Comment réussir à être un bon imam en occident
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Comment réussir à être un bon imam en occident
Page 1 sur 94 بسم هللا الرحمن الرحيم كيف تكون إماما ناجحا في الغرب؟ COMMENT RÉUSSIR A ÊTRE UN BON IMAM EN OCCIDENT ? CONSEILS PRATIQUES ISSUS DE L’EXPERIENCE Écrit en arabe par Ahmed El Habti (Abou Khalid) Traduction : professeur Mohammad Lazrak Louange à Allah et bénédiction et salut sur l’ensemble de ses prophètes et de ses messagers I NVOCAT IONS Ô Allah, notre Seigneur nous nous réfugions auprès de Toi pour nous préserver de nous égarer ou d’égarer, de pécher ou d’inciter aux péchés, d’être injustes ou victimes d’injustice, d’être violents ou victimes de violence. Ô Allah Toi qui inspire la droiture, Toi qui fais descendre le Coran, inspire nous dans ces lignes des paroles raisonnables dont profiteront les gens et qui demeureront sur terre. Donne- nous Ô Allah la beauté de la sincérité et embellit nos cœurs par Ta crainte. Mets- nous sur la bonne voie Page 2 sur 94 et achève notre vie dans la bonté et le bonheur de Ton agrément. Ô Celui dont Tes trésors sont inépuisables, satisfait la demande de chacun de Tes serviteurs. Me concernant, ma requête aujourd’hui est de me préserver de la méchanceté de mon être, de ma langue, de ma plume et de faire en sorte que cet écrit soit voué à Toi, Allah le Généreux. Ô Seigneur Ô Seigneur Ô Seigneur. ... ! Je viens à Toi, Tout miséreux, Toi qui détiens la richesse. Et c’est Toi L’Eternel Bienfaiteur. P REAMBULE En Islam, la fonction d’imam est une mission auguste, une lourde responsabilité qui n’est confiée qu’à des hommes exceptionnels, éminents, choisis par Allah l’Exalté, pour son message et sur lesquels Il a veillé de Son œil. Il a dit, Exalté soit-Il, louant les imams qui guident sur la bonne voie : « Et nous avons désigné parmi eux des dirigeants qui guidaient (les gens) par Notre ordre aussi longtemps qu’ils enduraient et croyaient fermement en Nos versets » (Sourate As Sajdah). Il ne fait pas de doute, que la réussite ou l’échec des imams se répercutent sur leur entourage, car l’imam soit être suivi, selon le propos du prophète (prière et bénédiction d’Allah sur lui) (PbAsl) (rapporté par Al Boukhari). Si la fonction de l’imam se limitait seulement à présider la prière et à prononcer le sermon, la tâche aurait été simple, mais c’est loin d’être le cas. Mais, elle est plus profonde, plus large, plus grave. C’est d’ailleurs peut-être pour cela que notre maître, le compagnon du prophète Abdoullah Bnou Omar – qu’Allah l’agrée – avait dit : « Je n’arbitrerai pas un litige opposant deux personnes et je ne ferai pas l’imam devant deux hommes ». Page 3 sur 94 La fonction d’imam est un héritage légué par le prophète ; c’est un modèle spirituel complet et global, à suivre, spécialement dans le contexte occidental ; un contexte épineux et spécifique dans lequel l’imam représente énormément de choses et assume des fonctions multiples difficiles à gérer tout seul. En effet, il est le guide et le symbole ; il préside la prière, prononce les prêches, oriente, exhorte et guide les croyants. Il est le père qui éduque, l’autorité en matière de jurisprudence, le conseiller social. Il reflète l’image de l’Islam dans la société occidentale ; bref, ici, l’imam est ce qu’est le soleil pour la terre ou la santé pour le corps. C’est cette image qu’a utilisée l’imam Chafii en parlant de l’imam Ahmed – qu’Allah les agrée –. Qu’Allah agrée aussi celui qui a dit dans une poème : « On t’a proposé pour une tâche qui, si tu en entrevoyais l’ampleur, tu te cacherais pour ne pas avoir à brouter avec des chameaux livrés à eux-mêmes ». En connaissance de l’importance de la fonction des imams, le prophète (PbAsl) a demandé à Allah qu’Il leur accorde la guidance dans ces termes : « ... Ö Allah, guide les imams et pardonne aux muezzins » (rapporté par Abou Daoud). Nous sommes persuadés qu’il est du devoir des imams expérimentés, d’épauler leurs nouveaux confrères et de leur tendre la main pour les assister, afin qu’ils prennent leurs fonctions sur des bases saines et solides. De leur côté, les nouveaux imams doivent écouter leurs aînés et profiter pleinement de la richesse de leur expérience pour éviter de tomber dans les mêmes erreurs que leurs prédécesseurs. Il est dit dans une sagesse courante : « Ne répète l’expérience déjà testée que celui dont l’intelligence est en panne ». Dans cette optique, on retrouve les paroles suivantes du pionnier de la langue arabe Mostapha sadeq Arrafii – Qu’Allah le comble de sa Page 4 sur 94 miséricorde – à savoir : « Si tu recherches la rectitude dans le jugement adresse-toi à celui qui a fait des erreurs ». Les prophètes nous ont légué le bien et nous ont conseillé de le transmettre – fasse Allah que nous suivions leur voie –. Allah dit dans le Coran (les recommandations qu’Ibrahim et Jacob ont faites à leurs enfants) : (Ô mes enfants certes Allah a choisi pour vous la religion ; ne mourrez point donc autrement qu’en soumis (à Allah) (Sourate al Baqarah / verset 132). De même qu’Allah – soubhanah- a dit citant Ibrahim : Et il en fît une parole qui devait se perpétuer parmi sa descendance : Peut-être reviendront ils. (Sourate Azzoukhrouf / verset 28). Le Coran nous a rapporté également quelques-uns des conseils que Loqman, le sage, a prodigués à son fils – conseils combien précieux et qu’il faut toujours garder à l’esprit – . Quant à la Tradition du prophète (PbAsl), elle regorge de recommandations dont nous citons, à titre d’exemple, ce qui suit, rapporté par le compagnon du prophète Al Irbad Bnou Saarya – Qu’Allah l’agrée – à savoir : « Le prophète - PbAsl - s’est adressé à nous dans un sermon si touchant que nous en avons pleuré et que nos cœurs furent saisis d’émotions. Quelqu’un dit alors : « Ô Messager d’Allah on dirait que cette exhortation est un adieu, que nous recommandez-vous ? Il dit : Je vous recommande la crainte d’Allah, de l’écoute et de l'obéissance. ... (Rapporté par Attirmidi). Suivant la voie des prophètes et des Messagers, nombre de nos éminents ulémas, ont veillé à transmettre la fonction de l’imamat ainsi que celle d’enseignant à leurs fils et à leurs étudiants. Ils ont dépensé à cette fin de l’argent et du temps, tout en étant satisfaits de dédier cette œuvre pour l’amour d’Allah. En effet, beaucoup d’uléma et des gens de savoir – Qu’Allah les comblent par sa miséricorde – avaient pris l’habitude d’écrire Page 5 sur 94 leurs recommandations et leurs conseils destinés initialement à leurs enfants, puis avec la bénédiction d’Allah cette bonne initiative s’est étendue au profit de l’ensemble des gens à travers les époques et les contrées. Parmi ces recommandations, les plus anciennes chez les orientaux, on relève celles léguées à son fils par Al Imam Jamal Eddinn Al jauzi à savoir : les conseils de mon cœur à mon fils ; c’est de la sagesse dont aucun étudiant ne peut s’en passer. Les ulémas de l'Occident musulman (L’Andalousie et l’Afrique du nord) ont participé efficacement, aussi, dans ce patrimoine. L’on note dans ce contexte : -Le legs de l’imam Abou L'Walid Soulaïmann bnou Khalaf Al Bajji -Le Legs laissé à son fils par Issa Bnou Imran Alwardmichi. - Le legs de Hassan bnou Massoud Al Youssi à ses enfants. - Le legs de Abi Hayyan Al Andaloussi à ses enfants. - Le legs de Lissann Eddinn Al Khatéb à ses enfants. - Le legs de Abi Mohammed Abdallah Al Habti à ses disciples. Tous ces legs sont, grâce à Allah, édités et diffusés. Outre cela l’on trouve également des mémentos, des journaux, des biographies récentes, tels les souvenirs du sheikh Ali At Tantaoui ou du cheikh Abou L’hassan Anna Douai, du professeur El Arbi Al Hilali Al Filali, du faqih Al Marir Attitouani, du faqih Mohammed Daoud, du professeur Abou Bakr Al qadiri, etc. Ces legs sont autant de mines de conseils dont le but est d’orienter les générations futures et de les mettre sur la bonne voie. Page 6 sur 94 Nous saisissons cette occasion pour espérer qu’Allah – Exalté soit Il – fasse que nos ulémas en Occident, écrivent eux aussi, leur autobiographie et leurs recommandations avant l’ultime voyage vers l’au delà. Leur expérience est riche et sera – s’il plaît à Allah – d’une grande utilité. Dans un hadith rapporté par Abou Horaïra, le prophète – PbAsl - a dit : « parmi les bonnes œuvres qui rejoignent le croyant décédé, il y aura ce qu’il aura professé ou diffusé comme science ». Les ulémas entendent par ce hadith qu’ils ont le devoir d’écrire et de diffuser la science utile pour en assurer la pérennité, comme l’ont souligné les imams Assayouty et Al Zarkashi. Il n’est pas dit que les recommandations sus- visées soient toujours faites de l’amont vers l’aval, du transcendant au descendant, mais plutôt dans l’esprit préconisée par la sagesse de l’imam Al Izzou Bnou Abd As Salam – Qu’Allah l’ait dans sa miséricorde – à savoir : « Réponds à celui qui t’invite auprès de ton Maître quel que soit l’invitant, petit ou grand, car tu auras alors obéi à ton Maître (tiré de l’ouvrage intitulé l’arbre du savoir et des aspects). Dans le même contexte dans un hadith rapporté par Attirmidi, le prophète (PbAsl) a dit : « Nombreux sont ceux qui apportent le savoir à plus savants qu’eux. » Dans cette perspective, je joins mes recommandations de bonnes œuvres à celles de mes pairs, les imams dont je ne prétends pas être meilleur, et ce pour répondre aux vœux de celui dont je ne peux qu’agréer les vœux. Je me base sur une expérience accumulée sur 25 ans, dans la ville d’Epinal à l’Est de la France, en tant qu’imam en Occident et durant laquelle chaque jour a apporté son lot d’édifice. Nous demandons à Allah de nous accorder le bénéfice des bonnes œuvres et de faire que notre adieu à ce bas-monde se fasse dans les meilleures conditions. Amen ! Page 7 sur 94 « Nous n’aurions pas été guidés si Allah ne nous avait pas guidés » (sourate Al A’raf / verset 43). « C’est tout au contraire une faveur dont Allah vous a comblée en vous guidant vers la foi » (sourate Al Houjourat / verset 17). C’est Allah qui accorde la faveur et le mérite. Le présent travail représente des pensées cordiales et des réflexions spontanées que je livre timidement et rapidement. Le but étant que la personne ne reste pas dans la passivité, qu’elle évite les écueils et qu’elle tende vers la perfection humaine. « Beaucoup d’hommes sont parvenus à la perfection humaine » a dit le prophète (PbAsl) d'après un hadith. Ceci dit, nous sommes sûrs que nos imams sont, grâce à Allah, brillants et parmi les meilleurs, compte tenu de l’époque et des gens. J’ai mis l’accent dans cet ouvrage sur les recommandations les plus essentielles, et j’ai donné exceptionnellement plus de détails dans certains chapitres du fait - à mon sens - qu’elles touchent à la réalité quotidienne des imams en Occident, quoique certains les verront comme des évidences. Les points de suspension «.. » rencontrés dans le texte voudront dire que d’autres impressions traversent ma pensée, mais que ma langue n’a pu les exprimer. Ces feuilles, à l’instar des exhortations littéraires anciennes émanent et s’adressent à notre cœur. Elles donnent libre cours à la plume et sont de ce fait, loin de la rigueur académique. Entrons donc dans le vif du sujet.. Page 8 sur 94 RECOMMANDATION 1 : L A CONV ICT ION QUE LA FONCT ION D ’ IMAM EST UNE MISSION Cela veut dire que l’imam doit avoir entièrement foi en sa mission, qu’il ne doit pas s’en acquitter comme contraint et forcé ou comme une faveur de sa part ou en s’en plaignant ou encore en la ressentant comme un complexe d’infériorité. Au contraire, il doit être fier d’assumer la meilleure des missions, qu’il tient les meilleurs propos en dépit de toutes les difficultés et de tous les obstacles car : - Il est porteur du saint Coran qu’il mémorise entièrement, en principe. - Il assume la mission des prophètes. - Il veille sur l’héritage prophétique - Il assure la continuité des Messagers – Que le salut d’Allah soit sur eux –. Ses paroles et son rang sont les meilleurs qui soient ; sa fonction est la plus honorable qui soit : « Et qui profère plus belles paroles que celui qui appelle à Allah » (Sourate Foussélate / verset 33). « Nous t’avons certes donné les sept versets que l’on répète ainsi que le Coran sublime. Ne regarde surtout pas avec envie les choses dont nous avons donné jouissance temporaire à certains couples d’entre eux » (Sourate Al Hijr / versets 87, 88). L’imam ne pourra jamais obtenir l’effet escompté sur les fidèles et en devenir l’exemple s’il n’a pas foi en sa mission et s’il répète souvent : Qu’Allah me fasse grâce et me délivre de cette profession ? La réponse est évidente, car celui qui ne possède pas un bien ne peut le donner, et le verre ne déborde pas s’il n’est pas plein – disent les sages. Page 9 sur 94 Ci-après des versets coraniques qu’il y a lieu de méditer, à savoir : (Le Messager d’Allah a cru en ce qu’on a fait descendre vers lui venant de son Seigneur ainsi que les croyants (Al Baqarah / verset 285), ce qui signifie que le Messager était le premier à croire à son message, en tant qu’exemple, au même titre que les croyants. Il était donc sans conteste le premier des croyants de la Oumma, le premier soumis (à Allah), le premier à s’adresser en prière à Allah, le premier à prodiguer l’aumône et le plus patient. « Et je suis le premier à m’être soumis (à Allah) » (Sourate Al An'am / verset 163). Médite aussi la fierté qu’il ressent - PbAsl - à l’égard de la mission dont Allah l’a investi quand il a dit le jour de la bataille de Hounaïne : « Je suis le prophète non un mensonge, je suis issu de Abd Al Mouttalib ». L’imam a donc le devoir de dire tout haut et fort, sans complexe et sans ambiguité : je suis l’imam, le muezzin, je suis au service de la foi, je suis issu de la mosquée, je guide vers le bien, je suis « l’assistant »’ « pompier »’ et le « secouriste ». Ce sont autant de facteurs de fierté, d’honorabilité et de couronnes que chacun convoiterait de porter : « Seigneur donne nous en nos épouses et nos descendants la joie des yeux et faits de nous un guide pour les pieux » (Sourate Le discernement / verset 74). Y-a-il plus grand honneur que d’exercer la fonction d’imam, fonction remplie par le prophète personnellement et reprise après lui par les khalifs bien guidés. De tout temps et partout, les musulmans n’ont choisi pour ce poste que le meilleur d’entre eux et le plus parfait parmi eux. Dans un hadith rapporté par Mouslim, le prophète a dit : « Trois personnes prendront place sur des collines de musc le jour de la résurrection et l’un d’eux est l’homme qui a été imam et dont les gens étaient satisfaits ». Et dans un autre hadith rapporté Page 10 sur 94 par Abou Houraïra, le prophète a dit : « L’imam a une rétribution qui vaut la somme des rétributions de ceux qui ont prié derrière lui ». Il est opportun de citer aussi que le prophète Ibrahim Al Khalil – Le salut d’Allah sur lui – quand il avait atteint le rang d’ « imam » dans le sens le plus large et le plus complet du terme et réalisant cet honneur dont Allah l’a gratifié, il le sollicita pour sa descendance 1 afin, qu’ensemble, ils s’élèvent encore plus haut comme exprimé dans le Coran : « Je vais faire de toi un exemple à suivre pour les gens et parmi ma descendance, demanda -t-il » (Sourate Al Baqarah / verset 124). Les jurisPrudents musulmans sont d’accord pour dire qu’il est tout à fait légitime pour les personnes qui sont persuadées de posséder les compétences acquises et la volonté sincère pour assurer les fonctions d’imam d’oser le faire, car l’on a rapporté qu’un compagnon du prophète- PbAsl - lui a dit : « Désigne-moi comme imam des gens de ma tribu et Il lui a répondu : Tu es leur imam et prends en 1 Il est bien connu par ailleurs que dans les pays Arabes, pendant des siècles des familles de souche ont, de père en fils, rempli de façon héréditaire les fonctions d’imam, à tel point qu’elles furent désignées par la dénomination de familles des imams et du savoir. Les plus illustres parmi elles sont : la famille Asseddiqine Attujkaniène à Tanger, la famille Al Othmaniène dans le Souss, les chérifs Kettani à Fès, les Al Achour en Tunisie. C’était un héritage sacré et beau. Toutes les fois qu’on me désigne un imam émérite, elle traverse mon esprit la phrase par laquelle le prophète Ibrahim (Sur lui le salut d’Allah) demanda à Allah que sa descendance hérite de cette auguste faveur et parmi ma descendance ? Page 11 sur 94 considération le plus faible d’entre eux » (Hadith rapporté par Othmann Bnou Abi Al Ass). Un certain imam (qu’Allah l’ait dans sa miséricorde) invoque Allah en disant : « Ô mon Seigneur, fais que je vive imam, que je meurs imam, et ressuscite- moi imam le jour de la résurrection » et effectivement Allah l’a ramené à lui alors qu’il était prosterné en prière, quelques instants avant d’escalader les marches du minbar pour prononcer le prêche. N’est-ce pas là la meilleure des fins que peut espérer celui qui a du discernement et de la clairvoyance. Il y a quelques mois, nous avons appris ici à l’Est de la France, la mort d’un imam vertueux. Il savait le Coran par cœur et en appliquait les préceptes. Il avait à cœur sa dignité d’imam et était très attaché à la mosquée à tel point qu’il en avait presque fait sa maison et son refuge et que c'était làmême qu’Allah avait pris son âme, comme il l’avait souhaité, en imam, dirigeant la prière du Ichaa et précisément en position de prosternation devant le créateur. Existe-t-il, mes frères, une fin de vie plus belle ? Qu’Allah t’accorde sa miséricorde, toi notre frère Abdoussalam !!. Quant au faqih Al Achraoui - surnom qu’il a mérité parce qu’il maîtrisait les dix modes de lecture du Coran - il était un prédicateur sublime. Il s’appelait Abdoussalam Houbbouss. Il se déplaçait en plusieurs lieux pour enseigner le tajwid, malgré le cancer dont il souffrait et il disait au cours de ses déplacements : « Je désire qu’Allah me rappelle à lui pendant les cours de mon enseignement du Coran !». Allah lui laissa la vie encore plus de dix ans et l’a rappelé à lui effectivement pendant un cours de Coran qu’il donnait dans le cadre d’un examen de maîtrise qu’il passait à ses fidèles ;( le fait nous a été rapporté par une personne digne de confiance). Page 12 sur 94 Notre souhait est que la fonction des imams se maintienne en haute estime quelles que soient les conditions et les circonstances (parfois misérables) dans lesquelles elle s’exerce, car cette mission est vouée avant tout pour Allah. Un poète disait à ce titre : « j’ai demandé à la pauvreté : Où résidetu ? – Elle me répondit : « Dans les turbans des faqihs ». Il existe entre eux et moi une si profonde fraternité – que je ne peux les abandonner ». Pour sa part, Soufiane Bnou Ouyaïnah – Qu’Allah lui accorde sa miséricorde – a dit : « Il suffit que ces encriers pénètrent dans la maison d’un homme et voilà que la vie devient pénible pour la femme et les enfants !! ». Le même personnage demanda à quelqu’un : « Quelle est ta profession ? » « Je fais de la recherche dans les sciences du hadiths, lui répondit-il ». Et le personnage conclut en lui disant : « Annonce alors la bonne nouvelle de la faillite aux tiens ». Quant à notre maitre mon père2, qu’Allah fasse qu’il soit satisfait de moi, il dit : « Si l’on devait jalouser l’imam, il faut le jalouser sur la rétribution 2 Oui, cher père, moi j’envie ton parcours : Imam dans une antique mosquée durant environ 60 ans, ferme et constant tel une immense montagne, insensible aux tempêtes, ne se laissant pas influencer par les sentiments infâmes, te contentant en ce bas-monde du strict minimum que t’assurait ton salaire et quand je m’informais de ta situation (matérielle), tu répondais : « mon fils, ce bas-monde n’est qu’une étape éphémère ». Durant des décennies, père, les gens ont pu témoigner de ta rectitude, de l’abnégation avec laquelle tu remplissais tes fonctions d’imam, de ton affection et ton souci pour les gens et du sentiment de crainte que tu avais de ne pas faire assez. Je ne cherche pas à attester de l’honorabilité de qui que soit car Allah sait tout. Prions-Le de réserver à tous les croyants et croyantes la meilleure fin et qu’Il nous place dans la compagnie du maître des imams, dans l’endroit le plus haut du paradis. Amen. Page 13 sur 94 que lui accorde Allah et non sur celle que lui donne les gens; le jalouser aussi sur sa piété, non sur son gain matériel d’ici-bas ». Il est surprenant de constater que des personnes auxquelles Allah a accordé la faveur d’être des imams - c’est à dire représentantes et héritières des prophètes – et qui sont nourris et logées et ont tout ce qu’il faut, et pourtant, elles s’avisent de concurrencer les gens du commun pour des miettes de ce bas-monde. Elles croient qu’elles ont été distancées, trahies et piétinées. Mais la réalité est tout autre : ces gens du commun, ce sont nos frères, nos parents, qui ont émigré avant nous et ils ont gagné leur vie grâce à leurs métiers et leurs professions. Quant à nous imams, Allah nous a assigné une autre mission, à savoir l’éducation et l’enseignement. Nous assumons ce rôle comme les autres assument le leur dans les autres domaines. Il nous appartient d’être à la hauteur de notre tâche et de l’assurer avec sacrifice et abnégation. En effet, c’est une responsabilité historique que de former les hommes et de protéger les générations futures. Il ne faut nous assimiler messieurs ni à des fonctionnaires, ni à des spéculateurs ni à des artisans, bien que nous percevons un salaire déterminé, quel qu’il soit : nous sommes – avant tout – les dépositaires d’un message, les porteurs d’une consigne et les ambassadeurs de la clémence : « Les croyants n’ont pas à quitter tous leur foyer. Pourquoi de chaque clan quelques hommes ne viendraient-ils pas s’instruire de la religion pour pouvoir à leur tour avertir leur peuple afin qu’ils soient sur leur garde ». (Sourate At-Tawba / verset 122). Notre mission, ici, messieurs consiste à : Page 14 sur 94 - Corriger les fausses conceptions et combattre les préjugés - dont certains taxent l’Islam et les musulmans - par les actes et les paroles. - Servir la Foi ,par l’argument, la preuve et le comportement exemplaire - Diffuser la sagesse la clémence, et la tolérance - Instaurer la pratique saine de la religion et en exclure les motifs de discorde. - Protéger nos enfants de l'excès, du rejet des valeurs, du fanatisme, de la violence, de l, extrémisme, de la perversité et du reniement des leurs. Voilà notre destin, voilà le legs que nous avons reçu des prophètes, la mission de tout imam agissant dans la voie d’Allah dont il espère le bon accueil dans l’ultime demeure. « Ö Allah, fais que nous nous accommodions de ce que tu nous as accordé, que nous soyons satisfaits de notre lot et aide-nous à nous acquitter avec sincérité de notre mission ». Amen. Arrêtons-nous par déférence en face des paroles prodigieuses suivantes par lesquelles le prophète (PbAsl) a visé certains compagnons (Al Ansar) – qu’Allah les agrée – qui briguèrent certains biens de ce monde et qui faillirent perdre de leur haute situation : « Ö communauté des Ansars quelle est cette rumeur qui m’est parvenue sur vous? Et que vous a insufflé votre esprit ? Vous préférez, Ö Ansars, en votre for intérieur les biens dérisoires de ce bas- monde que j’ai offerts à des gens pour les motiver à embrasser l’Islam, et je vous ai confié à votre Islam que vous avez choisi. Vous n’êtes pas contents que les autres emportent brebis et chameaux et que vous vous retourniez, vous, avec le prophète chez vous ? Je jure par Celui qui tient la vie de Mohammed dans sa main que ce que vous allez ramenez, à votre Page 15 sur 94 retour, est mieux que le leur ». Ayant entendu ce discours, les gens pleurèrent jusqu’à mouiller leurs barbes par les larmes et répondirent : « Nous sommes contents que le Messager d’Allah soit notre lot et la part qui nous revient » (Hadith cité dans les Œuvres authentiques de Boukhari et de Mouslim). RECOMMANDATION 2 : A CCROITRE SON POTENT I EL SCIENT IFIQUE Cela semble une évidence, mais certains de nos confrères en Occident pensent malheureusement que leur « capital » de savoir leur suffit largement et qu’il est valable quelles que soient les circonstances ! Ils croient suffisantes des connaissances acquises dans des institutions traditionnelles ou dans des facultés modernes avec des mentions « bien » ou « honorable » ; ou ces connaissances glanées dans les recueils des anciens et de leurs successeurs ! Ils semblent oublier que ceux qui ont besoin plus d’actualiser en permanence leurs connaissances, ce sont justement les imams, car ils sont confrontés aux gens à tout moment et pour chaque événement. En effet, à l’époque des satellites et des nouvelles technologies de l’informatique, les fidèles de la mosquée, sont parfois plus documentés et informés que l’imam (en matière de connaissances) dans certains domaines et peut-être même ils ont plus de motivation et de détermination. Il est donc vital d’enrichir constamment ses connaissances. Allah Tout Puissant s’adressant à son prophète Mohammed (PbAsl) lui dit : « … et dis ô mon Seigneur accrois mes connaissances (Sourate Taha / verset 114). De son côté, Moïse, l’interlocuteur d’Allah, dans sa soif de connaissances a demandé au serviteur d’Allah Al Khidr dans les termes rapportés par le Coran : « Puis-je te suivre Page 16 sur 94 pour apprendre de ce qu’on t’a appris concernant une bonne direction? » (Sourate Al Kahf / verset 66). Quant au grand uléma et poète Al Khalil Bnou Ahmed Al Farahidi -qu’Allah lui accorde sa miséricorde - on raconte que quand il sortait de chez lui, il disait : « Si je tombe sur quelqu’un de plus fort que moi sur un sujet, j’aurais appris aujourd'hui quelque chose et si je tombe sur quelqu’un qui rivalise avec moi, je dirais qu’aujourd’hui c’était le jour de l’échange et du dialogue, mais si je tombe sur quelqu’un plus faible que moi, je dirais qu’aujourd’hui c’était un jour de rétribution, car je loue Allah pour la science qu’il m’a donnée ». Par ailleurs, l’imam historien Addahbi rapporte dans son ouvrage intitulé « biographies d’éminents ulémas (siyar Alam annoubala) » que ce même Al Khalil suscité ne faisait jamais cas de ce qu’il apporte à une personne quand il l’a éclairée sur un sujet donné, par contre quand il a profité du savoir de quelqu’un, il le lui montrait explicitement. Plût à Allah que nous adoptions cet exemple ! Normalement les imams en Occident devraient s’organiser légalement, et créer des journées de formations internes afin de se compléter mutuellement dans tous les domaines, chacun prodiguant à ses confrères ce qu’il possède de mieux dans diverses matières : psalmodie du Coran, langues, droit européen, art de l’expression et de l’écriture, astronomie, art de communication et de coaching ... C’est dans cet esprit d’entraide pour la diffusion de la science, recommandé par le Coran, que nous devons cheminer. Allah Tout Puissant a dit dans le Coran : … Et il y a toujours plus docte que soi entre les savants » (Sourate Youssouf / verset 76). … Et dépensent (obéissant à Allah) de ce que Nous leur avons attribué » (Sourate Al Baqarah / verset 3). Entraidez-vous dans l’accomplissement des bonnes œuvres et de la piété (Sourate Al Ma’ida / verset 2). S’il se trouve qu’un Page 17 sur 94 imam n’a pas de compétences personnelles particulières à partager avec ses collègues, il lui appartient de trouver la voie adéquate pour se perfectionner, à savoir : s’inscrire dans un cycle d’étude ; multiplier ses lectures ; aller vers les ulémas ; participer à des sessions de formation et consulter des sites scientifiques fiables. L’essentiel est de prendre conscience de son déficit en savoir et de chercher à y pallier en se tournant vers les personnes compétentes, en vue de combler ses lacunes et en acquérir de nouvelles compétences. Il faut porter dans son cœur la devise suivante : « Que la plume et l’encrier nous accompagnent tout au long de notre vie ». RECOMMANDATION 3 : S’ INVEST IR PAR L ’ ACT ION ET PROFITER DES CONSEILS Méditons dans les versets suivants où Allah soubhanah avertit les gens dont le comportement est en contradiction avec ce qu’ils disent: « C’est une grande abomination auprès d’Allah que de dire ce que vous ne faites pas. (Sourate AS Saf verset 3). Commanderiez- aux gens de faire le bien (zakat, sadaqate, hajj) et vous oubliez vous-mêmes de le faire alors que vous récitez le Livre ? Etes-vous donc dépourvus de raison? (Sourate Al Baqarah / verset 44). N’est jamais raisonnable celui dont les actes contredisent ce qu’il prône. Allah le met en garde et le menace de sanction. Outre cela, une telle personne encourt l’ironie des gens. Prions Allah de nous en préserver !!. Il faut d’abord soi- même pratiquer les prières et les invocations de la nuit pour s’en assurer le bénéfice avant de les conseiller aux autres ; donner soi-même l'aumône – l’exemple par l’action –, s’abstenir de calomnier, d’intriguer et de jalouser les gens si l’on veut que ceux à qui l’on conseille, en tant Page 18 sur 94 qu’imam, de faire les bonnes œuvres les fassent, sinon ces gens vous discréditent. Soyons conscients que nos comportements se révèlent au grand jour quoique nous fassions pour les masquer et cela aussi est une preuve de la puissance d’Allah. Voilà pourquoi le fervent adorateur d’Allah qui était un exemple dans la pratique du culte, Malik Bnou Dinar, – qu’Allah l’ait dans sa miséricorde – a dit : « Si l'uléma ne met pas lui-même en pratique les exhortations qu’il recommande, celles-ci glisseront hors des cœurs comme les gouttes de rosée sur le roc ». (Voir l’ouvrage intitulé Azzouhd / l’ascétisme de l’imam Malik, tome 1 / 323). Cet état de fait est avéré par expérience, car certains prédicateurs malgré leur immense talent d’orateur et leurs efforts, leurs paroles ne vont pas au-delà des oreilles ; leurs exhortations sont nulles d’effet ou tombent comme une masse de plomb sur les cœurs – qu’Allah nous en protège –. Par contre le discours des gens pieux et sincères – qu’Allah nous en fasse profiter – va droit aux cœurs, même lorsque un tel discours est malmené par des imperfections linguistiques ou méthodiques. « Ne dit-on pas que la pleureuse vénale ne vaut pas la femme qui pleure son fils? ». Je rapporte ici qu’un homme ne rentrait à la mosquée pour participer à la prière avec l’ensemble des fidèles qu'après que le prédicateur ait terminé son sermon. Il restait à attendre dans sa voiture car, disait-il, le discours de ce prédicateur n’a le moindre effet spirituel sur lui, et qu’il le mettait mal à l’aise. Un autre homme m’a confié qu’il se sentait mal s’il écoutait un certain prédicateur, pourtant bon orateur, alors qu’il l’appréciait auparavant, profitait de ses paroles et le tenait en haute estime. Les aveux de ces hommes m’ont donné le frisson et hérissé les cheveux. J’ai compris qu’ils nous adressaient, à nous autres prédicateurs, un Page 19 sur 94 message voulant dire : « méfiez-vous messieurs d’être rejetés du cœur des croyants, sans vous en rendre compte. Craignez messieurs les prédicateurs la parole adressée par Allah -Tout-Puissant à ses anges au ciel : « Je déteste untel, détestez le ». Invoquons Allah – Exalté soit-Il – de nous épargner le dévoiement et de ne pas nous abandonner. On raconte que l’imam Hassan Al Basri avait écouté quelqu’un prononcer un prêche sans que son cœur ne soit touché. Il s’adressa alors à cet imam et lui dit : « Ô toi, ou c’est ton cœur qui est corrompu ou c’est le mien ! ». De son côté, Al Ghazali, – qu’Allah le comble de sa miséricorde – a dit dans sa lettre adressée à Abi Hamid Ahmed Ben Salamah, résident à Maoucel en Irak : « Concernant la prédication et l’exhortation, je ne m’en sens pas apte, car comme il est exigé un seuil minimum requis (Nissab) pour s’acquitter à l’aumône obligatoire (zakat), il en est de même, pour l’exhortation. Celui qui ne possède pas le seuil minimum en termes de conformité aux principes de la foi, comment s’acquitte t-il à la Zakat, en termes d’exhortation. J’en suis donc exonéré». « L’on ne donne pas ce que l’on ne possède pas » et « l’ombre ne sera-t-elle jamais droite si le bâton est coudé ? Quant à notre Sheikh l’éminent érudit et expert en récitation du Coran le professeur Aïmen Rochdi Souaïd, il refuse souvent de faire le prêche du vendredi et diriger la prière. quand il venait parmi nous pour conseil et exhortation. Il a toujours désigné le meilleur de ses étudiants à cette tâche, en inculquant ainsi à ses étudiants la modestie et la maîtrise de soi. Il nous faisait fréquemment part de ses remords pour sa distraction, en termes de rappels d’Allah, et quand nous lui disions que ces remords n’étaient pas fondés, il nous répondait qu’il connaît parfaitement soi même. Nous avions honte de nous-mêmes comparés à lui, l’éminent uléma, tenaillé par des Page 20 sur 94 remords, lui dont l’activité dans sa demeure à proximité de la sainte mosquée et de la Kaaba vénérée, est l’écriture des ouvrages sur les sciences du Coran. Nous sommes persuadés qu’Allah ne l’a créé en cette époque précise, que pour être au service du son livre (saint Coran). Que dirions-nous, nous autres, qui ne faisons vraiment pas assez dans la voie des pieux ? Il ne nous appartient qu’à nous adresser à Lui dans les termes utilisés par l’imam Ach’chikhir: « Ô notre Seigneur sois satisfait de nous et si Tu n’es pas satisfait de nous pardonne nous, car le Seigneur peut pardonner à son serviteur sans qu’il en soit satisfait ». L’imam Ibrahim An’Nakhà’i a dit : « J’ai parlé, contraint – à défaut d’alternative –, sinon je ne l’aurais pas fait, et certes une époque qui a fait de moi un faqih, est une époque affligeante ». C’est pour ces raisons que je m’adresse d’abord à moimême, puis à messieurs les imams afin que nous exhortions plus nousmêmes avant de le faire envers les gens. De cette façon, nous serions plus crédibles envers nous-mêmes et plus utile aux gents. Ayons toujours à l’esprit le hadith suivant du Messager d’Allah - PbAsl - : « Celui qui enseigne aux gens de faire le bien et qui n’applique pas lui-même cet enseignement est comparable à la mèche d’une bougie qui dispense la lumière aux gens et se consume, quant à elle » (Rapporté par Attabarani). Pour parvenir à ce travail d’auto-exhortation, il faut s’acquitter de sa tâche en tant qu’imam et enseignant avec conscience et dévouement. Le grand érudit ; El Fassi Al Bouchikhi disait : « Lorsque les imams sont bons et valables, ils rayonnent sur leur entourage. Il suffit seulement qu’ils soient sincères..». Cependant, il n’est pas jamais facile de parvenir à vouer ses actions et son travail à Allah, car cela requiert une vigilance accrue et un effort permanent, sinon, on risque rapidement de glisser dans l’ostentation et Page 21 sur 94 de tomber dans l’orgueil et la vanité. Les gens qui connaissent le mieux Allah se rendent compte de ce risque. Jadis les gens pieux et encore de nos jours -Allah soit loué- contrôlaient leur intention pour s’assurer qu’elle est sincère et ce avant, pendant et après l’action ... « le cœur rempli de crainte, sachant qu’ils vont retourner à Allah » (Coran). Oui, ces imams avaient un comportement merveilleux envers Allah : Avant de sortir pour aller enseigner ou prononcer un prêche, ils invoquaient Allah avec beaucoup d’humilité, priaient et imploraient son pardon et certains d’entre eux donnaient de l'aumône avant d’aller donner leurs cours, ou buvaient de l’eau de Zemzem (pour la science et sa mise en œuvre), d’autres demandaient à leurs parents, à leurs sheikhs (maitres), et même à leurs élèves, de prier pour eux. A la fin de la conférence, ils invoquaient le pardon d’Allah et le priaient d’être satisfait d’eux. On a rapporté qu’Abou Is’Haq Ach’Chirazi – imam, guide et chercheur – qu’Allah l’accepte dans sa miséricorde – précédait ses cours et ses conférences d’une prière de deux unités et implorait Allah de considérer son activité en tant qu’une bonne œuvre à rétribuer. Quant à l’imam Ibn Al Jauzi, il se barbouillait le visage de sable avant de prononcer son prêche et d’exhorter les gens et ce par humilité devant Allah, en lui demandant de le protéger et d’agréer son travail. Les élus d’Allah(les pieux), de tout temps, répugnent de parler de leur personne, d’utiliser les pronoms « Moi, Je, J’ai, … ». Ils étaient discrets en tout. D’après l’ouvrage As Sahih, de Boukhari, un jour Omar Bnou Al Khattab, le compagnon du prophète – qu’Allah soit satisfait de lui – a posé cette question à Aoussia Al Qarni: « Qui es-tu ? Et ce dernier de répondre : « Berger, employé chez des gens !. » Page 22 sur 94 Parmi les paroles lumineuses du savant turc le professeur Saeid Annoursi – qu’Allah lui accorde dans sa miséricorde – on cite celles-ci : « Ö toi qui court constamment derrière la réputation éphémère, écoute ce que je te dis : « cette réputation c’est de le cœur de l’ostentation et c’est la mort du cœur. Ne la réclame pas, si tu ne veux pas devenir l’esclave des gens ; mais si malgré tout tu y accèdes, dis : Nous appartenons à Allah et à Lui nous retournons. ». Invoquons Allah de nous accorder protection et qu’Il soit satisfait de nous. Il n’y a pas mieux que de vivre sous l’ombre d’Allah jusqu’à ce qu’Il vous auréole ou votre tombe vous accueille. En effet, il n’y a aucune comparaison entre la réputation recherchée par soi-même et celle dont Allah vous accorde. Personne ne conteste cette évidence, mais il est tellement dur de se dépouiller de la tentation suscitée par cet appel et par satan. Mais Allah sauvegarde qui Il veut de la tentation. Celui qui court avidement derrière la réputation est dans un état grave. Pour satisfaire son ego, il dépenserait volontiers de l’argent, se compromettrait, s’allierait avec le diable et il prendrait même ses distances avec ses proches. Il affectionnerait l’ignorant et exprimerait de l’animosité pour le savant. Qu’Allah nous guérisse de telles déviations. Chers confrères, nous nous plaignons et nous souffrons tous du mal de l'égoïsme et de la vanité ; persuadons-nous, nous autres imams, que nous ne possédons pas le pouvoir de guider les gens, de les amender ni de les sauver, si nous voulons qu’Allah nous accorde sa grâce et son soutien. La délivrance, messieurs les imams, se trouve dans la sincérité « ikhlas » et dans le fait de préférer Allah aux personnes. La sincérité est la condition Sine qua non pour être musulman et l’imam n’est plus rien sans cette vertu et ne peut prétendre ni à la religion ni à l’au-delà. Sa faillite est sans appel, Page 23 sur 94 même s’il a reçu en legs la mission d’imam et de prédicateur de ses aïeux et de ses parents ! RECOMMANDATION 4 : L A RETENUE ET LA SOBR IETE L’imam qui se passe des autres, satisfait de sa situation et se retient de briguer quoi que ce soit appartenant à autrui garde l’estime des gens, en tant qu’imam. Par contre si l’imam est avide, sans élévation d’âme, corrompu – qu’Allah nous en préserve – il perd toute crédibilité et n’occupe plus de place dans le cœur des gens. Lorsque les mecquois s’attardaient à croire en la mission du prophète, le Coran les a interpellés en ces termes : « ... ou bien est-ce que tu leur demandes un salaire les accablant comme une lourde dette? (Sourate Al Qalam – La plume – / verset 46). En outre, Allah Tout Puissant-dit à l’endroit de Mohammed (PbAsl), dans un autre contexte : « S’il – le prophète – vous demandait vos biens importunément, vous deviendrez avares et vos haines apparaîtront au grand jour » (Sourate Mohammed / verset 37). Pour sa part l’imam Hassan Al Basri -qu’Allah lui accorde sa miséricorde - a dit : « L’homme demeure généreux et respecté dans l’esprit des gens tant qu’il ne s’avise pas de convoiter le moindre de leurs biens, mais dès qu’il le fait, ils le discréditent, s’en détournent et le haïssent ». Que de pseudo prétendants prédicateurs ici en Occident, eurent un énorme succès et attirèrent de loin des foules pour écouter leurs prêches et en tirer des leçons ; ils furent traités généreusement, mais les voilà qui se dévoilent et montrent une vénalité sans limite : Ils ne s’intéressent plus qu’aux cadeaux et aux gratifications. Ils s’accaparent de l'aumône obligatoire destinée normalement aux huit catégories de gens énumérés par Allah dans Page 24 sur 94 le Coran. Ils vont même plus loin, revendiquant une part de l’argent à attribuer aux pauvres ou aux ayants-droit de ceux qui le versent en expiation de certaines infractions aux prescriptions du fiqh ; même l'aumône ordinaire, destinée aux démunis, n’échappent pas à leur convoitise. Ils ne répugnent pas à tendre la main comme des mendiants. Ils recourent aussi à la fraude et à la simulation et abusent de la bonne foi des occidentaux dans certains centres sociaux sous des prétextes fallacieux. Ils se présentent en qualité d’imams, de prédicateurs, d’hommes de religion. Qu’Allah nous protège du savoir qui conduit à sacrifier sa dignité et sa réputation pour satisfaire des convoitises. Ö Allah, prends acte que nous condamnons les agissements de ces gens-là. Nous vous implorons de nous rendre meilleurs, de même que ces gens, qui ont desservi la religion et les musulmans et ont sciemment porté préjudice à ce qui est naturellement de toute beauté, selon l’expression du philosophe français La Montaigne. Certains « Hommes religieux » étaient des modèles d’intégrité ; malheureusement le démon eut raison d’eux et les a entraînés au pire. Ils sont devenus imposteurs, escrocs. Ils se font accorder des prêts et disparaissent. Si la Religion ne nous enjoignait pas de ne pas divulguer ce qu’Allah n’a pas dévoilé, nous aurions cité dans ce contexte des choses à même de susciter autant de rires que de larmes. Nous implorons Allah de nous accorder abri et sérénité !. Chuchotements Permets-moi, frère,-toi qui es dans cette épreuve que je chuchote ces quelques mots dans ton oreille (sachant que le conseil de l’ami est comme le soleil de l’hiver qui illumine et ne brûle pas) à savoir : Page 25 sur 94 - Je te demande, frère, instamment, par Allah qui t’a créé, qui pourvoit à ta subsistance, qui couvre tes fautes et t’accorde son indulgence, je te demande de te repentir avant qu’il ne soit trop tard. Sors, s’il te plaît des ténèbres et regarde la lumière, car tu es dans l’erreur et l’illusion, je te le jure par Allah. - Pourquoi ne tires-tu pas la leçon des malades que tu visites ; du mort à qui tu fais la dernière toilette, du cercueil que tu aides à porter à la dernière demeure? - Ne redoutes-tu pas les invocations, la nuit, contre toi, de la part des victimes de tes abus ? - Comment arrives-tu à supporter cette situation et à dormir tranquillement, alors que tu es inondé dans les méfaits de telles attitudes ? - Un homme comme toi, frère, peut-il emprunter des chemins aussi malfamés, se hasarder, jouer, voler et piller, alors qu’Allah t’a honoré de son Livre, de sa parole et t’a accordé sa subsistance licite. - Que pourras-tu faire de cet argent empoisonné, miné, douteux, que réclament mille requérants ? - Avec un tel argent tu nourris ton corps, tu habilles les tiens et tu as l’impudence de t’adresser à Allah et lui demander : « Améliore-moi ma descendance ? » ! Avec de l’argent acquis illicitement, il n’y a rien à espérer d’Allah ! - Libère ta conscience sans attendre, frère : Restitue leur dû aux pauvres et aux riches, débarrasse-toi de tout ce que tu as acquis illicitement, car sincèrement, il est à craindre que tu ailles au-devant d’Allah en pleine faillite de toutes bonnes œuvres, « couvert d’opprobres, le visage décharné et sans une goutte de sang » (Hadith) ! Page 26 sur 94 - Résous-toi à ne plus rien briguer des biens des gens et frape à la porte du Créateur, c’est Lui qui pourvoit à notre subsistance, qui donne gracieusement et dont les réserves sont inépuisables. Que ma devise et la tienne soient la parole du chaste compagnon du prophète, le commerçant Abdourrahman Bnou Awf quand il a dit à son frère Saad Bnou Ar Rabii (qui voulait l’héberger) : « Qu’Allah bénisse ta famille et ton bien! Montremoi le chemin du souk » ! (Rapporté par Al Boukhari). Mon conseil, d’abord à moi- même qui suis gourmand, puis à messieurs les imams, est que nous accomplissions notre tâche avec amour ; que nous ne convoitions pas les biens des gens, ne rien leur demander ni implicitement ni explicitement. Et que notre devise soit : 1 / : La parole d’Allah prononcée par le prophète Chouaïb – que le salut d’Allah soit sur lui – « Les bonnes œuvres dédiées à Allah sont meilleures pour vous si vous êtes croyants » (Sourate Houd / verset 85) 2 / : Le Hadith du Messager d’Allah (PbAsl) : « Si on t’apporte un peu de cet argent, alors que tu n’en as rien demandé ni rien fait qui suggérerait que tu en voulais, alors tu le prends ; autrement, maîtrise ton envie ». (Rapporté par Boukhari). C’est dans cet esprit que le compagnon du prophète, Ibn Omar – Qu’Allah soit satisfait de lui et de son père ne demandait rien à personne, mais, ne refusait pas les présents qui lui étaient offerts. Nul doute que les tentations à notre époque sont partout alléchantes ; c’est pourquoi nous prions Allah de nous affermir pour dominer nos faiblesses ; et nous nous joignons à notre grand imam Al Hassan Al Basri – Qu’Allah soit satisfait de lui – pour implorer Allah dans les termes et la forme qu’il a Page 27 sur 94 utilisés : « Ö Allah, notre Seigneur, ne nous mets pas à l'épreuve de la tentation, car nous y éprouver c’est démasquer nos faiblesses ». Amen. Il est vrai que l’imam perçoit un salaire, soit du fonds des waqfs (fondation de bienfaisance des legs pieux), soit en tant que fonctionnaire, soit de l’institution qui gère la mosquée, soit par la méthode traditionnelle connue au Maroc sous l’appellation de « Achart » - c’est à dire que ce sont les familles du village qui coopèrent selon les moyens de chacun pour payer celui qui se met au service de l’imamat -. Mais, il est de devoir des responsables des services précités d’assurer à leurs imams tout ce dont ils ont besoin sans les léser d’aucune façon, afin qu’ils n’aient pas de soucis matériels et qu’ils prospèrent. Libre à eux, s’ils le désirent de demander augmentation, promotion ou démission. Tout cela est logique et acceptable, mais de briguer autre chose serait de la servitude, de l’humiliation et de la mauvaise foi. L'expérience vécue en est la meilleure preuve. L’on sait, chers confrères imams que plus les ulémas sont chastes et désintéressés, plus ils jouissent de l’estime et de la considération des gouvernants et des gouvernés, des pauvres et des riches, des musulmans et des non-musulmans. Par contre, plus ils sont avides des biens de ce bas-monde, plus ils sont mésestimés, indexés et fuis. La convoitise et la dignité sont deux lignes parallèles qui ne se croisent jamais, comme de l’eau et le feu, le lézard et le poisson selon l’expression d’Ibn Al Qaïm. Il n’échappe à la tentation que celui qu’Allah en préserve ! Ce qui nuit, ici, en Occident, à la profession des imams, paraît-il, c’est l’absence de biens immobiliers ou autres dédiés aux mosquées -ce qui s’appelle Waqf dans les pays arabes- et dont les recettes servent entre autre, à couvrir la rémunération des imams et des ulémas et partant à préserver leur Page 28 sur 94 dignité. Cette carence a fait que nombre de ceux qui participent financièrement au fonctionnement des mosquées en profitent malheureusement pour occuper le premier rang, alors que leurs aptitudes ne les place même pas pour le dernier rang – selon l’expression d’un homme de grande vertu. Par arrogance, ils sont mêmes prêts à vouloir dicter aux nobles Imams et ulémas leurs points de vues et à imposer leur volonté. C’est pour ces raisons, messieurs, qu’il devient impératif de renouer avec la culture ou la Sunnah du Waqf dans nos sociétés et d’en renouveler le concept dans les consciences et les cœurs, car semble-t-il, la majorité des musulmans en Occident ignorent tout à ce sujet pourtant fondamental. Sachant par ailleurs que probablement l’avenir des institutions religieuses en Occident ne serait assuré que par le retour sans délai au waqf – désigné également dans nos pays du Maghreb par le terme de Habouss-. RECOMMANDATION 5 : C ONNAIT RE OBJECT IV EME NT LA REALITE Cette recommandation est peut-être la plus importante et la plus appropriée en Occident – après le fait de vouer son œuvre sincèrement à Allah ToutPuissant –, car ignorer la réalité (le contexte) ou l’imaginer autrement cause beaucoup de dégâts à l’imam, en termes d’interprétations et de comportements. Les psychologues disent que : « nos actes sont les reflets de Page 29 sur 94 nos conceptions ». C’est ainsi que pour remplir pleinement son auguste rôle, l’imam doit connaître : Allah, sa religion, et le la réalité des gens, sinon ce rôle perd son versant prophétique et sa déclinaison divine. Qu’entend-on par la connaissance objective de la réalité ? D'après le professeur Al Bouchikhi, il s’agit d’une : « connaissance précise et approfondie des contours de son environnement et des circonstances ». Une autre personne en a donné la définition suivante : « Connaître le vécu des gens et ce qui se passe à la même époque dans le monde, loin des suppositions et des fantasmes ; de l’imagination et des illusions » A souligner que ce concept, qui connaît aujourd’hui sa vulgarisation dans le discours des imams n’est pas étranger à la pensée islamique et à notre culture jurisprudentielle (Fiqh), contrairement à ce que certains pensent. Déjà, l’imam Ibn Al Qaïm y recourait et en a parlé, en disant : « Le véritable jurisconsulte est celui qui concilie l’idéal et le vécu réel, c’est à dire qu’il ne doit pas se focaliser sur ce qui doit exister idéalement, mais qu’il faut qu’il prenne en compte le contexte réel ». Concrètement, tous les jurisconsultes tenaient compte de leur contexte social du fait de l’intérêt qu’ils attachaient aux circonstances et aux causes spécifiques ayant motivé la révélation de chacun des versets coraniques et aussi de par leur intérêt à la jurisprudence statuant sur les événements et les problèmes. (Lire aussi l’ouvrage intitulé : Le critère analytique de son auteur Al Winshrissi) (ou encore l’ouvrage intitulé : Des fatwas qui fustigent le manque d’importance qui frappe Chéfchaouen et les montagnes qui l’entourent de son auteur Al Mawahibi Al Habté). (A travers Ces lectures on trouvera l’étroite relation entre la théorie de la jurisprudence et la réalité contextuelle). Page 30 sur 94 Le fiqh réaliste, qui essaye de concilier entre le texte et le contexte, fait partie de l’ijtihad – effort intellectuel d’interprétation des textes à la lumière de la réalité -, qui est une procédure qui vivra jusqu’à la fin des temps, selon les termes d’Abou Is’haq Ach Chatébi dans son ouvrage « Les convenances ». Ceci parce que les fatwas exigent du moufti qu’il connaisse le Coran, la Sounnah et tout ce qui a fait l’unanimité. En outre, il doit connaître le contexte dans lequel se trouve la personne qui sollicite l’avis, son état, l’époque et le lieu, sinon la fatwa serait non circonstanciée et inappropriée. Le jurisconsulte est comme le médecin qui ne prescrit le médicament qu'après avoir soigneusement ausculté son patient. De nombreuses fatwas, émises ici en Occident, sont aberrantes et répréhensibles, non que leurs auteurs ignorent ou méconnaissent les textes, mais parce que leur vision de la réalité est erronée ; ils n’avaient pas consulté au préalable les spécialistes et les experts. C’est ainsi que des fatwas sur des questions comme l’allégeance, le reniement, la paix, la guerre, la famille, la société, la politique et la gouvernance, la finance et l’économie étaient faussées, parce qu’elles n’avaient pas tenu compte des conditions de vie des minorités. Les auteurs devraient comparer les conditions de vie des minorités et des pays à majorité musulmane pour constater les différences. Ces fatwas mal fondées ont causé des préjudices dont les gens souffrent et se plaignent toujours. Le jurisconsulte ou l’imam ne peut cerner par son seul effort personnel la réalité ou à la lecture de quelques articles de journaux. Il est indispensable de recourir à l’expertise des spécialistes à l’instar, actuellement, des assemblées de jurisprudence et des conseils des ulémas. Beaucoup de courants rigoristes, ici et là, étaient et restent encore victimes de leur Page 31 sur 94 méconnaissance de la réalité contemporaine du fait de leur repli sur euxmêmes, alors que ce n’est ni le dévouement ni le dynamisme qui leur font défaut. A ce sujet, je citerai les paroles de l’imam Ibn Mas'oud – qu’Allah soit satisfait de lui – à savoir : « Allah accorde sa grâce à celui qui parvient à connaître la réalité de son époque et qui agit en conséquence ». La vie nous a enseigné que celui qui tente de réformer sans connaître suffisamment la réalité et s’y inscrire concrètement, court vers l’échec et son ambition se heurte au même sort que la Cité Vertueuse des philosophes, restée au rayon de l’utopie. Bien souvent, nous entendons des discours idéalistes prononcés par certains de nos imams. Je leur dis : Est-ce que vous avez les pieds sur terre ou êtes-vous sur un nuage ? Est-ce que vous êtes dans l’univers des hommes ou dans celui des anges ? Réveillez-vous et soyez conscients des normes divines et des moyens légaux. Le professeur Ben Abdassalam Ar Raissouni avait raison quand il a dit, il y a longtemps : « Le faqih (jurisconsulte) n’arrivera à maturité que s’il allie la théorie à la pratique ». Nous citons ci-après quelques exemples démontrant comment d’éminents imams ont agi en symbiose avec le texte et les circonstances qui prévalaient dans leur époque, pour montrer le lien étroit qui doit exister entre la connaissance du contexte social et la jurisprudence en Islam. 1) Voici notre imam Malik – qu’Allah lui accorde sa miséricorde – qui observe et étudie profondément la société musulmane à Médine et en écrit l’ouvrage intitulé : « La vie pratique des gens de Médine » ; ouvrage dont-il fera l’un des fondements de sa doctrine. Page 32 sur 94 2) Voici l’imam Malik junior, Ibn Abi Zaïd de Qérouan, auteur de l’ouvrage intitulé : « Arris sala (Le Message) » : Il achète un chien de garde et l’attache à la maison contrevenant ainsi à la prescription du grand imam Malik. Les gens lui reprochèrent le fait et il leur répondit : « Si Malik vivait à notre époque, il aurait mis un lion féroce en guise de garde », voulant dire que la réalité a changé et que l’époque n’est pas la même. 3) Voici l’imam Ach Chafi'i – Qu’Allah le comble par sa miséricorde – qui interprète les prescriptions en fonction du vécu des gens, de la manière dont ils traitent leurs affaires et de leurs us et coutumes. C’est ainsi qu’il avait deux doctrines – connues sous l’appellation : L’Ancienne et la Nouvelle. Il appliquait la première en Irak et l’autre en Egypte. 4) Quant au imam Abou Hanifa – Qu’Allah le comble par sa miséricorde – Il fréquentait les souks et y pratiquait lui-même du commerce. Ce fut aussi le cas de son élève le cadi et jurisprudent Abou Youssef, l’auteur de l’ouvrage intitulé : « Le tribut », et aussi du grand imam Allaïth Bnou Sa’ad – qu’Allah lui accorde sa miséricorde. Et la liste est longue. Beaucoup d'ulémas ont exercé des fonctions dans la justice, les ministères, l’administration dans le but de faire du bien et d’être au service des gens et le résultat a été l’enrichissement de la jurisprudence, le traitement objectif et réaliste de l’ensemble d’événements et de problématiques générés par leur époque, qui ont fait l’objet de livres bien pensés et de fatwas rapportées, d’une valeur inestimable, basées sur la science et la sagesse. Parmi ces ténors citons : - Les qadis : Ibnou Al Arabi ; Ayyad ; Ibnou Hajar Al Askalani ; Ach Choukani ; Ibnou Rochd, etc. Page 33 sur 94 - Les ministres : Ibnou Hazm ; Abou Chouaïb Addoukkali ; Al Hajoui Tha'alibi Al Fassi ; Mohammed Al Arbi Al Alaoui ; Abdallah Guennoun ; Abdallah Bnou Biah etc. - L’ambassadeur Ibnou Khaldoun. Nous rencontrons dans nos lectures des biographies de certains interprètes, de chercheurs et de savants qu’untel était vertueux, pieux, chaste, occupé par ce qui l’intéresse, partageant son temps entre la lecture, l'écriture et la mosquée et qu’untel, saint homme, fuyait les gens, ne s’associait à eux ni pour vendre ou acheter, ni pour gouverner ou occuper un poste de juge. Nous rencontrons de tels cas et même pire, mais pour rester honnêtes envers nos savants, il est important de relativiser de tels constats. En effet, ces attitudes et comportements sont motivés par des raisons plausibles, liées principalement aux facteurs contextuels de leur époque, car nous ne connaissons de nos grands savants que l’esprit positif et participatif au bien être des autres, quoique l’erreur est humaine et nul n’est infaillible. Néanmoins, l’exemple à suivre reste naturellement celui des Messagers et des Prophètes – que le salut et la paix soient sur eux – qui, ainsi que décrits dans le Coran : « Se nourrissaient et fréquentaient les souks » (Sourate Al Fourqaan), ce qui veut dire qu’ils se mêlaient à la foule et intégraient effectivement la réalité de leur société civile. Comment le prophète Chouaaïb (Paix sur lui) pouvait-t-il lutter contre l’avidité de l’argent, la fraude sur les poids et les mesures, s’il ne fréquentait pas les souks pour constater par lui -même ces irrégularités. Et comment Moïse – Paix sur lui – l'interlocuteur d’Allah, aurait-il pu libérer son peuple de la tyrannie de Pharaon et de ses ministres s’il ne confrontait la réalité du pays ? Il en est de même du Messager d’Allah, Mohammed – PbAsl – : Comment aurait-il pu Page 34 sur 94 gouverner les gens s’il n’avait pas une profonde connaissance de leurs conditions de vie et des circonstances qui prévalaient à l’époque sur les lieux. ? Mieux encore, il suivait les nouvelles des pays étrangers aussi bien les limitrophes que les lointains tels la Perse, Byzance, l’Ethiopie et il connaissait leur réalité. La preuve est qu’il avait orienté ceux de ses compagnons devant s’exiler, précisément vers l’Ethiopie, en leur disant : « Personne ne subit d’injustice sous le règne du roi de ce pays ». Il avait dit aussi, parlant du Yémen : « Les gens du Yémen sont parmi vous ; ils sont les plus sensibles et leur cœur est les plus doux ; la jurisprudence est yéménite et la sagesse est yéménite ». C’était là la preuve qu’il connaissaitPbAsl – -les particularités des peuples et c’est cela qui manque énormément à nos imams en Occident ! Le prophète – PbAsl – connaissait aussi le tempérament ; les mœurs, et les dispositions naturelles des individus. Il disait – PbAsl – -de ses compagnons : « Le plus compatissant de ma communauté pour ma communauté est Abou Bakr ; celui qui a la meilleure lecture du Livre d’Allah est Oubay ; Celui qui est le plus exigeant sur les préceptes est Zaïd ; celui qui connaît le mieux ce qui est licite de ce qui ne l’est pas est Mou’àd ; toute communauté a un homme probe et l’homme probe de cette communauté est Abou Obaïda (Hadith rapporté par Attirmidi et Ahmed, d'après une chaîne sûre de garants). On rapporte que ce qui avait justifié le choix d’Abou Bakr, comme chef suprême de la communauté islamique après la mort du prophète est qu’il était parmi les Compagnons, celui qui connaissait le mieux la généalogie des arabes, leur histoire, leurs conditions de vie, leurs préférences. ... Et tout cela relève de la compréhension de la réalité des gens qui s’impose pour tout leader. Page 35 sur 94 Connaître le tempérament des gens, leurs aspirations, leurs tendances, est un devoir pour les imams pratiquant en particulier en Occident, en raison de la diversité des races, des couleurs, des ethnies, des goûts, des possibilités, des potentialités, cohabitant au sein de la même mosquée. C’est pourquoi la sagesse et le tact exigent de fructifier cette aptitude, afin que placer l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Voici comment le prophète Mohammed PbAsl - considérait les gens selon leur personnalité et leur statut : 1) Il a élevé Abu Soufiane au même rang que lui, étant le Sheikh de Qoraich, ceci au moment où il avait annoncé aux gens lors de la conquête de la Mecque : Quiconque rentre dans la maison d’Abi Soufiane sera en sécurité (Hadith rapporté par mouslim d'après Abi Houraira). 2) IL a désigné à sa place Sa’âd Bnou Mouâd qui était le leader des Aouss, ceci quand il avait dit aux Ansars : Levez-vous et allez vers votre chef. (Hadith rapporté par Al Boukhari d'après Abi Saeed Al Khoudhri) 3) Méditons ce qu’il a dit - PbAsl - en parlant de Othmane Bnou Affane- qu’Allah soit satisfait de lui : Comment ne rougirais-je pas, par respect, devant un homme vénéré par les anges ? (Hadith rapporté par Mouslim). 4) Dans sa lettre adressée à Héracle, le prophète - PbAsl -, s’était exprimé ainsi en introduction : De Mohammed serviteur d’Allah et son Messager à Héracle le grand de Byzance (Rapporté par Mouslim). Il savait - PbAsl -que les byzantins vouaient une grande considération à Héracle et lui donnaient la préséance, c’est pourquoi il y a ce terme de « grand » , comme marque de bienveillance. 5) Il était - PbAsl - très doux avec les enfants ; c’est ainsi qu’Anass Bnou Malik – qu’Allah soit satisfait de lui – a dit : Le Messager d’Allah se Page 36 sur 94 joignait à moi et à mon jeune frère en traversant les rangs pour lui parler comme à un grand avec un langage d’enfant : Ö père de Omeir comment fait le petit du rossignole? (Hadith rapporté par Al Boukhari) 6) Le prophète - PbAsl - avait beaucoup de déférence pour les femmes : D'après les deux Sahih, Anass Bnou Malik – qu’Allah soit satisfait de lui – a dit : le prophète - PbAsl - est arrivé et avec lui une de ses femmes. Il s’adressa à la monture, qui transportait des femmes, et lui dit : Malheur à toi ô Anjachah ! Fais Attention car tu conduis de précieux trésors. (Hadith rapporté par Boukhari et Mouslim). Pour celui qui regarde de près les paroles du prophète - PbAsl - il trouvera parfois des réponses multiples à une même question, qui prête à contradictions ou confusions, ce qui n’est pas du tout le cas. Il s’agit de la sagesse et du tact : Il parlait aux gens - PbAsl - en tenant compte de leurs mentalités, leur maturité et leur contexte. Bénédiction et salut d’Allah sur le prophète dont la moralité et la conduite étaient sublimes. Le meilleur modèle qu’il faut suivre par nos imams vis à vis des fidèles dans leurs prédications et leurs discours, c’est L’imam prophète – PbAsl . N’est-il pas (PbAsl) le premier imam de la communauté musulmane? Voici un autre exemple qui illustre comment les compagnons du prophète ont hérité de lui la perception des particularités des peuples et des contrées et l’ont intégrée de façon étonnante : D’après le Recueil Authentique de Mouslim, le compagnon nommé Al Moustaourid Al qorachi, qui se trouvait chez Âmr Bnou Al Âss, dit à ce dernier : J’ai entendu le prophète - PbAsl dire : « Quand l’heure ultime de la fin du monde viendra, les Occidentaux seront démographiquement les plus nombreux ». « Fais attention à ce que tu Page 37 sur 94 dis », lui répondit A’mr . Je confirme, dit Al Moustaourid que j’ai dit ce que j’ai entendu dire le Messager d’Allah (PbAsl). Puisque tu le dis, dit Âmr, je conclus que ces gens possèdent cinq qualités, à savoir : - Ils sont les plus endurants en cas d’épreuve - Les plus prompts à se ressaisir après une catastrophe - Les plus rapides à revenir à la charge s’ils se replient - Les plus bons envers le pauvre, l’orphelin et le faible - Et la cinquième de ces qualités n’est pas celle des moindres : Ce sont eux qui résistent le plus contre l’oppression des gouverneurs. Certains de nos imams – qu’Allah en soit loué- sont conscients de cette partie du fiqh et l’appliquent en général, mais il leur arrive d’en méconnaître les caractéristiques, les normes et les antagonismes. Ci-après certaines caractéristiques de cette réalité objective : La réalité est sujette au changement, à l’évolution, à la variation et à la multiplication, ce dont on doit toujours se rappeler et tenir compte. La réalité au Maroc n’est pas celle en Orient ; la réalité du monde musulman n’est pas celle du monde occidental et la réalité de l’Angleterre n’est pas celle de la France. Il en va de même de la fonction des imams en Europe comparée à celle exercée dans les pays de l’Orient et du Maghreb. La réalité de la première génération des émigrés n’est pas celle de leurs enfants et leurs petits enfants devenus européens de langue et de. ... La réalité des travailleurs n’est pas celle des étudiants. La réalité de l’Islam avant les événements de Septembre 2001 n’est pas celle d’après, et la laïcité de la France est différente de celle de l’Espagne de l’Angleterre ou de la Belgique. Page 38 sur 94 Et c’est valable pour les jeunes et les vieux ; la femme et l’homme. Et ce qu’il est permis de dire dans les pays musulmans ne peut l’être ici, en Occident, quels que soient le prétexte ou l’intention, car les conséquences seront dramatiques, à en juger par l’expérience qui est la meilleure preuve. Nous constatons ainsi que la réalité est constamment en mouvement : Elle varie, se transforme, se renouvelle… aucune situation, aucun état de chose, n’est jamais définitif. Les grandes et profondes transformations influent naturellement sur les fatwas, les préceptes, les attitudes, les décisions. Elles changent les mœurs, les habitudes, les équilibres et les priorités. Par exemple les fatwas traitant de l’adoption, de la nationalité et la résidence dans les pays d’Europe, changent en fonction de la paix ou de la guerre, de la liberté ou des persécutions, de la situation d’émigré ou de celle de citoyen stable et permanent. Si le Moufti ne prend pas en compte toutes ces variantes, il se compromettra lui-même et causera un grand préjudice aux autres sans que cela ne change quoi que ce soit à la réalité. Les médias – télés, journaux, revues - sont un moyen efficace pour connaître le courant des événements et les imams seraient bien inspirés s’ils parcouraient quotidiennement journaux et magazines et écoutaient les informations de l’audiovisuel sans abus toutefois. Si on se coupe de ces sources ne serait-ce que pour une courte durée, on perd sa réactivité aux événements et par conséquent la maîtrise d’analyse pour relier spontanément et logiquement les faits – Qu’Allah soit satisfait de Houdaifa Bnou L'Yamane – qui a dit : les gens questionnaient le Messager d’Allah (PbAsl) sur le bien, tandis que moi, je le questionnais sur le mal de peur que le mal ne me rattrape (Hadith rapporté par Boukhari). et c’est cela l’attitude du croyant comme le confirme Attabarani – qu’Allah l’ait dans sa miséricorde – Page 39 sur 94 en expliquant les paroles suivantes d’Allah –Exalté soit-IL— : « C’est ainsi que nous détaillons les versets afin qu’apparaisse clairement le chemin des criminels » (Sourate les Bestiaux / verset 55). Lorsque, dit Attabarani, le croyant sait clairement la nature du mal, il reste vigilant et prévoyant pour s'en prémunir. On le croyerait très méchant à l’entendre parler avec virulence du mal et de ses causes, mais en le fréquentant, on s’aperçoit sa bonté » Comment mieux comprendre la réalité : - Faire preuve de sagesse. - Ne pas céder à ses impulsions. - Savoir faire la part juste des choses par le biais d’une interprétation critique et objective. - Asseoir son jugement sur les conseils des gens de l’expérience et de l’expertise - Lire les mémoires, les biographies et les publications de façon critique et constructive, afin d’en garder l’essentiel, d’être à même d’éviter les faux pas et de ne pas rester simplement sur la défensive. Quels sont les antagonismes de la réalité? Ou quels sont les signes qui indiquent que l’on n’a pas compris la réalité? Ces signes sont multiples et variés, mais les plus évidents consistent à minimiser des faits importants ou à dramatiser des faits minimes. On constate par exemple que des gens bataillent pour des choses secondaires que l’on peut tolérer, négocier, reporter ou exclure définitivement. Par contre, ils négligent des causes vitales, qui mettent en jeu leur existence, Page 40 sur 94 l’avenir de leur famille, leur société et de leur pays. Ces gens-là s’ils sont Imams en titre, ils ne méritent pas l'appellation de faqih(Alim) - comme a dit un grand homme-. Parmi ces signes on peut encore citer : l’idéalisme abusif ; le repli sur soi ; le sentiment de sainteté et de pureté absolue ; la mentalité des derviches (mesquinerie) et l’indifférence des pieux ; le complexe de supériorité vis à vis d’autrui ; l’esprit de domination et de défi ; le non prise en compte des normes universelles courantes. ... ; les préjugés ; les recettes toutes faites ; le point de vue unique ; le simplisme et la superficialité ; l’improvisation hasardeuse ; la mauvaise interprétation des textes relatifs à l’allégeance et au reniement ; le refus catégorique ou l’acceptation inconsidérée ; l’intolérance à l’égard des personnes, des idéologies, des affiliations etc. ... Par ailleurs, certains imams comprennent bien l’importance de la réalité objective, y attachent beaucoup d’intérêt, mais malheureusement ils utilisent cette connaissance à mauvais escient, ce qui a poussé des extrémistes fanatiques, ici et là, à refuser catégoriquement ce concept dans sa forme et son contenu, accusant ses adeptes d’hérésie religieuse et de reniement. Ils traitent les imams qui suivent l’actualité et en tiennent compte dans leur discours qu’ils sont de formation journalistique, non universitaire et qu’ils n’ont rien à voir avec la jurisprudence musulmane. A vrai dire, ce sont ces imams eux-mêmes, qui à force de se référer abusivement aux médias, en y faisant la matière de leurs discours et leurs exhortations, qu’ils finissent par déclencher des réactions extrémistes ! Et c’est normal, car le fanatisme génère le fanatisme et l’exclusion entraîne l’exclusion ! Page 41 sur 94 Ci-après quelques-unes des déviations sources d’abus : A / L’orientation des laxistes qui consiste à fonder tous les préceptes ou presque, sur la connaissance de la réalité(le contexte) sur son interprétation et sa pression, sans se baser sur les textes, (Coran , Sunnah , ni sur le fiqh). Il n’y a pour lui ni conseil des oulémas ni les quatre ou huit madahibs (Ecoles juridiques). Sa seule référence, c’est cette « réalité » et l’interprétation qu’il en a ; il en fait même un refrain et l’on finit par ne plus savoir de quelle réalité il parle. Les adeptes de ce courant finissent par qualifier les vrais oulémas d’ignorants de la réalité qui les entoure, en sont déconnectés ou en ont été éloignés. Ils les taxent péjorativement d'oulémas du passé ou des amis des livres aux pages jaunies ! ; avec un peu de chance ils leur endosseraient la responsabilité historique du retard pris par les musulmans dans tous les domaines ! C’est là une conception malsaine à la fois de la religion et de la réalité et une déviation des vrais principes de la jurisprudence et ce à l’unanimité des sages, car la compréhension de la réalité est indissociable du dogme dans sa globalité, à l’image du lien qui relie l’édifice à sa base ou encore celui qui relie les ablutions à la prière, selon la comparaison de notre défunt professeur Farid Al Ansari – qu’Allah illumine sa tombe. B / L’orientation des légitimistes qui imputent toutes les infamies, tous les péchés et toutes les folies au « fiqh de la réalité ». C / L’orientation des pessimistes : Ce courant considère « le fiqh de la réalité » de façon superstitieuse, comme un mauvais présage, sans aucun espoir que la situation se rétablira et s’assainira. Ses adeptes oublient qu'après la pluie vient le beau temps et qu’aucun état n’est jamais permanent Page 42 sur 94 comme nous lisons dans le noble Coran : « Ainsi faisons nous alterner les jours (bons et mauvais) parmi les gens ... » (Sourate Al Imra’n / verset 140). D’autres auteurs ont signalé d’autres sources d’abus telles : D/ Les comploteurs : Ce courant fait sans doute allusion à ceux qui expliquent tous les désastres - si minimes soient elles - qui frappent les musulmans à l’Est et à l’Ouest par la théorie des « complots » et l’intervention étrangère, dissimulée, dans toutes les affaires. Mais ce n’est là qu’une « illusion tranquillisante », car le musulman partout où il se trouve, comme toute personne, est à la fois acteur et spectateur, influençant et influencé. Il est responsable de ses actes et est appelé à s’amender et à se remettre en cause spontanément. L’expérience nous a appris ici, en Occident, que les arabes et les musulmans, sont les artisans de la plupart des catastrophes qui les touchent. E/ L’orientation des isolationnistes : Soit ceux qui ont choisi de s’isoler complètement de la société pour échapper au prix à payer pour la réforme et le pogres. F/ L’orientation de la confrontation : soit ceux qui ont choisi l’option de la confrontation et du choc comme attitude et voie, épousant la doctrine de Huntington, à la place du dialogue, de la patience et de la longue haleine. ... Et ce courant est inacceptable logiquement et légalement. Concernant les spécificités de la réalité musulmane occidentale et ses défis, elles sont multiples, variées, complexes, parfois positives et parfois négatives : A/ Les aspects positifs : La liberté, la pluralité, les droits sociaux, l’aisance matérielle, l’incitation à la recherche scientifique, l’exigence de la qualité, Page 43 sur 94 l’existence en quantité des écoles, des universités, des Centres de recherches et d’études, l’application stricte de la loi, l’indépendance de la justice et la stabilité politique ... B/ Les aspects négatifs dont : L’absence d’une référence au fiqh qui permet de trancher les différends et à laquelle devraient recourir tous les musulmans en Occident ; l’absence des moyens d’information sur la religion à travers lesquels il sera possible de transmettre l’image exacte de l’Islam et des musulmans ; l’incapacité des musulmans de financer leurs œuvres religieuses ; l’aggravation des problèmes familiaux ; l’augmentation du taux de célibat prolongé et des divorces ; la division et les désaccords qui se créent au sein des mosquées et des établissements religieux à cause des tiraillements et des conflits que les communautés des différents pays colportent avec eux ; l’émergence de courants fanatiques et de groupes extrémistes à cause de l’impact des médias, du vide spirituel et de la rareté des oulémas ; l’expansion du racisme, de l’islamophobie et l’augmentation des sentiments de xénophobie contre les arabes et les musulmans ; la pénurie des imams, des prédicateurs et des récitateurs du Coran, ce qui oblige à faire assurer ces tâches par des prétendants dans nombre de mosquées et de centres ; etc. Enfin, il n’est pas demandé à l’imam dans son exercice plus que de servir la bonne cause ou d’y apporter sa contribution et de corriger les défauts ou de les atténuer. Ce fut-là, la mission de Choua’ïb, l’orateur des prophètes quand Allah lui a prêté dans le Coran les paroles suivantes : « … je ne veux que la réforme autant que je le puis » (Sourate Houde / verset 88). Page 44 sur 94 RECOMMANDATION 6 : S E DIST INGUER PAR LA SAGESSE ET LA BIENVEILLANCE Peut-être que dans les recommandations précédentes, quoique importantes, l’allusion s’est substituée à l’expression et la théorie à la pratique, mais pas dans celle -ci ni dans la dernière, car elles ne pourront être correctement comprises, à mon sens, qu’avec d’amples détails et de profonde réflexion. Permettez-moi donc chers amis par obligation ici de faire une œuvre de longue haleine, car j’aimerais, si Allah le permet, apposer mon empreinte dans les conseils destinés à mes frères avant que la mort ne m’emporte. Commençons par la définition de la sagesse : Les savants l’ont définie comme étant « le fait de mettre les choses à leur place ; de tenir compte de leurs aspects et leurs aboutissants ; de faire preuve de courage à bon escient et de s’abstenir quand il le faut. Ce n’est donc absolument ni de la flatterie ni de la tromperie ni de l’hypocrisie ni de l’adulation ni des manœuvres ni tout ce qui s’apparenterait aux mœurs des renards – Qu’Allah nous en préserve –. Le contraire de la sagesse donne : La démesure, la frivolité, la précipitation, la tyrannie, l’injustice, l’ignorance. ... D’autres personnes la définissent comme étant « le fait de dire ou de faire ce qu’il faut, avec la meilleure des façons requises et en temps opportun ». Il n’y a pas d’objection à ces définitions. Quant à la bienveillance, elle suppose douceur et facilitation, ce qui s’oppose à la brusquerie et à la violence. Dans un Hadith rapporté sur Aïcha, l’épouse du prophète -qu’Allah l’agrée-, le prophète (PbAsl) a dit : « la douceur donne de la beauté à tout et son absence enlaidit tout » Page 45 sur 94 (rapporté par Mouslim). Dans un autre Hadith rapporté sur Aïcha, également – qu’Allah l’agrée – le prophète – PbAsl – a dit : « Allah est bienveillant et aime la bienveillance et Il en donne en rétribution ce qu’Il ne donne ni pour la violence ni pour nulle autre chose » (Rapporté par Mouslim.). Et d’après Jarir – qu’Allah l’agrée –, le prophète – PbAsl – a dit : « Quiconque est privé de bienveillance ne peut prétendre à aucun bien » (Rapporté par Mouslim). La sagesse est le socle de toutes les qualités, la source de tous les avantages et le creuset de toutes les bénédictions. Celui à qui Allah a accordé la sagesse, il en a en réalité reçu la bienveillance et donc tous les biens ; en outre il a été préservé de tout mal. ... « Et celui à qui la sagesse est donnée, vraiment c’est un bien immense qu’il a reçu » (Sourate Al Baqarah / verset 269). L’imam, surtout dans les contrées occidentales a particulièrement besoin de cette précieuse qualité qu’est la sagesse. Beaucoup de situations et de décisions exigent, ici, des analyses profondes, un sens de priorité et une preuve d’équilibre et d’exhaustivité, loin de l’improvisation et des impulsions. La sagesse pourrait parfois te dicter de prendre la parole dans une situation donnée ou de t’abstenir de le faire en une autre. En d’autres termes, la sagesse veut que tu fasses parfois deux pas en avant et un en arrière, ce qui te fera traiter d’indécis par des inconscients ici, mais qui témoignera de ta sagesse, ailleurs. Le sage, messieurs, ce n’est pas celui qui exhorte, ni le prédicateur brillant ni le chercheur consacré à l’étude d’un art déterminé ou d’une science donnée, loin de la réalité des gens, de leurs préoccupations, de leurs espoirs et de leurs douleurs. Le sage est un être raisonnable, désintéressé, penseur, Page 46 sur 94 ayant une mission, modéré, sociable : Il dose, compare, rapproche, prévoit l’avenir, médite sur le passé et le présent ; il lit sur les visages, analyse le ton des voix, lit entre les lignes et garde son silence... Ne l’influencent ni les tempêtes ni les sentiments. Il décline les improvisations et les réactions négatives, ne se laisse provoquer ni entraîner par personne; il se focalise sur le fond et ne se laisse pas leurrer par le titre. Il relie les résultats aux préambules et les conséquences à leurs causes. Il devance les événements. Il respecte les normes et évite la zizanie. Les gens n’ont aucune raison de se plaindre de lui. Il se préoccupe des sujets dans leur globalité plutôt que de verser dans le détail et il réfléchit aux conséquences avant de répondre aux questions, très passionné par la jurisprudence traitant des objectifs, des finalités, et des priorités des textes. Il se réfère beaucoup aux livres retraçant la vie des grands hommes et ceux à thèmes d’histoire, de société, d’éducation, de psychologie, de littérature et d’art. Il reste près des gens de science et des philosophes et affectionne les experts et les gens d’expérience. Il lit la presse et suit les événements de prés. Il est à l’affût pour découvrir ceux qui sont meilleurs que lui en savoir et en pureté de l’âme, ceux qui sont plus sont plus dans le besoin que lui et ceux qui sont plus méritants. Ses objectifs, son plan et ses moyens légaux sont définis à l’avance. Les gens le regardent avec étonnement, réprobation, appréhension et doute, alors qu’il ne fait qu’à penser à l’amélioration de leur condition, leur réussite, leur épanouissement et leur sécurité. La sagesse n’est pas une cassette que l’on écoute ou des recettes toutes faites. C’est à la fois l’expérience, la subtilité, l’endurance, la pondération, la modération, la prière, la concertation. C’est avant et après tout un don Page 47 sur 94 d’Allah ; « Et celui à qui la sagesse est donnée, vraiment c’est un bien immense qui lui est donné » (Sourate Al Baqarah / verset 269). Ö notre Seigneur, nous t’implorons par l’un de tes noms qui est le SAGE afin de nous apporter la sagesse, d’ouvrir pour nous les portes de la miséricorde, de nous compter parmi les raisonnables et ce par faveur et grâce de Ta part. Amen. Celui dont sa sagesse est inférieure à son savoir et dont sa colère est supérieure à sa sérénité, il vaudra mieux pour celui-là de s’excuser de ne pouvoir assurer la fonction d’imam ni d’enseigner, d’éduquer ou d’orienter. Allah pourvoira pour lui ; sinon il causera plus de méfaits que de bien et nuira sans s’en rendre compte. Un tel personnage pourrait effondrer des familles et provoquer la séparation des frères pour des futilités. Il prendra les décisions les plus singulières et commettra les sottises les plus inattendues. La réalité quotidienne en est la meilleure preuve ! La sagesse veut que soient préservés les grades et les rangs, les us et coutumes ; c’est pour cela qu’il est opportun pour l’imam de s’informer sur les fidèles non par curiosité ou pour s’immiscer dans leurs affaires, mais simplement afin de mettre chacun à la place qui lui est dû sans abus et négligence. Ainsi, il ne se comportera pas de la même façon par exemple, avec l’intellectuel et le marchand, le patron et le subordonné, le familier et le lointain, l’ancien et le nouveau, l’occidental et l’oriental etc. ... Il doit consacrer spécialement du temps à l’étude de la langue, de la culture et des coutumes de l’Occident et ce de façon à les bien maîtriser ou du moins moyennement, dans le but de pouvoir communiquer sans interprète et sans peine avec l’interlocuteur occidental. Certes, ne pas posséder la langue du pays est un lourd handicap et conduit l'étranger à l’isolement - et Allah Page 48 sur 94 sait que j’en ai fait les frais comme les émigrés de mon genre-. J’ai recueilli par hasard de la bouche d’un touriste une parole qui fut pour moi une moralité. Il m’avait dit : « le pays est une vipère qui tue celui qui ne le connaît pas ! ». Le prophète Moïse – que la paix d’Allah soit sur lui – a souffert lui aussi de cette difficulté de la parole comme il est illustré dans le Coran : « Seigneur rends mon cœur apte à recevoir ta révélation, facilite ma mission et dénoue un nœud en ma langue afin qu’ils comprennent mes paroles » (Sourate Tà’Hà / versets 25 à 28). Invoquons donc Allah de dénouer les nœuds de nos langues pour nous faire comprendre ! Ou assurenous un retour paisible à notre bercail, à la terre de nos racines ! Parmi les qualités de sagesse et de bienveillance de l’imam est qu’il doit peser ses mots, retenir sa langue et ne parler des gens qu’en bien, même s’ils ont été malveillants envers lui pour éviter tout prétexte à la zizanie et aux questionnements. Il est évident que l’une des fonctions de l’imam est de résoudre les problèmes et non de les créer, de calmer les esprits et non de les enflammer. Et la rétribution viendra d’Allah – Exalté soit-Il –. Le pire des épreuves est que le prédicateur exploite le privilège du minbar pour régler ses comptes et fustiger ses adversaires sous prétexte de : rappeler le commandement du bien et de l’interdiction du répréhensible. Dominant les fidèles du haut de son minbar - un jour de leur fête-, il accable les gens et insulte les adversaires et ceci par caprices et par esprit partisan. Il aura profité du fait que le musulman doit observer le silence absolu prescrit par la jurisprudence, pour commettre son méfait. En ce qui me concerne, si je suis mis à l’épreuve d’écouter un tel imam, – Qu’Allah me préserve de parler de moi par vanité – je me couvrirais la tête de mes vêtements et me boucherais les oreilles de mes doigts pour signifier mon mépris de la malfaisance d’un Page 49 sur 94 tel prédicateur, et refaire ma prière en dohr s’il le faut, car, il s’agit d’un prône illégal, indécent, futile et laid, qui ne doit pas se produire. Les ulémas disent ; « Ce qu’il faut éviter à la langue de dire, il faut aussi éviter que les oreilles ne l’entendent ». Oui messieurs, il ne relève ni de la sagesse ni de l’esprit chevaleresque de profiter, lors du sermon du vendredi, du minbar ou de toute autre chaire religieuse ou scientifique pour : imposer ses idées ou la doctrine de son parti ; susciter l’orgueil et l’animosité entre les gens ; vider ses querelles ; provoquer des présomptions et transformer le sermon en bulletin d’information de la mi-journée: Sermon austère, pessimiste, dénué des citations des textes sacrés et des invocations consacrées qui stimulent et éveillent, ce qui fait qu’à la fin, le fidèle s’en trouve dépité, frustré et regrette d’y avoir assisté 3. Chers frères, ce qui est requis d’un imam ordinaire - comme moi - partout dans le monde, c’est simplement de commander le convenable (convenablement !) et interdire le blâmable (sans blâmer !) comme de dire : 3 Un professeur digne de confiance nous a confié que parfois il préfère rester dans sa voiture le vendredi,, à proximité de la mosquée, attendant que le prédicateur ait terminé son prêche et que la prière soit sur le point de commencer avant d’y entrer. Ceci dit-il : parce qu’il n’est pas d’accord avec le contenu (les idées personnelles) exposé. Voilà pourquoi, vertueux prédicateurs, vous devez vous préoccuper de cette situation et consacrer l’allocution à tout ce qui rapproche d’Allah, à son invocation : « Ö vous qui avez cru ! Quand on appelle à la salât du vendredi accourrez à l’invocation d’Allah, et laissez tout négoce. Cela est bien meilleur pour vous, si vous saviez ! » (Sourate Al Joumouah / verset 9). Page 50 sur 94 « Pourquoi certaines gens pensent… ». Quant aux sujets brûlants, sensibles et délicats ou qui requièrent une spécialisation, ils doivent être laissés à ceux qui en ont les aptitudes et les dispositions. Des adages arabes disent : « Ceci n’est pas ton nids femelle, éloigne toi ! ». Personne ne doit dire : moi, je suis les événements de près, je lis les journaux et je connais bien la réalité, car ce n’est pas cela le savoir requis ni la science telle que définie par l’américain Sarton, : « Le savoir est un ensemble de connaissances vérifiées et ordonnées. », tandis que les hypothèses, les pronostics, les suppositions, les impressions et les bribes disparates de connaissances ne relèvent d’aucune façon du savoir même si les gens du commun nous applaudissent. Tu ne voudrais pas, monsieur, que nous soyons un précédent et un exemple pour les autres tel ce sheikh pieux et âgé à qui on demanda son avis sur « la mondialisation » et qui répondit : « nous en avons parlé avec le responsable qui nous a promis qu’il y mettra un terme ! ». ! Et tu ne voudrais pas non plus que nous soyons comme ce prédicateur rustre et spontané que des gens du commun l’ont excité, le poussant à prononcer un prêche enflammé dans lequel il a critiqué inéquitablement et arbitrairement un état occidental. Convoqué par les autorités, il fut soumis à l’interrogatoire suivant: - Est-ce que tu connais, monsieur, sur la carte du monde la situation du pays que tu as critiqué ? - Non, par Allah, je n’en ai aucune idée ! - Ne sais-tu pas, monsieur, que tu as porté préjudice à des millions de gens dans ton discours ; que tu as généralisé et injurié tous les citoyens de ce Page 51 sur 94 pays ? Que deviendrais-tu si ces gens t’assignaient en justice, car à coup sûr ils gagneront le procès ? Le prédicateur baissa la tête et dit : Il n’y a de force ni de puissance qu’en Allah, je suis désarmé face à cette calamité ! Et l’agent d’autorité de poursuivre : - Dis-moi, monsieur, qui-est-ce qui t’a mis dans cette situation ? qui t’a compromis et jeté dans cette mer de difficultés ? - C’est Satan, maudit soit-il, répondit les sheikh, avec candeur4. Méfie-toi, confrère imam, de tomber dans le tort dans lequel se mettent certains prédicateurs, quoique vigilants et sincères, à savoir : gesticuler, battre le sol du pied, déchirer les feuilles que l’on a entre les mains, pousser les gens à hurler. Ces comportements, s’ils sont tolérés par les gens accablés en Orient et dont les raisons sont compréhensibles, ils restent condamnables et inacceptables en Occident. Ils dénotent du déséquilibre existant entre le cœur et la raison et c’est très préjudiciable dans ces contrées, ainsi que nous l’a enseigné l’expérience ... Je rapporterai ici comme une anecdote, ce qu’a dit le philosophe et diplomate allemand converti à l’islam, Mourad Hoffmann, dans un article publié, à savoir que : « L’homme occidental s’offusque des cris que l’imam lui adresse à la face et il les sent comme une humiliation, une agression et un manque de respect ! ». Il suffit d’ouvrir les ouvrages de la jurisprudence musulmane pour voir qu’il est recommandé au prédicateur de neutraliser son corps et ses mains et d’en limiter les mouvements (Voir en particulier l’ouvrage intitulé Al Maghna de son auteur Ibnou Qudamah). 4 NB : C’est une histoire vraie. Elle nous a été rapportée par un professeur chercheur exerçant en Europe. Page 52 sur 94 Par ailleurs chers amis, nul ne doute que nous ne vivons pas sur une île isolée et que nous n’avons pas l’exclusivité des prêches et du rappel dans ce vaste monde et particulièrement dans la société occidentale ouverte. Cette société, et ce n’est pas un secret, abrite toutes les confessions religieuses, toutes les doctrines, toutes les cultures, tous les goûts et toutes les races et chacun agit en conséquence dans la limite garantie par la loi. Ici vous trouverez le prêtre dans son église, le rabbin dans sa synagogue, le professeur dans son amphithéâtre, le laïc dans son institut, le bouddhiste dans son temple, le journaliste sur le lieu de son travail et le politicien dans ses réunions … ! Il faut voir, par exemple, ces vastes assises ouvertes qui se tiennent au cœur de Londres et où chacun s’exprime par sa propre langue. N’oublions pas non plus qu’il y a là aussi le malékite, le hanafite, le chafiite, le hanbalite, le dhahiriste, le chiite, le kharégiste, le zaïdiste, le soufiste, le salafiste, l’abyssin … ! Il est quasi impossible en Occident de trouver une mosquée ou un centre islamique où tu ne rencontres pas toute cette diversité. L’on constate même que dans certaines mosquées et centres islamiques ici, qu’on trouve, réunies, jusqu’à trente nationalités ! Et chacun vogue dans une orbite ! Ce qui est requis de l’imam raisonnable est qu’il fasse passer son message à travers son prêche en toute sérénité, sans défier quiconque, ni nuire à ses opposants ou éliminer ses adversaires ! Pour le reste, c’est à chacun d'interpréter selon son jugement, son cœur, son écoute et sa vision ! ... « L’écume (du torrent et du métal fondu) s’en va au rebut, tandis que (l’eau et les objets utiles aux hommes) demeurent sur la terre. Ainsi Allah propose des paraboles » (Sourate le Tonnerre / verset 17). De toute façon, personne ne s’est jamais départi, ne serait-ce que d’un pouce, de son legs culturel Page 53 sur 94 ou religieux sous l’effet des injures, de cris, de la pression ou de la contrainte. Epargnons-nous donc cette peine, d’autant plus qu'Allah nous a créés différents et nous le resterons jusqu’à la fin des temps qu’on le veuille ou non : « Et si ton Seigneur avait voulu il aurait fait des gens une seule communauté. Or ils ne cessent d’être en désaccord (entre eux) sauf ceux à qui ton Seigneur a accordé miséricorde. C’est pour cela qu’Il les a créés » (Sourate Houd / verset 118). « Est-ce à toi à contraindre les gens à devenir croyants ? » (Sourate Younès / verset 99). J’ai parfois l’impression que si nous nous consacrions maintenant en Occident à nous corriger et à éduquer nos enfants, il ne nous resterait ni du temps ni de l’énergie pour penser ni du mal ni du bien des autres. ... Et permettez-moi de dire que la meilleure invitation que nous puissions adresser à la société occidentale qui nous accueille est une invitation tacite, où la langue cède la place au cœur, en se comportant avec dévouement et bonté. Il n’est ni sage ni bienveillant aussi que l’imam qui est le modèle à suivre, traite les fidèles de sa Mosquée(Awa mm) d'enturbannés somnolents ou de racaille tumultueuse, termes que reprennent certains ! As-tu jamais vu – qu’Allah te pardonne – un médecin se moquer de son patient et aggraver son mal ? Ainsi donc par précaution et par principe les gens doivent être traités avec considération et être pardonnés quand ils ont agi par ignorance. « Repousse le mal par ce qui est meilleur. ... » (Sourate Les Croyants / verset 96). Ces gens du peuple, avec ce que nous avons – moimême et eux – de défauts, sont ceux-là mêmes qui ont hébergé, protégé et initié ceux qui sont devenus l’élite. Ce sont ceux-là qui veillent sur les mosquées, qui en sont les piliers et qui les fréquentent le plus. C’est grâce à Page 54 sur 94 eux que nous avons traversé les mers, construit les contrées, éteint l’incendie et sauvé le naufragé. C’est grâce à eux que nous sommes reconnus, qu’il se trouve parmi nous des gens qui maîtrisent la récitation du Coran et des sheikhs ; ce sont eux qui ont permis que nous puissions effectuer les prières collectives et la prière du vendredi et c’est grâce à eux nous pouvons multiplier les pèlerinages aux lieux saints de l’Islam et même y assurer le service de guide de nos pèlerins. C’est grâce à leurs petits revenus que nous avons réalisés des économies, atteint le seuil de la zakat, construit les logements, acquis le moyen de transport, voyagé par avion et par bateau, assuré la tutelle des orphelins et maintenu les liens familiaux. Bref, comme nous dirions en dialectal : « Nos ventres se sont gonflés de bonne bouffe et nos poches de sous » ... La moindre des choses est de témoigner de notre reconnaissance à ces hommes, ces champions qui ont réalisé des prouesses avec leur peu de savoir et leur vision limitée ! L’élite a-t-elle accompli quoi que ce soit sans ces hommes du commun ? Et pourquoi cet élitisme, alors que nous parlons le même langage courant, que nous sommes tous de culture modeste – et loin de moi l’idée de me mettre au-dessus du lot – car parmi ces gens du commun il y en a qui nous dépassent dans nombre de nobles actions et de hautes qualités ! Parmi eux il y a : - L’homme qui jeûne le jour et prie longuement la nuit - L’homme patient qui s’en remet à Allah - L’homme qui dépense sans compter dans l’action humanitaire. - L’homme sincère. - L’intelligent, Celui qui comprend à demi-mot Page 55 sur 94 - L’homme d’expérience et de génie - L’apôtre éclairé. - Etc... Ne ferons-nous donc pas mieux de cesser de médire, et de rendre le bien par le bien ? « … Y a-t-il d’autre récompense pour le bien que le bien ? » (Sourate Ar Rahman / verset 60). Ne ferons-nous donc pas mieux de cesser de nous plaindre, nous qui vivons dans l’abondance et la joie pendant que certains de ceux dont nous ne valons pas un bout d’ongle en matière de foi et de savoir, vivent dans l’enfer de la pauvreté et de la privation, patients. Nous ne les avons entendu ni se plaindre ni pleurer leur sort. Une autre preuve de sagesse de la part de l’imam dévoué est qu’il doit s’entourer de gens forts et honnêtes qui sauront le défendre s’il se trompe et le remettre sur la bonne voie s’il dévie. Cette précaution est bénéfique pour l’imam et l’ensemble des fidèles. Un entourage qui serait composé de gens ordinaires et simples ne serait peut-être pas en mesure de relever les dérapages éventuels de l’imam et le remettre en selle : Ils lui seraient plus nuisibles qu’utiles. Nous avons appris une multitude de choses, ici, de gens qui se sont érigés contre nous en critiques ou en animosité ou en jalousie. Puisse Allah leur pardonner et faire qu’ils s’amendent. Par contre, de nombreuses personnes analphabètes, bonnes, confiantes, nous faisaient des éloges, mais ils n'ont produit sur nous que l’effet négatif de nous rendre passifs et de nous gonfler d’orgueil ! Je cite ici quelques mots d’une grande beauté : Page 56 sur 94 - « L’ami, ce n’est pas celui qui authentifie ce que tu dis, c’est plutôt celui qui est front envers toi » - « La concordance permanente est une hypocrisie » - « Les erreurs non corrigées s’accumulent et interagissent telle la pression de la vapeur et une fois atteint le point critique, elles se libèrent dans une explosion destructrice effroyable" Je te demande donc instamment cher frère imam de t’entourer de personnes lucides, qui veillent sur toi et qui soient capables de te dire opportunément : Ceci est une erreur ; ceci est arbitraire. ... ; ceci ne convient pas. ... Ceci est bon ou bien ou mal ou utile ou nuisible ou meilleur. ... Rien ne vaut mieux que la critique constructive et la concertation sérieuse et personne ne peut se passer de l’avis des autres et de l’expertise des spécialistes, fût-il un prophète qui reçoit la révélation divine et à plus forte raison quand il s’agit des étudiants pauvres et des imams récemment désignés qui ignorent tout, sinon des surprises peuvent les guetter, spécialement dans les pays occidentaux ! Et Allah sait que ce sont des surprises de taille ! Allah nous a dit dans son Livre, s’adressant à son prophète : … et consulte-les à propos des affaires (Sourate Al Imrane / verset 159) et Il a dit –Exalté soit Il— dans un autre verset : … se consultent entre eux à propos de leurs affaires (Sourate Ach Chourah / verset 38). Dans le fiqh, il est expressément montré les différentes manières, toutes discrètes, d’attirer l’attention de l’imam en cas d’oubli de sa part au cours de l’exercice de ses fonctions (prière, prêche, récitation du Coran). Ces recommandations restent valables pour toutes les disciplines dans lesquelles Page 57 sur 94 l’imam est amené à intervenir, que les erreurs portent sur la foi, la pensée ou le comportement. Nous sommes drôles, nous autres imams : Nous adressons aux gens des centaines de prêches et autant d’attaques à de nombreuses occasions, ils les encaissent patiemment, sereinement, de bon gré, mais il suffit qu’un homme sage et modéré - parmi eux - attire notre attention, pourtant avec tact, sur une de nos failles ou nous suggère une idée, pour l’accabler de nos imprécations, invoquer le mauvais sort contre lui et puis saisir les occasions pour clamer haut et fort la formule consacrée : « chaire (viande) des ulémas est empoisonnée, la chaire des ulémas est empoisonnée. ... ». Il ne faut pas en vouloir - cher imam - à ceux qui voudraient discuter plus profondément une idée avec toi, ou qui réagiraient à la suite d’une affirmation ou qui te feraient une réflexion désobligeante ? Ne sais-tu pas que tu exerces dans une société européenne, rationaliste, matérialiste, critique et cartésienne pour laquelle il n’existe rien de sacré ou d’inviolable. Ici les rapports entre l’imam et les gens, entre l’éducateur et l’élève ou l’étudiant, sont tout autre chose que ceux qui prévalent en Orient, car le contexte scientifique et religieux diffèrent de fond en comble et la vision que nous en avons n'existe plus que dans des esprits idéalistes, tels le mien et le tien. Et quiconque contrarierait ce courant ou ne tiendrait pas compte de cette spécificité irait vers l’échec, la déception et s’apercevrait que les jeunes désertent ses audiences sans regrets et personne ne s’apitoierait sur son sort. Tout ce constat est le fruit de l’expérience. La seule alternative donc est de faire preuve de patience, de s’adapter, d’avancer doucement, de s’ouvrir au dialogue et de rester irréprochable en tant qu’enseignant et modèle. Page 58 sur 94 A-t-on jamais vu un imam attester lui-même de son honorabilité ? Ou un homme pieux dire : Je suis le pieux, reconnaissez moi ? Ou l’homme de noble lignée, propre, qui dit : Baisez mes mains ? Ne nous convient-il pas d’implorer le pardon d'Allah et de nous repentir de tels excès et de cet orgueil qui musèle les voix, accable les esprits et freine les énergies ? Qu’Allah nous en préserve. Le prophète, maître des imams et leader de la Umma, n’était point vindicatif et ne se préoccupait guère de ses adversaires : La ligne de conduite du prophète doit nous inspirer pour améliorer notre comportement de tous les instants. Nous sommes vraiment très éloignés de l’amour que nous devons vouer au Messager d’Allah (PbAsl). Personne n’a le droit de dire : je me conforme aux méthodes héritées de nos sheikhs, car ces étaient avec tous leurs mérites sont le produit de leur société et les hommes de leur époque et personne parmi eux n’avait prétendu être infaillible ni parfait, et s’ils pouvaient prévoir les défis du temps et de l’époque où nous vivons, ils changeraient d’avis sur bien des comportements, des pratiques et des goûts, à l’instar des savants de grande renommée. Ci-après quelques mises en pratiques de la sagesse par l’imam : - Respecter les spécialités - Connaître les potentialités des gens - Ne t’invite pas, toi, modeste imam comme moi, sur la table des grands - N’oublie pas les anciens dignitaires ni ceux qui mémorisent le coran par cœur. Page 59 sur 94 - Ne discute pas de sujets qui ne relèvent pas de ta compétence - Ne te prends pas pour l’Imam des croyants ou le lion dans sa tanière - Et mets-toi dans la tête que les autres sont là et ne sont pas de simples figurants. Car le manquement à ces règles te dévalue, prouve que tu es frivole et ignorant des bonnes manières et cela hâtera ton départ. Il faut aussi se rappeler qu’exceller dans une science donnée ne signifie pas que l’on maîtrise toutes les autres et ne nous permet pas de se revendiquer de tous les arts. A souligner que sont considérées comme spécialités : les différentes méthodes de réciter le Coran, le Fiqh, l’éducation, l’économie, la politique etc. Ce serait de l'illusion que de se donner bonne contenance et prétendre ridiculement un savoir que l’on ne possède pas. Il faut admettre qu’ignorer une chose c’est l’ignorer, et ce n’est ni la notoriété dans une discipline ni la renommée ni le prestige ni l’âge ni l’ancienneté ni la dignité de sheikh ni le doctorat, ne pourront changer cet état de fait. Il faut dire les choses explicitement et franchement pour gagner du temps et servir la vérité. - Sibawaïh était par exemple, une sommité en grammaire arabe mais ignorait tout du Hadith ; - Mohammed Bnou L’Hassan Ash Shibani était une sommité en matière de Fiqh (Jurisprudence) et ne savait rien des règles de la récitation du Coran. - Hafss était expert en matière de récitation de Coran mais faible en Hadith (ainsi que rapporté par Addhahbi dans son ouvrage intitulé As Siar (les lignes de conduite). Page 60 sur 94 - Le professeur allemand Schmidt, médecin de renommée mondiale, ne connaissait rien en matière d’histoire, il pensait que les Ottomans étaient contemporains du 20ème siècle. - Mon Maitre, (bien aimé) qui nous a éduqué, qui nous a enseigné la calligraphie et la ponctuation du Coran – Qu’Allah rehausse son rang –, ne différenciait pas entre le hadith authentique et celui qui est faible en tant que spécialité (par rapport à la chaîne garantie de transmission) et disait que le hadith faible convenait mieux aux faibles que nous sommes ! J’ai écouté - Allah m’est témoin - de la bouche d’un homme considéré comme éminent en matière de jurisprudence et de fatwa à notre époque, je l’ai écouté attribuer au prophète (PbAsl) un hadith, alors qu’il s’agit d’une simple strophe d’un poème, chantée par tous, dans les pays arabes. De telles erreurs de la part des ulémas et de personnes marquantes en religion ont de tout temps existées, car personne n’est parfait et la perfection absolue appartient à Allah, l’Unique, Qui n’a pas d’associés. Cette vérité incontestée est illustrée dans le Coran dans le verset suivant : « Vous vous êtes bel et bien disputés à propos d’une chose dont vous avez connaissance. Mais pourquoi vous disputez- pour des choses dont vous n’avez pas connaissance ? » (Sourate Al Imrane / verset 66). L’imam titulaire est censé être un modèle en matière de courtoisie, de bon goût, de respect des personnes et d’humilité vis à vis des fidèles et cela ne lui vaudra que plus d’élévation et de considération dans les cœurs. Soyons vigilants sur ce point, car de nombreux imams en Occident sont jaloux de leurs pairs, ignorant la présence des invités à la mosquée. Par modestie et par tact, il serait meilleur et plus convenable pour eux, d’accueillir leurs invités, mais le démon – Qu’Allah nous en préserve – Page 61 sur 94 leur fait croire qu’untel va les supplanter et les priver de leur gagnepain. Implorons Allah de nous préserver du démon. Appel et espoir : - Ö toi qui est initié dans les affaires de la religion (Faqih) ! Sois généreux envers tes invités et Allah le sera envers toi ; certes la générosité à l’égard des invités est l’une des voies les plus simples pour accéder à la foi. - Exprime tes bons sentiments de façon audible et claire aux personnes qui t’ont été dépêchées par les ministères des affaires religieuses, les diverses universités (Al Qarawyène, Al Azhar, Azzaïtouna …), les centres islamiques ou toute autre institution religieuse reconnue, ou encore les personnes invitées officiellement par la mosquée ou le centre dont tu relèves, ce sont généralement des personnes qui récitent le Coran, ou qui sont chargées de missions d’exhortations. - Sois au premier rang de ceux qui les accueillent aux aéroports et aux gares et le dernier à les saluer en les raccompagnant, à leur départ. - Propose de leur céder le minbar et le mihrab, si tu le juges opportun et sage. - Sois convaincu que la visite des élus d’Allah illumine et ne brûle point, élève et ne dévalue point. A-t-on jamais vu des lumières se bousculer ou des fleurs se chamailler? N’est-ce pas que les beaux bouquets se composent de fleurs diverses et de roses variées ! Jure-moi par Allah imam, toi qui es issu d’une généreuse lignée, que tu ne priveras pas les gens de ta mosquée et de ton quartier de la bénédiction des gens du Coran et particulièrement pendant le mois de Ramadan. Mais sois Page 62 sur 94 aussi prévenu que priver les musulmans de cette bénédiction est une trahison et un aveuglement, un signe de despotisme et de faillite de la conscience et sois sûr qu’une fin déplorable s’en suivra pour son auteur. Qu’Allah nous sauvegarde. La sagesse de l’imam visiteur se manifestera comme suit : - Il ne doit pas dépasser sa limite et sa mesure. - Il ne doit de lui-même, ni présider une prière, ni exhorter ni donner un discours ou promulguer des fatwas, sauf à la demande explicite de l’imam titulaire, mais jamais à la demande du publique. Dans ce cas, il devra faire preuve de réserve et de prudence pour ne pas porter préjudice à l’imam titulaire ou le discréditer aux yeux des gens. Le prophète (PbAsl) a dit dans un hadith rapporté par Mouslim : « L’on ne doit pas guider dans la prière, chez-lui, un homme dont on est l’invité, ni s’asseoir à la place du maître de maison, sauf à la demande expresse de celui-ci ». - S’il fait l’éloge de l’imam titulaire quand il a été autorisé à prendre la parole ce serait louable de sa part et une preuve de sagesse, car finalement seuls les gens de valeur savent apprécier la valeur des autres et ont le courage de le dire. - Qu’Allah nous préserve de cette catégorie de gens qui, quand tu leur accordes de l’importance ils te dénigreront ; quand tu leur donnes l’avantage, ils te désavantageront ; et ainsi que de ceux qui médisent de toi dès qu’ils te tournent le dos. Qu’Allah agrée Ach Shafi'i qui a dit : « Je n’ai jamais élevé quelqu’un plus haut que le rang qu’il mérite sans qu’il ne me rabaisse autant ». C’est à ce genre de personnes que nous penserons en lisant les versets du Coran suivants : « Dis : je cherche Page 63 sur 94 protection auprès du Seigneur de l’aube naissante contre le mal des êtres qu’il a créés. » (Sourate Al Falaq / versets 1et 2). L’imam pertinent doit aussi : - Centrer son sermon sur l’essentiel et faire abstraction du reste - Parler seulement de ce qui recueille l’adhésion de tous et éviter ce qui ne fait pas l’unanimité. - Traiter de la réalité, non de ce qui est censé ou supposé être, ni de théories ou de polémiques ni de récits ou de jérémiades inutiles. Quel intérêt y a t- il à consacrer plusieurs sermons consécutifs pour polémiquer sur des sectes telles : Al Mouâtazilah, Azzaïdia, Al Ebadéa, le Salafisme, le Soufisme, le Wahhabisme ou des successeurs des Bani Umayyad. Quel intérêt cela présente-t-il pour le musulman vivant en Occident ? Pourquoi lui exposer le différend qui oppose sunnites et shiites ? Penses-tu que mille fois mille sermons pourront trancher ce vieux différend qui divise et angoisse la communauté ? Quel intérêt y a-t-il à axer des discours sur la zakat (aumône obligatoire) concernant les ovins, les bovins, le maïs, l’orge, alors que des milliers de kilomètres nous séparent du Sahara et du désert ? et ce, au moment où les commerçants, les ouvriers et les fonctionnaires dans les centres urbains ici en Occident attendent de nous de leur détailler ce qu’ils doivent savoir sur la zakat qui concerne l'Euro, la Livre Sterling, le Dollar, l’or, l’argent, les marchandises, les titres boursiers ... ainsi que les problèmes qui nous interpellent de façon persistante et urgentes tels : l’éducation des enfants, la protection de la famille, l’assistance à la jeunesse Page 64 sur 94 ; les dangers de la drogue, la manière de se comporter vis à vis des nonmusulmans, l’enseignement de la culture du dialogue et du bon voisinage ... A quoi sert-il aussi chers confrères, de focaliser nos sermons et nos exhortations sur des thèmes tels : l’étroitesse et l’isolement de la tombe, son austérité, ses affres, la mélancolie et la tristesse que tout cela suscite ? Les gens repartent avec la phobie de la mort, de l’enterrement, et que leurs biens seront entre d’autres mains et que leur corps sera livré aux serpents, aux scorpions et aux vers ! Un tel discours provoquera probablement aussi des maladies psychiques chez les femmes, les enfants, ceux qui souffrent de maladies chroniques et les vieillards : le désespoir pourrait s’en emparer, les faire douter de la miséricorde d’Allah et prendre en désaffection les mosquées. Pourquoi, chers frères, n’imiterions-nous pas le prophète (PbAsl) dont les surnoms sont à eux seuls une ouverture sur la vie, l’optimisme et l’espoir : (Al Bachir = qui annonce la bonne nouvelle. Annadir = qui met en garde contre les actions et les paroles qui pourraient compromettre la personne dans sa foi en Allah. Assiraj = la source de la lumière. Al Mounir : l’illuminant). Il (PbAsl) émaillait ses exhortations de bonnes nouvelles et d’avertissements édifiants, inculquant ainsi la confiance en la clémence et la miséricorde d’Allah, tout en débordant de larmes de clémence et d’amour pour les créatures d’Allah (PbAsl). Obéissons aux recommandations que nous adresse Allah dans les versets ci-après : (Ceux qui disent : Notre Seigneur est Allah, qui se tiennent dans le droit chemin, les anges descendent sur eux au moment de la mort et leur disent n’ayez pas peur et ne soyez pas affligés mais ayez la bonne nouvelle du paradis qui vous était promis (Sourate Page 65 sur 94 Foussélat / verset 30). Le prophète (PbAsl) a dit dans ce sens : « celui qui a aimé aller à la rencontre d’Allah, Allah a aimé sa rencontre ». Voilà la sagesse dont nous avons tant besoin ! Et retrouvons encore une fois le verset 269 de Sourate Al Baqarah dans lequel Allah nous souligne l’extrême valeur de la sagesse : « ... et celui à qui la sagesse est donnée, vraiment c’est un bien immense qui lui est donné. » Il n’est ni sage ni du bon sens : d’exporter les tares et les désordres des pays musulmans à nos jeunes en Occident ou de leur amplifier une facette de la religion au détriment des autres facettes, ou de faire l’impasse sur le fiqh des priorités, des buts, des avantages, des inconvénients. ... La priorité est de commencer par : - Sauver la foi - Commencer par les obligations et les piliers au lieu de sauter d’emblée à la voie de l’excellence dans l’adoration et s’intéresser aux subtilités du savoir, car parmi nos jeunes, ici en Occident, il y en a dont les cartes se sont brouillées et qui sont dans un embarras de choix entre les différents courants répandus. Ils s’affairent autour du soufisme, du salafisme ; balancent entre les doctrines, fréquentent des groupes de discussion alors qu’ils connaissent difficilement la sourate des Louanges « Fatiha » et qu’ils n’ont même pas le duvet à la place de la moustache. La grande part de responsabilité de cet état de chose incombe à toi, frère imam, car c’est toi qui as la science en tant que fqih : Tu es la personne mûre, le conseiller, l’éducateur ! Ta fonction frère imam, consiste à démontrer à nos innocents enfants les fondements de la religion et l’ordre de leur priorité, la manière de pratiquer Page 66 sur 94 leur Islam de façon saine et exempte des malfaçons. Sinon, ce serait les abandonner à leur propre sort avec tous les risques qui les guettent. A quoi, messieurs, servirons à notre nation, des jeunes qui, s’ils sont pratiquants ils deviennent moines ; s'ils dévient, ils tombent dans le fanatisme ; s’ils fréquentent les mosquées, ils en font leur demeure et quand ils en sortent c’est pour n’y plus retourner. Ces comportements extrémistes sont bien connus en Occident. Il faut donc retrouver le juste milieu, l’équilibre et la modération. Quelle utilité pour le monde, cher imam, représente un jeune qui pratique la religion, mais dont il n’a de la rectitude que le port du turban et le qamiss , la pratique des incantations (roqya) pour éloigner le démon, l’usage du musc comme parfum, le bâtonnet d’Arak pour se nettoyer les dents, le port du chapelet à la main.., les compliments à l’adresse de tel ou tel sheikh, la navigation sur le web – sans but ni considération de temps – pendant que sa maman, la veuve âgée, travaille péniblement à l’atelier ou au champ pour subvenir aux besoins de son fils fainéant. Et si on lui demandait de cesser cette ingratitude et de se rendre sur le marché du travail – comme ordonné par Allah – il mettra en avant des prétextes tels : la corruption de l’époque, la situation de l’émigré, le danger de la séduction des femmes ! Par contre, il se permet volontiers et sans gêne de tendre la main, de bousculer les pauvres dans les centres de bienfaisance quitte à justifier cela, sans réserve, de licite ou en tant que butin acquis contre l’ennemi et pour lequel il pense qu’il sera particulièrement rétribué par le ciel ! Cela ne s’appelle, messieurs ni de la droiture ni de la dignité ni du soufisme ni non plus de l’extrémisme. C’est une crise d’adolescence religieuse ou d’identité qui passera sans laisser de séquelles, si elle rencontre un imam à la hauteur de sa mission, dévoué à Allah, modéré, Page 67 sur 94 ayant le sens du dialogue, patient, cultivé, conscient de son rôle social, qui fasse la part de la religion et de la vie ici-bas, qui sache inculquer les fondements et leur saine mise en pratique, qui traite les problèmes avec savoir et tact, sans émotion ni irritation. Vous êtes, messieurs les imams les dépositaires d’une lourde confiance : Vous avez entre les mains la jeunesse de la nation, soyez en dignes. L’imam sage qui ambitionne de corriger les mœurs doit commencer par sa propre famille puis sa tribu puis ses amis, afin qu’il ne s'entendra pas dire un jour : Retourne chez- toi, car les tiens ont plus besoin de tes exhortations que nous ! Et ces paroles auraient alors sur tout cœur sensible et clément l’effet le plus pénible. Implorons Allah – Exalté soit-Il – afin que rien ne soit dévoilé de nos tares et de nos secrets ! Il est clair que plus l’entourage du prédicateur est sain et irréprochable, particulièrement l’épouse et les enfants, plus la tâche de l’imam sera aisée et sa parole plus utile et plus efficace. Méditons dans ce sens le verset coranique suivant : ... qui disent Seigneur donne-nous en nos épouses et nos descendants la joie des yeux et fais de nous un guide pour les pieux (Sourate le Discernement / verset 74). L’on ne peut devenir un véritable guide pour les pieux que si notre propre capital est sain et que nous sommes réjouis quand nous voyons que notre famille et nos enfants sont tels que nous espérions, - ainsi qu’illustré par le verset précité. Le professeur Barghout, spécialiste des problèmes de la famille a traduit cette condition impérative par l’équation suivante : (Mariage réussi + enfants bien éduqués = Aptitude à guider les gens pieux). Page 68 sur 94 Pitié donc cher frères pour ce précieux capital que sont les épouses et les enfants, sachant que même si par la grâce d’Allah nous réussissions à ramener sur la bonne voie des millions de gens, mais qu’un seul de nos enfants en tant qu’imams est dévoyé, notre crédit serait réduit à néant et la terre nous deviendrait inhospitalière et ce, quelle que soit notre importance au plan culturel, de la piété, du prestige ou de la richesse ! Le conseil suivant n’est pas à écrire en lettres d’or mais bien à mettre en pratique : Regarde autour de toi et rends-toi compte du résultat auquel sont parvenus tes frères qui ont choisi de dépenser leur temps à se distraire et à voyager au moment où leurs obligations familiales sont négligées. La famille est la fondation de bonnes œuvres, où chacun de nos efforts envers nos familles sont rétribués par Allah, selon l’expression d’un écrivain. Prends exemple sur mon cas et évite mes erreurs : En plein âge mûr, les cheveux gris et le dernier enfant déjà là, j’ai relâché ma vigilance à tel point que comme on dit : Omar a trop grandi pour être cerné et si ce n’était la miséricorde de mon Seigneur, j’aurais sombré. Mais je reste encore au bord du précipice et j’implore Allah pour moi-même et pour les autres en répétant : « Ö Allah ! Que notre mission réussisse sans encombre ! » Le but de mes conseils, cher imam – toi qui a des enfants –, est que tu restes vigilant, méfiant, présent, au courant des dossiers de ta femme et de tes enfants un par un sur les plans de l’éducation et de l’enseignement – matériellement et moralement ! Tu dois être plus proche d’eux que toutes leurs connaissances et amis et les placer en priorité quant à tes projets et programmes ; surveiller aussi la qualité des camarades et des voisins et veiller à ce que les conditions de vie soient valables : nourriture, hygiène, transport ainsi que l’origine des ressources. ... Enfin, invoquer Allah pour Page 69 sur 94 eux matin et soir et supporter patiemment les épreuves qu’ils pourraient susciter, suivant en cela les prophètes et les pieux. Si, pour des causes extérieures et malgré tous les efforts, l’on ne réussit pas cette éducation, il n’y a pas lieu de se tourmenter et de se laisser envahir par le désespoir et la frustration, car Allah a ses raisons et ses secrets et c’est lui le Guide, nulle divinité en dehors de Lui. La liste des personnes qui ont été éprouvée dans leurs enfants est trop longue pour être rapportée. Le récit de l’histoire du prophète Noé – Que le salut soit sur Lui – avec son fils est à la fois une leçon et un soulagement. La compensation vient des petits-fils qu’Allah nous donne, sinon directement d’Allah ... N’est blâmable que celui qui a été négligeant, incapable ; qui a lâché les rênes et baissé les bras se contentant d’adresser des vœux pieux à Allah ! Que la prière d’Allah soit sur notre seigneur et père le prophète Ibrahim qui a dit : « ... celui qui me suit fait partie de moi-même et celui qui me désobéit – c’est Toi le Pardonneur et le Miséricordieux » (Coran / Sourate Ibrahim). Allah a aussi loué et salué son prophète, Issa fils de Marie, qui a dit : « J’étais le témoin de leurs actes tant que je vivais parmi eux et depuis que Tu m’as rappelé à Toi, c’est Toi qui en es l’observateur » (Sourate Al Mà-idah). Sache, cher imam, que l’éducation est axée sur l’exemple que nous représentons nous mêmes puis sur : - l’accompagnement - l’adhésion - le suivi - l’explication par la preuve - la spontanéité Page 70 sur 94 - la tolérance - la sagesse De même qu’il faut savoir fermer les yeux quand il le faut. Il ne s’agit donc pas d’interdire, de donner des ordres, de sévir, de dominer ni de soumettre ou de contraindre ! Ces méthodes brutales ont montré leur stérilité ; elles ne produisent – expérience à l’appui – que des êtres déformés, complexés, effondrés et faibles, à nul usage utiles. Ne t’acharne donc pas sur ton enfant et ne le dévalue pas parce qu’il n’est pas imam comme toi et qu’il n’a pas accumulé autant de connaissances livresques et de savoir-faire que toi. Nos enfants ne sont pas notre possession et ne sont pas une pâte malléable à soumettre à notre gré – comme certains le croient et il n’est pas requis pour qu’ils soient une photocopie conforme du père ou de la mère. Aucune civilisation, messieurs, ne se fonde uniquement sur la fonction d’imam ou sur le savoir religieux, mais, il exige d’autres connaissances et spécialités. Et au final, chacun est prédisposé pour les fonctions pour lesquelles il est créé. (Partie d’un hadith cité dans les Deux recueils authentiques – Assahihain – de Boukhari et Mouslim). Ne te fie pas cher imam à un critère unique pour mesurer le progrès de tes enfants – comme le font certaines personnes –, il faut multiplier et varier les critères ; faire dérouler les tests sur plusieurs années et tenir compte des circonstances et des lieux. A titre d’exemple, ne pas évaluer son enfant uniquement sur le critère de mémorisation du Coran ! Qui de nous ne voudrait-il pas que le Coran fasse partie de son foyer ? Néanmoins l’imam cultivé ne doit pas mesurer le progrès de ses enfants et de ses petits enfants Page 71 sur 94 en fonction du nombre de sourates ou de chapitres qu’ils ont mémorisés. Je rappelle cette citation de nos sheikhs, à savoir : La personne qui apprend ne serait-ce qu’un seul verset et qui le traduit en actes dans sa vie est meilleure que celle qui mémorise le Coran en entier et n’en applique pas les recommandations ! L’essentiel, selon notre modeste expérience est que l’éducation aboutisse aux résultats suivants : - un esprit équilibré et sûr - de bonnes manières morales - un raisonnement sain et judicieux - la santé psychique - la motivation accrue - la sagesse qui permette de réussir ici-bas tout en préparant son succès dans l’au-delà . Celui qui n’a pas la chance d’avoir une femme pieuse, honnête, bonne conseillère et bonne éducatrice, on peut affirmer que sa fonction d’imam sera comme amputée et que tous ses efforts seront vains. A celui-là nous présentons toutes nos condoléances ! Car les deux tiers de l’éducation des enfants sont dispensés par la maman, surtout si l’imam en question est titulaire dans son poste. Cet imam-là est à considérer comme absent de la maison même lorsqu’il y est présent. Sa vie ressemble à celle des ambulanciers et des pompiers qui peuvent être requis à tout moment. Dans ce pays les problèmes et les cas d’espèces auxquels l’imam est appelé à répondre ne peuvent être pertinemment compris et résolus Page 72 sur 94 qu’à travers l’intervention de l’épouse et sa participation dans la recherche du remède. C’est Allah qui conduit à la réussite et c’est lui qui nous arme de patience. Une autre preuve de sagesse et de finesse de la part de l’imam est le fait d’attacher beaucoup d’importance à sa santé et à sa condition physique ce qui lui permettra d’assurer sa tâche régulièrement et de façon optimale. Nombreux sont les imams et les prédicateurs – et je n’en fais pas exception – qui se sont laissés aller à la tranquillité et à l'inaction et qui en sont devenus obèses ; en outre les voyages, les longues veilles et les soucis des émigrés ont fini par les briser. Ils ne pratiquent pas d’exercices physiques pour tonifier leur corps et en évacuer les toxines. Ils ne prennent pas en considération la partie du fiqh traitant de la santé et des mesures préventives destinées à la préserver. De par la nature de la formation traditionnelle qu’ils ont reçue dans les mosquées ils n’ont aucune notion de l’importance de l’activité physique et personne n’a dû les conseiller, ce qui fait que le mal s’est très tôt installé entraînant les signes de la vieillesse précoce : Arthroses, tension artérielle, diabète, arthrites, ... Et qu’Allah accorde sa miséricorde à Omar Al Faroq, le compagnon du prophète, qui a dit : « Quiconque abandonne la marche, c’est la faculté de marcher qui l’abandonnera ». En conséquence cher frère imam regarde les victimes de cet aveuglement, dont je fais partie, et exhorte-toi. Commence sans tarder à faire de la marche ; fais-en une sorte d’activité très régulière et fais-toi suivre par un médecin spécialisé – non par n’importe qui - . Méfie-toi du livre intitulé : « Médecine et sagesse » attribué par Assayouté, et qui ne relève ni de la médecine ni de la sagesse. Page 73 sur 94 La médication par Ar Roqia – incantations et récitation de versets du Coran pour se préserver ou guérir de la maladie – est une pratique conforme au droit en islam et ses effets bénéfiques sont connus, mais elle ne remplace pas la médecine et le médecin et les associer donnera le meilleur résultat. Distrais-toi cher frère imam et mets ta famille à l’aise ; sors, respire l’air pur, profites des espaces verts, des forêts, des lacs, des fleuves, des montagnes, de la neige et des parcs des pays de l'Occident qui sont vraiment d’une réelle beauté ! Gloire à Allah qui les a créés et leur a donné cette splendeur. Eloigne-toi un peu de la pollution des grandes villes, de la fumée des usines, des ondes des ordinateurs et des GSM, des poisons de la TV, des pressions de l’exil, des soucis de la famille et de la compagnie des lourdauds ! Délivre-toi de cet empâtement et de la paresse qui aura raison de toi tôt ou tard, car la norme d’Allah – Exalté soit-Il – est inexorable concernant la santé, la maladie, la force ou la faiblesse ... Cette norme ne privilégie personne et a raison de toute résistance. Suis régulièrement le régime alimentaire prescrit aussi strict soit-il. Ne prends pas à la légère tes problèmes de santé et traite les loin des recettes populaires et rappelle-toi que tu incarnes le modèle sur lequel converge les regards et que tes moindres faits et gestes sont passés au crible de la critique : le rôle assigné à l’imam est qu’il soit l’exemple à suivre. ... (Hadith). Si tu n’accordes pas à ton corps les soins auxquels il a droit tu seras suivi en cela par les gens du commun et tu en répondras alors doublement. Si tu es dans les conditions requises pour le mariage, cher jeune imam, marie toi et appelle les enfants de tes vœux, car c’est là le moyen de Page 74 sur 94 préserver ta chasteté, de trouver la tranquillité d’esprit et de nombreux autres bienfaits, en particulier dans ces contrées ! Mais si tu n’as pas encore réuni les conditions du mariage, patiente dans la chasteté et Allah te comblera de ses bienfaits, car Allah est généreux et omniscient. Ne rode pas autour des interdits sinon tu tomberas dans leur filet, sachant qu’à notre époque tout le monde navigue dans les milieux des plaisirs et de la luxure où l’attirance est partout. Si tu ne fais pas attention et si tu cèdes sache qu’Allah est puissant et sage. Préserve ton honneur mon fils car les regards convergent vers toi à l’instar des gens qui sont en haut de l’affiche et qui prêchent la vertu et combattent les vices. Ne te laisse pas trahir par ton regard car les regards illicites privent le savant de son secret et lui ôtent son auréole et son charisme – comme l’ont dit des gens très pieux. Invoquons Allah de nous guérir de tels travers. Gare à toi de vivre loin de ton épouse et de tes enfants sous prétexte de les préserver contre la perdition et de les laisser baigner dans la bénédiction de la terre de leurs ancêtres. Sache monsieur que la terre ne vénère ni éduque personne, en particulier à l’époque de la mondialisation, de la globalisation, de la privatisation, du sms, du Facebook, de Twitter, du iPhone, de l’opium, etc. L’éducation des enfants, après l’assistance d’Allah, ne peut être assurée que par les parents réunis sous le même toit, conjuguant leurs efforts pour affronter les mêmes difficultés et suivre la même ligne de conduite ... Par contre vivre des années, voire des dizaines d’années en tant qu’émigré loin des siens, ne peut générer, à notre avis, que des barrières psychologiques entre le père et le fils, en plus de l’impossibilité de concilier entre les fonctions maternelles et paternelles qu'exige notre époque, sans parler de la souffrance des Page 75 sur 94 époux eux-mêmes, privés de la vie en commun – avec les dangers que cela entraine et que personne n’ignore. Cher frère imam je veux, sans détour, te demander instamment, une fois de plus, de ne pas vivre éloigné de ton épouse et de tes enfants pendant une longue période- -sans nécessité impérative – sinon, crois-moi, tu n’auras pas assez de ton cerveau pour résoudre ton problème et à plus forte raison ceux des autres. Le tiers de ta vie sera perdu dans les communications téléphoniques, les lettres postales et électroniques, les questionnements, les réponses, les discussions inachevées, le ton tantôt tumultueux, tantôt agressif ! Et l’anxiété ou autre maladie psychique s’emparera de toi le jour de l’Aïd au matin lorsque, voyant El Haj Untel s'en retournant chez lui, accompagné de son épouse et de ses enfants, tout joyeux, alors que toi tu te retrouves seul dans ta chambre, déplorant ton sort dans l’attente que quelqu'un ait la générosité de venir te dire : Tu as passé une bonne nuit, sheikh ? Ou : Rejoins-moi à la maison pour manger une soupe ou une grillade. Mais cette grillade ne fera qu’attiser encore plus ta douleur et ton mal ! Cette ambiance familiale chaleureuse fera émerger en toi l’épreuve de ton éloignement de tes enfants. Tu te demanderas si tu ne t’es jamais marié et si tu as des enfants ou si ta femme ne serait pas comme veuve dans ton pays et tes enfants des orphelins et que c’est ton gendre qui en est le tuteur et qui pourvoit à leurs besoins. Si El Haj dont tu es l’invité savait ta détresse il tenterait volontiers de t’aider pour ton regroupement familial, s’il le pouvait, sinon il te conduirait sans tarder à l’aéroport le plus proche afin de retrouver famille et maison. Sans verser dans un idéalisme utopique, je te dis, cher imam, que tu as besoin plus que quiconque d’une bonne épouse, une femme qui te conseille, Page 76 sur 94 qui reste proche de toi, qui cicatrise tes blessures et soigne tes douleurs, et qui te console par ces mots : « Non et non, Allah ne te désavouera jamais ! » Chaque année que tu passeras sans une telle femme est une année très triste malgré ton apparence trompeuse, le large sourire que tu afficheras quand tu nous reçois ou nous raccompagnes ou encore malgré la blague fade que tu nous débites et qui ne reflète rien de toi. Je ne te dicte pas ici ce que tu dois faire concernant le résidanat ou le retour au pays ‘ou ... cela ne regarde que toi et tu es le fqih et le maître de toi même ; néanmoins je te recommande seulement le regroupement familial et de veiller sur ta femme et tes enfants là où vous vivrez ... « Vous vous rappellerez ce que je vous dis » (Sourate Ghafir). Quant au sheikh qui a atteint la soixantaine, dont les os deviennent séniles et dont les enfants ont grandi, son cas n’est pas si grave. Il peut résider là où il veut, quand il veut à condition qu’il soit le sheikh qui ait toute sa maîtrise et qui soit très pieux ! Il sera toutefois préférable qu’il n’ait pas un cheveu noir à la tête et à la barbe ! Sinon il y a à craindre qu’il ne veuille épouser une deuxième! Et tant pis pour l’Hajja, la mère des enfants restée au bled qui n’a ni le statut de mariée ni celui de divorcée et qui ne garde du mariage que les tristes souvenirs, les soupirs enfouis ou une terne copie de l’acte du mariage au fond du coffret noir ! Avant toi un certain imam a essayé une telle solution et il s’est trouvé si enlisé dans la boue qu’il s’est écrié : Où avais-je la tête ? – Ainsi Allah accorde sa miséricorde à celui qui tire la leçon des erreurs des autres et évite de les subir. Par sagesse et par courtoisie, l’imam doit utiliser le langage des gens auxquels il s’adresse – ce qui est déjà un signe de piété – Il doit éviter toute affectation dans ses paroles et donc ni emphase ni grandiloquence ni poésie Page 77 sur 94 dans les sermons adressés aux gens du commun et à ceux ne parlant pas l’arabe – Ils représentent la majorité dans les mosquées en Occident – sinon ce serait comme profaner un bienfait d’Allah et bafouer le droit des fidèles. Le bon sens et la sincérité doivent dicter au prédicateur de s’imposer un arabe simplifié ou le dialectal ou l’amazigh ou une langue dérivant du latin selon les circonstances car le but du sermon selon le droit islamique, c’est d’avoir un discours compréhensible, en clarifiant ses propos peu importe la langue utilisée5. Un discours en arabe littéraire peut s'avérer parfois vain et ne présenter que des paroles en l’air et tout abus dans le langage ressemble à des actes insensés. Mais quand tu es avec des universitaires comme toi et des académiciens (cher imam), tu pourras alors donner libre cours aux discussions les plus approfondies, car nos besoins sont énormes en termes de conception, d’innovation, de recherches approfondies et des gens qui manient la langue avec la plus grande rigueur. Il n’y a pas de doute que l’aptitude à simplifier et à clarifier de manière à parvenir à éduquer les gens au moyen des notions de base avec un souci de progression, est une grande qualité dont n’use que celui qui en a reçu la permission du Tout-Miséricordieux. Les expressions et les paraboles de celui-là sont alors parfaitement comprises par tous ceux qui les entendent – a 5 Je regrette sincèrement mon manque de maîtrise de la langue Amazigh malgré mon amour pour sa communauté et mes relations avec elle – liens familiaux et voisinage. De même que je souffre de n'avoir pas pris l’habitude de m’exprimer couramment en français dès mon enfance malgré que j’en aie une connaissance générale (lecture et écriture). J’invite donc instamment les doués dans les langues et les dialectes de faire œuvre utile du don dont Allah les a gratifiés et ce pour leur amour d’Allah, car le jour où l’expression ne subsistera plus et que nul ne saura parler sauf celui à qui le ToutMiséricordieux aura accordé la permission et qui dira la vérité (Sourate la Nouvelle), ce jour-là ces personnes seront interrogées car elles devront avoir mis leurs dons au service des autres ? Page 78 sur 94 dit Ibnou Ata Allah Askandari (Qu’Allah l’ait dans sa miséricorde). Fasse Allah le Généreux que nous soyons de ceux à qui IL accorde ce don et leur en permet l’usage. Prononce cher imam ce qui sera utile aux gens et qui demeure sur la terre. Evite tout style affecté et ne philosophe pas. Ne t’inquiète pas si tes confrères te taxent de manque de correction linguistique, de peu d’éloquence et de science. Ces personnes devraient cesser de tels propos qui ne peuvent leur être dictés que par satan : « Ceux qui pratiquent la piété, lorsqu’une suggestion du diable les touche, ils se rappellent (le châtiment d’Allah) et les voilà devenus clairvoyants » (Sourate Al Araf / verset 201). Je témoigne ici d’après ce que j’ai pu constater, que la plupart des musulmans en Occident apprécient bien les imams qui parlent les langues d’ici ou l’amazigh ou l’arabe dialectale. Ils se plaignent de ceux qui compliquent les choses et ne se mettent pas à leur niveau. Donc cher frère, fait l’effort dans tes sermons, dans tes conférences et tes exhortations d’expliquer les choses le plus simplement possible ; ne perds pas de vue que tu officies dans les mosquées de l'Occident qui sont fréquentées en majorité par des ouvriers, des commerçants et par des générations qui parlent les langues d’origine latine. Si tu es purement arabisant ou comme moi à cheval sur l’arabe et le français, fais-toi assister par un interprète fidèle, qui transmet tes paroles et tes propos. Quant à la transmission de l’émotion imprégnant ton discours, le chemin est long : Nous sommes au pays de Molière et de Shakespeare, loin des contrées d’Ibnou Katir et de Bnou Jérir. Page 79 sur 94 Il n’est non plus ni sage ni courtois que l’imam s’engage avec des hommes du commun dans des détails complexes du droit islamique même avec l’intention de les traiter simplement et avec des exemples. Parmi de tels sujets on peut citer : les versets abrogatifs et ceux abrogés, les différentes lectures et interprétations du Coran ; la multiplicité des doctrines et des sectes ; la logique et la sémantique ainsi que d’autres problématiques que le commun des hommes ne peut comprendre et discuter même s’il en fait semblant pour garder la face, car il existe dans le droit islamique des cas et des particularités si subtiles et si complexes qu’il n’est pas donné à tout le monde de les saisir. On ne finit pas de s’étonner en constatant que certains de nos professeurs universitaires – Qu’Allah nous fasse profiter de leur science – qui s’adressent aux gens du commun dans les mosquées, le font sur un ton professoral tout comme s’ils se trouvaient dans l'amphithéâtre de leur université ou en conférence dans des cercles traitant de la sagesse. S’ils pouvaient se concerter avec le serviteur que je suis je leur dirais sous serment, en prenant Allah à témoin, que la majorité des gens qui sont en face n'écoutent et ne comprennent que ce qui les motivent et suscite leur curiosité, que leur but est de bénéficier de la baraka recueillie par les prières sur le prophète (PbAsl) et celle qu’Allah accorde à ceux qui restent à la mosquée attendant la prochaine prière prescrite. J’ai écouté une fois un de nos éminents professeurs et j’ai apprécié sa conférence qui était d’une profonde portée. A la fin de la conférence j’ai lu de la déception sur le visage des gens ordinaires – et ils étaient majoritaires dans la mosquée –, et l’un d’eux m’a dit avec ironie : Je vous félicite pour cette conférence dont le bénéfice vous était exclusivement destiné. Ces Page 80 sur 94 sheikhs sont venus parait-il, spécialement pour vous autres, les imams ... et tout le profit était pour vous, Quant à nous autres les illettrés, cela ne nous a rien dit et nous a même nui, car ces paroles ont créé en nous le doute et la zizanie. Ces propos m’ont gâché le délicieux plaisir que j’avais gardé de la conférence. Ils m’ont attristé, fait mal et m’ont rappelé le hadith du prophète (PbAsl) : « L’on n’est véritablement croyant que si l’on désire pour son frère ce l’on désire pour soi-même ». Il est également sage et courtois que l’imam fasse bonne figure envers tous les croyants, qu’il leur témoigne de sa sympathie pour tout le monde et qu’il ne prenne parti ni pour une race ni pour une couleur ni pour une tribu ni pour une langue. Il ne doit favoriser ni secte, ni parti politique, ni proche, ni gendre, car l’imam est à la fois le frère, le père et le médecin de tous. Voilà ce que doit être le comportement de l’imam qui a reçu cette mission en héritage et voilà ce qui a été de tout temps et partout son destin. Le prophète (PbAsl) regardait en face la personne qui lui était hostile quand il lui parlait afin de gagner sa confiance (Hadith authentique rapporté par Attabarani d’après une chaîne crédible de garants), quel devait être alors le degré de la qualité de son accueil quand il s’agissait d’une personne de noble lignée ou de celle qui s’approchait craintivement de lui. Nul doute que la persévérance dans la justice est plus aisée que la persévérance dans la douleur qui suit l’injustice. Veille donc sur la justice et Allah veillera sur toi. Mon sort et le tien cher frère imam est d’être une nation en un homme tout en restant un homme dans une nation, de nous acquitter de notre devoir et en réclamer notre rétribution à Allah, notre soutien. Soyons intransigeants messieurs en ce qui concerne la justice et l’équité si nous voulons être de ces imams qui feront partie des sept Page 81 sur 94 catégories de gens qu’Allah a promis de protéger de son ombre le jour où il n’y aura nulle autre ombre que la sienne (Hadith). Méfions-nous de toute partialité ; c’est assurément l’une des causes de la discordance et de la mésentente dans les mosquées de l’Occident. Le constat est la meilleure des preuves. Il y a des imams nobles et de vertueux récitateurs du Coran que les gens ont boudés et désertés et ce pour un seul motif, à savoir : Ces imams s’affichent trop avec une personnalité riche, un ami intime, un bon voisin ou une personne généreuse et serviable ... Les gens regardent, jasent, interprètent et médisent. Il s’agit donc d’être raisonnable, de prévoir les conséquences, de faire preuve de réserve et de résister à ses penchants et ses fantaisies – Et Allah accorde son pardon à quiconque se repent. Il est également sage et courtois de la part de l’imam de se montrer jovial et enjoué avec les gens et de savoir les distraire pour éviter la monotonie et l’ennui et ce surtout en présence d’autres imams et de savants qui le respectent. Il a été rapporté dans l’ouvrage Sahih Mouslim, que les compagnons du prophète (PbAsl) bavardaient pendant qu’il était assis parmi eux et riaient quand ils évoquaient des choses relevant de la période antéislamique et Il en souriait (PbAsl). Et le meilleur exemple de comportement est celui du prophète de la miséricorde (PbAsl). La meilleure chose que les fidèles attendent de leur imam en Occident, c’est un sourire plein d’enseignements, un geste affectueux et une question sur leur santé ; cela est facile mais encore faut-il qu’Allah vous l'inspire. C’est ce que nous avons perçu depuis de nombreuses années, c’est la clé des cœurs et le secret pour se faire adopter. C’est pour ce genre de détails que l’imam est soit évacué soit nommé et maintenu avec sollicitude Page 82 sur 94 dans les mosquées en Europe, le pays du fromage du lait et du dépaysement. N’est-ce pas qu’ici les demeures d’Allah sont à la fois : la clinique psychologique, l’institution familiale et le paradis terrestre ? Vers qui d’autre pourrait se diriger celui dont le cœur est blessé ou l’ouvrier soucieux, si ce n’est vers toi ô imam ? Qui d’autre que toi, imam, panserait les blessures, conforterait les âmes, apporterait de la joie ? C’est toi le père, le pieux, celui qui porte les paroles d’Allah qui guérissent ... « N’est ce point par l’évocation d’Allah que les cœurs se tranquillisent ? » (Sourate le Tonnerre / verset 28). Quand tu es invité à la maison chez quelqu'un ou quelque part à l’occasion d’un évènement, ne prive pas les gens présents de la lecture du Coran, de ses bénédictions de ses lumières ; c’est l’hymne de la foi. Dans le petit mot d’usage pour les exhortations que tu seras amené à prononcer, tu veilleras qu’il soit léger, doux, spontané. S’il se trouve parmi les gens un enfant, un homme âgé, un handicapé ou une personne anxieuse, il faut lui prêter attention, lui réserver une caresse affectueuse, un regard compatissant, une invocation sincère. Ne sois pas bourru, dur de cœur, le front plissé, sensible, ne pensant qu’à manger, à boire et à partir ? C’est incroyable mes frères que des gens aient le cœur si dur ! On dirait que leur cœur est taillé dans du roc! Rappelle-toi que chaque thème requiert ses spécialistes et que le thème doit être en harmonie avec la circonstance et l’évènement : C’est ainsi que les versets du Coran, les hadiths, les poèmes et l’expression du visage doivent aller de pair avec la joie ou le deuil selon le cas. C’est cela la sagesse. Fasse Allah que nous en soyons tous dotés ! Comment te permettrais- tu ô imam de baigner dans l’humour et les anecdotes, alors que l’événement est un Page 83 sur 94 deuil, que la famille est attristée, que le défunt est dans son cercueil. C’est tout simplement répugnant et inhumain. C’est malheureusement un fait que j’ai constaté en Europe et dont j’ai énormément souffert, et j'espère n’avoir plus à le revivre. J’ai écouté un imam, qui m’était aussi cher que toi, à l’occasion d’un mariage : Il débitait hadith après hadith dans son allocution, sur les affres de l’enfer et la colère du Tout-Puissant ! Je ne tenais plus en place, comme lardé de dards ; les gens étaient consternés et l’offensive ne prit fin que lorsque la table fut dressée ! J’ai aussi, hélas, écouté un autre imam parler niaisement de la foudre du divorce et ce en pleine cérémonie d’un mariage : la mariée était prête, les bouquets de fleurs trônaient partout et les youyous des femmes remplissaient les oreilles. Je me suis alors dit : Quel est ce fléau qui nous frappe ? Comment est-ce possible ? Qui sommes-nous ? Ce ne sont pas les connaissances qui nous manquent et notre look est au top ! Mais où est donc la sagesse, le goût l’intelligence et le discernement ? Nous sommes messieurs, véritablement, aux antipodes de la sagesse ? C’est aussi faire preuve de sagesse et de maturité que l’imam n’affiche pas une trop grande ouverture ni de donner libre cours à ses blagues. Cela lui fera perdre son charisme, amoindrira son attractivité et pourrait même lui entraîner les conséquences les plus imprévisibles ! N’accorde aucun crédit à leur dicton qui dit : Jouer avec les jeunes c’est leur enseigner le Livre. – Nous ne sommes pas contre les jeux tant qu’ils sont licites –, car le jeu a exténué des nations et allumé des guerres ! Et surtout quand il s’agit d’un imam enturbanné et d’un savant respecté qui concurrence pour la coupe du village ou de la ville, ceux dont il préside les prières. Il les tacle sous les applaudissements du publique, les cris des enfants et les coups de sifflet de Page 84 sur 94 l’arbitre ... et la suite est évidente ! Je me rappelle avec tristesse ces souvenirs dont j’ai vécu les péripéties et vu les conséquences. J’aurais voulu n’y avoir jamais assisté ! Après une telle ouverture notre imam pourra- t-il conserver sa considération et compter sur ses supporters ou sera-t-il piétiné et tiré dehors comme un ballon? Certes l’ouverture est louable ; elle est préconisée par l’enseignement du prophète (PbAsl) et ce bien avant les théories pédagogiques. Toutefois si elle devient démesurée, le résultat sera contraire à celui escompté ainsi que prouvé chaque fois par l’expérience et c’est la pratique sur le terrain qui nous a enseigné qu’il est indispensable qu’il y ait de la retenue et du respect entre l’enseignant et le disciple, entre l’imam et les fidèles, entre gouvernants et gouvernés sinon il n’y a plus ni crainte révérencielle ni décence : Les hommes se corrompront et les générations se dissoudront. Il y a déjà longtemps que Al imam Al Awzàri a dit : « Auparavant nous riions à gorge déployée et quand nous sommes devenus l’exemple que suivent les gens, nous craignions même de pouvoir sourire ». Quand le grand imam de son époque, Allaïth Bnou Massaoud – Qu’Allah l’ait dans sa miséricorde – voulut mettre une tenue inhabituelle, l’imam de Médine Yahya Bnou Saeed lui dit : « N’en fais rien car tu es un imam vers qui convergent les regards ». Oui, cher imam, tu es effectivement regardé par tous et tu représentes le modèle à suivre, c’est pourquoi tu dois être irréprochable dans ton maintien quand tu es en société mais libre à toi de prendre tes aises quand tu es seul ou en compagnie de tes égaux. Le champ est libre et le Seigneur est clément ! Oui, là tu peux t’allonger sur le dos, galoper, te défouler, dire des poèmes, parler des informations, t’habiller à ton goût tout en restant décent et Page 85 sur 94 raisonnable. Mais sois sérieux et digne quand tu es au milieu des gens de ta mosquée si tu tiens à rester sain et sauf ! Ceci car l’homme du commun est habituellement idéaliste : Il est offusqué par le moindre écart et se trouble en cas d’équivoque. Pour lui la religion c’est l’imam et si l’imam tombe c’est toute la religion qui s’effondre ! Ne vois-tu pas que la communauté musulmane en général, vit encore au stade des personnes et qu’elle n’est pas encore passée au stade des idées ? Ainsi que formulé par le grand penseur Malik Bnou Naby – Qu’Allah l’ait dans sa miséricorde –. La sagesse et le tact de l'imam se reflètent aussi dans son habileté à créer le climat qui instaure la concorde entre les gens dans la mosquée, dans le quartier, dans la ville. Telle a été la stratégie du sage imam Soufiane Atthawri – Qu’Allah l’ait dans sa miséricorde – C’est ainsi que quand il rentrait dans la ville de Bassorah il axait ses discours sur les vertus et les exploits de Ali et quand il rentrait dans la ville de Koufah, il les axait sur les vertus et les exploits de Othmann. Il était pieux, modéré, perspicace et s’ingéniait à trouver la voie de faire régner la concordance entre les gens. Il n’avait de cesse d’aplanir l’esprit de clan et de discorde qui pouvait surgir dans les rangs des fidèles et sa seule motivation était de se rapprocher d’Allah : « Quand on est vertueux on l’est là où l’on se trouve tout comme le soleil qui reste le soleil qu’il se lève ou qu’il se couche » selon l’expression du imam Ibnou Badiss – Qu’Allah l’ait dans sa miséricorde –. Sois donc, cher monsieur, ce grand vertueux qui défriche les chardons et dépollue l’environnement quel que soit ton état d’âme, convaincu que tu œuvres par respect de la volonté d’Allah, non de ton seul gré. C’est à Allah que nous devons le succès quand nous réussissons. Sois cher monsieur à Page 86 sur 94 l’image de la pluie qui, là où elle tombe apporte les bienfaits. Apporte la bénédiction là où tu te trouves à l’image du prophète et verbe d’Allah Jésus (Paix sur Lui) dont la bénédiction rayonnait partout ... Sois à l’image de l’abeille qui ne mange que du bon, ne produit que du bon et qui ne casse point la branche sèche sur laquelle elle se pose (Hadith). Sois le trait d’union non de désunion et sois l'apôtre de la clémence non celui de la vindicte, car les différends dans les mosquées de l’Occident prolifèrent de façon prodigieuse et l’heureux parmi nous est celui qui fait dévier la zizanie Hadith). Garde toi bien de ne jamais jeter de l’huile sur le feu, car un mot de toi compte pour mille et une graine prend la proportion d’un dôme ! Et tu sais que le commun des gens n’a pas cette aptitude d’analyse pour faire la part des choses. « ... cependant Allah enregistre ce qu’ils fomentent la nuit » (Sourate Annissaa / verset 81). Si le mal t’envahit et que tu n’en peux plus, réfugie-toi en toi-même, eclipse-toi des lieux du désordre, qu’il soit déclaré ou latent en toute habileté et douceur et ne me choque pas encore une fois en me disant : Divise pour régner. Cette devise appartient aux machiavélistes, aux arrivistes et aux profiteurs, non aux gens pieux et aux imams dignes de ce nom. La sagesse et le succès de l’imam s’expriment aussi dans son aptitude à tisser les liens et à établir la communication entre les mosquées et la société occidentale dans toutes ses composantes. Il faut aussi étayer ses liens par des arguments et des fatwas bien fondés issus du droit islamique afin d’en faire une source de référence en cas de besoin. Le défaut de tels liens et le manque de dialogue nuiront tôt ou tard à l’Islam et aux musulmans en Occident et les médias ne seraient point blâmables s’ils taxaient l’Islam et ses adeptes de chauvinisme, de renfermement et de tous les attributs et Page 87 sur 94 quolibets qui les satisfont. Nous serions fautifs pour n’avoir rien entrepris pour mettre la lumière sur nous-mêmes, notre identité, la voie que nous suivons, nos moyens et nos objectifs. Il est vrai aussi que nous ne tendons pas la main aux autres : « Personne ne regarde avec compassion du côté de celui qui se résigne dans le préjudice », règle bien connue dans le droit jurisprudentiel. La sagesse et le tact de l’imam interviennent aussi dans l'aptitude à trouver cet équilibre entre la solitude et la fréquentation. La solitude permet au mal de se répandre n’étant pas visible pour être combattu. De même, la fréquentation excessive des gens aboutit à banaliser la relation entre l’imam et les fidèles, épuise ses forces spirituelles et ses ressources en connaissances théologiques. Il y a aussi le risque que la tendance s’inverse entre l’imam et les fidèles qui, d’influencés et d’admirateurs deviennent des critiques virulents et la source de la plupart de ses ennuis. C’est la réalité de la majorité des imams qui vont trop loin dans ce genre de mixité avec des proches, des mourides et des immodérés dans l’amour et dans la rancœur. Un joli dicton sur la sagesse dit : « Les personnes qui jouissent de la plus haute considération des gens sont celles dont on cite le nom mais que l’on ne voit pas ». De son côté le docteur Abdelkrim Bakkar a dit dans l’un de ses articles : Il est certain que s’isoler des gens de temps à autre permet à l’âme de se fourbir et l’on est probablement plus efficace à leur service que lorsqu’on est parmi eux ; il est à remarquer que les gens, en cas d’anxiété ou de crise, se tournent vers ces personnes réservées pour solliciter avis, affection et soutien. Page 88 sur 94 RECOMMANDATION 7 : L’ APPARENCE ET LA FORC E DE CARACTERE Par apparence nous visons la meilleure, celle qui englobe la bonté et la beauté soit les côtés invisibles et visibles. L’imam, parce qu’il incarne le modèle à suivre, ne doit pas être frivole, dissipé ou manquant de dignité. Il ne doit pas être excessif dans ses mouvements et ses gestes ni rire aux éclats et chahuter. Il ne doit pas couper la parole aux gens dans les réunions ni vouloir rivaliser avec les adolescents et les enfants dans des futilités. Il doit éviter de s’immiscer dans des sujets qui ne le regardent pas, ou se mêler dans certains détails administratifs qu’ils ne maîtrisent pas que d’autres sont chargés d’assurer. Toute indiscrétion de sa part lui fera perdre son respect et l'exposera aux critiques. Commis par des personnes ordinaires, ces gestes et ces comportement ne choqueraient pas n’étant ni illicites ni répréhensibles, mais venant d’un imam qui est censé être l’exemple à suivre, ils seront préjudiciables à sa mission et les gens renonceraient à ses cours ne le voyant pas à la hauteur de ses responsabilités. C’est probablement à cela que fait allusion celui qui a dit : Les bonnes œuvres des bonnes personnes suscitent l’animosité de celles qui leur sont le plus proches. C’est ainsi que les gens n’acceptent pas, par exemple, d’être dirigés dans leurs prières ou exhortés par un imam qui ne fait pas preuve de réserve dans son langage et à table et qui n’a pas la force de caractère pour se départir des mauvaises habitudes profondément ancrées telles : Page 89 sur 94 - les longues heures passées dans les cafés et les jardins publics - manger dans la rue (hors voyage ni nécessité) - la passion démesurée vouée au football et aux footballeurs - les rires aux éclats - la mastication du schwin gomme en public - manger avec avidité et roter de façon répugnante - bâiller fréquemment - expectorer en présence des gens et cracher par terre - conduire la voiture n’importe comment - enfourcher des vélos ou s’embarquer sur des engins trop voyants - le port de lunettes, de casquettes ou de portables réservés aux adolescents - présider la prière sans la tenue de rigueur - se laisser trop pousser les cheveux, se les maintenir lâchés ou se faire coiffer bizarrement - porter des vêtements étroits ou transparents ou portant des décorations ou dont la forme ne cadre pas avec les us et coutumes du milieu, sachant que ceux-ci varient selon l’époque et le lieu. Tous ces comportements et ceux qui leur sont similaires, même si au fond ils sont admis, peuvent ne pas être souhaitables de la part d’un imam et être préjudiciables à sa mission. Il peut même être opportun de s’écarter de certaines pratiques pourtant licites et ce en fonction des circonstances et des conséquences prévisibles et ce conformément à l’avis des jurisconsultes. Mais ne perçoit l’utilité de cette option et n’en comprend l’opportunité que Page 90 sur 94 le savant qui connaît Allah, croit sans le moindre doute à l’invisible, qui a rompu définitivement avec ses caprices et voué sa vie à la science et à l’enseignement. Combien compte-t-on en Occident de telles personnes, voire même dans toute la Umma ? Allah l’a bien souligné en disant : « Mais ce privilège n’est donné qu’à ceux qui endurent et il n’est donné qu’au possesseur d’une grâce infinie » (Sourate Foussèlate – les versets détaillés – / verset 35). Et qu’Allah ait dans sa miséricorde Ibnou Al Arabi Al Maliki, imam et cadi, dont la tombe se trouve à Fès et qui a dit déjà à son époque : « S’il postule aujourd’hui pour les fonctions d’imam, autre que quelqu’un de de juste, il y a lieu de s’attendre à ce que soient détruits des couvents, des synagogues, des églises et des mosquées, lieux de cultes où l’on invoque le nom d’Allah ». ESPOIR ET APPEL : Combien il aurait été souhaitable que les établissements de formation des imams (en Occident) quoique très rares, adoptent un programme alliant l’étude et la pratique au lieu d’être axé sur la théorie et les connaissances livresques qui s’avèrent insuffisantes sur le terrain ainsi que nous l’avons constaté. Ci-après quelques propositions : - Que l’étudiant, au cours de sa dernière année, effectue un stage sur le terrain de trois mois minimum, au cours duquel il sera confié à un imam qualifié et consciencieux afin d’acquérir par l’exercice l’art de la fonction, la manière de prononcer le sermon du vendredi les qualités du savant pieux qui éduque ... Stage indispensable, à l’instar de ce qui se fait pour accéder aux fonctions et aux métiers et dont l’importance est indiscutable. A l’issue Page 91 sur 94 de cette période, une évaluation objective déterminera si le stagiaire est valable pour les fonctions d’imam ou s’il sera meilleur ailleurs. - Par surcroît de précaution un imam ne devra être affecté dans une mosquée ou un institut qu’après une enquête approfondie et circonstanciée auprès des gens avec lesquels il entretient des relations d’affaires et après avoir recueilli le maximum de témoignage surtout ceux de ses parents, de ses maîtres, des proches et des voisins. Il est hors de question de se fier à son auto caution morale ; celle qu’il donne en se déplaçant de mosquée en mosquée répétant qu’il est imam en quête d’emploi, qu’il mémorise tout le Coran, que les gens peuvent lui confier les enfants pour l’apprentissage du Coran et de l’arabe. Ce serait une espèce d’aventure dont l'échec serait le plus probable. Invoquons Allah afin qu’Il nous réserve tous une fin heureuse, qu’Il nous préserve de contracter des dettes, de causer du tort aux autres ou de le subir. En résumé, la fonction de l’imam est une mission d’importance considérable pour laquelle Allah choisit les meilleurs de ses serviteurs. Le seul moyen pour quiconque aspire à devenir le guide des gens qui craignent Allah et d’être le plus clément pour tous, est d’invoquer Allah, le cœur plein d’espoir, de concrétiser son vœu : Et fais que nous soyons imams des gens qui Te craignent (Coran). Nous sommes sincèrement persuadés que l’imam de l'avenir sera un homme pieux, porteur d’un message, modéré, sérieux, assidu. C’est sur lui que reposera l’espoir de l’éducation des générations pour une pratique saine de la religion : Sans laxisme ni abus ; sans extrémisme ni anarchisme. C’est cela brièvement l’imamat que nous recherchons à travers ces lignes et c’est cet imam là que nous appelons de nos vœux pour les pays de l’Occident. Page 92 sur 94 C’est la denrée rare et qui fait malheureusement défaut aujourd’hui dans la plupart des mosquées et des instituts en Occident. Voilà l’imam idéal : Il prêche la sécurité dans sa société et n’attire pas le déshonneur sur l’Oumma, sur son pays, son histoire et sa civilisation. Voilà ce que doit être l’imam, de l’avis d’un imam expérimenté qui a la véritable crédibilité pour représenter l’Islam dans les pays occidentaux et les sociétés laïques et la crédibilité est tout pour un imam, comme chacun sait. Elle est à la fois son capital, son harnais, ses vivres, son arme, la condition de sa survie et le secret de sa réussite ... Il n’est pas de l’intérêt de l’Orient et de l’Occident ni du gouverneur et du gouverné que l’imam perde cette crédibilité sous quelque prétexte ou paravent que ce soit et ce de l’avis de nombreux européens qui étudient la question : Les conséquences et les effets désastreux finiront par se répercuter préjudicieusement sur l’humanité entière – et non sur les seuls musulmans – et ce serait alors la porte grande ouverte au désordre, à l’anarchie, au pullulement de groupes égarés et de fatwas aberrantes. Le docteur marocain Mostapha Ben Hamza a dit avec raison : « Le désœuvrement amène toutes les surprises ». La fatwa est soit l’œuvre bien fondée d’un imam versé dans le les sciences religieuses soit improvisée par un ignorant rancunier. Le savant imam est soit au poste de commande soit il est commandé ; s’il n’a pas les rênes en mains pour guider la masse c’est elle qui le mènera, il n’y a pas d’autre alternative. Joignez-vous à nous, messieurs pour pleurer ensemble la réalité de l’imamat en Occident ! Des milliers de lieux de prière et de mosquées souffrent du manque d’imam digne de sa mission, pieux et modéré. Adressons nous tous à Allah avec recueillement et les larmes aux yeux, dans Page 93 sur 94 ces termes : Ö Allah compense nous de cette adversité et remplace la pour nous par une meilleure. CONCLUSION (Q U ’A LLAH CONCLUE NOTRE V IE A TOUS PAR TOUT CE QU ’ IL Y A DE MIEUX ). Notre but derrière ces mots n’était nullement de cerner complètement ce sujet, car est une entreprise des plus épineuses qui nécessite aptitudes et moyens. L’objectif était de donner simplement un aperçu sur la situation et coopérer de cette manière à l’améliorer dans le sens de : Il faut arracher le maximum de ce que l’on ne peut obtenir entièrement. Nous avons tâté le sujet pour répondre au vœu des amis ; si nous avons réussi c’est grâce à Allah et si nous avons failli ou trop abusé nous en demandons pardon à Allah notre Seigneur et nous nous en excusons auprès de nos frères et nos maîtres. Allah sait que si ce n’était la demande des amis et des proches et aussi la pitié qu’inspirent les jeunes imams, je n’aurais jamais abordé ce sujet et n’y aurais écrit la moindre ligne car votre ami détient en défauts et en péchés le lot qui lui suffit. Le croyant recherche les moindres excuses pour pardonner pendant que l'hypocrite scrute et poursuit les défauts selon les termes des éminents alèms AL Barnoussi et sheikh Zarrouq Al Fassi (Qu’Allah l’ait dans sa miséricorde) dans l’ouvrage intitulé : L’équipement du Mouride J’attends de votre part messieurs, avec une sincère impatience, vos remarques et vos rectificatifs pour un débat enrichissant qui libérera la conscience et apportera le soulagement. C’est grâce à vous que nous Page 94 sur 94 évoluons. Allez donc messieurs, à vos crayons et au nom de votre Maître Le Plus Noble et paix sur les justes après les Messagers et louanges à Allah Le Maître de l’Univers.