le cahier de gotlib de l`autre côté de la planche

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le cahier de gotlib de l`autre côté de la planche
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gotlib
le cahier de gotlib
de l’autre côté de la planche
par Antonio Altarriba
[janvier 1996]
C’est un cahier Lutèce de 34 x 21 centimètres, à petits carreaux. Il appartient à Gotlib, qui a bien
voulu nous le confier. Il n’en existe qu’un de cette sorte. Tous les scénarios de la période la plus
féconde de l’auteur y sont consignés. Ce document exceptionnel projette une lumière inédite sur la
genèse d’histoires que nous sommes nombreux à connaître par cœur.
L’improvisation procède d’un désir (tant de fois avoué par Gotlib) de faire mieux, elle produit une
surenchère graphique, dorme un dernier tour d’écrou à la mécanique de l’humour. Elle dépasse
largement le champ d’action de la coccinelle, et peut même aboutir à l’introduction de vignettes
non préméditées (la même Rubrique sur la chatouille accueille ainsi deux vignettes de récréation,
sans rapport avec l’histoire, qui invitent le lecteur à se reposer de son effort intellectuel). Toutefois son
domaine d’intervention est surtout celui de l’arrière-plan, où elle peut à loisir développer des actions
secondaires. Je songe ici au démontage et au remontage de sa pipe, qui occupe le commissaire
Bougret tout au long de l’épisode Le Commissaire est bon enfant (R -à-B., vol. III, p. 40).
Le cahier de Gotlib permet de reconstruire une trajectoire personnelle ; il donne accès à une
méthode de travail, aux « secrets de fabrication » ; il donne enfin à ressentir et à comprendre
l’existence, en amont et en aval de l’écriture scénaristique proprement dite, de phases très
importantes et qui ont rarement été commentées. Avant le scénario, il y a ces sédiments que
forment la compétence graphique de l’auteur, son imagination visuelle, ses capacités techniques si évidentes pour lui qu’elles informent et spécifient constamment ce qu’il écrit sans qu’il ait besoin
d’y faire référence. Après le scénario, s’ouvrent une phase de perfectionnements et de
rectifications, mais surtout un espace d’improvisation qui peut encore aboutir à de réelles trouvailles.
Ainsi, il devient possible de cartographier avec une plus grande précision le parcours accompli par
la bande dessinée depuis l’idée initiale jusqu’à la réalisation finale, dont le scénario écrit ne saurait
rendre compte à lui seul.
En somme, le cahier de Gotlib raconte l’histoire de son auteur et l’histoire de ses histoires. C’est un
document de première importance, et qui répond à cette question fondamentale que nous avons
toujours voulu poser « Oncle Gotlib, montre-nous ce qu’il y avait réellement derrière la planche »
Cet article est paru dans le numéro 1 de 9e Art en janvier 1996.
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