Revaloriser les emplois à prédominance féminine : un enjeu d`avenir

Transcription

Revaloriser les emplois à prédominance féminine : un enjeu d`avenir
Quinzaine de l'égalité
femmes - hommes en Rhône-Alpes
Revaloriser les emplois à
prédominance féminine :
un enjeu d’avenir
Rachel Silvera
Égalité professionnelle femmes - hommes :
recherche solutions d’avenir !
Aravis - Lyon
13 octobre 2014
Sommaire
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Le spectre du salaire d’appoint
Revaloriser les emplois à prédominance
féminine : pourquoi?
Revaloriser les emplois à prédominance
féminine : comment?
Mobiliser le droit
l  Quelle démarche adoptée?
l  Travail sur les critères des classifications
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Le spectre du salaire
d’appoint
Petite histoire du « salaire féminin »: de nombreux arguments pour
justifier le salaire féminin :
l  Pour la plupart des économistes du 19ème, derrière chaque
femme, se cache un père, un mari ou même un « petit ami ».
JB. Say « telle fileuse qui ne gagne pas la moitié de sa dépense
est … mère ou fille, sœur, tante ou belle-mère d’un ouvrier qui
la nourrirait quand même elle ne gagnerait rien… » Qui des
autres femmes (veuves, célibataires ou divorcées…) ?
l  Les femmes mangent moins!
l  Elles sont moins rentables (jamais démontré mais tjs appliqué)
Elles sont toujours en concurrence
l  Elles sont si dociles…
Au total, deux poids, deux mesures :
- Le salaire des hommes est défini en fonction de 2 critères : la
« valeur » de son travail + les besoins de sa famille MAIS pas
pour les femmes: salaire à peine pour leurs propres besoins
-Le salaire d’un homme est « familial » (même s’il est
célibataire); celui d’une femme est toujours d’appoint (même si
elle est veuve avec des enfants…)
Dans la pratique: un salaire
féminin institutionnalisé
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Le salaire féminin a été ‘institutionnalisé’ dans l’entreprise
très tôt (office du travail 1891-1893 pour la Seine: salaires
féminins <de 63% dans métaux, 53% caoutchouc , papiers,
55% construction mécanique…)
1918 : Pierre Hamp dénonce le « régime du quart en
moins » appliqué aux femmes dans les usines de guerre et
justifié par une aide masculine pour les machines. Mais le
régime s’appliquait même lorsque le travail était manuel.
Dans les 1eres conventions collectives (1919), et même
sous le front populaire, on a maintenu un abattement sur les
salaires féminins (50, 30, 20 et 10%). Principe de la double
échelle des salaires (maintenu jusque dans les années 60 ’
en Suède!).
C’est seulement en 1946 (arrêté Croizat), que le salaire
féminin disparaît des textes (mais pas de la pratique!) après
de longues batailles…
Encore aujourd’hui, des traces du salaire d’appoint : le
temps partiel, la construction sexuée des métiers dans
les classifications professionnelles…
Revaloriser les emplois
féminisés: pourquoi?
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Pour une égalité réelle, des salaires et des emplois, il
faut dépasser la logique restrictive « à travail égal,
salaire égal » et la recherche de la mixité « à tout prix ».
La ségrégation professionnelle reste importante: les
femmes et les hommes occupent encore des emplois
différents : concentration des femmes dans peu de
métiers, dans des emplois reconnus non qualifiés
La loi prévoit de comparer des emplois différents, si les
travaux exercés ont la même valeur…: « un salaire égal
pour un travail de valeur égale »:
ce qui permet de favoriser l’égalité salariale ET la
mixité
Revaloriser les
emplois à
prédominance
féminine : comment?
Mobiliser le droit ? Des avancées, mais une voie encore étroite l 
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En 1972 la notion de travail valeur égale est introduite
dans la loi : (« Tout employeur assure, pour un même
travail ou pour un travail de valeur égale, l’égalité de
rémunération entre les femmes et les
hommes » (Article L 3221-2 du Code du travail)
En 1983 le droit est précisé : « sont considérés comme
ayant une valeur égale les travaux qui exigent des
salariés un ensemble comparable de
connaissances professionnelles consacrées par
un titre, un diplôme ou une pratique
professionnelle, de capacités découlant de
l’expérience acquise, de responsabilités et de
charge physique ou nerveuse » (L3221-4 du code du
travail)
Cas de jurisprudence en France (Cour de cassa;on) l 
SARL USAI (champignons) 1997 : « la fatigue nerveuse des
ouvrières équivalait aux contraintes physiques imposées
aux hommes »
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TMS CONTACT 6 juillet 2010 : la valeur des fonctions d’une
responsable Ressources Humaines = celle d’un directeur
financier ou commercial
La jurisprudence est une approche individuelle et reste difficile
(environ une quinzaine?).
L’Enjeu du passage à un niveau plus collectif est important
pour l’égalité professionnelle: cela suppose de s’intéresser
à la façon de classer, comparer et évaluer les emplois
Agir sur l’évalua;on des emplois une voix d’avenir l 
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Pour appliquer le principe de « valeur
égale », il faut partir des
classifications, au cœur de la
négociation pour le niveau des
salaires de base
L’histoire des classifications des
emplois est un compromis social
sans les femmes (cf. l’histoire du
salaire d’appoint).
Les emplois à prédominance
féminine sont historiquement sousvalorisés, construits à partir de
stéréotypes de genre :
« compétences innées »,
« naturelles » des femmes dans les
emplois de santé, care, éducation,
nettoyage…
Une « recherche/ ac;on » En 2010, co-­‐anima)on avec Séverine Lemière, un groupe de travail au sein de la HALDE, composé : des organisa)ons syndicales, de juristes et avocats, de chercheur-­‐es, de consultant-­‐es de Ressources Humaines , et de différentes ins)tu)ons (Défenseur Des Droits, Direc)on Générale du Travail, Service DFE, Service du Droits Des Femmes, ANACT, observatoire de la parité…). Un « guide pour une évalua/on non discriminante des emplois à prédominance féminine » est présenté le 8 mars 2013 par le Défenseur des Droits (DDD) + Marie Becker DDD hIp://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/upload/
guide-­‐salaire-­‐egal-­‐travail-­‐valeur-­‐egale.pdf Une démarche non-discriminante
innovante
Pour définir une méthode commune pour l’évalua)on des emplois et des classifica)ons il faut : l Me[re en évidence des éventuels biais, des problèmes de discrimina;on indirecte qui sous-­‐valorisent les emplois à prédominance féminine l Déconstruire les méthodes et les critères les plus couramment u)lisées pour évaluer et hiérarchiser les emplois. Exemples de risques de discrimination
dans l’évaluation des emplois à
prédominance féminine :
l 
Dans le choix et l’application des critères d’évaluation
- Approche restrictive de certains critères (résolution de problèmes,
responsabilités, finalité…)
- Flou dans la définition d’autres critères (formation, expérience,
relations…)
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Dans l’omission de certains critères, notamment ceux
relevant des charges physiques et nerveuses.
Ou en restreignant l’évaluation « missions dominantes » omettant
totalement la grande variété des tâches spécifiques aux emplois
fortement féminisés.
Exemples de risques de discrimination
dans l’évaluation des emplois à
prédominance féminine :
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Dans la surévaluation et la redondance des critères
valorisant les emplois à prédominance masculine (finalité,
responsabilité, contribution…)
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Dans le manque de transparence des processus
d’évaluation
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Dans l’absence de progression au sein même de la
grille de classification des emplois à prédominance féminine
(ex:hôtesse de caisse)
Travail sur les critères
• Qualification requise
• Complexité
•  Responsabilités
•  Exigences organisationnelles
La qualification
Qualifications : niveau vraiment requis et non situation du marché
(déclassement professionnel surtout F dans les services ; pas
d’adéquation poste/qualification)
l  la formation non reconnaissance totale du diplôme (BTS, bac)
ex Christine assistante chez Schneider E : BTS tertiaire
assistante trilingue non reconnu / BTS technique
l  VAE (ex : aides à domicile…)
l  Expériences et compétences informelles du poste non
reconnues du côté des emplois à prédominance féminine (aides
à domicile, infirmières…) ; prendre en compte le TP, les congés
familiaux dans l’expérience
Complexité – technicité de
l’emploi
Complexité : techniques utilisées, problèmes à
résoudre
l  Technicité : pas seulement industrielles et
matérielles, aussi relationnelles,
administratives = compétences génériques,
transversales ;
l  Résolution de problèmes : problèmes
relationnels, résolution de conflits ; anticipation
des problèmes (« savoir-faire discrets » ex
panseuses de bloc )
l  Multidimensionnalité du poste : flou dans
emplois administratifs, tâches multiples,
simultanées…
Les responsabilités
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Responsabilités fonctionnelles pas seulement
hiérarchiques. Responsabilités sur les
dossiers, mémoire du service, valorisation de
l’image de l’entreprise (y compris postes
d’accueil, hôtesse de caisse, télé-conseillers)
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Responsabilités envers les personnes :
superviser le travail d’étudiants, de débutants,
transmission de savoirs, sécurité des patients,
clients, usagers (ex : infirmière /agent chef)
Les exigences
organisationnelles
Pas de prise en compte des conditions de travail dans les
classifications en France : or important (y compris dans les
services)
l  Exigences physiques : répétition de gestes, ports de
corps de malades, position debout… « bruit » des cours
de récré
l 
Exigences émotionnelles : peur au travail, danger,
risques émotionnelles pas « naturelles », stress…
(accueil, services publics)
l 
Exigences temporelles : contraintes horaires,
disponibilité (pas que chez les cadres). « banalisation »
de ces horaires atypiques pour E de services
Les questions clés
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Un métier support vaut-il le cœur de métier ?
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L’emploi non qualifié existe-t-il?
Ex Anne « étagère et bonne à tout faire » dans un lycée : travail
invisible (tondre la pelouse pour un agent technique du lycée,
cela se voit, mais pas le ménage, qui se voit que s’il est mal fait!)
et travail au-delà: lien avec les lycéens en difficulté)
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Au total, dans les emplois féminisés :
•  Non-reconnaissance des diplômes +
•  savoir-faire informel « discret » non reconnu +
•  responsabilités sous-évaluées +
•  invisibilité de la charge nerveuse et physique requise
Conclusion
l 
Modèle de l’entreprise industrielle survalorise le cœur de
métier, sous-valorise les emplois support et limite leurs
déroulements de carrière. Lien avec la division sexuée du
travail (très ancienne, cf. D. Kergoat, M. Maruani…).
l 
Revalorisation des emplois à prédominance féminine et
reconnaissance des parcours professionnels en général
pour l’égalité salariale mais aussi redonner une vraie place
aux emplois du care dans notre société.