synthèse
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Éléments pour la lecture analytique Pour l’introduction Écrivain et journaliste français, Roland Dorgelès est engagé volontaire dès 1914. A la fin du conflit, il publie Les Croix de bois, roman dans lequel il raconte ses souvenirs de guerre, afin de rendre hommage à ses camarades disparus. Il s’agit d’un roman, le narrateur est le personnage principal et porte le nom de Jacques Larcher. Le narrateur raconte l’attaque de l’armée adverse, dans un cimetière, la nuit. Le récit met en valeur la violence d’un combat chaotique. ! Problématique: un texte de combat qui devrait susciter admiration et crainte pour les héros? Ici, non, cela semble juste horrible. Comment s’opère ce renversement? ! Idées à développer. – Une scène de combat violent. Narrateur personnage. Le récit est à la première personne, « Gilbert et moi », et de ce fait le point de vue interne. Le narrateur ne peut nous livrer que ce qu’il perçoit lui même, « on ne sait rien ». Les perceptions sont d’ailleurs anéanties, les deux personnages sont « assourdis », puis « aveugles ». Le récit est mené au présent de narration et les verbes d’actions s’accumulent: « d’autres ombres passent, courent, avancent, se replient. » Le premier cri, qui plonge le lecteur in medias res, est anonyme «– Ils attaquent!». Le cadre spatio-temporel est vague: « une chapelle ruinée », « le chemin », « le talus », « le parapet », « le cimetière », « des croix »… Peu d’indications de temps: « Puis », « et ». Le récit est hyperbolique, avec des éléments épiques. On retrouve tous les « acteurs » du combat: « fusil », « grenades », « fusées rouges », « mitrailleuse », et les hommes qui « tirent », « courent ». Et pourtant, en dépit des hyperboles nombreuses - « C’est comme une folie de flammes et de fracas », « Tout tire » - ce n’est pas un récit épique. Ce n’est pas l’admiration, qui est suscitée, mais bien la peur et la pitié. – Le chaos. C’est l’impression la plus forte qui se dégage de ce récit de combat: Très peu d’individus (le narrateur, son ami Gilbert, et Maroux), mais des ombres, des silhouettes: « ils », « tout », « un homme », « d’autres ombres », « des fantômes », « des hommes » - termes vagues, articles indéfinis. Les machines de guerre, les choses, dominent, comme le montrent la personnification « le cimetière hurle », « des fusées rouges … semblant crier », l’effacement des acteurs humains, « les fusées rouges jaillissent », « des grenades éclates, lancées de partout », « une mitrailleuse… se met à tirer ». « C’est comme une folie de flamme et de fracas » (noter l’allitération): les sens sont convoqués pour rendre compte de cette folie. « éclate », « hurle », « hurlant ». La fin de l’extrait peint un chaos complet: « On ne voit plus, on ne sait plus. Du rouge, de la fumée, des fracas… ». Noter pour l’exprimer, l’anaphore, l’emploi de l’indéfini « on », et la phrase nominale inachevée. La folie culminant dans l’image hyperbolique du volcan: « Tout saute, c’est un volcan qui crève. La nuit en éruption… » – La dimension fantastique Madame Potter-Daniau – année scolaire 2014-2015 Première Texte 1 « Ils attaquent! », Extrait des Croix de bois, Dorgelès, 1919 ! Questions possibles Comment l’auteur raconte-t-il l’horreur des combats? Quelle vision de la guerre nous est livrée à travers les personnages? Quel regard est porté sur la guerre dans ce texte? Peut-on parler de combat héroïque? En quoi ce récit de combat est-il original? Madame Potter-Daniau – année scolaire 2014-2015 Première La bataille atteint même une dimension fantastique : cachés dans le cimetière, les hommes se lèvent pour combattre. « Toutes les tombes se sont ouvertes, tous les morts se sont dressés» : dans une image hyperbolique et apocalyptique, Dorgelès mêle soldats morts et vivants, ces derniers tirant parmi les cadavres exhumés par les bombardements. A la lueur des fusées, les soldats deviennent des « fantômes » et des « ombres fantastiques ». Les symboles de la mort eux-mêmes deviennent meurtriers: « Les croix broyées nous criblent d’éclats sifflants. » La disparition des acteurs humains, déjà évoqués précédemment, concourt aussi au fantastique: les armes sont comme douées de vie. « Une mitrailleuse glisse sous une dale, comme un serpent ». Le cimetière est « ensorcelé ». Pour autant, cet aspect fantastique, loin de mettre à distance l’horreur par le surnaturel, est associé à un réalisme cru: « Un homme se tord dans les gravats, comme un ver qu’on a coupé d’un coup de bêche ». L’image est ici horrible. La dimension fantastique ne fait que souligner le désarroi des soldats qui, « abasourdis, hébétés », subissent un bombardement qui dépasse leurs capacités de perception et fait naître des hallucinations monstrueuses. Elle vient mettre en valeur la peur qui les tient qui finit par s’exprimer tout à la fin du texte dans l’exclamation du narrateur: « Au secours! Au secours! On assassine des hommes ! ». – La dénonciation de la guerre Incohérence, confusion et chaos de l’organisation militaire. Confusion dans l’organisation militaire: « on n’a pas d’ordres… c’est tout… ». « sans viser, les hommes tirent » (la précision, placée avant le sujet, est mise en valeur). « sans rien voir, ils tuent de la nuit ou des hommes ». La mise en parallèle de la nuit et des hommes montre la confusion. Les deux camps se confondent: « Nos obus et les leurs se joignent en hurlant. » « Quoi, est-ce leur 88, ou notre 75 qui tire trop court?… » La question, laissée en suspens, ajoute encore à l’’impression de chaos, et à l’absurdité d’un combat dont on ne perçoit plus les camps. Absurdité d’un combat dont les deux camps sont indistincts. Individu effacé, au profit d’un collectif vague, « de la nuit », de la chair à canon. La dignité leur est rendue dans le cri final de l’auteur qui rappelle le crime qui est en train d’être commis: « on assassine des hommes! » - notez l’allitération, l’exclamation et le sens fort du verbe «assassiner » qui sousentend la préméditation. En cela la progression du texte est intéressante: au début, le récit est peu modalisé, assez objectif et l’émotion transparaît dans le dernier paragraphe: exclamations et comparaison expressive au « volcan ». – Ecriture et émotion L’émotion du narrateur transparaît réellement dans le cri final du texte. Le reste du récit semble construit pour rendre l’urgence, le feu de l’action et évacue en partie la charge émotive - pas d’identification possible, car peu d’individus, déshumanisation qui crée une forme de distance. Ce cri final, qui confond les instants de l’énonciation (moment de l’’écriture) et de l’énoncé (moment du combat), nous fait réfléchir sur les effets de l’écriture. Le narrateur recrée les conditions d’urgence et de confusion de la bataille, et tout en les recréant, il les revit et les points de suspension viennent dire aussi sa difficulté à exprimer l’horreur, et son impuissance qui s’exprime dans les cris de la fin.