Un layon dans la vase
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Un layon dans la vase
Un layon dans la vase © 2009 ESA-CNES-ARIANESPACE / Optique Video du CSG - S QUARTARARO Environnement Illustration du banc de vase longeant actuellement la côte de Guyane. Vous pensiez qu’à marée basse le chenal de Kourou, annoncé débordant de vase par votre sondeur, n’était pas praticable pour votre embarcation ? Faux, vous avez attendu la marée haute pour rien ! Démonstration. ous le savons, le littoral guyanais se fait régulièrement “engluer” et “désengluer” par la vase, mais pas n’importe laquelle puisque ces innombrables sédiments nous viennent tout droit de la Cordillière des Andes ! Dispersés dans l’estuaire de l’Amazone et longs à retomber, le courant équatorial en entraîne une partie tout le long de la côte, créant des bancs de vase jusqu’au Vénézuela. Là, ils se perdent dans les grandes profondeurs, juste avant les eaux bleues des Caraïbes… Bref, en Guyane, il est fréquent qu’à marée basse, la vase pointe un dôme, ce qui peut considérablement embarrasser certains marins… et surtout certains gros porteurs comme le MN Colibri, célèbre convoyeur d’Ariane 5, ou le Flinterland, celui de Soyouz. © David Mordant N Pour que de tels bâtiments puissent livrer leur cargaison à Pariacabo, le port s’est doté de l’outil indispensable : un chenal. En d’autres termes, « un layon dans la vase ! » précise David Mordant, responsable pour le CNES du port de Pariacabo depuis le 1er juillet 2008. En charge de la gestion de ce port qui est “un outillage privé avec obligation de service publique”, le CNES assume l’entretien du chenal et de son balisage, ce qui n’est pas rien. D’ailleurs, pour décrire la prouesse des imposants bâtiments empruntant le chenal de Kourou, David évoque l’image d’une « danseuse évoluant en hauteur, en équilibre sur un fil, avec en plus un vent de travers »… La drague de la société Boskalis qui entretient le chenal de Kourou. LATITUDE 5 / N°84 / AVRIL 2009 / 39 A ses côtés, George Van Buren, représentant à Kourou de la société Boskalis, titulaire du contrat quinquennal de dragage du chenal, décrit un principe simple mais fastidieux : « Soit la drague aspire, stocke puis rejette la vase en haute mer, dans une zone soumise à autorisation préfectorale ; c’est le clapage. Soit elle propulse de l’eau pour casser la cohésion entre les particules, ce que nous appelons dragage à l’américaine, et que nous pratiquons ici quotidiennement. Nous essayons de jouer avec les marées, moments où le fleuve produit un effet “chasse d’eau”. A marée descendante, en s’écoulant avec plus ou moins de force vers le large, l’eau entretient tout aussi naturellement la profondeur du canal qu’elle guide les sédiments en suspension dans le bon sens.» Mais parfois la vase fait des caprices, la drague n’est donc jamais loin. En décembre dernier par exemple, le chenal a subi une coulée de vase solide sous l’assaut des vagues. Lui rendre sa hauteur navigable a nécessité 85h de dragage. © 2009 ESA-CNES-ARIANESPACE / Optique Video du CSG - S QUARTARARO Alors peut-on anticiper sur cela ? Réponse de David : « Le banc se déplace par vagues successives, phénomène auquel se greffe l’érosion naturelle des côtes et bien d’autres facteurs. Il est difficile de prévoir les mouvements de ces monstres, même avec l’aide de la télédétection fournie par Spot via l’antenne SEAS Guyane ». Mais revenons sur une fausse idée, un peu trop répandue au goût de David. Pour creuser et entretenir ce chenal, il faut creuser dans 40 / LATITUDE 5 / N°84 / AVRIL 2009 la vase solide. Cela crée forcément des particules en suspension, qui vont s’accumuler avec la profondeur. Si l’on passe à marée basse, l’eau est à peu près claire sur le tiers supérieur du chenal tandis que les deux autres tiers se composent d’une eau particulièrement turbide, que l’on appelle vase navigable. Là, si vous regardez votre sondeur acoustique, vous n’oserez pas emprunter le chenal, à tort. Bizarrement, le mystère s’éclaircit avec la turbidité de l’eau : la structure même des particules de vase amortissant le son, un sondeur acoustique s’arrêtera aux premières eaux un peu épaisses, soit dans notre cas à environ 1,5 mètres. Alors que, calibré pour une surface de densité 1.27, le plomb se posera sur un pallier à 2,7 mètres, soit le fond du chenal. Moralité : si vous ne parvenez toujours pas à emprunter le chenal à marée basse après tout cela, naviguez uniquement entre les bouées ! 4 Par Karol Barthelemy Plomb qui sert à calibrer la profondeur du chenal. Coupe illustrant le chenal de Kourou. © David Mordant Environnement