la consultation infirmière

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la consultation infirmière
LA CONSULTATION
INFIRMIÈRE
Création de la consultation spécifique aux infirmières
et infirmiers libéraux
Depuis plusieurs années, l’Onsil se préoccupe de l’évolution de notre profession et de la
demande des patients. L’Onsil mène réflexion et actions pour développer et faire
reconnaître certaines facettes invisibles, bien qu'essentielles, de l’exercice de notre
profession, comme la consultation, la prescription, la coordination infirmières.
A l’heure actuelle, toutes ces charges de travail ne sont ni reconnues, ni rémunérées.
Les actions menées lors des négociations conventionnelles de 2006-2007 ont abouti à
un début de reconnaissance du principe de la prescription infirmière. Ce principe a été
concrétisé par le décret d'avril 2007.
La consultation infirmière est le pivot de l’organisation des soins depuis de longues
années. La nouveauté, pour notre profession, est la demande accrue des usagers,
patients ou assurés sociaux.
Les représentants de la profession ne pourront se satisfaire de la seule simplification
administrative d’un document préexistant.
Les infirmiers libéraux ne sont pas prescripteurs de soins. L’augmentation constante du
volume des soins de ville s’explique donc par diverses raisons :
✔ l'augmentation des soins ambulatoires générateurs d’économies en diminuant les
coûts d’hospitalisation,
✔ l'allongement de la durée de vie engendrant un état de dépendance croissant des
personnes âgées,
✔ le nombre de médecins généralistes et d’heures travaillées dans leur secteur en
baisse.
Il est donc urgent d’envisager la profession d’infirmière libérale selon ces nouvelles
données.
Le nombre d’infirmière libérales est insuffisant pour faire face à la demande croissante
de soins des prochaines années. Les relations entre infirmières libérales, SSIAD et HAD
sont à renégocier. Aux relations de concurrence doivent se substituer de vraies relations
de complémentarité dans la prise en charge globale à domicile.
Du fait de leur obligation de continuité des soins, les infirmières libérales demeurent les
plus concurrentielles dans ce secteur en termes de coûts.
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Formées au travail en équipe, elles peuvent assumer le rôle de pivot de la coordination
des soins et représenter le point de jonction entre toutes ces structures en fonction des
besoins.
Dans leur majorité, les infirmières ont boycotté la DSI dès sa mise en place.
Ce comportement de contestation, peu compris par les pouvoirs publics, puise sa
source dans diverses raisons :
✔ Aucune concertation préalable n'a eu lieu à l’intérieur de la profession.
✔ Le but alors inavoué des Caisses était de transférer les soins d’hygiène au
secteur social (cela fut d’ailleurs reconnu officiellement par le rapport de la Cour
des Comptes de septembre 2005).
✔ Le refus de la profession de renier son rôle propre.
✔ Les problèmes de responsabilité de l’infirmière lors d’une délégation d’actes à du
personnel non qualifié.
L’UNCAM, la profession et les assurés sociaux ne peuvent se satisfaire de cette
situation de boycott. Ils ne peuvent trouver un intérêt que dans la recherche d’un
consensus.
La consultation infirmière permet donc d’éviter de retomber dans les mêmes travers que
ceux initiés par les PSI/ DSI.
La consultation infirmière fait à l’heure actuelle l’unanimité au sein de la profession. Son
officialisation valorisera enfin notre rôle propre et l’infirmière libérale obtiendra la
reconnaissance de ses compétences autonomes (voir article de la Revue Soins juillet
2006).
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1.
Rappel des définitions
✔ Consulter : selon le dictionnaire, c’est demander un avis avant. Demander l’avis
d’un professionnel reconnu pour un problème donné avant de prendre une
décision.
✔ Prescrire : dans notre exercice, signifie recommander fortement, ordonner.
✔ Consultation infirmière : la définition la plus connue est celle de Soins Infirmiers,
Masson ; il s’agit « de la prestation programmée qui consiste à éduquer un patient
et/ou son entourage, en matière de santé et de soins infirmiers ». Cette définition
reprend notre décret de compétences.
2.
Etat des lieux dans le cadre de notre exercice
La consultation infirmière est une pratique constante. Elle correspond bien à la définition
ci-dessus, ainsi qu’à nos missions telles que définies dans notre décret de
compétences. Mais nous restons « invisibles » pour nos partenaires de l’UNCAM.
✔ Dans les pays voisins, en Europe, dans le monde :
En Angleterre, en Suède, la consultation infirmière existe depuis plusieurs années,
ainsi qu’au Québec.
Au niveau international, le Conseil International des Infirmières recommande et
préconise depuis de longues années la mise en place de la consultation
infirmière pour une meilleure gestion de la santé. C’est l’expression utilisée par cet
organisme, ainsi que dans les publications de l’OMS.
✔ En France :
- En milieu hospitalier, la consultation est effective depuis quelques années. Les
pionnières sont les infirmières stomathérapeutes. Cette consultation est suivie d’une
prescription infirmière de matériel adapté, en accord avec le médecin spécialiste.
Depuis peu, les services d’oncologie ont également créé des consultations infirmières
(exemple : L’institut Marie Curie). Elles n’ont pas été évaluées scientifiquement, mais
font la preuve de leur nécessité par leur succès auprès des patients.
C’est donc une dimension incontestable du soin infirmier.
Il faut remarquer dans ces deux exemples que les infirmières doivent gérer des
situations de détresse faisant suite à l’annonce d’un diagnostic difficile, ou expliquer des
soins complexes et traumatisants. Leur intervention fait appel à la relation d’aide et
d’écoute pour laquelle les infirmières sont particulièrement formées.
Il s’agit, en milieu hospitalier, de consultations et de prescriptions que nous pouvons
qualifier de ciblées. Elles sont à l’initiative des infirmières, et acceptées par des
médecins, qui en ont compris tout l’intérêt pour le patient.
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Cette consultation permet d’installer une relation soignant /soigné basée sur la confiance
et une complémentarité avec l’action du spécialiste.
- En libéral, on ne peut que constater le retard énorme pris en ce domaine.
L’évolution du système de distribution des soins impose de confier une autonomie plus
large à la profession d’infirmière libérale. Les infirmières ne comprennent pas que,
selon qu’elles soient salariées ou libérales, elles ne puissent pas user de leurs
compétences inscrites au code la santé publique de la même façon. Les infirmières
libérales sont « interdites de rôle propre » alors que leurs collègues salariées sont
devenues autonomes depuis 1980, c’est à dire depuis 31 ans. Les infirmières salariées
décident elles-mêmes depuis 1980 du matériel le plus adapté à la réalisation de leurs
soins et à l’installation du malade. Elles n’ont pas besoin de prescription médicale pour
réaliser pleinement leur rôle propre.
En 1999 Ségolène ROYAL permettait aux infirmières scolaires de distribuer la pilule du
lendemain aux adolescentes en difficulté. Dans le même temps les infirmières libérales
n’ont aucune autonomie en matière de prévention, d’éducation et de prescription. La
prescription crée une avancée historique dans le PLFSS 2007 mais reste insuffisante.
L’autonomie de l’infirmier à domicile doit se traduire par la suppression définitive de la
DSI, comme le propose la Cour des Comptes et l’IGAS qui la reconnaissent inefficace
(seulement 15 % des infirmières libérales ont fait une DSI depuis sa mise en place). IL
faut y substituer une véritable consultation infirmière reconnue et rémunérée comme
telle.
3. Analyse de l’importance de la consultation
infirmière à domicile
Dans le cadre de la prise en charge globale et opaque de l’AIS, les sollicitations des
infirmières libérales sont variées.
Nous constatons plusieurs types de demandes. Pour faire face, nous utilisons, autant de
réponses adaptées :
✔ La consultation initiale, avec un patient qui fait appel à nous pour la première
fois. Elle peut faire suite à la prescription du médecin traitant ou à un retour
d’hospitalisation. Nous savons d’emblée qu’elle nécessitera du temps pour,
analyser les besoins, mettre en œuvre la prise en charge infirmière, avec l’accord
du patient et de sa famille, comprendre les bouleversements qu’entraînera la
maladie.
Concrètement, cette consultation pourrait déboucher sur la production d’un
formulaire adressé à l’Assurance Maladie, sans la signature du médecin et sans le
Plan d’Aide qui accompagnaient la DSI.
Les 14 besoins de Virginia Henderson ne nécessitent plus d’être détaillés.
En revanche, il est nécessaire qu’apparaissent :
• l’évaluation des besoins du patient et de son entourage,
• les soins infirmiers détaillés dont les actes cumulés ami/ami et ais/ami,
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• l’éducation à la santé et la prévention nécessaire aux soins,
• la coordination des soins avec les différents intervenants autour du patient.
On pourrait envisager également la tenue d’un dossier de soins, confidentiel, qui
serait en la possession de l’infirmière libérale et qui pourrait être à disposition du
contrôle médical sur demande.
Ce formulaire pourrait remplacer l’actuelle entente préalable. Le médecin ne
devrait que prescrire une « intervention par une infirmière ». C’est à celle-ci de
décider de la suite qu’elle entend donner à une prise en charge éventuelle (voir
annexe).
En échange, cette consultation infirmière en exercice libéral doit s’inscrire dans
une démarche qualité, associant le développement des compétences
(formations), l’évaluation des pratiques (EPP) et des services rendus à la
population. Il s’agit de développer une pratique infirmière spécifique sans se
substituer aux médecins.
✔ La consultation de suivi.
Une évaluation des besoins de la personne, du fait de l’aggravation ou de
l’amélioration de son état (qui justifierait une prescription infirmière) ferait l’objet
d’une nouvelle consultation. Elle correspond à la séance de surveillance clinique
infirmière et de prévention d’un patient en situation de dépendance (contrôle des
différents paramètres, vérification de l’observance du traitement, contrôle des
conditions de confort et de sécurité du patient, tenue de la fiche de surveillance et
de la fiche de liaison avec transmissions des informations à l’entourage).
On pourrait ainsi envisager une consultation infirmière auprès de tous les patients
atteints dALD une fois par semaine par exemple. Elle comprendrait aussi la
coordination des soins avec les autres professionnels de santé autour de la
personne comme on le fait actuellement pour les diabétiques.
✔ La consultation de prévention et d’éducation à la santé
Il s’agit d’éduquer le patient lui-même, pour l’aider à se prendre en charge, pour
préserver ce qui reste d’autonomie à une personne âgée et dépendante. C’est
aussi évaluer les capacités des personnes qui lui viendront en aide et les éduquer
à ces nouvelles tâches.
Le but est d’éviter de consulter inutilement un médecin, surtout en l’absence de
moyens financiers ou de mutuelles. C’est un fait nouveau dans notre pratique.
Les infirmières libérales le font de façon quotidienne. La France a un retard
énorme à combler en matière de prévention et d’éducation à la santé. Les
infirmières libérales doivent jouer un rôle essentiel dans ce domaine, mais il faut
pour cela leur en donner les moyens légaux, juridiques et financiers.
A titre d’exemple, combien de millions d’euros économisés par les caisses si les
campagnes de vaccination étaient assurées par les infirmières libérales en
première intention ?
Nous pensons aussi qu’en matière de santé publique, l’attribution d’une
consultation infirmière en acte de prévention permettrait encore une fois
l'orientation des consultants vers le professionnel adapté (cette consultation n'a
pas un rôle de diagnostic ni d'acte, mais simplement de conseil) tout en mettant
en place une éducation, une prévention et une surveillance toujours dans le cadre
de notre rôle propre.
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La prévention étant un outil important pour diminuer les pathologies comme le
cancer, l'hypertension, le diabète et dépister les effets néfastes liés à l'alcoolisme,
tabagisme et à la mauvaise nutrition ; ces consultations permettraient plus de
dépistages, génèreraient, nous l'espérons, un nombre de malades moins
important et donc des économies.
On peut trouver d’autres intérêts comme celui de dédramatiser des situations
pénibles : peur, angoisse, panique à l’annonce d’un diagnostic difficile ou mal
compris, gestion des addictions etc.….
✔ Pour la prise en charge des urgences
Une consultation infirmière permettrait une orientation adaptée des soins de
première intention. Orientation suivant les cas vers une infirmière libérale, un
médecin ou les services d’urgences.
Pour exemple : en région toulousaine, il a été mis en place un SAS de
consultation médicale pour les appels en urgence qui a permis de réduire de 30 %
les entrées aux services de soins d'urgences hospitaliers.
En parallèle, et en partant de ce qu’ont réalisé ces médecins, nous pensons que
la création et la systématisation de la consultation d'urgences infirmières
permettraient, d’aller vers une diminution des consultations d’urgences,
d’engendrer des économies réelles pour la collectivité et de reconnaître aux
infirmières libérales de nouveaux rôles.
4.
Consultation, prescription, coordination
Rappelons que le principe de prescription qui nous a été accordé par l’UNCAM n'existe
qu'à la suite d’une première prescription médicale (parcours de soins). Elle ne concerne
qu’une partie du matériel nécessaire pour effectuer des pansements. Elle reste donc
limitée.
La prescription infirmière que tout le monde s’accorde à nous reconnaître aujourd’hui,
est une nécessité imposée par l’évolution de nos pratiques et de nos connaissances
(notamment dans le domaine des pansements et des matériels nécessaires à la bonne
exécution des soins, au confort et à la sécurité des patients).
La consultation est nécessaire pour prescrire. Il est courant qu’avant la venue du
médecin, nous examinions le reste de médicaments ou de matériel pour pansement.
Nous devrions tenir compte des moyens financiers des patients qui payent une part
importante de leurs besoins en pharmacie, surtout lorsqu’il s’agit de maladie chronique.
Il est courant également que nous détections des comportements à risque avec la
gestion des médicaments et que nous nous concertions avec le médecin, le pharmacien
ou la famille. Nous pourrions donc effectuer des consultations, non suivies de
prescriptions.
Nous devons réévaluer constamment la prise en charge, établir s’il le faut les
coordinations nécessaires avec le médecin traitant, notre principal interlocuteur, mais
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aussi d’autres partenaires (médicaux, paramédicaux, sociaux.) La coordination est donc
un corollaire de la consultation.
5.
Précisions
Citons la CII à propos des infirmières «La définition qui domine est la maîtrise par
l’infirmière de sa propre pratique et des soins qu’elle dispense aux malades « dans les
Infirmières Entrepreneures »
Cette définition correspond bien à la pratique des infirmières libérales qui sont seules
pour prendre des décisions parfois très difficiles et très rapidement. Leur formation les
prépare à la prise en charge psychologique du patient. A domicile elles doivent tenir
compte des différentes psychologies familiales et milieux sociaux et s'adapter à chaque
personne seule ou avec sa famille. Cette expérience est propre à chaque infirmière
libérale.
La consultation infirmière demande à l’infirmière d’avoir des compétences fiables
dans des domaines diversifiés : technique, social, pédagogique et éducatif. Elles
doivent connaître les mécanismes de prise en charge sociale.
Nous assistons au développement de la médecine ambulatoire. La conséquence pour
notre profession est la sortie précoce du patient. La prise en charge infirmière à domicile
se situe au plus haut niveau psychologique, technique, partenarial. Par exemple, la
connaissance de tous les protocoles post–opératoires est impérieuse. La responsabilité
professionnelle des infirmières libérales est davantage engagée.
Les patients, longtemps passifs vis-à-vis de la médecine, sont de plus en plus informés.
Ils demandent des explications sur les traitements et leurs conséquences, sur les
moyens sociaux existants, sur les aides complémentaires en cas de dépendance, voire
des informations sur les mécanismes de remboursement.
Les infirmières ont l’habitude de gérer la maladie chronique à domicile (diabète, ulcères
des membres inférieurs, maladies de longue durée, etc). C’est une des particularités de
l'exercice libéral. Cela demande un investissement personnel de formation, d’information
professionnelle afin de rester efficaces.
Tout cela prend du temps, mais requiert autant d’importance que la réalisation de soins
techniques. Aucune statistique officielle et aucune étude n’ont été réalisées pour
démontrer les économies engendrées au niveau santé par cette dimension globale et
préventive de ce rôle constant de l'infirmière avec les patients.
Ajoutons que les conventions successives ne reconnaissent pas la consultation
infirmière, en particulier dans la nomenclature. La Convention 2007 a permis d’aborder
cet aspect des soins infirmiers et d’organiser une réflexion.
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La pratique de la consultation infirmière ne peut en aucun cas être confondue
avec celle du médecin. Elle est complémentaire de l’action à domicile.
Les infirmières formulent des avis, orientent, éduquent. Cela fait partie de leur mission.
La dimension préventive des infirmières libérales est très peu connue voire ignorée des
instances préventives. A la différence des infirmières scolaires, ces instances ne les
concertent pas alors qu’elles sont constamment à proximité de la population.
Elles savent adapter leur langage voire à chaque personne pour faire passer un
message selon les milieux qu'elles côtoient, ce qui est un vecteur principal de la
prévention.
6.
Conclusion
La médecine évolue, les usagers de la santé sont demandeurs d’informations,
d’explications, d’accompagnements plus complexes lors de leur retour à domicile après
hospitalisation.
Nous sommes conscients que la reconnaissance et l’application de la consultation
infirmière risque de bousculer l’organisation actuelle des soins et des compétences des
différents acteurs médicaux, paramédicaux et sociaux. Il va falloir redéfinir les limites de
chacun et les nouvelles perspectives et prospectives de soins.
Nous ne pouvons continuer à exercer une partie de notre profession bénévolement.
Cela n’est pas sérieux. C'est de plus incompatible avec l’accroissement des
responsabilités que nous avons dans les soins à domicile et avec la demande actuelle
des patients.
La consultation colle à la réalité du travail, allège la relation infirmier/ médecin, permet
de soigner, de surveiller, d’éduquer et de rendre compte. Elle correspond à ce que les
infirmières attendent :
Une vraie revalorisation de la profession, basée sur la confiance dans une réelle
coordination avec tous les acteurs de santé en sortant de la vision comptable à
court terme.
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