Plougastel ramène sa fraise sur la Cordillère

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Plougastel ramène sa fraise sur la Cordillère
Plougastel ramène sa fraise sur la Cordillère
Une délégation constituée principalement de producteurs de fraises
vient de revenir d'un séjour au pays de la fraise blanche, au Chili. Un
voyage qui les a ramenés 300 ans en arrière.
Il y a 300 ans, le jeune ingénieur Amédée-François Frézier rapporte de son
voyage au Chili cinq plants de fraise, une espèce jusqu'alors inconnue en
Europe. Les feuilles sont velues, les fruits blancs, gros comme une noix, voire
comme un oeuf de poule. Tandis que dans les jardins botaniques d'Europe,
le fraisier du Chili déçoit car ne donnant pas de fruit, à Plougastel il fructifie
enfin. La blancheur originelle est perdue au passage mais la taille des fruits
reste une caractéristique appréciée de ce premier fraisier moderne. La
fortune naît de la terre.
Retour à Contulmo
Fraise et Plougastel sont désormais indéfectiblement liés. En 2001, une
mission officielle de Plougastel s'était déjà rendue au Chili, à Contulmo, le
village de la fraise originelle, situé au pied de la Cordillère de Nahuelbuta, le
long du Pacifique. Treize ans plus tard, Plougastel fête le fruit rouge, l'amitié
franco-chilienne dont cette histoire pourrait être considérée comme le premier
jalon, par de multiples événements qui ponctuent l'année avec gourmandise.
Une nouvelle expédition rentre tout juste du Chili. Pour clore une année de
festivités. Pour renouer avec la commune de Contulmo.
Conditions extrêmes
Quel choc par rapport aux cultures de la Presqu'île ! Au Chili, il faut
crapahuter dans la cordillère pour tomber, non sans surprise, sur des
plantations improbables à flanc de coteau. La fraise blanche est cultivée à
l'air libre, sans protection. Les plants sont de mauvaise qualité, les parasites
nombreux. La terre est appauvrie, la récolte maigre. Les modes de culture
restent ancestraux, la tradition maintenue aux dépens d'une plus grande
productivité.
« Les conditions de culture sont extrêmes », résume Jean-Jacques Le
Gall administrateur chez Savéol, qui a participé à ce retour aux sources. «
Mais il y a des possibilités d'amélioration de la qualité des plants.
» Cette opinion est partagée par Jean-Jacques André, producteur de fraises
et second adjoint au maire de Plougastel : « Il y a trois cents ans, ils nous
ont apporté la génétique. Aujourd'hui, à nous de leur permettre
d'effectuer les améliorations nécessaires. »
« Ce sont les anciens qui donnent les consignes, poursuit Jean-Jacques
Le Gall. Il leur manque l'appui technique de personnes formées.
» Néanmoins,« la fierté des producteurs est palpable ». Qu'elle soit
blanche ou rouge, la fraise reste le fruit du jardin des délices, fruit de la
passion des producteurs comme des consommateurs. D'ailleurs, à l'initiative
d'Alberto Blanco, une route de la fraise blanche a été récemment édifiée à
Contulmo, sur le modèle de celle de Plougastel et dans une démarche
d'agro-tourisme.
Le Maire de Plougastel a invité à son tour la municipalité de Contulmo à
la Fête des fraises en juin 2015. Des propositions de soutien technique ont
aussi été formulées.
Des bois au Chili, la véritable histoire de la fraise de Plougastel
Comment la fraise arrive-t-elle dans le Finistère ?
Nous sommes en janvier 1712. Amédée-François Frézier, ingénieur dont le
nom serait d'origine écossaise (Fraser), reçoit du roi Louis XIV la mission
d'aller étudier les défenses des colonies espagnoles en Amérique du Sud. Le
18 juin, il accoste dans la baie de Concepciòn. Sur les terres avoisinantes, il
découvre une variété de fraise blanche, Fragaria chiloensis, différente de la
fraise des bois connue en Europe. Il en emporte quelques plants. Nommé
directeur des fortifications en Bretagne, il arrive à Brest avec des fraisiers que
l'on plante dans le jardin botanique de l'hôpital de la Marine.
Pourquoi passe-t-elle l'Élorn ?
Ce jardin botanique attire beaucoup de visiteurs. Quelques plants vont faire la
traversée de l'Élorn. C'est la fin de la fraise des bois. Place à la fraise blanche
du Chili. Plougastel sera une des seules régions de France où elle
s'acclimatera. Vers la fin du XVIIIe siècle, cette culture commence à
prospérer. Le Passage, Lauberlac'h, Le Caro... Chaque village arme un ou
deux bateaux pendant la saison qui dure un mois et demi. Jusqu'au milieu du
XIXe siècle, le système de vente ne change pas ou peu. En 1900, 500 ha
sont cultivés, autant que le blé et deux fois plus que la pomme de terre.
Quand naissent les sociétés fraisicoles ?
Pour que les marchés ne leur échappent pas, les Plougastels créent une
société en 1894 : la Shipper Union. Elle est présidée par Adrien Le Gall. Une
autre voit bientôt le jour en 1898 : la Farmer Union. Puis une troisième en
1900 : la New Union. Ces deux dernières ne feront bientôt qu'une, l'Union,
avec, à sa tête, Jean-Claude Le Gall.
Quel est l'âge d'or de la fraise ?
La culture de la fraise est devenue la principale ressource de la Presqu'île. Si
le travail est pénible, il rapporte. L'histoire dit que l'on pouvait se faire
construire une maison avec l'argent d'une saison, et l'aménager entièrement
l'année suivante. Au début des années 1930, Plougastel, avec 5 000 tonnes,
assure le quart de la production française. Mais, en 1932, la dévaluation de la
Livre sterling et la mise en place d'une taxe sur les importations vont porter
un coup fatal à cette culture.
Quand sont construites les premières serres ?
Elles apparaissent en 1965. Huit serres de 45 à 50 ha sont construites dans
la Presqu'île sur un modèle belge. Mais elles sont vite abandonnées. Elles ne
correspondent pas aux conditions climatiques. On préfère dans les années
1970 poser un film plastique au sol ou protéger les cultures avec des tunnels
transparents. Puis, c'est le déclin. En dix ans, la production a baissé de 40 %.
Les cultivateurs préfèrent planter des échalotes : aussi rentable et moins
contraignant. OF 16.12.2014

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