit surtout la manière dont l’histoire sera racontée,
les passages par des tunnels successifs qui scandent le voyage de moments obscurs annonçant le déroulement de l’histoire en une série de scènes entrecoupées
de fondus au noir, eux-mêmes ponctués chaque fois d’un accord de guitare. C’est dire combien le cinéaste est alors conscient de son écriture
cinématographique, et de la cohérence entre celle-ci et ce qu’il raconte.
Ce qu’il raconte ? La plus commune des histoires, un récit d’adolescence, de passage à l’âge adulte. Ici celle d’un garçon né d’une famille de paysans, dont le
père n’ayant pas réussi à sortir de sa condition travaille dans des conditions pénibles à la mine voisine. Lui, Wan, et sa copine d’enfance Huen, travaillent à la
ville, petits boulots en attente d’une vie différente, construisant patiemment une idylle supposée les mener au mariage, avec en embuscade les trois années de
service militaire qui menaçait tous les jeunes taïwanais à cette époque, les années 60. Poussière dans le vent raconte une histoire d’amour, des histoires
d’amitiés, de famille, de travail. Les repas, les incidents au boulot, le petit frère qui a bouffé le dentifrice, la fois où papa a offert sa montre, un film avec les
copains, le jour où Wan a été malade et Huen est venue le soigner… Il raconte « la vie », en même temps qu’il suit une trajectoire très particulière.
Cette trajectoire personnelle est celle du coscénariste du film, Wu Nien-jen, figure majeure de la Nouvelle Vague taïwanaise, scénariste, réalisateur et acteur
(notamment du rôle principale de Yiyi d’Edward Yang). Après ses deux premiers films autobiographiques consacrés à son adolescence (Les Garçons de
Fenkuei, 1983) et à son enfance (Un Temps pour vivre, un temps pour mourir, 1985) et celui consacré à l’enfance de son autre coscénariste, la grande écrivain
Chu Tien-wen (Un été chez grand-père, 1984), HHH complète cette tétralogie « personnelle » avant d’entreprendre le cycle consacré à l’histoire collective de
l’île (La Cité des douleurs, 1989, Le Maître de marionnettes, 1993, Good Men, Good Women, 1995). Une des singularités de Poussière dans le vent
(brièvement distribué en France à la fin des années 80, à l’époque « Poussière » était au pluriel) est d’avoir donné lieu à un remake réalisé par celui dont il
évoque le passé, Wu Nien-jen lui-même (A Borrowed Life, 1994), pour donner un – bon – film, complètement différent.
Revoir (ou découvrir) aujourd’hui Poussière dans le vent est un choc, qui nait du télescopage de deux forces contradictoires : l’éloignement dans le temps et
l’espace de ce qui advient (Taiwan au début des années 60) et l’incroyable proximité des présences humaines, des émotions, des infimes et complexes
vibrations que suscitent des situations qui paraissaient promises soit à la banalité soit à l’exotisme. Tout tient à ce qui n’a jamais mieux mérité l’appellation de
mise en scène, plutôt de mise en scènes. Tels les moments lumineux du voyage entrecoupé par le noir des tunnels, le film est donc composé de petits blocs
d’espace-temps, chacun d’une richesse, d’une profondeur, incroyable. Le mot « scène » renvoie indument au théâtre, seul le cinéma, le cinéma à son meilleur,
est capable de composer ce type de scènes, où le rapport à la réalité des détails contingents mais si sensibles, la variation des lumières notamment des lumières
naturelles, l’organisation de l’espace par des obstacles, des circulations, des zones de netteté différente, des mouvements secondaires dans la profondeur, le
recul de la prise de vue dans de nombreux cas, bref toute une grammaire incroyablement riche mais toujours légitime de la réalisation confère à chaque
situation une valeur extrême, qui absorbe et dépasse ce que la peinture, la musique, la littérature et le théâtre auraient pu offrir.
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POUSSIERE DANS LE VENT de HOU HSIAO-HSIEN
Plusieurs scènes se passent dans une pièce attenante à une salle de quartier, où un copain est peintre d’affiches pour les prochaines sorties de film. Et c’est
come la coulisse artisanale de la fabrique de cinéma qui devient une grotte magique et ordinaire où naissent moments affectueux, espoirs, conflits et trahisons.
En apparence, Poussière dans le vent est si modeste, si vibrant d’une vie quotidienne et de sentiments communs à chacun, qu’il serait ridicule d’employer le
mot « chef d’œuvre » à son propos. Quoi alors ? La beauté, sans doute. La beauté éperdue du cinéma à son meilleur, d’un cinéma à hauteur d’humain et à la
dimension du monde.
De Jean-Michel Frodon
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Source : Il était une fois le cinéma
Une saison propice aux ressorties ciné et un réalisateur absent des écrans depuis quelques années déjà (Le Voyage du ballon rouge date tout de même de 2008)
et voilà qu’arrive une belle surprise : une rareté de Hou Hsiao-Hsien. En 1986, Poussière dans le vent est déjà son huitième film et vient clore sa série dite
autobiographique qui le fit connaître avec Un temps pour vivre, un temps pour mourir (1985). Plus sobre et plus simple que ses grandes réussites des années
2000, Poussière dans le vent rappelle à quel point HHH est le cinéaste de l’observation du passage – douloureux – à l’âge adulte.
Taiwan, 1965 : deux amis d’enfance quittent leurs familles ouvrières et leur montagne pour un nouvel avenir à Taipei, la capitale taïwanaise. A-Yun trouve un
emploi de couturière, tandis qu’A-Yuan semble plus instable : il poursuit ses études, mais change brutalement d’emploi jusqu’à ce qu’il doive partir faire son
service militaire. Ce qu’il restait de leurs rêves d’enfants s’évanouira avec son départ. L’histoire est simple, classique, tout sauf spectaculaire, sans doute vécue
par bon nombre de jeunes Taïwanais et partout dans le monde. De vagues échos biographiques se mêlent en filigrane à une description impressionniste du
Taiwan des années 60. Les problèmes des deux jeunes rencontrent alors une situation économique difficile. HHH n’aborde pas la question de front, mais sème
des indices : le travail précaire pour un salaire de misère, le coût élevé de la vie… Ce sera donc médicaments ou médecin pour les personnages, mais pas les
deux
;
cinéma
oui,
mais
le
film
s’interrompt
en
cours
de
projection
car
l’électricité
n’a
pas
été
payée…
Construit en ellipses successives, Poussière dans le vent montre déjà quelques motifs clés du cinéma de HHH. Le film s’ouvre ainsi par un plan inoubliable :
l’écran est noir et un point lumineux grossissant apparaît au centre de l’image. La caméra est embarquée à bord d’un train qui traverse un tunnel. Comme
souvent – Café Lumière (2003) en est le plus bel exemple – de nombreuses scènes du film se déroulent sur rails à l’intérieur des wagons ou entendus depuis
l’extérieur, le découpage géographique rejoignant ainsi une géographie plus intime. Mais c’est surtout le cinéma qui se retrouve par deux fois exposé au
premier plan. HHH filme un écran. La grande toile blanche du ciné-club amateur apparaît au plus près de l’image : l’écran du film s’empare alors de l’écran de
la salle, l’occupe complètement et le redouble. Le spectacle fascine le cinéaste autant qu’il occupe les personnages du film. Comme un clin d’œil, le grandpère d’A-Yuan, garant de la mémoire et des traditions, se trouve être Li tian-lu, marionnettiste taïwanais que HHH met en scène en 1993 dans Le Maître de
marionnettes.
Entre histoire personnelle et collective, mémoire et modernité, Poussière dans le vent marque aussi par l’ouverture progressive du film. D’abord très centré sur
ses personnages, avec l’isolement d’A-Yuan à l’armée (séparé de sa famille, de ses amis, de celle qu’il aime), l’espace semble s’étendre. Le réalisateur
multiplie alors les plans de plus en plus larges sur le paysage taïwanais passant d’une perspective intime à une vocation plus globale. Paradoxalement, la
solitude d’A-Yuan à l’armée marque son passage à l’âge adulte et aussi son intégration sociale. L’autobiographique s’ouvre alors à l’histoire de tout un pays.
Poussière dans le vent peut céder la place dans la filmographie de HHH à une série de films sur l’histoire de Taïwan.
De Mickaël Pierson
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Source : Culturopoing
Le 1er août 2012, Splendor Distribution sortira en salles Poussière dans le vent, dernier volet du cycle "autobiographique" réalisé en 1986 par Hou Hsiaohsien. Un événement auquel Culturopoing est très heureux de s’associer.
En 1986, avec Poussière dans le vent, Hou Hsiao-hsien, âgé de 39 ans, signe déjà son neuvième long-métrage. En France, sa notoriété ne dépasse alors pas le
cercle très étroit des quelques critiques et cinéphiles l’ayant découvert deux ans auparavant avec Un été chez grand-père, Montgolfière d’or du festival des
Trois continents nantais. Le grand public, lui, patientera encore une paire d’années pour découvrir ce dernier film en salles. On sait qu’il faudra en fait attendre
encore bien plus longtemps pour une reconnaissance publique plus large de Hou Hsiao-hsien, avec Le Maître de marionnettes, Prix du jury à Cannes en 1993,
et plus encore Les Fleurs de Shanghai en 1998. Sa filmographie reste mal connue, ses films des années 80 ayant été distribué très tardivement, voire pas du
tout, comme Les Garçons de Fengkuei (1983), qui constitue pourtant le "vrai" début de sa filmographie, le film où son style commence nettement à s’affirmer,
le film, surtout, où son cinéma se fait nettement plus autobiographique. Poussière dans le vent (qui ne fut d’ailleurs distribué qu’en 1991, assez
confidentiellement) s’inscrit totalement dans cette veine puisqu’il constitue même la fin d’une trilogie plus ou moins informelle constituée également d’Un été
chez grand-père et d’Un Temps pour vivre, un temps pour mourir (1985), qui retrace plus ou moins fidèlement quelques grandes étapes de la prime jeunesse
du cinéaste : l’enfance dans le premier film, l’adolescence dans le second, le début de l’âge adulte dans le troisième. Avant de changer assez radicalement de
registre (mais pas de style) en 1989 avec La Cité des douleurs et sa plongée dans les premières années de son pays d’adoption, Taïwan (puisque Hou Hsiaohsien est né à Canton, en Chine continentale), Poussière dans le vent continue donc de creuser le sillon de la chronique familiale.
Même si ça n’est pas expressément précisé, l’action du film se situe en 1965 (qui correspond aux 18 ans de Hou), soit à une époque où la tension, jamais
totalement retombée, est particulièrement vive avec la Chine communiste, que le Kuomintang nationaliste n’avait alors pas renoncé à "reconquérir", l’inverse
étant évidemment vrai. On trouve surtout la trace de ce contexte politique particulier lorsque Wan, le personnage principal (et alter ego du cinéaste), part
effectuer son service militaire durant trois longues années, une durée qui dit tout d’un pays vivant en état de guerre latente permanent. C’est presque avec
malice et tendresse que Hou Hsiao-hsien matérialise à l’écran cet antagonisme Taipei/Pékin lorsque les soldats taïwanais recueille une famille de pêcheurs
chinois égarée au large des côtes de l’île, avec qui la communication est difficile et qui refuse dans un premier temps la nourriture donnée de bon cœur par les
militaires au motif qu’elle ne peut qu’être "empoisonnée".
La longue durée de la conscription de Wan est surtout le ressort dramatique de la fin du film et provoque, petit à petit, la rupture de ses "fiançailles" avec la
jolie Huen, qui a fini par céder à la pression familiale et en épouser un autre. Tout le film pourrait s’appuyer sur cette trame de mélodrame absolument
classique de l’amour entravé par le destin (c’est par exemple peu ou prou celle des Parapluies de Cherbourg, où la guerre d’Algérie sépare Guy et Madeleine),
et s’inscrire ainsi dans le sillage des films de Douglas Sirk, auxquels la traduction occidentale du film précédent de HHH se référait d’ailleurs très
explicitement (Un temps pour vivre, un temps pour mourir ne peut pas ne pas évoquer Le Temps d’aimer et le temps de mourir, même si les deux films n’ont
rien d’autre en commun). Or, cet épisode n’en constitue que la toute dernière partie, Hou Hsiao-hsien et ses fidèles scénaristes Chu Tien-wen et Wu Nien-jen
refusant pratiquement toute exploitation du pathos dans le reste du film, comme le cinéaste le fera dans quasiment toute son œuvre.
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Le cinéma de Hou Hsiao-hsien ne joue pas, ou très peu, sur l’identification du spectateur à ses personnages, le plus souvent filmés de loin (voire de très loin
dans certains plans-séquences de Poussière dans le vent), leurs motivations et aspirations ne se devinant que progressivement, et pas toujours très clairement
(gare aux spectateurs non attentifs !). C’est un choix risqué et qui ne vaudra probablement jamais à ses films d’être projetés en plein air sur la place d’un petit
village de la campagne taïwanaise comme l’est un wu xia pian des années 60 dans Poussière dans le vent…
En Occident, il en va un peu autrement et, surtout depuis Les Fleurs de Shanghai, on peut se poser la question de savoir si le cinéma de Hou Hsiao-hsien est
toujours apprécié "pour les bonnes raisons". Même si le terme est souvent trop galvaudé, jusqu’à sa caricature, par la critique de cinéma, il y a
incontestablement un côté plus âpre dans ses films des années 80, dont Poussière dans le vent est un parfait représentant. Les plans y sont évidemment très
composés, la nature taïwanaise superbement magnifiée (les Portugais n’avaient pas baptisé l’île Formosa, c’est-à-dire "belle", par hasard en la découvrant),
mais le film ne sacrifie jamais à la "pose" esthétisante qui fait parfois la limite de certains de ses films de ces quinze dernières années et a pu leur donner un
côté glamour dont ce film-ci est presque entièrement dépourvu.
Poussière dans le vent marque également la première collaboration entre HHH et Li Tianlu, qui campe ici un pittoresque et assez lunaire grand-père, que l’on
reverra dans La Fille du Nil et La Cité des douleurs, mais bien évidemment surtout dans Le Maître des marionnettes, qui lui est tout entier consacré. Le
travelling avant en train du début du film entretient également de troublantes correspondances avec celui d’un film postérieur d’une dizaine d’années,
Goodbye South, Goodbye. Le train est ici surtout ce qui sépare la campagne (le Taïwan des années 60 est encore un pays très rural, bien loin de l’image que
l’on peut s’en faire aujourd’hui) de la ville, où les jeunes personnages du film espèrent y trouver une vie correspondant mieux à leurs aspirations. Il est aussi
probablement l’instrument qui à la fois sépare et relie les générations, un peu à la manière des films d’Ozu, dont il était finalement extrêmement logique que
Hou Hsiao-hsien signe le joli film-hommage Café Lumière, tourné à Tokyo en 2003. Comme chez Ozu, d’ailleurs, la vie s’écoule lentement dans les films de
Hou et chaque chose y retrouve une importance qu’elle n’a peut-être plus ailleurs…
De Cyril Cossardeaux
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Source : tout le cine
Poussières dans le vent : oeuvre inespérée de Hou Hsiao-Hsien
Sorti en 1986, Poussières dans le vent donne l'occasion de découvrir ou de redécouvrir l'un des chefs de file de la nouvelle vague japonaise, Hou Hsiao-Hsien
à travers un superbe mélodrame néoréaliste à la reconnaissance tardive mais bienheureuse.
Deux amis d'enfance découvrent la capitale, Taipei, à travers le travail et les études. Leurs chemins vont se séparer malgré leur envie de passer leur vie
ensemble.
Dernier volet d'une trilogie autobiographique retraçant les grandes étapes de la prime jeunesse du cinéaste, commencé par Les Garçons de Fengkuei sur
l'enfance, secondé par Un Eté chez grand père sur l'adolescence, Poussière dans le vent retrace le début de l'âge adulte. Comme un Printemps tardif qui s'offre
au regard occidental après une longue maturation, cette poussière découvre l'esquisse monumentale d'un monde mouvant où s'entrechoquent les âges. Si la
narration ne permet pas à une action débordante dans lesquels les sentiments se pourchassent en d'intolérables variations du cœur, le film s'accompagne d'une
réalisation contemplative fabuleuse. Chaque plan marque une composition picturale minutieuse, une finesse du cadrage magnifiant les paysages, célébrant la
nature et dévoilant une ville labyrinthique. Hou Hsiao-Hsien prend son temps, avance lentement son histoire dont la trame mélodramatique se révèle dans une
deuxième partie plus courte, celle de la conscription du jeune homme, joué par Ko Yue-Lin, qui va accélérer le récit jusqu'à son inéluctable projet.
Empreint de nostalgie, cette quatrième quête identitaire de la société taiwanaise, thématique chère au cinéaste cantonnais alors âgé de 39 ans, une année après
son chef d'oeuvre absolu Un Temps pour vivre, un temps pour mourir en 1985, a des accents ozuiens: plans fixes, primauté de la composition et des
mouvements des corps dans un cadre large, impermanence de la vie, temporalité lente, exode,questionnement identitaire des générations. D'ailleurs, Hou
Hsiao-Hsien tournera en 2003, Café Lumière, film-hommage au maître japonais des studios de la Shochiku. Le cinéaste flirte également avec les fantômes du
néoréalisme italien dans une chronique presque familiale sur l'éloignement des êtres, des âges, des cultures et de l'amour entravé par le destin. Ajoutons une
photographie de la ville, du voisinage, des objets, des rapports familiaux qui racontent une situation sociale et politique tendue de l'île de Taïwan en 1965.
Poussière dans le vent marque également la première collaboration avec Li T'ien-lou, qui campe ici un pittoresque et assez lunaire grand-père, que l’on reverra
dans La Cité des douleurs, mais surtout dans Le Maître des marionnettes.
Grand maître de l'image, Hou Hsiao-Hsien s'affirme depuis comme l’un des grands cinéastes contemporains, Poussière dans le vent en est le plus merveilleux
des exemples.
De Henri Lot
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POUSSIERE DANS LE VENT de HOU HSIAO-HSIEN
Source : avoir-alire
Brûlures secrètes
Troisième volet d’une trilogie autobiographique, Poussière dans le vent est une œuvre majeure dans la filmographie d’Hou Hsiao Hsien par la pudeur du
regard porté sur une jeunesse blessée. Ressortie en salles à partir du 1er août 2012.
L’argument : Taïwan, 1965. Deux amis d’enfance décident de quitter leur village de montagne pour aller travailler à Taipei et, pour l’un d’entre eux, de
poursuivre ses études aux cours du soir...
Notre avis : Après avoir tourné quelques films qui répondaient à un schéma classique au début des années 80, le cinéaste taïwanais Hou Hsiao Hsien a opéré
une véritable révolution stylistique à partir de Un été chez grand-père (1984), premier volet d’une trilogie plus ou moins autobiographique qui s’est poursuivie
avec Le temps de vivre et le temps de mourir (1985) et ce Poussière dans le vent (1986). Ces trois œuvres ont ainsi de nombreuses caractéristiques communes :
dans un style épuré qui fait la part belle aux moments en creux, elles évoquent à chaque fois un univers familial et une jeunesse qui fait le difficile
apprentissage des dures réalités de l’existence. Si le scénario de ce troisième volet s’inspire essentiellement de la vie de Wu Nien-jen, scénariste du film, le
cinéaste a également mis toute sa sensibilité au service d’une intrigue minimaliste. Ainsi, le spectateur est invité à suivre le destin de deux jeunes gens obligés
de partir à la ville pour travailler. Alors que ces deux amis d’enfance semblent destinés dès le début du film à s’aimer et à fonder un foyer, un certain nombre
d’évènements vont venir contrarier cette voie toute tracée.
Dès la première scène – long plan-séquence d’un train qui avance sur des rails – Hou Hsiao Hsien nous indique que son film parlera de vies qui cheminent le
long d’une voie qui, pourtant, ne sera pas aussi déterminée que prévue. Grâce à une capacité d’observation étonnante, il brosse en quelques minutes le portrait
d’un village isolé. Il oppose ainsi le monde rural, encore dominé par le respect des anciens et une religion omniprésente, et le monde de la ville, bien plus
impersonnel. Alors que le cinéaste insiste pour inscrire ses personnages dans un paysage grandiose durant les séquences campagnardes, il les enferme dans des
espaces clos dès qu’il évoque la ville. Toutefois, tout l’art du cinéaste réside dans sa capacité à suggérer plutôt qu’à montrer. Adepte de l’épure
cinématographique, il soigne l’esthétique de chaque plan sans pour autant figer ses scènes. Filmant la vie telle qu’elle est, sans artifice et sans intervention
d’un scénariste démiurge, Hou Hsiao Hsien arrive ainsi à saisir la quintessence de l’existence elle-même. Sans tambour ni trompette, il parvient à bouleverser
lorsqu’il s’immisce dans le quotidien banal de ses personnages et retrouve dès lors la saveur des meilleurs films d’Ozu.
Lorsque le drame se noue peu à peu et que le désespoir du personnage principal éclate enfin, le cinéaste préfère terminer son film par un dialogue entre le
grand-père et son petit-fils sur la culture des pommes de terre. Une manière tellement poétique et élégante de signifier que la vie, malgré tous nos malheurs,
continue de suivre son cours, avec ou sans nous. Après tout, ne sommes-nous pas que poussières dans le vent ?
De Virgile Dumez
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POUSSIERE DANS LE VENT de HOU HSIAO-HSIEN
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POUSSIERE DANS LE VENT de HOU HSIAO-HSIEN
Le jour où Hou Hsiao-hsien entra dans un nouvel âge
Depuis la distribution en France, en 1991, de Poussière dans le vent, son huitième long-métrage - le film date de 1986 -, Hou Hsiao-Hsien a, avec
justice, été reconnu comme l'un des grands artistes du cinéma contemporain. Il aura entre-temps connu une consécration incarnée par sa constante
invitation dans les manifestations internationales depuis son Lion d'or au Festival de Venise pour La Cité des douleurs en 1989 (longtemps les films du
génial Taïwanais sont sortis chez nous dans le désordre).
Revoir aujourd'hui, à la faveur de sa ressortie sur les écrans, Poussière dans le vent renvoie chacun à la racine d'une œuvre immense et formellement
luxuriante où se sont succédé récits épiques sur l'histoire de Taïwan (La Cité des douleurs, Le Maître de marionnettes, Good Men, Good Women), expériences
sensorielles et conceptuelles (Les Fleurs de Shanghai, Millennium Mambo, Three Times), hommage secret et minimaliste (Café Lumière), incursion poétique
dans un Paris réel et fantasmé à la fois (Le Voyage du ballon rouge).
Poussières dans le vent, que l'on admire désormais à la lumière rétrospective d'une filmographie magistrale, avait marqué la fin d'un période particulière du
cinéma d'Hou Hsiao-Hsien, celle de l'autobiographie et des chroniques d'enfance avec des titres comme Les Garçons de Fengkuei, Un été chez grand-père, Un
temps pour vivre, un temps pour mourir. Plus exactement, Poussières dans le vent raconte l'arrachement de son personnage principal, à la fois à sa famille, à
son univers familier (la campagne) et à ses illusions d'enfance.
Ah-yuan est un jeune homme qui souhaite interrompre ses études. Il découvre la réalité du travail avant d'être envoyé au service militaire. Cette rupture dans
sa vie sera aussi le moment de sa première douleur sentimentale. Cela s'appelle la sortie de l'adolescence, condensée par ce premier plan capté depuis un train
se dirigeant vers la sortie d'un tunnel.
Le film est construit en sédimentations de séquences souvent constituées de plans longs, généraux, délimitant un espace à l'intérieur duquel les hommes et les
femmes vivent une vie tout autant composée de gestes répétés (le travail, la réalité domestique) que d'incidents divers (telle explosion de colère, telle facétie
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alcoolisée). S'y mêlent des moments venus du passé, de purs souvenirs (parfois traumatiques, souvent indécis) venant innerver un récit scandé par
d'admirables et mystérieux plans muets de paysages ou d'objets (l'horloge d'une gare de campagne).
Ce n'est pas seulement le passage du temps que saisit la caméra d'Hou Hsiao-Hsien, un temps qui serait tout autant linéaire, celui de la biographie, que
cyclique, celui de la nature. Elle cherche aussi à capter de ténues variations sensibles, subtilement illustrées par des changements de lumières brutaux et
réguliers (les sorties et entrées d'un train dans un tunnel) ou discrets (le passage des nuages). Mais si ce que raconte le film d'Hou Hsiao-Hsien semble avoir
été éprouvé, la manière dont il le fait introduit le cinéma dans un nouvel âge, celui où l'hypothèse d'une maîtrise formelle ne délaisse pas les palpitations de la
vie.
Par Jean-François Rauger
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