la societe francaise depuis 1945 - Le blog des classes de T. Bouffand
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la societe francaise depuis 1945 - Le blog des classes de T. Bouffand
LA SOCIETE FRANCAISE DEPUIS 1945 Pays encore en grande partie rural en 1945, la France a connu un véritable bouleversement de la société à la suite de la croissance des Trente Glorieuses et de la crise qui a suivi. La société française contemporaine est très différente de celle de 1945. Ces mutations ont été sensibles dans tous les domaines : économique, culturel… mais n’ont pas donné à la France une société plus égalitaire pour autant. I. Une évolution socio-économique considérable A. L'évolution socioprofessionnelle 1. Le taux d'activité La population active a augmenté de 20% depuis 1945 surtout après 1974 par l'arrivée des classes nombreuses du "baby boom" et des femmes sur le marché du travail. Le taux d'activité reste cependant inférieur à 50% du fait du raccourcissement de la vie de travail (scolarité rallongée et retraite généralisée). Développement important de l’activité professionnelle féminine : 79% des femmes entre 25 et 49 ans travaillaient en 1999, soit plus de 11 millions. Le chiffre a presque doublé depuis 1960 et n’est pas affecté par la crise de l’emploi. 2. Les secteurs d'activité Le déclin du secteur primaire n'a pas cessé depuis 1945 même si cette baisse se ralentit depuis 20 ans : la part de la population active agricole dans la population active est passée de 30% en 1954 à 4% à l’heure actuelle, ce qui s’explique par la modernisation de l’agriculture. Les fluctuations du secteur secondaire sont faibles en taux mais importantes par leur impact sociologique : de 1946 à 1970 ce secteur a augmenté (de 29% en 1945 à 39% en 1970) puis baissé (26% en 1996). La baisse enregistrée depuis 1970 s’est accompagnée d’une hausse des qualifications.. Croissance importante du secteur tertiaire (40% des emplois en 1954, 69% aujourd’hui) qui a créé le plus d’emplois depuis 1970. Le nombre des emplois peu qualifiés diminue face à l’informatisation. 3. Les catégories socioprofessionnelles Les paysans sont de moins en moins nombreux (environ un million aujourd'hui). Les ouvriers représentent encore la catégorie la plus nombreuse (7,6 millions), leur nombre stagne depuis 1975 alors que leur diversité s'est largement accrue. Les employés (6,9 millions) augmentent. Les "cadres" supérieurs et les professions intermédiaires forment la catégorie la plus dynamique ; née réellement des Trente Glorieuses, elle connaît une croissance rapide. Les artisans, commerçants et chefs d'entreprise voient leur importance numérique diminuer du fait de la montée du salariat. B. L'évolution du cadre de vie 1. L'urbanisation Plus de 75% des français vivent en ville contre 53% en 1945. Les villes connaissent une grande extension spatiale (communes périurbaines) et, en comptant les communes rurbaines (« communes dortoirs »), on estime que 90% des Français ont adopté un mode de vie urbain. La croissance a fortement profité aux grandes agglomérations comme Paris (5.5M d’habitants en 1950, 9.6M en 1996). 2. Un nouveau paysage urbain La crise du logement et la recherche du confort entraînent la destruction des vieux quartiers (rénovations urbaines), la construction de grands ensembles (Sarcelles en 1956) au milieu d'espaces verts, de parkings et près de supermarchés dans le cadre de ZUP (1958). Ces grands ensembles planifiés visent à absorber une forte croissance urbaine (immigration exode rural) et à résoudre le problème du logement dans les années 50-60. Des villes "nouvelles" (Cergy-Pontoise en 1966) visent à encadrer et limiter la croissance des grandes agglomérations avec des succès variables, en proposant logements, commerces et emplois. Depuis les années 70, l’extension des banlieues pavillonnaires est importante. 3. L'amélioration de l'habitat Les installations sanitaires, l'eau courante se répandent depuis les années 1960 (en 1954, 17,5% des logements disposaient d'une salle de bains ou d'une douche, 70% en 1970). La surface moyenne des logements augmente et le nombre de personnes par logement diminue. C. L'évolution du niveau de vie 1. L'élévation des revenus et du pouvoir d'achat Elle résulte de l'augmentation des salaires et de celle des prestations sociales. Le revenu réel de 1949 à 1974 a progressé de 120% en moyenne (après impôt) mais les cadres en ont plus profité du fait de l'élévation des qualifications et des emplois. Après 1968 et surtout après 1974, on constate un ralentissement et un certain "rattrapage" des ouvriers et des employés grâce à la création du SMIC en 1970. L'indexation des salaires sur le prix et, parfois même, leur hausse par anticipation ont permis une véritable croissance du pouvoir d'achat au moins jusque dans les années 1980. 2. L'élévation des fortunes L'accession à la propriété de la résidence principale (50% des français possèdent leur logement). II. L’évolution socioculturelle A. L'évolution des structures démographiques et familiales 1. Une croissance démographique importante La population française a fortement augmenté depuis 1945 : de moins de 40 millions d’habitants, elle a passé à près de 53 millions en 1975 et près de 62 millions aujourd’hui. La croissance naturelle en a fourni 75% alors que le solde migratoire est responsable des 25% restants. Une assez forte fécondité jusqu'en 1965 ("baby boom" avec un indice de fécondité de 2,9) puis un déclin rapide suivi d'une stagnation autour d'un indice de 1,8 ("baby krach"). La tendance récente est à la hausse de la natalité et de la fécondité (retour récent à près de 2,1 enfant par femme). Une baisse rapide de la mortalité (surtout infantile) depuis les années 1950 du fait de la protection sociale et du progrès sanitaire et médical. La hausse de la natalité a également été encouragée par la politique d’allocations familiales. Un vieillissement de la population qui résulte de la baisse de la fécondité et de l'allongement de l'espérance de vie de 66,4 ans en 1950 à plus de 80 en 2004. Cette situation est assez inhabituelle dans les pays développés d’Europe : la croissance démographique y a été plus forte et elle se maintient à un niveau plus élevé. 2. Immigrés et étrangers Un appel à l'immigration à partir de 1954 pour combler les besoins de main d'œuvre de la croissance économique. Après 1974, un coup de frein du fait de la crise. En 2002, le nombre total d'étrangers représentait environ 6% de la population, et les immigrés environ 8%. La part des immigrés et des étrangers d'origine européenne diminue (majoritaire dans les années 60 : près de 80%, réduite à 44% actuellement) alors qu'augmente celle des personnes d'origine maghrébine, africaine et asiatique. 3. Evolution des structures familiales Les familles nombreuses (plus de trois enfants) et les familles sans enfant sont en voie de disparition alors que le modèle devient celle de deux enfants. Le taux de nuptialité diminue continuellement, alors que l’âge moyen au mariage augmente (30 ans pour les hommes, 29 pour les femmes). Les naissances hors-mariage croissent rapidement (37,6% des naissances en 1995, 47% actuellement). Le nombre de familles monoparentales augmente. B. L'évolution des modes de vie 1. Une société de consommation Elle apparaît dans les années 1960 au sein des classes moyennes et des "cadres" en particulier puis se diffuse dans les années 1970. Elle résulte de l'augmentation générale du niveau de vie, de la croissance de l'offre, de l'envol du crédit et de la publicité. Elle repose sur des consommations privilégiées : l'automobile, l'électroménager (réfrigérateurs), la télévision. Elle entraîne une standardisation des modes de vie et une uniformisation de la structure des dépenses : réduction de la part de l'alimentation, des vêtements et hausse de celle des transports, des loisirs et de la santé. 2. Une société de loisirs Elle apparaît dans les années 1970 alors que les rapports des français avec le travail se modifient. Elle résulte principalement de la baisse de la durée du travail (cf tableau 2cp. 326) à la suite des lois sociales successives, de l'augmentation du pouvoir d'achat et de la baisse du prix des transports. Elle se traduit par la multiplication des séjours liés aux loisirs (week-ends, ponts, vacances…) et des activités de loisirs (sport, associations diverses : 70% des Français pratiquent une activité sportive). 3. Une société dans laquelle les rôles se modifient Les rôles liés au sexe se transforment grâce à l'émancipation des femmes (travail, contraception, éducation) ; la législation dans les années 1970 reconnaît et favorise ce bouleversement (1970 : autorité parentale, 1975 : réforme du divorce). Les rôles liés à l'âge changent depuis les années 1960 : les jeunes (moins de 20 ans) et les "vieux" (plus de 60 ans) travaillent de moins en moins (hausse de l’âge de la scolarité obligatoire, baisse de l’âge de départ en retraite) alors que la période d'activité se réduit faisant reposer sur les adultes actifs l'essentiel des charges. La consommation des jeunes et des plus âgés augmente néanmoins et se singularise (notamment en raison de la croissance du nombre des seniors). La mode impose la jeunesse comme critère essentiel (esthétique, habillement, loisirs). C. L'évolution culturelle 1. L'enseignement de masse Il commence dès la fin des années 1950 (obligation scolaire jusqu'à 16 ans en 1959) mais s'amplifie surtout depuis les années 1970 (réforme Haby en 1975 : collège unique) et s'accélère dans la décennie suivante (loi Jospin de 1989). Les lycées s'ouvrent largement : en 1980, 28% d’une classe d’âge décroche son bac, plus de 60% en 2001. Les études supérieures et en particulier l'université accueillent de plus en plus d'étudiants : 102.000 en 1945, 700.000 en 1970, 1.800.000 en 1992, 2.275.000 en 2005. 2. La culture de masse Développement des médias (télévision, presse, radio, et même livre de poche) depuis les années 1960 qui diffusent des modèles culturels stéréotypés et homogénéisent les opinions. On peu envisager sous cet angle l’américanisation des modes de vie (doc p. 336-337) La télévision accompagnée du magnétoscope puis du lecteur DVD aujourd'hui est devenue le loisir numéro un des français : près de 100% des ménages en sont équipés (71% d’un lecteur DVD), 83% la regardent quotidiennement, ils n'étaient que 51% en 1967. 3. De nouvelles sensibilités Dans les années 1960 et 1970 : volonté de rupture avec l'ordre ancien et les traditions, revendication de libertés individuelles et collectives (mai 1968). Des valeurs qui s'affirment surtout dans les années 1980 : l'argent, la réussite, la recherche du bonheur individuel et de l'épanouissement personnel au détriment des valeurs collectives. Une baisse de la pratique religieuse. 63% des français se déclarent encore catholiques alors que moins de 10% d'entre eux sont pratiquants réguliers. La période de l’après-guerre a vu l’émergence d’autres traditions religieuses (Islam, bouddhisme…) restant minoritaires ainsi que de l’athéisme (27% de personnes sans religion). Une baisse de l'engagement, du militantisme : le taux de syndicalisation est tombé à moins de 7% mais les sportifs affiliés à des clubs n'ont jamais été aussi nombreux. Certains diagnostiquent une crise de l’autorité, visible notamment à l’école ou à travers les incivilités et la délinquance. III. Une évolution inégalitaire A. Au niveau des conditions de vie 1. Les inégalités de salaires et de revenus Elles tiennent à la qualification, à la branche d'activité, au sexe… Pendant les Trente Glorieuses, certaines catégories sont exclues de la prospérité : les retraités, les handicapés, les immigrés… En 1970, 20% de la population est exclue de la société de consommation. C'est la crise qui crée les "nouveaux pauvres" et grossit le "Quart monde". La création du RMI en 1998 ne constitue qu'un maigre palliatif que touchent 1 million de personnes en 2004. 2. Les inégalités de logement Avant 1970, les logements insalubres et les bidonvilles (qui existent même dans la région parisienne) regroupent nombre de personnes âgées et d'immigrés. Aujourd'hui, on considère que 14% des Français sont mal logés, sans compter les SDF (Sans Domicile Fixe) qui sont plus de 80 000. 3. Les inégalités devant la santé L'inégalité d'espérance de vie entre les hommes et les femmes a connu un pic dans les années 80-90 : 5,8 ans en 1950, 8,2 ans en 1992 mais elle est en train de se réduire : l’espérance de vie des hommes augmente désormais plus vite que celle des femmes. L'inégalité entre les catégories sociales est également très grande : la mortalité augmente au fur et à mesure que l'on descend dans la hiérarchie sociale : l’espérance de vie des ouvriers est ainsi inférieure de 7 ans à celle des cadres supérieurs. 4. Les inégalités devant les loisirs 60% des Français, en moyenne, partent en vacances, mais 83,5% des cadres supérieurs et 52% des ouvriers. Les inégalités en ce qui concerne les types de loisirs ont grandi malgré la généralisation de l'enseignement secondaire, y compris à l'intérieur des classes moyennes. Ainsi, seules les classes aisées profitent, en général, de plusieurs séjours dans des environnements différents chaque année. B. Au niveau des conditions de travail De 1945 à 1967, les français ont connu le plein emploi. En 1974, le chômage ne touchait que 2,5% de la population active mais plus de 10,5% en 1992 et encore plus de 8% en 2007. Le chômage devient un "fait de société". Les plus touchés restent les jeunes de moins de 25 ans, les femmes et les immigrés (dont le taux de chômage est le double de la moyenne nationale en 2005). C. Au niveau culturel Le développement de la scolarisation massive (collège unique) a permis l’accès de l’ensemble des Français à un niveau de formation minimal (BEPC, voire bac). Il y a bien eu démocratisation de l’enseignement puisque dans les années 30, seuls 2% des enfants d’ouvriers accédaient au bac. Toutefois, les inégalités sociales restent fortes, et se creusent de plus en plus au fur et à mesure que l’on progresse dans le système scolaire (les enfants e d’enseignants représentent 3% des élèves de 6 , mais 12% des élèves des CPGE, ceux d’ouvriers respectivement 30 et 6%) En 2006, on estime que 90% des enfants de cadres ont leur bac contre moins de 50% des enfants d’ouvriers (dont 15% seulement ont un bac général). L’illettrisme touche près de 9% de la population adulte dont, proportionnellement, un grand nombre de personnes de plus de 45 ans (>50% du total), des hommes (11% contre 8% chez les femmes), des personnes vivant dans des ZUS ou titulaires de minimas sociaux. La hausse du niveau des qualifications délivrées par l’Education Nationale n’a pas permis de résoudre le problème du chômage des jeunes de moins de 25 ans. Conclusion Les soixante dernières années ont donc profondément bouleversé la structure de la société française et sa culture. Le développement de la société de consommation et de la culture de masse a privilégié les attitudes individualistes et remis en cause les grandes structures collectives (armée, école, Eglises). Pour autant, cette évolution n’a pas profité à tous les Français : les inégalités, bien que réduites, persistent.