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SHOOT
THE
BOOK!
DOSSIER DE CANDIDATURES
VOLUME I
1
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SOMMAIRE « SHOOT THE BOOK »
VOLUME I
6 HEURES 41 ............................................................................................................................................ 4
AINSI SE TUT ZARATHOUSTRA .............................................................................................................. 23
L’ANGELUS (SECRETS) ............................................................................................................................ 39
C’EST QUOI CE ROMAN ? ...................................................................................................................... 62
COME PRIMA ........................................................................................................................................ 85
CONEY ISLAND BABY........................................................................................................................... 102
LA COULEUR DE L’AUBE....................................................................................................................... 122
LE CRIME D’OLGA ARBELINA .............................................................................................................. 140
CROSS FIRE .......................................................................................................................................... 157
DOLFI ET MARILYN .............................................................................................................................. 175
LA DOUBLE VIE D’ANNA SONG ........................................................................................................... 192
LA GARCONNIERE ............................................................................................................................... 208
HELL SCHOOL....................................................................................................................................... 222
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6 HEURES 41
Titre original
06h41
Auteur
Jean-Philippe BLONDEL
Nationalité
Française
Pages
224
Editeur
© Libella, Paris, 2013
Epoque
Contemporaine
Lieux
Troyes-Paris
Genre
Comédie sentimentale
4
PITCH
Imaginez-vous : vous vous retrouvez assis, pour une longue heure de
train, à côté d’un homme qui a été votre amant, 27 ans plus tôt. Vous
revenez d’un week-end déprimant chez vos parents vieillissants, lui,
divorcé, a posé une journée pour rendre visite à un ami malade. Comment
réagissez-vous ? Que vous dites-vous ? Vous adressez-vous seulement la
parole ?
INTRIGUE
06h41 : Lundi matin. Le quai de la gare de Troyes. Dans la foule : Cécile
Duffaut et Philippe Leduc. Elle, rentre furieuse d’un week-end chez ses
parents : culpabilisant à l’idée de les laisser le dimanche soir, elle a
finalement décidé de passer la soirée chez eux ce qui les a perturbés, car
cette nuit supplémentaire n‘avait pas été programmée. Lui, a posé une
journée de congés pour aller rendre visite une dernière fois à Mathieu, son
ami d’adolescence gravement malade. Les wagons sont bondés : par
chance, Cécile trouve une place – deux même. S’y installe un homme
quelques minutes plus tard, qu’elle reconnaît aussitôt : son amour de
jeunesse, Philippe Leduc. Une histoire d’amour de 4 mois qui s’est
achevée à Londres avec Philippe larguant peu élégamment Cécile. Horreur.
Que faire ? Changer de place ? Trop tard : cette rencontre inopinée les a
déjà plongés tous les deux dans le passé et irrémédiablement, le voyage
dans le temps commence pour chacun d’entre eux : qu’ai-je fait de ma
vie ? Que sont devenues mes illusions ? Cécile, l’ex-adolescente
transparente est devenue une ‘working girl’ à la tête de sa propre
entreprise florissante de cosmétiques bios. Mariée à un homme qui
respecte son indépendance. Pour Philippe, les choses sont plus délicates :
l’ex-bellâtre du lycée s’est transformé en un loser quinquagénaire que
l’embonpoint et la calvitie ont rattrapé. Divorcé (sa femme s’est remariée
avec Jérôme, son amour de jeunesse), ses enfants refusent désormais de
le voir et ont trouvé en leur beau-père l’incarnation de la figure paternelle
que Philippe n’a jamais su endosser.
Pendant ces 95 minutes de temps de trajet, les deux ex-amants vont faire
mine de s’ignorer mais la machine à remonter le temps est à l’œuvre dans
la tête de chacun des deux protagonistes. Alors que le train atteint sa
destination, un semblant de conversation maladroit s’engage et Philippe,
dans un grand accès de bravoure, propose à Cécile de prendre un café.
Celle-ci refuse la proposition, puis finit par se raviser. On imagine que
Philippe va faire amende honorable et que Cécile va lui pardonner,
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estimant que la vie s’est déjà chargée de lui faire payer au centuple sa
goujaterie adolescente.
THEMES ABORDES
-
Satire sociale
Période de l’adolescence
Rapports hommes / femmes : séduction
Responsabilité individuelle
Ethique morale
Passage du temps
Hasard de l’existence
Amour
Ambitions de jeunesse
Rapports entre les générations (parents – enfants)
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RÉSUMÉ DÉTAILLÉ
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Il y a 27 ans, Cécile Duffaut et Philippe Leduc avaient tout juste 20 ans.
Au lycée, déjà, tout les opposait : elle, une jeune fille peu sûre d’elle, mal
fagotée et parfaitement transparente. Lui, le beau gosse populaire, plein
d’aplomb et d’arrogance, très conscient de son pouvoir de séduction et
que toutes les filles rêvaient d’avoir pour compagnon, ne serait-ce que
quelques semaines.
Contre toute attente, Philippe jeta son dévolu sur Cécile, la première
étonnée qu’un garçon comme lui daigne s’intéresser à une fille comme elle
– opinion largement partagée par la population de la fac (« Je ne
comprenais pas ce qu’il me trouvait. Parce que j’étais très lucide. Les
filles, quand j’étais au lycée m’avaient beaucoup aidée. Elles me
trouvaient moche. Pas laide, non, juste moche. Sans aucun éclat »). Leur
idylle dura 4 mois et se noua surtout lors des week-ends puisque la
semaine, lui vivait à Paris et elle, à Troyes. L’histoire se solda lors d’une
calamiteuse escapade supposée romantique à Londres au cours de
laquelle Cécile se fit « larguer » sans ménagement.
Cette semaine à deux était à son initiative à lui, l’étudiant d’anglais. Il
confesse lui-même avec le recul qu’il était paradoxal de partir en voyage
avec une petite amie dont on comptait se débarrasser. Mais cette
proximité inédite et quotidienne fut fatale à leur liaison. A l’époque, il
pressent confusément que malgré une timidité apparente, cette Cécile
Duffaut va lui faire de l’ombre, prendre une certaine ascendance sur lui.
Leur rupture se révèle très violente pour Cécile que Philippe compare sans
commisération à une fourmi (« Une fourmi dans un carré de gazon, même
pas la reine des fourmis, oh non, certainement pas, une fourmi parmi
toutes les autres fourmis, la fourmi par excellence, aucun recul, aucune
ambition, rien pour la distinguer des autres (…) ».
Nul ne l’a jamais humiliée de la sorte. Elle en conçoit une haine farouche
et tenace à son égard.
Au terme de cette semaine catastrophique, leurs vies prirent des routes
différentes. Ils intégrèrent la vie active, lui décrocha son premier contrat
de travail (vendeur qualifié en télévisions et magnétoscopes), puis
rencontra Christine, professeur, qui devait devenir son épouse. Philippe,
déjà conscient que sa vie ne répondrait jamais à ses rêves d’adolescent,
continua à suivre à distance le parcours de son ami d’enfance, Mathieu
Coché, promis à une brillante carrière artistique qui finira comme
présentateur de jeux à la télévision (« un jeu affligeant qui permet de
faire patienter les ménagères de moins de cinquante ans et les chômeurs
en attendant le journal de 13 heures »).
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Puis Philippe divorce de Christine. Frustrée par la tournure que prend sa
vie conjugale, celle-ci part sur les traces de son amour de jeunesse,
Jérôme, divorcé lui-même, sans enfants qui rapidement devient un père
de substitution pour Manon et Loïc (« Il était gentil, prévenant, il ne disait
jamais non quand il fallait acheter des magazines. Il jouait aux jeux vidéo.
Un père parfait. ».) Manon est sur le point de déménager à Reims pour
suivre une formation de kinésithérapeute, Loïc, lui envisage de devenir
orthophoniste (« Magnifique comme rêve, non, à seize ans ? »)
Au retour de Londres, la vie de Cécile prend un nouveau tournant. Elle se
fait la promesse de ne plus jamais se laisser humilier de la sorte et se
fabrique une carapace destinée à la protéger des coups. Sa volonté s’en
trouve aiguisée (« J’ai suivi à la lettre toutes les décisions que j’ai prises
cette nuit-là. Elles ont bâti ma vie, elles ont donné un sens à mon
parcours »).
Cécile épouse Luc, cadre dans une entreprise de papeterie qui sacrifie en
partie sa carrière pour s’occuper de leur fille unique, Valentine. Après avoir
passé quelques mornes années derrière le guichet d’une banque, Cécile
finit par lancer sa propre entreprise d’esthétique bio « Pourpre & Lys » qui
connaît un essor rapide et dont les points de vente vont bientôt se
développer partout en France.
Cécile reconnaît que Luc l’a toujours soutenue dans cette aventure
(« Nous formons une équipe. Nous connaissons l’autre par cœur – nous
n’ignorons rien de ses faiblesses et de ses atouts. Mais nous savons
encore nous surprendre. Le mois dernier, il a émis l’idée de tout plaquer
pour me seconder si Pourpre & Lys prenait réellement de l’ampleur. C’est
le verbe qu’il a utilisé « seconder ». En souriant, il a fait acte de vassalité.
Je connais peu d’hommes capables de faire ça. »).
Alors que Valentine prend son autonomie, les parents de Cécile, eux,
vieillissent, deviennent plus vulnérables, elle s’oblige à leur rendre visite à
Troyes, sa ville natale, deux fois par mois. (« Vient un âge où on est
coincés entre des enfants indifférents et des parents récalcitrants. Voilà.
J’ai quarante-sept ans. Je suis en plein dedans. »)
06h41 : Cécile prend donc place à bord du train, bondé. Curieusement, la
place à côté d’elle est restée vacante. Un inconnu lui demande s’il peut s’y
asseoir, elle accepte d’assez mauvaise grâce et là, les deux se
reconnaissent immédiatement. Elle : « Je pousse mon sac et m’autorise
cette fois à le regarder en face.
Catastrophe. »
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Lui : « Quand je me suis rendu compte que la seule place qui restait,
c’était celle à côté de Cécile Duffaut, j’ai eu un léger vertige, comme une
héroïne du XXe siècle, je me suis répété : non, ce n’est pas possible. »
En l’espace d’un instant, et alors que mille pensées et souvenirs leur
traversent l’esprit, les deux décident de s’ignorer, même s’ils s’observent à
la dérobée pendant tout le voyage. La vision furtive d’un genou, d’une
main suffit à faire ressurgir souvenirs et émotions. (« Le genou de Cécile
Duffaut. Je le revois soudain. Dans un bus à impériale »).
Leur flot de souvenirs se trouve interrompu par le passage du contrôleur.
Aux antipodes de l’image de la femme pleine d’aplomb qu’elle s’efforce de
projeter, Cécile peine à retrouver son billet et doit vider le contenu son sac
sous l’œil goguenard de Philippe et du contrôleur. Elle est furieuse contre
elle-même, mais finit par le retrouver.
Elle se lève pour aller aux toilettes : premier échange anodin, elle reprend
sa place : deuxième échange insipide.
Gare de l’Est dans 30 minutes.
S’engage une première véritable conversation où Philippe lui demande si
elle ne serait pas Cécile Duffaut. Maladroitement, elle rectifie aussitôt en
assénant son nom de femme « Cécile Mergey » et en faisant mine de ne
pas être celle qu’il croit. Le silence retombe.
Le temps passant et Philippe ruminant les conséquences de son
comportement abject, il est sur le point de nouer la conversation, mais ne
sait pas comment s’y prendre.
08h15 : voyant la destination du voyage arriver, Philippe décide de
présenter gauchement ses excuses à son ex-amante pour ce qu’il lui a
infligé il y a 30 ans. Elle le remercie puis se le reproche intérieurement
dans la foulée. Remercier son bourreau ! Sur le point d’arriver en gare, le
train s’immobilise, les minutes leur paraissent interminables. Démunie,
Cécile fait diversion et lui dit qu’elle a vu Mathieu Coché dans un
magazine. Il lui répond qu’il va justement le voir à Paris pour la dernière
fois puisqu’il est sur le point de mourir. Nouvel embarras. Elle se trouble.
Lui demande s’il a des enfants. La confusion règne des deux côtés. Il lui
propose de prendre un café avec lui - ce qu’elle refuse avec brusquerie.
Elle fait mine de quitter le wagon, pour finalement se raviser et sans doute
accepter l’invitation.
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PERSONNAGES
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CECILE DUFFAUT
Physiquement, il y a deux Cécile Duffaut : la Cécile Duffaut adolescente et
la Cécile Duffaut d’aujourd’hui, le roman insiste beaucoup sur sa
transformation physique et psychologique. A 20 ans, Cécile est dotée d’un
physique passe-partout, elle est brune, porte les cheveux longs : « Cette
fille qui ne payait pas de mine, qui avait un visage quelconque avec des
cheveux mi-longs un peu frisés et des vêtements qui sortaient tout droit
de l’hypermarché ». Le temps passant, ses nouvelles responsabilités
professionnelles l’ont conduite à adopter un style sobre et chic. Genre
‘executive woman’. On compare son style à « une directrice d’école »
insistant sur l’impression d’autorité qu’elle souhaite renvoyer peut-être
pour compenser une certaine réserve. Elle accorde beaucoup d’importance
à son indépendance, est ambitieuse sans être arriviste. Aussi anecdotique
soit-elle, l’idylle qu’elle a vécue avec Philippe lui a permis de forger son
caractère, elle sait désormais ce qu’elle ne veut plus et fait preuve de
beaucoup de détermination & d’exigence à son égard. Elle est fière de sa
réussite professionnelle et du couple qu’elle forme avec Luc.
PHILIPPE LEDUC
La transformation physique du personnage a suivi le chemin contraire de
celui de l’héroïne : le beau gosse du lycée a perdu son image de gendre
idéal pour devenir, à l’aube de ses 50 ans, un homme bedonnant, chauve
et résigné. L’auteur le compare à « une caricature obèse de Hugh Grant
dans Trois mariages et un enterrement ». « Je n’ai pas toujours eu ce
ventre de buveur de bière que je ne suis pas, ces cheveux bien plus
blancs que bruns avec une nette tendance à la calvitie et cette mollesse
générale dénotant une absence totale d’exercice physique ».
Cécile elle-même, pourtant peu amène à son sujet le décrit dans ses
jeunes années comme « le gendre parfait. Souriant, détendu, gentil avec
les personnes âgées, ouvrant la porte des voitures aux dames, bien élevé
(…) Des amis partout. Le jeune homme qui chatouille les enfants et fait
rire les belles-mères dans les réunions de famille. » Elle confesse que
cette aisance l’agaçait.
Fourmillant de projets et d’envies de voyage, il est devenu simple vendeur
en supermarché, et ne se fait plus grande illusion sur ce qu’il peut
attendre de l’existence : « Mauvaise nuit, hein ? Le nombre de mauvaises
nuits qui se succèdent une fois la quarantaine passée (…) On se lève, on
descend l’escalier, il est trois heures du matin, on se cogne dans les
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meubles, on frissonne, on hésite à se faire un café, mais non, un café, et
puis quoi encore, on opte pour la tisane « agrumes », on met la bouilloire
électrique en route, on voit son reflet dans le miroir, la bouilloire électrique
à la main, la tisane « agrumes » dans l’autre, on se reconnaît à peine. »
JEROME
L’homme charismatique qui l’a remplacé auprès de sa femme et de ses
deux enfants lui renvoie en permanence l’image de son propre échec.
C’est un homme désabusé, que ses propres enfants ont quasiment oublié
et qui n’est plus d’aucune utilité à personne. Il est en pleine mid-life crisis,
aux limites de la dépression. Il n’a plus l’énergie suffisante pour se lancer
dans une nouvelle histoire sentimentale ni pour donner une nouvelle
impulsion à sa vie, c’est la passivité qui le décrit le mieux.
LUC
L’époux de Cécile. Cadre dans une entreprise de papeterie, c’est lui qui a
aménagé sa carrière pour pouvoir se rendre disponible pour leur fille
unique Valentine. Il fait preuve d’ouverture d’esprit : soutient Cécile dans
son projet professionnel. Il n’a quasiment plus de contact avec sa famille :
Cécile admire sa capacité à rayer ses parents de son existence et lui envie
parfois ce trait de caractère, elle qui s’astreint à leur rendre régulièrement
visite « Je crois que c’est ce que j’ai admiré le plus quand je l’ai rencontré.
Cette capacité d’indépendance. Cet égoïsme salvateur. Plus encore que la
prestance. Cette allure qu’il a gardée malgré les années. » C’est un bel
homme, sec, noueux, sportif qui attire les regards féminins. Il a presque
50 ans. Il tient à son indépendance et respecte en retour celle de Cécile. Il
aimerait revenir au cœur de Paris et quitter Sucy-sur-Marne.
VALENTINE
La fille de Cécile et Luc âgée de 17 ans. Elle a hérité de l’esprit
d’indépendance de sa mère et de « l’égoïsme salvateur » de son père :
elle refuse d’accompagner sa mère lors de ses visites bimensuelles chez
ses grands-parents à Troyes. On ne communique avec elle que par sms.
Est très attachée à Paris, aimerait y avoir un studio l’année prochaine. Elle
est à une année du baccalauréat. Elle est très autonome et fait preuve de
maturité.
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CHRISTINE
L’ex-épouse de Philippe et la mère de ses deux enfants. Elle est
enseignante. Elle confesse qu’elle n’a jamais eu de coup de foudre pour
Philippe. Lorsqu’elle a senti que son couple tournait à vide, elle s’est mise
à faire des recherches sur ses amis d’adolescence pour se raccrocher à
quelque chose. C’est ainsi qu’elle est retombée sur Jérôme, son amour de
jeunesse. Tout comme Philippe, la vie l’a rattrapée et elle en conçoit une
certaine amertume à l’aube de ses 50 ans. La stabilité et la force
tranquille de Jérôme la rassurent.
MATHIEU COCHE
L’ami d’enfance de Philippe, aujourd’hui atteint d’un cancer en phase
terminal à l’hôpital, ses jours sont comptés et Philippe est son référent, sa
mère Maud étant atteinte de la maladie d’Alzheimer. Au lycée, il était dans
l’ombre de Philippe, c’est un introverti, c’est son rapport privilégié à ce
leader qui le définissait aux yeux des autres : « Au début, Mathieu Coché
n’était pas particulièrement populaire – ni attirant. Il semblait gauche. Un
peu empoté comme aurait dit ma grand-mère. Embarrassé par une
carcasse en plein développement mais pour l’instant trop volumineuse. Un
regard souvent abattu. On ne l’identifiait que par association. C’était le
« copain de Philippe Leduc ». Avec le temps, le rapport de force s’est
inversé, au moins au début : Mathieu s’est lancé dans une carrière
artistique, caressant l’espoir de devenir acteur. Il a couru les castings puis
de désillusions en désillusions, s’est résigné à présenter un programme
télévisé destiné aux ménagères de plus de 50 ans « Les Chanceux du
Jour ». Lorsque l’épreuve de la maladie lui est tombée dessus, il a pu
« apprécier » la solidarité de ses amis de la télévision qui se sont
subitement volatilisés.
LOIC
Le fils de Philippe et Christine. Il a aujourd’hui 16 ans, ambitionne de
devenir orthophoniste ce qui désarme son père. S’est détourné de Philippe
pour « adopter » Jérôme, son beau-père.
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MANON
La fille de Philippe et Christine. Elle a 18 ans et veut se lancer dans des
études de kiné pour « faire du bien aux gens ». Elle déménage à Reims à
la rentrée dans le cadre de ses études. Elle est sportive, mature, réfléchie,
pragmatique et économe : autant de qualités que son père peine à
associer avec sa jeunesse.
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COMMENTAIRES
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De par la situation universelle qu’il met en scène, le roman de JeanPhilippe Blondel ne peut pas laisser son lecteur indifférent. Si les lectrices
savoureront la douce vengeance de Cécile que la vie s’est largement
chargée de dédommager en redistribuant les cartes en sa faveur, les
hommes, eux, ne pourront que se sentir proches du personnage de
Philippe, héros ordinaire du quotidien, sans doute pas plus odieux qu’un
autre mais que les petits compromis, les minuscules lâchetés ont fini par
miner.
Aux adolescents brisés par un chagrin d’amour, on ne saurait que trop
conseiller d’imaginer dans vingt ou trente ans ce que sera devenu leur
grand amour. La rencontre avec cet autre presque inconnu aujourd’hui
alors qu’il fut si proche hier renvoie au temps qui passe, à la flétrissure
des années, aux changements imperceptibles et profonds qui modifient le
corps et l’esprit.
Ces 95 minutes de trajet leur font prendre conscience que cette banale
amourette adolescente a finalement changé le cours de leurs existences,
et en particulier celle de Cécile qui au retour de Londres a irrévocablement
décidé de ne plus jamais se laisser humilier par qui que ce soit et qui s’est
forgée ce tempérament de battante. Elle s’est lancée à corps perdu dans
la vie alors que paradoxalement, lui s’y enfonçait malgré toutes les cartes
qu’il avait en mains à l’adolescence.
Le destin est parfois farceur et c’est à une belle leçon d’optimisme et
d’humilité que Jean-Philippe Blondel convie son lecteur. Mais là où 06h41
nous parle, c’est également dans sa dimension sociétale, le rapport aux
générations passées et futures : Cécile prend comme une authentique
corvée les visites bimensuelles qu’elle rend à ses parents dans cette
désolante province qui lui rappelle dans chaque détail une partie de son
existence qu’elle voudrait désespérément oublier.
Elle témoigne des difficultés de communication avec Valentine, sa fille
mais que dire des deux enfants de Philippe avec lesquels tout rapport est
perdu ? Comment ne pas se sentir désarmé comme Philippe quand il
évoque leur rapport à l’avenir : pragmatique, matérialiste, sans utopie
aucune : ne sont-ils pas symptomatiques de cette jeunesse prise au piège
de la crise ?
On ne peut que se laisser bercer par cette petite musique douce-amère
qui n’est pas sans rappeler l’univers des films de Stéphane Brizé ou de
Rémi Bezançon.
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CONCLUSION
On entre dans ce livre comme on s’installe dans un train : on se laisse
porter par la prose de Jean-Philippe Blondel, et une fois assis, on espère
ne plus être dérangé. 06h41 offre toute la matière d’un univers intimiste,
d’une analyse de caractères et une d’une situation dramatique qui ne peut
qu’interpeller son lecteur : qui n’a jamais recroisé la route d’un ex ? Qui
n’a jamais songé aux mots qui pourraient être échangés (ou pas) avec
celui ou celle qui a partagé notre vie il y a trente ans ? Qui n’a jamais
ruminé sa vengeance et rêvé de se retrouver des années plus tard face-àface avec celle ou celui qui a brisé son cœur d’adolescent ?
REFERENCES CINEMATOGRAPHIQUES
- La femme d’à côté de François Truffaut (1981)
- Le premier jour du reste de ta vie de Rémi Bezançon (2008)
- Un air de famille, Cédric Klapisch (1996)
PRIX LITTERAIRES [ou autres informations utiles]
-Finaliste du prix Relay Voyageurs en 2013
- 30 000 exemplaires vendus en poche (Pocket) et 20 000 ex en grand
format (Buchet Chastel)
- droits club & livre audio cédés en France
- adaptation théâtrale en cours en France & en Allemagne
TRADUCTIONS
Ouvrage existant en langue espagnole, allemande et italienne.
Traduction en langue anglaise disponible à l’été 2015 (publication aux
Etats-Unis prévue à l’automne 2015)
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EXTRAITS
19
p 35-39
Catastrophe
Philippe Leduc.
Si on m’avait dit.
Je pourrais changer de place. Je suis de ces personnes-là. Celles qui
peuvent se lever, reprendre leurs affaires sans un mot et s’assurer à
l’autre bout du train qu’elles vont passer un trajet tranquille. Je suis
capable, par exemple, dans un restaurant, de répondre au serveur, qui
vient par routine demander si tout se passe bien, que non, c’est
lamentable, que la nourriture est infecte et que je tiens à voir le cuisinier
pour qu’il la goûte lui-même. Le type même de la cliente pénible.
Mais là, non. Impossible. C’est comme si mes pieds étaient vissés au sol.
Je suis un soldat de plomb. Incroyable. Je me retrouve dans la peau de
l’adolescente que j’ai été. Et ça m’énerve. Surtout que j’avais bien envie
de me replonger dans ce roman et de vivre le Paris-Troyes comme une
parenthèse, une grande inspiration avant les turbulences de la semaine.
C’est insupportable.
Ce que je ressens maintenant, c’est de la haine pure. Et ça me stupéfie.
Parce que ça ne m’arrive jamais – et surtout pas envers
quelqu’un que je n’ai pas vu depuis, quoi, vingt-cinq ans, au bas mot.
Vingt-sept, en fait. Je ne peux pas m’empêcher de lui jeter des coups
d’oeil à la dérobée. Son profil. Sa silhouette. Mon Dieu. C’est
impressionnant. Il ne se ressemble pas du tout. Parce que j’ai gardé un
souvenir assez précis de ses traits, mine de rien. C’est curieux, parce qu’il
y a des pans entiers de mon existence dont je me souviens à peine, des
gens qui ont bien plus compté que Philippe Leduc dont je ne parviens pas
à me rappeler le visage, mais lui, je le vois bien. Si je ferme les yeux – à
la fête, au fond du jardin. Ou dans le grenier, ensuite. Dans la chambre
d’hôtel, à Londres. Des instantanés comme ça. Il faut que je les évacue.
Quand j’ouvre les yeux et que je tourne un peu la tête vers la droite, c’est
un cataclysme. Il est méconnaissable. Vieux, d’abord. Ridé. Affaissé. Les
épaules tombantes. Le ventre proéminent. Une espèce de barbe. Le genre
d’homme envers lequel la première chose qu’on ressent, c’est de la pitié.
Parfaitement.
Eh bien.
Si j’avais su un jour que j’éprouverais de la pitié pour Philippe Leduc, j’en
aurais ri. De la haine, oui. Mais mélangée à de la compassion,
certainement pas. Si je l’avais appris, cela m’aurait fait beaucoup de bien.
Au moment de la rupture, il faudrait pouvoir avoir un aperçu de l’autre des
années plus tard. Dans les trois quarts des cas, on cesserait de pleurer et
de se lamenter sur son sort. Le rire serait salvateur. Même si je ne me suis
pas lamentée sur mon sort. Il y a eu un blanc juste après. Une inertie des
sentiments. Une brume. Une redéfinition des rôles. Et dans le train qui me
ramenait en France, soudain, la haine. Une sensation vorace en moi,
comme je n’en avais jamais connu. L’envie de déchiqueter.
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C’est elle qui ressurgit maintenant – mais elle n’est pas intacte. Elle se
heurte à cette silhouette avachie, qui a tellement perdu de sa superbe.
Elle s’émousse. Elle se teinte de mépris.
Philippe Leduc.
Si tu savais.
La dernière fois que j’ai pensé à Philippe Leduc, je venais de rencontrer
Luc. Nous nous marchions dessus dans un studio du XVIIIe
arrondissement, à Lamarck- Caulaincourt. Nous adorions cela. Nous
venions de passer un week-end dans la baie de Somme. Nous
commencions à nous dire que la vie, ensemble… Nous laissions traîner des
points de suspension que nous complétions chacun à notre façon. Luc
devait croire que je les peuplais de nuages blancs sur ciel bleu, d’enfants
poupins et réjouis et de maternité heureuse – honnêtement, il y avait un
peu de ça, mais pas seulement. Il y avait surtout cette fille qui marche
droit et qui jette un regard ironique et légèrement cruel sur ce qui
l’entoure. Je ne l’aurais jamais avoué, évidemment.
Nous étions sur l’autoroute. Luc avait fermé les yeux. À la radio, ils ont
passé le Heartbreaker de Dionne Warwick et instantanément, je me suis
retrouvée à Londres. Dans ce Londres d’été, les fenêtres ouvertes, les
jardins et les parcs à l’herbe jaunie, il avait fait chaud, très chaud, on ne
reconnaissait plus l’Angleterre, des scientifiques illuminés clamaient que
c’était le début du réchauffement climatique, la fin de l’humanité,
Armageddon. Dans ce Londres où je marchais la nuit, et où se dessinaient
les chemins que j’allais prendre. Dans ce Londres que Philippe Leduc avait
pollué à vie. Je savais que je ne reviendrais pas dans cette ville à cause
des souvenirs nauséabonds, et c’est ça qui me mettait le plus en colère –
savoir qu’un endroit qui me plaisait me serait interdit. Je n’y suis jamais
retournée. J’ai des fournisseurs en Grande- Bretagne, bien sûr – après
tout, c’est là qu’a germé l’idée des magasins –, mais j’ai délégué les
contacts avec eux à Amy parce qu’elle est anglophone et que c’est tout
naturel.
Dans la voiture, ce jour-là, alors que je voyais le profil de Luc et celui de
mon existence à venir, alors que je n’avais jamais vraiment repensé à
Philippe Leduc parce que les images me dégoûtaient, ce jour-là, je lui ai
fait face mentalement. Et je n’étais pas aussi carrée et cinglante que je
l’aurais voulu. Parce qu’une partie de moi se demandait ce qu’il devenait
et s’il lui arrivait de se regarder dans une glace en se rappelant Londres.
Que cette même partie de moi était persuadée que c’était un immense
gâchis. Qu’en fait, nous aurions pu nous entendre. Qu’il aurait pu être à la
place de Luc dans la voiture. Que les hommes que je rencontrais étaient
interchangeables.
L’idée même était atroce. Je l’ai balayée d’un revers de la main – et Luc a
ouvert les yeux. Il m’a demandé ce qui se passait. J’ai bredouillé : « Rien,
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j’ai des papillons noirs devant les yeux. » Nous nous sommes arrêtés sur
l’aire d’autoroute suivante et il a repris le volant.
Cela m’amuse aujourd’hui.
J’observe Philippe Leduc, en douce. Je m’habitue à son nouveau physique.
Si je l’ai reconnu du premier coup d’oeil, c’est qu’il ne doit pas avoir tant
changé que ça. C’est sûr, il a beaucoup perdu. Il a l’air terne. Ce qui
séduisait à l’époque, c’était cette étincelle. Pas seulement dans le regard.
Dans les gestes. Dans sa façon de rire. Dans le velouté de sa peau. On se
disait que ce gars-là allait faire de votre vie une fête. Je ne sais pas d’où il
tenait ça – l’absence du malheur, peut-être. Quelqu’un qui, à vingt ans,
n’avait pas à se plaindre. Un physique avantageux, des parents qui lui
cédaient pas mal de caprices, un frère aîné bien plus aîné et donc
indépendant, des amis en veux-tu en voilà. Pas d’aspérités. Peu
d’égratignures. Il y a des gens comme ça, qui traversent les années en
flottant, il faut attendre les premières déconvenues sentimentales ou
professionnelles, la mort d’un parent ou d’un ami, et tout se fissure.
Là, il est quand même bien fissuré.
22
AINSI SE TUT ZARATHOUSTRA
Titre original
AINSI SE TUT ZARATHOUSTRA
Auteur
NICOLAS WILD
Nationalité
Française
Pages
224
Editeur
La Boîte à Bulles ©, [2013]
Epoque
21ème siècle, contemporaine
Lieux
Paris, Téhéran, Shiraz, Yazd, Genève
Genre
Comique, témoignage, documentaire
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PITCH
Les déambulations et les rencontres de Nicolas Wild, globe-trotter pince
sans rire, qui offrent l’opportunité de découvrir le Zoroastrisme, religion
quasi oubliée, et tout un pan de l’Iran contemporain. Un récit haletant,
drôle et instructif, marqué par la personnalité du leader Zoroastrien Cyrus
Yazdani, assassiné dans des conditions troubles…
INTRIGUE
Revenu d’Afghanistan, Nicolas demeure à Paris où il rencontre de jeunes
réfugiés Afghans. L’un d’eux, Timour, lui permet par hasard de rencontrer
Sophia Yazdani, fille de Cyrus Yazdani, une figure emblématique de la
communauté Zoroastrienne, assassiné récemment dans des circonstances
mystérieuses. Nicolas se lie d’amitié avec la jeune femme et se retrouve
convié à son voyage en Iran à l’occasion de l’inauguration du Centre
Culturel Zoroastrien. De Téhéran à Kashan en passant par Persépolis et
Yazd, Nicolas rencontre plusieurs Iraniens : Ardéchir, un excentrique
Zoroastrien possédant une galerie d’art clandestine cachée dans sa
piscine, des réfugiés Afghans, des opiomanes désabusés adeptes de
poésie classique, des étudiants, des poètes, tous plus au moins liés à
Cyrus ou au Zoroastrisme….
À travers toutes ses pérégrinations et ses discussions, Nicolas découvre
ainsi une des toutes premières religions monothéistes : le Zoroastrisme,
qui inspira bon nombre de philosophes.
La deuxième partie de l’ouvrage s’ouvre sur le tribunal de Génève, à
l’occasion du procès du meurtrier présumé de Cyrus Yazdani : Mehrab
Shashlik. Avec l’autorisation de Sophia d’y assister, Nicolas se rend en
Suisse pour entendre les témoignages des proches de Cyrus. Ces derniers
lui permettent de brosser plus pécisément le portrait de cet homme
passionné et de découvrir les véritables enjeux de son assassinat. Un
meurtre qui semble plus lié à des histoires politiques qu’à une simple
histoire de mœurs. Grâce aux différents témoignages, Nicolas reconstruit
la vie de Cyrus et cherche à démêler le vrai du faux concernant son décès.
À l’issue du procès, Mehrab est finalement condamné mais le mobile de
son crime reste toujours inconnu…
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THEMES ABORDES
Le Zoroastrisme, la vie et le meurtre du leader Zoroastrien Cyrus Yazdani
(personnage fictif mais librement inspiré de Kasra Vafadari assassiné à
Paris en 2005), la politique Iranienne, le monde Perse, les diasporas
Iranienne et Afghane.
25
RÉSUMÉ DÉTAILLÉ
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La première partie, intitulée « Bonnes pensées » s’ouvre sur la rencontre
entre Nicolas et un groupe de réfugiés Afghans, près du Canal Saint
Martin à Paris. Nicolas passe la journée à discuter avec eux et leur donne
un cours de français à sa façon. Puis l’un d’entre eux, Timour, a besoin
d’appeler une amie à Paris : Sophia. Nicolas lui prête son téléphone
portable puis rentre chez lui.
Plus tard, toujours près du Canal Saint-Martin, une jeune femme attend
près de la grille d’un parc. Un jeune homme la rejoint, c’est Timour. Cette
jeune fille se trouve être Sophia Yazdani, fille de Cyrus Yazdani,
récemment assassiné à Genève. Ensemble, ils discutent dans le parc où
habitent les réfugiés Afghans. Au moment où Timour souhaite avouer
quelque chose à propos d’un événement qui s’est déroulé dans la maison
du père de Sophia, les CRS arrivent et, dans leur fuite, les deux amis sont
séparés. Sophia appelle alors Nicolas par erreur, pensant que le numéro
de téléphone avec lequel Timour l’a appelée plus tôt dans la journée est le
sien. Nicolas, la croyant en détresse, accourt. Malheureusement l’aventure
est vite résolue car Sophia retrouve immédiatement son ami. Déçu, il
rentre chez lui mais reçoit le lendemain un sms de Sophia qui l’invite à un
vernissage.
Il y rencontre un ami de la jeune femme : Kleef, artiste déluré et sans
complexes qui expose des photos de seins. Poursuivi par le mari de son
modèle, Kleef prend la fuite. Nicolas, en manque d’adrénaline depuis son
retour d’Afghanistan (cf Kaboul Disco) décide de s’enfuir avec lui. Une fois
le mari jaloux semé, Kleef et Nicolas discutent dans la rue et parlent de la
famille de Sophia. Nicolas apprend ainsi que Sophia souhaite organiser
l’anniversaire de son défunt père en Iran et participer à l’ouverture du
Centre Culturel Zoroastrien de Yazd.
Quelques mois plus tard, Nicolas embarque pour ce voyage Iranien avec
Sophia et trois de ses amis : Kleef, Jovana et Amalia. Sur la route les
menant chez le père de Sophia, ils découvrent le paysage de Téhéran et
ses bâtiments couverts d’affiches à l'effigie de l’Ayatolla Khomeiny. Ce
dernier est par ailleurs loin d’être apprécié par leur chauffeur de taxi. Il
leur montre le fond d’écran de son portable : une photo du Shah, photo
qui a failli lui coûter la prison.
Les amis se rendent tout d’abord chez Ardéchir, un ami du père de Sophia.
Sympathique Zoroastrien adepte d’art et de kimonos, il possède, en plus
d’une magnifique maison, une piscine dissimulant une galerie d’art
clandestine.
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Les jours suivant, le groupe d’amis visite les alentours de Téhéran, ce qui
permet à Nicolas de discuter avec plusieurs Iraniens opposés au régime. Il
rencontre notamment un chauffeur de taxi qui l’invite à prendre le
« Tariak » chez des amis. Nicolas, pensant avec naïveté que le « tariak »
est une sorte de thé aux épices accepte sans se douter qu’il s’agit
d’opium. Il passe ainsi un long moment en compagnie des opiomanes :
son chauffeur de taxi, adepte de poésie classique, un ancien général de
l’armée iranienne et un Musulman récemment devenu Zoroastrien. Ce
dernier lui explique s’être converti au Zoroastrisme pour exprimer son
attachement aux racines de son pays mais aussi son désaccord avec le
régime. Par la suite, le général rapporte des photographies de la guerre
dont la cruauté ébranle Nicolas. Intéressé par leurs témoignages et leur
discussion, le jeune homme oublie son rendez-vous avec des poètes
Iraniens et arrive en retard, ivre d’opium.
Lors de leurs nombreuses périgrinations, Nicolas rencontre aussi Ava, la
sœur de Sophia, mais aussi leur mère, Lucie. Celle-ci lui parle de sa
rencontre avec Cyrus, puis de son mariage et de leur déménagement à
Téhéran : un périple en 2CV, de la France à l’Iran. Après un dîner riche en
souvenirs qui permettent à Nicolas de connaître un peu mieux le père de
Sophia, ils se rendent tous au centre culturel de Yazd pour assister à
l’inauguration qui aura lieu le lendemain.
Le matin, trois vieux Zoroastriens sont déjà présents et commentent le
petit déjeuner que prennent Nicolas et ses amis sur scène, pensant que le
spectacle « a déjà commencé ». L’ouverture du centre a réuni un grand
nombre de Zoroastriens et d’habitants de Yazd. Une fois l’inauguration du
centre terminée, Ardéchir amène le petit groupe sur les hauts lieux du
Zoroastrisme : La tour du silence, où étaient déposés les corps des
défunts, le temple du feu et le Tchak Tchak. Puis la troupe se sépare.
Certains rentrent à Paris tandis que d’autres restent sur le sol iranien tels
Nicolas et Kleef. Côtoyant dorénavant la famille Yazdani de près, ils sont
invités chez un couple de vieux Zoroastriens. Ces derniers leur parlent de
la condition des Zoroastriens en Iran avant la chute du Shah et depuis la
prise de pouvoir par les Islamistes. Dans leur quotidien se confondent
insultes, moqueries, menaces, liberté de culte inexistante et supériorité de
l’Islam par rapport au Zoroastrisme…
Après le départ de Kleef pour Paris, Nicolas est logé dans la maison de
Cyrus en compagnie du gardien Hassem. Ce jeune Afghan se trouve être
le frère de Timour. Nicolas, en voulant couvrir le portrait de Cyrus dont le
regard pesant le dérange, fait tomber le cadre et découvre derrière celuici une mystérieuse enveloppe destinée à Sophia et Ava. Après avoir
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longuement hésité à ouvrir l’enveloppe, Nicolas range celle-ci en se
promettant de la remettre en main propre à Sophia puis il se rend chez
Ardéchir. Tout en tirant des flèches de peintures sur le portrait du dirigeant
Iranien, ce dernier lui raconte sa jeunesse en compagnie de Cyrus. Les
deux jeunes Zoroastriens se rencontrèrent lors de leur service militaire et
s’engagèrent par la suite dans l’opposition contre le Shah, aux côtés des
communistes. Après la chute du régime, les Islamistes radicaux prirent la
décision de détruire certaines collections antiques des musées.
Ardéchir et Cyrus barricadèrent l’entrée de leur musée et résistèrent aux
attaques des miliciens pro-Khomeyni, en compagnie d’autres étudiants.
Malheureusement, les miliciens finirent par pénétrer dans le bâtiment.
Cyrus et Ardéchir mirent en sûreté une des pièces les plus importantes
des collections, le « Cylindre de Cyrus » (considéré comme la première
charte des droits de l’Homme.) Cyrus fit faire une copie du cylindre et
remis l’original à l’ambassade de Londres.
Le lendemain, en retournant chez Ardéchir pour entendre de nouvelles
anecdotes à propos de la vie de Cyrus, Nicolas découvre la maison vide et
« la piscine-galerie » remplie d’eau. Nicolas est arrêté par une voiture
noire en sortant de la maison. Le chauffeur lui annonce sèchement qu’il
doit s’en aller, que son ami est parti et qu’ « ils » surveillent la maison.
Une vieille dame est en train de remplir un parcmètre non loin de là.
Terrifié à l’idée qu’elle soit là pour l’espionner, Nicolas s’enfuit.
Heureusement, Ardéchir est sain et sauf. Le matin suivant, Nicolas le
trouve dans sa cuisine avec un nouveau gardien (Hassem a quitté le pays
pour Londres, où son frère Timour lui a trouvé un travail). Nicolas avoue
ne plus rien comprendre concernant la disparition des tableaux et des
livres, mais Ardéchir se contente de faire une blague pour éluder la
question.
À son retour en France, Nicolas donne la fameuse lettre à Sophia. Après
avoir imaginé de multiples scénarios plus ou moins saugrenus concernant
son contenu, il est déçu de voir qu’il ne s’agit que d’un poème.
Particulièrement intéressé par le personnage de Cyrus et par son funeste
destin, Nicolas demande à Sophia s’il peut, lui aussi, assister au procès.
La seconde partie s’ouvre ainsi sur le procès de Mehrab Shashlik, assassin
présumé de Cyrus Yazdani. Après avoir rencontré Cyrus grâce à Ardéchir,
Mehrab demanda à Cyrus de l’aider à rejoindre sa femme et son fils
réfugiés au Canada. Malgré les efforts du Zoroastrien, il ne put les
rejoindre. Parti en Suisse dans l’espoir d’obtenir plus facilement un visa
29
pour le Canada, Mehrab s’installa dans la résidence d’artiste de Cyrus.
C’est là-bas, en juillet 2006 que Cyrus fut retrouvé mort.
Lucie, la mère de Sophia, passe à son tour à la barre. Elle raconte que
tous les matins, Cyrus et ses frères effaçaient des inscriptions antizoroastriennes sur leur maison. Les Yazdani étant une famille fortunée,
ses membres furent régulièrement persécutés par le nouveau pouvoir. La
mère de Cyrus fut envoyée en prison, et la famille dut céder la totalité de
ses terrains à l’Etat Iranien pour la libérer. Par la suite, Cyrus fut convoqué
au front en Irak. Lucie et ses deux filles repartirent en France où Cyrus,
déserteur, les rejoignit quelques temps après. A Paris, Cyrus se mit à
défendre ardemment le Zoroastrisme, devint président de la Fédération
Française Zoroastrienne, spécialiste du Zoroastrisme pour l’ONU et
enseignant en archéologie à l’Université de Lausanne.
Après une séance au tribunal, Nicolas rejoint Azdaneh, une autre amie de
Cyrus vivant en Suisse pour discuter avec elle. Azdaneh lui raconte que
Cyrus était le genre d’homme qui ne pouvait tenir sa langue en public, ce
qui lui causa plusieurs problèmes avec le gouvernement : menaces,
arrestations... Nicolas rencontre aussi Niloofar qui lui explique le projet de
Cyrus concernant le centre culturel : mettre en avant la diversité des
langues et des cultures iraniennes. Il existe en effet au moins sept ethnies
différentes au sein de l’Iran. Une richesse culturelle mal vue par le
gouvernement qui craint un éclatement ethnique.
Le procès se poursuit. Lors de son témoignage, Sophia raconte que
Mehrab se serait violemment disputé avec Cyrus lors d’une soirée à
Téhéran. Pour elle, il ne fait aucun doute que Mehrab Shashlik a tué son
père.
La veille du verdict final, Nicolas se fait arrêter par Zaher Zom alors qu’il
prend le tramway. Ce Zoroastrien se trouve être l’Iranien de la voiture
noire, chez Ardéchir. Il déclare à Nicolas que l’assassinat de Cyrus fait
partie d’un complot fomenté par le gouvernement Iranien pour détruire le
Zoroastrisme. Un autre leader a en effet été lui aussi assassiné dans les
mêmes circonstances, à Madrid.
Déboussolé, Nicolas cherche à relier toutes ses histoires les unes avec les
autres afin de trouver la pièce manquante du puzzle. Devant coupures de
presse, notes des témoignages et articles internet collés sur son mur, le
jeune homme tente de comprendre et de déceler la vérité dans les
ressorts de l’affaire.
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La troisième partie s’ouvre trois mois après la fin du procès. Nicolas
montre à Kleef les cartes postales de Hassem qui lui raconte son périple
d’Iran à Londres, un véritable témoignage sur l’immigration clandestine.
Kleef lui demande ensuite si l’on connaît le fin mot de l’histoire concernant
le meurtre de Cyrus. Nicolas lui répond qu’il a noté les deux derniers
témoignages, celui de Shirin (poétesse résidant dans la villa au moment
du meurtre) et de Mehrab. Selon la version de Shirin, Mehrab serait rentré
brutalement dans la chambre de Cyrus alors qu’elle discutait avec lui et
l’aurait tué d’un coup de couteau. Selon Mehrab, c’est Shirin qui aurait tué
Cyrus. Celle-ci aurait en effet eu une liaison avec lui mais Cyrus ne
voulant pas refaire sa vie avec elle, Shirin l’aurait assassiné. Mehrab,
manipulé par Shirin et craignant d’être accusé du meurtre se serait enfuit
avant d’être arrêté dans un hôtel à Francfort. Toutes les preuves accusant
Mehrab, ce dernier a été reconnu coupable à l’issue du procès. Cependant,
personne ne connaît les réelles motivations de son meurtre.
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PERSONNAGES
32
NICOLAS WILD
Dessinateur d’une trentaine d’années. Il est de taille moyenne, avec les
cheveux bruns coupés courts et un visage rond avec des lunettes. C’est un
garçon joyeux et avenant, qui apparaît légèrement naïf et faussement
benêt. Il parle un persan basique, ce qui donne lieu à plusieurs scènes
amusantes. Il a travaillé à Kaboul comme graphiste et illustrateur pour
une société publicitaire (son aventure est racontée dans Kaboul Disco T1
et T2). Il est particulièrement aventureux, curieux et très sociable.
Globetrotteur et amoureux des découvertes et des échanges, il est en
quelque sorte un « Tintin » moderne et réaliste.
CYRUS YAZDANI (personnage inspiré de Kasra Vafadari)
Iranien décédé d’une cinquantaine d’année. Il avait les cheveux bruns, un
nez aquilin et d’épais sourcils. Il portait toujours un nœud papillon. C’est
un personnage qui n’apparaît dans le livre que sous forme de flash-back,
lorsque les autres personnages parlent de lui. C’était un homme
extraverti, très spontané et imprévisible, avec un humour et une énergie
palpable tout le long du récit. Humaniste au franc-parler, il était aussi un
fervent défenseur du Zoroastrisme et de la culture Iranienne.
SOPHIA YAZDANI
Fille de Cyrus, âgée d’une trentaine années. C’est une architecte Francoiranienne, de confession Zoroastrienne. Elle est brune, les cheveux longs,
qu’elle porte souvent attachés. C’est une jeune femme plutôt franche. Elle
est cependant très accueillante et très engagée. Elle souhaite continuer ce
que son père a commencé avec l’inauguration du centre culturel de Yazd.
Très attachée à son père, Sophia parle peu de lui, visiblement encore sous
le choc après sa mort.
ARDECHIR
Homme Zoroastrien d’une cinquantaine d’années, très bon ami de Cyrus.
Il a un mono-sourcil très noir et des longs cheveux blancs. Il apparaît
quasiment à chaque fois vêtu de tenues japonaises. Il est fermement
opposé au régime Iranien en place. Très cultivé et passionné par l’art, il
possède une piscine remplie non pas d’eau mais d’œuvres censurées par
le gouvernement. C’est un personnage tout aussi imprévisible que Cyrus,
extraverti, peu commun et plutôt décalé. Il est cependant plein de
sagesse.
33
COMMENTAIRES
34
Subtil, Ainsi se tut Zarathoustra est à la fois le récit d’un voyage, d’une
aventure, d’un reportage… le tout savamment maîtrisé. Nicolas Wild pose
un regard osé et pertinent sur les réalités d’un pays au cœur des médias.
Comme à son habitude, il allie le sérieux du contenu et la légèreté du ton.
L’auteur parvient en effet à faire preuve de distance et de tendresse,
même sur des sujets dramatiques.
Grâce aux histoires, souvenirs et anecdotes racontés tout le long du récit,
Ainsi se tut Zarathoustra nous fait découvrir une culture tout à fait
méconnue. C’est aussi une histoire basée sur des faits réels qui jongle
entre réalité et fiction, d’où sa grande richesse. On suit avec intérêt le
voyage en Iran des protagonistes et l’histoire tragique du personnage de
Cyrus, un homme charismatique et plein d’originalité. Les protagonistes
de cette histoire sont de plus particulièrement attachants et chacun
possède sa propre personnalité, souvent décalée et toujours sympathique.
Certaines scènes possèdent des aspects très cinématographiques, avec un
découpage proche d’un film : plans fixes, champ et hors-champ etc… De
même, d’autres scènes peuvent donner lieu à des jeux graphiques
intéressants. Par exemple lorsqu’un poète raconte la vie de Zarathoustra,
ses illustrations sont intégrées dans le second plan des cases. Pourquoi ne
pas représenter cela à la manière d’une histoire illustrée, avec une voix
off ? Ou encore, lorsque Sophia montre le plan du voyage et les diverses
villes que ses amis vont visiter avec elle, la carte pourrait être représentée
avec le trajet de la camionnette sur un plan grossièrement dessiné,
comme celui de Sophia.
L’ouvrage étant souvent drôle, le côté comique de plusieurs séquences
peut être mis en avant par la réalisation cinématographique. Par
exemple : la scène où un journaliste raconte une anecdote concernant un
poulet protégé un parchemin magique qui le rend à l’épreuve des balles.
Les scènes fourmillent généralement de détails amusants que l’on ne
remarque pas au premier abord et qui constituent une source de comique
subtile mais toujours efficace. Par exemple, lorsque Sophia et Nicolas
discutent dans un restaurant iranien, le serveur vient pour prendre leur
commande mais sur le menu est écrit : plat unique – kebab riz.
35
CONCLUSION
Ainsi se tut Zarathoustra est un ouvrage à la fois sérieux et léger, qui
traite d’un sujet méconnu avec un certain humour. A contre-courant de la
manière dont on couvre l’actualité Iranienne, il offre un regard nouveau
sur ce pays. Riche en anecdotes et en personnages tous très attachants, il
peut donner lieu à un film d’animation dans la même lignée que
Persépolis, sans pour autant traiter du même sujet.
REFERENCES CINEMATOGRAPHIQUES
« A bord du Darjeeling Limited » de Wes Anderson, « Persépolis » de
Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud, ou encore la série télévisée :
« Kaboul Kitchen » de Marc Victor, Allan Mauduit et Jean-Patrick Benes (à
rapprocher des deux tomes précédant Ainsi se tut Zarahtoustra : Kaboul
Disco.)
PRIX LITTERAIRES
Prix France Info 2014 de la BD d’actualité et de reportage, sélection
officielle Angoulême 2014, plus de 10 000 exemplaires vendus, réimprimé deux fois depuis sa première publication.
TRADUCTIONS
Anglais (publié par Harper Collins India - Inde et Restless Books - USA),
Italien (publié par 001 Media - Italie), Allemand (plublié par Egmont Allemagne), Espagnol (publié par Dibbuks - Espagne), Turc (publié par
Esen Kitap – Turquie )
36
EXTRAITS
37
Extrait 1 : l’arrivée en Iran (pages 26-27)
Extrait 2 : Les rapports houleux entre Cyrus et le gouvernement (pages
172-173)
38
L’ANGELUS (SECRETS)
Titre original
L’ANGELUS
Auteur
GIROUD & HOMS
Nationalité
France
Pages
114 pages
Editeur
Dupuis ©, [2010]
Epoque
Contemporaine
Lieux
Ville
Genre
Comédie Dramatique
39
PITCH
Personne, et Clovis Chaumel le premier, n’aurait pu penser qu’il entrerait
dans ce musée et, encore moins, qu’il tomberait en arrêt devant L’Angélus
de Millet… Et comment présager qu’un des grands mystères de l’histoire
de l’art révèlerait un secret de famille vieux de 45 ans et transformerait
cet homme si gris?
INTRIGUE
Clovis Chaumel est père de famille sans histoire, sans relief, sans passion.
Repoussé par sa femme, ignoré par ses enfants, son quotidien est enlisé
dans une triste routine. Ayant récemment appris qu’il souffrait d’un cancer
de la moelle osseuse il se surprend inconsciemment à repenser à certaines
scènes de son enfance. Peut-être encouragé par l’envie de rompre ses
habitudes, il pousse la porte d’un musée et découvre L’Angélus de JeanFrançois Millet. Il en sera comme foudroyé. La tête lui tourne, des
souvenirs remontent peu à peu à la surface, il devient littéralement
obsédé par l’œuvre du peintre. Face à l’incompréhension de sa femme, il
se tourne vers la professeur d’Art Plastique de ses enfants, son libraire, il
s’aventure même sur internet, rien ni personne ne réussit à étancher cette
inextinguible soif de connaissance du tableau pour en percer le secret.
Tout aussi troublant, il apprend que Dali avait aussi développé une
véritable obsession pour ce tableau impressionniste, le réinterprétant
inlassablement pendant plusieurs années. Mû par les mêmes intuitions,
Clovis découvre ce que le peintre avait réussi à prouver : le tableau ne
représente pas un simple recueillement anodin le temps d’une prière, ce
couple de paysans pleure son enfant enterré à ses pieds !
En cherchant davantage, il découvre qu’on avait donné à Dali le nom de
son frère aîné mort avant sa naissance. Et que le peintre avait reconnu
l’attitude de ses propres parents dans celle des paysans, Clovis pense
avoir compris son trouble. Est-il lui aussi la prolongation morbide d’un
enfant décédé avant lui ?
A mesure que l’enquête artistique se transforme peu à peu en quête
introspective, une véritable transformation s’opère en lui. Tout en levant
un à un les secrets qui entourent sa propre histoire familiale, Clovis
devient un autre homme. Il change, se bonifie se libère du carcan qu’était
40
sa vie. Pour l’homme qui a vécu dans l’ombre toute sa vie sans le savoir, il
est grand temps de passer à la lumière !
THEMES ABORDES
Secrets de famille
Portrait/destin
Histoire des Arts
Quête / Catharsis
41
RÉSUMÉ DÉTAILLÉ
42
Un souvenir. Un jour de pluie, dans une petite ville des années 60, des
gamins jouent au hockey avec leurs rollers. Clovis tombe, se casse le bras
et, comme l’hôpital refuse de leur envoyer une ambulance ce sont ses
parents qui devront l’y conduire en voiture. Sa mère, affolée, n’a de cesse
de répéter que c’est le bon dieu qui les punit… Mais punit de quoi ?
Clovis, représentant de commerce aussi triste qu’un jour de pluie, a un
myélome, un cancer de la moelle osseuse, il n’en a parlé à personne et est
en attente d’un don. En déplacement professionnel à Paris, il décide sur un
coup de tête de visiter le musée d’Orsay. Parmi les œuvres du courant
impressionniste, son regard est capté par un tableau de Jean-François
Millet : L’Angélus.
Frappé de stupeur, il ne comprend pas l’impact que le tableau exerce sur
lui. Il ne s’agit pourtant que d’un couple de paysans récitant l’angélus au
milieu d’un champ de pomme de terre… Bouleversé devant le chef
d’œuvre, il est même à être pris d’un malaise…
A peine rentré, il demande à son fils de 11 ans, de lui faire une recherche
de la toile sur internet. Avec toute la bonne volonté d’un ados pré-pubère,
il n’obtient de lui qu’une version de L’Angélus… d’après Dali, autrement
dit, une interprétation complètement différente du tableau. Déconfit, il se
rend en librairie le lendemain et demande plus d’informations au
responsable qui lui commande finalement un ouvrage sur le peintre.
Tellement impatient d’en découvrir davantage, Clovis retrouve tout de
même le tableau original sur l’ordinateur de son fils et s’interroge sur ce
qui l’a frappé. Comme il s’intéresse aux différents éléments susceptibles
de lui évoquer quelque chose il se penche sur la fourche, la brouette puis
le panier de pommes de terre. Il revoit alors une scène de son enfance :
ayant terminé les pommes de terre de son assiette et refusant de toucher
au reste du plat, il avait provoqué l’ire de sa mère parce qu’il ne voulait
pas finir ses brocolis qui lui provoquaient des « haut-de-cœur ».
Décidément incompatible avec les nouvelles technologies, il plante
l’ordinateur en voulant utiliser l’imprimante. Son fils s’en aperçoit et lui
reproche de ne pas faire d’efforts, tous les parents de ses potes savent
pourtant se servir d’un ordinateur ! Une nouvelle occasion de rabaisser
son père, son sport favori avec son frère.
43
Clovis poursuit ses recherches à la bibliothèque, essaye de partager ses
découvertes avec Isabelle, sa femme qui s’est éloignée de lui depuis des
années, mais il se heurte à un mur, il devrait plutôt s’occuper de ses
enfants et aller à la réunion parents-prof. S’exécutant, il y rencontre
Evelyne Arnaud, la prof de dessin. Obsédé par le tableau et ses mystères,
il demande à cette très belle femme ce qu’elle connaît de L’Angélus et la
passion qu’en éprouvait Dali pour l’avoir reproduit tant de fois. Elle a
malheureusement peu d’informations à partager si ce n’est que la
reproduction est monnaie courante en peinture… Mais elle promet de
s’intéresser à la question.
Il annule ses rendez-vous du lendemain et profite de sa journée pour
récupérer l’ouvrage sur Millet qu’il avait commandé et, comme le libraire
le complimente sur sa cravate, qui pour une fois n’est pas noire, il décide
de changer la monture de ses lunettes pour mettre un peu de couleur
dans sa vie. Il se convainc également d’acheter« l’informatique pour les
nuls » pour continuer ses recherches online sur les reproductions de Dali.
Il ne cesse alors de découvrir d’autres interprétations du tableau par le
peintre espagnol.
Isabelle étant complètement imperméable à sa passion, il décide de la
partager avec Evelyne autour d’un verre. Elle lui raconte les récentes
recherches qu’elle a fait pour lui et notamment que Dali avait passé toute
sa petite enfance avec une reproduction de ce tableau dans son école. La
passion du peintre pourrait provenir de ce premier émoi artistique ? Ce
même tableau évoquerait-il un souvenir à Clovis dont il n’a pas encore
trouvé le sens ?
De retour à la librairie, à la recherche d’un titre précis sur Millet, il aperçoit
un album de Lucky-Luke dans l’un des rayons. Nouvelle madeleine de
Proust pour Clovis qui se revoit demander à ses parents s’il pourra un jour
rencontrer « Morris ». Il se rappellera toute sa vie leur effarement jusqu’à
ce qu’ils comprennent qu’il parlait du dessinateur…
A l’évocation de ce dernier souvenir, il repense à sa mère en larmes quand
il insistait, bien que tout petit, pour rester dans la « Micheline », l’autorail
qui devait l’emmener en vacances.
Le libraire, n’ayant pas le titre de Millet qu’il recherche, il lui donne la
référence du titre qu’il pourra retrouver à la bibliothèque. Clovis y
découvre un nouvel élément fondamental à l’histoire du tableau qu’il
44
voudrait absolument exposer à Isabelle afin qu’elle comprenne son
trouble.
Mais Isabelle est furieuse, elle sait tout. Elle a appris qu’on l’avait vu avec
la prof de dessin des enfants. Elle ne veut rien entendre ! La discussion
paraissant impossible, il sort prendre un verre, dans un bar à la mode. Par
hasard, il y retrouve Evelyne qui l’emmène pour discuter à l’extérieur. Loin
des regards curieux et des oreilles indiscrètes, il se confie. Enfin. Parle de
ses doutes, de son myélome, de son incapacité de communiquer avec sa
femme mais, surtout, de sa dernière découverte : Dali, possédé par la
toile, avait rédigé un ouvrage émettant l’hypothèse qu’elle serait un
« repentir », terme technique quand le peintre corrige le tableau. Après
des années d’insistance auprès de divers éditeurs et conservateurs du
Louvre, il avait obtenu gain de cause pour qu’enfin le tableau fût scanné.
On y découvrit, sous la couche de peinture du panier de pomme de terre,
un cercueil d’enfant ! Le galeriste de Millet avait en effet préféré qu’il
modifie le tableau, jugé alors trop funeste, mais sans changer les
expressions et attitudes des personnages.
Ayant passé la nuit, seul, à l’hôtel, il se rend au cimetière de famille et
découvre au hasard de ses recherches la tombe d’une certaine « Micheline
Hautdequeur ». A nouveau pris d’une violente émotion à l’évocation de ce
nom dans son esprit, il tente d’obtenir plus d’informations chez sa mère.
Celle-ci reste étrangement trop évasive à ce sujet. Il poursuit alors son
enquête en épluchant les registres d’état civil de la famille Hautdequeur
sans résultat.
La rumeur de sa relation extraconjugale ayant pris de l’ampleur, il choisit
de prendre ses affaires pour loger à l’hôtel. Sur le pas de la porte, Isabelle
lui lance, furieuse : « Tu es bien comme ton père, mais ne compte pas te
débarrasser de moi comme il l’a fait de ta mère ! » Tout de suite prise de
remord, elle refuse de lui céder plus d’explications et prévient aussitôt sa
belle-mère qu’elle en a trop dit sous la colère…
Sa mère, mystérieusement partie en cure sans donner d’adresse, Evelyne
quelque peu refroidie par la rumeur qui circule sur son dos et le libraire y
accordant quelques vérités, Clovis se retrouve bien seul avec ses
interrogations. C’est alors que Georges Riboud, expert en art
contemporain le contacte pour le rencontrer sous 15 jours. Evelyne lui a
parlé de son affaire et il aurait quelques éclaircissements à lui apporter.
45
Dans l’attente de son rendez-vous, Clovis a revendu sa voiture contre un
van aménagé. Ça lui sert de résidence temporaire au camping du coin et a
décidé de le repeindre entièrement des couleurs vives. Il a aussi quitté
son travail et prend enfin le temps de s’occuper de lui.
Il reçoit la visite impromptue d’Evelyne, les ragots s’étant calmés, elle est
ravie de le voir reprendre sa vie en main. Ses enfants le retrouvent
également pour lui apporter le courrier et profitent qu’il ne travaille plus
pour passer la journée à jouer avec lui. Enfin, c’est le libraire, Louis
Ferrand qui semble vouloir se rapprocher et s’excuser d’avoir prêté foi aux
rumeurs.
Lors de son rendez-vous avec Mr Riboud, il apprend que Dali avait un frère
ainé mort très tôt. Ses parents, convaincu que leur deuxième enfant était
la réincarnation de l’aîné, l’avaient alors renommé à l’identique : Salvador.
Source pour le peintre d’un profond traumatisme dont il n’arrivera jamais
à se départir. Cette révélation fait immédiatement écho à Clovis qui
retourne sur la tombe de Micheline Hautdequeur et constate que la mort
de la femme coïncide avec sa propre année de naissance. Dans le même
cimetière, à la recherche d’autres indices, il finit par retrouve la tombe
d’une Louvet née Hautdequeur. Avec Evelyne, dont il est de plus en plus
proche, il décide d’aller rencontrer une parente de la famille pour recueillir
plus d’informations. Celle-ci, apparemment au courant de l’histoire mais
souhaitant respecter l’intimité de personnes toujours vivantes, le renvoi à
consulter le registre d’Etat-civil de sa propre famille.
Il se précipite à la mairie et découvre que son père a été marié à
Micheline, que sa mère l’a donc forcément connu puisque c’est l’année de
sa naissance et du remariage de son père.
Il retourne voir Mme Louvet pour connaître le fin mot de l’histoire :
Son père, Claude, était marié à Micheline, mais Claude étant supposé être
stérile, le couple n’avait pas eu d’enfants. Puis Claude est tombé
amoureux d’une autre femme, Colette. Alors que Claude s’apprête à
quitter Micheline, elle lui annonce, folle de joie, qu’elle est enceinte. Mais il
avoue tout de même la vérité et la quitte. Micheline, au bord de la
dépression, s’en va implorer Colette de renoncer à Claude, ne serait-ce
pour que l’enfant ait un père. Mais Colette refuse, il y aura de toutes
façons un enfant sans père, elle aussi est enceinte ! Cette révélation
achève Micheline qui, désespérée, se réfugie chez Madeleine, sa mère et
Maurice, son beau-père. Mais elle n’ira pas jusqu’au terme de sa
46
grossesse, préférant s’ouvrir les veines. Le bébé ne survivra pas et Claude
s’en sentira toute sa vie responsable. Par sécurité pour les vivants, il
épousera Colette six mois plus tard, juste avant qu’elle ne donne
naissance à Clovis…
Fort de ces nouveaux éléments, Clovis, ébranlé, s’entête jusqu’à enfin
retrouver la trace de sa mère pour une dernière confrontation Elle ne nie
plus rien et avoue même s’en être tellement voulu qu’elle a obtenu de son
mari que l’enfant qu’elle portait soit nommé Clovis, un dérivé de Louis, le
nom de l’enfant que Micheline aurait dû mettre au monde.
Clovis encore sous le choc, Evelyne décide de l’emmener prendre un café
pour se changer les idées, ils passeront leur première nuit ensemble.
Le lendemain après-midi, pensant ouvrir sa porte à Evelyne, Clovis trouve
Isabelle venue lui rendre visite. Ayant réalisé que les rumeurs étaient
parfaitement infondées, elle n’aurait jamais dû le laisser partir : il est le
bienvenu pour revenir vivre avec eux. C’est alors que Clovis lui annonce
son myélome et les faibles probabilités qu’il trouve un donneur
compatible.
Il retourne finalement vivre avec Isabelle mais continuera de voir
épisodiquement Evelyne. Son camion ayant attiré l’admiration de
nombreux habitants de la ville, il débute une carrière de peintre
décorateur. Enfin réunis en famille, Mr Ferrand, le libraire vient leur rendre
une visite de courtoisie. Considérant qu’ils ont tous bien avancé dans leurs
parcours individuels, il décide de leur avouer un autre pan de la vérité. A
la mort de Micheline, le bébé a pu être sauvé mais les parents de la
défunte, refusant que l’enfant retourne auprès de son père, décidèrent
avec le médecin de famille de cacher le nourrisson. Ils le déclareront
finalement à Paris, comme étant le leur. Une naissance aussi tardive étant
plausible, le jeune Louis prendra alors le nom de famille de Maurice
Ferrand, le beau-père de Micheline.
Quelques semaines plus tard, l’hôpital prévient Clovis qu’ils ont enfin
trouvé un donneur compatible, anonyme…
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PERSONNAGES
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CLOVIS CHAUMEL
Homme – 45 ans – tiré à quatre épingles – Triste et timide à en mourir.
Clovis va vivre une véritable catharsis grâce à l’œuvre de Millet et
apprendra à se découvrir au travers de son enquête sur le tableau. De
représentant de commerce sinistre, il se découvre une passion pour l’Art
et la peinture, il finira d’ailleurs peintre décorateur, libertin et avec une
furieuse envie de vivre tel qu’il l’entend.
EVELYNE ARNAUD
Femme – 30 ans – Très jolie rousse – Cultivée, intelligente, vivante et
attentive.
Professeur d’Art Plastique. Elle est généreuse, aborde un look Arty avec
beaucoup de bijoux fantaisie. Ne prête pas attention aux quand dira-t-on
sauf quand il s’agit de ragots infondés la concernant. Femme libre et
épanouie, elle représente exactement ce que Clovis n’est pas. Au-delà de
l’accompagner dans sa quête, elle va lui apprendre à s’accepter tel qu’il
est réellement, sans se mentir à lui-même.
ISABELLE CHAUMEL
Femme – 40ans – Mère exemplaire – fort caractère terre à terre.
Elle a épousé un homme, lui a donné deux beaux enfants, ne s’attend pas
à ce que son univers bascule et l’accepte d’autant moins. Elle connait tout
le secret de famille depuis son mariage avec Clovis mais elle a promis de
ne jamais le lui révéler. Elle ne comprendra pour autant pas la
transformation de Clovis et sa soudaine passion pour la peinture.
Préférant y voir une relation extraconjugale plutôt qu’un réel désir de
partage, elle aura besoin de temps avant de réaliser ce qu’il se passe
réellement, sera-t-elle prêt à l’accepter ?
LOUIS FERRAND
Homme – 45 ans – bel homme – libraire.
C’est le frère caché de Clovis, il est arrivé dans leur ville il y a quelques
années pour retrouver ses racines familiale, sa grand-mère/mère lui ayant
avoué sa véritable histoire à la mort de son époux. Comprenant que Clovis
n’était au courant de rien, il n’a pas osé jouer les fauteurs de troubles dès
son arrivée, le père de Clovis étant en train de mourir qui plus est à ce
moment-là. Mais il se prendra de plus en plus d’affection pour lui à
mesure qu’il le découvrira.
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CLAUDE ET COLETTE CHAUMEL
Couple – 25 / 35 / 60 ans.
Parents de Clovis. Claude, d’un précédent mariage avec Micheline,
préférera l’abandonner pour faire sa vie avec Colette. Si lui est mort très
jeune, hanté par ses souvenirs et rongé par le remord, Colette, quant à
elle, n’a jamais eu la force d’avouer la vérité à son fils.
MICHELINE HAUTDEQUEUR
Femme – décédée vers 25 ans – Brune.
Première femme de Claude Chaumel.
Fille de Madeleine Louvet et belle-fille de Maurice Ferrand. Mère de Louis
Ferrand. Abandonné par Claude qui avait décidé de refaire sa vie, elle se
suicidera malgré sa grossesse.
MADELEINE HAUTDEQUEUR/MAURICE FERRAND
Couple – 40/80ans.
Mère et beau-père de Micheline. Si Micheline est née d’un précédent
mariage, Maurice l’aimera dès son plus jeune âge et l’aimera, sans
concession, comme sa propre fille. A sa mort, ils sont dévastés par ce que
les Chaumel leur auront fait subir mais décideront d’élever leur petit-fils
en le reconnaissant comme leur propre fils, loin de la tragédie.
50
COMMENTAIRES
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Quelle famille n’a pas de secrets ? Parfois honteux, rarement heureux… à
cause des ragots, les secrets font toujours planer leurs ombres sur des
familles apparemment heureuses. Sentiments inavoués, réflexion jamais
digérée, il suffit parfois d’un rien pour que se rongent peu à peu les liens
familiaux. Entre l’incroyable aventure d’un authentique mystère de
l’histoire de l’Art et la quête introspective d’un homme en proie à ses
origines, L’Angélus met en abîme un thème universel : le secret de
famille.
Véritable enquête tant familiale qu’artistique, on prend, avec Clovis, un
plaisir certain à collecter les pistes et les indices sur son histoire et celle
de Dali. Mais surtout on assiste à la transformation complète d’un homme
qui, attaqué par la maladie et rongé par des secrets de famille, va
complètement se réinventer, se libérant d’un rôle qu’il a joué toute sa vie
sans le savoir.
REFERENCES CINEMATOGRAPHIQUES
Le premier jour du reste de ta vie
Secrets et Mensonges
Tout Sur Ma Mère
The Hours
Da Vinci Code
TRADUCTIONS
Allemand, Espagnol, Italien, Danois.
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EXTRAITS
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59
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C’EST QUOI CE ROMAN ?
Titre original
C'EST QUOI CE ROMAN ?
Auteur
CORINNE DEVILLAIRE
Nationalité
Française
Pages
224
Editeur
©Editions Thierry Marchaisse, 2014
Epoque
Été et automne 1985/ de nos jours
Lieux
France/Campagne/Ville
Genre
Comédie dramatique familiale/Enquête
62
PITCH
Mais que s'est-il donc passé, en ces premiers jours d'automne de l'année
1985 ? Quelle tragédie a donc frappé Robert ? Et de quel Robert parle-t-on
d'abord, du chien ou du beau-père ? Peut-être que le journal intime de
Malou la grand-mère ; les mémoires de Clothilde, la fille ainée ; les lettres
du jeune frère, Pierre ; et surtout les dépositions à la police faites par
Clarisse, la cadette, par Frédéric et Katrin, les parents, pourront aider.
INTRIGUE
Lorsque Frédéric – pris de court par sa femme alors qu'ils rentrent de
vacances avec leurs trois enfants – accepte de faire un détour pour rendre
visite à sa mère, Malou, qu'il n'a pas vu depuis des années et que ses
enfants ne connaissent pas, il sait très bien que rien de bénéfique ne peut
sortir de ce séjour. Il est cependant loin de se douter du drame qui se met
alors en place.
Clothilde, son aînée anorexique et surdouée, et Robert, le mari de Malou,
tombent instantanément et secrètement amoureux l'un de l'autre. Malou –
pourtant si égoïste, si superficielle, et qui a tellement peur de vieillir – va
tomber sous le charme de son petit-fils Pierre, qui la met en joie et la fait
se sentir si vivante ! L'enchantement est d'ailleurs mutuel et Pierre ne
lâche plus Malou ! Clarisse, la cadette, observe tout ce petit monde, tente
de découvrir les secrets de chacun et de trouver sa place dans tout ça.
Ce séjour chez Malou fait remonter à la surface de mauvais souvenirs
d'enfance chez Frédéric qui devient de plus en plus sombre. Se méfiant de
sa réaction s'ils mentionnent Malou – qu'ils apprécient beaucoup –, ses
enfants décident de garder secrètement le contact avec elle après la
rentrée, le tout avec la complicité de leur psychologue de mère, Katrin.
Celle-ci leur permet même d'aller passer la Toussaint chez Malou sans en
parler à Frédéric. Pour Clothilde et Robert, c'est l'occasion rêvée de se
revoir. Seulement, lorsque Frédéric apprend la trahison de sa femme, il
devient fou et, dans son délire, met sa femme dans le coma ! Elle s'en
remettra bien heureusement, mais c'est lui qui doit maintenant aller
chercher les enfants chez sa mère...
63
Là, il découvre la liaison entre Robert et Clothilde et menace Robert de le
dénoncer pour pédophilie s'il ne disparaît pas. Robert s'en va alors et sera
retrouvé mort quelques jours plus tard. Frédéric ne peut retenir
l’impulsion mesquine de mettre la police sur la piste de Malou, qui sera
mise en examen, au grand dam de Pierre. Clothilde quant à elle, à
l'annonce de la mort de Robert, s'enfoncera dans une dépression profonde
dont elle ne sortira que trente ans plus tard, pour écrire ses mémoires...
THEMES ABORDES
Famille /Liens parents-enfants
Vieillesse/jeunesse
Intelligence/folie
Secrets
Mensonges
Abandon
Amour
Jalousie
Vengeance
Egoïsme
64
RÉSUMÉ DÉTAILLÉ
65
Les faits sont racontés à des époques diverses par le biais de journaux
intimes, de lettres et de dépositions faites à la police suite à un drame
familial.
Frédéric, Katrin et les enfants (Clothilde, 16 ans ; Clarisse, 13 ans ; et
Pierre, 7 ans) font un détour à leur retour de vacances (sous l'impulsion
de Katrin) pour rencontrer Malou, mère de Frédéric, qu'ils n'ont
pratiquement jamais vue de leur vie. Malou et Frédéric ont une relation
difficile. Malou refuse de vieillir et ne souhaite pas voir son fils et ses
petits-enfants, de peur que toute l'illusion de sa jeunesse entretenue –
grâce à la chirurgie esthétique, un régime très strict, du sport, etc. – ne
s'évapore au contact de sa descendance. Cependant, en rencontrant le
petit Pierre, elle tombe sous le charme de ce garçon plein de vie qui la
trouve belle et la fait se sentir jeune.
Robert, son 3e époux (chirurgien esthétique), semble ne pas apprécier
l'intrusion de cette famille bruyante dans sa maison. Le premier soir,
cependant, il tombe sur Clothilde dans son bain, telle un squelette flottant
(elle est anorexique) et c'est le coup de foudre immédiat des deux côtés.
Clothilde consigne dans ses mémoires, trente ans plus tard, qu'à partir de
ce moment-là, elle ne pense plus qu'à lui. Ils passent une partie de la nuit
ensemble dans le salon, à l'insu des autres, à discuter.
Le lendemain, au lac, Clarisse entend Frédéric et Malou se disputer : il lui
dit tout ce qu'il lui reproche ; qu'elle est manipulatrice, factice, égoïste. Il
décide de partir plus tôt que prévu de la maison de Malou, désespérée de
voir son petit-fils Pierre s'en aller si vite.
Clothilde, quant à elle, est atterrée de devoir quitter Robert, qui lui
demande en urgence son numéro de téléphone. La famille s'en va, revient
en catastrophe chercher le chien (qui s'appelle aussi Robert), puis repart.
Malou se dispute avec son mari qu'elle rend responsable de ce départ.
Clothilde et Robert entament une relation téléphonique qui tourne
officiellement autour de sujets littéraires. De son côté, Pierre manque à
Malou qui cherche une façon de le revoir. Comme il a oublié un de ses
jouet chez elle, elle décide de l'appeler, puis de lui écrire. Elle redéfinit
avec Robert leur relation : chambre à part, d'avantage de temps en
solitaire pour chacun.
Frédéric, suite à sa confrontation avec sa mère, a enfin décidé d'aller voir
un psy sous l'impulsion de sa femme (psy elle aussi). Sous hypnose, il
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revit ses jeunes années avec sa mère : se réveiller à quatre ans dans une
maison vide, se sentir secondaire face à la longue liste des amants de
Malou, son impatience à son égard, ses colères, la fois où il s'est presque
noyé, la fois où elle l'a oublié sur le parking du super marché.
Malou téléphone à Pierre qui n'est pas là. C'est Clarisse qui lui répond et
lui pose tout un tas de questions. Elle lui demande s'ils vont pouvoir se
revoir bientôt en famille. Malou assure que oui, mais Clarisse sait que son
père s'y opposera.
Dans sa déposition à la police, Katrin raconte : Son mari n'est pas plus
causant depuis qu'il a commencé sa thérapie en hypnose. Elle aide ses
enfants à garder le contact avec Malou à l'insu de Frédéric. Elle va jusqu'à
planifier des vacances chez elle pour la Toussaint, toujours à son insu.
Clothilde, qui habite seule durant la semaine pour être plus proche du
lycée où elle est en prépa, parle tous les jours avec Robert. Il lui dit tout
ce qu'il changerait de son physique si elle venait un jour dans sa clinique
et elle veut devenir la sculpture de toute sa vie. Après un moment, ils
décident qu'il est temps de se revoir et se donnent rendez-vous devant la
librairie allemande. Il prétextera un colloque. Clothilde est folle de joie.
Dans son journal, Malou indique qu'à sa grande joie, elle a réussi à parler
à Pierre au téléphone. Il avait fait exprès de lui laisser son jouet pour
qu'elle ait un souvenir de lui. Il lui demande si Clarisse et lui peuvent venir
passer les vacances chez elle. Pierre la rend tellement heureuse qu'elle
décide de devenir vraiment grand-mère : elle fera tout pour faire son âge
et ne se souciera plus de son poids.
Dans ses mémoires, Clothilde consigne son weekend avec Robert. Ils se
retrouvent dans un café. Clothilde se fait la réflexion que depuis le début,
elle n'a jamais pris Malou en considération.
Frédéric revit l'anniversaire de ses neuf ans : sa mère pleure. Elle va dans
sa chambre et le laisse tout seul, toute la journée. Il s'occupe de mettre la
table, d'accueillir ses copains, de couper le gâteau, d'ouvrir ses cadeaux…
Le soir, sa mère lui apprend que son dernier amoureux est mort. Il a hâte
d'être à ses dix ans, si neuf ans ça porte malheur. Frédéric a dix ans, c'est
la fin des vacances et il doit reprendre le train qui l'emmènera en pension.
Il supplie sa mère de le garder avec lui, il pleure, tente de l'attendrir, de la
raisonner, mais rien y fait, elle garde le cœur sec. Il se débat contre le
67
chef de gare pour ne pas monter dans le train, sa mère est déjà partie. A
douze ans, il ne rentre même plus pour les vacances : sa mère l'envoie en
colonie. Cela ne lui fait plus rien, il s'est coupé d'elle et de ses émotions. A
quatorze ans sa solitude est totale, il reste à l'internat même à Noël, part
en colonie l'été, il ne voit Malou plus que deux jours par an. Sa solitude
l'avale toute entière, jusqu'au jour où il rencontre, à la plage, Katrin, qui
est lumineuse et lui porte une telle attention qu'il commence à guérir de
ses blessures. Elle a douze ans, et l'invite chez ses parents qui l'accueillent
comme l'un des leurs. Il reviendra chaque été chez eux et passera chaque
hiver à lui écrire. Quand ils seront grands, c'est elle qu'il épousera.
Malou indique dans son journal qu'elle fait le grand ménage dans sa
maison : adieu les crèmes, les habits d'apparats, les coupe-faim. Elle est
soulagée chaque fois que Robert s'éclipse. Celui-ci ne comprend pas du
tout son désir soudain de s'enlaidir. Malou lui explique sa nouvelle relation
avec ses petits-enfants : ils se téléphonent et s'écrivent des lettres. Elle
veut coller à ce rôle de grand-mère qui la fait se sentir vivante. Robert
l'encourage alors à continuer, il lui dit que lui-même entretient avec
Clothilde une relation téléphonique littéraire. Malou n'y voit pas
d'inconvénient, et lui demande de lui enlever ses implants mammaires.
A partir de la rentrée, Pierre envoie des lettres à Malou. Il lui parle de ses
sœurs, que c'est nul d'être le petit dernier, et que son père n'est pas dans
une bonne période. Il lui demande si c'est vrai qu'elle était un « fantôme »
auparavant, et si c'est pour ça que son père ne pouvait jamais la voir
quand il était petit. Il parle aussi de la pièce de son père qui se jouera
bientôt (La mouette de Tchekhov). Il est fier d'avoir un papa « introverti »
et sensible : quand il a pleuré parce qu'on lui a volé ses escargots, son
père lui en a rapporté. Il est comme ça : il ne dit pas qu'il aime, il le
montre.
Clothilde et Robert vont ensemble dans un hôtel pour le weekend. Là ils
s'explorent timidement pour la première fois, mais ne couchent pas
ensemble. Lorsque Robert s'en va, elle n'est pas triste : ils s'appelleront et
se reverront. Elle se sent forte et belle. Mais sa famille lui pèse. Elle
aimerait surtout que Malou ne soit pas sa grand-mère. Robert lui apprend
bientôt que ces liens familiaux sont peut-être leur chance de se revoir très
vite : il a appris par Malou qu'elle avait gardé le contact avec Clarisse et
Pierre et qu'ils comptaient venir passer les vacances chez eux en catimini.
Robert lui suggère de de tout faire pour se greffer au projet.
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Frédéric explique dans sa déposition à la police, que tout a commencé le
jour de l'avant-dernière répétition générale de la pièce de Tchekov. Il
rentre chez lui le soir en voiture, préoccupé. Ses enfants sont en colonie
de vacances et sa femme à une conférence. Dans le garage, par terre, le
chien est amorphe, mais il ne se pose pas de question. Il recule pour se
garer et roule sur quelque chose. Blême, il sort et découvre le chien
écrasé sous ses roues. Il est persuadé que Robert, déprimé depuis le
départ de Pierre, s'est suicidé. Il panique, ne sait pas comment l'annoncer
à son fils. Il a peur que Pierre lui en veuille comme lui-même en a
toujours voulu à Malou. Il appelle sa femme qui lui propose de l'annoncer
elle-même à Pierre.
Dans sa déposition à la police Katrin raconte qu'elle reçoit le coup de fil de
Frédéric et panique : ses enfants ne sont pas en colonie mais chez Malou,
à l'insu de son mari. Elle espère gagner du temps en lui proposant
d'appeler elle-même Pierre.
Pierre, Clarisse et Malou sont en train de faire un poker. Selon la
déposition de Clarisse, ils sont tendus car ils ont reçu un message de
Katrin qui leur dit qu'elle doit absolument dire la vérité à Frédéric. Ils
attendent donc des nouvelles du père. Le téléphone sonne et Malou va
répondre. Elle est blême lorsqu'elle revient et dit à Pierre que son père
veut lui parler. Clarisse retrouve son petit frère en pleine crise de larmes :
son chien Robert est mort. Clarisse fait ce qu'elle peut pour le consoler.
Mais Malou arrive et leur apprend que leur mère a été admise à l'hôpital
en service de réanimation. Pierre fait une crise d'hystérie.
Suite de la déposition de Frédéric : il a tenté d'appeler la colonie de
vacances pour parler à Pierre, mais bien entendu, ses enfants n'y sont
pas. En colère, se sentant trahi, il se demande s'il doit aller à sa répétition
ou attendre le retour de Katrin. Il se reproche de ne pas avoir fait plus
attention à ce que faisaient ses enfants. Il se sent un mauvais père, a
l'impression de ressembler à Malou. Il décide d'attendre.
Katrin, dans la suite de sa déposition, explique qu'elle rentre à la maison
en pensant avoir un peu de temps devant elle pour se préparer à sa
confrontation avec Frédéric : elle est persuadée qu'il est au théâtre. Elle
laisse un message sur le téléphone de Malou pour prévenir ses enfants
qu'elle est obligée de tout dire à Frédéric. Elle se retourne et Frédéric est
là qui a tout entendu. Se sentant complètement trahi et entrant dans une
phase de délire, il s'attaque violemment à sa femme et la confond même
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avec Malou. Il la rend inconsciente. Il appelle ensuite les pompiers et leur
dit qu'elle est tombée dans les escaliers. Après deux jours de coma, Katrin
lui dit de ne pas se dénoncer.
Déposition de Clarisse à la police : Clothilde débarque dans le salon de
Malou et demande ce qui se passe avec son petit frère, en état de choc.
Clarisse a juste le temps de lui dire que Robert est mort que Clothilde
s'évanouit ! Clarisse ne savait pas qu'elle l'aimait tant, ce chien. Ce n'est
que plus tard, lorsque Robert (le mari de Malou) rentre du travail et que
Clarisse voit le visage de sa sœur quand elle l'entend rentrer, qu'elle
comprend ce qu'il se passe entre lui et sa sœur. Elle se doute aussi que
c'est le moment où Malou le comprend également.
D'après sa déposition, Frédéric appelle Malou de l'hôpital pour lui
apprendre la situation avec Katrin, et annonce aussi à Pierre la mort de
son chien. Il reste ensuite deux jours au chevet de sa femme, jusqu'à ce
qu'elle se réveille. A ce moment-là, il lui raconte tout de son enfance avec
Malou, des souvenirs qui sont remontés en séance d'hypnose et d'autres,
pires, qu'il n'a même pas osé raconter à sa psy. Elle comprend son
sentiment de trahison et lui dit qu'elle n'aurait pas laissé les enfants aller
chez Malou si elle avait su. Leur relation avec Malou, son attitude aimante
envers eux, perturbe Frédéric qui revit une vieille peur enfouie : et si tout
était à cause de lui ? S'il était incapable d'inspirer de l'amour aux autres ?
Avant que les enfants n'arrivent, Malou a raconté dans son journal qu'elle
avait fait des travaux dans les chambres : repeindre, personnaliser,
rajouter des balançoires dans le jardin. Elle espère qu'ils vont bien
s'amuser. Elle se demande pourquoi son propre fils ne lui a jamais inspiré
ce sentiment maternel. Pierre continue de lui envoyer des lettres et lui
raconte que Clothilde passe plus de temps à la maison, qu'elle s'intéresse
à lui, peut-être même va-t-elle venir avec eux en vacances !
Clothilde écrit dans ses mémoires que, pendant les vacances de la
Toussaint, elle passe le plus de temps possible avec Robert. Ils
s'enferment dans son bureau, vont se promener en forêt. Ils s'explorent
dans une sorte de préliminaire incessant. Ils font finalement l'amour pour
la première fois le jour du départ.
Katrin est à l'hôpital. C'est Frédéric qui va chercher les enfants chez
Malou. Il promet à sa femme de ne pas entrer dans la maison. Il se gare
et klaxonne pour que les enfants sortent. Il va se promener dans le parc
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en les attendant. Il indique aux policiers que c'est là qu'il voit Robert et
Clothilde, enlacés. Clarisse sort de la maison avec les valises et croise sa
soeur. Elle enlace son père, qui lui demande d'aller chercher son frère.
Clarisse n'est pas dupe : son père veut parler à Robert.
D'après la déposition de Frédéric, alors qu'il discute avec Robert, celui-ci
se montre très nonchalant : il aime véritablement Clothilde, et Frédéric ne
peut rien y faire ; il ajoute que tout le monde s'en accommode : Pierre,
Clarisse et même Malou qui semble le prendre très bien. Ce n'était pas
vraiment la chose à dire à Frédéric, qui, à la vue de Robert et Clothilde
ensemble, s'est d'abord réjouit du fait que, pour une fois, sa mère s'était
faite berner par plus perfide qu'elle. Dans sa colère, Frédéric menace
Robert de le dénoncer pour pédophilie s'il ne disparaît pas à tout jamais. Il
se sent abjecte du chantage qu'il vient de faire mais ne parvient pas à
revenir dessus. Robert, piégé, sait qu'il n'a pas le choix : il remonte dans
sa voiture et s'en va.
Alors que Frédéric repart en voiture avec ses enfants, Clothilde est
tendue: elle n'a pas revu Robert qui a disparu. Quand les enfants vont voir
leur mère à l'hôpital pour la première fois, Clarisse éprouve un choc. Elle
comprend tout de suite que la théorie de la chute dans l'escalier ne colle
pas. Lorsqu'elle demande des explications à sa mère, celle-ci lui avoue
tout, en expliquant que son père a des circonstances atténuantes. Clarisse
en veut beaucoup à son père : que Malou l'ait maltraité enfant ne justifie
en rien sa brutalité envers Katrin.
Quelques jours plus tard, Robert est retrouvé mort. Frédéric se sent
coupable mais ne peut s'empêcher de diriger l'enquête des policiers vers
Malou. Malheureusement pour elle, les circonstances ne sont pas en sa
faveur et elle est mise en examen pour meurtre. Pierre est très triste.
Frédéric dit aux policiers qu'il n'en peut plus de mentir à tout le monde et
qu'il ne se reconnaît pas. Tout ça, c'est la faute de sa mère !
Pierre raconte que pendant les vacances, il a caché une lettre pour Malou
dans le congélateur. Il y annonce une bonne nouvelle : il pense que
Clothilde et Robert sont amoureux, il les a vus s'embrasser sur la bouche
et se câliner. C'est bien, comme ça Robert ne sera pas triste de savoir qu'il
n'est plus le préféré de Malou. Est-ce que Pierre est obligé d'attendre
d'avoir 16 ans pour embrasser Malou sur la bouche ? Il espère que Malou
trouvera vite la lettre !
71
Clothilde, suite à l'annonce de la mort de Robert, s'enfonce dans une
profonde dépression dont elle se réveillera 30 ans plus tard. Ce sont ses
parents qui la retrouveront barricadée dans son studio, en état de choc,
après plusieurs jours sans manger. Elle sera internée.
A 45 ans, elle comprend qu'elle ne peut plus vivre dans ses souvenirs :
lors d'une fête organisée pour elle, Pierre arrive avec sa future épouse,
une sexagénaire qui est le portrait craché de Malou ! Clothilde est
persuadée que si Malou se tient là, Robert va suivre et le cycle
recommencera. Elle s'enferme alors dans le bureau et écrit ses mémoires.
Le piège se refermera bientôt, plus que quelques lignes et elle pourra
apposer le mot « fin ».
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PERSONNAGES
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KATRIN
Katrin a une quarantaine d'années. Elle est très solaire, franche et
aimante. C'est la femme de Frédéric, qu'elle a rencontré lorsqu'elle avait
12 ans. Elle est d'origine autrichienne et parle allemand avec ses enfants :
Clothilde, Clarisse et Pierre. Elle est psychologue et est issue d'un mariage
consanguin : ses parents sont cousins germains. Elle a cependant réglé
ses problèmes grâce à la thérapie et s'entend maintenant très bien avec
eux. Elle aimerait que, comme elle, Frédéric règle ses problèmes avec sa
mère. Elle apprécie beaucoup Malou par ailleurs. Ses paroles nous sont
rapportées par l'intermédiaire d'extraits de sa déposition à la police.
FREDERIC
Il a deux ans de plus que Katrin, sa femme. Il est un peu son opposé en
tout : lunatique, introverti, souvent maussade. Il dit que sa mère, Malou,
lui a enlevé le goût de vivre : elle ne l'a pas aimé, l'a négligé, l'a
enveloppé de solitude. Du coup, il intériorise tout : sa colère, ses
souvenirs, son amour pour sa femme et ses enfants. Il adore pourtant ses
enfants et ferait tout pour ne pas reproduire l'exemple de sa mère avec
eux. Malgré son caractère taciturne, il est devenu metteur en scène. C'est
à la fois un personnage touchant qui suscite l'empathie, et quelqu'un
d'assez mesquin et lâche. Des transcriptions de ses séances d'hypnose
ainsi que des extraits de sa déposition à la police nous font part de son
point de vue sur l'histoire.
CLOTHILDE
Clothilde a 16 ans. C'est le 1er enfant de Katrin et Frédéric. Elle est
surdouée, au point d'avoir sauté plusieurs classes et d'être maintenant en
prépa. Elle est anorexique et aime son corps maigre. Depuis toujours, elle
s'échappe dans son imaginaire dès qu'elle le peut et visualise des amis et
des amoureux oniriques. Elle a un coup de foudre incroyable avec Robert
et la liaison qui suivra sera la première et la seule de sa vie. A la mort de
Robert, elle s'enfoncera dans une profonde dépression et devra être
internée. Elle se réfugiera alors dans ses rêves éveillés et ses souvenirs
pour survivre. Elle ne sortira de la dépression que 30 ans plus tard, à 45
ans, pour écrire ses mémoires dont nous avons des extraits.
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CLARISSE
Elle a 13 ans. C'est le 2ème enfant de Katrin et Frédéric. Elle a le même
caractère que sa mère : elle est joyeuse, lumineuse, intègre. Elle se dit
aussi douée que sa sœur mais elle a bien fait attention à ne pas sauter de
classe pour ne pas être traitée différemment. Elle veut devenir cantatrice.
Elle apprécie beaucoup Malou au début, mais au fur et à mesure, elle la
trouve de plus en plus commune. Elle est assez fine psychologue et
comprend très vite les mensonges et les secrets qui planent autour d'elle.
Elle est peut-être le personnage le plus sensé du roman et elle est très
attachante. Ses paroles nous sont également rapportées par le biais de sa
déposition à la police. Si un seul point de vue devait être retenu pour une
adaptation, ce pourrait être le sien.
PIERRE
Il a 7 ans, c'est le petit dernier des enfants de Frédéric et Katrin. Il est
joyeux, imaginatif, plein de vie et de conversation. Il aime énormément sa
mère, son père et sa sœur Clarisse. Il connaît moins Clothilde qui est
généralement assez indifférente envers lui. Il adore également son chien
Robert qui est son meilleur ami. Il tombe complètement sous le charme de
Malou qu'il trouve très belle et gentille, et qui veut bien jouer avec lui.
D'ailleurs, il lui écrit des lettres qui sont consignées dans le roman.
MALOU
Malou a 61 ans. C'est la mère de Frédéric et la grand-mère des enfants.
Ancienne mannequin, elle est extrêmement superficielle et refuse
absolument de vieillir. D'ailleurs, elle ne s'est pas mariée avec Robert,
chirurgien esthétique, pour rien : elle passe régulièrement sur le billard
pour se rajeunir. Elle a dû abandonner sa carrière de mannequin
lorsqu'elle était enceinte de Frédéric. Elle a réglés les problèmes financiers
en se faisant entretenir par des hommes plus riches. Elle ne souhaitait pas
être mère et n'a jamais véritablement aimé Frédéric. Elle s'en est
débarrassée en pension dès qu'elle a pu. À sa grande surprise, elle tombe
sous le charme du jeune Pierre qui la fait se sentir extrêmement vivante
pour la première fois depuis longtemps. Elle entreprend alors un profond
changement dans sa vie pour enfin ressembler à la grand-mère qu'elle
veut devenir : celle que Pierre mérite. Malou est une femme
75
manipulatrice, à la fois exécrable et charmante, égoïste, acerbe, mais
parfois touchante, en particulier dans sa relation à Pierre et sa découverte
de la grand-maternité. Evidemment, on pense à des actrices comme
Catherine Deneuve ou Charlotte Rampling. Son point de vue est donné
par son journal intime.
ROBERT
Il a environ le même âge que Malou. C'est son troisième mari. Il est bel
homme, riche, c'est un chirurgien esthétique. Il tombe instantanément
amoureux de Clothilde en la voyant dans son bain et, dès lors, perd tout
intérêt dans l'aspect « augmentation des volumes » de son métier : il ne
veut plus qu'amincir, réduire, raccourcir. Suite au chantage de Frédéric, il
disparaîtra et, sans doute, se suicidera. Cependant, Malou sera arrêtée,
suspectée de meurtre.
76
COMMENTAIRES
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L'histoire se déroule essentiellement de fin août à novembre 1985, mais
Clothilde écrit ses mémoires en 2014. À la lecture, on peut se poser de
nombreuses questions : qu'arrive-t-il à Clothilde à la fin ? Quel est le
piège dont elle parle ? Se suicide-t-elle ? Qu'est devenue Malou ? A-t-elle
été arrêtée ? Quand ont été prises les dépositions de Clarisse, Katrin et
Frédéric ? La dernière lettre de Pierre a-t-elle été trouvée ? Par qui ?
Au vu de la nature très diverse des témoignages de chaque membre de la
famille – et même si aucune précision à ce sujet n'est apportée par
l'auteur au cours du roman le lecteur peut se demander si le livre ne
rassemble pas en réalité tous les éléments d'une enquête policière. Ce
sentiment est renforcé par le fait que Katrin, Frédéric et Clarisse
témoignent par le biais de dépositions. En suivant cette logique, on
pourrait imaginer que le journal de Malou, les lettres de Pierre, les
transcriptions des séances d'hypnose de Frédéric, ou encore les mémoires
de Clothilde, sont en réalité des pièces à conviction dans une affaire
criminelle.
Ainsi, scénariste et/ou réalisateur pourrait choisir d'explorer cette piste de
l'enquête à rebours, avec l'action du livre en flashback, et des policiers qui
interrogent les personnages dans le présent. Ou il pourrait tout
simplement dérouler son histoire « en direct », en 1985 (ou de nos jours,
s'il la modernise), et se détacher complètement de la forme que l'auteur
met en place.
Chaque personnage nous expose sa version de l'histoire, son propre
ressenti face aux évènements, et le lecteur peut ainsi observer toutes les
ramifications des mensonges et des secrets, pressentir les drames à venir
qu'on lui fait miroiter. L'adaptation devra ainsi choisir entre une multiplicité
de points de vue rendue possible par une enquête policière, ou un point
de vue unique qui pourrait être celui de Clarisse, ou de Robert, ou chien...
Ce récit choral fait naturellement penser à Huit femmes et pourrait très
bien prendre une forme et une esthétique semblable à l'œuvre d'Ozon. Le
ton oscille d'ailleurs, comme chez Ozon, entre comédie et tragédie, avec
une présence forte de personnages féminins. Les évènements
dramatiques de l'histoire, comme la dépression de Clothilde, la disparition
de Robert, la mort du chien, ou la violence de Frédéric envers sa femme,
sont contrebalancés par des évènements ou des réactions comiques,
parfois rocambolesques, comme les nombreux commentaires acerbes des
78
uns sur les autres, ou les confusions entre les deux Robert (le chien et le
mari de Malou)…
Le roman offre des personnages très riches dans le cadre d'une éventuelle
adaptation : chaque personnage a son importance, a quelque chose à
défendre, ou à cacher, ce qui en fait des rôles très intéressants à jouer
pour des acteurs. Le roman offre un vrai foisonnement d'informations sur
chacun ; le scénariste et/ou réalisateur, mais aussi les acteurs peuvent y
piocher à leur guise pour donner corps à leur rôle.
CONCLUSION
C'est quoi ce roman ? offre un terreau très fertile en matière
d'adaptation cinématographique, et un scénariste ou un réalisateur a
pleinement de quoi s'amuser avec la matière qui lui est ici proposée.
Que ce soit en matière de ton, d'histoire ou de personnages, les
possibilités de films sont ici nombreuses et très riches. Corinne Devillaire a
une écriture très littéraire, elle connaît très bien les rouages d'une bonne
histoire et de personnages psychologiquement très bien construits, ce qui
fait de son roman un candidat idéal à l'adaptation cinématographique...
Une adaptation qui donnerait un film tragicomique, déjanté et touchant,
avec des personnages extravagants et attachants.
REFERENCES CINEMATOGRAPHIQUES
Son univers rappelle d'une part celui des films d'Ozon, d'autre part
l'humour cynique des comédies britanniques dans la veine de Tamara
Drewe de Stephen Frears, adaptation du roman éponyme de Posy
Simmonds aux personnages aussi bien cruels qu'attachants ; ou encore
Gemma Bovery d'Anne Fontaine, une adaptation plus récente de cette
même auteure à la construction similaire, qui retrace la vie d'une jeune
femme avant sa mort à travers les points de vues de deux personnages.
On pense aussi aux comédies noires d'Almodovar telles que Tout sur ma
mère, La Mauvaise Education et Volver, dans lesquels on retrouve ce ton
drôle et tragique à travers des histoires familiales aux rebondissements
surprenants.
79
PRIX LITTERAIRES
Sélection
Sélection
Sélection
Sélection
Sélection
Sélection
Sélection
Paris
2014 Prix du premier roman de Sablet en Provence
off 2014 Prix du premier roman Emmanuel Roblès
2015 Prix Michel Tournier
2014 Prix Littéraire de la Roquette
2015 Prix Jeune Mousquetaire
2014-2015 Prix Des Lecteurs Corréziens
2014-2015 des Bibliothécaires et des Lecteurs de la Ville de
TRADUCTIONS
Traduction en italien en cours, à paraître aux Editions E/O en 2015.
Négociation des droits pour la langue anglaise (UK +US) en cours.
80
EXTRAITS
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Déposition de Clarisse (p.1)
C’est maman qui a proposé la halte chez Malou, au retour de nos
vacances en Autriche. Mais on ne peut pas lui en vouloir. Elle croyait bien
faire. Jusque-là, je n’avais vu la mère de papa qu’une seule fois : le jour
de son mariage avec son dernier mari. Je ne m’en souviens presque pas.
C’était il y a longtemps. J’étais trop petite. Pierre, lui, était dans le ventre
de maman. Ça se voit sur la photo. S’il est exact que les foetus entendent
tout, lui aussi a assisté à la réception, d’une certaine façon. Mais je ne
crois pas qu’à ce stade de la gestation, la mémoire soit vraiment
opérationnelle. Bref, mon petit frère ne pourrait pas non plus vous
raconter grand-chose. Par contre, Clothilde, notre grande soeur, a une
mémoire de pachyderme. Elle avait déjà sept ou huit ans. Si elle était en
état de témoigner, elle vous raconterait tout dans les détails. J’espère que
bientôt elle ira mieux !
Je précise que papa n’est pas particulièrement proche de sa mère.
Avec le recul, je me demande même pourquoi il s’est cru obligé d’accepter
cette escale. Peut-être pour équilibrer la balance, puisqu’on venait de
passer huit jours chez mes grands-parents maternels. Mais je crois
surtout que cette proposition inattendue l’a pris de court et qu’il voulait
éviter les questions de maman. Elles n’auraient pas manqué de pleuvoir
s’il avait refusé de faire ce petit détour. Il faut toujours qu’elle décortique
tout…
Non. C’est juste une déformation professionnelle : elle est psy.
Quand elle nous écoute, c’est très agaçant, l’impression qu’elle donne de
connaître à l’avance la fin de nos phrases. Avec elle, difficile de se sentir
chez soi dans sa tête. Papa a trouvé la parade : il ne dit plus rien.
En attendant, il faut reconnaître que maman a sûrement raison au
sujet de Malou, quand elle prétend que c’est à cause d’elle si nous
sommes une famille sans attaches et que tout ça est arrivé. (...)
Je me souviens parfaitement de la scène de notre arrivée. Papa
s’annonce à l’interphone. Les grilles de la propriété s’entrouvrent aussitôt.
Nous roulons à travers le parc. La minute jusqu’au perron est silencieuse
dans la voiture : nous sommes tous impressionnés par l’interminable allée
de platanes. Pierre veut savoir si « la dame » habite un château hanté.
Maman répond que c’est elle le fantôme, puisqu’elle ne donne plus de
nouvelles et n’en prend pas de nous depuis très longtemps.
Malou se tient en haut des marches, « spectrale », comme dirait
papa. De la banquette arrière, mon petit frère, ma soeur et moi, nous la
trouvons très grande et très belle. Tout le monde descend de voiture, elle
s’approche, ouvre à mon père ses bras immenses et l’enlace avec
distance. Puis vient le tour de maman. L’étreinte est un peu plus
affectueuse. C’est ensuite à nous : elle se penche alors en souriant. Elle
porte un parfum sublime. Ses lèvres sont fraîches sur nos joues. Je fais
discrètement remarquer à Clothilde que Pierre n’a pas essuyé les siennes
dans sa manche, et que c’est plutôt bon signe.
(...)
82
Journal de Malou (p. 17)
Vendredi 30 août 1985, 16 heures.
Je suis toujours en état de choc. J’ai l’impression de fonctionner en
conduite automatique depuis qu’ils ont fait irruption chez moi. Toute mon
énergie passe à assurer les gestes d’hospitalité les plus simples : servir les
rafraîchissements, faire visiter la maison, le parc, distribuer le linge de
toilette, vérifier que rien ne leur manque. Les échanges sont très
protocolaires, mais cela n’a aucune espèce d’importance. En ne m’en
tenant qu’aux questions pratiques, je donne l’illusion d’être disponible.
Robert n’arrive que dans trois heures. Il faut que je réussisse à tenir
jusque-là. Pour une fois que je suis pressée de le voir rentrer, j’espère
qu’il ne sera pas retardé par une complication de dernière minute ! Son
agenda était chargé aujourd’hui : rhinoplasties, implants, liposuccions. S’il
espérait un peu récupérer, son weekend s’annonce d’autant plus mal qu’il
peut d’emblée faire une croix sur le tennis, le golf ou l’escalade. Hors de
question que je reste toute seule ici avec eux. Hors de question qu’il
s’absente.
Tout cela est de ma faute, aussi ! Si seulement je n’avais pas annulé
ma séance de soins sur un coup de tête ! Si je m’étais rendue à l’institut
comme prévu, nous n’aurions même pas su qu’ils étaient passés. Moralité
: ne jamais laisser de place à l’imprévu ! Je m’en veux. Cette défaillance
doit me servir de leçon.
(...)
Déposition de Clarisse (p. 22)
Ensuite ? Malou nous a fait visiter sa maison. Pierre était agrippé à
sa main. Étonnant de sa part, lui qui n’est pas collant d’habitude ! Puis elle
a attribué les chambres. Je devais partager la mienne avec Clothilde, au
premier étage ; Pierre occuper une mansarde contiguë à celle de nos
parents, au second.
En attendant le retour de son mari, et pendant qu’elle s’occupait du
repas, Malou nous a invités à nous rafraîchir. Elle nous a conduites,
Clothilde et moi, dans la salle de bain du premier et elle a sorti tous les
produits qu’elle mettait à notre disposition.
On n’en revenait pas. Il y avait bien une dizaine de flacons rien que pour
les « soins capillaires ».
Pas possible non plus d’imaginer du linge de toilette aussi moelleux
que le sien. C’est super agréable ! Chez nous, les serviettes de bain sont
rêches comme des paillassons et les gants nous râpent la peau comme du
crin. Un bidon entier d’assouplissant ne suffirait pas à leur redonner une
texture normale. La preuve que maman déteste le lave-linge : le
programme et la température de l’eau sont restés ceux sélectionnés par le
technicien le jour de sa mise en service : option coton 60°.
Pour votre enquête, ça n’a peut-être pas d’importance. Mais je tiens
quand même à dire qu’à chaque lavage, serviettes éponge, chemises,
83
torchons, lainages, petites culottes macèrent tous dans la même eau
grisâtre chargée d’une maxi-dose de lessive et en ressortent
systématiquement déformés et décolorés. L’ouverture du hublot, lorsqu’il
faut extirper le linge du tambour, est presque aussi palpitante que l’instant
où le spationaute ouvre sa capsule pour effectuer sa première sortie dans
l’espace, dixit papa !
84
COME PRIMA
Titre original
COME PRIMA
Auteur
ALFRED
Nationalité
Française
Pages
224 pages
Editeur
© Editions Delcourt, 2013
Epoque
Début des années 60
Lieux
Sur la route entre la France et l’Italie
Genre
Comédie sociale
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PITCH
Deux frères se réconcilient alors qu’ils roulent vers l’Italie où ils ramènent
les cendres de leur père. L’histoire d’une famille italienne divisée par les
années Mussolini, et de leur réconciliation.
INTRIGUE
Giovanni attend son frère Fabio à la sortie d’un match de boxe minable.
Fabio ne lui a pas donné de nouvelles depuis 10 ans. Giovanni est venu
avec leur père, ou plutôt ses cendres, qu’il faut ramener en Italie. Fabio
qui est poursuivi par ses créanciers décide de profiter du voyage pour
éviter les ennuis et toucher sa part d’héritage. Il viendra, mais
uniquement pour le fric. Les deux frères partent en Fiat 500.
Le voyage se poursuit lentement, Fabio le grand frère déchu, ivre de
colère, Giovanni le petit frère sage, en quête d’assentiment. On apprend
par bribes que Fabio enfant rêvait de quitter leur campagne pauvre du
Sud, qu’il est devenu chemise noire pour ça, pour voyager. Qu’après son
départ les fascistes ont ruiné la vie de la famille et que Giovanni, le petit
frère, essayait tant bien que mal d’assumer le rôle d’aîné, y compris en
tombant amoureux celle que son frère aimait. Mais Giovanni n’a pas
réussi : sa femme et sa fille l’ont quitté, sa famille est dispersée, il en
veut à son frère, et il s’en veut d’avoir échoué à le remplacer. Fabio non
plus n’a pas réussi, boxeur minable, à qui la vie a volé ses rêves de
grandeur et d’évasion.
Leur course est émaillée de rencontres, avec un auto-stopeur bruyant, un
chien abandonné, un gamin voleur de voiture, un prêtre marqué par la
résistance, un arrêt dans le village de la femme qu’ils ont aimé… Chaque
halte provoque de nouvelles bagarres, de nouveaux aveux, de nouveaux
souvenirs communs.
Et l’humeur change petit à petit. A chaque kilomètre, le parfum de l’Italie
et de l’enfance se fait de plus en plus tenace. Les frères se parlent,
retrouvent avec émotion leur pays natal.
Fabio pardonne que Giovanni ait aimé celle qu’il aimait, Giovanni avoue
qu’ils ont une sœur adoptive, et révèle malgré lui l’essentiel : leur père
n’est pas mort, l’urne funéraire est vide. Il est l’heure de reconstruire.
86
Come Prima est l’histoire du retour du fils prodigue, et surtout du retour
du bonheur.
THEMES ABORDES
Revenir au pays après l’avoir violemment quitté
La paternité
Le rôle d’ainé
Les liens de famille
L’Italie
87
RÉSUMÉ DÉTAILLÉ
88
Début des années 60, France.
Giovanni attend son frère Fabio à la sortie d’un match de boxe minable.
Fabio ne lui a pas donné de nouvelles depuis 10 ans. Giovanni est venu
avec leur père, ou plutôt ses cendres, qu’il faut ramener en Italie. Fabio
refuse, et éconduit son frère.
Le lendemain. Fabio, nu, au lit, se dispute avec sa maitresse. Non il ne
veut pas prendre la place que lui propose son beau-frère au garage. Sa
maitresse se moque de lui, le traite de looser et de faux dur. Elle en a
assez, et lui dit qu’elle part et qu’il va regretter son égoïsme ; Fabio un
peu plus tard la voit renseignant un de ses créanciers. Fabio prend la
fuite.
Il rejoint son frère, lui explique qu’il part avec lui, mais uniquement pour
récupérer sa part d’héritage. Ils rejoignent la voiture, et Giovanni refuse
de mettre l’urne funéraire dans le coffre comme un simple bagage.
La Fiat quitte la ville, et s’éloigne de Paris. Fabio ne dit pas un mot, il est
complètement fermé. Les deux frères font une pause au bord d’un canal,
Giovanni ouvre la conversation mais son frère le rembarre.
Plus tard. Fabio conduit et Giovanni dort. Fabio est encore en colère et
parle tout haut à son père absent. Giovanni se réveille. Fabio l’accuse de
cacher quelque chose. Le ton monte, la voiture s’arrête, Fabio critique la
vie de son frère, celui-ci lui répond, et Fabio part dans les champs sans se
retourner. Une fois seul, il continue son monologue agressif, avant de se
rendre compte qu’un chien est attaché à un arbre, abandonné à côté de
lui. Fabio s’adoucit, détache le chien.
Fabio revient à la voiture avec le chien, manifestement détendu et
goguenard. Il commence à titiller son frère en lui proposant de lui raconter
ses fantastiques aventures. Il a voyagé, parcouru le monde, mené grand
train… Mais Giovanni ne veut pas l’écouter, Fabio se moque de lui et se
vante, il accuse son frère d’être jaloux et de refuser d’admettre qu’il a une
petite vie sans intérêt, comme son père. Giovanni sort de ses gonds,
arrête brutalement la voiture et se jette sur son frère. Il lui raconte alors
le calvaire de la famille après son départ : l’oppression des chemises
noires, jusqu’au suicide de leur oncle.
Alors qu’ils se battent, la Fiat 500 démarre en trombe. Un voleur !
Giovanni veut appeler la police, Fabio préfère que non et dit connaître des
gens qui s’y connaissent en vol de voiture. Furieux Giovanni se précipite et
89
se casse la figure, il est blessé au bras. Il arrête un scooter, et on les
conduit vers quelqu’un qui pourra les aider.
Il s’agit du curé du village voisin. Il leur explique que le vol est
certainement le fait d’un gamin qu’il connaît bien, et qu’il va faire revenir
la voiture. Il soigne Fabio et leur propose de faire halte. Durant la pause,
les deux frères se reposent, et savourent le soleil et la campagne. Le curé
va chercher Fabio, car il a reconnu en lui un frère d’armes. Dans une face
à face sincère, tous deux racontent leur émotion, semblable, le jour où ils
ont décidé de prendre les armes. Jusqu’à réaliser qu’ils n’étaient pas dans
le même camp. Les deux frères repartent froidement.
Un peu plus loin, la Fiat tombe en panne. Un autostoppeur très bavard
qu’ils avaient déjà croisé plus tôt leur propose de les aider, en échange
d’un bout de chemin. Mais l’importun, s’il remet la voiture en marche, est
odieux et intarissable. Il tapote sur l’urne funéraire en plaisantant, et c’est
Fabio qui craque et éjecte l’autostoppeur. Mais Fabio est submergé par une
vague d’angoisse, et perd pied. Il répond à son frère inquiet : « Je
pensais que ce serait moins douloureux ».
Un peu avant la frontière, Giovanni impose une pause à l’auberge.
Mais il profite de la sieste de son frère pour disparaître. Il va rejoindre une
belle femme de son âge, qui l’accueille froidement et lui demande s’il a
réussi à faire revenir son frère, lui qui voulait le faire revenir, dût-il
abandonner pour ce faire sa femme et son enfant. Maria semble tout
connaître de sa vie, lui parle franchement du poids qu’il a endossé depuis
le départ de son frère, l’enjoint à mots couverts d’abandonner cette quête
trop lourde pour lui. Giovanni ne répond rien, et tourne les talons. De
retour, Giovanni prétend avoir essayé de voir un ami, sans succès.
Les deux frères passent la frontière. Fabio commence à se projeter dans
l’avenir. Comment va-t-il être accueilli ? Les deux frères entonnent une
chanson de leur enfance en italien, c’est le premier moment de complicité
sincère entre eux. En monologue intérieur Giovanni se remémore Fabio,
adolescent, pleurant dans le poulailler, après que son père lui ait
violemment interdit de partir. Giovanni ne comprenait pas pourquoi Fabio
était dans le poulailler, il s’est rendu compte bien plus tard que Fabio
pleurait car il allait partir le lendemain.
Pour la troisième fois du livre, Giovanni passe en cachette un coup de
téléphone à un interlocuteur qui semble bien connaître Fabio. Fabio est en
train de boire un verre, ou plutôt de descendre une bouteille de vin, au
café. Lorsque son frère arrive, Fabio a envie de scandale et provoque les
90
clients du bar. Ceux-ci le menacent d’en venir aux mains, et au moment
où ils s’apprêtent à attaquer, Fabio se jette sur eux pour les embrasser.
Décontenancés, les clients laissent fuir les deux frères ivres et rigolards.
Un peu plus loin, Fabio freine brutalement. Des oranges ! Excité comme
un enfant, Fabio escalade le mur du verger, attrape des fruits, jongle et se
régale. Il savoure un premier moment de bonheur.
Plus tard, sous la pluie. Fabio demande à son frère qui il appelle au
téléphone en cachette. Maria ? Fabio a compris que Giovanni est passé la
voir, et il sait qu’ils ont été ensemble. Giovanni, après un silence, avoue :
il téléphone à leur sœur. Fabio sous le choc de la révélation perd le
contrôle de la voiture qui finit sur le dos. Sous une pluie battante, les
deux frères sont au tapis, commotionnés. Fabio dit à son frère que l’urne
s’est ouverte, et qu’elle est vide. Giovanni avoue que leur père est
mourant, mais vivant, et qu’il a menti pour être sûr que Fabio
l’accompagne. Il lui parle de leur sœur adoptée deux ans après le départ
de Fabio. Les deux frères réalisent qu’ils sont sans voiture et sous la pluie,
abattus par le choc des révélations. La situation est si triste qu’elle en
devient hilarante, et Fabio propose d’ouvrir les bouteilles de vin qui elles
ont résisté au choc. Giovanni accepte avec enthousiasme.
C’est donc avec une gueule de bois carabinée que les deux frères
conduisent le dernier tronçon du voyage.
Arrivés à l’hôpital, Fabio rencontre sa sœur adoptive Giulietta, très
enceinte, et qui attendait d’ailleurs l’arrivée des deux frères pour aller en
salle d’accouchement, elle vient de perdre les eaux. Simple, souriante,
directe, elle « emballe « tout de suite Fabio, ne lui laissant aucun espace
pour se braquer. Elle a tellement attendu le jour où elle le rencontrerait :
comment quelqu’un qu’on en connaît pas peut-il vous manquer à ce
point ? Giovanni accompagne Giulietta en salle d’accouchement, Fabio va
seul parler à son père.
La dernière image du livre c’est Fabio qui parle à son frère, pour lui dire
qu’il va rester ici, que la ville n’est plus si petite que dans ses souvenirs,
et que Giovanni doit retourner vers Maria et son enfant, qu’il ne faut pas
trop attendre pour revenir. Les deux frères s’étreignent.
91
PERSONNAGES
92
FABIO FOSCARINI
Fabio est né autour de 1915. Fils aîné, beau, drôle, il a le sens de la
répartie et tout le monde l’adore. Il vit une belle histoire avec sa copine
Maria. Pourtant, il rêve de voyage et se sent à l’étroit dans le petit port
italien où il grandit. Tenté par l’idéal fasciste, il annonce à son père
(syndicaliste et hostile au fascisme) son souhait de partir rejoindre les
soldats italiens de Mussolini en Afrique. Son père le lui refuse violemment,
lui interdit de jamais revenir si il part. Fabio pleure, et part à l’aube en
cachette de tous.
On le retrouve 7 ans plus tard, il revient, habillé comme un milord et en
pleine forme, après avoir envoyé un courrier pour prévenir de son retour.
Mais seul son petit frère Giovanni l’attend au port. Son père a refusé de
lire sa lettre, personne ne sait qu’il revient. Personne ne souhaite le revoir.
Choqué, Fabio remonte dans le ferry et repart.
Encore dix ans plus tard, Fabio est devenu un boxeur minable et un petit
voyou criblé de dette qui vit d’expédients en France. C’est son frère
Giovanni qui vient le chercher pour le convaincre de ramener les cendres
de leur père au pays.
Fabio est robuste, fume comme un pompier, il a aussi piètre allure : mal
rasé, habits froissés ou abimés : un cliché de voyou. Il ne parle plus que
français mais conserve un imperceptible accent italien. Il a mauvaise
presse, on dit de lui que c’est un voleur, qu’il a de mauvaises
fréquentations et qu’il se bat souvent. Sa vie semble une course pour
trouver de l’argent. Il pense d’ailleurs être responsable de la mort d’un
homme dans une bagarre, le crime lui a d’ailleurs été imputé, sans qu’il
ne sache lui-même s’il était réellement l’assassin. Mais il était le bouc
émissaire facile, l’immigré de service. Alors il évite les flics.
Il semble en guerre contre le monde entier, mais révèle par bribe sa
tendresse et son charisme perdu. Le premier indice est quand il décide
d’adopter un chien trouvé abandonné autour de la route. Le chien l’aime
spontanément, sentant sans doute la bonté profonde de cet homme. Fabio
est aussi très proche de ses sensations : lumière, odeurs, faim, sommeil.
Et ses sensations le forcent parfois à trahir son masque de raté aigri. Il
révèle le jeune homme ardent qu’il était, joueur, provoquant, rigolard. Le
livre raconte sa réconciliation avec le bonheur.
93
GIOVANNI FOSCARINI
Le frère cadet de Fabio, il a une dizaine d’années de moins. Lui n’a pas
cherché à fuir l’Italie, mais il aurait eu moins de mal : physique plus
neutre, un peu passe partout. Il a un côté gendre idéal qui peut le rendre
agaçant. Lui a assisté à la fugue de son frère, à sa tentative de retour, et
c’est encore lui qui vient le chercher dans la Fiat 500 familiale.
Petit frère, il est pourtant le seul lien entre Fabio et sa famille. Mais il est
moins lisse qu’il ne paraît : spécialiste des petits secrets bien intentionnés,
il est manipulateur. Il a menti à son frère, leur père n’est pas mort, il a
omis de dire à son frère qu’ils avaient une sœur adoptive, il cache le fait
qu’il est devenu l’amant de Maria et qu’ils ont ensemble un enfant, il
cache le fait qu’il a abandonné la femme et l’enfant. Le frère idéal ne l’est
vraiment pas.
Mais il est en revanche beaucoup plus sincère avec lui-même que son
frère : il admet avoir passé sa vie à chercher son frère, à le protéger ou le
remplacer ce n’est jamais très clair. Il admet qu’il a toujours espéré que
son grand frère revienne, que la vie a été trop dure avec lui quand Fabio
est parti et que sa famille s’est faite harceler par les chemises noires
pendant des mois. Il admet qu’il veut réconcilier sa famille dont aucun
membre ne vit bien, et que cette énergie lui vient de leur sœur adoptive,
Giulietta.
Il est le héros de l’histoire, acteur d’une réconciliation désespérée.
94
COMMENTAIRES
95
Come Prima pourrait être décrit comme la chronique sociale d’une famille
italienne des années 20 à 60, racontée par le biais de deux frères fâchés
qu’un événement particulier contraint à se voir et se parler pendant
quelques jours.
Mais Alfred a su faire aussi de cette bande dessinée un élan de générosité
et d’humanité en construisant une ambiance vivante, drôle, sincère,
tragique aussi par moments, lumineuse.
Tout d’abord le paysage, les odeurs, les sons, la campagne, les scooters,
les vacanciers, les routiers, les curés de village: la campagne des petites
routes entre la France et L’Italie envahit littéralement les pages de la
bande dessinée, et aussi les personnages principaux. Alors même que les
étapes de leur réconciliation sont si difficiles à franchir, ils ne peuvent
s’empêcher d’être happés par la vie, la beauté qui les entoure, les
lumières invraisemblables du sud, les souvenirs d’enfance qu’elles
véhiculent.
Au-delà de la profondeur des images, Alfred manie ici aussi avec une
audace rare dans la fiction le mélange entre le grave et le léger : Les deux
frères souffrent c’est entendu, mais cela n’empêche qu’ils sont souvent
frappés de leur propre pathos, et qu’avec eux on en rie. Et on retrouve
dans la BD des éléments du cinéma populaire italien des années 50 et 60,
généreux, tragique, mais aussi burlesque et surtout passant avec une
facilité déconcertante du drame au clown.
Ce road trip « prétexte » est donc bien ici un alibi idéal pour parler des
liens de famille, et ce de manière très contemporaine, autour de la fratrie,
de la paternité, mais aussi des gênes, des non-dits, des choses qu’on
porte en soit sans toujours les comprendre, des malentendus sur lesquels
on n’ose jamais revenir.
Mais ici ces thèmes cruciaux de la fiction d’aujourd’hui sont abordés en
dehors de la ville et de ses limites, dans une campagne magnifique,
généreuse, vivante, et qui pour tout dire fait envie, aux héros, et à nous.
CONCLUSION
Come Prima une histoire lumineuse et fine, hommage à la chaleur et au
burlesque du grand cinéma italien tout autant qu’histoire moderne de
filiation. Par un auteur majeur de la bande dessinée contemporaine.
96
REFERENCES CINEMATOGRAPHIQUES
La Meglio Gioventu de Marco Tullio Giordana
Western de Manuel Poirier
PRIX LITTERAIRES
Fauve d’Or du Meilleur Album au Festival International de Bande dessinée
d’Angoulême 2014
TRADUCTIONS
Espagnol : Salamandra
Coréen : Mimesis
Allemand : Reprodukt
Italien : Bao Publishing
97
EXTRAITS
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99
100
101
CONEY ISLAND BABY
Titre original
Coney Island Baby
Auteur
Nine Antico
Nationalité
Française
Pages
212
Editeur
L’Association © Nine Antico & L’Association,
[2010]
Epoque
Des années 40 (pour Bettie Page) ou 70 (pour
Linda Lovelace) à 1999
Lieux
Nashville/ Floride/ Valdosta/ Tulsa/ Californie/
Tennesse/ Los Angeles/ New York/ Westchester
County/ Berverly Hills/ Long Island/ Portland
Genre
Roman graphique
102
PITCH
Bettie Page et Linda Lovelace sont deux figures emblématiques du milieu
pornographique, bientôt dépassées par leur puissance iconographique.
Deux destins oubliés que Monsieur Hefner, fondateur de la revue Playboy,
a décidé de raconter en cette soirée 1999 aux deux jeunes candidates
face à lui, dangereusement ignorantes, fatalement naïves et vulnérables
par leur rêve de célébrité. Un voyage dans le temps où il n’est pas
incertain que l’une de ces deux figures soit encore tout près.
INTRIGUE
Deux jeunes filles entrent dans le manoir Playboy, se demandant laquelle
des deux devra user en premier de ses charmes pour Monsieur Hefner, le
fondateur. Pourtant, face à elles, Monsieur Hefner a décidé de revenir sur
le parcours de deux figures emblématiques du milieu : Bettie Page,
célèbre Pin-Up des années 50 et Linda Lovelace, la fameuse « Gorge
Profonde » des années 70.
Deux générations séparent leurs heures de gloire et pourtant, les échos
sont nombreux. De la jeune et cultivée Bettie aux prises des tentatives de
séduction des hommes de son entourage à Linda, fille banale acceptant
simplement toutes les demandes provocantes de son futur mari Chuck
Traynor.
Les deux femmes rêvent de reconnaissance et de célébrité mais le succès
est dur à atteindre. Avec sa frange iconographique, la pin-up Bettie Page
peuplera les fantasmes des hommes de l’époque et Linda se fera
remarquer sur la scène porno par son surnom « Gorge profonde » dont le
film multiplie les entrées au cinéma.
Lumière appelant forcément l’ombre, Bettie ne comprend pas les
conséquences des mises en scène nouvellement orientées SM de ses
photos et sera accusée par la société de conduire à la délinquance juvénile
tandis que Linda ne parviendra jamais à sortir de son image de femme
avaleuse de sexes, sous l’emprise de Chuck, véritable businessman du
milieu porno.
L’une et l’autre seront des icônes du manoir Playboy, et auront la
reconnaissance de Monsieur Hefner. Mais la chute est déjà lancée… Bettie
tente de se ranger dans une vie de femme au foyer qui la dégoûte ; elle
103
trouvera une issue dans la religion, devenant une adepte quasi-fanatique,
prête à tuer pour cela. Linda accusera publiquement Chuck de l’avoir
forcée à mener cette carrière dans le porno et tentera de lutter contre ce
milieu, mais n’arrivera jamais à échapper à son image passée, allant
jusqu’à reposer pour des photos de charmes pour des fins de mois
difficiles.
Ce soir-là, à la fin de son histoire, les deux jeunes filles scrutent la
véritable Bettie Page, vieille et folle, captivée par les feuilletons télé.
Monsieur Hefner leur demande de réfléchir, il les quitte pour rejoindre
Bettie, lui fait croire que la mise en garde a marché. Pourtant il n’en est
pas si certain.
THEMES ABORDES
Pin-Up/ pornographie
Libération sexuelle / Révolution iconographique
Pionniers / Figures emblématiques / Icônes
Quête de célébrité / Popularité/ Impopularité
Déclin/ Piège / Déni / Folie
Destins croisés / Echos / Parcours parallèles
104
RÉSUMÉ DÉTAILLÉ
105
Dans le manoir de l’empire Playboy, Hugh Hefner, le fondateur
emblématique du magazine, reçoit deux nouvelles candidates playmates
bien peu au fait de l'histoire de la revue et de ses grandes figures. Hefner
décide de reprendre l’histoire de l’industrie pornographique via deux
personnalités pionnières aux parcours miroirs : Bettie Page et Linda
Lovelace.
1940 à Nashville. Dans le bus ou dans la rue, la jeune Bettie attire le
regard des hommes, par sa beauté mais aussi sa froide intelligence. L’un
deux, Billy, fredonne les mêmes mots doux, sans doute vides de toute
sincérité. Pourtant Bettie, dans sa maison où sa famille nombreuse broie
toute intimité, rêve de lui.
Floride en 1969, une jeune femme bronze ; elle est l’archétype même de
« la fille d'à côté", un peu fade et prévisible, ne refusant rien, pas même
le pire. Son amie Katty la rejoint accompagnée d’un homme : Chuck.
Linda se laisse séduire, le suit à une soirée à Miami, puis chez lui.
Nashville, 1940, Bettie revoit Billy. Elle fera l’amour pour la première fois,
dans la voiture du jeune homme, estimant déjà qu’il y en aura d'autres et
beaucoup. Tous les deux rêvent d'un ailleurs.
Linda, elle, prend la route avec Chuck, direction Valdosta, en 1971. Dans
un jeu de provocation et de séduction Chuck soulève les vêtements de la
jeune fille quand leur voiture croise d’autres automobilistes ; Linda
provoque à son tour l’employé d’une station-service.... Ils se sentent
pousser des ailes, partant vers un ailleurs inconnu. Sur le chemin, ils se
marient. Chuck prévient ses parents tandis que Linda ne dit rien aux
siens.
A Tulsa en 1936, Bettie est plus jeune, elle garde ses nombreux frères et
soeurs tandis que sa mère retourne en ville vérifier si son père a bel et
bien volé la voiture du shérif, comme le prétendent les rumeurs, qui plus
est avec sa maîtresse. En ces temps difficiles, Bettie, rêve de cinéma avec
Clark Gable.
Californie 1971. Linda scande « Jouir sans entrave » dans un spot – qui
deviendra le slogan de l’époque.
Tennessee, 1943, un concours est organisé pour « Miss Cover girl » avec
à la clé une apparition dans un film aux côté de Rita Hayworth. Bettie est
106
élue première dauphine, elle obtient un abonnement d'un an chez Hair
star. A table, les 3 gagnantes discutent du milieu du cinéma où les places
sont chères. Bettie déchire un bout de la nappe, nerveuse. Elle arrive à
San Francisco, y retrouve Billy, en permission. Leurs retrouvailles sont
chaleureuses, ils refont l'amour, mais Billy sait qu'elle ne va pas
l'attendre, d'autres hommes se retournent toujours sur son passage.
Floride, 1971. Gerard Damiano, réalisateur de films pornographiques
donne une fête chez lui. Tandis qu'il discute auprès de femmes de ce
qu'elles veulent voir dans les films pornos, Linda se fait remarquer, lui
valant son surnom de "Gorge Profonde ». Chuck est fier.
Los Angeles, 1945. Bettie franchit les grilles de la 20th Century Fox pour
un premier essai. Une maquilleuse se charge d’elle. Son visage se modifie
sous les couches de maquillages. Elle doute que cette fois sera la bonne.
Los Angeles, 1999. Monsieur Hefner emmène les deux playmates chez le
couple Arrese. Là, Carlos Arrese raconte aux deux jeunes playmates sa
rencontre avec Bettie en 1947, leur coup de foudre et la fin de leur amour,
ayant choisi son actuelle femme, plus « rangée ». Dans la cuisine, ladite
femme, âgée et enrobée peste contre Bettie, la traite de « folle ». Les
deux playmates décèlent un regret chez Carlos.
New York, 1971 Le côté "girl next door" de Linda fait la révolution dans le
cinéma pornographique. C’est son premier tournage pour Linda et Chuck
y assiste.
New York, 1950. La carrière de Bettie, elle, ne décolle pas.
Accidentellement, elle rencontre Jerry Tibbs, policier et photographe. Il
décèle en elle quelque chose, il lui coupe la frange - coiffure qui deviendra
mythique. Elle commence quelques photos en bikini, qui se font
remarquer. Mais elle finit encore seconde à l'élection Miss New York.
New York, 1972. « Gorge profonde » sort sur quelques écrans, mais
l’article du Times qualifiant le film de révolution du genre, le nommant
« porno chic » attire un public plus large. Les entrées du film explosent.
On dit même que Jackie Kennedy serait venue à une des projections. Un
reporter recueille quelques témoignages devant une des salles, chacun
défend le film à sa manière : les féministes voient en Linda une icône
rebelle, quelques femmes plus rangées prétextent vouloir faire comme la
107
femme du président, les producteurs de cinéma viennent comprendre le
phénomène… Linda devient célèbre.
A Westchester county en 1953, Bettie connaît aussi la célébrité, grâce à
des photos de plus en plus dénudées. Un journaliste saisit aussi quelques
témoignages. En pleine séance dans un jardin public, Bettie captive
l’équipe tandis qu’au loin elle est observée par une femme qui prévient sa
fille : un jour aussi Bettie vieillira et grossira.
Los Angeles, 1973. Linda Lovelace tourne dans le manoir de Playboy. Une
soirée est organisée par le fondateur, Hefner. Avec Elisabeth Taylor,
Warren Beaty, Clint Eastwood… Linda effleure peu à peu Hollywood venu
assister à une de ces soirées que l’on dit « libérées ». Ayant la
reconnaissance de ses pairs, elle devient une invitée importante du
Manoir.
New York, 1953, Bettie est à son cours d'acting mené par Monsieur
Berghof. Elle travaille avec rigueur la psychologie des rôles et cherche à
faire disparaître son accent.
Los Angeles ,1973. « Gorge profonde 2 » va sortir, mais Linda sait que le
film n’a rien de novateur, tout juste commercial. Elle monte avec Chuck
son entreprise : Linda Lovelace Entreprise, implantée sur Sunset
Boulevard. Pourtant, à part sa technique de fellation inspirée par les
avaleurs de sabres (qu’on lui demande d’exercer à chaque soirée), son
entourage s’intéresse bien peu à ses désirs de carrière.
A New York en 1955, Bettie accepte de faire des clichés orientés sadomasochistes sans vraiment comprendre les conséquences de ces mises en
scènes, alors qu'elle vient de passer un entretien à la RKO.
Los Angeles 1974 : Linda est certes célèbre, mais elle s’ennuie. Même les
soirées indécentes et grandiloquentes chez Hefner ne l’amusent plus.
Toujours Los Angeles en 1999, Linda tient une boutique de cigarettes. Les
deux candidates pour playboy lui rendent visite. Linda leur apprend qu’elle
a deux enfants et qu’elle a été deux fois mariée. Elle prévient les jeunes
filles que son passé est celui d’un esclave sexuel, celui de Chuck. Mais que
Dieu l’a retrouvée.
108
New York en 1956. Les photos SM de Bettie entraînent une grande
polémique sociétale dont les médias se font le relais. Des parents
s'offusquent contre cette stimulation érotique qui, chez les mineurs, peut
conduire à la délinquance juvénile. La tension monte, tandis que Bettie est
cloîtrée chez elle, occupée à sa coiffure. Des policiers frappent à sa porte
pour une arrestation signant la fin de sa carrière.
Beverly Hills, 1974. Linda n'est plus avec Chuck mais avec Larry,
réparateur de téléphones. Elle tente sa reconversion "Lovelace for
président", mais son passé ressurgit toujours, surtout sur les plateaux TV.
Elle reçoit encore des propositions de films pornos, ses fans réclament son
retour… Le soir, dans son foyer très modeste avec Larry, elle confie rêver
recevoir un oscar qu’elle refuse devant ses pairs, d’un fier « c’est trop
tard».
New York 1957, Bettie s'apprête à se marier avec Armond. Bien sûr,
aucun membre de sa famille n'est présent, mais elle est soutenue par sa
belle-famille, même si certaines langues parient sur un divorce, Bettie
n’ayant pas du tout l’âme d’une femme rangée et encore moins d’une
mère.
Long Island, 1977. Linda, désormais Madame Marchiano, a un enfant. Un
producteur lui propose un projet de tournée d’une pièce de théâtre. Les
répétitions auront lieu à Las Vegas. Linda et Larry s’assurent qu’il n’y a
aucune scène de nu, puis acceptent, Linda rêvant d’une nouvelle carrière.
Mais son jeu est mauvais, le public ne prend pas et pire, il crie "A
poil ! »... annulant le reste de la tournée.
Key West, 1958, la vie de femme au foyer ne correspond pas à Bettie. De
rage de donner raison aux mauvaises langues, elle fuit dans la nuit,
assiste à une messe nocturne qui la bouleverse.
A New York en 1980, Linda défend la sortie de son livre « Ordeal »
(L’épreuve) sur les plateaux TV. Elle lutte fermement contre le porno et
répète son bonheur d'être femme au foyer. Explicitement, elle accuse son
ex-mari Chuck Traynor de l'avoir traînée volontairement au plus bas de la
pornographie, la forçant sur les tournages à exécuter toutes les
demandes. Le public est accusateur, elle est difficilement crue et
soutenue.
109
Portland, 1963 : Miss Page enseigne la bible et le repentir auprès de
jeunes filles. Elle est divorcée pour la seconde fois et rêve de participer à
des programmes d’aides plus vastes encore.
En 1980 à Long Island, Linda se lance dans la politique et la lutte contre la
pornographie suite à la visite d'une journaliste engagée. Mais certaines
fins de mois étant difficiles, elle accepte de reposer pour quelques photos
de charme.
Los Angeles, 1999 : Bettie est internée à 76 ans pour schizophrénie tandis
que sa gloire passée est ressuscitée, sans qu’aucuns droits ne lui soient
reversés. Elle passe ses jours à regarder des feuilletons. A sa fenêtre, les
deux playmates l’épient. Monsieur Hefner les rejoint, les prévient des
conséquences d’entrer dans le milieu porno.
En rentrant chez elles, elles regardent Gorge profonde, cherchent à
déceler le viol derrière les sourires d’une Linda qui paraît épanouie face à
la caméra.
Hefner rend visite à Bettie. Elle sait tout de sa manière pour prévenir les
jeunes candidates. Elle s’inquiète de savoir si les filles vont renoncer.
Hefner doute mais rassure Bettie : les parents des jeunes candidates ont
déjà payé pour ce petit stratagème de dégoût du milieu. Bettie reçoit
l’argent tandis que l’associé de Hefner lui donne une photo retrouvée
d’elle, posant en sous-vêtements avec une cigarette au bout des lèvres.
Bettie la déchire calmement.
Pendant que Bettie est dehors, Hefner avoue à son associé que l’argent ne
vient pas des parents mais de lui-même. Et alors que bon nombre de
personnes fantasment sur les clichés de Bettie, les morceaux de photo
s’engouffrent dans les déchets.
110
PERSONNAGES
111
NB : si les personnages sont réels l’auteur insiste toutefois sur le fait qu’ici
l’histoire n’est en rien biographique.
HUGH HEFNER
C’est un homme encore beau, en peignoir qui reçoit les deux playmate et
met en lumière le milieu porno dans tous ses aspects, même les plus
sombres. C’est lui le narrateur de ce récit, véritable voyage temporel. Il
exerce une véritable aura auprès des jeunes filles, mais elles finissent par
en être un peu effrayées. Lors du retour en arrière sur les destins croisés
de Bettie et Linda, Hefner n’a que des apparitions très secondaires.
Cependant étant le narrateur, c’est lui qui fait cette relecture des
évènements. La fin de la bande dessinée nous montre qu’il a un vrai
amour pour ces deux femmes. Précisément, c’est grâce à son argent que
Bettie peut vivre, alors que les droits de ses images ne lui sont plus du
tout reversés.
BETTIE PAGE
Pin-Up emblème des années 50, elle est connue pour son air juvénile et
ses yeux bleus sous sa frange sombre. Très cultivée, elle grandit dans une
famille nombreuse en lisant beaucoup et en rêvant de Clark Gable. Mais
elle ne résistera pas à son premier amour, Billy, garçon populaire de son
lycée, qui lui fera découvrir le sexe. Elle souhaite devenir actrice, rêve
d’Hollywood mais atteindra difficilement milieu. C’est un photographe qui
la remarquera et la lancera dans une carrière de photos de charme. Elle
deviendra en 1955 grande figure de la revue Playboy. Acceptant des
photos aux orientations SM, elle devra quitter le milieu, accusée de dévier
la jeunesse américaine vers des préoccupations perverses. Elle se
mariera, tentera d’avoir une vie rangée mais supporte difficilement sa
position passive au service de son mari et quittera son foyer pour se
réfugier dans la religion. Adepte presque fanatique, elle enseigne la bible
aux jeunes filles, s’investira dans des programmes religieux plus vastes.
Mais atteinte de schizophrénie paranoïde, elle tentera deux fois de tuer.
Ses excès de violence la font interner. A sa sortie, elle restera recluse
chez elle tandis que son mythe renaît sous forme d’une nostalgie
populaire. Elle refoulera son passé jusqu’au bout.
Hefner vient régulièrement lui rendre visite et elle l’aide à dégoûter du
milieu les candidates frêles qui se présentent à lui.
112
LINDA LOVELACE
Archétype « gril next door », Linda est certes moins belle que Bettie mais
déploie autour d’elle une fascination tout aussi grande. Elle n’est pas une
jeune cultivée, mais ce côté banal et passif sera justement le sel de
l’intérêt que lui portera Chuck qui usera (malgré elle ou non, l’ambiguïté
reste) d’elle pour percer dans le milieu pornographique. Linda a un
physique plus fade que ses pairs mais se fait remarquer, en plus de sa
technique de fellation, par une assurance à toute épreuve. Cependant
l’ennui l’atteint très vite, ses rêves de carrière croissent douloureusement
car jamais Linda n’arrivera à sortir de cette image devenue piège.
En quittant Chuck Linda se révèle beaucoup plus forte, plus active, elle
tente d’abord de mener sa carrière sans lui, puis crée finalement le
scandale autour de la domination de Chuck sur elle qu’elle accuse
publiquement, revenant sur les évènements de sa carrière, qui ne sont
plus assumés mais contestés : ce changement de position est d’autant
plus intéressant pour ce personnage que nous ne saurons jamais vraiment
s’ils sont vrais. Linda rejette ce passé d’une manière ambiguë. Et cette
ambiguïté sera le mot d’ordre pour les années suivantes, entre volonté de
mener une vie de famille modeste et des rêves de gloire persistants, entre
tentative de revendications politiques anti-pornographiques et poses
érotiques acceptées pour boucler les fins de mois difficiles.
CHUCK TRAYNOR
Très présent dans la première partie de la bande dessinée, il disparaît
ensuite totalement, ne permettant jamais de donner de contrepoint à
l’accusation de Linda. Ici, le portrait qui en est fait est très nuancé, Chuck
n’imposant jamais les choses à Linda, mais étant tout de même toujours
spectateurs fiers et négociateurs assidu, auprès de Linda.
LES (FUTURES ?) PLAYMATES
Une blonde, une brune, des différences physiques qui ne sont pas sans
rappeler celles de Bettie et Linda. Elles portent sur elle des accessoires
rendus ridicules tant elles les portent avec banalité. Cette banalité, c’est
aussi celle qui a sans doute guidé leur venue dans ce Manoir et que décèle
bien Hefner. Leur attitude restera celle de spectatrices de l’histoire des
113
destins de Bettie et Linda, puis, amusante et touchante, de la vidéo de
Gorge profonde qu’elles tenteront de décrypter (est-ce vraiment un viol ?)
après avoir cerné les regrets de Carlos Arrese, n’ayant pas réussi à
assumer l’image de Bettie pour en faire sa femme.
114
COMMENTAIRES
115
Voyage en terrain connu réinventé : le tableau d’une époque
Certes les personnages de cette bande dessinée sont connus de tous,
Bettie, Linda et Hefner étant de vrais mythes de l’iconographie érotique et
porno. Toutefois, de ce mythe, l’auteure redonne échelle humaine au
récit, osant insuffler des notes de pure fiction dans ces destins tout à fait
réels. En se saisissant de figures emblématiques pour les rendre simples
humains, la démarche de Nine Antico est très touchante : nous côtoyons
le parcours de ces femmes à leur hauteur, avec leur naïveté, leurs
illusions et désillusions.
Des libertés sont prises, et elles nous permettent justement d’entrer plus
facilement dans le récit, de nous lier plus vite encore à ces femmes
rendues accessibles. La liberté de ton et d’action est telle qu’il n’est pas
improbable de penser à une adaptation de ces deux destins dans le milieu
porno au-delà de ces femmes préexistantes : ce travail de réinvention
pourrait très bien suivre deux femmes qui ne sont pas forcément les
fameuses Bettie Page et Linda Lovelace, mais la Bettie et la Linda décrites
ici : deux jeunes filles qui vont, à leur corps consentant (ou peut-être pas
totalement) renverser l’iconographie de la femme, l’image de la sexualité
au féminin.
Car la bande dessinée est avant tout une relecture, et ne la quitte jamais :
celle d’Hefner auprès des deux playmates. D’ailleurs, cette frontière floue
entre relecture et réalité est un fil rouge de la bande dessinée dont on se
rend compte à la fin, quand Bettie demande à Hefner s’il a encore usé de
tout « son circuit » de l’histoire, à savoir remonter jusqu’à Linda et
Carlos… pas incertain donc que la mise en en scène soit totale au final !
Un jeu de l’image qui est bien sûr un écho même au sujet de Coney Island
Baby : jusqu’où va ce contrôle de l’image ? Quel en est son pouvoir sur les
autres ? Et quelles en sont les conséquences ?
Un terreau très fertile pour l’adaptation : à son tour comment se saisir des
images ; le scénariste et/ou réalisateur pourra choisir dans ces pistes
nombreuses, entre travail d’archive re-contextualisant ou claire prise de
liberté.
116
Premiers émois féminins : deux très beaux portraits
Cette bande dessinée offre donc cadres et personnages riches à saisir
selon le film voulu. Une richesse dans la forme qui rejoint celle du
contenu, sous le signe de la femme : il y a dans cette bande dessinée des
choses en marges des images qui racontent tout autant le destin de ces
femmes.
Au-delà de l’essor ressuscité du milieu pornographique et le
bouleversement des images de la femme des années 50 à 80 amenés ici,
c’est évidemment la question de la femme-même qui est au centre de
Coney Island Baby : la femme dans son rapport au sexe, à son propre
corps, à sa position sociale aussi. Autant pour Bettie que Linda, le milieu
social duquel ces destins émergent est modeste, reclus, où l’on vit dans
l’attente ou le fantasme de la lumière des projecteurs. A l’image de Linda
qui bronze en bikini en attendant la rencontre déterminante ou Bettie qui
peuple sa chambre de fantasmes multiples de gloire. Pour l’une comme
pour l’autre ce sera une découverte du sexe avec une fraîcheur spontanée
touchante, à l’image de Bettie qui s’étonne toujours de sentir couler
abondamment le sperme de ses partenaires ou de Linda qui travaille avec
rigueur en étudiant les techniques des avaleurs de sabres.
La force de Coney Island Baby réside sans aucun doute en ce que son
auteur est une femme qui, à l’image de Damiano dans la bande dessinée,
cherche à donner à voir le sexe (son industrie, son image) par le point de
vue des femmes, entre fantasmes des hommes qu’elles expérimentent et
assouvissent et le leur propre, peut-être moins charnel : celui de la
reconnaissance, de la célébrité confronté à des problématiques fortes,
sociales et culturelles de cette place donnée à la femme qu’elles
bousculent, d’abord sans s’en rendre compte puis qu’elles revendiquent,
toutefois en la corrigeant : soit en luttant contre le porno pour Linda, soit
en se réfugiant dans la religion pour Bettie.
Deux portraits de femmes sous le vernis scandaleux du porno qui
craquelle au fil des pages : Cosney Island Baby est une bande dessinée de
l’émoi, innocent puis enragé.
117
Une excellente maîtrise du récit
Cette alternance d’échelles entre un panorama large de l’ascension et la
chute de ces deux figures du monde porno et un traitement intime de
problématiques fortes autour de ces deux femmes, en chairs, espoirs et
convictions fait de Cosney Island Baby un ouvrage maîtrisé.
Le rythme parvient à fait perdurer les échos retentissants du parcours de
Bettie à celui de Linda en maniant avec clarté et vraies recherches
d’esthétiques les époques. Le travail visuel est remarquable et le trait, fin,
parvient à placer le corps (point primordial de l’histoire) des personnages
dans un cadre où se lisent des choses supplémentaires : l’excentricité du
manoir de Hefner qui montre l’essor du milieu porno et la folie dangereuse
de ces soirées ou encore la société de consommation oppressante qui se
déploie autour de Linda et Bettie qui ne parviennent jamais à se glisser
dans la peau de la femme au foyer par exemple. Les pages possèdent une
énergie véhiculée par le dessin qui ajoute encore du rythme offrant une
matière riche pour l’adaptation : d’un lieu à l’autre, les corps se déplacent,
s’extraient ou s’insèrent, comme un mouvement fiévreux (de désirs ou
malade).
Très vite, Nine Antico évite le piège de la narration en « voix-off »
dominante pour laisser place à des dialogues vifs, intimes, percutants. Les
paroles semblent captées dans leur époque, à l’image du public interviewé
avant la projection de Gorge Porfonde et plus tard celui qui accusera
Bettie lors de son procès pour influences perverses.
Une construction entière donc, entre univers du récit et forme du récit.
118
CONCLUSION
De par sa capacité à mêler précision documentaire et souffle de fiction par
un style dépouillé à la fois riche et libre, Coney Island Baby est une bande
dessinée qui parle à la fois d’époques distinctes, de femmes différentes et
d’entrecroisement unique et fort. Bettie et Linda ne se sont jamais
connues et pourtant, elles forment à elles deux un pan de la féminité vif et
tendre à la fois, dans ses illusions et désillusions, dans ses combats
gagnés et perdus. Cet entremêlement maîtrisé entre les époques et les
lieux n’est pas sans rappeler The Hours de Stephen Daldry.
Mais plus loin, l’ambiguïté de Linda et la schizophrénie de Bettie sont aussi
celles d’une Amérique faussement puritaine où régurgitent çà et là des
fantasmes charnels déviants, que le peuple réclame et condamne à la fois.
Époques aux tourments pas si révolus, qui peuvent faire penser à
American Beauty de Sam Mendès.
Enfin, le portrait donné à l’industrie du sexe est d’une telle actualité, entre
responsabilités et oublis de ses figures emblématiques que Coney Island
Baby offre pour l’adaptation un panorama fort et vif, brûlant et
mélancolique sur les fonctionnements d’une industrie où le produit est
humain, à l’image de Sleeping Beauty de Julia Leigh ou de L’Apollonide :
souvenirs de la maison close de Bertrand Bonello.
TRADUCTIONS
Allemande (EDITION MODERNE) et anglaise en cours (BLANK SLATE
BOOKS)
119
EXTRAITS
120
121
LA COULEUR DE L’AUBE
Titre original
LA COULEUR DE L’AUBE
Auteur
YANICK LAHENS
Nationalité
Haïtienne
Pages
224
Editeur
© Sabine Wespieser éditeur, 2008
Epoque
Contemporaine
Lieux
Haïti
Genre
Drame
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PITCH
Sur une île maudite, où règnent misère, violence et désespoir, deux sœurs
se réveillent un matin et constatent la disparition de leur frère. Ces jeunes
femmes que tout semble opposer se mettent à sa recherche. L’attente
angoissée ravive en elles le souvenir de leur propre histoire, faite de désir,
de pouvoir, de soumission et de rancœur. Quel futur envisager lorsqu’une
passion d’un soir a transformé une adolescente candide en fille mère ?
Comment trouver le bonheur lorsque le désir que l’on suscite chez les
hommes n’est qu’une arme, le seul espoir d’un avenir meilleur ?
La Couleur de l’aube dresse sur une journée le portrait d’une jeunesse
haïtienne désenchantée partagée entre désillusion et révolte.
INTRIGUE
Dans une île pauvre livrée à la violence et au désespoir, qui s’avère être
Haïti, Angélique et Joyeuse, deux sœurs, se réveillent à l’aube et
constatent que leur jeune frère de 20 ans, Fignolé, n’est pas rentré de la
nuit. Joyeuse fouille dans les affaires de Fignolé et découvre une arme à
feu et un papier sur lequel est griffonné un numéro de téléphone et
plusieurs notes mystérieuses. La jeune femme part à la recherche de son
frère, tandis qu’Angélique va travailler à l’hôpital où elle est infirmière.
Joyeuse retrouve son amie Lolo, son alter ego et complice, jeune femme
pétillante et aguicheuse qui joue de son pouvoir de séduction sur les
hommes. La sœur finit par se rendre au magasin de Madame Herbruch où
elle a réussi à se faire embaucher grâce à sa persévérance.
L’inquiétude dans laquelle se trouvent les deux jeunes femmes fait
remonter les souvenirs de leur passé. Les deux sœurs ne connaissent pas
leur père : leur mère, qui fascinait les hommes, n’a jamais voulu tomber
dans la dépendance d’aucun et a enchaîné les amants. Angélique est
tombée enceinte d’un homme qui l’avait séduite. Se sentant trompée, elle
s’était métamorphosée en une femme d’une piété sans faille et avait
tourné le dos à la chair.
Au contraire, Joyeuse avait su jouer à fond de sa séduction. John, un
journaliste américain, s’était entiché d’elle et avait vécu quelques temps
aux côtés de la famille, bercé par l’illusion qu’il en était accepté. Fignolé,
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qui ne supportait pas l’injustice à laquelle était en proie Haïti, s’était
engagé avec fougue dans une contestation étudiante violente. Un jour de
colère et d’exaspération, il avait jeté au visage de John qu’il n’était et ne
pourrait jamais être l’un des siens. John était alors parti, sans que
personne ne cherche à le retenir ni ne le regrette.
Depuis un mois, Joyeuse est tombée amoureuse de Luckson, un étudiant
qui l’avait arrachée courageusement à une émeute. Elle est remplie
d’espoir vis-à-vis de lui, mais le jeune homme ne semble pas partager ses
sentiments forts et profonds.
Angélique est bouleversée par la mort d’un blessé qui s’est éteint après
d’affreuses souffrances. Elle s’enfuit de l’hôpital et se rend au
commissariat pour signaler la disparition de Fignolé. L’attitude des
policiers lui semble étrange et elle croise des voisins, camarades de son
frère, ce qui l’intrigue. Angélique se rend chez son oncle Antoine, un
homme influent, dans l’espoir qu’il pourra l’aider. Elle se rend compte que
le numéro trouvé dans les affaires de Fignolé n’est autre que celui du
commissariat de police. Inquiète, elle rentre à la maison où elle apprend
la mort violente de son frère, exécuté au cours d’une embuscade la veille.
Sa famille est endeuillée, mais immédiatement soutenue par les voisins.
Joyeuse prend la décision de quitter Luckson, et de tuer le jeune homme
qui a livré Fignolé à la police.
THEMES ABORDES
Liens fraternels
Société́ haïtienne
Culture et religion caribéennes
Désespoir/soumission/domination/violence
Jeunesse révoltée/jeunesse soumise
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RÉSUMÉ DÉTAILLÉ
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Angélique, femme de 27 ans, se lève dans la petite maison des faubourgs
de Port-au-Prince qu’elle partage avec sa mère, sa sœur Joyeuse, et son
jeune frère Fignolé. Dans l’aube grise de février, l’inquiétude l’étreint :
Fignolé n’est pas rentré et toute la nuit les tirs n’ont cessé de gronder au
loin… Elle évoque la dévotion de sa mère pour des divinités africaines.
Angélique a un jeune fils, Gabriel, dont elle doit s’occuper. Elle constate
que Ti Louze, une jeune fille adoptée par la famille, est déjà sortie pour
s’occuper des latrines, fonction qui semble lui être dévolue.
Joyeuse, se réveille à son tour. Elle entend les informations à la radio,
qu’écoute sa mère : un bain de sang a eu lieu après une manifestation
contre le pouvoir en place. Joyeuse évoque la grande exiguïté qui règne
dans la maison familiale. Sa sœur, Angélique, était la joie de vivre
incarnée avant de rencontrer un homme qui la profondément transformée.
Elle s’inquiète pour son neveu Gabriel. Constatant à son tour que son frère
n’est pas rentré, elle fouille dans ses affaires et trouve une arme à feu.
Le matin même, Angélique a battu Ti Louze et Gabriel. Tous deux ont le
tort d’être noirs, mais elle regrette tout de même son geste. Ti Louze n’est
pas vraiment de la famille : elle a été adoptée et ainsi tirée de la misère
de la campagne. Angélique se rend à l’hôpital où elle travaille comme
infirmière. Elle déplore que Joyeuse ne la trouve pas féminine.
Joyeuse sort et rencontre des voisins : Mme Jacques qui est une
commerçante, et Monsieur Fortuné. Celui-ci protège les gens du quartier
et leur rend toutes sortes de services. Son passé, assez mystérieux,
semble être celui d’un trafiquant aventurier. Joyeuse parle ensuite de
Vanel, un ami de son frère Fignolé. Musicien très talentueux, il fait partie
du groupe de Fignolé. Autrefois un garçon prometteur à maints égards, un
professeur avait prétendu le prendre sous son aile alors qu’il profitait des
moments passés avec lui pour le violer. Depuis, Vanel est secrètement
bisexuel et seuls ses deux amis les plus proches sont dans la confidence.
Angélique a la réputation usurpée d’être calme et prude. En réalité, elle se
sent animée d’un grand feu intérieur et d’élans de désirs difficilement
répressibles pour des inconnus. Elle s’amuse à provoquer Joyeuse et jubile
secrètement de la faire sortir de ses gonds. Elle se sent solidaire de la
violence à laquelle prend part Fignolé, qui aurait participé à un lynchage.
Lolo est la complice de Joyeuse, l’amie dont elle se sent le plus proche.
C’est une jeune femme séductrice et pleine de vie. Elle n’a pas peur des
hommes avec lesquels elle couche sans arrière-pensées ni inhibition.
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Joyeuse et Lolo ne sont pas des « culs-bénis » et elles sont redoutées par
les femmes du quartier.
Avec l’arme qui se trouvait dans les affaires de Fignolé, Joyeuse a trouvé
un numéro de téléphone. Elle appelle, mais tombe sur un répondeur. Elle
ne laisse pas de message par prudence. Elle s’interroge ensuite sur les
noms trouvés avec le numéro : « Martissant », un quartier de la ville,
souligné en rouge ; « Ismona », la copine de Fignolé, écrit en majuscule ;
des vers du poète russe Maïakosvski. Le mystère reste entier.
A l’hôpital, Angélique s’inquiète pour son frère. Elle regrette que sa mère
soit en chemin pour aller voir sa tante Sylvanie, adepte de prédictions et
de pratiques magiques. Elle a interrogé Paulo, un musicien du groupe de
Fignolé, sur ce qui peut bien être arrivé à ce dernier. Paulo a cherché à
esquiver sa question, il cache sans doute quelque chose. Le jeune homme
s’était contenté de dire que Fignolé était parti pour Martissant en
compagnie d’Ismona et de Vanel.
Angélique se souvient comment, quelques années auparavant, Fignolé
avait été pris d’une forte fièvre, qui l’avait fait claquer des dents en plein
mois de juillet. Il avait été soigné par un médecin. Lui et Fignolé étaient
devenus amis, ainsi qu’avec John, un journaliste américain qui déclarait «
aimer les pauvres ». Quant à Angélique, elle était très appréciée par le
père André. Ce Belge, qui vivait à Haïti depuis des années, s’était pris
d’affection pour elle parce qu’elle soignait des malades à sa demande.
Joyeuse, qui se promène avec Lolo, pense à Luckson, un amant rencontré
peu de temps auparavant et dont elle attend beaucoup. D’ordinaire, les
jeunes femmes vivent surtout dans l’espoir de séduire un homme riche qui
les ferait échapper à la misère. Lolo a mis la main sur un homme de
soixante ans qui l’entretient. Elle entend bien faire monter
progressivement les enchères. Une voiture luxueuse s’arrête près des
jeunes femmes. Ses passagers leur proposent de monter. Joyeuse refuse,
ne voulant pas être détournée de la recherché de Fignolé, et agace Lolo.
Angélique raconte que John est arrivé à Haïti dans les bagages de l’armée
américaine au moment de la seconde occupation de l’île. Le journaliste
s’est entiché de Joyeuse, qui a accepté de jouer le rôle de la pauvrette
sensuelle et aguicheuse que lui donnait John dans le film qu’il se racontait
sur sa vie à Haïti.
Joyeuse a rencontré Luckson au cours d’une émeute dont il l’a arrachée et
sauvée. Lorsqu’elle lui avait dit que son amie Lolo était encore au milieu
des combats, il était immédiatement parti la chercher.
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Contrairement aux autres garçons qui entourent la famille, Fignolé s’est
rebellé contre le chef du parti des Démunis, revenu au pouvoir à Haïti. Il
n’a pas eu peur de ses méthodes musclées, découvertes aux dépens de
son oncle Octave. L’engagement de Fignolé est l’occasion d’une rupture
brutale avec John. Le jeune homme considère en effet que l’américain,
quoi qu’il en pense, ne pourra jamais être l’un des leurs, parce qu’il fait
partie des riches et qu’en tant que tel, il possède un avenir, contrairement
aux haïtiens qu’il prétend aimer. John n’avait plus reparu par la suite, ce
qui laissa Joyeuse et tous les autres membres de la famille indifférents.
Joyeuse fait la connaissance de son sauveur Luckson, qui fait des études
de mathématiques. Cela fait un mois que la jeune femme l’a rencontré, et
elle en est sévèrement amourachée, même si elle ne le voit que très peu.
Elle raconte que Fignolé est engagé dans la contestation étudiante contre
le « Prophète-président » d’Haïti et que le mouvement est très
sévèrement réprimé.
La jeune femme arrive chez sa patronne, Madame Herbruch, une femme
riche par laquelle elle a réussi à se faire engager à force d’insister. Elle
assume des tâches de service en faveur d’amis, de proches et de relations
de sa patronne dont elle se sait méprisée. Depuis des semaines, elle subit
les assauts d’une marchande de fruit qui cherche à lui faire acheter
quelque chose alors qu’elle est visiblement très pauvre. Joyeuse sait bien
pourtant qu’elle finira par céder à la marchande, comme Madame
Herbruch avait fini par céder avec elle-même.
Si Angélique est tombée enceinte, c’est parce qu’elle avait été piégée par
l’émoi qu’avait suscité chez elle un homme, l’un des premiers avec lequel
elle ait eu des relations charnelles. Ce n’est qu’après cette expérience
qu’elle avait adopté un comportement d’une profonde piété. Elle s’en était
d’abord beaucoup voulu de s’être laissée séduire et d’être tombée
enceinte, mais elle avait fini par aimer l’enfant qu’elle portait grâce à
l’enthousiasme que cette nouvelle avait suscité chez sa sœur Joyeuse.
Revenue de ses pensées, elle rencontre à l’hôpital un jeune blessé dont
les souffrances la bouleversent.
Joyeuse n’a pas connu son père. Sa mère a eu de nombreux amants, mais
n’a jamais voulu dépendre d’aucun d’entre eux, alors même qu’elle les
fascinait.
Angélique accompagne le blessé jusqu’à son dernier souffle. Il s’éteint
après d’affreuses souffrances. La jeune femme s’enfuit de l’hôpital,
bouleversée comme elle ne l’a jamais été.
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Quelques temps auparavant, le mari de Madame Herbruch a entrepris
Joyeuse, mais celle-ci l’a repoussé. L’homme déçu n’ose pas renvoyer
l’employée par peur que sa femme n’apprenne son incartade. Les
événements violents qui ponctuent le quotidien de l’île effraient Madame
Herbruch qui songe sérieusement à partir pour la Floride, ce que Joyeuse
ne peut pas envisager elle-même.
La jeune femme raconte sa première sortie avec Luckson. Elle l’avait
retrouvé en boite de nuit avec d’autres amis. D’abord tétanisée et mal à
l’aise, elle s’était libérée, l’ivresse aidant, et s’était abandonnée dans la
danse. Luckson avait fini par l’emmener chez lui. Elle s’était laissée
entraînée, comme hypnotisée par lui.
Angélique se rend au poste de police signaler la disparition de Fignolé. Elle
se prépare à porter plainte contre X s’il ne réapparaît pas, même si elle
sait bien qu’une telle démarche est illusoire. Au commissariat, la jeune
femme s’attend à ce qu’on lui demande de payer en argent ou en nature
pour hâter les recherches. Toutefois, elle est simplement invitée à revenir
le lendemain. Elle croise Jean-Baptiste, un voisin, vraisemblablement
proche des policiers, et Willio, un autre de ses voisins, lui conseille de ne
plus jamais remettre les pieds au commissariat.
Joyeuse va voir son oncle Antoine, qui vit de trafics assez lucratifs.
Ensemble, ils téléphonent à Mme Jacques, la voisine commerçante de la
famille. Celle-ci raconte que Paulo est rentré seul la veille et qu’il reste
muet sur ce qui a pu se passer. Joyeuse tente une nouvelle fois d’appeler
au numéro trouvé dans les affaires de Fignolé. Elle se rend compte qu’il
s’agit en fait de la ligne du commissariat de police. Oncle Antoine s’engage
à activer ses réseaux politiques pour retrouver le jeune homme.
Angélique se lave de sa journée, comme elle s’était lavée de l’homme qui
l’avait fait tomber enceinte. Joyeuse retrouve Luckson chez lui et se donne
à lui, cherchant un abandon total afin d’oublier l’angoisse de la disparition
de Fignolé. Elle rentre à la maison et voit arriver Paulo qui, soutenu par
Vanel, annonce la mort de son jeune frère. Celui-ci a été pris dans une
embuscade tendue par des policiers et a été tué en couvrant la fuite
d’Ismona et de Paulo. Les voisins se mobilisent pour soutenir la famille en
deuil.
Joyeuse décide de placer secrètement la jeune Ti Louze dans un
orphelinat, de quitter Luckson qu’elle ne veut plus attendre en vain et de
tuer Jean-Baptiste, dont il s’avère qu’il a dénoncé Fignolé à la police.
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PERSONNAGES
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JOYEUSE
Joyeuse est une jeune femme pétillante et aguicheuse, sans inhibition
aucune. Elle joue de ses charmes qu’elle estime être ses seuls atouts pour
se sortir de la misère dans laquelle elle est née. Quand l’occasion s’est
présentée, elle a joué avec docilité le rôle que John, un journaliste
américain qui s’était amouraché d’elle, lui donnait. Elle supporte mal le
mépris que sa patronne, Mme Herbruch, et ses amis peuvent exprimer à
son égard, mais elle n’y voit pas une injustice. Au contraire, elle n’aspire
qu’à sortir de sa condition et rejoindre le groupe des dominants.
Cependant, elle est tombée amoureuse de Luckson, un étudiant qui l’a
sauvée lors d’une émeute. Pour la première fois, elle entrevoit la
possibilité d’être heureuse avec un homme, qu’elle ne voit pas seulement
comme le moyen de s’élever socialement. Malheureusement, celui-ci la
laisse languir et ne semble pas pressé de répondre aux attentes de la
jeune femme.
ANGELIQUE
Angélique est une jeune femme de 27 ans. Elle est tombée enceinte de
façon accidentelle et a eu un fils, le petit Gabriel. Elle est très ambivalente
vis-à-vis de lui, car, si elle a fini par l’aimer, elle voit aussi en lui la
conséquence du piège de la sensualité dans lequel elle est tombée et qui
lui a valu d’être abandonnée. Alors qu’elle était une jeune fille très gaie,
elle s’est aigrie et est devenu profondément pieuse. Elle semble calme et
prude en apparence, mais se sent habitée d’une grande rancœur. Elle
comprend et partage l’indignation et le désespoir des contestataires qui
tombent dans la violence politique. Elle réfrène de violents élans de désir
pour les hommes auxquels elle ne veut plus succomber. Ses relations avec
Joyeuse sont devenues d’autant plus tendues qu’elle ne peut s’empêcher
de la provoquer, en partie par jalousie.
LOLO
La meilleure amie de Joyeuse. Elle est un alter égo pour la jeune femme.
Pétillante et séductrice, elle multiplie les conquêtes et ne perçoit les
hommes que comme un moyen de mieux vivre et de s’élever. Elle est
entretenue par un homme d’une soixantaine d’années qui l’emmène en
voyage. Lolo entend bien faire monter progressivement les enchères et
obtenir toujours plus de cet amant.
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LA MERE
Femme mûre pratiquant une dévotion inébranlable pour des divinités
africaines, elle fascinait les hommes lorsqu’elle était plus jeune.
Cependant, elle a toujours voulu rester farouchement indépendante et
n’est jamais restée sous la coupe d’aucune de ses conquêtes, si bien que
ses enfants ne connaissent pas leur père.
FIGNOLE
Le frère de Joyeuse et de Fignolé est un jeune homme révolté de tout
juste vingt ans qui ne supporte pas la main mise sur l’île par le Parti des
Démunis, dirigé par un truand manipulateur. Il s’engage dans la
contestation étudiante en dépit de la violente répression qui s’abat sur
elle. Il ne supporte pas non plus le regard apitoyé de John, l’amant
américain de Joyeuse, qui croit appartenir au même monde que sa famille
par la seule magie de sa commisération. Fignolé a des amis proches,
notamment au sein du groupe de musique dont il fait partie, mais il a pris
ses distances avec d’autres camarades qui ne partagent pas son
engagement politique.
LUCKSON
Cet homme courageux et charismatique est généreusement venu au
secours de Joyeuse et de Lolo pendant une émeute. Il étudie les
mathématiques et semble à ce titre avoir un avenir, contrairement à ce
que pensent d’eux-mêmes les autres personnages principaux. Toutefois, il
ne semble pas pressé de s’engager vis-à-vis de Joyeuse et de lui donner
des gages, ce qui jette la jeune amoureuse dans le doute.
JOHN
Grand blond aux lèvres minces « des gens des pays froids », ce journaliste
américain est arrivé à Haïti dans les valises de l’armée américaine. John
se sent très proche des Haïtiens et solidaire de leur misère. Ceux-ci
acceptent l’étranger parmi eux par calcul et non sans une certaine ironie,
et se plient à l’image qu’il semble vouloir d’eux. Il devient l’amant de
Joyeuse. Fignolé finit par lui crier ses quatre vérités et l’Américain
disparaît définitivement dans l’indifférence générale.
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COMMENTAIRES
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Un univers sensuel et venimeux
Dans La Couleur de l’aube, Yanick Lahens crée un univers d’une grande
richesse. Elle évoque le quotidien d’une famille haïtienne pauvre à travers
le regard de deux jeunes sœurs au caractère opposé, mais qui ont pour
point commun d’être présentées sans concession. Loin d’être seulement
des victimes, elles ont leurs armes propres et leurs zones d’ombre.
Elles sont également toutes deux marquées par la sexualisation très
fortes des relations entre les hommes et les femmes. Angélique s’est
laissé séduire et l’a payé au prix fort, abandonnée alors qu’elle était
tombée enceinte. Elle s’est repliée dans une dévotion chrétienne
intransigeante, que tempère à peine la surprise de croiser dans la rue des
prédicateurs exaltés s’affichant au volant de grosses berlines et possédant
tous les attributs de la richesse. Elle contient en elle l’énergie et le désir
qu’elle continue de ressentir pour les hommes. Derrière l’aspect généreux
et charitable de son métier d’infirmière, elle est habitée par une rancœur
sourde qui empoisonne son existence.
Sa sœur Joyeuse a un rapport opposé à la séduction et à la sexualité.
C’est pour elle un atout et une chance de se sortir de la misère et de la
situation désespérée dans laquelle elle a le sentiment de se trouver.
L’ensemble du roman est donc traversé par une sensualité contenue ou
exacerbée. Ces attitudes semblent toutefois modelées par le désespoir
que suscitent la violence de la police et des gangs, et l’exploitation des
plus pauvres par les classes supérieures. L’insincérité et l’opportunisme
l’emportent dans toutes les attitudes de ces jeunes gens désenchantés, en
dehors de la figure de Fignolé dont la révolte cause la perte.
Une structure mosaïque
Le roman commence comme une enquête : Fignolé, le jeune frère révolté,
n’est pas rentré, suscitant l’inquiétude des femmes de la maison. C’est
Joyeuse qui part à sa recherche avec le plus d’énergie. Néanmoins, les
recherches de la jeune femme sont sommaires et le récit prend un tour
inattendu, puisqu’il dresse par petite touche, l’histoire de cette famille
dominée par les femmes qui n’ont jamais pu ou voulu s’appuyer sur des
hommes.
Les souvenirs de Joyeuse et d’Angélique remontent à la surface par
association, sans suivre un ordre chronologique qui serait par trop
didactique. Le tableau se forme peu à peu, par fragment et révèle par la
succession de séquences oniriques la personnalité de chacun des
personnages, avant que la fin tragique ne vienne rebattre radicalement les
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cartes. Tout en restreignant l’action à une seule journée, l’auteur capte le
moment chancelant où l’existence d’une famille s’apprête à basculer.
La voix des narratrices
La narration est assumée par les deux personnages principaux, Joyeuse et
Angélique. Elle prend la forme de monologues intérieurs enlevés et
passionnés qui pourraient donner la matière à de beaux passages en voixoff.
L’alternance entre le récit de l’un et de l’autre de ces personnages est
un grand atout du roman. Les deux sœurs semblent être chacune une
facette d’un même personnage dont l’existence aurait divergé
radicalement au gré des aléas de la vie. Surtout, elles s’observent et se
jugent mutuellement ce qui permet d’envisager une construction de
personnages profondes et énigmatiques. Un film pourrait en effet travailler
sur l’image de chacun des personnages, sur les dialogues, mais aussi sur
le regard que les sœurs portent l’une sur l’autre grâce à une voix off qui
pourrait alors créer avec l’action des effets de renforcement ou de
contradiction.
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CONCLUSION
La Couleur de l’aube possède de nombreux atouts pour donner lieu à un
drame riche et puissant sur la société haïtienne contemporaine. Les
personnages sont complexes et profonds. L’univers dans lequel ils
évoluent est très expressif et peut donner lieu à de belles évocations
visuelles, de même que la sensualité qui se dégage de nombreux
personnages. La structure narrative laisse entrevoir un traitement onirique
qui serait une grande originalité du film. Le roman de Yanick Lahens peut
séduire un réalisateur ambitieux, car il possède en lui des éléments
susceptibles de nourrir un film fort et singulier.
REFERENCES CINEMATOGRAPHIQUES
Raul Peck, président de la Fémis, pour ses films inspirés par Haïti
et l’actualité africaine.
PRIX LITTERAIRES
Prix du livre RFO 2009
Prix littéraire Richelieu de la Francophonie 2009
Prix des libraires Millepages 2008
L’auteur, Yanick Lahens vient de recevoir le Prix Femina 2014, catégorie
roman français, pour son dernier roman paru Bain de lune, Sabine
Wespieser éditeur.
TRADUCTIONS
Anglais, Seren Books (The Colour of Dawn)
Allemagne, Rotpunktverlag (Morgenröte)
Italie, Barbès Editore (Il colore dell'alba)
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EXTRAITS
137
[page 81, début du chapitre 11] - Angélique est la narratrice
Cet amour de John nous le lui avons bien rendu. À notre façon. Nous
étions au fond de nous ravies de ce rapt de Fignolé. Un vrai butin de
guerre. Et dès sa seconde visite, Mère l’a pris par la main, l’a planté
devant l’image du Sacré Cœur de Jésus. Là elle lui a touché deux ou trois
fois de suite la barbe et les cheveux pour qu’il fasse bien le lien entre ce
Christ accroché au mur et lui. Mère sait y faire, je vous assure. Elle sait
déployer son charme pour tenir son monde. Il a éclaté de rire, laissant
apparaître des dents blanches, bien dessinées, et a embrassé Mère sur la
joue. Il devait la trouver charming et exotique.
John est arrivé il y a dix ans avec le contingent de soldats américains
lors de la deuxième occupation d’une île où il n’y a désormais que des
soumis revenant la queue basse et des perdants partant à genoux.
Soumis et perdants se croisant dans une commune humiliation. Que
pouvait désormais un peuple dont les chefs avaient été à ce point vaincus
et humiliés si ce n’est entrer lui aussi dans la banalité quotidienne du
désastre ? Alors qui dans cette île ne voudrait pas mettre un Blanc dans
son sac, qu’il fût pasteur, coopérant ou humanitaire ? Avant il n’y avait
que les Blancs* blancs, aujourd’hui des Blancs noirs s’y sont mis aussi. Le
Blanc nous a apporté le malheur d’une main et des promesses de bonheur
de l’autre. Qui, à moins de n’être pas normalement constitué, ne voudrait
pas de cette chose extravagante qui a pour nom le bonheur et que l’on a
fait miroiter au loin ? Toujours au loin. Et c’est d’ailleurs pour nous
prouver que ce bonheur était à portée de main, que John a partagé
quelques-uns de nos maigres repas, a payé des notes de pharmacie de
Mère et à une période de vaches maigres, a même consenti à régler les
funérailles d’une cousine qui n’existe pas. Nous avons empoché l’argent en
silence. Il a deviné le subterfuge mais a joué le jeu pour apaiser sa
mauvaise conscience de messager des cieux. D’autant plus que sur terre il
voulait de Joyeuse. Et la première République noire pliait ses femmes à
genoux pour quelques dollars, un repas, des carrés de chocolat. John
regardait Joyeuse, il la regardait et avait du mal à se retenir pour ne pas
planter ses dents dans ce morceau de chair fraîche et la dévorer là sous
nos yeux. Et cela Joyeuse le sentait. Joyeuse était déjà si différente de
moi. Grande, pulpeuse. Si sûre d’elle. Si effrontée et si sexuelle. Oui le
mot est lâché. C’est bien ce qu’elle est Joyeuse. Sexuelle. Avec tout ce
que cela comporte et tout ce que l’on peut deviner. Des pieds à la tête elle
a allumé John comme une torche. Le corps encore incertain et toute jeune
qu’elle était à l’arrivée de John dans notre vie, Joyeuse connaissait déjà le
pouvoir de cette chose qu’elle savait si bien porter entre ses cuisses. À
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chaque visite de John, elle prenait le soin, sous ses yeux médusés, de
s’entortiller, de dresser un infranchissable mur de silence, ou de rire à
pleine bouche, tout essoufflée d’avoir couru. John était flatté de l’émoi
qu’il provoquait chez Joyeuse, cette jeune Noire aguicheuse, petite fée aux
mille sortilèges, aux yeux luisants comme la braise, à la croupe
enchanteresse. Et moi je guettais le moment où John allait défaillir ou la
mordre. Je pouvais imaginer le film couleur café, canne à sucre et miel
que John déroulait dans sa tête, lui novice parmi les novices, qui dans son
Amérique blanche n’avait jamais approché une Joyeuse que dans un
autobus ou à la caisse d’un magasin. John avait le goût obstiné, têtu de ce
fruit défendu et salivait à vue d’œil. Et moi, Angélique Méracin, comme
toujours je n’ai rien dit.
[page 207, fin du chapitre 30] - Joyeuse est la narratrice
Dans ma gorge des éclats de coquillages qui ne laissent rien passer.
Ni pleurs, ni colère, ni cris. Un substrat étrange. Sec et froid. Et plus bas,
au creux de la poitrine, ma pierre grise qui devient coupante. Dure.
Cassante. Dans la nuit j’ai eu le sentiment qu’elle se durcissait dans une
vraie malveillance. Et ce matin je goûte pour la première fois la haine: un
sentiment sublime qui me réchauffe le corps comme un alcool. Je mesure
la profondeur du mal et l’infinie variété de ses conséquences. La
jubilation, l’euphorie et l’indicible sentiment de supériorité qu’il procure
quand il est couronné de succès.
Le dernier acte de mon ancienne vie sera de faire partir Ti Louze à
l’insu de tous. Je la confierai à l’orphelinat des Sœurs ou ailleurs. De toute
façon loin d’ici. Je le dois à Fignolé. Le premier acte de ma nouvelle vie
sera d’abandonner Luckson après l’avoir tant attendu. Et sans remords. Le
remords est une dernière vanité mal placée. Lolo a raison.
Je pense à l’autre. Au traître. À la robe moulante que je mettrai ce
jour-là. À mes talons aiguilles. Au rouge carmin dont je dessinerai mes
lèvres et à cette chose que je dissimulerai dans mon sac. Je pense à ce
traître couché sur mon ventre et haletant pour une dernière fois. J’entends
déjà la détonation. Je sens la tiédeur du sang sur mes mains. Je vois ses
yeux démesurément grands, fixant la mort avec étonnement.
139
LE CRIME D’OLGA ARBELINA
Titre original
LE CRIME D’OLGA ARBELINA
Auteur
ANDREÏ MAKINE
Nationalité
Française
Pages
304
Editeur
© Mercure de France, 1998
Epoque
XXe siècle
Lieux
Campagne enneigée. Capitale.
Genre
Thriller psychologique
140
PITCH
Une immigrée russe d’une quarantaine d’années vit seule avec son fils
adolescent, atteint d’une maladie héréditaire. De plus en plus isolés,
notamment par l’hiver qui les coupe du monde extérieur, ils semblent
établir une relation coupable. Quand la mère pense son secret découvert
par un médecin trop entreprenant, elle est prête à tout pour le faire taire.
INTRIGUE
Olga naît dans une famille noble de Russie, avant la Révolution
bolchevique. Adolescente, elle voit avec terreur et plaisir le monde qu’elle
connaît jeté à bas. Elle rompt avec son milieu, fréquente les cercles de
poètes, les écoles pour ouvriers, s’essaie à la peinture.
Elle rencontre le Prince Arbéline. Ils se retrouvent à Paris et pendant dix
ans poursuivent une fête toujours plus folle. Enfin, ils se marient. L’enfant
qui leur naît est hémophile. Quand celui-ci a six ans, le Prince Arbéline
abandonne sa famille. Olga, devenue la princesse Arbélina, refuse toute
aide et quitte Paris.
Elle s’installe avec l’enfant dans une petite ville, au milieu d’une
communauté russe, qui occupe une ancienne fabrique. La princesse
Arbélina tient la bibliothèque. Sa vie n’est plus mondaine, tournée
uniquement vers l’enfant. Elle s’aperçoit qu’il a grandi, qu’il est un
adolescent, qu’il porte le manteau de son père. Elle trouve trace de ses
lectures dans les livres qu’elle cache et qui détaille les séquelles les plus
terribles de l’hémophilie.
Elle s’étonne parfois de s’endormir subitement. Elle remarque comme une
poudre blanche dans son infusion du soir, elle s’aperçoit que la porte de sa
chambre qui grinçait a été huilée. Elle se surprend à attendre une
présence, à la ressentir près d’elle, en elle, alors qu’elle garde les yeux
clos. Elle accepte peu à peu ce qui lui semble d’abord monstrueux.
Alors que l’hiver les tient reclus depuis plusieurs semaines, Olga doit faire
appel en urgence à un voisin russe, médecin d’appoint, car son fils s’est
blessé. Il l’opère et le veille dans la maison d’Olga. Quand les beaux jours
reviennent, l’homme s’impose à la princesse Arbélina.
141
Un soir, il l’embrasse de force. Elle pense alors qu’il ira jusqu’au chantage
pour obtenir ce qu’il souhaite. Au cours d’un pique-nique, leur barque se
renverse et l’on retrouve sur le rivage, le corps inanimé de l’homme et la
princesse Arbélina, prostrée, les seins dénudés par la transparence du
tissu trempé de sa robe.
THEMES ABORDES
L’inceste. La folie. Le désir.
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RÉSUMÉ DÉTAILLÉ
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Olga naît avec le siècle, dans une grande demeure nobiliaire à colonnades
blanches, en Russie. A six ans, elle sait que si on entoure de coussins les
arbres du parc, c’est pour protéger des coups son grand cousin. A la mort
de sa grand-mère, propriétaire du domaine, conservatrice et
réactionnaire, tout un protocole qui régissait les relations entre ceux du
château et ceux du village est abandonné. L’adolescente est plus libre de
ses mouvements.
L’oncle, qui a hérité du domaine, organise des bals costumés, où les
invités se plaisent à retourner le portrait de la grand-mère. Au cours d’une
fête, Olga surprend un couple dans une pièce écartée : l’homme est
déguisé en paysan, la femme en chauve-souris. De surprise, elle laisse
échapper la baguette de magicien de son amie Li. Quelques semaines plus
tard, alors que Li lance des feux d’artifices, l’homme se moque d’elle. La
jeune fille se blesse : elle est défigurée par l’une de ses fusées.
A seize ans, Olga vit à Saint-Pétersbourg. La demeure familiale a été
rasée, son oncle s’est suicidé. Olga fréquente avec son cousin « atteint du
mal princier » la bohème artistique de la ville. La jeunesse s’enivre des
mots, de champagne, de drogues. La marche libertaire fait voler en éclats
les vieilles traditions. Olga s’essaie à la peinture, tandis que Li, la « fille de
parents pauvres » défigurée, entre à l’école de médecine.
L’Histoire est en marche tout comme cette jeunesse festive et désabusée
qui fuit à présent vers l’Europe. Lors d’une étape dans une petite ville,
Olga est violée par un soldat roux, vêtu d’un manteau de femme. Olga
entend un coup de feu et sent le corps de son agresseur peser plus lourd,
s’affaisser en elle. Elle se dégage et fuit. Ses pas sont couverts de sang.
Dans la cour, elle découvre son sauveur, un géant aux yeux sombres
d’Oriental. « Prince Arbéline », murmure-t-il, avant de s’éloigner en
direction des coups de feu.
Olga arrive à Paris. Elle a vingt-deux ans. Elle retrouve Li. Et cet homme
qui l’avait sauvée avant de disparaître. Cette seconde rencontre entre la
princesse ruinée et le courageux guerrier en exil leur semble trop belle,
trop romanesque pour être manquée. Ils partagent leur désir, leur appétit
désespéré de vivre, les soirées littéraires, la vie mondaine des casinos.
Ils vivent ainsi dix années légères et fuyantes. Jusqu’au suicide d’un de
leurs amis, qui marque la fin de cette gaîté folle et oublieuse. Olga et son
prince Arbéline se marient. Olga a trente-deux ans quand naît leur enfant.
Il est hémophile. Au bout de six ans et demi d’une routine déchirante, le
prince Arbéline abandonne sa famille.
144
Sans ressources et souffrant d’un chagrin aigu et sans mélange, Olga se
réfugie avec son enfant en-dehors de Paris, dans une ville provinciale à la
boulangerie unique, à la vie monotone et apaisante. Pour la première fois
depuis son enfance, Olga a le sentiment de ne plus jouer un rôle, d’en
avoir fini avec les détours tortueux de sa vie. Elle rejoint une communauté
d’immigrés russes installés dans une ancienne fabrique de bière.
Le bâtiment de brique rouge brunie par les intempéries est envahi
d’herbes folles et de houblon sauvage. Le lieu a l’allure d’une forteresse :
les murs carrés renferment une cour intérieure, les fenêtres étroites
s’apparentent à des meurtrières. La proximité avec la rivière renforce
l’impression d’isolement fortifié. L’étendue entre le bâtiment et la rivière
est couverte de vase et les immigrants doivent renoncer à y construire
quelque chose de pérenne. Lieu d’habitation éloigné et manquant de
confort, l’ancienne fabrique abrite aussi une bibliothèque, située dans un
local au-dessus de l’entrée centrale.
A son arrivée, Olga aménage une annexe restée inoccupée, avec vue sur
l’étendue de vase. Vivant dans cette maison accotée au dos du bâtiment,
et ainsi coupée de la cour intérieure, Olga a l’impression d’être très
éloignée de la vie communautaire. Pour se rendre chaque matin à la
bibliothèque, dont elle est l’administratrice, Olga doit contourner deux
angles de la bâtisse et passer par les ruelles basses de la ville. Quand elle
arrive par l’entrée centrale, elle a le sentiment de venir de très loin.
Alors qu’Olga y habite depuis sept ans, à la fin de l’automne, sa maison
paraît encore plus éloignée de la ville, encore plus étrangère au monde,
car les pluies l’isolent, transformant en un pointillé de bottes d’herbe le
sentier qui y mène. Un matin, c’est le froid qui enrobe de givre le chemin
éphémère. A la nuit, les coupures d’électricités sont fréquentes et l’on voit
trembloter par les fenêtres les lueurs des bougies dans les maisons noires.
Dans la pénombre, Olga pense souvent à sa vie passée et dialogue
mentalement avec Li, ce qui constitue de brefs intermèdes dans ce tissu à
la fois dense et transparent à travers lequel elle voit le monde : la vie de
son fils. Cette année-là, à la fin septembre, au début de l’automne, elle l’a
découvert subitement grandi et adolescent. Le recueillement et la
discrétion du jeune homme le rendent presque absent.
Un soir, elle le surprend, par la fenêtre, agiter sa main au-dessus de
l’infusion, qu’elle boit avant de se coucher, puis froisser un rectangle de
papier dans sa poche. Il lui semble tendu comme quelqu’un qui veut
conserver ses agissements secrets : ce qu’elle croit alors deviner lui paraît
145
monstrueux. Elle fait le lien entre ce geste au-dessus de l’infusion et son
sommeil de mort, certains jours.
Le lendemain soir, le souffle d’une fenêtre ouverte entrebâille
silencieusement la porte de la chambre d’Olga. D’aussi loin qu’elle se
souvienne, la porte a toujours grincé. Olga se lève et ouvre franchement
la porte : elle ne grince pas. Elle touche les gonds qui luisent, l’huile en
est récente. Olga est saisie de frayeur.
Un soir d’octobre, elle découvre sous un meuble le crayon orange qu’elle a
vu glissé dans le cahier de son fils. Elle l’identifie soudain comme celui qui
marque des passages dans les livres de médecine traitant de la maladie
du jeune homme. Elle croyait que ces commentaires avaient été laissés
par son mari, mais elle s’aperçoit que c’est son fils qui a lu et annoté
spécialement les passages qui concerne sa maladie. Il sait donc tout.
Elle continue de surprendre le garçon versant quelque chose dans son
infusion, mais elle ne dit rien et se contente de boire l’infusion.
Une nuit, en novembre, la nuit de la première neige de l’hiver, elle fait
tomber l’un des anneaux des rideaux de sa chambre. Alors qu’elle
s’endort, elle voit son fils entrer dans la chambre, faire tomber un autre
anneau. Puis à la fenêtre, elle devine une ombre s’éloigner. Elle sombre
dans le sommeil. Au matin, les rideaux sont soigneusement tirés. Elle est
recouverte d’une couverture alors qu’elle se souvient s’être endormie sur
le dessus de lit. Elle a alors la conviction que cela est arrivé. Cela, qu’elle
garde encore innomé. Elle pense à fuir. Elle erre tout l’après-midi dans la
ville. Le soir, elle s’avoue ce qui s’est passé en termes rudes.
Son travail de culpabilité est interrompu par un enfant qui frappe chez
elle : il vient la prévenir que son fils s’est blessé et qu’il est à l’hôpital. Elle
le ramène à la maison une semaine plus tard. Le jeune adolescent de
quinze ans est en convalescence.
Un soir de décembre, elle voit à nouveau la poudre blanche dans son
infusion. Elle en vide le contenu dans l’évier. Dans son lit, elle reste
éveillée mais garde les yeux clos, elle ressent contre elle l’esquisse
charnelle d’un corps inconnu. Quand elle s’éveille au matin, elle est seule.
Le lendemain, en essayant une robe ancienne, elle nomme le secret :
l’inceste. Elle repense à une jalousie d’enfant, que son fils avait eue en la
voyant aller dans cette robe au théâtre avec son amant. Elle tente de
lutter, elle se rend à Paris pour parler de cette situation à Li. Mais Li lui
annonce son départ prochain pour la Russie. En rentrant chez elle, Olga
pense : « La folie doit ressembler à tout cela. »
146
Deux semaines plus tard, une nouvelle scène d’amour nocturne a lieu :
Olga semble feindre le sommeil et surprendre un adolescent nu la
caresser.
Olga songe à ne plus préparer son infusion mais redoute que son fils
devine tout. Elle n’est plus sûre de ce qu’elle perçoit. Elle le voit venir
toutes les nuits à la lueur de la bougie et se réveille seule dans le noir. Elle
se surprend à parler seule face au miroir. Elle tente d’expliquer le
comportement de l’adolescent : il est intrigué par son corps de femme, il
n’en a pas d’autre à sa disposition.
Le soir du réveillon du Noël, la mère et le fils sauvent en toute hâte des
poissons dans la mare voisine. Suite à quoi, l’adolescent a brusquement
de la fièvre. Olga contourne la fabrique pour aller chercher un voisin
russe, qui exerce parfois illégalement la médecine, pour rendre service. Il
insiste toujours : « Tout ceci doit rester entre nous. » Olga et son fils l’ont
surnommé le « médecin-entre-nous ». Cette nuit de Noël, il vient et
soigne l’enfant. Le lendemain, celui-ci est guéri.
La semaine suivante, Olga voit son fils réapparaître dans la chambre. Une
nuit, elle contemple d’un regard étranger, extérieur, comme quelqu’un qui
regarderait par la fenêtre, les deux nudités à la lueur de la bougie : la
femme immobile et l’adolescent endormi.
Au début du mois de janvier, les coupures de courant s’intensifient. Le
facteur ne fait plus de livraisons à la bibliothèque. Olga reste de plus en
plus enfermée chez elle. Puis, un matin d’hiver, le temps perd
définitivement sa cadence d’heures, de jours, de semaines. Elle sait que
son fils viendra le soir, car tout l’annonce. Dans la nuit, c’est son départ,
toujours brusque comme une fuite, qui rompt l’instant. En ranimant le feu,
elle se dit avec une résignation tranquille : « Je suis donc folle. »
Elle pense avec émotion à son fils dont c’est peut-être le dernier hiver, le
dernier printemps, et à son corps de femme qui est le premier qu’il
connaît. Le dernier, aussi. A cet instant, il lui semble que tout doit être
exactement ainsi : cette femme, cet adolescent, leur indicible intimité
dans cette maison suspendue au bord de l’hiver. Elle ne souvient plus
d’avoir vécu autrement.
Un soir de redoux, elle s’aperçoit que le grand tas de neige derrière la
maison a fondu. Au printemps, il y a des inondations. Le « médecin-entrenous » leur porte des vivres.
147
Un soir de mai, l’enfant demande à appeler le médecin car il s’est blessé.
Le médecin reste la nuit pour veiller l’adolescent. Il se tient dans la pièce
voisine. Quand son fils se met à délirer d’une voix forte, Olga redoute que
l’homme entende ces mots qui révèlent leur secret. Durant les journées
grises et fraîches de juin, l’enfant est en convalescence.
Après les orages inouïs de juillet, elle cherche à oublier, elle ne veut plus
se souvenir, il ne s’agissait pour elle que de moments de tendresse trouble
entre une mère et un fils. Selon elle, ils étaient allés un peu plus loin que
les autres. Il n’y avait eu en tout que huit ou dix nuits.
Au cours du mois de juillet, l’enfant se fait opérer du genou et reste à
Paris. Le « médecin-entre-nous », qui s’appelle Serge Goletz, poursuit
Olga de ses assiduités. Il vient la chercher à la gare, se rend chez elle
pour le thé ; s’il ne la trouve pas, il cherche à s’imposer pour le diner. Il
semble à Olga qu’il a percé son mystère, sa folie, et la traite comme une
simple d’esprit dont on voudrait abuser. Un soir, il s’introduit chez elle et
elle le repousse. Avant de partir, il lui extorque la promesse d’une
promenade. Il évoque les rideaux trop étroits de la fenêtre, qu’il a
remarqués en se promenant tard le soir, et ce qu’il a pu y apercevoir.
La promenade est l’occasion d’un repas sur l’herbe, très arrosé. Le couple
reprend ensuite sa promenade en barque. Goletz est ivre. Il tire sur la
robe d’Olga pour la déshabiller. La barque chavire. On ne sait pas si la
violence avec laquelle il se jette sur elle est due à son ivresse, à son envie
de la sauver ou à son incapacité à nager. Il disparaît sous l’eau. Son corps
émerge un peu plus loin, immobilisé par un bloc de béton. Olga se laisse
porter, entourée des lambeaux de sa robe. Sur la rive, on voit courir deux
hommes et un garçon, tenant toujours en main une canne à pêche, qui
découvrent la scène.
148
PERSONNAGES
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OLGA ARBELINA
Olga est une femme de quarante-cinq ans, éprouvée par la vie.
Auparavant, elle a vécu de fêtes et de sensualité, de mondanités et de
passion. A présent, elle est encore belle, ses cheveux sont cendrés, ses
seins souples. Elle redoute de vieillir et cherche à maintenir ses sens en
éveil. Elle se sent prise au piège dans une identité que les autres immigrés
et les habitants de la ville lui accole : princesse déchue de sa caste,
désargentée, encore noble dans l’attitude et le maintien, femme bafouée
par un mari coureur et enfui, mère brisée par la maladie de son enfant.
Elle se voit comme une femme libre de ses pensées et de ses actes. Elle
se sent incomprise par le monde.
Après le départ de son mari, elle voit régulièrement un amant journaliste.
Elle n’attend rien de lui, ni soutien, ni affection, seulement une éteinte.
L’amour pour son fils est absolu. Elle cherche à le préserver de la
diminution physique qu’entraîne sa maladie. Elle cherche à repousser le
plus longtemps possible l’échéance de la mort. On la voit peu à peu
sombrer dans la folie.
LE FILS
C’est un adolescent de presque quinze ans, chétif, brun, le teint pâle. Il
est souriant, silencieux, rêveur, effacé. Il ne parle que pour annoncer des
malheurs, qu’il s’est blessé. On le voit deux fois seulement en compagnie
de camarades de son âge : il est rieur, il semble intégré. A cause de sa
maladie, il boîte, il ne peut plus déplier complètement une de ses jambes.
A travers les yeux d’Olga, on l’aperçoit comme une silhouette dénudée,
hésitante, malhabile, et pourtant pleine de douceur et de désir. Il est
courageux et calme.
SERGE GOLETZ
C’est le voisin russe, surnommé le « médecin-entre-nous ». C’est un
homme d’une soixantaine d’années, au teint brun, comme sali de
poussière. Il présente une calvitie et un embonpoint avancés. Son aspect
est repoussant. Ses mains sont transpirantes et poilues, ses vêtements
trop petits et rapiécés. Il semble désirer Olga depuis longtemps. Il n’est
peut-être pas réellement médecin. Certains habitants de la ville l’appellent
« l’équarrisseur ». C’est un personnage marqué par sa concupiscence mais
aussi par une certaine bonhomie. Il tente de profiter d’Olga, mais
150
préférerait qu’elle soit consentante, qu’elle lui donne son amitié. L’enquête
après sa mort révèle qu’il ne tentait peut-être pas de la faire chanter.
LI
C’est l’amie d’enfance qui montre ce qu’Olga aurait pu être : aventurière,
artiste, célibataire, libre. Li est la fille de parents pauvres, défigurée par
une fusée d’artifice. Au moment où Olga s’enferme chez elle, Li s’apprête
au contraire à partir, à recommencer une nouvelle vie en retournant en
Russie.
LE PRINCE ARBELINE
Il est présenté comme un guerrier hongrois : c’est un géant brun au
regard oriental, c’est une force sensuelle. Il aime l’amour, le jeu, la fête.
Le suicide de son ami et la maladie de son fils le font sombrer dans un
désespoir suicidaire, qui l’amène à abandonner sa famille. Il ne cesse de
répéter : « voilà un beau jour pour se pendre ! ».
L’AMANT
Il apparaît peu. On ne connaît pas son nom, seulement des initiales : L.M.
Il serait un journaliste marié. Après le départ du mari, il aurait adouci
l’angle d’une table pour que l’enfant ne se blesse pas, sans jamais vouloir
devenir un père de substitution. Il apparaît sous forme de télégrammes et
de lettres. Il représente le monde extérieur, le monde au-delà de la
maison d’Olga. Il n’apparaît que pour être repoussé par Olga, qui lui
préfère son fils. Dès le début du récit, elle songe à rompre avec lui, et finit
par le faire.
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COMMENTAIRES
152
CONCLUSION
Le Crime d’Olga Arbélina peut fonctionner à la fois comme un destin de
femme (la Révolution, l’Exode, la Passion, le Jeu des casinos, le Sort qui
s’acharne) ou comme un huis-clos, comme un thriller psychologique qui
analyse, sans porter de jugement, le comportement d’une femme seule
avec son fils. Il y a une tension dramatique très forte qui amène le
spectateur à douter en permanence de ce qu’il voit : est-ce que l’inceste
est consommé ou non ? Olga a-t-elle tué le médecin pour se protéger ?
Est-ce un accident ? Que savait vraiment celui-ci ? Bien entendu, toutes
les pistes restent ouvertes à l’interprétation, ce qui fait à la fois la
fascination et l’horreur de ce récit. Le narrateur, ici, joue sans cesse avec
les points de vue : qui voit ? D’où ? De l’intérieur ? De l’extérieur ? Cet
événement est-il ressenti ou vécu ?
Enfin, l’environnement naturel, le décor jouent fortement sur l’humeur et
les émotions des personnages (et des spectateurs) : la pluie qui efface le
chemin, la neige et le givre qui isolent du monde, les coupures
d’électricités qui font vivre dans une nuit quasi permanente, ou encore la
chaleur du printemps et de l’été qui apporte légèreté et désir d’oubli. La
nature prise par le froid et par l’hiver est décrite dans un langage
expressif qui en recrée la sensation et la beauté.
REFERENCES CINEMATOGRAPHIQUES
François Truffaut, Pawel Pawlikowski, Xavier Dolan
CESSIONS
POCHE (FOLIO)
TRADUCTIONS
Anglais (Angleterre et Etats-Unis), Allemand, Bulgare, Chinois complexe,
Espagnol, Finlandais, Grec, Hébreu, Italien, Néerlandais, Norvégien,
Roumain, Serbe, Suédois
153
EXTRAITS
154
p. 315-317, édition Folio
- Allez-vous-en ! dit-elle d’une voix fatiguée. Je vous en prie…
Elle alla à la porte-fenêtre, l’ouvrit largement, en écartant le rideau.
Il obéit, en murmurant avec un ricanement vexé : « D’accord, d’accord…
Mais vous ne me refuserez pas quand même le plaisir d’une simple
promenade ? Demain, dans l’après-midi… » Il sortit, se retourna et
attendit la réponse. Elle fit « non » de la tête et tira la poignée. Le bouton
de manchette brilla – il eut le temps de bloquer la porte.
- Un dernier mot, lança-t-il, ne parvenant pas à équilibrer sur ses
lèvres le sourire et les tiraillements de colère. Le tout dernier, je vous
assure. Cette porte vitrée dont vous m’écrasez le bras (elle lâcha la
poignée), cette porte-fenêtre très large pour ces rideaux, ou ces rideaux
trop étroits, comme vous voulez…
Elle perçut en elle un profond frisson qui germait rapidement dans
son ventre, montait à la poitrine, tordait les muscles de sa gorge.
L’homme allait annoncer quelque chose d’irréparable, elle en avait une
intuition précise, aveuglante. Elle l’avait senti, inconsciemment, depuis le
début de ses manœuvres et c’est ce pressentiment qui la rendait
désarmée contre lui.
- … ces rideaux vraiment trop étroits, voyez-vous, ne me sont pas
tout à fait inconnus. J’ai, voyez-vous, un faible, j’aime me promener tard
le soir, avant d’aller me coucher. Que voulez-vous, quand on vit seul… Et
puis je suis très observateur…
Il aurait fallu lui couper la parole, le retenir au bord de la nouvelle
phrase… Il aurait fallu le laisser faire tout à l’heure, accepter ses baisers,
se donner à lui car ce qu’il allait dire étaient mille fois plus monstrueux.
Mais l’air devenait lourd comme le coton mouillé, il entravait les gestes,
étouffait la voix.
- Surtout qu’avec les froids de cet hiver, je me suis souvent
inquiété : vous avez un enfant… euh… malade, dans cette bicoque, on ne
sait jamais. Un soir, je passais justement tout près, presque sous vos
fenêtres, j’ai jeté un coup d’œil, les rideaux étaient tirés, mais ils sont, je
vous l’ai dit, trop étroits… Donc j’ai regardé et…
… Et je vous ai vue, vous, et votre fils, nus, dans un acte d’amour.
Non ! Il ne le dit pas. Elle crut qu’il allait le dire et la phrase devint
immédiatement réelle, inséparable de ce qui l’avait précédée. Peut-être
155
venait-il de parler aussi de leur nudité, de l’étrangeté charnelle de leur
couple… Elle ne savait plus…
- Enfin, vous comprendrez sans doute mon étonnement… J’en ai vu
d’autres dans ma vie… Je ne suis pas un enfant de chœur, loin de là. Mais
quand même ! Heureusement, je ne suis pas bavard car sinon, vous
connaissez les mauvaises langues…
… Et quand je vous ai proposé mon… amitié, c’était pour pouvoir
vous en parler plus librement, vous comprenez, en intimité. Et pour vous
donner la possibilité de vivre normalement votre vie de femme, avec un
homme qui vous ferait jouir…
Non ! Il ne prononça pas ces dernières paroles ! Mais elles étaient
tout de même réelles, incontournables car imaginées par elle.
156
CROSS FIRE
Titre original
CROSS FIRE
Auteur
JEAN-LUC SALA ET PIERRE-MONY CHAN
Nationalité
Française
Pages
6 tomes de 48 pages
Editeur
© Editions Soleil, 2004
Epoque
Contemporaine
Lieux
Canada, Italie, Vatican et Irak
Genre
Aventure / action
157
PITCH
Pour régler une vieille dette d'honneur, un parrain de la Mafia met à la
disposition du Vatican son meilleur tueur. Ce jeune prodige du flingue est
engagé par un cardinal, en marge de l'administration vaticane, qui dirige
le Cabinet noir, pour mener des missions discrètes. Il sera l'ange gardien
d’une jeune et belle investigatrice nommée Sofia. Mais leurs missions
pourraient révéler des secrets vieux de 2000 ans et mettre en danger le
Vatican.
INTRIGUE
Le Cabinet-noir du Vatican, dirigé par Monsignor le Cardinal Marchesi, a
pour mission d’être informé de tout et de protéger discrètement les
intérêts du Vatican en cas de menace. Or, au cours d’une mission, un de
ses agents est tué. Pour protéger la meilleure de ses espions, la sexy et
très intelligente Sofia d’Agostino, Marchesi fait appel à une de ses vieilles
connaissances de la mafia. Celui-ci lui conseille son neveu, un tueur
audacieux et beau gosse, nommé Angelo Costanza.
Cross Fire raconte la course poursuite de différentes organisations
occultes et de nos deux héros, pour s’emparer d’un potentiel évangile
hérétique retrouvé en Irak, écrit par Judas.
Sofia a été contactée par son indic Prometheus, qui réclame de l’aide sur
un site archéologique qui pourrait être celui du tombeau de Judas. Des
manuscrits s’y trouvent qui pourraient s‘ils s’avéraient authentiques,
pourraient mettre à bas le pouvoir du Vatican. Marchesi comprend
immédiatement la dangerosité du dossier et envoie sa meilleure agent
accompagnée de son protecteur maffieux.
Dans un premier temps, Angelo et Sofia qui font connaissance non sans
réticence, découvrent qu’on cherche à les doubler ; différentes
organisations secrètes sont aussi sur le coup : L’ordre de Béthanie,
héritiers des Templiers, franc tireurs de l’Eglise, et combattants
d’exception, les équipes du l’Inquisition, sensées collaborer avec Marchesi,
mais manifestement motivées par leur propre intérêt.
Peu après Marchesi et Angelo disparaissent mystérieusement.
Marchesi a en fait été contacté par Prometheus, qui se révèle être le
158
maître de l'ordre de Béthanie. Lui aussi en course pour le manuscrit, il
souhaite rallier Marchesi à sa cause et espère qu’il prendra sa succession à
la tête des Templiers. Marchesi décide de rester auprès de Prometheus
pour se faire initier, craignant pour la vie d’Angelo également kidnappé.
Angelo, aux mains de Prometheus, parvient à s’échapper. Il rejoint Sœur
Anna (experte en datation), Gina (cousine sulfureuse d’Angelo) et Sofia
qui viennent d’échapper aux sbires du Cardinal Monsignor Markus, le bras
droit du Grand Inquisiteur, officine concurrente. Tous partent retrouver le
tombeau de Judas et entrent en Irak sans encombre, grâce à Rebecca,
archéologue. Mais Rébecca travaille pour Prometheus.
Alors que Sofia vient de localiser le tombeau au fond du lac artificiel du
barrage de Saddam Hussein, Rebecca fait exploser une bombe qui
ensevelit Sofia. Angelo récupère son corps sans vie. Restée à la surface,
sœur Anna comprend que son tour est arrivé.
Notre héros va-t-il réussir à se sauver et protéger le Vatican ?
THEMES ABORDES
Le côté obscur du Vatican
La quête du Graal
La complicité improbable d’un tueur et d’une agent spéciale du Vatican.
159
RÉSUMÉ DÉTAILLÉ
160
Aujourd’hui, au Canada, l’équipe composée de Sofia et Luigi, agents des
opérations spéciales du Vatican, est sur la piste d’un trésor caché à
l’intérieur d’un puits. Au lieu de trouver sur les lieux une équipe
d’archéologues effectuant des fouilles, Luigi et Sofia découvrent qu’ils sont
plutôt
en
compagnie
de
mercenaires
armés
jusqu’aux
dents. Leur mission est de ramener un échantillon d’ossements qu'ils
trouveront dans le tombeau pour effectuer une datation. La mission
accomplie, Luigi et Sofia prennent la clé des champs.
Mais ils sont suivis par les mercenaires. Chacun sur leurs quads, Sofia et
Luigi tentent d’éviter les balles, pourtant un hélicoptère les prend d’assaut
et tire une bombe qui atteint Luigi. Son quad explose devant Sofia, en
larmes. Seule, Sofia parvient à s’échapper.
De retour au Vatican, Monsignor Marchesi souhaite trouver de toute
urgence quelqu’un qui pourra veiller sur sa meilleure investigatrice. C’est
ainsi que Marchesi fait appel à Costanza, un parrain de la mafia, qu’il a
connu alors qu’il n’était pas encore rentré dans les ordres. Afin de
respecter une vieille dette d’honneur, Costanza met à la disposition du
Vatican son meilleur tueur, son neveu : Angelo Costanza. Il doit donc se
rendre au plus vite au Vatican et rencontrer Marchesi.
Lorsqu’Angelo arrive au Cabinet noir du Saint–Siège, il est loin d’être
attendu comme le messie et Sofia n’apprécie pas l’idée de devoir être
chaperonnée. Angelo s’empresse de faire bonne figure, auprès de la jolie
Sofia. Marchesi prend le temps de lui expliquer le rôle du Cabinet noir. Le
Vatican est stable sur ses fondations et l’Église n’accepterait pas qu’un
seul de ses piliers soit remis en question. Le Cabinet noir intervient pour
déceler et désamorcer toute menace ou toute révélation.
Il s’avère que certaines enquêtes les poussent parfois à mener des
infiltrations dans des musées ou chez des particuliers, afin que des
documents religieux ne tombent pas entre de mauvaises mains. La
dernière mission s’est soldée par la mort d’un agent, car ils ont dû faire
face à un bataillon de mercenaires. C’est pour cela qu’il a fait appel à lui.
Si cette situation devait se reproduire, Angelo devra protéger Sofia.
En parallèle, dans les cryptes du Vatican, le Cardinal Markus et le Grand
Inquisiteur discutent de Marchesi. Ce dernier est un érudit qui travaille
depuis longtemps pour le Cabinet noir. Il a rassemblé les pièces d’un
puzzle occulte dont Monsignor Markus est le gardien. Markus doit le
surveiller et l’empêcher de le mettre en péril, sinon il faudra réduire au
silence son cher Marchesi.
161
Alors que Sofia envoyait les mails annonçant le décès de Luigi, un certain
Prometheus prend contact avec elle. Selon Marchesi, Prometheus est leur
meilleur informateur. Ils n’ont jamais réussi à l’identifier, mais il s’agit
certainement d’une personne haut placée du Vatican, car il dispose
d’informations de premier ordre et les a toujours aiguillés sur des pistes
intéressantes. Cette fois-ci, Prometheus affirme qu’un ensemble de
parchemins auraient été exhumés dans le plus grand secret à Jérusalem.
Ces parchemins confirmeraient une thèse hérétique selon laquelle un
évangile aurait été écrit par Judas.
Voici leur prochaine mission : se rendre à Jérusalem et subtiliser ces écrits
afin de pouvoir les dater. Si le parchemin qu’il retrouve est bien un
évangile plus vieux que ceux sur lesquels sont basés les fondements de
l’Église catholique, cela voudra dire que l’Église ne détient pas la parole
divine, d’autant plus que cet évangile serait écrit par Judas, celui qui a
trahi Jésus. Si le manuscrit est authentique, cela prouverait surement que
Judas ne s’est pas suicidé.
Arrivés sur le chantier de fouilles, à Jérusalem, ils constatent une nouvelle
fois la présence de militaires. C’est une preuve éclatante de l’importance
du manuscrit trouvé. Mais leur arrivée est connue des militaires dirigés
par Markus qui fera tout pour les empêcher d’accéder à ce parchemin.
Marchesi et Sofia souhaiteraient que leur infiltration se passe sans
encombre et sans le moindre mort.
Ils utiliseront donc les méthodes habituelles, fléchettes anesthésiantes et
grenades aveuglantes. Angelo ne sera là que pour couvrir Sofia et il ne
devra faire feu sous aucun prétexte. Malheureusement la mission tourne
au carnage et Angelo doit reprendre les choses en mains. Leurs
adversaires sont prêts à tuer pour cet évangile, ils vont devoir riposter.
Lorsque Sofia et Angelo parviennent à entrer dans la salle, le parchemin
est enflammé. Un seul feuillet a été sauvé des flammes.
Suite à cette mission, Marchesi est en plein doute. Cette quête égoïste de
la vérité n’est-elle pas en train de les éloigner de Dieu ? Il y a déjà eu trop
de morts et cette méthode est contraire aux commandements divins. Pour
Sofia, ils doivent absolument quitter le pays et faire identifier le morceau
de parchemin qu’ils ont sauvé. Marchesi et son équipe vont se rendre chez
le père Dimitrios qui réside au monastère du mont d’Athos, il leur traduira
ce parchemin.
162
Mais cet endroit est aussi un piège, car le Grand Inquisiteur souhaite que
Marchesi et ses agents soient tués. Leur curiosité pourrait mettre en péril
toute leur organisation.
Arrivés au port de Saint-Jean d’Acre, Sofia, Marchesi et Angelo sont
accueillis par Costanza, ainsi que par la belle Gina, dont la complicité
qu’elle entretient avec Angelo a l’air d’affecter Sofia.
Le lendemain, sur les côtes du Mont Athos, sœur Anna, agent de
Monseigneur Kyu (expert en datation, inventeur, et maitre en logistique
du Cabinet noir), les rejoint sur le bateau afin d’effectuer la datation du
parchemin.
Sofia, Angelo et Marchesi se rendent chez le père Dimitrios avec le reste
du parchemin. Mais sur la route du Mont Athos, ils sont attaqués par les
agents de Markus. Marchesi et Angelo disparaissent dans la mer Égée.
Marchesi est en fait recueilli dans un sous-marin. Un homme se dirige vers
lui, il se présente comme étant Prometheus. Il l'assure qu'il est loin d'être
son ennemi et qu'il souhaiterait même qu'il rejoigne son ordre et même lui
succéder.
Revenues à bord, Sofia et Gina sont affectées par la mort d'Angelo et de
Marchesi. Le Père Dimitrios les a suivies afin de traduire le morceau de
parchemin et ainsi honorer le père Marchesi, afin qu'il ne soit pas mort en
vain.
Alors que Gina allait lui révéler quel lien l'unissait à Angelo, sœur Anna les
rejoint en criant « Judas ! C'est Judas ! »
Ce parchemin, écrit en araméen, est le premier rouleau d'une lettre que
Judas a adressé à sa secte de fidèles, certainement à la veille de sa mort.
Père Dimitrios leur remet sa traduction, mais devant la haute teneur
hérétique de ce document, il leur demande de ne plus l'impliquer dans
leurs recherches. Elles sont sur la piste des premières hérésies, des
Templiers, donc de tout ce qui a toujours été impitoyablement persécuté
et exterminé par l'Église catholique.
Soeur Anna, Sofia et Gina, qui est en fait la cousine d’Angelo, sont donc
seules pour venger Marchesi et Angelo.
Dans ce parchemin, Sofia trouve enfin le lien qui unit Judas et les
Templiers: le Graal. Mais pour confirmer ce lien, elles doivent se rendre
aux archives secrètes du Vatican.
163
Au Vatican, convaincu de la mort de Marchesi, Monsignor Markus dissout
le Cabinet noir et tous ses services. Pour le Grand Inquisiteur, C’est l’ordre
des Templiers, ennemi héréditaire du Vatican, qui cherche à s’emparer du
manuscrit, et il les détruira.
Alors que les nos 3 héroïnes s'apprêtent à rejoindre le Vatican, à bord du
sous-marin, Prometheus conte à Marchesi l'histoire du Graal.
L'ordre du Temple a survécu jusqu'à aujourd'hui. Les Templiers détenaient
le secret de Judas et celui du Graal. Ces savoirs occultes découverts et
gardés par les Templiers ont été menacés par les rois et les papes lors de
L’Inquisition. L’ordre des Templiers dissout, ils ont créé des ordres secrets
à travers le monde, dont fait partie l’ordre de Béthanie dirigé par
Prometheus. Ces confréries ont pour but de transmettre les secrets de
templiers. Voici ce qu'il lui propose : devenir son successeur et connaître
tous les grands secrets.
Convaincu de son hérésie, Marchesi tente de s’enfuir, mais lorsqu’il
découvre qu’ils détiennent aussi Angelo, qui pourrait être son fils, il
accepte leur requête.
Grâce à Sofia et ses techniques d’infiltration, la fine équipe s’introduit
dans sanctum sanctorum, la partie la plus secrète de la bibliothèque et
récupére les livres essentiels à leur quête.
Angelo reprend ses esprits dans un hôpital maltais et tente de s’échapper
avec Marchesi, mais ce dernier fait part de sa volonté de rejoindre l’ordre
de Béthanie et les Templiers.
Angelo parvient à retrouver Gina, Sofia et Anna. Elles sont soulagées de
savoir que Marchesi est lui aussi en vie.
Un des ouvrages qu’elles ont récupéré aux archives secrètes les mène sur
la piste du tombeau de Judas, en Irak, plus précisément à Mossoul.
Angelo, Sofia et Anna, se dirigent donc vers Mossoul. Aidés par une amie
de Luigi, Rebecca Mackeow, archéologue, responsable des sites irakiens,
elle les conduit directement sur le site archéologique de Ninive.
Pensant que Rebecca est une femme de confiance, ils lui font part de leurs
récentes découvertes.
Au même moment, l’armée de l’ombre de Monsignor Markus est en route
vers le domicile de Kyu pour le tuer. Arrivés dans les ruines de Ninive,
Sofia, Anna et Angelo partent à la recherche de la tombe de Judas, grâce
164
aux indications données par le manuscrit.
Rebecca qui est en fait un membre de l’ordre de Béthanie, appelle son
maître Prometheus pour lui faire part des découvertes des ex-agents de
Marchesi. Rebecca devra les réduire au silence. Elle décide de faire appel
aux autorités irakiennes et déclare que des pillards sont entrés dans le
site archéologique de Ninive.
Alors qu’ils s’apprêtent à quitter les lieux, une bombe explose tout près
d’eux. Sofia, sœur Anna et Angelo luttent contre des militaires et
parviennent à s’échapper. Durant l’attentat, un des gadgets que leur avait
confié Kyu pour leur mission est été touché, et le mécanisme d’ouverture
a été abimé. Ils n’ont aucun moyen de l’ouvrir, sauf si Kyu leur fourni un
autre moyen de l’ouvrir. Mais étrangement Monsignor Kyu ne répond pas
à leurs appels. Inquiète pour lui, Anna le rappelle, cette fois-ci son robot
décroche et lui annonce que monsignor Kyu est mort. Anna demande à
Gina, restée à Rome, de lui confirmer la mort de Monsignor Kyu.
Mais L’Inquisition a intercepté l’appel et localise Sofia et son équipe. Anna,
Angelo et Sofia sont en route pour le barrage de Saddam Hussein. Sous ce
lac qui s’est formé au-dessus de ce barrage, se trouverait la tombe de
Judas.
Pendant ce temps, Gina arrive chez Monsignor Kyu mort en effet. Elle y
est attaquée par un des agents de Markus. Elle parvient à le tuer et décide
de rejoindre ses amis en Irak.
À Malte, Marchesi est devenu un chevalier de l’ordre de Béthanie, il est
donc prêt à comprendre le grand secret : celui de l’immortalité ou de la
résurrection.
La pierre de l’immortalité est une météorite apparue au temps des
égyptiens. Les maîtres des différents ordres, comme Prometheus, ont tous
portés un éclat de cette pierre. Elle ne donne pas la vie éternelle, mais
elle lui a permis de vivre bien plus longtemps. Cet objet divin a été gardé
par les ordres puis… Prometheus est interrompu, car les ex-agents de
Marchesi sont sur le point de découvrir le secret des Templiers.
Alors que Sofia et Angelo plongent à la recherche de la tombe de Judas,
Rebecca, qui a reçu des directives strictes de la part de Prometheus, fait
son apparition devant sœur Anna restée à terre.
Rebecca maîtrise Anna et plonge pour retrouver Angelo et Sofia.
Arrivée au sanctuaire, Sofia constate la présence d’une obélisque et une
165
rose des vents comme sur la place du Vatican et c’est à ce moment qu’elle
comprend tout, que tous les plus grands secrets des templiers, le tombeau
de Judas et le graal sont dissimulés dans le livre de pierre qu’est le
Vatican. Le chevalier Bernin, alors qu’il supervisait la construction du
Palais de Saint-Pierre, a été contacté par l’ordre des Templiers pour
construire cette grande énigme de pierre.
Mais c’est à ce moment qu’une bombe explose et ensevelit Sofia. Angelo
parvient à l’extirper, mais il récupère son corps qui semble sans vie.
Rebecca remonte elle aussi à la surface, sœur Anna sait que son tour est
malheureusement arrivé.
Que fera Marchesi quand il saura que les Templiers qu’il vient de rallier
cherchent à tuer ses amis ? L’Inquisition parviendra-t-elle à s’emparer du
secret des templiers et à étouffer la vérité ?
Nos amis vont-ils mener à bien la mission de protection du Vatican qui est
la leur ? Et à quel prix ?
166
PERSONNAGES
167
SOFIA D’AGOSTINO
Sofia est une jeune fille d’une vingtaine d’années. De caractère impétueux
et de nature réservée, c’est une spécialiste de l’ordre des Templiers, c’est
d’ailleurs pour cela qu’elle a été engagée par Marchesi. Spécialisée dans
l’exfiltration de documents secrets, elle a toujours menée ses missions
sans effusion de sang, privilégiant les techniques de défense douce. C’est
pour cela que son association avec un tueur de la mafia ne tombe pas
sous le sens.
ANGELO COSTANZA
C’est le neveu du maffieux sicilien Costanza. Brut de décoffrage, charmeur
et séducteur, son humour et sa naïveté ne séduisent pas grand monde au
Vatican. C’est un tueur hors pair, d’une condition physique sans égale et
capable de s’extirper des situations les plus difficiles. Son passé est
trouble, ses parents ont été assassinés par des maltais. On apprend au fur
et à mesure du récit qu’il est le fils de Monsignor Marchesi.
MONSIGNOR MARCHESI
C’est un Cardinal d’une soixantaine d’années, il est à la tête du Cabinet
noir du Vatican. C’est un homme torturé par la recherche de la vérité,
mais aussi par son passé de truand.
SŒUR ANNA
C’est une belle jeune fille d’une vingtaine d’années. Experte en datation de
fichiers anciens, elle lit le mandéen et le latin. Mais elle maitrise aussi le
Krav Maga.
GINA
C’est une séduisante trentenaire. Cousine d’Angelo, c’est une femme qui
n’a peur de rien et qui manipule les armes et la bagarre comme personne.
Toujours élégante, elle n’hésite pas à partir à l’attaque en tailleur et talon.
168
PROMETHEUS
Vieil homme amoindri et grand maître de l’Ordre de Béthanie,
Prometheus était, jeune, destiné à une grande carrière ecclésiastique au
Vatican. Mais sa quête de la vérité sur le Graal l’a mené vers une carrière
tout aussi ambitieuse mais cependant plus occulte.
LE GRAND INQUISITEUR
Il est vêtu d’une cape qui lui couvre le visage. Ses cheveux sont longs et
blancs, tout comme ses yeux. Il semble avoir traversé les âges, sans le
moindre impact physique, déjà présent au XIVe siècle lors de la
dissolution de l’ordre des Templiers. Il est aujourd’hui à la tête de
l’Inquisition, censée étouffer toutes les découvertes hérétiques de l’Église.
Il possède le pouvoir de vie ou de mort.
169
COMMENTAIRES
170
Cross Fire est une bande dessinée d’action et de divertissement sur fonds
de lutte de pouvoir au Vatican.
Elle présente un Vatican moderne qui n’a rien à envier aux grandes
organisations secrètes internationales, criminelles ou policières, sans avoir
renoncé à ses quêtes ésotériques fondamentales.
La singularité de Cross Fire réside dans ce mix d’atmosphères
d’espionnage, de couloirs feutrés du Vatican, de manuscrits hérétiques, de
bibliothèques et de spécialistes du mandéen, et une course poursuite
pétaradante et endiablée qui n’a rien à envier au plus tonique des James
Bond.
On est ici dans le plus pur genre du divertissement d’action. Et le scénario
tient sa promesse : on retrouve avec jubilation les incontournables du
genre : scènes d’action extrêmes au tout semble désespéré, des voitures,
des armes, des explosions et une bande de jolies fille qui n‘ont pas froid
aux yeux. Mais le cœur de l’intrigue liée aux fondamentaux de l’Eglise
catholique et aux enjeux géopolitiques du Vatican de nos jours, pousse
assez loin la réflexion avec des enjeux crédibles, fondés et intéressants.
REFERENCES CINEMATOGRAPHIQUES
Entre James Bond et Le Da Vinci Code
SUCCES DU LIVRE
Plus de 80.000 exemplaires vendus.
TRADUCTIONS
Anglais : Marvel
Allemand : Splitter Verlag
Néerlandais : Uitgeverij Saga
171
EXTRAITS
172
173
174
DOLFI ET MARILYN
Titre original
DOLFI ET MARILYN
Auteur
FRANÇOIS SAINTONGE
Nationalité
Française
Pages
288
Editeur
© Grasset & Fasquelle, 2013
Epoque
2060
Lieux
France, Allemagne
Genre
Comédie dramatique
175
PITCH
Lorsque Tycho Mercier, historien discret, gagne à une tombola de
supermarché le sixième exemplaire prohibé d’un clone d’Hitler, et hérite
de la Marilyn du voisin, reconstitution piratée de la célèbre starlette, sa vie
bascule.
INTRIGUE
Paris, 2060 : la loi autorise le clonage humain des célébrités décédées.
Tycho Mercier, un professeur d’histoire divorcé, voit son quotidien
contrarié le jour où il remporte un clone d’Adolf Hitler à une tombola. Son
fils s’entiche très vite du clone, qu’il surnomme « Dolfi ». Mais la série
dont ce clone est issu a été prohibée par la loi – il est désormais illégal
d’en posséder un chez soi. Désireux de s’en débarrasser, le héros se
retrouve confronté à un dilemme moral quand il découvre le sort réservé
aux clones prohibés : ceux-ci sont purement et simplement éliminés.
Un ennui n’arrivant jamais seul, le héros se retrouve forcé d’héberger un
clone de Marilyn Monroe le jour où son précédent propriétaire, un voisin,
succombe à un AVC. Marilyn est elle aussi un clone illégal, mais le héros
est d’autant moins enclin à s’en débarrasser qu’elle le rejoint dans son lit
tous les soirs et qu’il commence à éprouver des sentiments amoureux à
son égard. Cette petite communauté poursuit sa vie tranquille jusqu’au
jour où la police débarque au domicile. Les clones ont tout juste le temps
de s’enfuir : ils disparaissent sans laisser de traces et ne donnent pas
signe de vie pendant plusieurs années.
Cinq ans plus tard, le héros reçoit une invitation pour se rendre aux
festivités destinées à marquer la naissance d’un nouvel Etat : la
principauté de Schliffkopf, un territoire qu’un milliardaire mégalomane a
racheté à l’Allemagne. Une fois sur place, le héros découvre que le
Chancelier de la principauté et son épouse ne sont autres que… Dolfi et
Marilyn !
Le milliardaire allemand Reinhard Gentschel les a pris sous son aile et a
fait de Dolfi sa marionnette. Gentschel, centenaire éperdument
nostalgique du IIIe Reich, a un projet diabolique : recréer un Reich éternel
en clonant Dolfi autant de fois que nécessaire. Mais ce projet est stoppé
net par un attentat : l’explosion d’un avion dans laquelle Dolfi, Marilyn et
Reinhard Gentschel trouvent la mort.
176
A son retour chez lui, bouleversé par la perte de Marilyn, le héros
commande un nouveau clone de Marilyn Monroe qu’il tente de modeler « à
l’image » de celle qu’il aimait.
THEMES ABORDES
Clonage et dérives de la biotechnologie
Frontières entre l’inné et l’acquis
Le Bien et le Mal
La tentation totalitaire
Le monde de demain et le poids de l’Histoire
La singularité et les archétypes
La responsabilité individuelle
L’amour et comment il nait
177
RÉSUMÉ DÉTAILLÉ
178
Nous sommes en 2060, la société est restée la même, à une différence
près : désormais le clonage humain est autorisé et les clones peuvent
s’acheter en toute légalité ou presque. L’attente est longue mais pour ceux
qui peuvent mettre le prix, se procurer un clone est facile, le piratage de
clones est répandu, mais sévèrement sanctionné. La règlementation est
stricte : on ne peut cloner qu’une personne décédée depuis plus de 70
ans, et certains personnages controversés de l’Histoire sont formellement
prohibés.
Professeur d’Histoire spécialisé dans la seconde Guerre Mondiale à
l’Université, père divorcé pince sans rire d’une quarantaine d’années
élevant seul son petit garçon Bruno, Tycho Mercier mène une existence
simple et un peu morne.
Un jour ordinaire, après avoir donné à ses étudiants un cours sur l’Histoire
du 20e siècle et emprunté le RER pour regagner son pavillon de banlieue,
il franchit le seuil et retrouve son fils.
Ce dernier n’est pas seul : assis dans le fauteuil club du salon, un homme
en culotte de cuir tyrolienne et pull-over dont le visage lui parait familier.
Etonné, Tycho Mercier demande des explications. Bruno lui explique alors
qu’il s’agit d’un lot, gagné par sa mère, à la tombola du supermarché. En
regardant de plus près, saisi de terreur, l’universitaire s’aperçoit qu’il s’agit
là du clone d’Adolf Hitler, sans moustache certes, mais bien un des clones
prohibés du Führer.
Furieux, il contacte son ex-femme, avec qui il n’entretient pas les
meilleurs rapports.
En effet, tout les oppose, professeure de fitness nourrie aux UV et
collectionneuse d’amants, cette dernière ne se montre pas d’une grande
aide pour trouver une solution au problème qu’elle a pourtant créé.
Mercier décide de rendre le clone du Führer au magasin, qui ne veut rien
entendre, malgré la menace d’un procès. Son ex-femme lui suggère alors
d’appeler un de ses anciens amants, haut placé dans l’administration de
régulation des clones.
Bruno commence à s’attacher au clone, qu’il a d’ailleurs surnommé Dolfi,
et avec qui il fait de longues parties de jeux vidéo, mettant en scènes les
plus grandes batailles de la Seconde Guerre Mondiale. Passionné
179
d’Histoire, ce jeune garçon espiègle a tiré la référence du petit nom donné
à Adolf Hitler par Eva Braun.
Vexé par la suggestion mais tellement désespéré, Mercier contacte
l’amant. Ce dernier se montre très prévenant, sans toutefois apporter de
réponse claire. Il lui propose de venir avec lui effectuer une mystérieuse
visite.
Une fois sur place, dans une zone industrielle sinistre, Mercier comprend
ce qu’il advient des clones illégaux ou piratés : l’élimination pure et
simple. C’est le choc.
Il rentre chez lui et abandonne l’idée de laisser Dolfi, et ce malgré les
risques de poursuites qu’il encourt.
Après tout posséder un clone n’a rien d’exceptionnel, le voisin détient
d’ailleurs celui de Marilyn Monroe, tout à fait remarquable, qui ravive chez
Tycho une fougue qu’il croyait bien enfouie.
Et puis Dolfi n’a rien d’un dictateur, réservé et discret il exécute les tâches
ménagères sans protester, ne parle jamais sans qu’on ne lui demande et
se montre heureux comme un prince à la vue d’un chocolat chaud. En
plus, malgré la mèche emblématique, il reste difficilement reconnaissable,
et cela d’autant plus que ce clone illégal n’est pas abouti et que son
développement intellectuel s’est arrêté à l’âge de l’adolescence.
Et la seconde Guerre Mondiale est bien loin dans la plupart des
mémoires…
La vie continue, donc. Dolfi se révèle être un excellent jardinier, et un
redoutable partenaire de jeux pour Bruno.
Jusqu’à ce qu’on frappe à la porte.
Marilyn, le clone du voisin, en larmes, désespérée, échevelée. Son
propriétaire a fait un AVC, elle a besoin d’aide.
Mercier, décontenancé, la suit chez le voisin, accompagné de Dolfi. Devant
la gravité de la situation il appelle le docteur Grinstein, médecin du
quartier d’origine juive, qui se montre soupçonneux à la vue du clone et
pose quelques questions. Le voisin est emmené à l’hôpital, son état n’est
pas encourageant.
Marilyn supplie alors Mercier de l’héberger et, sensible à ses charmes, il
cède. Petit à petit elle s’impose dans la petite famille, et dans le lit de son
hôte. C’est alors que Tycho découvre l’impensable : Marilyn est un clone
180
piraté : elle ne possède pas de tatouage d’identification comme c’est la
règle. Malgré tout, lorsque son propriétaire décède, elle s’installe pour de
bon chez les Mercier. Ces derniers hébergent désormais un clone prohibé
et un clone piraté.
Un voisin finit par découvrir de qui Dolfi est la reproduction et dénonce
Mercier.
A l’arrivée de la police, les deux clones prennent la fuite, ensemble.
Mercier écope d’une amende et retrouve sa vie d’avant. Il se demande
souvent où se trouvent les deux clones, surtout Marilyn.
Sans nouvelles d’elle depuis presque trois ans, il retrouve sa trace grâce
au docteur Grinstein. Ce dernier l’emmène dans un cabaret clandestin
d’une banlieue sordide où le clone de la starlette, ayant perdu sa superbe,
s’effeuille tristement. Mercier est choqué. Aussi, lorsque le médecin lui
donne l’adresse de la jeune femme, il ne peut s’empêche d’aller la voir.
Elle habite désormais dans un quartier défavorisé, dans un appartement
miteux, dans la misère. Lorsqu’il pénètre dans l’appartement, Mercier
remarque une chaise pour enfant.
Il découvre alors que Marilyn a une fille. Pendant la fuite, elle s’est liée à
Dolfi, elle est tombée enceinte de lui et ils ont vécu ensemble dans la
misère. Il apprend que ce dernier a disparu du jour au lendemain après
avoir été approché par un groupuscule néonazi.
Mercier s’éclipse, non sans laisser un peu d’argent à la jeune femme, en
échange d’un mystérieux badge avec un symbole nazi, seule chose que
Dolfi ait laissée en partant.
Mais Mercier repense à Marilyn, il veut la revoir, prétextant une visite pour
lui rendre les affaires qu’elle avait abandonnées lors de sa fuite.
Lorsqu’il y retourne, Marilyn n’est plus là. Une voisine bavarde lui confie
qu’elle est partie il y a peu, emmenée avec sa fille par des hommes vêtus
de longs manteaux en cuir noir, en limousine.
Deux ans plus tard, Mercier reçoit une invitation pour se rendre aux
festivités destinées à marquer la naissance d’un nouvel Etat : la
principauté de Schliffkopf, un territoire qu’un milliardaire mégalomane a
racheté à l’Allemagne et sur lequel il a pour projet de réaliser les plans
jadis dessinés par Albert Speer, destinés à magnifier la Germania et
incarner l’ordre nouveau. Une fois sur place, il découvre que le Chancelier
de la principauté et son épouse ne sont autres que… Dolfi et Marilyn ! Le
181
milliardaire allemand Reinhard Gentschel les a pris sous son aile et a fait
de Dolfi sa marionnette.
Gentschel, centenaire éperdument nostalgique du IIIe Reich, a un projet
diabolique : recréer un Reich éternel en clonant Dolfi autant de fois que
nécessaire. Les festivités battent leur plein et le public se laisse entrainer
par une mise en scène grandiose et hypnotique, Mercier lui-même se
laisse envahir par cette drôle d’ambiance. Dans la foule il croit reconnaitre
quelqu’un, un homme qui l’avait approché quelques années plus tôt en lui
posant des questions au sujet de Dolfi.
Un attentat viendra mettre fin à ce projet : Dolfi, Marilyn et Reinhard
Gentschel décident d’effectuer un pèlerinage en Autriche dans un avion
d’époque. Mercier, qui devait monter à bord, est enlevé juste avant le
départ par l’homme mystérieux. L’avion explose, tous les passagers
trouvent la mort.
A son retour chez lui, bouleversé par la perte de Marilyn, le héros
commande un nouveau clone de Marilyn Monroe qu’il tente de modeler « à
l’image » de celle qu’il aimait.
182
PERSONNAGES
183
TYCHO MERCIER
Professeur à l’université, historien spécialiste de la Seconde Guerre
Mondiale.
Tycho Mercier est un quarantenaire divorcé, un peu gauche.
Tycho Mercier a des principes. Personnage humaniste, il est à l’écoute des
autres. C’est un père exemplaire qui élève seul son petit garçon.
Drôle malgré lui, il a le don de se retrouver dans des situations cocasses,
la plupart du temps par peur de froisser quelqu’un.
Plus porté sur l’introspection que sur l’action, il s’engouffre dans ses
dilemmes moraux sans jamais réussir à les résoudre.
DOLFI
Dolfi est le 6e clone prohibé d’Adolf Hitler. Personnage effacé et affectueux,
ce clone a l’âge mental d’un enfant de 12 ans.
Docile et serviable, c’est une marionnette, dépourvue de volonté propre,
qui exécute ce qu’on lui demande de faire et qui représente une proie
idéale pour tous ceux qui veulent le manipuler.
MARILYN
Clone de contrebande, Marilyn est blonde et pulpeuse comme l’original.
N’ayant aucune existence légale, elle dérive de protecteur en protecteur,
passant du voisin à Mercier, pour finir avec Dolfi. Elle n’est guère autre
chose pour eux que l’archétype de la femme-poupée, belle, douce et
soumise.
BRUNO
Bruno est le fils de Tycho Mercier. C’est un garçon curieux et malicieux,
doté d’une grandeur d’âme. Passionné comme son père par l’Histoire du
20e siècle, il est comme tous les jeunes de son âge accro aux jeux-vidéo,
dans lesquels il excelle.
184
L’EX-FEMME DE TYCHO MERCIER
Pur produit narcissique, l’ex-femme de Tycho Mercier et mère de Bruno
enchaîne les séances de gym et de cabines à UV. Elle enchaîne également
les amants et ne pense qu’à son bon plaisir, sans aucun sens des
responsabilités.
REINHARD GENTSCHEL
Milliardaire centenaire, nostalgique du IIIe Reich qu’il a connu enfant, cet
affreux vieillard a pour but de reconstruire la Grande Allemagne.
Mégalomane, manipulateur, il représente le Mal.
LE DOCTEUR GRINSTEIN
Médecin de quartier d’origine juive, ce personnage un peu bourru va
d’abord réagir violemment en découvrant l’existence de Dolfi. Il va ensuite
essayer de comprendre. Il deviendra un allié pour Tycho Mercier et c’est
d’ailleurs lui qui l’aidera à retrouver Marilyn.
185
COMMENTAIRES
186
Le concept du clonage de Hitler n’est pas inédit en soi (c’était déjà le sujet
du thriller de Franklin J. Schaffner, Ces garçons qui venaient du
Brésil). Cependant, force est de constater que ce postulat narratif épouse
mieux les conventions de la comédie que celle du thriller… Le pitch même
du roman, qu’on pourrait résumer dans la formule « Hitler à domicile »,
est original et porté par un humour noir corrosif. De ce point de vue,
l’humour de Dolfi et Marilyn peut s’inscrire dans la veine des comédies
comme To be or not to be de Lubitsch, Le dictateur de Chaplin ou Les
producteurs de Mel Brooks, qui parvenaient à désacraliser le nazisme en
le ridiculisant.
Dans le roman, la première apparition du clone dʼAdolf Hitler, assis dans le
salon du héros en culotte de cuir tyrolienne et en pull-over, ne manque
dʼailleurs pas d’évoquer la présence incongrue dʼHitler seul dans une rue
de Varsovie au début de To be or not to be de Lubitsch.
Si lʼhumour du roman tient en grande partie à son concept absurde et aux
situations qui en découlent, il repose également sur le monologue
intérieur du personnage de Tycho Mercier, dont les atermoiements sont
relatés avec ironie et dérision. L’intrigue repose souvent sur des conflits
internes, sur des dilemmes moraux du héros, mais aussi sur ses réflexions
sur les clones.
Même si l’intrigue du roman se déroule dans le futur, on n’y trouve pas de
cités futuristes (à l’exception de la Germania du Schliffkopf, plutôt rétrofuturiste) ou de voitures volantes à la Blade Runner – tout juste
apprend-on que Paris est désormais entouré par deux périphériques, pour
répondre à l’expansion urbaine, sans doute. Dolfi et Marilyn dépeint une
vision modeste du futur : le futur comme un simple prolongement du
présent, où l’avancée de la technologie se loge dans les détails (comme
dans Bienvenue à Gattaca, Les fils de lʼhomme…). Si l’univers
futuriste dépeint était trop différent du nôtre, l’étrangeté de la société
futuriste et celle des clones se neutraliseraient – et le comique s’en
trouverait atténué.
Le voyage du héros à Schliffkopf dans le troisième acte offre un
changement de cadre au récit. Cette reconstitution du IIIe Reich en 2060
évoque une version sinistre du Brigadoon de Vincente Minnelli: une
enclave de passé, hors-du-temps, où même les téléphones ne passent
pas. Dans son effroyable démesure, cette nouvelle « Germania » peut
évoquer ces récits uchroniques de science-fiction où les nazis ont gagné la
187
guerre (Le maître du haut-château de K. Dick, Fatherland de Robert
Harris)… Mais le Schliffkopf peut tout aussi bien être traité de manière
grotesque, comme un Metropolis dʼopérette.
CONCLUSION
A la fois drôle et inquiétant, Dolfi et Marilyn dresse un portrait de la
société future, pas si étrangère et pourtant bien différente.
Dolfi et Marilyn est une fable autour de la faiblesse humaine face à la
mécanique des clones, pauvres archétypes dépourvus de sentiments, de
volonté et de caractère.
Avec des intrigues bien nouées et un rythme haletant, on va de
rebondissement en surprises.
Il s’agit ici d’une fiction qui oscille entre science, sciences-humaines et
science-fiction.
REFERENCES CINEMATOGRAPHIQUES
Docteur Folamour (Stanley Kubrick)
To be or not to be (Ernst Lubitsch)
TRADUCTIONS
Langue allemande
Langue turque
188
EXTRAITS
189
Page 7
Je m’appelle Mercier. Tycho Mercier. Si mon patronyme est courant mon
prénom l’est beaucoup moins. Il m’a valu bien des moqueries durant mon
enfance. A l’école on m’appelait Artichaut.
Quand je protestais que ça se prononçait « Tiko », ça devenait Asticot. A
cause de mon prénom, un professeur crut drôle de claironner que j’étais
dans la lune, tête en l’air. Cette finesse passa au-dessus de celle de mes
camarades. La plupart d’entre eux n’avaient jamais entendu parler de
Tycho Brahé, l’astronome au nez d’or. Par coïncidence, l’allusion n’était pas
tout à fait arbitraire : j’étais un gamin distrait, un peu lunaire.
Page 22
Il jaillit aussitôt du fauteuil et se mit au garde-à-vous.
« Numéro 6 d’Adolf Hitler, pour vous servir ! » lança-t-il d’une voix criarde.
Son français se teintait de l’accent teuton des acteurs incarnant des
soldats allemands dans les pantalonnades vengeresses dont le public du
siècle précédent avait fait ses délices. De lui-même il inclina la tête et
écarta d’un doigt le col roulé de son pull. Je pus lire une quinzaine de
lettres et de chiffres tatoués à même la chair de son cou, sous le logo
officiel du bureau d’homologation des clones. J’en ignorais la signification
pour l’essentiel. Tout au plus le début, A.H.6, confirmait-il que j’étais en
présence du sixième exemplaire de ce modèle. Le clone rajusta le col de
son pull, redressa la tête et recula de trois pas. Il affectait maintenant
l’attitude déférente d’un domestique attendant les instructions de son
maître. Voilà autre chose ! Se comportait-il ainsi devant tout « homme
véritable » ? Embarrassé, je me tournai vers mon fils.
– Bruno, tu peux m’expliquer ?…
Bruno se dressa d’un bond et vint se poster près de moi face à A.H.6. Il
saisit ma main et répondit d’une voix enthousiaste :
– Il est chouette, hein ? Maman l’a gagné la semaine dernière à la
tombola du supermarché : c’était le gros lot !
– Tu ne m’en as rien dit…
– On n’en savait rien. Le tirage au sort a eu lieu samedi, maman a été
avertie par téléphone qu’elle avait gagné le gros lot surprise, et il a été
livré tout à l’heure…
– Ici ? En quel honneur ?
190
– Quand elle a su qu’elle avait gagné un clone, maman m’a dit qu’elle me
l’offrait pour mon anniversaire, et elle a donné l’adresse d’ici pour la
livraison.
– Mais ce modèle est interdit !… Est-ce qu’elle savait de qui il s’agissait ?
– Non, non, « le lot surprise », je te dis !
Page 42
Un bruit de savates traînées sur le tapis de coco du couloir attira mon
attention alors que je plantais un pied de vigne et un olivier dans un coin
de mon rêve. C’était Bruno qui sortait de sa chambre, en pyjama, les
cheveux en bataille, les yeux battus. En apercevant le clone, il sourit,
soulagé. Sans doute avait-il craint de ne pas le retrouver à son réveil. «
Bonjour Dolfi ! » s’écria-t-il d’une voix joyeuse. Je tressaillis. Dolfi ! Eva
Braun avait appelé ainsi son amant dans l’intimité, et dans sa
correspondance.
A.H.6 n’en savait rien, selon toute vraisemblance.
Il se tourna vers Bruno, intrigué. Pour ma part, je n’appréciais pas l’emploi
de ce petit nom familier. Où Bruno était-il allé chercher ça ? Dans la
bibliothèque, ça allait de soi. Il allait falloir régler ce problème… Je grondai
mon fils :
– Bruno, veux-tu…
Il s’étonna :
– Eh ben quoi ? Il faut bien qu’on sache comment l’appeler. Dolfi, c’est
mieux que mein Führer, non ?
191
LA DOUBLE VIE D’ANNA SONG
Titre original
La Double Vie d’Anna Song
Auteur
Minh Tran Huy
Nationalité
Française
Pages
170 p.
Editeur
© Actes Sud, 2009
Epoque
Contemporaine
Lieux
France, Vietnam
Genre
Imposture musicale, drame
suspense psychologique
romantique,
192
PITCH
La Double Vie d’Anna Song est l’histoire d’un amour fou et d’une
imposture musicale. C’est l’invention d’Anna Song, mystérieuse pianiste
d’exception à la carrière exclusivement discographique par son mari, entre
Tristan et Frankenstein. Vengeance ou tentative de « réparation » du
destin, conduite au mépris du scandale, la grande falsification de Paul
Desroches (sa vérité) révèle et défend la folie d’aimer, mais aussi le droit
à inventer des vies à la hauteur de cette folie.
INTRIGUE
Le roman s’ouvre sur la mort d’Anna Song relatée par la presse
spécialisée. Mystérieuse pianiste à la discographie encyclopédique, Anna
Song était “la plus grande pianiste vivante dont personne n’a jamais
entendu parler”. Et pour cause : personne ne l’a jamais vue en concert.
Et pourtant sa musique habite la vie et l’imaginaire de Paul Desroches
depuis leur enfance partagée : en voisin puis en ami, le petit Paul a
écouté Anna travailler son piano pendant des années sans jamais se
lasser, l’émerveillement intact longtemps encore après leur séparation.
Car pour le garçon, orphelin à la suite d’un tragique accident, la
mystérieuse petite fille si délicate, si différente aussi – Anna appartient à
une famille vietnamienne – incarne instantanément tout un monde
alternatif, échappatoire inespérée à la cruauté du réel. Anna ne lui fait pas
découvrir que la musique : elle lève aussi pour lui le voile sur la contrée
lointaine de ses origines, planète de contes et de légendes enivrants qui
recèlent aussi l’histoire tourmentée d’une famille aux prises avec les
tempêtes de l’histoire.
Tout en jeu de miroirs, le roman se déroule dans une chronologie éclatée
qui fait fi de la continuité. La narration est portée par les souvenirs de
Paul Desroches, producteur et époux de l’artiste, gardien du temple et
architecte de la légende. Le récit est étayé et rythmé par des articles de
presse qui peu à peu révèlent le scandale d’une œuvre falsifiée : Anna
Song n’a probablement jamais joué une note des enregistrements mis en
vente sous sa signature.
Il y a d’ailleurs à cela une bonne raison : frappée par la dystonie du
musicien – une paralysie de la main qui affecte certains virtuoses, elle
perdra très jeune la capacité de jouer. Et ne s’en remettra pas. C’est avec
193
retard que Paul apprendra la terrible vérité sur le destin de son amour
perdu.
Au fil d’une enquête passionnante, constamment contredite par la version
de Paul Desroches, comme en contrepoint acharné, la supercherie est
progressivement exposée, le concert de louanges vire au tonnerre
d’opprobre.
On comprendra petit à petit la folie de Paul Desroches qui, séparé de
l’amour de sa vie, a continué à vivre avec et par elle in absentia, lui
taillant sur mesure un destin musical à la mesure de son talent à elle, de
sa frustration à lui, se sculptant avec elle une vie commune imaginaire
dont les aléas de l’exil et de la maladie l’auront privé.
THEMES ABORDÉS
L’amour fou, l’amour impossible.
L’imposture.
L’invention de la vie face aux trahisons du destin.
La persistance du pays perdu ; l’omniprésence de l’absence.
La puissance immortelle des images et des liens de l’enfance.
194
RÉSUMÉ DÉTAILLÉ
195
Alors qu’il vient de perdre ses parents dans un accident de voiture, Paul
Desroches, huit ans, est recueilli par sa grand-mère dans sa maison de
Normandie, et fait la connaissance d’Anna, jeune pianiste prodige et
petite-fille de madame Thi, voisine et amie de sa grand-mère. Il s’attache
aussitôt à elle, fasciné par ses dons comme par son histoire. Issue d’une
famille d’exilés vietnamiens qui lui ont légué le goût de la musique, une
discipline rigoureuse et un courage sans faille, Anna vit en effet dans le
souvenir de ceux qui l’ont précédée. Notamment celui de son grand-père
maternel, qui s’est élevé au rang de riche planteur, a édifié une
magnifique maison qu’il désirait léguer à ses enfants, et a finalement été
forcé d’incendier cette demeure, symbole de sa réussite, pour éviter
qu’elle ne tombe aux mains des Français lors de la guerre d’Indochine. Il a
bientôt été ruiné et la mère d’Anna, brillante pianiste elle-même, a
renoncé à ses velléités artistiques dans l’espoir de restaurer cette
grandeur disparue – elle a fait des études scientifiques qui lui ont permis
d’obtenir une bourse et de partir pour la France. Puis l’exil, qu’elle pensait
provisoire, est devenu définitif avec la guerre du Vietnam et l’instauration
du régime communiste…
Les deux enfants deviennent toujours plus proches en grandissant, mais
doivent se séparer lorsque la famille d’Anna s’installe aux Etats-Unis pour
des raisons professionnelles. Paul collecte religieusement les courriers de
son amie, où elle lui détaille le programme musical auquel elle s’astreint
chaque jour, ainsi que ses premiers succès. Bientôt, cependant, les lettres
s’espacent et Paul cesse de recevoir des nouvelles. Persuadé qu’Anna l’a
oublié, il se referme sur lui-même. Ce n’est que bien plus tard qu’il
apprend les raisons de son silence. Atteinte de la dystonie du musicien –
une paralysie de la main qui affecte certains virtuoses – Anna a vu sa
carrière brisée net. Incapable de surmonter cette épreuve, elle s’est
suicidée en se jetant du dernier étage de sa maison.
Devenu producteur de disques, Paul, qui n’a jamais cessé d’aimer Anna,
décide de lui offrir le succès et la célébrité qui lui ont été refusés de son
vivant. À cet effet, il met en place une géniale imposture. Après avoir
choisi des centaines de pièces pour piano jouées par les plus grands
interprètes, il fait appel à un ingénieur du son pour les retravailler
électroniquement – modifications de tempo, unification des ambiances,
etc. Son but ? Constituer à partir de ces enregistrements volés une
extraordinaire discographie – tant en qualité qu’en quantité – qu’il va
envoyer à la presse et mettre sur le marché, en accompagnant chaque CD
de communiqués décrivant l’itinéraire hors normes de leur interprète,
Anna Song. Soit une version romancée de celui d’Anna Thi…
196
Anna Song, enfant prodige et surdouée du clavier, s’apprêtait à entamer
une carrière fulgurante lorsqu’elle a été frappée par une paralysie de la
main dont elle a mis des années à guérir. Ce brutal coup d’arrêt l’a coupée
des réseaux traditionnels ; elle a ensuite donné quelques concerts, et sa
trajectoire, bien qu’honorable, se serait achevée sans bruit si elle n’avait
été une nouvelle fois frappée par la maladie – un cancer, cette fois, qui l’a
amenée à se retirer de la scène pour se consacrer à l’enregistrement, avec
le soutien moral et technique de son époux Paul Desroches. En ont résulté
plus de cent Cds absolument magnifiques, couvrant presque l’intégralité
du répertoire pour piano.
Enthousiasmés, les journalistes publient des recensions d’autant plus
dithyrambiques qu’ils sont tombés amoureux du destin si hollywoodien de
cette artiste qui a réussi à achever son grand œuvre alors qu’elle se
trouvait aux portes de la mort – si amoureux qu’ils en oublient de vérifier
leurs informations. Le succès est immense, les disques se vendent par
brassées et la belle Anna devient une figure de légende dont Paul
Desroches orchestre la communication avec maestria. Six mois se sont
écoulés dans le même climat de ferveur quand un mélomane écrit à un
grand magazine pour raconter une mésaventure troublante : désireux de
télécharger les Variations Diabelli de Beethoven par Anna Song, il a vu
apparaître le nom d’un autre pianiste en lieu et place de celui de cette
dernière. C’est le début d’une enquête au terme de laquelle il s’avère
qu’Anna n’a enregistré aucun des Cds qui ont fait sa gloire…
« L’Annagate » succède à la « Songmania », les journaux se déchaînent
et, découvrant une mystification après l’autre, cherchent à contacter un
Paul Desroches devenu injoignable. Terré dans la maison de son enfance –
celle où Anna et Lui jouaient autrefois sous le regard bienveillant de leurs
grands-mères – ce dernier couche sur le papier ses confessions, avoue ses
regrets à l’idée d’avoir sali la réputation de celle à qui il désirait au
contraire rendre le plus beau des hommages. Décrivant avec douleur les
derniers jours d’Anna rongée par le cancer, il exprime le désir de rejoindre
sa femme sitôt qu’il aura envoyé son carnet aux journaux.
Tous ignorent que dans la réalité, Anna est morte des années plus tôt et
que Paul a voulu lui offrir bien plus qu’une discographie : une vie à part
entière, où ils se seront retrouvés, et aimés.
197
PERSONNAGES
198
PAUL
Paul est un bel homme qui peut avoir entre 40 et 50 ans, intelligent et
raffiné, versé dans la musique et les arts en général. Méticuleux, obstiné,
fidèle jusqu’à la manie. Très romantique et passionné derrière une
apparence calme et raisonnable. Traumatisé, enfant, par l’accident de
voiture qui a coûté la vie à ses parents et fait de lui un orphelin, il a
reporté son affection sur sa grand-mère et surtout sur Anna, la petite
voisine d’origine vietnamienne que sa grand-mère lui a présentée peu
après le drame dans l’espoir de briser sa solitude.
Toutes ses actions sont sous-tendues par l’amour qu’il porte à Anna, pour
qui il a eu le « coup de foudre » sitôt qu’il l’a entendue jouer au piano,
avant même de la voir. Il est tombé amoureux de sa musique, puis de sa
douceur et de sa beauté, de sa singularité, de son histoire familiale, de
ses récits sur le Vietnam. Il n’a jamais désiré qu’une chose, le bonheur
d’Anna. S’efforçant depuis l’enfance d’être à la hauteur de l’objet de son
idolâtrie – car son amour est inséparable de la fascination, voire la
dévotion – il a toujours craint d’échouer.
Son attachement pour Anna le fait basculer dans une résolution qui
confine à la folie lorsqu’elle disparaît : accablé de remords, persuadé qu’il
aurait pu la sauver s’il avait su, il devient dès lors obsédé par l’idée de lui
rendre justice, de lui offrir ce qu’elle aurait mérité selon lui – une brillante
carrière, la gloire et la célébrité – quitte à commettre une escroquerie qui
peut lui coûter sa réputation et sa liberté. Escroquerie qui, par sa
grandeur et son audace, dénote une certaine forme de génie. Paul est
aussi un créateur, un artiste à sa manière, qui a inventé la légende d’Anna
Song, qui a donné à celle qu’il aimait une œuvre et un nom.
Il est l’homme pour qui la fiction est plus forte, plus vraie, que le réel, ne
serait-ce que parce qu’elle lui permet de faire advenir ce qui n’a pu avoir
lieu dans la vie : non seulement la réussite d’Anna mais un amour
partagé. Un homme ambigu, à la fois monstrueux et attachant, aussi
magnifique que tragique dans son refus d’admettre la réalité. On
l’imaginerait bien interprété par un acteur comme Mathieu Amalric.
ANNA
Une femme d’environ 30-35 ans d’une grande beauté et d’une grande
élégance. Souriante, douce, délicate, presque irréelle dans sa grâce.
Hantée par son passé familial, elle est d’autant plus déterminée à réussir
199
dans sa carrière pianistique et dissimule une volonté de fer derrière une
allure fragile et rêveuse. Très dévouée à sa famille – sa grand-mère
notamment, qui l’a élevée – elle témoigne une grande tendresse à Paul,
son ami et confident, qui sait tout d’elle, de ses désirs, de ses espoirs et
de ses craintes.
Tous deux sont poursuivis par le passé, mais alors que Paul est quelqu’un
qui vit dans le fantasme, Anna veut croire en un avenir concret, et si Anna
est tout pour Paul, l’inverse n’est pas vrai. La vocation d’Anna, ses
ambitions artistiques, priment sur l’affection qu’elle a pour Paul. Atteinte
de dystonie du musicien et voyant ses aspirations brisées, elle est
incapable de faire face à cette situation et préfère se suicider plutôt que
de continuer à mener une vie dans laquelle ne se reconnaît pas et qu’elle
juge médiocre.
Le personnage d’Anna est double lui aussi, mais d’une façon différente :
elle est à la fois une artiste surdouée, perfectionniste, absolue, et la
compagne idéalisée de Paul, son épouse imaginaire, un rêve qu’il tâche de
rendre réel – une présence-absence.
LES DEUX GRAND-MERES
C’est par le biais de leurs grands-mères que Paul et Anna se sont
rencontrés et sont devenus proches. Il faut imaginer deux vieilles dames
charmantes et chaleureuses, discrètes, très dévouées à leurs petitsenfants, qu’elles ont élevés (les parents d’Anna travaillant avec
acharnement et Paul ayant perdu ses propres parents).
Madame Thi, la grand-mère d’Anna, d’origine vietnamienne, est toujours
vêtue de couleurs automnales, et porte toutes sortes de châles et de
foulards taillés dans des étoffes luxueuses (soie, cachemire), qui la
protègent du froid, qu’elle juge redoutable quelle que soit la saison. Elle
est très soignée et élégante. Elle ne parle pas français, mais parvient à
communiquer avec la grand-mère de Paul par signes, ou par le biais
d’Anna, qui traduit ses mots.
La grand-mère de Paul porte moins d’attention à sa mise.
Douloureusement frappée par la disparition des parents de Paul, elle
s’efforce de donner à son petit-fils tout l’amour et l’attention dont il a
besoin. C’est quelqu’un d’ouvert et de généreux.
Les deux grands-mères deviennent amies presque sans mot dire, en
échangeant des sourires et des gourmandises « maison » (pâtés
200
impériaux versus confitures du jardin), et sont ravies de voir leurs petitsenfants devenir amis. Ce sont les gardiennes de l’enfance de Paul et Anna.
ROGER CHATTERTON
Ingénieur du son et technicien auquel fait appel Paul pour truquer les
enregistrements qu’il déclarera réalisés par Anna. Un homme efficace,
ayant à cœur de voir le travail bien fait, qui ne soupçonne pas une minute
l’imposture montée par Paul.
201
COMMENTAIRES
202
Comme la musique classique qui lui sert de cadre, le livre offre par sa
richesse plusieurs interprétations possibles.
La Double Vie d’Anna Song recèle à l’évidence la possibilité d’un grand film
romantique porté par le souffle de l’amour fou confronté à un destin
contraire et par l’omniprésence de la musique. Mais il appartient aussi –
par le processus de l’imposture démasquée – au domaine du suspense.
C’est dans sa construction que le roman est le plus musical, et sans doute
peut-on voir là, dans le dialogue des tonalités, comme du réel et du rêve,
de la vérité et de sa réinvention, des indications précieuses quant à
l’atmosphère du film et le tissage de ses lignes narratives.
On imagine la potentielle séduction d’un récit à la chronologie éclatée dont
l’un des enjeux formels et narratifs serait de démêler le vrai du faux et qui
serait transmis du point de vue progressivement douteux d’un
protagoniste (Paul Desroches) fort peu fiable (mais qui ne se révélerait tel
qu’au fil du film, qu’on ne remettrait en cause que progressivement).
Cette reconstitution d’une vérité trouble, transmise par une mémoire
falsifiée, n’est pas sans évoquer la construction à rebours d’un film comme
Memento.
Une des principales décisions scénaristiques réside dans le choix de garder
(ou pas) tout l’aspect vietnamien du roman qui – s’il induit un
changement d’échelle du point de vue de la production – peut être adapté
dans la mesure où l’on n’en garderait que son aura de mystère et
d’étrangeté, cette opacité impavide plus généreuse qu’elle ne s’affiche, qui
évoque irrésistiblement les eaux calmes d’un lac, sous lesquelles se jouent
– et demeurent – les plus violentes tragédies.
Ainsi sans tomber dans l’illustration obligatoire (et faisant ainsi l’économie
de décors « authentiques » mais lointains, de flash-backs peu maniables –
et déjouant les risques de l’exotisme), l’adaptation au cinéma pourrait
cependant bénéficier de ce qui fait la signature de Minh Tran Huy en tant
qu’écrivain : un goût prononcé et une maîtrise rouée des jeux d’échos et
des nœuds narratifs filés, ainsi que l’omniprésente absence du pays des
origines, le Viêtnam, dont la réalité floutée par le temps et l’éloignement
s’enracinent dans un silence peuplé de contes.
Enfin, pour développer cette histoire d’amour impossible plus fantasmée
que vécue – mais qui prend des proportions médiatiques et publiques
considérables – et pour véhiculer le suspense inhérent à l’élucidation du
mensonge de Paul Desroches, on pourrait imaginer un personnage de
journaliste (absent du livre) qui mènerait l’enquête, prenant en charge la
203
part du récit charriée par les articles de presse dans le roman. En
incarnant l’enquêteur, on offrirait ainsi, d’une part un interlocuteur à Paul
(dans un vif dialogue vérité/affirmation mensonge), et d’autre part un axe
narratif, producteur de rythme et de suspense, au film lui-même.
CONCLUSION
Un beau film couve sous ce livre. Le roman est (très librement) inspiré
d’une histoire vraie : le scandale qui a éclaté autour des enregistrements
de la pianiste britannique Joyce Hatto (1928-2007). Celle-ci est devenue
célèbre sur le tard, quand des copies non autorisées d’enregistrements
faits par d’autres pianistes furent commercialisées sous son nom, et
saluées par la critique. La supercherie ne fut découverte que quelques
mois après sa mort.
Dans le roman, Minh Tran Huy excelle dans l’utilisation – la
réinterprétation, la réinvention – du talent de la réalité pour raconter une
histoire follement romantique d’amour et de trahison, de grands espoirs et
de déceptions profondes. La maîtrise narrative, l’atmosphère enivrante, la
richesse des personnages et l’universalité des thèmes font de La Double
Vie d’Anna Song une généreuse source d’inspiration pour un film plein de
suspense et de poésie, sur le destin d’un indestructible amour.
REFERENCES CINEMATOGRAPHIQUES
On imagine assez naturellement ce qu’une Jane Campion pourrait faire
de cette histoire qui est finalement le portrait aussi détaillé qu’inventé
d’une femme fictive, inspirée des insurpassables émerveillements du
premier amour.
PRIX LITTERAIRES
Prix Pelléas 2010
Prix Drouot 2010
204
EXTRAITS DE PRESSE
« En dotant son héroïne d’une riche famille dans la région de Nha Trang,
marquée par les spoliations et l’exil, après la chute de Saigon, et d’une
indestructible culture mi-bouddhiste, mi-confucéenne, comme en lui
prêtant un mari sans racines, l’auteur donne à cette usurpation une forme
d’humanité et en fait le ressort d’un romantisme de l’exil, où les mélodies
de Liszt s’uniraient aux effluves de mousson pour engendrer, sous le
climat tempéré de l’Ile-de-France, un art total. »
Claude Arnaud, Le Point
« La force de ce deuxième roman aux accents murakamiens tient à sa
brillante narration. Un livre vertigineux. »
Baptiste Liger, L’Express
« Minh Tran Huy nous entraîne dans un jeu de miroirs d’autant plus
troublant qu’il s’orchestre dans une écriture limpide. Jusqu’à la dernière
page, elle conjugue passion et trahison, suspense et légende, nostalgie
d’un Viêtnam lointain et tragédie silencieuse. La construction, alternant
articles de presse et confession de Paul, diffuse l’émotion subtilement. »
Evelyne Bloch Dano, Marie Claire
« Un étonnant roman autour du faux qui sonne drôlement juste. »
Isabelle Lortholary, Elle
« Par une construction tendue, l’auteur évite le piège du sentimentalisme
pour mieux décrire la férocité d’une réalité qui nourrit les uns et brise les
autres. Le mensonge devient alors le seul moyen d’échapper au silence,
de prolonger le souvenir, ou de la parfaire… jusqu’à l’imposture. »
Christine Ferniot, Télérama
TRADUCTIONS
Italien, La Doppia vita di Anna Song, trad. Riccardo Fedriga & Elena
Sachhini, Neri Pozza, 2010
Coréen, Hyundaemunhak Publishing Co Ltd, 2010
Espagnol, La Doble vida de Anna Song, trad. Manuel Serrat Crespo,
Navona editorial, 2014
205
EXTRAITS
206
Extrait p. 75-76 ; Actes Sud
Le souvenir : ce qui reste à ceux qui ont le temps, qui ont le choix. Anna et
moi avions chacun nos morts, et cela ne nous empêchait nullement de
vivre dans le souvenir – le fantasme – de ce qui avait été. A cet égard,
nous nous ressemblions, tous deux calmes, réservés, et nostalgiques.
Mais j’étais un enfant éteint, étourdi par la disparition de ceux dont j’avais
imaginé qu’ils seraient toujours là, veillant sur ma petite personne qu’il neige
ou qu’il vente, que la terre tremble ou que le ciel brûle. Anna, au contraire,
était forte. Son allure fragile dissimulait une volonté plus dure à briser
qu’une lame d’acier. En elle brillait le désir d’accomplir de grandes, de belles
choses. Une flamme l’illuminait dès qu’elle s’adonnait à la musique ou me
parlait de l’empire fugitif sur lequel avait régné son grand-père et que sa
mère avait espéré ressusciter. Elle était portée par une énergie que j’avais
perdue, à moins que je ne l’aie jamais eue. J’étais un doux rêveur ; elle
poursuivait un rêve qu’elle s’était promis de réaliser, devenir une artiste
reconnue puis- qu’elle avait le talent et la ténacité nécessaires, et aucun
obstacle à affronter qui fût comparable à ceux qui avaient barré la route de
ses parents et grands-parents, les forçant à renoncer à leurs aspi- rations.
Anna était à sa juste place face à son piano. La musique, qui lui était aussi
nécessaire que l’air que
nous respirions, l’emplissait d’un bonheur
intense, où la joie se mêlait au sentiment du devoir non pas accompli, mais
en passe de l’être : Anna voulait se montrer digne de ceux qui l’avaient
précédée. Je ne voulais rien d’autre que demeurer auprès d’elle.
Mon vœu fut exaucé pour les deux ans qui suivirent. Deux ans durant
lesquels ma vie s’est déroulée au rythme de mes visites chez Anna. En
évoquant l’histoire de sa famille, qui participait du charme mélancolique qui
émanait d’elle, elle m’a fait entrer dans son univers. Cela faisait déjà un
moment que nous allions à l’école ensemble, en revenions ensemble,
goûtions ensemble, faisions nos devoirs ensemble – que nous riions,
discutions ou gardions de pair le silence. Mais les confidences d’Anna,
auxquelles ont répondu les miennes, ont marqué une nouvelle étape dans
nos relations. Il me semblait parfois avoir troqué l’héritage que mes
parents n’avaient pas eu le temps de me transmettre contre le sien, comme
si endosser la mémoire de personnes inconnues offrait un exutoire à mon
chagrin, tout en me rapprochant de l’une des seules personnes qui me soient
chères. Nous nous quittions avec tant de répugnance, Anna et moi, que ma
grand-mère en est venue à nous surnommer “les inséparables”, en
référence à ces oiseaux dont on dit qu’ils ne peuvent vivre qu’en couple.
207
LA GARCONNIERE
Titre original
La garçonnière
Auteur
Hélène Grémillon
Nationalité
Français
Pages
368
Editeur
Flammarion ©
Epoque
Contemporaine
Lieux
Milieu urbain
Genre
Drame
[2013]
208
PITCH
Lisandra, belle et charismatique jeune femme, est l’épouse de Vittorio, un
psychanalyste. Une nuit, elle est retrouvée morte, défenestrée de son
appartement. La police soupçonne Vittorio. Mais Eva Maria, une patiente,
est convaincue de son innocence. Elle va mener sa propre enquête et
lever le voile sur les mystères de Lisandra.
INTRIGUE
Au commencement fut un coup de foudre: celui du psychanalyste Vittorio
Puig pour Lisandra, jeune femme "étrangement belle", danseuse de
tango exceptionnelle.
Quelques années plus tard, alors que leur couple bat de l'aile, c'est le coup
de grâce: Lisandra défenestrée du cinquième étage, son corps sans vie sur
le trottoir, des traces de dispute dans l'appartement. Le mari fait figure de
coupable idéal. Les témoignages de sa mésentente avec la victime se
multiplient. Il est incarcéré fissa. Mais Eva Maria, l'une de ses patientes,
amoureuse de son thérapeute croit en son innocence et va mener
l'enquête.
Cette vulcanologue ne se remet pas de la disparition de sa fille, Stella.
Boire l'aide à oublier, soutenir le Dr Puig aussi. A partir des
enregistrements de ses dernières séances avec certains patients, plusieurs
suspects émergent: Alicia, qui en veut aux femmes jeunes; Felipe,
tortionnaire qui veut protéger son sombre secret; Miguel, pianiste
emprisonné par la police politique et qui aurait voulu se venger de Puig.
Eva Maria doute, tergiverse, poursuit son enquête. Pour cela elle marchera
dans les pas de Lisandra, au point de s’y perdre, comme dans l’alcool.
Esteban, son fils de 20 ans, assiste impuissant à la destruction de sa mère
par le fantôme de sa sœur disparue. Eva Maria revient sur les derniers
moments de Lisandra, découvre qu’elle a des amants, qu’elle leur impose
un rituel sexuel répétitif. Ce serait son seul chemin vers le plaisir.
Puis elle va à la rencontre de son vieux professeur de Tango, Pepe, qui lui
parle de la jalousie maladive de Lisandra, qui la détruit et la ronge. Le
vieux Pepe donne quelques clés sur ce dernier après-midi. Elle lui aurait
demandé de l’accompagner dans cette étrange boutique de jouets pour
acheter des petits chats en porcelaine. A force de chercher, Eva Maria
devient pour la police la suspecte idéale, et disculpe Vittorio.
209
La police vient pour arrêter Eva Maria, mais c’est Esteban qui s’accuse du
crime, pour donner une bonne leçon à cet enfoiré de Puig. Qu’il
comprenne ce que c’est que de perdre l’être le plus cher.
Esteban est condamné mais c’est la voix de Lisandra qui nous révèle le
secret de sa mort. Elle a échoué à se tuer pour faire condamner et punir
l’homme qui tient la boutique de jouets, qui vend des petits chats de
porcelaine, et qui la viola, elle enfant, lorsqu’il était adolescent.
THEMES ABORDES
Ce roman aborde les relations entre les hommes et les femmes, et plus
précisément la jalousie qui peut détruire un couple. Une jalousie qui
inévitablement
produit
des
incompréhensions,
un
manque
de
communication et même parfois, des tragédies.
La garçonnière est aussi l’histoire émouvante de personnes meurtries par
la vie. Secrets de famille, honte, souvenirs douloureux, blessures
d’enfance : le poids du passé peut parfois devenir insupportable. A travers
Eva Maria, le spectateur vit également la douleur d’une mère qui a perdu
son enfant. Elle est prisonnière d’une spirale descendante.
Le rôle de la psychanalyse est central dans le roman. Le lecteur, grâce à
Eva Maria, découvre les dernières sessions de Vittorio avec ses patients,
nous permettant ainsi d’être le témoin du travail fascinant d’un
psychanalyste.
210
RÉSUMÉ DÉTAILLÉ
211
Au commencement fut un coup de foudre: celui du psychanalyste Vittorio
Puig pour Lisandra, jeune femme "étrangement belle", danseuse de
tango exceptionnelle.
Quelques années plus tard, alors que leur couple bat de l'aile, c'est le coup
de grâce: Lisandra défenestrée du cinquième étage, son corps sans vie sur
le trottoir, des traces de dispute dans l'appartement. Le mari fait figure de
coupable idéal. Les témoignages de sa mésentente avec la victime se
multiplient. Il est incarcéré fissa. Mais Eva Maria, l'une de ses patientes,
amoureuse de son thérapeute, dans un phase totale de transfert
amoureux, croit mordicus en son innocence et va mener l'enquête.
Cette spécialiste des volcans ne se remet pas de la disparition de sa fille,
Stella. Boire l'aide à oublier, soutenir le Dr Puig aussi. A partir des
enregistrements "sauvages" de ses dernières séances avec certains
patients, plusieurs suspects émergent:
Alicia, qui en veut aux femmes jeunes d'accaparer les hommes;
Terriblement jalouse de Lisandra, elle aurait pu tuer la jeune femme qui
représente la beauté qu’elle a perdue.
Felipe, tortionnaire qui aurait pu souhaiter faire disparaitre Lisandra pour
protéger son sombre secret ; En écoutant sa séance, Eva Maria réalise
qu’il est peut-être impliqué dans l’enlèvement de sa fille.
Miguel, pianiste emprisonné par la police politique et qui aurait voulu se
venger de Puig d’avoir accepté un patient tel que Felipe.
Eva Maria doute, tergiverse, poursuit son enquête. Pour cela elle marchera
dans les pas de Lisandra, au point de s’y perdre, comme dans l’alcool.
Esteban, son fils de 20 ans, qui est vivant et présent lui, assiste
impuissant à la destruction de sa mère par le fantôme de sa sœur
disparue, il n’y tient plus. Eva Maria revient sur les derniers moments de
Lisandra, découvre qu’elle a un ou des amants, qu’elle leur impose un
rituel sexuel répétitif, qui fait de chacun l’objet sexuel de l’autre. Ce serait
son seul chemin vers le plaisir.
Puis elle va à la rencontre de son vieux professeur de Tango, Pepe, qui lui
parle de la jalousie maladive de Lisandra, qui la détruit et la ronge. Tous
ses patients, ses patientes, la menacent, l’éloignent de son mari.
212
Se serait-elle suicidée par jalousie ? Pour punir son mari de la délaisser ?
Le vieux Pepe donne quelques clés sur ce dernier après-midi, lui qui fut le
dernier à la voir vivante. Elle lui aurait demandé de l’accompagner dans
cette étrange boutique de jouets pour acheter des petits chats en
porcelaine. A force de chercher, de s’immiscer, de revenir sur les lieux du
drame, Eva Maria devient pour la police la suspect idéale, et disculpe
Vittorio par son acharnement.
La police vient pour arrêter Eva Maria, mais c’est Esteban qui s’accuse du
crime, pour donner une bonne leçon à cet enfoiré de Puig qui aura permis
que sa mère avoue qu’elle aurait préféré voir sa fille épargnée plutôt que
son fils. Qu’il comprenne ce que c’est que de perdre l’être le plus cher.
Esteban est condamné mais c’est la voix de Lisandra qui nous révèle le
secret de sa mort. Elle a échoué, échoué à se tuer pour faire condamner
quelqu’un.
Son objectif était que sa mort punisse l’homme qui tient la boutique de
jouets, qui vend des petits chats de porcelaine, et qui la viola, elle enfant,
lorsqu’il était adolescent et que sa mère gardait Lisandra. Elle a retrouvé
sa trace par hasard, et son plan était de le séduire et de l’attirer chez lui
un soir, ce qu’elle a fait. Elle voulait que la police l’accuse de son meurtre,
puisqu’il aurait laissé des indices derrière lui. Désespérée, elle se suicide
sous ses yeux, pensant être vengée plus tard. Mais cela ne sera pas le
cas, elle meurt sans revanche, victime jusqu’au bout et tout au long de sa
vie.
213
PERSONNAGES
214
LISANDRA
Lisandra est une belle et élégante jeune femme aux cheveux noirs (28
ans). Athlétique, elle danse le tango, une passion très importante dans sa
vie. Mais Lisandra est une personne fragile, constamment anxieuse. Elle a
peur du noir et quand elle est seule dans son appartement, elle s’enferme
à double tour de peur qu’un inconnu pénètre chez elle.
C’est également une femme pleine de mystères, qui cache beaucoup de
choses à son mari. Elle a eu des relations avec d’autres hommes, des
adultères basés seulement sur le sexe et des règles très strictes édictées à
ses amants.
Sa relation avec Vittorio est compliquée. Elle est rongée par la jalousie et
a l’impression que son mari s’est lassé d’elle, que c’est un phénomène
inévitable dans un couple. Sa jalousie va peu à peu se transformer en
une constante paranoïa qui va littéralement la détruire. Elle ne peut même
pas en parler à son mari, car elle ne veut pas apparaître comme une
patiente à ses yeux.
Les blessures de Lisandra viennent du passé, quand elle était enfant elle a
été sexuellement abusée par le fils de sa babysitter. Elle n’en a jamais
parlé à personne et ce fardeau aura de terribles conséquences.
VITTORIO
Vittorio est un psychanalyste âgé de 51 ans dont les méthodes sont assez
peu conventionnelles. Il enregistre les séances de ses patients à leur insu.
La manière dont il a rencontré Lisandra est très particulière : à l’origine,
c’était une patiente, elle est venue sonner à sa porte au hasard, car elle
cherchait quelqu’un à qui parler. Vittorio est tombé amoureux d’elle et a
tout fait pour retrouver sa trace alors qu’elle ne lui avait même pas dit son
nom.
Cependant, ces derniers temps, sa relation avec Lisandra s’est détériorée,
ils se sont éloignés l’un de l’autre. La paranoïa de Lisandra le suffoquait. Il
a fini par la tromper, comme pour s’échapper de la tristesse de cette
relation. Le paradoxe chez Vittorio réside dans le fait que bien qu’il soit
psychanalyste, il n’a pas été capable de connaître réellement sa femme. Il
ne percera jamais son secret.
215
EVA MARIA
Eva Maria est une scientifique, spécialisée dans l’étude des volcans. Elle a
environ 50 ans.
Eva Maria agit comme un fantôme dans sa propre maison. Depuis que sa
fille a disparu, elle souffre d’une grave dépression. Elle a un fils, mais elle
l’ignore complètement. Elle est alcoolique.
Elle va tout faire pour découvrir la vérité au sujet de la mort de Lisandra.
Evidemment, son enquête va l’aider à se détourner de la perte de sa fille,
l’aider à se focaliser sur un autre sujet. Mais elle a également besoin de la
présence de son psychanalyste. Sans ses séances avec lui, elle ne pourra
pas s’en sortir. Même s’il n’y a pas de liaison amoureuse entre Vittorio et
Eva Maria, leur relation est très forte.
216
COMMENTAIRES
217
La garçonnière aborde des sujets tels que la jalousie et l’obsession et en
ce sens, la manière dont ces thèmes sont traités rappelle le film La fin
d’une liaison réalisé par Neil Jordan, avec Ralph Fiennes et Julianne
Moore.
L’auteur maîtrise remarquablement la construction de ses personnages,
qui dévoilent au fur et à mesure leur secrets et blessure du passé. Même
si les histoires sont complètement différentes, le personnage de Lisandra
rappelle celui de Kate Winslet dans The Reader ou Rosamund Pike dans
Gone Girl (également des adaptations de romans). Toutes les trois sont
des énigmes, des personnages charismatiques qui peuvent faire preuve
d’une certaine rigidité ou froideur. De plus, ces deux films partagent avec
le roman des similitudes en termes de structure narrative. Tout d’abord,
l’importance des flashbacks. Ces derniers sont parfaitement maîtrisés
dans ces deux films. Le suspense est également un point commun majeur
entre Gone Girl et La garçonnière.
Le casting de La garçonnière aura besoin de deux acteurs très
charismatiques pour incarner Lisandra et Vittorio. Pour Vittorio : Robert
Downey Jr, Mads Mikelsen, Liam Neeson ou Bryan Cranston.
Pour Lisandra : Marion Cotillard, Anne Hathaway, Natalie Portman, Rose
Bryne.
Le rôle de la psychanalyse est central dans ce roman. Les séances qui
intéressent le lecteur passionneront également le spectateur, et
renforceront le suspense du film. La série télévisée In Treatment a
démontré que les séances et le travail d’un psychanalyste pouvaient
captiver les spectateurs.
CONCLUSION
La garçonnière est un suspense captivant qui tient le lecteur en haleine de
la première à la dernière page. La puissance de ce roman tient également
par sa richesse : ce n’est pas seulement une simple enquête mais
également un drame conjugal, dont le thème principal est la jalousie qui
peut détruire un couple. Mais c’est aussi un roman émouvant, où gravitent
des personnages blessés par la vie.
218
REFERENCES CINEMATOGRAPHIQUES
- The Reader de Stephen Daldry
- The end of an affair de Neil Jordan
- Gone Girl de David Fincher
- Closer de Mike Nichols
- The Fugitive d’Andrew Davis
AUTRE INFORMATION
Ventes de 40.000 exemplaires à ce jour
TRADUCTIONS
Droits étrangers vendus pour les langues suivantes : allemand, anglais,
italien, néerlandais, hébreu, grec, japonais et norvégien.
219
EXTRAITS
220
Page 36
« Ce n’est pas parce qu’on a l’air malheureux qu’on n’est pas coupable ».
Page 88
« La manière dont une séance se termine n’est jamais un hasard, le
patient en arrive là où il devait en arriver. S’il y a bien un endroit où le
hasard n’existe pas, c’est dans un cabinet de psychanalyste ».
Page 204
« Le propre de certains amants, c’est parfois de rendre les femmes à
leurs maris plus amoureuses que jamais »
Page 222
“Quand les autres éclataient de rire, elle ne faisait que sourire, c’est une
des choses que j’ai tout de suite observées chez Lisandra : elle ne faisait
pas de bruit ».
Page 241
« Quand l’amour commence, un sablier quelque part se retourne et on se
dirige inlassablement vers la fin »
« La jalousie ne choisit pas celui ou celle qu’elle va animer, c’est plus
torve, plus collectif, plus génocidaire. La jalousie ne veut pas détruire une
seule personne, elle veut détruire un couple. »
Page 244
« J’ai su que j’allais perdre Vittorio. Une autre allait prendre ma place. Lui
apporter cette nouveauté que je ne pourrais plus jamais lui apporter.
Comme l’eau qui s’étend, implacable, la jalousie s’est étendue partout, a
investi le moindre interstice de ma vie, de mon raisonnement, de mes
émotions. De mon identité ».
221
HELL SCHOOL
Titre original
HELL SCHOOL
Auteur
ERS & DUGOMMIER
Nationalité
France
Pages
3 X 48 PAGES
Editeur
Le Lombard ©, [2013]
Epoque
Contemporaine
Lieux
Ile – Ville
Genre
Thriller
222
PITCH
« Marche ou crève », telle devrait être la devise de l’Institut de
l’Excellence, où les accidents mortels étant monnaie courante pour les
plus faibles. Un groupe de quatre lycéens tente de se rebeller pour y
survivre. Réalisant que cette école d’élite est liée à un trafic d’orphelins
aussi cruel qu’immoral ils découvrent que leur pire ennemi pourrait bien
être le plus grand défenseur de l’humanité…
INTRIGUE
Bastien, Hina et Boris sont « condamnés » à passer 3 ans à l’Institut de
l’Excellence, une école pilote réservée à l’élite, située sur une île. En
refusant de se plier au rituel initiatique du lycée, ils doivent souffrir
l’exclusion violente de la part des autres élèves et supporter d’être
surnommés les « bâtards ».À Franck, le président des élèves, de s’assurer
avec l’aide de ses troupes qu’ils vivront un véritable enfer: privations,
harcèlement, tout est bon pour les faire flancher. Bastien, un soir qu’il fuit
un groupe ayant décidé de lui couper les cheveux de force, découvre une
plaque en souvenir d’un élève mort sur l’île. En enquêtant avec Hina et
Boris, il comprend que plusieurs anciens « bâtards » ont disparus à la
suite d’accidents mortels et qu’ils pourraient, tous les trois, être
également en danger de mort!
Sous prétexte de devoir laver l’honneur de l’école, Franck reçoit l’ordre
d’éliminer Bastien mais il échoue. Cette tentative de meurtre motive
d’autant plus Bastien et ses acolytes à faire tomber l’école et en dénoncer
les meurtres. Profitant de fêter Noël sur le continent, Bastien fugue et
remonte la piste d’un des élèves disparu, orphelin et exclu, tout comme
lui. Il découvre qu’ils ont partagé la même famille d’accueil, celle qui lui a
imposé des années d’éducation stricte à la limite de la torture
psychologique. Pendant que ses complices retournent en cours et
obtiennent plus d’informations, il découvre enfin et au péril de sa vie la
vérité sur l’homme qui se cache derrière tout cela:
Henry Mennert, orphelin, n’a pu compter que sur lui-même pour gravir les
échelons de la haute société en passant par l’Institut. D’une empathie et
d’un altruisme sans faille, il a construit un empire en investissant dans les
pays du Tiers-Monde pour en revaloriser les richesses. Convaincu de la
justesse de sa cause et que son parcours personnel était la clé de sa
réussite, il a mis en place un réseau de mères porteuses et un programme
223
d’éducation destiné aux orphelins pour qu’ils revivent sa vie à l’identique
et développent ses qualités altruistes. Le passage par l’Institut étant
devenu le test ultime, Bastien comprend qu’il a retrouvé son père mais
surtout que quantité de ses demi-frères ont été manipulés voire tués. Que
lui reste-t-il quand il réalise que la dénonciation de l’homme qui a tout
orchestré provoquerait la chute de l’empire financier le plus désintéressé
que le monde ait jamais porté ?
THEMES ABORDES
Histoires d’amitiés
Meurtres
Enlèvements, disparitions
Héritages
Quête du passé
Complot
Clonage
Lutte pour la survie
Enquête
Règles de vie en groupe
Jeunes abandonnés à eux-mêmes
Discipline rétrograde
Rejet / Acceptation
224
RÉSUMÉ DÉTAILLÉ
225
Il y a 10 ans, début janvier, un groupe de jeunes en uniforme attend
d’embarquer dans un bateau de transport. Quand l’embarcation arrive,
l’un d’eux, « le bâtard » est interdit de séjour dans la cabine et devra
attendre à l’extérieur. Un des jeunes décide d’aller voir ce qu’il devient. À
peine dehors, il se précipite sur lui et le jette par-dessus bord. Aux autres,
il expliquera qu’il n’y avait personne sur le pont et que le bâtard était
probablement resté à quai.
Dix ans plus tard, sous un soleil radieux, on découvre sur une île privée
l’Institut de l’Excellence où se rend un groupe de jeunes lycéens. Il s’agit
de la nouvelle promotion. Deux étudiants font déjà bande à part, Bastien,
un jeune rasta et Hina, une grande fille aux cheveux bleus et piercing. À
peine débarqués, les étudiants sont convoqués par le directeur qui leur
rappelle le règlement très strict de l’établissement : pas de téléphone
portable, port de l’uniforme obligatoire et coupe de cheveux
réglementaire… la liste est longue! Un rituel de plusieurs jours est
organisé par les anciens auquel chaque étudiant est fortement convié. Les
étudiants qui refuseront de se plier au bizutage ou ne correspondraient
pas à la mentalité n’auront pas le droit de porter l’écusson de l’école et
resteront en marge ! Surnommés les bâtards, ils devront subir, en
véritable défouloirs pour les autres, les pires humiliations et exclusions :
derniers autorisés à passer à table, logés dans un ancien bâtiment de
service loin des dortoirs communs, sujet continuels de moqueries et
rabaissements divers, le tout, sous la bienveillance du Directeur de l’école
bien entendu.
Dans ce nouvel environnement, Bastien, altermondialiste patenté a bien
du mal à trouver sa place. Quand un groupe d’élèves l’attaque pour lui
couper les cheveux de force, il réussit à prendre la fuite et sème ses
poursuivants en empruntant un ancien sentier de douaniers. Au bout du
chemin, il est brusquement rappelé à plus de prudence en tombant sur
une stèle en souvenir d’un élève qui aurait fait une chute dans le vide. Le
danger est bien réel.
Le rituel commence et Bastien et Hina vivent officiellement leurs
premières heures d’outcast loin du groupe en attendant que les cours
reprennent. Boris ne tardera pas à les rejoindre, exclu lui aussi du cercle
des privilégiés au motif qu’il n’arrive pas à canaliser sa violence.
Les musiques de la fête de clôture du rituel sonnent comme un glas pour
les bâtards, les voici unis par leur triste sort ! A l’autre bout de l’île, ils en
226
profitent pour se livrer et expliquent leurs présence sur l’île: Boris a été
envoyé par son père pour s’endurcir et être moins « cool ».Hina s’entend
tellement mal avec ses parents adoptifs (elle est d’origine maori) qu’ils
l’ont envoyé sur l’île pour la recadrer. Bastien quant à lui, est orphelin, il
n’a vécu qu’en famille d’accueil et institutions et n’a pas de parents. Il ne
comprend pas quelle institution l’a envoyé sur l’île ni qui a pris sa scolarité
en charge. Valérie, une étudiante réservée qui vient de découvrir que son
père, prof de math de l’école, couche avec les élèves de terminale pour
améliorer leurs notes, tente timidement de rejoindre le groupe des exclus
mais se heurte à un refus catégorique. Les « bâtards » ayant peur d’un
nouveau piège.
Après la cérémonie de clôture, dans le bureau du directeur, Franck, le
président du rituel, doit s’expliquer devant deux anciens présidents de la
présence de trois « bâtards » dans ses rangs. L’un d’eux, une version plus
âgée de 10 ans du meurtrier de la première scène, lui explique qu’ils ont
tous deux dû se charger du même problème et l’éliminer de leurs propres
mains et qu’avec trois « bâtards » au sein de sa promotion, Franck doit
prendre la même décision. Le directeur lui propose de choisir au hasard un
des trois billets au dos desquels il a inscrit le nom des exclus et c’est le
nom de Bastien qui est retenu. Mais à peine Franck est-il sorti que le
directeur rassemble les billets restant, eux aussi au nom de Bastien…
Peu de temps après cet entretien, un couple vient justement se recueillir
auprès de la plaque commémorative du garçon tombé de la falaise. Ils
n’étaient pas les parents de l’enfant mais seulement les voisins chez qui il
passait la plupart de son temps. Bastien surprend deux professeurs, en
train de discuter d’un cas similaire, un élève aurait péri en mer en
tombant d’un bateau pendant la traversée. Il fait le rapprochement et
décide de mener une rapide enquête. Il découvre que les deux élèves
disparus étaient tous deux des « bâtards ». Dans un premier temps ils
comprennent ensemble que, les harcèlements allant trop loin, l’Institut a
préféré cacher ces accidents regrettables pour préserver sa réputation
sans pour autant agir par la suite. Mais en poussant leurs recherches, ils
apprennent qu’en plus d’être des bâtards, les élèves étaient également
orphelins ! De quoi donner de sérieuses angoisses à Bastien et Hina qui se
sentent tout de suite moins en sécurité !
A ce titre, Franck lutte avec sa conscience, s’il a trouvé un moyen de tuer
Bastien en déclenchant un effondrement de rochers non loin de la plage
qu’il côtoie, il n’a pas l’étoffe d’un assassin et se persuade qu’il le fait pour
227
l’honneur de l’école. Mais quand il passe à l’action, Bastien se jetant sur le
côté évite de justesse le bloc de pierre qui lui aurait été fatal !
Convaincu que la course contre la montre a commencé, les « bâtards »
acceptent d’inclure Valérie à leur bande pour faire du chantage auprès de
son père et récupérer un maximum d’informations. Les vacances de Noël
approchant à grand pas, chacun sera de retour sur le continent et Bastien
à bien l’intention de mettre cette occasion à profit pour percer le secret
des meurtres en série et questionner les voisins du jeune homme retrouvé
en bas de la falaise.
Pendant ce temps, Franck, que la présence de Bastien a mis sous les
coups de projecteurs des sbires du Directeur, subit une remontrance
musclée : s’il ne s’occupe pas de Bastien à la rentrée, c’est lui qui
risquerait bien d’être la prochaine victime d’un accident regrettable…
Enfin de retour sur le continent, Bastien ne perd pas de temps et fait une
fugue pour se rendre à l’adresse indiquée par le père de Valérie pour
retrouver le couple de voisin. Rassuré de constater que ses recherches
avancent bien, il contacte Hina mais une fois devant la maison, il reste
sans voix malgré les inquiétudes d’Hina qui l’exhorte à lui expliquer ce qui
lui arrive…
Il est en train de réaliser que la maison du jeune élève disparu n’est autre
que la maison d’une de ses familles d’accueil dans laquelle il a passé
plusieurs années de son enfance ! Epiphanie d’autant plus troublante que
c’était justement cette famille d’accueil qui lui a fait subir une éducation
des plus strictes, à la limite de la torture psychologique. Bastien revis en
quelques secondes les traumatismes de son enfance que lui ont infligé
cette famille d’accueil froide et austère : ils lui tendaient des pièges pour
qu’il apprenne à ne faire confiance à personne en le laissant s’électrocuter
avec une prise de courant par exemple.
Troublé, il en oublie sa mission première et se faufile dans la propriété
pour les espionner. Dans le jardin, un garçon est déguisé en cow-boy,
bâillonné et attaché à un arbre. Bastien se souvient avoir vécu la même
scène, son tuteur l’invitait alors à répondre à la question : « Quel est le
plus important : Connaître ses vrais parents ou boire et manger ? » Au
bout de plusieurs heures, affaiblit et aussi affamé qu’assoiffé, il
reconnaissait finalement que boire et manger était effectivement plus
important. De peur d’avoir été repéré en entendant les sirènes d’une
228
voiture de police, il prend la fuite et décide de remettre à plus tard son
enquête.
Alors qu’Hina, Valérie et Boris s’apprêtent à bientôt retourner sur l’île, ils
effectuent un virement sur le compte de Bastien pour l’aider à survivre
avec plus de confort pendant sa fuite. Malheureusement, ce dernier est
étroitement surveillé par le directeur et un certain Henry Mennert qui suit
de très près les événements de l’école et qui semble avoir de nombreuses
connections. Les mouvements de sa carte sont localisés et il est vite
retrouvé par les hommes de main du directeur.
Quand ils retrouvent sa piste, ils le suivent patiemment jusqu’à ce qu’il se
retrouve seul. Celui qui avait déjà jeté son camarade par-dessus bord 10
ans plus tôt tente de le poignarder mais il hésite pendant quelques
instants et décide finalement de l’épargner et empêche son collègue de
finir son travail en hurlant à Bastien de fuir et de disparaître. Celui-ci en
profite pour prendre la fuite pendant que les hommes de mains se battent
entre eux, jusqu'à ce que l’autre poignarde son collègue qui n’a pas su se
montrer à la hauteur.
D’abord terrorisé par cet évènement, Bastien se reprend vite et comprend
qu’étant l’homme à abattre, il doit se débarrasser de tout ce qui pourrait
le trahir. Il jette son téléphone à l’arrière d’un camion et reprend la fuite.
Henry Mennert, l’homme qui le surveille d’aussi près, est en réalité le
président de la Mennert Fair Trade Industries. Une puissante compagnie
internationale qui installe des usines vertes et équitables dans les pays du
Tiers-Monde. Dans le respect de l’environnement, il redistribue ensuite les
richesses sur place pour qu’elles profitent aux habitants. En somme, l’une
des compagnies les plus bénéfiques pour la répartition des richesses et le
développement des pays du Tiers-Monde que le monde ait connu.
Le sachant prêt à découvrir le pot aux roses, Henry Mennert déclenche la
« procédure d’urgence » pour couper court aux recherches de Bastien si
d’aventure ils n’arrivent pas à l’arrêter. On apprend alors l’incroyable
machination qui se cache derrière la Mennert Fair Trade Industries : un
réseau de cinq familles d’accueil aussi strictes apparemment que celle de
Bastien sont appelées à déménager dans la minute. Pire ! Une résidence
de procréation et de gestation serait également concernée car occupée
actuellement… par une mère porteuse ! A quel marché un tel réseau
d’élevage d’enfants profite-t-il ? Et quel rapport existe-t-il avec la
229
compagnie si altruiste et pleine de bonnes intentions qu’est la Mennert
Fair Trade Industries ?
Les brimades et humiliations ont repris de plus belle sur l’île pour Hina et
Boris et loin de s’imaginer ce qu’endure Bastien, chacun parmi les élèves
y va de son petit mot facile pour accuser la faiblesse dont il fait preuve de
n’avoir pas oser revenir. Mais si la prochaine victime désignée par le
directeur à Franck semble être Hina, le trio continue de déterrer les
secrets de l’île. C’est Valérie qui relance l’enquête en découvrant, qu’au
pied des terrasses de l’établissement, se trouve une autre stèle,
confondue dans la végétation et faisant état de la disparition d’un
étudiant… il y a plus de 40 ans ! Réussissant à pénétrer les archives de
l’école ils découvrent dans le carnet de scolarité de l’époque que l’élève
tué du haut des terrasses était de la même année de promotion que le
directeur mais surtout qu’il était lui aussi un « bâtard » ! Plus troublant
encore, en tournant les pages du livre ils réalisent que le président du
rituel, un certain Henry Mennert, était par contre un orphelin !
A l’aide d’un téléphone à carte prépayée, Bastien appelle ses complices
pour faire le point. Leurs informations mises en commun tout semble
désigner la Mennert Faire Trade Industries et surtout Henry Mennert.
Celui-ci devant justement recevoir une distinction pour son œuvre en tant
que fer de lance dans l’industrie du commerce équitable, Bastien compte
bien aller le provoquer publiquement pour qu’il avoue le fin mot de
l’histoire.
Mais Mennert dispose d’un service de renseignement efficace et intercepte
Bastien avant la remise de son prix, il ne tient plus à l’éliminer, Bastien
ayant fait preuve de tant d’intelligence et d’obstination qu’il la convaincu
de lui devoir des explications… l’heure de la confrontation et de la vérité a
enfin sonné !
Né orphelin, Henry Mennert a très vite développé une certaine empathie
pour les plus défavorisés. En grandissant, il s’est forgé un caractère hors
du commun qui l’a amené à l’Institut de l’Excellence dont il est très vite
devenu le président du rituel. Avec les années, il a commencé à investir
dans le monde pour créer la Mennert Fair Trade Industries. Inquiet de sa
succession et persuadé que seule une personne ayant vécu ce qu’il a vécu
serait capable de poursuivre son œuvre, il a « créé » une série d’orphelins
et élaboré un programme d’éducation strictement identique à son
parcours personnel. C’est lui qui tirait depuis le début les ficelles avec
230
l’aide du Directeur, son ami d’enfance. En dépit du parcours atypique de
Bastien qui n’a pas du tout suivi le programme qu’on avait défini pour lui,
Mennert reconnaît qu’ils aspirent finalement l’un et l’autre au même idéal
et a compris ces derniers jours que c’est lui le successeur qu’il attendait
depuis tant d’années !
Malgré les horreurs qu’il vient d’entendre et en dépit de toutes les
manipulations dont il a été l’objet toute sa vie durant, Bastien se retient à
la dernière seconde de dénoncer le scandale, la chute de la Mennert Faire
Trade Industries ferait plus de victimes que Mennert n’en n’a fait luimême…
De retour sur l’île, le directeur, au motif que les brimades ont assez duré,
fait passer l’ordre parmi les élèves de cesser leurs harcèlements. On
explique à Franck qu’il a fait partie d’une expérience psychologique et que
son dernier test face à autant de pression a révélé chez lui des qualités
humaines hors du commun.
Quant à Bastien, s’il réfléchit sérieusement à reprendre la Mennert Faire
Trade Industries, il pense également aux alliés de confiance dont il aura
besoin à l’avenir, Hina, Boris et Valérie accepteront-ils de le suivre dans
cette aventure ?
231
PERSONNAGES
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BASTIEN
Homme - 15 ans.
Roux avec des dreadlocks, porte un sweat à capuche aux couleurs de la
Jamaïque. Esprit vif, libre, calme et réfléchi. A une nette tendance à
l’altermondialiste, en opposition totale donc avec la mentalité de l’école.
Bastien est la définition du mec cool.
Bastien est orphelin, il n’a jamais connu ses parents et a été trimballé de
famille d’accueil en famille d’accueil. Il garde un très mauvais souvenir
d’une famille en particulier qui jouait à le torturer psychologiquement. Un
des exercices qu’il avait dû subir consistait à ce qu’il soit attaché à un
arbre et après plusieurs heures sans eau ni nourriture, devait répondre à
la simple question : « Quel est le plus important : Connaître ses vrais
parents ou boire et manger ? » Au bout de plusieurs heures, il avait
finalement reconnu que boire et manger était effectivement plus
important. Mais loin de lui briser son tempérament rebelle, ces différentes
humiliations lui ont valu un caractère bien trempé notamment face à
l’autorité. Du fait d’être orphelin, il est le seul élève de sa promotion à
bénéficier d’une inscription à titre gracieux, une tradition instauré par un
« illustre ancien » qui aurait vécu les mêmes vicissitudes que lui. Il fait
partie de la « formation Mennert » consistant à tester les orphelins.
HINA
Femme – 15 ans.
Rappelle à qui veut l’entendre qu’elle est d’origine Maori – se teint les
cheveux en bleu et arbore fièrement plusieurs piercings.
Hina est également orpheline mais a été adoptée très tôt. Parce que son
adoption est un échec, elle est en guerre ouverte contre ses parents. Elle
les méprise pour leur manque d’ambition et s’attaque souvent à son père,
qu’elle imagine ancien alcoolique et simple policier alors qu’il travaille
pour le GIPN (Groupe d’Intervention de la Police Nationale).Elle leur en a
tellement montré de toutes les couleurs qu’ils ont décidé de l’inscrire à
l’Institut de l’Excellence pour la recadrer un peu en espérant qu’elle en
tirera quelques enseignements. Elle est sensible et se protège avec une
carapace de dure à cuire. Par peur de voir sa bande voler en éclat mais
233
surtout car elle serait incapable d’y faire face, elle fait jurer à Bastien et
Boris qu’aucun ne tentera de la draguer.
BORIS
Homme – 15 ans.
Grand costaud blond aux yeux bleus, il a peur de sa propre violence et sa
susceptibilité n’arrange rien.
Une vraie armoire à glace, les muscles de la bande, il a un cœur gros
comme ça mais sait aussi se servir de ses poings quand c’est nécessaire.
Il est loyal avec ses amis et ne supporte pas l’injustice. Il ne cherche pas
à défier l’autorité mais à protéger les plus faibles. Alors qu’Etienne, son
compagnon de chambré malingre et peureux sert de souffre-douleur aux
autres élèves, il va provoquer une bagarre pour inverser la tendance et
faire en sorte qu’Etienne soit protégé par ceux qui le harcèlent. Il est en
rupture total avec son père qui l’a inscrit de force à l’Institut de
l’Excellence pour l’endurcir. En réalité, son père est un abruti violent qui
gagne sa vie en faisant du recèle de matériel informatique.
Il sera furieux d’apprendre que son fils fasse parti des exclus de l’école
mais éprouvera une certaine fierté de savoir que ce dernier a également
brisé le nez d’un de ses camarades pendant une bagarre. Boris n’est pas
un rebelle dans l’âme, il s’est juré de ne pas finir comme son père et ne
supporte pas l’idée de devoir enfreindre les règles. Pourtant, la force des
choses va le pousser à dépasser ses limites pour sauver ses amis.
VALERIE
Femme - 15 ans..
Timide, réservée, romantique et gentille.
Elle ne supporte pas l’Institut de l’Excellence même si elle y jouit de
certains privilèges car son père y est prof de math, secret bien défendu
des autres élèves. Elle a passé le rituel d’initiation mais n’arrive pour
autant pas à s’intégrer parmi la faune de gosses de riches que composent
ses camarades de classe. Quand elle découvre que son père couche avec
les étudiantes à peine majeures contre quelques cours particuliers elle
manque de se jeter du haut d’une falaise. Elle décide de rejoindre en
234
secrets les trois exclus et de les aider de l’intérieur en faisant pression sur
son père pour obtenir différents renseignements. Quand Hina lui fait part
de sa promesse qu’elle a obtenu des garçons de ne pas la draguer elle lui
reproche son pragmatisme, si elle éprouvait des sentiments pour l’un ou
l’autre, elle ne se cachera pas pour les exprimer, après tout, l’amour rend
plus fort !
FRANCK
Homme – 17 ans – beau gosse.
C’est le président du rituel, autrement dit le statut le plus élevé que peut
atteindre un élève de l’Ecole. Orphelin également, il fait aussi partie de la
« formation Mennert ». Il semble répondre aux critères de sélection et se
laisse manipuler à loisir tout en subissant une très forte pression de la
part de la direction qu’il supporte de plus en plus mal. D’abord bouleversé
de devoir laver l’honneur de l’école en tuant Bastien il devra subir la
punition des sbires du directeur quand il échouera lors de sa première
tentative. C’est à ce moment que l’on réalise que Franck n’est pas le
lycéen aussi sûr de lui qu’il est populaire : sa condition d’orphelin lui étant
brutalement rappelée il est en réalité terrorisé par le rejet et est prêt à
tout pour faire partie d’un tout, au risque d’y laisser sa santé mentale.
HENRY MENNERT
Homme – 55 ans – homme d’affaire richissime et très occupé.
Père biologique de Bastien, Franck et nombreux autres jeunes orphelins
éliminés lors de leur passage à l’Ecole ou encore en « formation » dans les
diverses familles d’accueil. C’est le Président de la Mennert Faire Trade
Industries, gigantesque société œuvrant pour la revalorisation du
patrimoine et des richesses des pays émergeant.
Il s’apprête à recevoir la South Respect, équivalent du prix Nobel de
l’équitable et de l’écologie. Il a une haute estime de lui et de ce qu’il est
devenu et surtout de ce qu’il a traversé pour le devenir. Très inquiet pour
sa succession, il a peur que le projet d’une vie ne tombe aux mains d’un
chef d’entreprise corrompu qui aurait une autre vision des choses.
Profondément altruiste et empathique, il n’en est pas moins devenu
235
suffisamment fou pour monter un élevage d’orphelins destinés à lui
ressembler pour prendre sa suite.
GREGOIRE BEYER
Homme – 55 ans – dégarni, sinistre.
Le directeur de l’école, il connaît bien Henry Mennert depuis leurs années
à l’Institut de l’Excellence. Partage la passion de l’art primitif d’Henry et
s’est laissé convaincre du bien-fondé de la « formation Mennert » et prête
main-forte à son ami d’enfance pour mettre sa force de conviction et ses
talents de manipulateurs à son service.
236
COMMENTAIRES
237
D’un thriller sur la compétition jusqu’à la mort dans un lycée de gosse de
riche, Hell School nous plonge rapidement au cœur d’une affaire plus
vertigineuse encore: l’élevage d’orphelin à des fins de clonage de l’esprit.
Au fil des pages, on suit les aventures d’un clan formé apparemment par
le destin, qui devra surmonter des épreuves de plus en plus dangereuses
voire mortelles. A tel point qu’ils devront s’unir pour résoudre ce mystère
sur l’île comme sur le continent avant que l’un d’entre eux ne la mort de
les rattrape.
Entre « Sa majesté des mouches » et les romans actuels à succès comme
« Hunger Games » ou « Le Labyrinthe », cette quête initiatique rapproche
des destins qui n’auraient pas dû se croiser et qui ne devront leur survie
qu’à leur solidarité, leur réactivité et leur ingéniosité face au danger.
Et au bout du compte, en découvrant les réelles motivations du Deus ex
Machina, un cas de conscience encore plus profond va se poser :
Comment réagiriez-vous si votre pire ennemi s’avérait être l’équivalent
d’un prix Nobel d’altruisme ? Les meilleures intentions justifient-elles
qu’on ferme les yeux sur les pires actions ? Et jusqu’où le faux-pas peut-il
être pardonné ? Autant de questions que le scénario apporte et pour
lesquelles le spectateur devra trouver ses propres réponses, tant elles font
appelle à sa subjectivité.
Une subjectivité qu’on retrouve dans la galerie de personnages, forts et
riches d’aspérités, qui composent le récit. Leur ego, leurs singularités
apportent la matière et le crédit nécessaire à leurs motivations
personnelles pour le bon déroulement de l’intrigue. Pernicieux,
manipulateurs, naïfs ou faussement innocents, les personnages
principaux, au début de leur vie d’adultes, vont devoir se départir de leurs
rêves d’enfants rebelles pour composer avec la dualité de leurs
sentiments. Un ressenti très justement éprouvé par Hina à la fin de leurs
aventures:« Je le crois pas, on a à peine 15 ans et on doit déjà accepter
des arrangements puants ! »
REFERENCES CINEMATOGRAPHIQUES
Sa majesté des mouches
Hunger Games
Le Labyrinthe
Battle Royal
TRADUCTIONS
Anglais
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EXTRAITS
Tome 1 – P34-41
Survivre en milieu hostile
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