Politisation et participation citoyenne - DIAL

Transcription

Politisation et participation citoyenne - DIAL
UMR 225 DIAL_IRD Paris-Dauphine
Premiers résultats de
l’enquête « Afrobaromètre 2013 » à Madagascar
Octobre 2013
Le rapport à la politique à Madagascar :
Politisation et participation citoyenne
Afrobaromètre est une série comparative d'enquêtes d’opinion menée dans 35 pays africains
et visant à mesurer et à analyser l’évolution du point de vue des citoyens sur la
gouvernance, la démocratie, la société civile, les performances économiques et la qualité de
vie, à travers une série d’enquêtes auprès des ménages, représentatives au niveau national.
La constitution du réseau Afrobaromètre est une initiative conjointe de l’Institut pour la
Démocratie d’Afrique du Sud (Institute for Democracy in South Africa [Idasa]), du Centre
Ghanéen pour le Développement Démocratique (Center for Democratic Development [CDDGhana]) et de l’Université du Michigan (Michigan State University [MSU]), en association
avec des partenaires nationaux dans chaque pays. Le 1er round/vague d’enquêtes
Afrobaromètre a été menée de 1999, et le réseau est actuellement au 5ème round/vague.
Madagascar a rejoint le projet Afrobaromètre en 2005 et, cette année 2013, le pays est à sa
troisième enquête. Trois partenaires sont engagés dans la mise en œuvre du projet
Afrobaromètre à Madagascar : le cabinet COEF Ressources, DIAL - une unité de recherche
de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) et de l'Université Paris Dauphine
(UPD) - et l’Institut National de la Statistique (INSTAT).
La troisième enquête (round 5) d’Afrobaromètre a été menée à Madagascar du 11 mars au 7
avril 2013. L’enquête a touché un échantillon de 1 200 individus âgés de 18 ans et plus,
réparti sur tout le territoire national et représentatif de l’ensemble des citoyens malgaches,
avec une marge moyenne d’erreur d’échantillonnage de plus ou moins 3 % (au seuil de
confiance de 95%).
1
La participation citoyenne à Madagascar
Résultats
Politisation et orientation politique

Un recul très important de la politisation
La politisation des Malgaches apparaît structurellement faible. En 2005, lors de la première
enquête, les Malgaches étaient les moins intéressés par les affaires publiques des 18 pays
d’Afrique Sub-saharienne interrogés (avec le Cap Vert) et ceux qui parlaient le moins
souvent politique avec leurs proches. La politisation s’était néanmoins accrue en 2008 (les
intéressés ou très intéressés passant de 50 % à 59 % des enquêtés) dépassant alors celle
constatée en Afrique du sud, au Nigéria et au Libéria.
En 2013, le recul de la politisation est en revanche très important : seuls 40 % des
Malgaches se déclarent désormais intéressés ou très intéressés et 60 % d’entre eux disent
ne jamais parler politique avec leurs amis ou les membres de leur famille. Comme en 2005,
les Malgaches apparaissent ainsi les moins politisés des pays africains couverts par
l’enquête Afrobaromètre, attestant de l’importance de leur déconnexion d’avec le monde
politique.
Figure 1 : La dépolitisation des Malgaches
100
Parler politique avec ses proches
8
12
12
80
60
39
41
32
50
59
49
41
2005
2008
40
40
48
46
60
2005
2008
Occasionnellement
20
58
0
0
Jamais
80
60
40
20
Intérêt pour la politique
100
2013
Fréquemment
2013
Plutôt ou très intéressé
Pas du tout ou pas très intéressé
Sources : Enquête Afrobaromètre, Coef Ressources/Dial/Instat, Madagascar, 2005, 2008 et 2013.
Afrobaromètre round 5 à Madagascar – Diffusion des premiers résultats – octobre 2013
2
La participation citoyenne à Madagascar

Un très faible recours aux moyens d’information
Cette faiblesse de la politisation est marquée et renforcée par un faible recours aux moyens
d’information, tout particulièrement dans les zones rurales (qui regroupent 77 % de la
population). Les ruraux n’ont en effet quasiment jamais accès aux journaux ou à la télévision
et ne sont que 56 % à écouter les informations à la radio au moins quelques fois par
semaine, contre 70 % en moyenne dans les pays d’Afrique couverts par l’enquête
Afrobaromètre, alors même qu’ils ne possèdent qu’à peine moins fréquemment de radio
(63 % des ruraux Malgaches en possède une contre 67 % des Africains). Cette couverture
médiatique marque par ailleurs un net recul par rapport à 2008.
Figure 2 : Un recul du suivi des informations dans les médias, particulièrement
en zones rurales
80
60
37
25
40
20
10
16
0
2008
5
31
31
5
2013
Télévisions
Tous les jours
2008
2013
9
5
4
2008
2013
2
Radios
Journaux
Quelques fois par semaine
Sources : Enquête Afrobaromètre, Coef Ressources/Dial/Instat, Madagascar, 2008 et 2013.

Un monde politique opaque
Ce très faible intérêt pour la politique va de pair avec une importante désorientation politique.
La politique apparaît parfois incompréhensible à 73 % des personnes interrogées (contre
68 % en 2005)1.
1
D’accord ou tout à fait d’accord avec la phrase : « : Parfois la politique et le gouvernement semblent
si compliqués que quelqu’un comme moi ne comprend pas vraiment ce qui se passe.
Afrobaromètre round 5 à Madagascar – Diffusion des premiers résultats – octobre 2013
3
La participation citoyenne à Madagascar
De fait, seuls 29 % des Malgaches se déclarent proches d’un parti (en recul de 9 points par
rapport à 2008 et 2005) ce qui constitue le plus faible taux de proximité partisane des
23 pays (avec la Mauritanie). 30 % des Malgaches ne répondent d’ailleurs même pas à cette
question (ce pourcentage ne dépassant pas les 4 % dans les autres pays), comme si la
notion même de parti politique était méconnue.
Participation citoyenne

Une participation citoyenne atone et en recul
La participation citoyenne apparaît particulièrement faible à Madagascar.
Seuls 35 % des Malgaches ont participé au cours des 12 derniers mois à une réunion locale
(quartier, village), un pourcentage très inférieur à celui constaté en moyenne dans les pays
d’Afrique couverts par l’enquête (60 %).
Figure 3 : Avoir participé à une réunion de la communauté
100
80
60
20
0
43
33
25
30
31
30
Tous
Urbain
Rural
60
40
33
35
36
27
12
Afrique
Non je ne le ferai jamais
Je le ferai si j'en ai l'occasion
Oui au moins une ou deux fois
Sources : Enquête Afrobaromètre, Coef Ressources/Dial/Instat, Madagascar, 2008 et 2013.
Les Malgaches se sont néanmoins réunis plus fréquemment avec d’autres pour aborder un
problème au cours des 12 derniers mois. Ils sont en effet 46 % dans ce cas, ce qui est donc
Afrobaromètre round 5 à Madagascar – Diffusion des premiers résultats – octobre 2013
4
La participation citoyenne à Madagascar
non négligeable mais concerne a priori des actions locales, spécifiques et ponctuelles. Ce
mode de participation collective connaît par ailleurs une baisse sensible depuis 2005 : les
Malgaches étaient en effet 72 % dans ce cas en 2005 et 53 % en 2008.
Figure 4 : Se réunir avec d’autres pour régler un problème
au cours des 12 derniers mois
100
80
60
28
25
33
34
32
13
11
13
54
54
53
Tous
Urbain
Rural
40
20
44
0
Tous
2008
Jamais fait
Oui ou une deux fois
2013
Plusieurs fois ou souvent
Sources : Enquête Afrobaromètre, Coef Ressources/Dial/Instat, Madagascar, 2008 et 2013.
Les autres formes de participation collectives apparaissent, elles, particulièrement peu
répandues.
Seuls 17 % des Malgaches sont en effet adhérents d’une association ou d’un groupe
communautaire, ce qui est le plus faible taux d’adhésion des 23 pays d’Afrique pour lesquels
les données sont disponibles (la moyenne est de 37 %). Cette faible implication collective
n’est de surcroît pas compensée par la participation à des rencontres religieuses en
dehors des services de culte, qui pourraient être l’occasion d’échanges autour de
questions collectives. En effet, seuls 29 % des Malgaches participent à de telles réunions, ce
qui est là encore un des taux d’encadrement par les groupes religieux les plus faibles des
23 pays (la moyenne est de 52 % et seuls deux pays ont un taux inférieur : le Lesotho avec
19 % et la Mauritanie avec 28 %).
Afrobaromètre round 5 à Madagascar – Diffusion des premiers résultats – octobre 2013
5
La participation citoyenne à Madagascar
Figure 5 : La participation associative
80%
70%
63%
Madagascar
Moyenne ASS
48%
Moyenne ASS
Groupe religieux
Madagascar
Association ou groupe communautaire
Non adhérent
Question : Maintenant votre rôle dans la communauté. Je vais vous lire une liste d'organismes ou de groupes
auxquels les gens adhèrent ou participent. Pour chacun d'entre eux, pourriez-vous me dire si vous en êtes
Dirigeant, Membre actif, Simple adhérent ou Non adhérent: une association ou un groupe communautaire ; un
groupe religieux qui tient des rencontres en dehors des services de culte?
Sources : Enquête Afrobaromètre, Coef Ressources/Dial/Instat, Madagascar, 2013.
Quant aux mobilisations protestataires, elles sont encore plus rares : moins de 10 % des
Malgaches y ont eu recours au cours de l’année passée. Cette forme de participation fait en
effet l’objet d’un tabou. Plus de 80 % des enquêtés affirment ainsi qu’ils ne participeront
jamais à une manifestation ou une marche de protestation et qu’ils n’useront jamais de
violence pour des causes politiques.
Cependant, même s’ils ne sont que 8 % à avoir déjà refusé de payer une taxe ou une
redevance au gouvernement, 27 % des Malgaches (35 % en zone urbaine) se disent prêt à
le faire s’ils en avaient l’occasion.
Afrobaromètre round 5 à Madagascar – Diffusion des premiers résultats – octobre 2013
6
La participation citoyenne à Madagascar
Figure 6 : La mobilisation protestataire
Refuser de payer une
taxe/redevance au
gouvernement
Participer à une
manifestation ou une
marche de protestation
Utiliser la force ou la
violence pour une cause
politique
Non. Je ne le ferai jamais
55%
27%
81%
8%
10%
86%
4%
1%
6%
Non. Je le ferais si j’en ai l’occasion
Qui. Une ou deux fois
Sources : Enquête Afrobaromètre, Coef Ressources/Dial/Instat, Madagascar 2013.
Question : Voici une liste d’actions que les gens mènent parfois en tant que citoyens. Pour chacune d’entre
elles, veuillez me dire si vous avez personnellement effectué une de ces actions au cours des 12 derniers mois.
Si non, le feriez-vous si vous en aviez l’occasion?
Il faut enfin souligner que ce constat global de faiblesse des différentes formes de
participation sociale et politique à Madagascar semble résulter plus de la déliquescence des
structures, des instances de représentations sur lesquelles les citoyens peuvent s’appuyer
que d’une véritable démobilisation. Différents indicateurs témoignent en effet de la volonté
des Malgaches de jouer un rôle en tant que citoyen et mettent clairement en avant leurs
aspirations démocratiques (voir le communiqué du 31 octobre). Comparé aux 30 pays
analysés, Madagascar fait notamment partie de ceux où la revendication du rôle du citoyen
dans le suivi des actions des dirigeants est la plus forte. Par exemple, la majorité
(respectivement 60%, 53% et 58%) considère que ce sont les électeurs qui doivent s’assurer
que le Président, les députés ou les conseillers communaux fassent correctement leur travail
(contre 38%, 36% et 36% en moyenne pour les pays d’Afrique enquêtés).
Contact : Cabinet COEF Ressources
E. mail : [email protected]
Contact : UMR DIAL-IRD
site : www.dial.prd.fr
Ce document a été réalisé par Laetitia Razafimamonjy, Mireille Razafindrakoto,
Désiré Razafindrazaka, François Roubaud, Jean-Michel Wachsberger
Afrobaromètre round 5 à Madagascar – Diffusion des premiers résultats – octobre 2013
7