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SHOOT THE BOOK! DOSSIER DE CANDIDATURES VOLUME I 1 2 SOMMAIRE « SHOOT THE BOOK » VOLUME I 6 HEURES 41 ............................................................................................................................................ 4 AINSI SE TUT ZARATHOUSTRA .............................................................................................................. 23 L’ANGELUS (SECRETS) ............................................................................................................................ 39 C’EST QUOI CE ROMAN ? ...................................................................................................................... 62 COME PRIMA ........................................................................................................................................ 85 CONEY ISLAND BABY........................................................................................................................... 102 LA COULEUR DE L’AUBE....................................................................................................................... 122 LE CRIME D’OLGA ARBELINA .............................................................................................................. 140 CROSS FIRE .......................................................................................................................................... 157 DOLFI ET MARILYN .............................................................................................................................. 175 LA DOUBLE VIE D’ANNA SONG ........................................................................................................... 192 LA GARCONNIERE ............................................................................................................................... 208 HELL SCHOOL....................................................................................................................................... 222 3 6 HEURES 41 Titre original 06h41 Auteur Jean-Philippe BLONDEL Nationalité Française Pages 224 Editeur © Libella, Paris, 2013 Epoque Contemporaine Lieux Troyes-Paris Genre Comédie sentimentale 4 PITCH Imaginez-vous : vous vous retrouvez assis, pour une longue heure de train, à côté d’un homme qui a été votre amant, 27 ans plus tôt. Vous revenez d’un week-end déprimant chez vos parents vieillissants, lui, divorcé, a posé une journée pour rendre visite à un ami malade. Comment réagissez-vous ? Que vous dites-vous ? Vous adressez-vous seulement la parole ? INTRIGUE 06h41 : Lundi matin. Le quai de la gare de Troyes. Dans la foule : Cécile Duffaut et Philippe Leduc. Elle, rentre furieuse d’un week-end chez ses parents : culpabilisant à l’idée de les laisser le dimanche soir, elle a finalement décidé de passer la soirée chez eux ce qui les a perturbés, car cette nuit supplémentaire n‘avait pas été programmée. Lui, a posé une journée de congés pour aller rendre visite une dernière fois à Mathieu, son ami d’adolescence gravement malade. Les wagons sont bondés : par chance, Cécile trouve une place – deux même. S’y installe un homme quelques minutes plus tard, qu’elle reconnaît aussitôt : son amour de jeunesse, Philippe Leduc. Une histoire d’amour de 4 mois qui s’est achevée à Londres avec Philippe larguant peu élégamment Cécile. Horreur. Que faire ? Changer de place ? Trop tard : cette rencontre inopinée les a déjà plongés tous les deux dans le passé et irrémédiablement, le voyage dans le temps commence pour chacun d’entre eux : qu’ai-je fait de ma vie ? Que sont devenues mes illusions ? Cécile, l’ex-adolescente transparente est devenue une ‘working girl’ à la tête de sa propre entreprise florissante de cosmétiques bios. Mariée à un homme qui respecte son indépendance. Pour Philippe, les choses sont plus délicates : l’ex-bellâtre du lycée s’est transformé en un loser quinquagénaire que l’embonpoint et la calvitie ont rattrapé. Divorcé (sa femme s’est remariée avec Jérôme, son amour de jeunesse), ses enfants refusent désormais de le voir et ont trouvé en leur beau-père l’incarnation de la figure paternelle que Philippe n’a jamais su endosser. Pendant ces 95 minutes de temps de trajet, les deux ex-amants vont faire mine de s’ignorer mais la machine à remonter le temps est à l’œuvre dans la tête de chacun des deux protagonistes. Alors que le train atteint sa destination, un semblant de conversation maladroit s’engage et Philippe, dans un grand accès de bravoure, propose à Cécile de prendre un café. Celle-ci refuse la proposition, puis finit par se raviser. On imagine que Philippe va faire amende honorable et que Cécile va lui pardonner, 5 estimant que la vie s’est déjà chargée de lui faire payer au centuple sa goujaterie adolescente. THEMES ABORDES - Satire sociale Période de l’adolescence Rapports hommes / femmes : séduction Responsabilité individuelle Ethique morale Passage du temps Hasard de l’existence Amour Ambitions de jeunesse Rapports entre les générations (parents – enfants) 6 RÉSUMÉ DÉTAILLÉ 7 Il y a 27 ans, Cécile Duffaut et Philippe Leduc avaient tout juste 20 ans. Au lycée, déjà, tout les opposait : elle, une jeune fille peu sûre d’elle, mal fagotée et parfaitement transparente. Lui, le beau gosse populaire, plein d’aplomb et d’arrogance, très conscient de son pouvoir de séduction et que toutes les filles rêvaient d’avoir pour compagnon, ne serait-ce que quelques semaines. Contre toute attente, Philippe jeta son dévolu sur Cécile, la première étonnée qu’un garçon comme lui daigne s’intéresser à une fille comme elle – opinion largement partagée par la population de la fac (« Je ne comprenais pas ce qu’il me trouvait. Parce que j’étais très lucide. Les filles, quand j’étais au lycée m’avaient beaucoup aidée. Elles me trouvaient moche. Pas laide, non, juste moche. Sans aucun éclat »). Leur idylle dura 4 mois et se noua surtout lors des week-ends puisque la semaine, lui vivait à Paris et elle, à Troyes. L’histoire se solda lors d’une calamiteuse escapade supposée romantique à Londres au cours de laquelle Cécile se fit « larguer » sans ménagement. Cette semaine à deux était à son initiative à lui, l’étudiant d’anglais. Il confesse lui-même avec le recul qu’il était paradoxal de partir en voyage avec une petite amie dont on comptait se débarrasser. Mais cette proximité inédite et quotidienne fut fatale à leur liaison. A l’époque, il pressent confusément que malgré une timidité apparente, cette Cécile Duffaut va lui faire de l’ombre, prendre une certaine ascendance sur lui. Leur rupture se révèle très violente pour Cécile que Philippe compare sans commisération à une fourmi (« Une fourmi dans un carré de gazon, même pas la reine des fourmis, oh non, certainement pas, une fourmi parmi toutes les autres fourmis, la fourmi par excellence, aucun recul, aucune ambition, rien pour la distinguer des autres (…) ». Nul ne l’a jamais humiliée de la sorte. Elle en conçoit une haine farouche et tenace à son égard. Au terme de cette semaine catastrophique, leurs vies prirent des routes différentes. Ils intégrèrent la vie active, lui décrocha son premier contrat de travail (vendeur qualifié en télévisions et magnétoscopes), puis rencontra Christine, professeur, qui devait devenir son épouse. Philippe, déjà conscient que sa vie ne répondrait jamais à ses rêves d’adolescent, continua à suivre à distance le parcours de son ami d’enfance, Mathieu Coché, promis à une brillante carrière artistique qui finira comme présentateur de jeux à la télévision (« un jeu affligeant qui permet de faire patienter les ménagères de moins de cinquante ans et les chômeurs en attendant le journal de 13 heures »). 8 Puis Philippe divorce de Christine. Frustrée par la tournure que prend sa vie conjugale, celle-ci part sur les traces de son amour de jeunesse, Jérôme, divorcé lui-même, sans enfants qui rapidement devient un père de substitution pour Manon et Loïc (« Il était gentil, prévenant, il ne disait jamais non quand il fallait acheter des magazines. Il jouait aux jeux vidéo. Un père parfait. ».) Manon est sur le point de déménager à Reims pour suivre une formation de kinésithérapeute, Loïc, lui envisage de devenir orthophoniste (« Magnifique comme rêve, non, à seize ans ? ») Au retour de Londres, la vie de Cécile prend un nouveau tournant. Elle se fait la promesse de ne plus jamais se laisser humilier de la sorte et se fabrique une carapace destinée à la protéger des coups. Sa volonté s’en trouve aiguisée (« J’ai suivi à la lettre toutes les décisions que j’ai prises cette nuit-là. Elles ont bâti ma vie, elles ont donné un sens à mon parcours »). Cécile épouse Luc, cadre dans une entreprise de papeterie qui sacrifie en partie sa carrière pour s’occuper de leur fille unique, Valentine. Après avoir passé quelques mornes années derrière le guichet d’une banque, Cécile finit par lancer sa propre entreprise d’esthétique bio « Pourpre & Lys » qui connaît un essor rapide et dont les points de vente vont bientôt se développer partout en France. Cécile reconnaît que Luc l’a toujours soutenue dans cette aventure (« Nous formons une équipe. Nous connaissons l’autre par cœur – nous n’ignorons rien de ses faiblesses et de ses atouts. Mais nous savons encore nous surprendre. Le mois dernier, il a émis l’idée de tout plaquer pour me seconder si Pourpre & Lys prenait réellement de l’ampleur. C’est le verbe qu’il a utilisé « seconder ». En souriant, il a fait acte de vassalité. Je connais peu d’hommes capables de faire ça. »). Alors que Valentine prend son autonomie, les parents de Cécile, eux, vieillissent, deviennent plus vulnérables, elle s’oblige à leur rendre visite à Troyes, sa ville natale, deux fois par mois. (« Vient un âge où on est coincés entre des enfants indifférents et des parents récalcitrants. Voilà. J’ai quarante-sept ans. Je suis en plein dedans. ») 06h41 : Cécile prend donc place à bord du train, bondé. Curieusement, la place à côté d’elle est restée vacante. Un inconnu lui demande s’il peut s’y asseoir, elle accepte d’assez mauvaise grâce et là, les deux se reconnaissent immédiatement. Elle : « Je pousse mon sac et m’autorise cette fois à le regarder en face. Catastrophe. » 9 Lui : « Quand je me suis rendu compte que la seule place qui restait, c’était celle à côté de Cécile Duffaut, j’ai eu un léger vertige, comme une héroïne du XXe siècle, je me suis répété : non, ce n’est pas possible. » En l’espace d’un instant, et alors que mille pensées et souvenirs leur traversent l’esprit, les deux décident de s’ignorer, même s’ils s’observent à la dérobée pendant tout le voyage. La vision furtive d’un genou, d’une main suffit à faire ressurgir souvenirs et émotions. (« Le genou de Cécile Duffaut. Je le revois soudain. Dans un bus à impériale »). Leur flot de souvenirs se trouve interrompu par le passage du contrôleur. Aux antipodes de l’image de la femme pleine d’aplomb qu’elle s’efforce de projeter, Cécile peine à retrouver son billet et doit vider le contenu son sac sous l’œil goguenard de Philippe et du contrôleur. Elle est furieuse contre elle-même, mais finit par le retrouver. Elle se lève pour aller aux toilettes : premier échange anodin, elle reprend sa place : deuxième échange insipide. Gare de l’Est dans 30 minutes. S’engage une première véritable conversation où Philippe lui demande si elle ne serait pas Cécile Duffaut. Maladroitement, elle rectifie aussitôt en assénant son nom de femme « Cécile Mergey » et en faisant mine de ne pas être celle qu’il croit. Le silence retombe. Le temps passant et Philippe ruminant les conséquences de son comportement abject, il est sur le point de nouer la conversation, mais ne sait pas comment s’y prendre. 08h15 : voyant la destination du voyage arriver, Philippe décide de présenter gauchement ses excuses à son ex-amante pour ce qu’il lui a infligé il y a 30 ans. Elle le remercie puis se le reproche intérieurement dans la foulée. Remercier son bourreau ! Sur le point d’arriver en gare, le train s’immobilise, les minutes leur paraissent interminables. Démunie, Cécile fait diversion et lui dit qu’elle a vu Mathieu Coché dans un magazine. Il lui répond qu’il va justement le voir à Paris pour la dernière fois puisqu’il est sur le point de mourir. Nouvel embarras. Elle se trouble. Lui demande s’il a des enfants. La confusion règne des deux côtés. Il lui propose de prendre un café avec lui - ce qu’elle refuse avec brusquerie. Elle fait mine de quitter le wagon, pour finalement se raviser et sans doute accepter l’invitation. 10 PERSONNAGES 11 CECILE DUFFAUT Physiquement, il y a deux Cécile Duffaut : la Cécile Duffaut adolescente et la Cécile Duffaut d’aujourd’hui, le roman insiste beaucoup sur sa transformation physique et psychologique. A 20 ans, Cécile est dotée d’un physique passe-partout, elle est brune, porte les cheveux longs : « Cette fille qui ne payait pas de mine, qui avait un visage quelconque avec des cheveux mi-longs un peu frisés et des vêtements qui sortaient tout droit de l’hypermarché ». Le temps passant, ses nouvelles responsabilités professionnelles l’ont conduite à adopter un style sobre et chic. Genre ‘executive woman’. On compare son style à « une directrice d’école » insistant sur l’impression d’autorité qu’elle souhaite renvoyer peut-être pour compenser une certaine réserve. Elle accorde beaucoup d’importance à son indépendance, est ambitieuse sans être arriviste. Aussi anecdotique soit-elle, l’idylle qu’elle a vécue avec Philippe lui a permis de forger son caractère, elle sait désormais ce qu’elle ne veut plus et fait preuve de beaucoup de détermination & d’exigence à son égard. Elle est fière de sa réussite professionnelle et du couple qu’elle forme avec Luc. PHILIPPE LEDUC La transformation physique du personnage a suivi le chemin contraire de celui de l’héroïne : le beau gosse du lycée a perdu son image de gendre idéal pour devenir, à l’aube de ses 50 ans, un homme bedonnant, chauve et résigné. L’auteur le compare à « une caricature obèse de Hugh Grant dans Trois mariages et un enterrement ». « Je n’ai pas toujours eu ce ventre de buveur de bière que je ne suis pas, ces cheveux bien plus blancs que bruns avec une nette tendance à la calvitie et cette mollesse générale dénotant une absence totale d’exercice physique ». Cécile elle-même, pourtant peu amène à son sujet le décrit dans ses jeunes années comme « le gendre parfait. Souriant, détendu, gentil avec les personnes âgées, ouvrant la porte des voitures aux dames, bien élevé (…) Des amis partout. Le jeune homme qui chatouille les enfants et fait rire les belles-mères dans les réunions de famille. » Elle confesse que cette aisance l’agaçait. Fourmillant de projets et d’envies de voyage, il est devenu simple vendeur en supermarché, et ne se fait plus grande illusion sur ce qu’il peut attendre de l’existence : « Mauvaise nuit, hein ? Le nombre de mauvaises nuits qui se succèdent une fois la quarantaine passée (…) On se lève, on descend l’escalier, il est trois heures du matin, on se cogne dans les 12 meubles, on frissonne, on hésite à se faire un café, mais non, un café, et puis quoi encore, on opte pour la tisane « agrumes », on met la bouilloire électrique en route, on voit son reflet dans le miroir, la bouilloire électrique à la main, la tisane « agrumes » dans l’autre, on se reconnaît à peine. » JEROME L’homme charismatique qui l’a remplacé auprès de sa femme et de ses deux enfants lui renvoie en permanence l’image de son propre échec. C’est un homme désabusé, que ses propres enfants ont quasiment oublié et qui n’est plus d’aucune utilité à personne. Il est en pleine mid-life crisis, aux limites de la dépression. Il n’a plus l’énergie suffisante pour se lancer dans une nouvelle histoire sentimentale ni pour donner une nouvelle impulsion à sa vie, c’est la passivité qui le décrit le mieux. LUC L’époux de Cécile. Cadre dans une entreprise de papeterie, c’est lui qui a aménagé sa carrière pour pouvoir se rendre disponible pour leur fille unique Valentine. Il fait preuve d’ouverture d’esprit : soutient Cécile dans son projet professionnel. Il n’a quasiment plus de contact avec sa famille : Cécile admire sa capacité à rayer ses parents de son existence et lui envie parfois ce trait de caractère, elle qui s’astreint à leur rendre régulièrement visite « Je crois que c’est ce que j’ai admiré le plus quand je l’ai rencontré. Cette capacité d’indépendance. Cet égoïsme salvateur. Plus encore que la prestance. Cette allure qu’il a gardée malgré les années. » C’est un bel homme, sec, noueux, sportif qui attire les regards féminins. Il a presque 50 ans. Il tient à son indépendance et respecte en retour celle de Cécile. Il aimerait revenir au cœur de Paris et quitter Sucy-sur-Marne. VALENTINE La fille de Cécile et Luc âgée de 17 ans. Elle a hérité de l’esprit d’indépendance de sa mère et de « l’égoïsme salvateur » de son père : elle refuse d’accompagner sa mère lors de ses visites bimensuelles chez ses grands-parents à Troyes. On ne communique avec elle que par sms. Est très attachée à Paris, aimerait y avoir un studio l’année prochaine. Elle est à une année du baccalauréat. Elle est très autonome et fait preuve de maturité. 13 CHRISTINE L’ex-épouse de Philippe et la mère de ses deux enfants. Elle est enseignante. Elle confesse qu’elle n’a jamais eu de coup de foudre pour Philippe. Lorsqu’elle a senti que son couple tournait à vide, elle s’est mise à faire des recherches sur ses amis d’adolescence pour se raccrocher à quelque chose. C’est ainsi qu’elle est retombée sur Jérôme, son amour de jeunesse. Tout comme Philippe, la vie l’a rattrapée et elle en conçoit une certaine amertume à l’aube de ses 50 ans. La stabilité et la force tranquille de Jérôme la rassurent. MATHIEU COCHE L’ami d’enfance de Philippe, aujourd’hui atteint d’un cancer en phase terminal à l’hôpital, ses jours sont comptés et Philippe est son référent, sa mère Maud étant atteinte de la maladie d’Alzheimer. Au lycée, il était dans l’ombre de Philippe, c’est un introverti, c’est son rapport privilégié à ce leader qui le définissait aux yeux des autres : « Au début, Mathieu Coché n’était pas particulièrement populaire – ni attirant. Il semblait gauche. Un peu empoté comme aurait dit ma grand-mère. Embarrassé par une carcasse en plein développement mais pour l’instant trop volumineuse. Un regard souvent abattu. On ne l’identifiait que par association. C’était le « copain de Philippe Leduc ». Avec le temps, le rapport de force s’est inversé, au moins au début : Mathieu s’est lancé dans une carrière artistique, caressant l’espoir de devenir acteur. Il a couru les castings puis de désillusions en désillusions, s’est résigné à présenter un programme télévisé destiné aux ménagères de plus de 50 ans « Les Chanceux du Jour ». Lorsque l’épreuve de la maladie lui est tombée dessus, il a pu « apprécier » la solidarité de ses amis de la télévision qui se sont subitement volatilisés. LOIC Le fils de Philippe et Christine. Il a aujourd’hui 16 ans, ambitionne de devenir orthophoniste ce qui désarme son père. S’est détourné de Philippe pour « adopter » Jérôme, son beau-père. 14 MANON La fille de Philippe et Christine. Elle a 18 ans et veut se lancer dans des études de kiné pour « faire du bien aux gens ». Elle déménage à Reims à la rentrée dans le cadre de ses études. Elle est sportive, mature, réfléchie, pragmatique et économe : autant de qualités que son père peine à associer avec sa jeunesse. 15 COMMENTAIRES 16 De par la situation universelle qu’il met en scène, le roman de JeanPhilippe Blondel ne peut pas laisser son lecteur indifférent. Si les lectrices savoureront la douce vengeance de Cécile que la vie s’est largement chargée de dédommager en redistribuant les cartes en sa faveur, les hommes, eux, ne pourront que se sentir proches du personnage de Philippe, héros ordinaire du quotidien, sans doute pas plus odieux qu’un autre mais que les petits compromis, les minuscules lâchetés ont fini par miner. Aux adolescents brisés par un chagrin d’amour, on ne saurait que trop conseiller d’imaginer dans vingt ou trente ans ce que sera devenu leur grand amour. La rencontre avec cet autre presque inconnu aujourd’hui alors qu’il fut si proche hier renvoie au temps qui passe, à la flétrissure des années, aux changements imperceptibles et profonds qui modifient le corps et l’esprit. Ces 95 minutes de trajet leur font prendre conscience que cette banale amourette adolescente a finalement changé le cours de leurs existences, et en particulier celle de Cécile qui au retour de Londres a irrévocablement décidé de ne plus jamais se laisser humilier par qui que ce soit et qui s’est forgée ce tempérament de battante. Elle s’est lancée à corps perdu dans la vie alors que paradoxalement, lui s’y enfonçait malgré toutes les cartes qu’il avait en mains à l’adolescence. Le destin est parfois farceur et c’est à une belle leçon d’optimisme et d’humilité que Jean-Philippe Blondel convie son lecteur. Mais là où 06h41 nous parle, c’est également dans sa dimension sociétale, le rapport aux générations passées et futures : Cécile prend comme une authentique corvée les visites bimensuelles qu’elle rend à ses parents dans cette désolante province qui lui rappelle dans chaque détail une partie de son existence qu’elle voudrait désespérément oublier. Elle témoigne des difficultés de communication avec Valentine, sa fille mais que dire des deux enfants de Philippe avec lesquels tout rapport est perdu ? Comment ne pas se sentir désarmé comme Philippe quand il évoque leur rapport à l’avenir : pragmatique, matérialiste, sans utopie aucune : ne sont-ils pas symptomatiques de cette jeunesse prise au piège de la crise ? On ne peut que se laisser bercer par cette petite musique douce-amère qui n’est pas sans rappeler l’univers des films de Stéphane Brizé ou de Rémi Bezançon. 17 CONCLUSION On entre dans ce livre comme on s’installe dans un train : on se laisse porter par la prose de Jean-Philippe Blondel, et une fois assis, on espère ne plus être dérangé. 06h41 offre toute la matière d’un univers intimiste, d’une analyse de caractères et une d’une situation dramatique qui ne peut qu’interpeller son lecteur : qui n’a jamais recroisé la route d’un ex ? Qui n’a jamais songé aux mots qui pourraient être échangés (ou pas) avec celui ou celle qui a partagé notre vie il y a trente ans ? Qui n’a jamais ruminé sa vengeance et rêvé de se retrouver des années plus tard face-àface avec celle ou celui qui a brisé son cœur d’adolescent ? REFERENCES CINEMATOGRAPHIQUES - La femme d’à côté de François Truffaut (1981) - Le premier jour du reste de ta vie de Rémi Bezançon (2008) - Un air de famille, Cédric Klapisch (1996) PRIX LITTERAIRES [ou autres informations utiles] -Finaliste du prix Relay Voyageurs en 2013 - 30 000 exemplaires vendus en poche (Pocket) et 20 000 ex en grand format (Buchet Chastel) - droits club & livre audio cédés en France - adaptation théâtrale en cours en France & en Allemagne TRADUCTIONS Ouvrage existant en langue espagnole, allemande et italienne. Traduction en langue anglaise disponible à l’été 2015 (publication aux Etats-Unis prévue à l’automne 2015) 18 EXTRAITS 19 p 35-39 Catastrophe Philippe Leduc. Si on m’avait dit. Je pourrais changer de place. Je suis de ces personnes-là. Celles qui peuvent se lever, reprendre leurs affaires sans un mot et s’assurer à l’autre bout du train qu’elles vont passer un trajet tranquille. Je suis capable, par exemple, dans un restaurant, de répondre au serveur, qui vient par routine demander si tout se passe bien, que non, c’est lamentable, que la nourriture est infecte et que je tiens à voir le cuisinier pour qu’il la goûte lui-même. Le type même de la cliente pénible. Mais là, non. Impossible. C’est comme si mes pieds étaient vissés au sol. Je suis un soldat de plomb. Incroyable. Je me retrouve dans la peau de l’adolescente que j’ai été. Et ça m’énerve. Surtout que j’avais bien envie de me replonger dans ce roman et de vivre le Paris-Troyes comme une parenthèse, une grande inspiration avant les turbulences de la semaine. C’est insupportable. Ce que je ressens maintenant, c’est de la haine pure. Et ça me stupéfie. Parce que ça ne m’arrive jamais – et surtout pas envers quelqu’un que je n’ai pas vu depuis, quoi, vingt-cinq ans, au bas mot. Vingt-sept, en fait. Je ne peux pas m’empêcher de lui jeter des coups d’oeil à la dérobée. Son profil. Sa silhouette. Mon Dieu. C’est impressionnant. Il ne se ressemble pas du tout. Parce que j’ai gardé un souvenir assez précis de ses traits, mine de rien. C’est curieux, parce qu’il y a des pans entiers de mon existence dont je me souviens à peine, des gens qui ont bien plus compté que Philippe Leduc dont je ne parviens pas à me rappeler le visage, mais lui, je le vois bien. Si je ferme les yeux – à la fête, au fond du jardin. Ou dans le grenier, ensuite. Dans la chambre d’hôtel, à Londres. Des instantanés comme ça. Il faut que je les évacue. Quand j’ouvre les yeux et que je tourne un peu la tête vers la droite, c’est un cataclysme. Il est méconnaissable. Vieux, d’abord. Ridé. Affaissé. Les épaules tombantes. Le ventre proéminent. Une espèce de barbe. Le genre d’homme envers lequel la première chose qu’on ressent, c’est de la pitié. Parfaitement. Eh bien. Si j’avais su un jour que j’éprouverais de la pitié pour Philippe Leduc, j’en aurais ri. De la haine, oui. Mais mélangée à de la compassion, certainement pas. Si je l’avais appris, cela m’aurait fait beaucoup de bien. Au moment de la rupture, il faudrait pouvoir avoir un aperçu de l’autre des années plus tard. Dans les trois quarts des cas, on cesserait de pleurer et de se lamenter sur son sort. Le rire serait salvateur. Même si je ne me suis pas lamentée sur mon sort. Il y a eu un blanc juste après. Une inertie des sentiments. Une brume. Une redéfinition des rôles. Et dans le train qui me ramenait en France, soudain, la haine. Une sensation vorace en moi, comme je n’en avais jamais connu. L’envie de déchiqueter. 20 C’est elle qui ressurgit maintenant – mais elle n’est pas intacte. Elle se heurte à cette silhouette avachie, qui a tellement perdu de sa superbe. Elle s’émousse. Elle se teinte de mépris. Philippe Leduc. Si tu savais. La dernière fois que j’ai pensé à Philippe Leduc, je venais de rencontrer Luc. Nous nous marchions dessus dans un studio du XVIIIe arrondissement, à Lamarck- Caulaincourt. Nous adorions cela. Nous venions de passer un week-end dans la baie de Somme. Nous commencions à nous dire que la vie, ensemble… Nous laissions traîner des points de suspension que nous complétions chacun à notre façon. Luc devait croire que je les peuplais de nuages blancs sur ciel bleu, d’enfants poupins et réjouis et de maternité heureuse – honnêtement, il y avait un peu de ça, mais pas seulement. Il y avait surtout cette fille qui marche droit et qui jette un regard ironique et légèrement cruel sur ce qui l’entoure. Je ne l’aurais jamais avoué, évidemment. Nous étions sur l’autoroute. Luc avait fermé les yeux. À la radio, ils ont passé le Heartbreaker de Dionne Warwick et instantanément, je me suis retrouvée à Londres. Dans ce Londres d’été, les fenêtres ouvertes, les jardins et les parcs à l’herbe jaunie, il avait fait chaud, très chaud, on ne reconnaissait plus l’Angleterre, des scientifiques illuminés clamaient que c’était le début du réchauffement climatique, la fin de l’humanité, Armageddon. Dans ce Londres où je marchais la nuit, et où se dessinaient les chemins que j’allais prendre. Dans ce Londres que Philippe Leduc avait pollué à vie. Je savais que je ne reviendrais pas dans cette ville à cause des souvenirs nauséabonds, et c’est ça qui me mettait le plus en colère – savoir qu’un endroit qui me plaisait me serait interdit. Je n’y suis jamais retournée. J’ai des fournisseurs en Grande- Bretagne, bien sûr – après tout, c’est là qu’a germé l’idée des magasins –, mais j’ai délégué les contacts avec eux à Amy parce qu’elle est anglophone et que c’est tout naturel. Dans la voiture, ce jour-là, alors que je voyais le profil de Luc et celui de mon existence à venir, alors que je n’avais jamais vraiment repensé à Philippe Leduc parce que les images me dégoûtaient, ce jour-là, je lui ai fait face mentalement. Et je n’étais pas aussi carrée et cinglante que je l’aurais voulu. Parce qu’une partie de moi se demandait ce qu’il devenait et s’il lui arrivait de se regarder dans une glace en se rappelant Londres. Que cette même partie de moi était persuadée que c’était un immense gâchis. Qu’en fait, nous aurions pu nous entendre. Qu’il aurait pu être à la place de Luc dans la voiture. Que les hommes que je rencontrais étaient interchangeables. L’idée même était atroce. Je l’ai balayée d’un revers de la main – et Luc a ouvert les yeux. Il m’a demandé ce qui se passait. J’ai bredouillé : « Rien, 21 j’ai des papillons noirs devant les yeux. » Nous nous sommes arrêtés sur l’aire d’autoroute suivante et il a repris le volant. Cela m’amuse aujourd’hui. J’observe Philippe Leduc, en douce. Je m’habitue à son nouveau physique. Si je l’ai reconnu du premier coup d’oeil, c’est qu’il ne doit pas avoir tant changé que ça. C’est sûr, il a beaucoup perdu. Il a l’air terne. Ce qui séduisait à l’époque, c’était cette étincelle. Pas seulement dans le regard. Dans les gestes. Dans sa façon de rire. Dans le velouté de sa peau. On se disait que ce gars-là allait faire de votre vie une fête. Je ne sais pas d’où il tenait ça – l’absence du malheur, peut-être. Quelqu’un qui, à vingt ans, n’avait pas à se plaindre. Un physique avantageux, des parents qui lui cédaient pas mal de caprices, un frère aîné bien plus aîné et donc indépendant, des amis en veux-tu en voilà. Pas d’aspérités. Peu d’égratignures. Il y a des gens comme ça, qui traversent les années en flottant, il faut attendre les premières déconvenues sentimentales ou professionnelles, la mort d’un parent ou d’un ami, et tout se fissure. Là, il est quand même bien fissuré. 22 AINSI SE TUT ZARATHOUSTRA Titre original AINSI SE TUT ZARATHOUSTRA Auteur NICOLAS WILD Nationalité Française Pages 224 Editeur La Boîte à Bulles ©, [2013] Epoque 21ème siècle, contemporaine Lieux Paris, Téhéran, Shiraz, Yazd, Genève Genre Comique, témoignage, documentaire 23 PITCH Les déambulations et les rencontres de Nicolas Wild, globe-trotter pince sans rire, qui offrent l’opportunité de découvrir le Zoroastrisme, religion quasi oubliée, et tout un pan de l’Iran contemporain. Un récit haletant, drôle et instructif, marqué par la personnalité du leader Zoroastrien Cyrus Yazdani, assassiné dans des conditions troubles… INTRIGUE Revenu d’Afghanistan, Nicolas demeure à Paris où il rencontre de jeunes réfugiés Afghans. L’un d’eux, Timour, lui permet par hasard de rencontrer Sophia Yazdani, fille de Cyrus Yazdani, une figure emblématique de la communauté Zoroastrienne, assassiné récemment dans des circonstances mystérieuses. Nicolas se lie d’amitié avec la jeune femme et se retrouve convié à son voyage en Iran à l’occasion de l’inauguration du Centre Culturel Zoroastrien. De Téhéran à Kashan en passant par Persépolis et Yazd, Nicolas rencontre plusieurs Iraniens : Ardéchir, un excentrique Zoroastrien possédant une galerie d’art clandestine cachée dans sa piscine, des réfugiés Afghans, des opiomanes désabusés adeptes de poésie classique, des étudiants, des poètes, tous plus au moins liés à Cyrus ou au Zoroastrisme…. À travers toutes ses pérégrinations et ses discussions, Nicolas découvre ainsi une des toutes premières religions monothéistes : le Zoroastrisme, qui inspira bon nombre de philosophes. La deuxième partie de l’ouvrage s’ouvre sur le tribunal de Génève, à l’occasion du procès du meurtrier présumé de Cyrus Yazdani : Mehrab Shashlik. Avec l’autorisation de Sophia d’y assister, Nicolas se rend en Suisse pour entendre les témoignages des proches de Cyrus. Ces derniers lui permettent de brosser plus pécisément le portrait de cet homme passionné et de découvrir les véritables enjeux de son assassinat. Un meurtre qui semble plus lié à des histoires politiques qu’à une simple histoire de mœurs. Grâce aux différents témoignages, Nicolas reconstruit la vie de Cyrus et cherche à démêler le vrai du faux concernant son décès. À l’issue du procès, Mehrab est finalement condamné mais le mobile de son crime reste toujours inconnu… 24 THEMES ABORDES Le Zoroastrisme, la vie et le meurtre du leader Zoroastrien Cyrus Yazdani (personnage fictif mais librement inspiré de Kasra Vafadari assassiné à Paris en 2005), la politique Iranienne, le monde Perse, les diasporas Iranienne et Afghane. 25 RÉSUMÉ DÉTAILLÉ 26 La première partie, intitulée « Bonnes pensées » s’ouvre sur la rencontre entre Nicolas et un groupe de réfugiés Afghans, près du Canal Saint Martin à Paris. Nicolas passe la journée à discuter avec eux et leur donne un cours de français à sa façon. Puis l’un d’entre eux, Timour, a besoin d’appeler une amie à Paris : Sophia. Nicolas lui prête son téléphone portable puis rentre chez lui. Plus tard, toujours près du Canal Saint-Martin, une jeune femme attend près de la grille d’un parc. Un jeune homme la rejoint, c’est Timour. Cette jeune fille se trouve être Sophia Yazdani, fille de Cyrus Yazdani, récemment assassiné à Genève. Ensemble, ils discutent dans le parc où habitent les réfugiés Afghans. Au moment où Timour souhaite avouer quelque chose à propos d’un événement qui s’est déroulé dans la maison du père de Sophia, les CRS arrivent et, dans leur fuite, les deux amis sont séparés. Sophia appelle alors Nicolas par erreur, pensant que le numéro de téléphone avec lequel Timour l’a appelée plus tôt dans la journée est le sien. Nicolas, la croyant en détresse, accourt. Malheureusement l’aventure est vite résolue car Sophia retrouve immédiatement son ami. Déçu, il rentre chez lui mais reçoit le lendemain un sms de Sophia qui l’invite à un vernissage. Il y rencontre un ami de la jeune femme : Kleef, artiste déluré et sans complexes qui expose des photos de seins. Poursuivi par le mari de son modèle, Kleef prend la fuite. Nicolas, en manque d’adrénaline depuis son retour d’Afghanistan (cf Kaboul Disco) décide de s’enfuir avec lui. Une fois le mari jaloux semé, Kleef et Nicolas discutent dans la rue et parlent de la famille de Sophia. Nicolas apprend ainsi que Sophia souhaite organiser l’anniversaire de son défunt père en Iran et participer à l’ouverture du Centre Culturel Zoroastrien de Yazd. Quelques mois plus tard, Nicolas embarque pour ce voyage Iranien avec Sophia et trois de ses amis : Kleef, Jovana et Amalia. Sur la route les menant chez le père de Sophia, ils découvrent le paysage de Téhéran et ses bâtiments couverts d’affiches à l'effigie de l’Ayatolla Khomeiny. Ce dernier est par ailleurs loin d’être apprécié par leur chauffeur de taxi. Il leur montre le fond d’écran de son portable : une photo du Shah, photo qui a failli lui coûter la prison. Les amis se rendent tout d’abord chez Ardéchir, un ami du père de Sophia. Sympathique Zoroastrien adepte d’art et de kimonos, il possède, en plus d’une magnifique maison, une piscine dissimulant une galerie d’art clandestine. 27 Les jours suivant, le groupe d’amis visite les alentours de Téhéran, ce qui permet à Nicolas de discuter avec plusieurs Iraniens opposés au régime. Il rencontre notamment un chauffeur de taxi qui l’invite à prendre le « Tariak » chez des amis. Nicolas, pensant avec naïveté que le « tariak » est une sorte de thé aux épices accepte sans se douter qu’il s’agit d’opium. Il passe ainsi un long moment en compagnie des opiomanes : son chauffeur de taxi, adepte de poésie classique, un ancien général de l’armée iranienne et un Musulman récemment devenu Zoroastrien. Ce dernier lui explique s’être converti au Zoroastrisme pour exprimer son attachement aux racines de son pays mais aussi son désaccord avec le régime. Par la suite, le général rapporte des photographies de la guerre dont la cruauté ébranle Nicolas. Intéressé par leurs témoignages et leur discussion, le jeune homme oublie son rendez-vous avec des poètes Iraniens et arrive en retard, ivre d’opium. Lors de leurs nombreuses périgrinations, Nicolas rencontre aussi Ava, la sœur de Sophia, mais aussi leur mère, Lucie. Celle-ci lui parle de sa rencontre avec Cyrus, puis de son mariage et de leur déménagement à Téhéran : un périple en 2CV, de la France à l’Iran. Après un dîner riche en souvenirs qui permettent à Nicolas de connaître un peu mieux le père de Sophia, ils se rendent tous au centre culturel de Yazd pour assister à l’inauguration qui aura lieu le lendemain. Le matin, trois vieux Zoroastriens sont déjà présents et commentent le petit déjeuner que prennent Nicolas et ses amis sur scène, pensant que le spectacle « a déjà commencé ». L’ouverture du centre a réuni un grand nombre de Zoroastriens et d’habitants de Yazd. Une fois l’inauguration du centre terminée, Ardéchir amène le petit groupe sur les hauts lieux du Zoroastrisme : La tour du silence, où étaient déposés les corps des défunts, le temple du feu et le Tchak Tchak. Puis la troupe se sépare. Certains rentrent à Paris tandis que d’autres restent sur le sol iranien tels Nicolas et Kleef. Côtoyant dorénavant la famille Yazdani de près, ils sont invités chez un couple de vieux Zoroastriens. Ces derniers leur parlent de la condition des Zoroastriens en Iran avant la chute du Shah et depuis la prise de pouvoir par les Islamistes. Dans leur quotidien se confondent insultes, moqueries, menaces, liberté de culte inexistante et supériorité de l’Islam par rapport au Zoroastrisme… Après le départ de Kleef pour Paris, Nicolas est logé dans la maison de Cyrus en compagnie du gardien Hassem. Ce jeune Afghan se trouve être le frère de Timour. Nicolas, en voulant couvrir le portrait de Cyrus dont le regard pesant le dérange, fait tomber le cadre et découvre derrière celuici une mystérieuse enveloppe destinée à Sophia et Ava. Après avoir 28 longuement hésité à ouvrir l’enveloppe, Nicolas range celle-ci en se promettant de la remettre en main propre à Sophia puis il se rend chez Ardéchir. Tout en tirant des flèches de peintures sur le portrait du dirigeant Iranien, ce dernier lui raconte sa jeunesse en compagnie de Cyrus. Les deux jeunes Zoroastriens se rencontrèrent lors de leur service militaire et s’engagèrent par la suite dans l’opposition contre le Shah, aux côtés des communistes. Après la chute du régime, les Islamistes radicaux prirent la décision de détruire certaines collections antiques des musées. Ardéchir et Cyrus barricadèrent l’entrée de leur musée et résistèrent aux attaques des miliciens pro-Khomeyni, en compagnie d’autres étudiants. Malheureusement, les miliciens finirent par pénétrer dans le bâtiment. Cyrus et Ardéchir mirent en sûreté une des pièces les plus importantes des collections, le « Cylindre de Cyrus » (considéré comme la première charte des droits de l’Homme.) Cyrus fit faire une copie du cylindre et remis l’original à l’ambassade de Londres. Le lendemain, en retournant chez Ardéchir pour entendre de nouvelles anecdotes à propos de la vie de Cyrus, Nicolas découvre la maison vide et « la piscine-galerie » remplie d’eau. Nicolas est arrêté par une voiture noire en sortant de la maison. Le chauffeur lui annonce sèchement qu’il doit s’en aller, que son ami est parti et qu’ « ils » surveillent la maison. Une vieille dame est en train de remplir un parcmètre non loin de là. Terrifié à l’idée qu’elle soit là pour l’espionner, Nicolas s’enfuit. Heureusement, Ardéchir est sain et sauf. Le matin suivant, Nicolas le trouve dans sa cuisine avec un nouveau gardien (Hassem a quitté le pays pour Londres, où son frère Timour lui a trouvé un travail). Nicolas avoue ne plus rien comprendre concernant la disparition des tableaux et des livres, mais Ardéchir se contente de faire une blague pour éluder la question. À son retour en France, Nicolas donne la fameuse lettre à Sophia. Après avoir imaginé de multiples scénarios plus ou moins saugrenus concernant son contenu, il est déçu de voir qu’il ne s’agit que d’un poème. Particulièrement intéressé par le personnage de Cyrus et par son funeste destin, Nicolas demande à Sophia s’il peut, lui aussi, assister au procès. La seconde partie s’ouvre ainsi sur le procès de Mehrab Shashlik, assassin présumé de Cyrus Yazdani. Après avoir rencontré Cyrus grâce à Ardéchir, Mehrab demanda à Cyrus de l’aider à rejoindre sa femme et son fils réfugiés au Canada. Malgré les efforts du Zoroastrien, il ne put les rejoindre. Parti en Suisse dans l’espoir d’obtenir plus facilement un visa 29 pour le Canada, Mehrab s’installa dans la résidence d’artiste de Cyrus. C’est là-bas, en juillet 2006 que Cyrus fut retrouvé mort. Lucie, la mère de Sophia, passe à son tour à la barre. Elle raconte que tous les matins, Cyrus et ses frères effaçaient des inscriptions antizoroastriennes sur leur maison. Les Yazdani étant une famille fortunée, ses membres furent régulièrement persécutés par le nouveau pouvoir. La mère de Cyrus fut envoyée en prison, et la famille dut céder la totalité de ses terrains à l’Etat Iranien pour la libérer. Par la suite, Cyrus fut convoqué au front en Irak. Lucie et ses deux filles repartirent en France où Cyrus, déserteur, les rejoignit quelques temps après. A Paris, Cyrus se mit à défendre ardemment le Zoroastrisme, devint président de la Fédération Française Zoroastrienne, spécialiste du Zoroastrisme pour l’ONU et enseignant en archéologie à l’Université de Lausanne. Après une séance au tribunal, Nicolas rejoint Azdaneh, une autre amie de Cyrus vivant en Suisse pour discuter avec elle. Azdaneh lui raconte que Cyrus était le genre d’homme qui ne pouvait tenir sa langue en public, ce qui lui causa plusieurs problèmes avec le gouvernement : menaces, arrestations... Nicolas rencontre aussi Niloofar qui lui explique le projet de Cyrus concernant le centre culturel : mettre en avant la diversité des langues et des cultures iraniennes. Il existe en effet au moins sept ethnies différentes au sein de l’Iran. Une richesse culturelle mal vue par le gouvernement qui craint un éclatement ethnique. Le procès se poursuit. Lors de son témoignage, Sophia raconte que Mehrab se serait violemment disputé avec Cyrus lors d’une soirée à Téhéran. Pour elle, il ne fait aucun doute que Mehrab Shashlik a tué son père. La veille du verdict final, Nicolas se fait arrêter par Zaher Zom alors qu’il prend le tramway. Ce Zoroastrien se trouve être l’Iranien de la voiture noire, chez Ardéchir. Il déclare à Nicolas que l’assassinat de Cyrus fait partie d’un complot fomenté par le gouvernement Iranien pour détruire le Zoroastrisme. Un autre leader a en effet été lui aussi assassiné dans les mêmes circonstances, à Madrid. Déboussolé, Nicolas cherche à relier toutes ses histoires les unes avec les autres afin de trouver la pièce manquante du puzzle. Devant coupures de presse, notes des témoignages et articles internet collés sur son mur, le jeune homme tente de comprendre et de déceler la vérité dans les ressorts de l’affaire. 30 La troisième partie s’ouvre trois mois après la fin du procès. Nicolas montre à Kleef les cartes postales de Hassem qui lui raconte son périple d’Iran à Londres, un véritable témoignage sur l’immigration clandestine. Kleef lui demande ensuite si l’on connaît le fin mot de l’histoire concernant le meurtre de Cyrus. Nicolas lui répond qu’il a noté les deux derniers témoignages, celui de Shirin (poétesse résidant dans la villa au moment du meurtre) et de Mehrab. Selon la version de Shirin, Mehrab serait rentré brutalement dans la chambre de Cyrus alors qu’elle discutait avec lui et l’aurait tué d’un coup de couteau. Selon Mehrab, c’est Shirin qui aurait tué Cyrus. Celle-ci aurait en effet eu une liaison avec lui mais Cyrus ne voulant pas refaire sa vie avec elle, Shirin l’aurait assassiné. Mehrab, manipulé par Shirin et craignant d’être accusé du meurtre se serait enfuit avant d’être arrêté dans un hôtel à Francfort. Toutes les preuves accusant Mehrab, ce dernier a été reconnu coupable à l’issue du procès. Cependant, personne ne connaît les réelles motivations de son meurtre. 31 PERSONNAGES 32 NICOLAS WILD Dessinateur d’une trentaine d’années. Il est de taille moyenne, avec les cheveux bruns coupés courts et un visage rond avec des lunettes. C’est un garçon joyeux et avenant, qui apparaît légèrement naïf et faussement benêt. Il parle un persan basique, ce qui donne lieu à plusieurs scènes amusantes. Il a travaillé à Kaboul comme graphiste et illustrateur pour une société publicitaire (son aventure est racontée dans Kaboul Disco T1 et T2). Il est particulièrement aventureux, curieux et très sociable. Globetrotteur et amoureux des découvertes et des échanges, il est en quelque sorte un « Tintin » moderne et réaliste. CYRUS YAZDANI (personnage inspiré de Kasra Vafadari) Iranien décédé d’une cinquantaine d’année. Il avait les cheveux bruns, un nez aquilin et d’épais sourcils. Il portait toujours un nœud papillon. C’est un personnage qui n’apparaît dans le livre que sous forme de flash-back, lorsque les autres personnages parlent de lui. C’était un homme extraverti, très spontané et imprévisible, avec un humour et une énergie palpable tout le long du récit. Humaniste au franc-parler, il était aussi un fervent défenseur du Zoroastrisme et de la culture Iranienne. SOPHIA YAZDANI Fille de Cyrus, âgée d’une trentaine années. C’est une architecte Francoiranienne, de confession Zoroastrienne. Elle est brune, les cheveux longs, qu’elle porte souvent attachés. C’est une jeune femme plutôt franche. Elle est cependant très accueillante et très engagée. Elle souhaite continuer ce que son père a commencé avec l’inauguration du centre culturel de Yazd. Très attachée à son père, Sophia parle peu de lui, visiblement encore sous le choc après sa mort. ARDECHIR Homme Zoroastrien d’une cinquantaine d’années, très bon ami de Cyrus. Il a un mono-sourcil très noir et des longs cheveux blancs. Il apparaît quasiment à chaque fois vêtu de tenues japonaises. Il est fermement opposé au régime Iranien en place. Très cultivé et passionné par l’art, il possède une piscine remplie non pas d’eau mais d’œuvres censurées par le gouvernement. C’est un personnage tout aussi imprévisible que Cyrus, extraverti, peu commun et plutôt décalé. Il est cependant plein de sagesse. 33 COMMENTAIRES 34 Subtil, Ainsi se tut Zarathoustra est à la fois le récit d’un voyage, d’une aventure, d’un reportage… le tout savamment maîtrisé. Nicolas Wild pose un regard osé et pertinent sur les réalités d’un pays au cœur des médias. Comme à son habitude, il allie le sérieux du contenu et la légèreté du ton. L’auteur parvient en effet à faire preuve de distance et de tendresse, même sur des sujets dramatiques. Grâce aux histoires, souvenirs et anecdotes racontés tout le long du récit, Ainsi se tut Zarathoustra nous fait découvrir une culture tout à fait méconnue. C’est aussi une histoire basée sur des faits réels qui jongle entre réalité et fiction, d’où sa grande richesse. On suit avec intérêt le voyage en Iran des protagonistes et l’histoire tragique du personnage de Cyrus, un homme charismatique et plein d’originalité. Les protagonistes de cette histoire sont de plus particulièrement attachants et chacun possède sa propre personnalité, souvent décalée et toujours sympathique. Certaines scènes possèdent des aspects très cinématographiques, avec un découpage proche d’un film : plans fixes, champ et hors-champ etc… De même, d’autres scènes peuvent donner lieu à des jeux graphiques intéressants. Par exemple lorsqu’un poète raconte la vie de Zarathoustra, ses illustrations sont intégrées dans le second plan des cases. Pourquoi ne pas représenter cela à la manière d’une histoire illustrée, avec une voix off ? Ou encore, lorsque Sophia montre le plan du voyage et les diverses villes que ses amis vont visiter avec elle, la carte pourrait être représentée avec le trajet de la camionnette sur un plan grossièrement dessiné, comme celui de Sophia. L’ouvrage étant souvent drôle, le côté comique de plusieurs séquences peut être mis en avant par la réalisation cinématographique. Par exemple : la scène où un journaliste raconte une anecdote concernant un poulet protégé un parchemin magique qui le rend à l’épreuve des balles. Les scènes fourmillent généralement de détails amusants que l’on ne remarque pas au premier abord et qui constituent une source de comique subtile mais toujours efficace. Par exemple, lorsque Sophia et Nicolas discutent dans un restaurant iranien, le serveur vient pour prendre leur commande mais sur le menu est écrit : plat unique – kebab riz. 35 CONCLUSION Ainsi se tut Zarathoustra est un ouvrage à la fois sérieux et léger, qui traite d’un sujet méconnu avec un certain humour. A contre-courant de la manière dont on couvre l’actualité Iranienne, il offre un regard nouveau sur ce pays. Riche en anecdotes et en personnages tous très attachants, il peut donner lieu à un film d’animation dans la même lignée que Persépolis, sans pour autant traiter du même sujet. REFERENCES CINEMATOGRAPHIQUES « A bord du Darjeeling Limited » de Wes Anderson, « Persépolis » de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud, ou encore la série télévisée : « Kaboul Kitchen » de Marc Victor, Allan Mauduit et Jean-Patrick Benes (à rapprocher des deux tomes précédant Ainsi se tut Zarahtoustra : Kaboul Disco.) PRIX LITTERAIRES Prix France Info 2014 de la BD d’actualité et de reportage, sélection officielle Angoulême 2014, plus de 10 000 exemplaires vendus, réimprimé deux fois depuis sa première publication. TRADUCTIONS Anglais (publié par Harper Collins India - Inde et Restless Books - USA), Italien (publié par 001 Media - Italie), Allemand (plublié par Egmont Allemagne), Espagnol (publié par Dibbuks - Espagne), Turc (publié par Esen Kitap – Turquie ) 36 EXTRAITS 37 Extrait 1 : l’arrivée en Iran (pages 26-27) Extrait 2 : Les rapports houleux entre Cyrus et le gouvernement (pages 172-173) 38 L’ANGELUS (SECRETS) Titre original L’ANGELUS Auteur GIROUD & HOMS Nationalité France Pages 114 pages Editeur Dupuis ©, [2010] Epoque Contemporaine Lieux Ville Genre Comédie Dramatique 39 PITCH Personne, et Clovis Chaumel le premier, n’aurait pu penser qu’il entrerait dans ce musée et, encore moins, qu’il tomberait en arrêt devant L’Angélus de Millet… Et comment présager qu’un des grands mystères de l’histoire de l’art révèlerait un secret de famille vieux de 45 ans et transformerait cet homme si gris? INTRIGUE Clovis Chaumel est père de famille sans histoire, sans relief, sans passion. Repoussé par sa femme, ignoré par ses enfants, son quotidien est enlisé dans une triste routine. Ayant récemment appris qu’il souffrait d’un cancer de la moelle osseuse il se surprend inconsciemment à repenser à certaines scènes de son enfance. Peut-être encouragé par l’envie de rompre ses habitudes, il pousse la porte d’un musée et découvre L’Angélus de JeanFrançois Millet. Il en sera comme foudroyé. La tête lui tourne, des souvenirs remontent peu à peu à la surface, il devient littéralement obsédé par l’œuvre du peintre. Face à l’incompréhension de sa femme, il se tourne vers la professeur d’Art Plastique de ses enfants, son libraire, il s’aventure même sur internet, rien ni personne ne réussit à étancher cette inextinguible soif de connaissance du tableau pour en percer le secret. Tout aussi troublant, il apprend que Dali avait aussi développé une véritable obsession pour ce tableau impressionniste, le réinterprétant inlassablement pendant plusieurs années. Mû par les mêmes intuitions, Clovis découvre ce que le peintre avait réussi à prouver : le tableau ne représente pas un simple recueillement anodin le temps d’une prière, ce couple de paysans pleure son enfant enterré à ses pieds ! En cherchant davantage, il découvre qu’on avait donné à Dali le nom de son frère aîné mort avant sa naissance. Et que le peintre avait reconnu l’attitude de ses propres parents dans celle des paysans, Clovis pense avoir compris son trouble. Est-il lui aussi la prolongation morbide d’un enfant décédé avant lui ? A mesure que l’enquête artistique se transforme peu à peu en quête introspective, une véritable transformation s’opère en lui. Tout en levant un à un les secrets qui entourent sa propre histoire familiale, Clovis devient un autre homme. Il change, se bonifie se libère du carcan qu’était 40 sa vie. Pour l’homme qui a vécu dans l’ombre toute sa vie sans le savoir, il est grand temps de passer à la lumière ! THEMES ABORDES Secrets de famille Portrait/destin Histoire des Arts Quête / Catharsis 41 RÉSUMÉ DÉTAILLÉ 42 Un souvenir. Un jour de pluie, dans une petite ville des années 60, des gamins jouent au hockey avec leurs rollers. Clovis tombe, se casse le bras et, comme l’hôpital refuse de leur envoyer une ambulance ce sont ses parents qui devront l’y conduire en voiture. Sa mère, affolée, n’a de cesse de répéter que c’est le bon dieu qui les punit… Mais punit de quoi ? Clovis, représentant de commerce aussi triste qu’un jour de pluie, a un myélome, un cancer de la moelle osseuse, il n’en a parlé à personne et est en attente d’un don. En déplacement professionnel à Paris, il décide sur un coup de tête de visiter le musée d’Orsay. Parmi les œuvres du courant impressionniste, son regard est capté par un tableau de Jean-François Millet : L’Angélus. Frappé de stupeur, il ne comprend pas l’impact que le tableau exerce sur lui. Il ne s’agit pourtant que d’un couple de paysans récitant l’angélus au milieu d’un champ de pomme de terre… Bouleversé devant le chef d’œuvre, il est même à être pris d’un malaise… A peine rentré, il demande à son fils de 11 ans, de lui faire une recherche de la toile sur internet. Avec toute la bonne volonté d’un ados pré-pubère, il n’obtient de lui qu’une version de L’Angélus… d’après Dali, autrement dit, une interprétation complètement différente du tableau. Déconfit, il se rend en librairie le lendemain et demande plus d’informations au responsable qui lui commande finalement un ouvrage sur le peintre. Tellement impatient d’en découvrir davantage, Clovis retrouve tout de même le tableau original sur l’ordinateur de son fils et s’interroge sur ce qui l’a frappé. Comme il s’intéresse aux différents éléments susceptibles de lui évoquer quelque chose il se penche sur la fourche, la brouette puis le panier de pommes de terre. Il revoit alors une scène de son enfance : ayant terminé les pommes de terre de son assiette et refusant de toucher au reste du plat, il avait provoqué l’ire de sa mère parce qu’il ne voulait pas finir ses brocolis qui lui provoquaient des « haut-de-cœur ». Décidément incompatible avec les nouvelles technologies, il plante l’ordinateur en voulant utiliser l’imprimante. Son fils s’en aperçoit et lui reproche de ne pas faire d’efforts, tous les parents de ses potes savent pourtant se servir d’un ordinateur ! Une nouvelle occasion de rabaisser son père, son sport favori avec son frère. 43 Clovis poursuit ses recherches à la bibliothèque, essaye de partager ses découvertes avec Isabelle, sa femme qui s’est éloignée de lui depuis des années, mais il se heurte à un mur, il devrait plutôt s’occuper de ses enfants et aller à la réunion parents-prof. S’exécutant, il y rencontre Evelyne Arnaud, la prof de dessin. Obsédé par le tableau et ses mystères, il demande à cette très belle femme ce qu’elle connaît de L’Angélus et la passion qu’en éprouvait Dali pour l’avoir reproduit tant de fois. Elle a malheureusement peu d’informations à partager si ce n’est que la reproduction est monnaie courante en peinture… Mais elle promet de s’intéresser à la question. Il annule ses rendez-vous du lendemain et profite de sa journée pour récupérer l’ouvrage sur Millet qu’il avait commandé et, comme le libraire le complimente sur sa cravate, qui pour une fois n’est pas noire, il décide de changer la monture de ses lunettes pour mettre un peu de couleur dans sa vie. Il se convainc également d’acheter« l’informatique pour les nuls » pour continuer ses recherches online sur les reproductions de Dali. Il ne cesse alors de découvrir d’autres interprétations du tableau par le peintre espagnol. Isabelle étant complètement imperméable à sa passion, il décide de la partager avec Evelyne autour d’un verre. Elle lui raconte les récentes recherches qu’elle a fait pour lui et notamment que Dali avait passé toute sa petite enfance avec une reproduction de ce tableau dans son école. La passion du peintre pourrait provenir de ce premier émoi artistique ? Ce même tableau évoquerait-il un souvenir à Clovis dont il n’a pas encore trouvé le sens ? De retour à la librairie, à la recherche d’un titre précis sur Millet, il aperçoit un album de Lucky-Luke dans l’un des rayons. Nouvelle madeleine de Proust pour Clovis qui se revoit demander à ses parents s’il pourra un jour rencontrer « Morris ». Il se rappellera toute sa vie leur effarement jusqu’à ce qu’ils comprennent qu’il parlait du dessinateur… A l’évocation de ce dernier souvenir, il repense à sa mère en larmes quand il insistait, bien que tout petit, pour rester dans la « Micheline », l’autorail qui devait l’emmener en vacances. Le libraire, n’ayant pas le titre de Millet qu’il recherche, il lui donne la référence du titre qu’il pourra retrouver à la bibliothèque. Clovis y découvre un nouvel élément fondamental à l’histoire du tableau qu’il 44 voudrait absolument exposer à Isabelle afin qu’elle comprenne son trouble. Mais Isabelle est furieuse, elle sait tout. Elle a appris qu’on l’avait vu avec la prof de dessin des enfants. Elle ne veut rien entendre ! La discussion paraissant impossible, il sort prendre un verre, dans un bar à la mode. Par hasard, il y retrouve Evelyne qui l’emmène pour discuter à l’extérieur. Loin des regards curieux et des oreilles indiscrètes, il se confie. Enfin. Parle de ses doutes, de son myélome, de son incapacité de communiquer avec sa femme mais, surtout, de sa dernière découverte : Dali, possédé par la toile, avait rédigé un ouvrage émettant l’hypothèse qu’elle serait un « repentir », terme technique quand le peintre corrige le tableau. Après des années d’insistance auprès de divers éditeurs et conservateurs du Louvre, il avait obtenu gain de cause pour qu’enfin le tableau fût scanné. On y découvrit, sous la couche de peinture du panier de pomme de terre, un cercueil d’enfant ! Le galeriste de Millet avait en effet préféré qu’il modifie le tableau, jugé alors trop funeste, mais sans changer les expressions et attitudes des personnages. Ayant passé la nuit, seul, à l’hôtel, il se rend au cimetière de famille et découvre au hasard de ses recherches la tombe d’une certaine « Micheline Hautdequeur ». A nouveau pris d’une violente émotion à l’évocation de ce nom dans son esprit, il tente d’obtenir plus d’informations chez sa mère. Celle-ci reste étrangement trop évasive à ce sujet. Il poursuit alors son enquête en épluchant les registres d’état civil de la famille Hautdequeur sans résultat. La rumeur de sa relation extraconjugale ayant pris de l’ampleur, il choisit de prendre ses affaires pour loger à l’hôtel. Sur le pas de la porte, Isabelle lui lance, furieuse : « Tu es bien comme ton père, mais ne compte pas te débarrasser de moi comme il l’a fait de ta mère ! » Tout de suite prise de remord, elle refuse de lui céder plus d’explications et prévient aussitôt sa belle-mère qu’elle en a trop dit sous la colère… Sa mère, mystérieusement partie en cure sans donner d’adresse, Evelyne quelque peu refroidie par la rumeur qui circule sur son dos et le libraire y accordant quelques vérités, Clovis se retrouve bien seul avec ses interrogations. C’est alors que Georges Riboud, expert en art contemporain le contacte pour le rencontrer sous 15 jours. Evelyne lui a parlé de son affaire et il aurait quelques éclaircissements à lui apporter. 45 Dans l’attente de son rendez-vous, Clovis a revendu sa voiture contre un van aménagé. Ça lui sert de résidence temporaire au camping du coin et a décidé de le repeindre entièrement des couleurs vives. Il a aussi quitté son travail et prend enfin le temps de s’occuper de lui. Il reçoit la visite impromptue d’Evelyne, les ragots s’étant calmés, elle est ravie de le voir reprendre sa vie en main. Ses enfants le retrouvent également pour lui apporter le courrier et profitent qu’il ne travaille plus pour passer la journée à jouer avec lui. Enfin, c’est le libraire, Louis Ferrand qui semble vouloir se rapprocher et s’excuser d’avoir prêté foi aux rumeurs. Lors de son rendez-vous avec Mr Riboud, il apprend que Dali avait un frère ainé mort très tôt. Ses parents, convaincu que leur deuxième enfant était la réincarnation de l’aîné, l’avaient alors renommé à l’identique : Salvador. Source pour le peintre d’un profond traumatisme dont il n’arrivera jamais à se départir. Cette révélation fait immédiatement écho à Clovis qui retourne sur la tombe de Micheline Hautdequeur et constate que la mort de la femme coïncide avec sa propre année de naissance. Dans le même cimetière, à la recherche d’autres indices, il finit par retrouve la tombe d’une Louvet née Hautdequeur. Avec Evelyne, dont il est de plus en plus proche, il décide d’aller rencontrer une parente de la famille pour recueillir plus d’informations. Celle-ci, apparemment au courant de l’histoire mais souhaitant respecter l’intimité de personnes toujours vivantes, le renvoi à consulter le registre d’Etat-civil de sa propre famille. Il se précipite à la mairie et découvre que son père a été marié à Micheline, que sa mère l’a donc forcément connu puisque c’est l’année de sa naissance et du remariage de son père. Il retourne voir Mme Louvet pour connaître le fin mot de l’histoire : Son père, Claude, était marié à Micheline, mais Claude étant supposé être stérile, le couple n’avait pas eu d’enfants. Puis Claude est tombé amoureux d’une autre femme, Colette. Alors que Claude s’apprête à quitter Micheline, elle lui annonce, folle de joie, qu’elle est enceinte. Mais il avoue tout de même la vérité et la quitte. Micheline, au bord de la dépression, s’en va implorer Colette de renoncer à Claude, ne serait-ce pour que l’enfant ait un père. Mais Colette refuse, il y aura de toutes façons un enfant sans père, elle aussi est enceinte ! Cette révélation achève Micheline qui, désespérée, se réfugie chez Madeleine, sa mère et Maurice, son beau-père. Mais elle n’ira pas jusqu’au terme de sa 46 grossesse, préférant s’ouvrir les veines. Le bébé ne survivra pas et Claude s’en sentira toute sa vie responsable. Par sécurité pour les vivants, il épousera Colette six mois plus tard, juste avant qu’elle ne donne naissance à Clovis… Fort de ces nouveaux éléments, Clovis, ébranlé, s’entête jusqu’à enfin retrouver la trace de sa mère pour une dernière confrontation Elle ne nie plus rien et avoue même s’en être tellement voulu qu’elle a obtenu de son mari que l’enfant qu’elle portait soit nommé Clovis, un dérivé de Louis, le nom de l’enfant que Micheline aurait dû mettre au monde. Clovis encore sous le choc, Evelyne décide de l’emmener prendre un café pour se changer les idées, ils passeront leur première nuit ensemble. Le lendemain après-midi, pensant ouvrir sa porte à Evelyne, Clovis trouve Isabelle venue lui rendre visite. Ayant réalisé que les rumeurs étaient parfaitement infondées, elle n’aurait jamais dû le laisser partir : il est le bienvenu pour revenir vivre avec eux. C’est alors que Clovis lui annonce son myélome et les faibles probabilités qu’il trouve un donneur compatible. Il retourne finalement vivre avec Isabelle mais continuera de voir épisodiquement Evelyne. Son camion ayant attiré l’admiration de nombreux habitants de la ville, il débute une carrière de peintre décorateur. Enfin réunis en famille, Mr Ferrand, le libraire vient leur rendre une visite de courtoisie. Considérant qu’ils ont tous bien avancé dans leurs parcours individuels, il décide de leur avouer un autre pan de la vérité. A la mort de Micheline, le bébé a pu être sauvé mais les parents de la défunte, refusant que l’enfant retourne auprès de son père, décidèrent avec le médecin de famille de cacher le nourrisson. Ils le déclareront finalement à Paris, comme étant le leur. Une naissance aussi tardive étant plausible, le jeune Louis prendra alors le nom de famille de Maurice Ferrand, le beau-père de Micheline. Quelques semaines plus tard, l’hôpital prévient Clovis qu’ils ont enfin trouvé un donneur compatible, anonyme… 47 PERSONNAGES 48 CLOVIS CHAUMEL Homme – 45 ans – tiré à quatre épingles – Triste et timide à en mourir. Clovis va vivre une véritable catharsis grâce à l’œuvre de Millet et apprendra à se découvrir au travers de son enquête sur le tableau. De représentant de commerce sinistre, il se découvre une passion pour l’Art et la peinture, il finira d’ailleurs peintre décorateur, libertin et avec une furieuse envie de vivre tel qu’il l’entend. EVELYNE ARNAUD Femme – 30 ans – Très jolie rousse – Cultivée, intelligente, vivante et attentive. Professeur d’Art Plastique. Elle est généreuse, aborde un look Arty avec beaucoup de bijoux fantaisie. Ne prête pas attention aux quand dira-t-on sauf quand il s’agit de ragots infondés la concernant. Femme libre et épanouie, elle représente exactement ce que Clovis n’est pas. Au-delà de l’accompagner dans sa quête, elle va lui apprendre à s’accepter tel qu’il est réellement, sans se mentir à lui-même. ISABELLE CHAUMEL Femme – 40ans – Mère exemplaire – fort caractère terre à terre. Elle a épousé un homme, lui a donné deux beaux enfants, ne s’attend pas à ce que son univers bascule et l’accepte d’autant moins. Elle connait tout le secret de famille depuis son mariage avec Clovis mais elle a promis de ne jamais le lui révéler. Elle ne comprendra pour autant pas la transformation de Clovis et sa soudaine passion pour la peinture. Préférant y voir une relation extraconjugale plutôt qu’un réel désir de partage, elle aura besoin de temps avant de réaliser ce qu’il se passe réellement, sera-t-elle prêt à l’accepter ? LOUIS FERRAND Homme – 45 ans – bel homme – libraire. C’est le frère caché de Clovis, il est arrivé dans leur ville il y a quelques années pour retrouver ses racines familiale, sa grand-mère/mère lui ayant avoué sa véritable histoire à la mort de son époux. Comprenant que Clovis n’était au courant de rien, il n’a pas osé jouer les fauteurs de troubles dès son arrivée, le père de Clovis étant en train de mourir qui plus est à ce moment-là. Mais il se prendra de plus en plus d’affection pour lui à mesure qu’il le découvrira. 49 CLAUDE ET COLETTE CHAUMEL Couple – 25 / 35 / 60 ans. Parents de Clovis. Claude, d’un précédent mariage avec Micheline, préférera l’abandonner pour faire sa vie avec Colette. Si lui est mort très jeune, hanté par ses souvenirs et rongé par le remord, Colette, quant à elle, n’a jamais eu la force d’avouer la vérité à son fils. MICHELINE HAUTDEQUEUR Femme – décédée vers 25 ans – Brune. Première femme de Claude Chaumel. Fille de Madeleine Louvet et belle-fille de Maurice Ferrand. Mère de Louis Ferrand. Abandonné par Claude qui avait décidé de refaire sa vie, elle se suicidera malgré sa grossesse. MADELEINE HAUTDEQUEUR/MAURICE FERRAND Couple – 40/80ans. Mère et beau-père de Micheline. Si Micheline est née d’un précédent mariage, Maurice l’aimera dès son plus jeune âge et l’aimera, sans concession, comme sa propre fille. A sa mort, ils sont dévastés par ce que les Chaumel leur auront fait subir mais décideront d’élever leur petit-fils en le reconnaissant comme leur propre fils, loin de la tragédie. 50 COMMENTAIRES 51 Quelle famille n’a pas de secrets ? Parfois honteux, rarement heureux… à cause des ragots, les secrets font toujours planer leurs ombres sur des familles apparemment heureuses. Sentiments inavoués, réflexion jamais digérée, il suffit parfois d’un rien pour que se rongent peu à peu les liens familiaux. Entre l’incroyable aventure d’un authentique mystère de l’histoire de l’Art et la quête introspective d’un homme en proie à ses origines, L’Angélus met en abîme un thème universel : le secret de famille. Véritable enquête tant familiale qu’artistique, on prend, avec Clovis, un plaisir certain à collecter les pistes et les indices sur son histoire et celle de Dali. Mais surtout on assiste à la transformation complète d’un homme qui, attaqué par la maladie et rongé par des secrets de famille, va complètement se réinventer, se libérant d’un rôle qu’il a joué toute sa vie sans le savoir. REFERENCES CINEMATOGRAPHIQUES Le premier jour du reste de ta vie Secrets et Mensonges Tout Sur Ma Mère The Hours Da Vinci Code TRADUCTIONS Allemand, Espagnol, Italien, Danois. 52 EXTRAITS 53 54 55 56 57 58 59 60 61 C’EST QUOI CE ROMAN ? Titre original C'EST QUOI CE ROMAN ? Auteur CORINNE DEVILLAIRE Nationalité Française Pages 224 Editeur ©Editions Thierry Marchaisse, 2014 Epoque Été et automne 1985/ de nos jours Lieux France/Campagne/Ville Genre Comédie dramatique familiale/Enquête 62 PITCH Mais que s'est-il donc passé, en ces premiers jours d'automne de l'année 1985 ? Quelle tragédie a donc frappé Robert ? Et de quel Robert parle-t-on d'abord, du chien ou du beau-père ? Peut-être que le journal intime de Malou la grand-mère ; les mémoires de Clothilde, la fille ainée ; les lettres du jeune frère, Pierre ; et surtout les dépositions à la police faites par Clarisse, la cadette, par Frédéric et Katrin, les parents, pourront aider. INTRIGUE Lorsque Frédéric – pris de court par sa femme alors qu'ils rentrent de vacances avec leurs trois enfants – accepte de faire un détour pour rendre visite à sa mère, Malou, qu'il n'a pas vu depuis des années et que ses enfants ne connaissent pas, il sait très bien que rien de bénéfique ne peut sortir de ce séjour. Il est cependant loin de se douter du drame qui se met alors en place. Clothilde, son aînée anorexique et surdouée, et Robert, le mari de Malou, tombent instantanément et secrètement amoureux l'un de l'autre. Malou – pourtant si égoïste, si superficielle, et qui a tellement peur de vieillir – va tomber sous le charme de son petit-fils Pierre, qui la met en joie et la fait se sentir si vivante ! L'enchantement est d'ailleurs mutuel et Pierre ne lâche plus Malou ! Clarisse, la cadette, observe tout ce petit monde, tente de découvrir les secrets de chacun et de trouver sa place dans tout ça. Ce séjour chez Malou fait remonter à la surface de mauvais souvenirs d'enfance chez Frédéric qui devient de plus en plus sombre. Se méfiant de sa réaction s'ils mentionnent Malou – qu'ils apprécient beaucoup –, ses enfants décident de garder secrètement le contact avec elle après la rentrée, le tout avec la complicité de leur psychologue de mère, Katrin. Celle-ci leur permet même d'aller passer la Toussaint chez Malou sans en parler à Frédéric. Pour Clothilde et Robert, c'est l'occasion rêvée de se revoir. Seulement, lorsque Frédéric apprend la trahison de sa femme, il devient fou et, dans son délire, met sa femme dans le coma ! Elle s'en remettra bien heureusement, mais c'est lui qui doit maintenant aller chercher les enfants chez sa mère... 63 Là, il découvre la liaison entre Robert et Clothilde et menace Robert de le dénoncer pour pédophilie s'il ne disparaît pas. Robert s'en va alors et sera retrouvé mort quelques jours plus tard. Frédéric ne peut retenir l’impulsion mesquine de mettre la police sur la piste de Malou, qui sera mise en examen, au grand dam de Pierre. Clothilde quant à elle, à l'annonce de la mort de Robert, s'enfoncera dans une dépression profonde dont elle ne sortira que trente ans plus tard, pour écrire ses mémoires... THEMES ABORDES Famille /Liens parents-enfants Vieillesse/jeunesse Intelligence/folie Secrets Mensonges Abandon Amour Jalousie Vengeance Egoïsme 64 RÉSUMÉ DÉTAILLÉ 65 Les faits sont racontés à des époques diverses par le biais de journaux intimes, de lettres et de dépositions faites à la police suite à un drame familial. Frédéric, Katrin et les enfants (Clothilde, 16 ans ; Clarisse, 13 ans ; et Pierre, 7 ans) font un détour à leur retour de vacances (sous l'impulsion de Katrin) pour rencontrer Malou, mère de Frédéric, qu'ils n'ont pratiquement jamais vue de leur vie. Malou et Frédéric ont une relation difficile. Malou refuse de vieillir et ne souhaite pas voir son fils et ses petits-enfants, de peur que toute l'illusion de sa jeunesse entretenue – grâce à la chirurgie esthétique, un régime très strict, du sport, etc. – ne s'évapore au contact de sa descendance. Cependant, en rencontrant le petit Pierre, elle tombe sous le charme de ce garçon plein de vie qui la trouve belle et la fait se sentir jeune. Robert, son 3e époux (chirurgien esthétique), semble ne pas apprécier l'intrusion de cette famille bruyante dans sa maison. Le premier soir, cependant, il tombe sur Clothilde dans son bain, telle un squelette flottant (elle est anorexique) et c'est le coup de foudre immédiat des deux côtés. Clothilde consigne dans ses mémoires, trente ans plus tard, qu'à partir de ce moment-là, elle ne pense plus qu'à lui. Ils passent une partie de la nuit ensemble dans le salon, à l'insu des autres, à discuter. Le lendemain, au lac, Clarisse entend Frédéric et Malou se disputer : il lui dit tout ce qu'il lui reproche ; qu'elle est manipulatrice, factice, égoïste. Il décide de partir plus tôt que prévu de la maison de Malou, désespérée de voir son petit-fils Pierre s'en aller si vite. Clothilde, quant à elle, est atterrée de devoir quitter Robert, qui lui demande en urgence son numéro de téléphone. La famille s'en va, revient en catastrophe chercher le chien (qui s'appelle aussi Robert), puis repart. Malou se dispute avec son mari qu'elle rend responsable de ce départ. Clothilde et Robert entament une relation téléphonique qui tourne officiellement autour de sujets littéraires. De son côté, Pierre manque à Malou qui cherche une façon de le revoir. Comme il a oublié un de ses jouet chez elle, elle décide de l'appeler, puis de lui écrire. Elle redéfinit avec Robert leur relation : chambre à part, d'avantage de temps en solitaire pour chacun. Frédéric, suite à sa confrontation avec sa mère, a enfin décidé d'aller voir un psy sous l'impulsion de sa femme (psy elle aussi). Sous hypnose, il 66 revit ses jeunes années avec sa mère : se réveiller à quatre ans dans une maison vide, se sentir secondaire face à la longue liste des amants de Malou, son impatience à son égard, ses colères, la fois où il s'est presque noyé, la fois où elle l'a oublié sur le parking du super marché. Malou téléphone à Pierre qui n'est pas là. C'est Clarisse qui lui répond et lui pose tout un tas de questions. Elle lui demande s'ils vont pouvoir se revoir bientôt en famille. Malou assure que oui, mais Clarisse sait que son père s'y opposera. Dans sa déposition à la police, Katrin raconte : Son mari n'est pas plus causant depuis qu'il a commencé sa thérapie en hypnose. Elle aide ses enfants à garder le contact avec Malou à l'insu de Frédéric. Elle va jusqu'à planifier des vacances chez elle pour la Toussaint, toujours à son insu. Clothilde, qui habite seule durant la semaine pour être plus proche du lycée où elle est en prépa, parle tous les jours avec Robert. Il lui dit tout ce qu'il changerait de son physique si elle venait un jour dans sa clinique et elle veut devenir la sculpture de toute sa vie. Après un moment, ils décident qu'il est temps de se revoir et se donnent rendez-vous devant la librairie allemande. Il prétextera un colloque. Clothilde est folle de joie. Dans son journal, Malou indique qu'à sa grande joie, elle a réussi à parler à Pierre au téléphone. Il avait fait exprès de lui laisser son jouet pour qu'elle ait un souvenir de lui. Il lui demande si Clarisse et lui peuvent venir passer les vacances chez elle. Pierre la rend tellement heureuse qu'elle décide de devenir vraiment grand-mère : elle fera tout pour faire son âge et ne se souciera plus de son poids. Dans ses mémoires, Clothilde consigne son weekend avec Robert. Ils se retrouvent dans un café. Clothilde se fait la réflexion que depuis le début, elle n'a jamais pris Malou en considération. Frédéric revit l'anniversaire de ses neuf ans : sa mère pleure. Elle va dans sa chambre et le laisse tout seul, toute la journée. Il s'occupe de mettre la table, d'accueillir ses copains, de couper le gâteau, d'ouvrir ses cadeaux… Le soir, sa mère lui apprend que son dernier amoureux est mort. Il a hâte d'être à ses dix ans, si neuf ans ça porte malheur. Frédéric a dix ans, c'est la fin des vacances et il doit reprendre le train qui l'emmènera en pension. Il supplie sa mère de le garder avec lui, il pleure, tente de l'attendrir, de la raisonner, mais rien y fait, elle garde le cœur sec. Il se débat contre le 67 chef de gare pour ne pas monter dans le train, sa mère est déjà partie. A douze ans, il ne rentre même plus pour les vacances : sa mère l'envoie en colonie. Cela ne lui fait plus rien, il s'est coupé d'elle et de ses émotions. A quatorze ans sa solitude est totale, il reste à l'internat même à Noël, part en colonie l'été, il ne voit Malou plus que deux jours par an. Sa solitude l'avale toute entière, jusqu'au jour où il rencontre, à la plage, Katrin, qui est lumineuse et lui porte une telle attention qu'il commence à guérir de ses blessures. Elle a douze ans, et l'invite chez ses parents qui l'accueillent comme l'un des leurs. Il reviendra chaque été chez eux et passera chaque hiver à lui écrire. Quand ils seront grands, c'est elle qu'il épousera. Malou indique dans son journal qu'elle fait le grand ménage dans sa maison : adieu les crèmes, les habits d'apparats, les coupe-faim. Elle est soulagée chaque fois que Robert s'éclipse. Celui-ci ne comprend pas du tout son désir soudain de s'enlaidir. Malou lui explique sa nouvelle relation avec ses petits-enfants : ils se téléphonent et s'écrivent des lettres. Elle veut coller à ce rôle de grand-mère qui la fait se sentir vivante. Robert l'encourage alors à continuer, il lui dit que lui-même entretient avec Clothilde une relation téléphonique littéraire. Malou n'y voit pas d'inconvénient, et lui demande de lui enlever ses implants mammaires. A partir de la rentrée, Pierre envoie des lettres à Malou. Il lui parle de ses sœurs, que c'est nul d'être le petit dernier, et que son père n'est pas dans une bonne période. Il lui demande si c'est vrai qu'elle était un « fantôme » auparavant, et si c'est pour ça que son père ne pouvait jamais la voir quand il était petit. Il parle aussi de la pièce de son père qui se jouera bientôt (La mouette de Tchekhov). Il est fier d'avoir un papa « introverti » et sensible : quand il a pleuré parce qu'on lui a volé ses escargots, son père lui en a rapporté. Il est comme ça : il ne dit pas qu'il aime, il le montre. Clothilde et Robert vont ensemble dans un hôtel pour le weekend. Là ils s'explorent timidement pour la première fois, mais ne couchent pas ensemble. Lorsque Robert s'en va, elle n'est pas triste : ils s'appelleront et se reverront. Elle se sent forte et belle. Mais sa famille lui pèse. Elle aimerait surtout que Malou ne soit pas sa grand-mère. Robert lui apprend bientôt que ces liens familiaux sont peut-être leur chance de se revoir très vite : il a appris par Malou qu'elle avait gardé le contact avec Clarisse et Pierre et qu'ils comptaient venir passer les vacances chez eux en catimini. Robert lui suggère de de tout faire pour se greffer au projet. 68 Frédéric explique dans sa déposition à la police, que tout a commencé le jour de l'avant-dernière répétition générale de la pièce de Tchekov. Il rentre chez lui le soir en voiture, préoccupé. Ses enfants sont en colonie de vacances et sa femme à une conférence. Dans le garage, par terre, le chien est amorphe, mais il ne se pose pas de question. Il recule pour se garer et roule sur quelque chose. Blême, il sort et découvre le chien écrasé sous ses roues. Il est persuadé que Robert, déprimé depuis le départ de Pierre, s'est suicidé. Il panique, ne sait pas comment l'annoncer à son fils. Il a peur que Pierre lui en veuille comme lui-même en a toujours voulu à Malou. Il appelle sa femme qui lui propose de l'annoncer elle-même à Pierre. Dans sa déposition à la police Katrin raconte qu'elle reçoit le coup de fil de Frédéric et panique : ses enfants ne sont pas en colonie mais chez Malou, à l'insu de son mari. Elle espère gagner du temps en lui proposant d'appeler elle-même Pierre. Pierre, Clarisse et Malou sont en train de faire un poker. Selon la déposition de Clarisse, ils sont tendus car ils ont reçu un message de Katrin qui leur dit qu'elle doit absolument dire la vérité à Frédéric. Ils attendent donc des nouvelles du père. Le téléphone sonne et Malou va répondre. Elle est blême lorsqu'elle revient et dit à Pierre que son père veut lui parler. Clarisse retrouve son petit frère en pleine crise de larmes : son chien Robert est mort. Clarisse fait ce qu'elle peut pour le consoler. Mais Malou arrive et leur apprend que leur mère a été admise à l'hôpital en service de réanimation. Pierre fait une crise d'hystérie. Suite de la déposition de Frédéric : il a tenté d'appeler la colonie de vacances pour parler à Pierre, mais bien entendu, ses enfants n'y sont pas. En colère, se sentant trahi, il se demande s'il doit aller à sa répétition ou attendre le retour de Katrin. Il se reproche de ne pas avoir fait plus attention à ce que faisaient ses enfants. Il se sent un mauvais père, a l'impression de ressembler à Malou. Il décide d'attendre. Katrin, dans la suite de sa déposition, explique qu'elle rentre à la maison en pensant avoir un peu de temps devant elle pour se préparer à sa confrontation avec Frédéric : elle est persuadée qu'il est au théâtre. Elle laisse un message sur le téléphone de Malou pour prévenir ses enfants qu'elle est obligée de tout dire à Frédéric. Elle se retourne et Frédéric est là qui a tout entendu. Se sentant complètement trahi et entrant dans une phase de délire, il s'attaque violemment à sa femme et la confond même 69 avec Malou. Il la rend inconsciente. Il appelle ensuite les pompiers et leur dit qu'elle est tombée dans les escaliers. Après deux jours de coma, Katrin lui dit de ne pas se dénoncer. Déposition de Clarisse à la police : Clothilde débarque dans le salon de Malou et demande ce qui se passe avec son petit frère, en état de choc. Clarisse a juste le temps de lui dire que Robert est mort que Clothilde s'évanouit ! Clarisse ne savait pas qu'elle l'aimait tant, ce chien. Ce n'est que plus tard, lorsque Robert (le mari de Malou) rentre du travail et que Clarisse voit le visage de sa sœur quand elle l'entend rentrer, qu'elle comprend ce qu'il se passe entre lui et sa sœur. Elle se doute aussi que c'est le moment où Malou le comprend également. D'après sa déposition, Frédéric appelle Malou de l'hôpital pour lui apprendre la situation avec Katrin, et annonce aussi à Pierre la mort de son chien. Il reste ensuite deux jours au chevet de sa femme, jusqu'à ce qu'elle se réveille. A ce moment-là, il lui raconte tout de son enfance avec Malou, des souvenirs qui sont remontés en séance d'hypnose et d'autres, pires, qu'il n'a même pas osé raconter à sa psy. Elle comprend son sentiment de trahison et lui dit qu'elle n'aurait pas laissé les enfants aller chez Malou si elle avait su. Leur relation avec Malou, son attitude aimante envers eux, perturbe Frédéric qui revit une vieille peur enfouie : et si tout était à cause de lui ? S'il était incapable d'inspirer de l'amour aux autres ? Avant que les enfants n'arrivent, Malou a raconté dans son journal qu'elle avait fait des travaux dans les chambres : repeindre, personnaliser, rajouter des balançoires dans le jardin. Elle espère qu'ils vont bien s'amuser. Elle se demande pourquoi son propre fils ne lui a jamais inspiré ce sentiment maternel. Pierre continue de lui envoyer des lettres et lui raconte que Clothilde passe plus de temps à la maison, qu'elle s'intéresse à lui, peut-être même va-t-elle venir avec eux en vacances ! Clothilde écrit dans ses mémoires que, pendant les vacances de la Toussaint, elle passe le plus de temps possible avec Robert. Ils s'enferment dans son bureau, vont se promener en forêt. Ils s'explorent dans une sorte de préliminaire incessant. Ils font finalement l'amour pour la première fois le jour du départ. Katrin est à l'hôpital. C'est Frédéric qui va chercher les enfants chez Malou. Il promet à sa femme de ne pas entrer dans la maison. Il se gare et klaxonne pour que les enfants sortent. Il va se promener dans le parc 70 en les attendant. Il indique aux policiers que c'est là qu'il voit Robert et Clothilde, enlacés. Clarisse sort de la maison avec les valises et croise sa soeur. Elle enlace son père, qui lui demande d'aller chercher son frère. Clarisse n'est pas dupe : son père veut parler à Robert. D'après la déposition de Frédéric, alors qu'il discute avec Robert, celui-ci se montre très nonchalant : il aime véritablement Clothilde, et Frédéric ne peut rien y faire ; il ajoute que tout le monde s'en accommode : Pierre, Clarisse et même Malou qui semble le prendre très bien. Ce n'était pas vraiment la chose à dire à Frédéric, qui, à la vue de Robert et Clothilde ensemble, s'est d'abord réjouit du fait que, pour une fois, sa mère s'était faite berner par plus perfide qu'elle. Dans sa colère, Frédéric menace Robert de le dénoncer pour pédophilie s'il ne disparaît pas à tout jamais. Il se sent abjecte du chantage qu'il vient de faire mais ne parvient pas à revenir dessus. Robert, piégé, sait qu'il n'a pas le choix : il remonte dans sa voiture et s'en va. Alors que Frédéric repart en voiture avec ses enfants, Clothilde est tendue: elle n'a pas revu Robert qui a disparu. Quand les enfants vont voir leur mère à l'hôpital pour la première fois, Clarisse éprouve un choc. Elle comprend tout de suite que la théorie de la chute dans l'escalier ne colle pas. Lorsqu'elle demande des explications à sa mère, celle-ci lui avoue tout, en expliquant que son père a des circonstances atténuantes. Clarisse en veut beaucoup à son père : que Malou l'ait maltraité enfant ne justifie en rien sa brutalité envers Katrin. Quelques jours plus tard, Robert est retrouvé mort. Frédéric se sent coupable mais ne peut s'empêcher de diriger l'enquête des policiers vers Malou. Malheureusement pour elle, les circonstances ne sont pas en sa faveur et elle est mise en examen pour meurtre. Pierre est très triste. Frédéric dit aux policiers qu'il n'en peut plus de mentir à tout le monde et qu'il ne se reconnaît pas. Tout ça, c'est la faute de sa mère ! Pierre raconte que pendant les vacances, il a caché une lettre pour Malou dans le congélateur. Il y annonce une bonne nouvelle : il pense que Clothilde et Robert sont amoureux, il les a vus s'embrasser sur la bouche et se câliner. C'est bien, comme ça Robert ne sera pas triste de savoir qu'il n'est plus le préféré de Malou. Est-ce que Pierre est obligé d'attendre d'avoir 16 ans pour embrasser Malou sur la bouche ? Il espère que Malou trouvera vite la lettre ! 71 Clothilde, suite à l'annonce de la mort de Robert, s'enfonce dans une profonde dépression dont elle se réveillera 30 ans plus tard. Ce sont ses parents qui la retrouveront barricadée dans son studio, en état de choc, après plusieurs jours sans manger. Elle sera internée. A 45 ans, elle comprend qu'elle ne peut plus vivre dans ses souvenirs : lors d'une fête organisée pour elle, Pierre arrive avec sa future épouse, une sexagénaire qui est le portrait craché de Malou ! Clothilde est persuadée que si Malou se tient là, Robert va suivre et le cycle recommencera. Elle s'enferme alors dans le bureau et écrit ses mémoires. Le piège se refermera bientôt, plus que quelques lignes et elle pourra apposer le mot « fin ». 72 PERSONNAGES 73 KATRIN Katrin a une quarantaine d'années. Elle est très solaire, franche et aimante. C'est la femme de Frédéric, qu'elle a rencontré lorsqu'elle avait 12 ans. Elle est d'origine autrichienne et parle allemand avec ses enfants : Clothilde, Clarisse et Pierre. Elle est psychologue et est issue d'un mariage consanguin : ses parents sont cousins germains. Elle a cependant réglé ses problèmes grâce à la thérapie et s'entend maintenant très bien avec eux. Elle aimerait que, comme elle, Frédéric règle ses problèmes avec sa mère. Elle apprécie beaucoup Malou par ailleurs. Ses paroles nous sont rapportées par l'intermédiaire d'extraits de sa déposition à la police. FREDERIC Il a deux ans de plus que Katrin, sa femme. Il est un peu son opposé en tout : lunatique, introverti, souvent maussade. Il dit que sa mère, Malou, lui a enlevé le goût de vivre : elle ne l'a pas aimé, l'a négligé, l'a enveloppé de solitude. Du coup, il intériorise tout : sa colère, ses souvenirs, son amour pour sa femme et ses enfants. Il adore pourtant ses enfants et ferait tout pour ne pas reproduire l'exemple de sa mère avec eux. Malgré son caractère taciturne, il est devenu metteur en scène. C'est à la fois un personnage touchant qui suscite l'empathie, et quelqu'un d'assez mesquin et lâche. Des transcriptions de ses séances d'hypnose ainsi que des extraits de sa déposition à la police nous font part de son point de vue sur l'histoire. CLOTHILDE Clothilde a 16 ans. C'est le 1er enfant de Katrin et Frédéric. Elle est surdouée, au point d'avoir sauté plusieurs classes et d'être maintenant en prépa. Elle est anorexique et aime son corps maigre. Depuis toujours, elle s'échappe dans son imaginaire dès qu'elle le peut et visualise des amis et des amoureux oniriques. Elle a un coup de foudre incroyable avec Robert et la liaison qui suivra sera la première et la seule de sa vie. A la mort de Robert, elle s'enfoncera dans une profonde dépression et devra être internée. Elle se réfugiera alors dans ses rêves éveillés et ses souvenirs pour survivre. Elle ne sortira de la dépression que 30 ans plus tard, à 45 ans, pour écrire ses mémoires dont nous avons des extraits. 74 CLARISSE Elle a 13 ans. C'est le 2ème enfant de Katrin et Frédéric. Elle a le même caractère que sa mère : elle est joyeuse, lumineuse, intègre. Elle se dit aussi douée que sa sœur mais elle a bien fait attention à ne pas sauter de classe pour ne pas être traitée différemment. Elle veut devenir cantatrice. Elle apprécie beaucoup Malou au début, mais au fur et à mesure, elle la trouve de plus en plus commune. Elle est assez fine psychologue et comprend très vite les mensonges et les secrets qui planent autour d'elle. Elle est peut-être le personnage le plus sensé du roman et elle est très attachante. Ses paroles nous sont également rapportées par le biais de sa déposition à la police. Si un seul point de vue devait être retenu pour une adaptation, ce pourrait être le sien. PIERRE Il a 7 ans, c'est le petit dernier des enfants de Frédéric et Katrin. Il est joyeux, imaginatif, plein de vie et de conversation. Il aime énormément sa mère, son père et sa sœur Clarisse. Il connaît moins Clothilde qui est généralement assez indifférente envers lui. Il adore également son chien Robert qui est son meilleur ami. Il tombe complètement sous le charme de Malou qu'il trouve très belle et gentille, et qui veut bien jouer avec lui. D'ailleurs, il lui écrit des lettres qui sont consignées dans le roman. MALOU Malou a 61 ans. C'est la mère de Frédéric et la grand-mère des enfants. Ancienne mannequin, elle est extrêmement superficielle et refuse absolument de vieillir. D'ailleurs, elle ne s'est pas mariée avec Robert, chirurgien esthétique, pour rien : elle passe régulièrement sur le billard pour se rajeunir. Elle a dû abandonner sa carrière de mannequin lorsqu'elle était enceinte de Frédéric. Elle a réglés les problèmes financiers en se faisant entretenir par des hommes plus riches. Elle ne souhaitait pas être mère et n'a jamais véritablement aimé Frédéric. Elle s'en est débarrassée en pension dès qu'elle a pu. À sa grande surprise, elle tombe sous le charme du jeune Pierre qui la fait se sentir extrêmement vivante pour la première fois depuis longtemps. Elle entreprend alors un profond changement dans sa vie pour enfin ressembler à la grand-mère qu'elle veut devenir : celle que Pierre mérite. Malou est une femme 75 manipulatrice, à la fois exécrable et charmante, égoïste, acerbe, mais parfois touchante, en particulier dans sa relation à Pierre et sa découverte de la grand-maternité. Evidemment, on pense à des actrices comme Catherine Deneuve ou Charlotte Rampling. Son point de vue est donné par son journal intime. ROBERT Il a environ le même âge que Malou. C'est son troisième mari. Il est bel homme, riche, c'est un chirurgien esthétique. Il tombe instantanément amoureux de Clothilde en la voyant dans son bain et, dès lors, perd tout intérêt dans l'aspect « augmentation des volumes » de son métier : il ne veut plus qu'amincir, réduire, raccourcir. Suite au chantage de Frédéric, il disparaîtra et, sans doute, se suicidera. Cependant, Malou sera arrêtée, suspectée de meurtre. 76 COMMENTAIRES 77 L'histoire se déroule essentiellement de fin août à novembre 1985, mais Clothilde écrit ses mémoires en 2014. À la lecture, on peut se poser de nombreuses questions : qu'arrive-t-il à Clothilde à la fin ? Quel est le piège dont elle parle ? Se suicide-t-elle ? Qu'est devenue Malou ? A-t-elle été arrêtée ? Quand ont été prises les dépositions de Clarisse, Katrin et Frédéric ? La dernière lettre de Pierre a-t-elle été trouvée ? Par qui ? Au vu de la nature très diverse des témoignages de chaque membre de la famille – et même si aucune précision à ce sujet n'est apportée par l'auteur au cours du roman le lecteur peut se demander si le livre ne rassemble pas en réalité tous les éléments d'une enquête policière. Ce sentiment est renforcé par le fait que Katrin, Frédéric et Clarisse témoignent par le biais de dépositions. En suivant cette logique, on pourrait imaginer que le journal de Malou, les lettres de Pierre, les transcriptions des séances d'hypnose de Frédéric, ou encore les mémoires de Clothilde, sont en réalité des pièces à conviction dans une affaire criminelle. Ainsi, scénariste et/ou réalisateur pourrait choisir d'explorer cette piste de l'enquête à rebours, avec l'action du livre en flashback, et des policiers qui interrogent les personnages dans le présent. Ou il pourrait tout simplement dérouler son histoire « en direct », en 1985 (ou de nos jours, s'il la modernise), et se détacher complètement de la forme que l'auteur met en place. Chaque personnage nous expose sa version de l'histoire, son propre ressenti face aux évènements, et le lecteur peut ainsi observer toutes les ramifications des mensonges et des secrets, pressentir les drames à venir qu'on lui fait miroiter. L'adaptation devra ainsi choisir entre une multiplicité de points de vue rendue possible par une enquête policière, ou un point de vue unique qui pourrait être celui de Clarisse, ou de Robert, ou chien... Ce récit choral fait naturellement penser à Huit femmes et pourrait très bien prendre une forme et une esthétique semblable à l'œuvre d'Ozon. Le ton oscille d'ailleurs, comme chez Ozon, entre comédie et tragédie, avec une présence forte de personnages féminins. Les évènements dramatiques de l'histoire, comme la dépression de Clothilde, la disparition de Robert, la mort du chien, ou la violence de Frédéric envers sa femme, sont contrebalancés par des évènements ou des réactions comiques, parfois rocambolesques, comme les nombreux commentaires acerbes des 78 uns sur les autres, ou les confusions entre les deux Robert (le chien et le mari de Malou)… Le roman offre des personnages très riches dans le cadre d'une éventuelle adaptation : chaque personnage a son importance, a quelque chose à défendre, ou à cacher, ce qui en fait des rôles très intéressants à jouer pour des acteurs. Le roman offre un vrai foisonnement d'informations sur chacun ; le scénariste et/ou réalisateur, mais aussi les acteurs peuvent y piocher à leur guise pour donner corps à leur rôle. CONCLUSION C'est quoi ce roman ? offre un terreau très fertile en matière d'adaptation cinématographique, et un scénariste ou un réalisateur a pleinement de quoi s'amuser avec la matière qui lui est ici proposée. Que ce soit en matière de ton, d'histoire ou de personnages, les possibilités de films sont ici nombreuses et très riches. Corinne Devillaire a une écriture très littéraire, elle connaît très bien les rouages d'une bonne histoire et de personnages psychologiquement très bien construits, ce qui fait de son roman un candidat idéal à l'adaptation cinématographique... Une adaptation qui donnerait un film tragicomique, déjanté et touchant, avec des personnages extravagants et attachants. REFERENCES CINEMATOGRAPHIQUES Son univers rappelle d'une part celui des films d'Ozon, d'autre part l'humour cynique des comédies britanniques dans la veine de Tamara Drewe de Stephen Frears, adaptation du roman éponyme de Posy Simmonds aux personnages aussi bien cruels qu'attachants ; ou encore Gemma Bovery d'Anne Fontaine, une adaptation plus récente de cette même auteure à la construction similaire, qui retrace la vie d'une jeune femme avant sa mort à travers les points de vues de deux personnages. On pense aussi aux comédies noires d'Almodovar telles que Tout sur ma mère, La Mauvaise Education et Volver, dans lesquels on retrouve ce ton drôle et tragique à travers des histoires familiales aux rebondissements surprenants. 79 PRIX LITTERAIRES Sélection Sélection Sélection Sélection Sélection Sélection Sélection Paris 2014 Prix du premier roman de Sablet en Provence off 2014 Prix du premier roman Emmanuel Roblès 2015 Prix Michel Tournier 2014 Prix Littéraire de la Roquette 2015 Prix Jeune Mousquetaire 2014-2015 Prix Des Lecteurs Corréziens 2014-2015 des Bibliothécaires et des Lecteurs de la Ville de TRADUCTIONS Traduction en italien en cours, à paraître aux Editions E/O en 2015. Négociation des droits pour la langue anglaise (UK +US) en cours. 80 EXTRAITS 81 Déposition de Clarisse (p.1) C’est maman qui a proposé la halte chez Malou, au retour de nos vacances en Autriche. Mais on ne peut pas lui en vouloir. Elle croyait bien faire. Jusque-là, je n’avais vu la mère de papa qu’une seule fois : le jour de son mariage avec son dernier mari. Je ne m’en souviens presque pas. C’était il y a longtemps. J’étais trop petite. Pierre, lui, était dans le ventre de maman. Ça se voit sur la photo. S’il est exact que les foetus entendent tout, lui aussi a assisté à la réception, d’une certaine façon. Mais je ne crois pas qu’à ce stade de la gestation, la mémoire soit vraiment opérationnelle. Bref, mon petit frère ne pourrait pas non plus vous raconter grand-chose. Par contre, Clothilde, notre grande soeur, a une mémoire de pachyderme. Elle avait déjà sept ou huit ans. Si elle était en état de témoigner, elle vous raconterait tout dans les détails. J’espère que bientôt elle ira mieux ! Je précise que papa n’est pas particulièrement proche de sa mère. Avec le recul, je me demande même pourquoi il s’est cru obligé d’accepter cette escale. Peut-être pour équilibrer la balance, puisqu’on venait de passer huit jours chez mes grands-parents maternels. Mais je crois surtout que cette proposition inattendue l’a pris de court et qu’il voulait éviter les questions de maman. Elles n’auraient pas manqué de pleuvoir s’il avait refusé de faire ce petit détour. Il faut toujours qu’elle décortique tout… Non. C’est juste une déformation professionnelle : elle est psy. Quand elle nous écoute, c’est très agaçant, l’impression qu’elle donne de connaître à l’avance la fin de nos phrases. Avec elle, difficile de se sentir chez soi dans sa tête. Papa a trouvé la parade : il ne dit plus rien. En attendant, il faut reconnaître que maman a sûrement raison au sujet de Malou, quand elle prétend que c’est à cause d’elle si nous sommes une famille sans attaches et que tout ça est arrivé. (...) Je me souviens parfaitement de la scène de notre arrivée. Papa s’annonce à l’interphone. Les grilles de la propriété s’entrouvrent aussitôt. Nous roulons à travers le parc. La minute jusqu’au perron est silencieuse dans la voiture : nous sommes tous impressionnés par l’interminable allée de platanes. Pierre veut savoir si « la dame » habite un château hanté. Maman répond que c’est elle le fantôme, puisqu’elle ne donne plus de nouvelles et n’en prend pas de nous depuis très longtemps. Malou se tient en haut des marches, « spectrale », comme dirait papa. De la banquette arrière, mon petit frère, ma soeur et moi, nous la trouvons très grande et très belle. Tout le monde descend de voiture, elle s’approche, ouvre à mon père ses bras immenses et l’enlace avec distance. Puis vient le tour de maman. L’étreinte est un peu plus affectueuse. C’est ensuite à nous : elle se penche alors en souriant. Elle porte un parfum sublime. Ses lèvres sont fraîches sur nos joues. Je fais discrètement remarquer à Clothilde que Pierre n’a pas essuyé les siennes dans sa manche, et que c’est plutôt bon signe. (...) 82 Journal de Malou (p. 17) Vendredi 30 août 1985, 16 heures. Je suis toujours en état de choc. J’ai l’impression de fonctionner en conduite automatique depuis qu’ils ont fait irruption chez moi. Toute mon énergie passe à assurer les gestes d’hospitalité les plus simples : servir les rafraîchissements, faire visiter la maison, le parc, distribuer le linge de toilette, vérifier que rien ne leur manque. Les échanges sont très protocolaires, mais cela n’a aucune espèce d’importance. En ne m’en tenant qu’aux questions pratiques, je donne l’illusion d’être disponible. Robert n’arrive que dans trois heures. Il faut que je réussisse à tenir jusque-là. Pour une fois que je suis pressée de le voir rentrer, j’espère qu’il ne sera pas retardé par une complication de dernière minute ! Son agenda était chargé aujourd’hui : rhinoplasties, implants, liposuccions. S’il espérait un peu récupérer, son weekend s’annonce d’autant plus mal qu’il peut d’emblée faire une croix sur le tennis, le golf ou l’escalade. Hors de question que je reste toute seule ici avec eux. Hors de question qu’il s’absente. Tout cela est de ma faute, aussi ! Si seulement je n’avais pas annulé ma séance de soins sur un coup de tête ! Si je m’étais rendue à l’institut comme prévu, nous n’aurions même pas su qu’ils étaient passés. Moralité : ne jamais laisser de place à l’imprévu ! Je m’en veux. Cette défaillance doit me servir de leçon. (...) Déposition de Clarisse (p. 22) Ensuite ? Malou nous a fait visiter sa maison. Pierre était agrippé à sa main. Étonnant de sa part, lui qui n’est pas collant d’habitude ! Puis elle a attribué les chambres. Je devais partager la mienne avec Clothilde, au premier étage ; Pierre occuper une mansarde contiguë à celle de nos parents, au second. En attendant le retour de son mari, et pendant qu’elle s’occupait du repas, Malou nous a invités à nous rafraîchir. Elle nous a conduites, Clothilde et moi, dans la salle de bain du premier et elle a sorti tous les produits qu’elle mettait à notre disposition. On n’en revenait pas. Il y avait bien une dizaine de flacons rien que pour les « soins capillaires ». Pas possible non plus d’imaginer du linge de toilette aussi moelleux que le sien. C’est super agréable ! Chez nous, les serviettes de bain sont rêches comme des paillassons et les gants nous râpent la peau comme du crin. Un bidon entier d’assouplissant ne suffirait pas à leur redonner une texture normale. La preuve que maman déteste le lave-linge : le programme et la température de l’eau sont restés ceux sélectionnés par le technicien le jour de sa mise en service : option coton 60°. Pour votre enquête, ça n’a peut-être pas d’importance. Mais je tiens quand même à dire qu’à chaque lavage, serviettes éponge, chemises, 83 torchons, lainages, petites culottes macèrent tous dans la même eau grisâtre chargée d’une maxi-dose de lessive et en ressortent systématiquement déformés et décolorés. L’ouverture du hublot, lorsqu’il faut extirper le linge du tambour, est presque aussi palpitante que l’instant où le spationaute ouvre sa capsule pour effectuer sa première sortie dans l’espace, dixit papa ! 84 COME PRIMA Titre original COME PRIMA Auteur ALFRED Nationalité Française Pages 224 pages Editeur © Editions Delcourt, 2013 Epoque Début des années 60 Lieux Sur la route entre la France et l’Italie Genre Comédie sociale 85 PITCH Deux frères se réconcilient alors qu’ils roulent vers l’Italie où ils ramènent les cendres de leur père. L’histoire d’une famille italienne divisée par les années Mussolini, et de leur réconciliation. INTRIGUE Giovanni attend son frère Fabio à la sortie d’un match de boxe minable. Fabio ne lui a pas donné de nouvelles depuis 10 ans. Giovanni est venu avec leur père, ou plutôt ses cendres, qu’il faut ramener en Italie. Fabio qui est poursuivi par ses créanciers décide de profiter du voyage pour éviter les ennuis et toucher sa part d’héritage. Il viendra, mais uniquement pour le fric. Les deux frères partent en Fiat 500. Le voyage se poursuit lentement, Fabio le grand frère déchu, ivre de colère, Giovanni le petit frère sage, en quête d’assentiment. On apprend par bribes que Fabio enfant rêvait de quitter leur campagne pauvre du Sud, qu’il est devenu chemise noire pour ça, pour voyager. Qu’après son départ les fascistes ont ruiné la vie de la famille et que Giovanni, le petit frère, essayait tant bien que mal d’assumer le rôle d’aîné, y compris en tombant amoureux celle que son frère aimait. Mais Giovanni n’a pas réussi : sa femme et sa fille l’ont quitté, sa famille est dispersée, il en veut à son frère, et il s’en veut d’avoir échoué à le remplacer. Fabio non plus n’a pas réussi, boxeur minable, à qui la vie a volé ses rêves de grandeur et d’évasion. Leur course est émaillée de rencontres, avec un auto-stopeur bruyant, un chien abandonné, un gamin voleur de voiture, un prêtre marqué par la résistance, un arrêt dans le village de la femme qu’ils ont aimé… Chaque halte provoque de nouvelles bagarres, de nouveaux aveux, de nouveaux souvenirs communs. Et l’humeur change petit à petit. A chaque kilomètre, le parfum de l’Italie et de l’enfance se fait de plus en plus tenace. Les frères se parlent, retrouvent avec émotion leur pays natal. Fabio pardonne que Giovanni ait aimé celle qu’il aimait, Giovanni avoue qu’ils ont une sœur adoptive, et révèle malgré lui l’essentiel : leur père n’est pas mort, l’urne funéraire est vide. Il est l’heure de reconstruire. 86 Come Prima est l’histoire du retour du fils prodigue, et surtout du retour du bonheur. THEMES ABORDES Revenir au pays après l’avoir violemment quitté La paternité Le rôle d’ainé Les liens de famille L’Italie 87 RÉSUMÉ DÉTAILLÉ 88 Début des années 60, France. Giovanni attend son frère Fabio à la sortie d’un match de boxe minable. Fabio ne lui a pas donné de nouvelles depuis 10 ans. Giovanni est venu avec leur père, ou plutôt ses cendres, qu’il faut ramener en Italie. Fabio refuse, et éconduit son frère. Le lendemain. Fabio, nu, au lit, se dispute avec sa maitresse. Non il ne veut pas prendre la place que lui propose son beau-frère au garage. Sa maitresse se moque de lui, le traite de looser et de faux dur. Elle en a assez, et lui dit qu’elle part et qu’il va regretter son égoïsme ; Fabio un peu plus tard la voit renseignant un de ses créanciers. Fabio prend la fuite. Il rejoint son frère, lui explique qu’il part avec lui, mais uniquement pour récupérer sa part d’héritage. Ils rejoignent la voiture, et Giovanni refuse de mettre l’urne funéraire dans le coffre comme un simple bagage. La Fiat quitte la ville, et s’éloigne de Paris. Fabio ne dit pas un mot, il est complètement fermé. Les deux frères font une pause au bord d’un canal, Giovanni ouvre la conversation mais son frère le rembarre. Plus tard. Fabio conduit et Giovanni dort. Fabio est encore en colère et parle tout haut à son père absent. Giovanni se réveille. Fabio l’accuse de cacher quelque chose. Le ton monte, la voiture s’arrête, Fabio critique la vie de son frère, celui-ci lui répond, et Fabio part dans les champs sans se retourner. Une fois seul, il continue son monologue agressif, avant de se rendre compte qu’un chien est attaché à un arbre, abandonné à côté de lui. Fabio s’adoucit, détache le chien. Fabio revient à la voiture avec le chien, manifestement détendu et goguenard. Il commence à titiller son frère en lui proposant de lui raconter ses fantastiques aventures. Il a voyagé, parcouru le monde, mené grand train… Mais Giovanni ne veut pas l’écouter, Fabio se moque de lui et se vante, il accuse son frère d’être jaloux et de refuser d’admettre qu’il a une petite vie sans intérêt, comme son père. Giovanni sort de ses gonds, arrête brutalement la voiture et se jette sur son frère. Il lui raconte alors le calvaire de la famille après son départ : l’oppression des chemises noires, jusqu’au suicide de leur oncle. Alors qu’ils se battent, la Fiat 500 démarre en trombe. Un voleur ! Giovanni veut appeler la police, Fabio préfère que non et dit connaître des gens qui s’y connaissent en vol de voiture. Furieux Giovanni se précipite et 89 se casse la figure, il est blessé au bras. Il arrête un scooter, et on les conduit vers quelqu’un qui pourra les aider. Il s’agit du curé du village voisin. Il leur explique que le vol est certainement le fait d’un gamin qu’il connaît bien, et qu’il va faire revenir la voiture. Il soigne Fabio et leur propose de faire halte. Durant la pause, les deux frères se reposent, et savourent le soleil et la campagne. Le curé va chercher Fabio, car il a reconnu en lui un frère d’armes. Dans une face à face sincère, tous deux racontent leur émotion, semblable, le jour où ils ont décidé de prendre les armes. Jusqu’à réaliser qu’ils n’étaient pas dans le même camp. Les deux frères repartent froidement. Un peu plus loin, la Fiat tombe en panne. Un autostoppeur très bavard qu’ils avaient déjà croisé plus tôt leur propose de les aider, en échange d’un bout de chemin. Mais l’importun, s’il remet la voiture en marche, est odieux et intarissable. Il tapote sur l’urne funéraire en plaisantant, et c’est Fabio qui craque et éjecte l’autostoppeur. Mais Fabio est submergé par une vague d’angoisse, et perd pied. Il répond à son frère inquiet : « Je pensais que ce serait moins douloureux ». Un peu avant la frontière, Giovanni impose une pause à l’auberge. Mais il profite de la sieste de son frère pour disparaître. Il va rejoindre une belle femme de son âge, qui l’accueille froidement et lui demande s’il a réussi à faire revenir son frère, lui qui voulait le faire revenir, dût-il abandonner pour ce faire sa femme et son enfant. Maria semble tout connaître de sa vie, lui parle franchement du poids qu’il a endossé depuis le départ de son frère, l’enjoint à mots couverts d’abandonner cette quête trop lourde pour lui. Giovanni ne répond rien, et tourne les talons. De retour, Giovanni prétend avoir essayé de voir un ami, sans succès. Les deux frères passent la frontière. Fabio commence à se projeter dans l’avenir. Comment va-t-il être accueilli ? Les deux frères entonnent une chanson de leur enfance en italien, c’est le premier moment de complicité sincère entre eux. En monologue intérieur Giovanni se remémore Fabio, adolescent, pleurant dans le poulailler, après que son père lui ait violemment interdit de partir. Giovanni ne comprenait pas pourquoi Fabio était dans le poulailler, il s’est rendu compte bien plus tard que Fabio pleurait car il allait partir le lendemain. Pour la troisième fois du livre, Giovanni passe en cachette un coup de téléphone à un interlocuteur qui semble bien connaître Fabio. Fabio est en train de boire un verre, ou plutôt de descendre une bouteille de vin, au café. Lorsque son frère arrive, Fabio a envie de scandale et provoque les 90 clients du bar. Ceux-ci le menacent d’en venir aux mains, et au moment où ils s’apprêtent à attaquer, Fabio se jette sur eux pour les embrasser. Décontenancés, les clients laissent fuir les deux frères ivres et rigolards. Un peu plus loin, Fabio freine brutalement. Des oranges ! Excité comme un enfant, Fabio escalade le mur du verger, attrape des fruits, jongle et se régale. Il savoure un premier moment de bonheur. Plus tard, sous la pluie. Fabio demande à son frère qui il appelle au téléphone en cachette. Maria ? Fabio a compris que Giovanni est passé la voir, et il sait qu’ils ont été ensemble. Giovanni, après un silence, avoue : il téléphone à leur sœur. Fabio sous le choc de la révélation perd le contrôle de la voiture qui finit sur le dos. Sous une pluie battante, les deux frères sont au tapis, commotionnés. Fabio dit à son frère que l’urne s’est ouverte, et qu’elle est vide. Giovanni avoue que leur père est mourant, mais vivant, et qu’il a menti pour être sûr que Fabio l’accompagne. Il lui parle de leur sœur adoptée deux ans après le départ de Fabio. Les deux frères réalisent qu’ils sont sans voiture et sous la pluie, abattus par le choc des révélations. La situation est si triste qu’elle en devient hilarante, et Fabio propose d’ouvrir les bouteilles de vin qui elles ont résisté au choc. Giovanni accepte avec enthousiasme. C’est donc avec une gueule de bois carabinée que les deux frères conduisent le dernier tronçon du voyage. Arrivés à l’hôpital, Fabio rencontre sa sœur adoptive Giulietta, très enceinte, et qui attendait d’ailleurs l’arrivée des deux frères pour aller en salle d’accouchement, elle vient de perdre les eaux. Simple, souriante, directe, elle « emballe « tout de suite Fabio, ne lui laissant aucun espace pour se braquer. Elle a tellement attendu le jour où elle le rencontrerait : comment quelqu’un qu’on en connaît pas peut-il vous manquer à ce point ? Giovanni accompagne Giulietta en salle d’accouchement, Fabio va seul parler à son père. La dernière image du livre c’est Fabio qui parle à son frère, pour lui dire qu’il va rester ici, que la ville n’est plus si petite que dans ses souvenirs, et que Giovanni doit retourner vers Maria et son enfant, qu’il ne faut pas trop attendre pour revenir. Les deux frères s’étreignent. 91 PERSONNAGES 92 FABIO FOSCARINI Fabio est né autour de 1915. Fils aîné, beau, drôle, il a le sens de la répartie et tout le monde l’adore. Il vit une belle histoire avec sa copine Maria. Pourtant, il rêve de voyage et se sent à l’étroit dans le petit port italien où il grandit. Tenté par l’idéal fasciste, il annonce à son père (syndicaliste et hostile au fascisme) son souhait de partir rejoindre les soldats italiens de Mussolini en Afrique. Son père le lui refuse violemment, lui interdit de jamais revenir si il part. Fabio pleure, et part à l’aube en cachette de tous. On le retrouve 7 ans plus tard, il revient, habillé comme un milord et en pleine forme, après avoir envoyé un courrier pour prévenir de son retour. Mais seul son petit frère Giovanni l’attend au port. Son père a refusé de lire sa lettre, personne ne sait qu’il revient. Personne ne souhaite le revoir. Choqué, Fabio remonte dans le ferry et repart. Encore dix ans plus tard, Fabio est devenu un boxeur minable et un petit voyou criblé de dette qui vit d’expédients en France. C’est son frère Giovanni qui vient le chercher pour le convaincre de ramener les cendres de leur père au pays. Fabio est robuste, fume comme un pompier, il a aussi piètre allure : mal rasé, habits froissés ou abimés : un cliché de voyou. Il ne parle plus que français mais conserve un imperceptible accent italien. Il a mauvaise presse, on dit de lui que c’est un voleur, qu’il a de mauvaises fréquentations et qu’il se bat souvent. Sa vie semble une course pour trouver de l’argent. Il pense d’ailleurs être responsable de la mort d’un homme dans une bagarre, le crime lui a d’ailleurs été imputé, sans qu’il ne sache lui-même s’il était réellement l’assassin. Mais il était le bouc émissaire facile, l’immigré de service. Alors il évite les flics. Il semble en guerre contre le monde entier, mais révèle par bribe sa tendresse et son charisme perdu. Le premier indice est quand il décide d’adopter un chien trouvé abandonné autour de la route. Le chien l’aime spontanément, sentant sans doute la bonté profonde de cet homme. Fabio est aussi très proche de ses sensations : lumière, odeurs, faim, sommeil. Et ses sensations le forcent parfois à trahir son masque de raté aigri. Il révèle le jeune homme ardent qu’il était, joueur, provoquant, rigolard. Le livre raconte sa réconciliation avec le bonheur. 93 GIOVANNI FOSCARINI Le frère cadet de Fabio, il a une dizaine d’années de moins. Lui n’a pas cherché à fuir l’Italie, mais il aurait eu moins de mal : physique plus neutre, un peu passe partout. Il a un côté gendre idéal qui peut le rendre agaçant. Lui a assisté à la fugue de son frère, à sa tentative de retour, et c’est encore lui qui vient le chercher dans la Fiat 500 familiale. Petit frère, il est pourtant le seul lien entre Fabio et sa famille. Mais il est moins lisse qu’il ne paraît : spécialiste des petits secrets bien intentionnés, il est manipulateur. Il a menti à son frère, leur père n’est pas mort, il a omis de dire à son frère qu’ils avaient une sœur adoptive, il cache le fait qu’il est devenu l’amant de Maria et qu’ils ont ensemble un enfant, il cache le fait qu’il a abandonné la femme et l’enfant. Le frère idéal ne l’est vraiment pas. Mais il est en revanche beaucoup plus sincère avec lui-même que son frère : il admet avoir passé sa vie à chercher son frère, à le protéger ou le remplacer ce n’est jamais très clair. Il admet qu’il a toujours espéré que son grand frère revienne, que la vie a été trop dure avec lui quand Fabio est parti et que sa famille s’est faite harceler par les chemises noires pendant des mois. Il admet qu’il veut réconcilier sa famille dont aucun membre ne vit bien, et que cette énergie lui vient de leur sœur adoptive, Giulietta. Il est le héros de l’histoire, acteur d’une réconciliation désespérée. 94 COMMENTAIRES 95 Come Prima pourrait être décrit comme la chronique sociale d’une famille italienne des années 20 à 60, racontée par le biais de deux frères fâchés qu’un événement particulier contraint à se voir et se parler pendant quelques jours. Mais Alfred a su faire aussi de cette bande dessinée un élan de générosité et d’humanité en construisant une ambiance vivante, drôle, sincère, tragique aussi par moments, lumineuse. Tout d’abord le paysage, les odeurs, les sons, la campagne, les scooters, les vacanciers, les routiers, les curés de village: la campagne des petites routes entre la France et L’Italie envahit littéralement les pages de la bande dessinée, et aussi les personnages principaux. Alors même que les étapes de leur réconciliation sont si difficiles à franchir, ils ne peuvent s’empêcher d’être happés par la vie, la beauté qui les entoure, les lumières invraisemblables du sud, les souvenirs d’enfance qu’elles véhiculent. Au-delà de la profondeur des images, Alfred manie ici aussi avec une audace rare dans la fiction le mélange entre le grave et le léger : Les deux frères souffrent c’est entendu, mais cela n’empêche qu’ils sont souvent frappés de leur propre pathos, et qu’avec eux on en rie. Et on retrouve dans la BD des éléments du cinéma populaire italien des années 50 et 60, généreux, tragique, mais aussi burlesque et surtout passant avec une facilité déconcertante du drame au clown. Ce road trip « prétexte » est donc bien ici un alibi idéal pour parler des liens de famille, et ce de manière très contemporaine, autour de la fratrie, de la paternité, mais aussi des gênes, des non-dits, des choses qu’on porte en soit sans toujours les comprendre, des malentendus sur lesquels on n’ose jamais revenir. Mais ici ces thèmes cruciaux de la fiction d’aujourd’hui sont abordés en dehors de la ville et de ses limites, dans une campagne magnifique, généreuse, vivante, et qui pour tout dire fait envie, aux héros, et à nous. CONCLUSION Come Prima une histoire lumineuse et fine, hommage à la chaleur et au burlesque du grand cinéma italien tout autant qu’histoire moderne de filiation. Par un auteur majeur de la bande dessinée contemporaine. 96 REFERENCES CINEMATOGRAPHIQUES La Meglio Gioventu de Marco Tullio Giordana Western de Manuel Poirier PRIX LITTERAIRES Fauve d’Or du Meilleur Album au Festival International de Bande dessinée d’Angoulême 2014 TRADUCTIONS Espagnol : Salamandra Coréen : Mimesis Allemand : Reprodukt Italien : Bao Publishing 97 EXTRAITS 98 99 100 101 CONEY ISLAND BABY Titre original Coney Island Baby Auteur Nine Antico Nationalité Française Pages 212 Editeur L’Association © Nine Antico & L’Association, [2010] Epoque Des années 40 (pour Bettie Page) ou 70 (pour Linda Lovelace) à 1999 Lieux Nashville/ Floride/ Valdosta/ Tulsa/ Californie/ Tennesse/ Los Angeles/ New York/ Westchester County/ Berverly Hills/ Long Island/ Portland Genre Roman graphique 102 PITCH Bettie Page et Linda Lovelace sont deux figures emblématiques du milieu pornographique, bientôt dépassées par leur puissance iconographique. Deux destins oubliés que Monsieur Hefner, fondateur de la revue Playboy, a décidé de raconter en cette soirée 1999 aux deux jeunes candidates face à lui, dangereusement ignorantes, fatalement naïves et vulnérables par leur rêve de célébrité. Un voyage dans le temps où il n’est pas incertain que l’une de ces deux figures soit encore tout près. INTRIGUE Deux jeunes filles entrent dans le manoir Playboy, se demandant laquelle des deux devra user en premier de ses charmes pour Monsieur Hefner, le fondateur. Pourtant, face à elles, Monsieur Hefner a décidé de revenir sur le parcours de deux figures emblématiques du milieu : Bettie Page, célèbre Pin-Up des années 50 et Linda Lovelace, la fameuse « Gorge Profonde » des années 70. Deux générations séparent leurs heures de gloire et pourtant, les échos sont nombreux. De la jeune et cultivée Bettie aux prises des tentatives de séduction des hommes de son entourage à Linda, fille banale acceptant simplement toutes les demandes provocantes de son futur mari Chuck Traynor. Les deux femmes rêvent de reconnaissance et de célébrité mais le succès est dur à atteindre. Avec sa frange iconographique, la pin-up Bettie Page peuplera les fantasmes des hommes de l’époque et Linda se fera remarquer sur la scène porno par son surnom « Gorge profonde » dont le film multiplie les entrées au cinéma. Lumière appelant forcément l’ombre, Bettie ne comprend pas les conséquences des mises en scène nouvellement orientées SM de ses photos et sera accusée par la société de conduire à la délinquance juvénile tandis que Linda ne parviendra jamais à sortir de son image de femme avaleuse de sexes, sous l’emprise de Chuck, véritable businessman du milieu porno. L’une et l’autre seront des icônes du manoir Playboy, et auront la reconnaissance de Monsieur Hefner. Mais la chute est déjà lancée… Bettie tente de se ranger dans une vie de femme au foyer qui la dégoûte ; elle 103 trouvera une issue dans la religion, devenant une adepte quasi-fanatique, prête à tuer pour cela. Linda accusera publiquement Chuck de l’avoir forcée à mener cette carrière dans le porno et tentera de lutter contre ce milieu, mais n’arrivera jamais à échapper à son image passée, allant jusqu’à reposer pour des photos de charmes pour des fins de mois difficiles. Ce soir-là, à la fin de son histoire, les deux jeunes filles scrutent la véritable Bettie Page, vieille et folle, captivée par les feuilletons télé. Monsieur Hefner leur demande de réfléchir, il les quitte pour rejoindre Bettie, lui fait croire que la mise en garde a marché. Pourtant il n’en est pas si certain. THEMES ABORDES Pin-Up/ pornographie Libération sexuelle / Révolution iconographique Pionniers / Figures emblématiques / Icônes Quête de célébrité / Popularité/ Impopularité Déclin/ Piège / Déni / Folie Destins croisés / Echos / Parcours parallèles 104 RÉSUMÉ DÉTAILLÉ 105 Dans le manoir de l’empire Playboy, Hugh Hefner, le fondateur emblématique du magazine, reçoit deux nouvelles candidates playmates bien peu au fait de l'histoire de la revue et de ses grandes figures. Hefner décide de reprendre l’histoire de l’industrie pornographique via deux personnalités pionnières aux parcours miroirs : Bettie Page et Linda Lovelace. 1940 à Nashville. Dans le bus ou dans la rue, la jeune Bettie attire le regard des hommes, par sa beauté mais aussi sa froide intelligence. L’un deux, Billy, fredonne les mêmes mots doux, sans doute vides de toute sincérité. Pourtant Bettie, dans sa maison où sa famille nombreuse broie toute intimité, rêve de lui. Floride en 1969, une jeune femme bronze ; elle est l’archétype même de « la fille d'à côté", un peu fade et prévisible, ne refusant rien, pas même le pire. Son amie Katty la rejoint accompagnée d’un homme : Chuck. Linda se laisse séduire, le suit à une soirée à Miami, puis chez lui. Nashville, 1940, Bettie revoit Billy. Elle fera l’amour pour la première fois, dans la voiture du jeune homme, estimant déjà qu’il y en aura d'autres et beaucoup. Tous les deux rêvent d'un ailleurs. Linda, elle, prend la route avec Chuck, direction Valdosta, en 1971. Dans un jeu de provocation et de séduction Chuck soulève les vêtements de la jeune fille quand leur voiture croise d’autres automobilistes ; Linda provoque à son tour l’employé d’une station-service.... Ils se sentent pousser des ailes, partant vers un ailleurs inconnu. Sur le chemin, ils se marient. Chuck prévient ses parents tandis que Linda ne dit rien aux siens. A Tulsa en 1936, Bettie est plus jeune, elle garde ses nombreux frères et soeurs tandis que sa mère retourne en ville vérifier si son père a bel et bien volé la voiture du shérif, comme le prétendent les rumeurs, qui plus est avec sa maîtresse. En ces temps difficiles, Bettie, rêve de cinéma avec Clark Gable. Californie 1971. Linda scande « Jouir sans entrave » dans un spot – qui deviendra le slogan de l’époque. Tennessee, 1943, un concours est organisé pour « Miss Cover girl » avec à la clé une apparition dans un film aux côté de Rita Hayworth. Bettie est 106 élue première dauphine, elle obtient un abonnement d'un an chez Hair star. A table, les 3 gagnantes discutent du milieu du cinéma où les places sont chères. Bettie déchire un bout de la nappe, nerveuse. Elle arrive à San Francisco, y retrouve Billy, en permission. Leurs retrouvailles sont chaleureuses, ils refont l'amour, mais Billy sait qu'elle ne va pas l'attendre, d'autres hommes se retournent toujours sur son passage. Floride, 1971. Gerard Damiano, réalisateur de films pornographiques donne une fête chez lui. Tandis qu'il discute auprès de femmes de ce qu'elles veulent voir dans les films pornos, Linda se fait remarquer, lui valant son surnom de "Gorge Profonde ». Chuck est fier. Los Angeles, 1945. Bettie franchit les grilles de la 20th Century Fox pour un premier essai. Une maquilleuse se charge d’elle. Son visage se modifie sous les couches de maquillages. Elle doute que cette fois sera la bonne. Los Angeles, 1999. Monsieur Hefner emmène les deux playmates chez le couple Arrese. Là, Carlos Arrese raconte aux deux jeunes playmates sa rencontre avec Bettie en 1947, leur coup de foudre et la fin de leur amour, ayant choisi son actuelle femme, plus « rangée ». Dans la cuisine, ladite femme, âgée et enrobée peste contre Bettie, la traite de « folle ». Les deux playmates décèlent un regret chez Carlos. New York, 1971 Le côté "girl next door" de Linda fait la révolution dans le cinéma pornographique. C’est son premier tournage pour Linda et Chuck y assiste. New York, 1950. La carrière de Bettie, elle, ne décolle pas. Accidentellement, elle rencontre Jerry Tibbs, policier et photographe. Il décèle en elle quelque chose, il lui coupe la frange - coiffure qui deviendra mythique. Elle commence quelques photos en bikini, qui se font remarquer. Mais elle finit encore seconde à l'élection Miss New York. New York, 1972. « Gorge profonde » sort sur quelques écrans, mais l’article du Times qualifiant le film de révolution du genre, le nommant « porno chic » attire un public plus large. Les entrées du film explosent. On dit même que Jackie Kennedy serait venue à une des projections. Un reporter recueille quelques témoignages devant une des salles, chacun défend le film à sa manière : les féministes voient en Linda une icône rebelle, quelques femmes plus rangées prétextent vouloir faire comme la 107 femme du président, les producteurs de cinéma viennent comprendre le phénomène… Linda devient célèbre. A Westchester county en 1953, Bettie connaît aussi la célébrité, grâce à des photos de plus en plus dénudées. Un journaliste saisit aussi quelques témoignages. En pleine séance dans un jardin public, Bettie captive l’équipe tandis qu’au loin elle est observée par une femme qui prévient sa fille : un jour aussi Bettie vieillira et grossira. Los Angeles, 1973. Linda Lovelace tourne dans le manoir de Playboy. Une soirée est organisée par le fondateur, Hefner. Avec Elisabeth Taylor, Warren Beaty, Clint Eastwood… Linda effleure peu à peu Hollywood venu assister à une de ces soirées que l’on dit « libérées ». Ayant la reconnaissance de ses pairs, elle devient une invitée importante du Manoir. New York, 1953, Bettie est à son cours d'acting mené par Monsieur Berghof. Elle travaille avec rigueur la psychologie des rôles et cherche à faire disparaître son accent. Los Angeles ,1973. « Gorge profonde 2 » va sortir, mais Linda sait que le film n’a rien de novateur, tout juste commercial. Elle monte avec Chuck son entreprise : Linda Lovelace Entreprise, implantée sur Sunset Boulevard. Pourtant, à part sa technique de fellation inspirée par les avaleurs de sabres (qu’on lui demande d’exercer à chaque soirée), son entourage s’intéresse bien peu à ses désirs de carrière. A New York en 1955, Bettie accepte de faire des clichés orientés sadomasochistes sans vraiment comprendre les conséquences de ces mises en scènes, alors qu'elle vient de passer un entretien à la RKO. Los Angeles 1974 : Linda est certes célèbre, mais elle s’ennuie. Même les soirées indécentes et grandiloquentes chez Hefner ne l’amusent plus. Toujours Los Angeles en 1999, Linda tient une boutique de cigarettes. Les deux candidates pour playboy lui rendent visite. Linda leur apprend qu’elle a deux enfants et qu’elle a été deux fois mariée. Elle prévient les jeunes filles que son passé est celui d’un esclave sexuel, celui de Chuck. Mais que Dieu l’a retrouvée. 108 New York en 1956. Les photos SM de Bettie entraînent une grande polémique sociétale dont les médias se font le relais. Des parents s'offusquent contre cette stimulation érotique qui, chez les mineurs, peut conduire à la délinquance juvénile. La tension monte, tandis que Bettie est cloîtrée chez elle, occupée à sa coiffure. Des policiers frappent à sa porte pour une arrestation signant la fin de sa carrière. Beverly Hills, 1974. Linda n'est plus avec Chuck mais avec Larry, réparateur de téléphones. Elle tente sa reconversion "Lovelace for président", mais son passé ressurgit toujours, surtout sur les plateaux TV. Elle reçoit encore des propositions de films pornos, ses fans réclament son retour… Le soir, dans son foyer très modeste avec Larry, elle confie rêver recevoir un oscar qu’elle refuse devant ses pairs, d’un fier « c’est trop tard». New York 1957, Bettie s'apprête à se marier avec Armond. Bien sûr, aucun membre de sa famille n'est présent, mais elle est soutenue par sa belle-famille, même si certaines langues parient sur un divorce, Bettie n’ayant pas du tout l’âme d’une femme rangée et encore moins d’une mère. Long Island, 1977. Linda, désormais Madame Marchiano, a un enfant. Un producteur lui propose un projet de tournée d’une pièce de théâtre. Les répétitions auront lieu à Las Vegas. Linda et Larry s’assurent qu’il n’y a aucune scène de nu, puis acceptent, Linda rêvant d’une nouvelle carrière. Mais son jeu est mauvais, le public ne prend pas et pire, il crie "A poil ! »... annulant le reste de la tournée. Key West, 1958, la vie de femme au foyer ne correspond pas à Bettie. De rage de donner raison aux mauvaises langues, elle fuit dans la nuit, assiste à une messe nocturne qui la bouleverse. A New York en 1980, Linda défend la sortie de son livre « Ordeal » (L’épreuve) sur les plateaux TV. Elle lutte fermement contre le porno et répète son bonheur d'être femme au foyer. Explicitement, elle accuse son ex-mari Chuck Traynor de l'avoir traînée volontairement au plus bas de la pornographie, la forçant sur les tournages à exécuter toutes les demandes. Le public est accusateur, elle est difficilement crue et soutenue. 109 Portland, 1963 : Miss Page enseigne la bible et le repentir auprès de jeunes filles. Elle est divorcée pour la seconde fois et rêve de participer à des programmes d’aides plus vastes encore. En 1980 à Long Island, Linda se lance dans la politique et la lutte contre la pornographie suite à la visite d'une journaliste engagée. Mais certaines fins de mois étant difficiles, elle accepte de reposer pour quelques photos de charme. Los Angeles, 1999 : Bettie est internée à 76 ans pour schizophrénie tandis que sa gloire passée est ressuscitée, sans qu’aucuns droits ne lui soient reversés. Elle passe ses jours à regarder des feuilletons. A sa fenêtre, les deux playmates l’épient. Monsieur Hefner les rejoint, les prévient des conséquences d’entrer dans le milieu porno. En rentrant chez elles, elles regardent Gorge profonde, cherchent à déceler le viol derrière les sourires d’une Linda qui paraît épanouie face à la caméra. Hefner rend visite à Bettie. Elle sait tout de sa manière pour prévenir les jeunes candidates. Elle s’inquiète de savoir si les filles vont renoncer. Hefner doute mais rassure Bettie : les parents des jeunes candidates ont déjà payé pour ce petit stratagème de dégoût du milieu. Bettie reçoit l’argent tandis que l’associé de Hefner lui donne une photo retrouvée d’elle, posant en sous-vêtements avec une cigarette au bout des lèvres. Bettie la déchire calmement. Pendant que Bettie est dehors, Hefner avoue à son associé que l’argent ne vient pas des parents mais de lui-même. Et alors que bon nombre de personnes fantasment sur les clichés de Bettie, les morceaux de photo s’engouffrent dans les déchets. 110 PERSONNAGES 111 NB : si les personnages sont réels l’auteur insiste toutefois sur le fait qu’ici l’histoire n’est en rien biographique. HUGH HEFNER C’est un homme encore beau, en peignoir qui reçoit les deux playmate et met en lumière le milieu porno dans tous ses aspects, même les plus sombres. C’est lui le narrateur de ce récit, véritable voyage temporel. Il exerce une véritable aura auprès des jeunes filles, mais elles finissent par en être un peu effrayées. Lors du retour en arrière sur les destins croisés de Bettie et Linda, Hefner n’a que des apparitions très secondaires. Cependant étant le narrateur, c’est lui qui fait cette relecture des évènements. La fin de la bande dessinée nous montre qu’il a un vrai amour pour ces deux femmes. Précisément, c’est grâce à son argent que Bettie peut vivre, alors que les droits de ses images ne lui sont plus du tout reversés. BETTIE PAGE Pin-Up emblème des années 50, elle est connue pour son air juvénile et ses yeux bleus sous sa frange sombre. Très cultivée, elle grandit dans une famille nombreuse en lisant beaucoup et en rêvant de Clark Gable. Mais elle ne résistera pas à son premier amour, Billy, garçon populaire de son lycée, qui lui fera découvrir le sexe. Elle souhaite devenir actrice, rêve d’Hollywood mais atteindra difficilement milieu. C’est un photographe qui la remarquera et la lancera dans une carrière de photos de charme. Elle deviendra en 1955 grande figure de la revue Playboy. Acceptant des photos aux orientations SM, elle devra quitter le milieu, accusée de dévier la jeunesse américaine vers des préoccupations perverses. Elle se mariera, tentera d’avoir une vie rangée mais supporte difficilement sa position passive au service de son mari et quittera son foyer pour se réfugier dans la religion. Adepte presque fanatique, elle enseigne la bible aux jeunes filles, s’investira dans des programmes religieux plus vastes. Mais atteinte de schizophrénie paranoïde, elle tentera deux fois de tuer. Ses excès de violence la font interner. A sa sortie, elle restera recluse chez elle tandis que son mythe renaît sous forme d’une nostalgie populaire. Elle refoulera son passé jusqu’au bout. Hefner vient régulièrement lui rendre visite et elle l’aide à dégoûter du milieu les candidates frêles qui se présentent à lui. 112 LINDA LOVELACE Archétype « gril next door », Linda est certes moins belle que Bettie mais déploie autour d’elle une fascination tout aussi grande. Elle n’est pas une jeune cultivée, mais ce côté banal et passif sera justement le sel de l’intérêt que lui portera Chuck qui usera (malgré elle ou non, l’ambiguïté reste) d’elle pour percer dans le milieu pornographique. Linda a un physique plus fade que ses pairs mais se fait remarquer, en plus de sa technique de fellation, par une assurance à toute épreuve. Cependant l’ennui l’atteint très vite, ses rêves de carrière croissent douloureusement car jamais Linda n’arrivera à sortir de cette image devenue piège. En quittant Chuck Linda se révèle beaucoup plus forte, plus active, elle tente d’abord de mener sa carrière sans lui, puis crée finalement le scandale autour de la domination de Chuck sur elle qu’elle accuse publiquement, revenant sur les évènements de sa carrière, qui ne sont plus assumés mais contestés : ce changement de position est d’autant plus intéressant pour ce personnage que nous ne saurons jamais vraiment s’ils sont vrais. Linda rejette ce passé d’une manière ambiguë. Et cette ambiguïté sera le mot d’ordre pour les années suivantes, entre volonté de mener une vie de famille modeste et des rêves de gloire persistants, entre tentative de revendications politiques anti-pornographiques et poses érotiques acceptées pour boucler les fins de mois difficiles. CHUCK TRAYNOR Très présent dans la première partie de la bande dessinée, il disparaît ensuite totalement, ne permettant jamais de donner de contrepoint à l’accusation de Linda. Ici, le portrait qui en est fait est très nuancé, Chuck n’imposant jamais les choses à Linda, mais étant tout de même toujours spectateurs fiers et négociateurs assidu, auprès de Linda. LES (FUTURES ?) PLAYMATES Une blonde, une brune, des différences physiques qui ne sont pas sans rappeler celles de Bettie et Linda. Elles portent sur elle des accessoires rendus ridicules tant elles les portent avec banalité. Cette banalité, c’est aussi celle qui a sans doute guidé leur venue dans ce Manoir et que décèle bien Hefner. Leur attitude restera celle de spectatrices de l’histoire des 113 destins de Bettie et Linda, puis, amusante et touchante, de la vidéo de Gorge profonde qu’elles tenteront de décrypter (est-ce vraiment un viol ?) après avoir cerné les regrets de Carlos Arrese, n’ayant pas réussi à assumer l’image de Bettie pour en faire sa femme. 114 COMMENTAIRES 115 Voyage en terrain connu réinventé : le tableau d’une époque Certes les personnages de cette bande dessinée sont connus de tous, Bettie, Linda et Hefner étant de vrais mythes de l’iconographie érotique et porno. Toutefois, de ce mythe, l’auteure redonne échelle humaine au récit, osant insuffler des notes de pure fiction dans ces destins tout à fait réels. En se saisissant de figures emblématiques pour les rendre simples humains, la démarche de Nine Antico est très touchante : nous côtoyons le parcours de ces femmes à leur hauteur, avec leur naïveté, leurs illusions et désillusions. Des libertés sont prises, et elles nous permettent justement d’entrer plus facilement dans le récit, de nous lier plus vite encore à ces femmes rendues accessibles. La liberté de ton et d’action est telle qu’il n’est pas improbable de penser à une adaptation de ces deux destins dans le milieu porno au-delà de ces femmes préexistantes : ce travail de réinvention pourrait très bien suivre deux femmes qui ne sont pas forcément les fameuses Bettie Page et Linda Lovelace, mais la Bettie et la Linda décrites ici : deux jeunes filles qui vont, à leur corps consentant (ou peut-être pas totalement) renverser l’iconographie de la femme, l’image de la sexualité au féminin. Car la bande dessinée est avant tout une relecture, et ne la quitte jamais : celle d’Hefner auprès des deux playmates. D’ailleurs, cette frontière floue entre relecture et réalité est un fil rouge de la bande dessinée dont on se rend compte à la fin, quand Bettie demande à Hefner s’il a encore usé de tout « son circuit » de l’histoire, à savoir remonter jusqu’à Linda et Carlos… pas incertain donc que la mise en en scène soit totale au final ! Un jeu de l’image qui est bien sûr un écho même au sujet de Coney Island Baby : jusqu’où va ce contrôle de l’image ? Quel en est son pouvoir sur les autres ? Et quelles en sont les conséquences ? Un terreau très fertile pour l’adaptation : à son tour comment se saisir des images ; le scénariste et/ou réalisateur pourra choisir dans ces pistes nombreuses, entre travail d’archive re-contextualisant ou claire prise de liberté. 116 Premiers émois féminins : deux très beaux portraits Cette bande dessinée offre donc cadres et personnages riches à saisir selon le film voulu. Une richesse dans la forme qui rejoint celle du contenu, sous le signe de la femme : il y a dans cette bande dessinée des choses en marges des images qui racontent tout autant le destin de ces femmes. Au-delà de l’essor ressuscité du milieu pornographique et le bouleversement des images de la femme des années 50 à 80 amenés ici, c’est évidemment la question de la femme-même qui est au centre de Coney Island Baby : la femme dans son rapport au sexe, à son propre corps, à sa position sociale aussi. Autant pour Bettie que Linda, le milieu social duquel ces destins émergent est modeste, reclus, où l’on vit dans l’attente ou le fantasme de la lumière des projecteurs. A l’image de Linda qui bronze en bikini en attendant la rencontre déterminante ou Bettie qui peuple sa chambre de fantasmes multiples de gloire. Pour l’une comme pour l’autre ce sera une découverte du sexe avec une fraîcheur spontanée touchante, à l’image de Bettie qui s’étonne toujours de sentir couler abondamment le sperme de ses partenaires ou de Linda qui travaille avec rigueur en étudiant les techniques des avaleurs de sabres. La force de Coney Island Baby réside sans aucun doute en ce que son auteur est une femme qui, à l’image de Damiano dans la bande dessinée, cherche à donner à voir le sexe (son industrie, son image) par le point de vue des femmes, entre fantasmes des hommes qu’elles expérimentent et assouvissent et le leur propre, peut-être moins charnel : celui de la reconnaissance, de la célébrité confronté à des problématiques fortes, sociales et culturelles de cette place donnée à la femme qu’elles bousculent, d’abord sans s’en rendre compte puis qu’elles revendiquent, toutefois en la corrigeant : soit en luttant contre le porno pour Linda, soit en se réfugiant dans la religion pour Bettie. Deux portraits de femmes sous le vernis scandaleux du porno qui craquelle au fil des pages : Cosney Island Baby est une bande dessinée de l’émoi, innocent puis enragé. 117 Une excellente maîtrise du récit Cette alternance d’échelles entre un panorama large de l’ascension et la chute de ces deux figures du monde porno et un traitement intime de problématiques fortes autour de ces deux femmes, en chairs, espoirs et convictions fait de Cosney Island Baby un ouvrage maîtrisé. Le rythme parvient à fait perdurer les échos retentissants du parcours de Bettie à celui de Linda en maniant avec clarté et vraies recherches d’esthétiques les époques. Le travail visuel est remarquable et le trait, fin, parvient à placer le corps (point primordial de l’histoire) des personnages dans un cadre où se lisent des choses supplémentaires : l’excentricité du manoir de Hefner qui montre l’essor du milieu porno et la folie dangereuse de ces soirées ou encore la société de consommation oppressante qui se déploie autour de Linda et Bettie qui ne parviennent jamais à se glisser dans la peau de la femme au foyer par exemple. Les pages possèdent une énergie véhiculée par le dessin qui ajoute encore du rythme offrant une matière riche pour l’adaptation : d’un lieu à l’autre, les corps se déplacent, s’extraient ou s’insèrent, comme un mouvement fiévreux (de désirs ou malade). Très vite, Nine Antico évite le piège de la narration en « voix-off » dominante pour laisser place à des dialogues vifs, intimes, percutants. Les paroles semblent captées dans leur époque, à l’image du public interviewé avant la projection de Gorge Porfonde et plus tard celui qui accusera Bettie lors de son procès pour influences perverses. Une construction entière donc, entre univers du récit et forme du récit. 118 CONCLUSION De par sa capacité à mêler précision documentaire et souffle de fiction par un style dépouillé à la fois riche et libre, Coney Island Baby est une bande dessinée qui parle à la fois d’époques distinctes, de femmes différentes et d’entrecroisement unique et fort. Bettie et Linda ne se sont jamais connues et pourtant, elles forment à elles deux un pan de la féminité vif et tendre à la fois, dans ses illusions et désillusions, dans ses combats gagnés et perdus. Cet entremêlement maîtrisé entre les époques et les lieux n’est pas sans rappeler The Hours de Stephen Daldry. Mais plus loin, l’ambiguïté de Linda et la schizophrénie de Bettie sont aussi celles d’une Amérique faussement puritaine où régurgitent çà et là des fantasmes charnels déviants, que le peuple réclame et condamne à la fois. Époques aux tourments pas si révolus, qui peuvent faire penser à American Beauty de Sam Mendès. Enfin, le portrait donné à l’industrie du sexe est d’une telle actualité, entre responsabilités et oublis de ses figures emblématiques que Coney Island Baby offre pour l’adaptation un panorama fort et vif, brûlant et mélancolique sur les fonctionnements d’une industrie où le produit est humain, à l’image de Sleeping Beauty de Julia Leigh ou de L’Apollonide : souvenirs de la maison close de Bertrand Bonello. TRADUCTIONS Allemande (EDITION MODERNE) et anglaise en cours (BLANK SLATE BOOKS) 119 EXTRAITS 120 121 LA COULEUR DE L’AUBE Titre original LA COULEUR DE L’AUBE Auteur YANICK LAHENS Nationalité Haïtienne Pages 224 Editeur © Sabine Wespieser éditeur, 2008 Epoque Contemporaine Lieux Haïti Genre Drame 122 PITCH Sur une île maudite, où règnent misère, violence et désespoir, deux sœurs se réveillent un matin et constatent la disparition de leur frère. Ces jeunes femmes que tout semble opposer se mettent à sa recherche. L’attente angoissée ravive en elles le souvenir de leur propre histoire, faite de désir, de pouvoir, de soumission et de rancœur. Quel futur envisager lorsqu’une passion d’un soir a transformé une adolescente candide en fille mère ? Comment trouver le bonheur lorsque le désir que l’on suscite chez les hommes n’est qu’une arme, le seul espoir d’un avenir meilleur ? La Couleur de l’aube dresse sur une journée le portrait d’une jeunesse haïtienne désenchantée partagée entre désillusion et révolte. INTRIGUE Dans une île pauvre livrée à la violence et au désespoir, qui s’avère être Haïti, Angélique et Joyeuse, deux sœurs, se réveillent à l’aube et constatent que leur jeune frère de 20 ans, Fignolé, n’est pas rentré de la nuit. Joyeuse fouille dans les affaires de Fignolé et découvre une arme à feu et un papier sur lequel est griffonné un numéro de téléphone et plusieurs notes mystérieuses. La jeune femme part à la recherche de son frère, tandis qu’Angélique va travailler à l’hôpital où elle est infirmière. Joyeuse retrouve son amie Lolo, son alter ego et complice, jeune femme pétillante et aguicheuse qui joue de son pouvoir de séduction sur les hommes. La sœur finit par se rendre au magasin de Madame Herbruch où elle a réussi à se faire embaucher grâce à sa persévérance. L’inquiétude dans laquelle se trouvent les deux jeunes femmes fait remonter les souvenirs de leur passé. Les deux sœurs ne connaissent pas leur père : leur mère, qui fascinait les hommes, n’a jamais voulu tomber dans la dépendance d’aucun et a enchaîné les amants. Angélique est tombée enceinte d’un homme qui l’avait séduite. Se sentant trompée, elle s’était métamorphosée en une femme d’une piété sans faille et avait tourné le dos à la chair. Au contraire, Joyeuse avait su jouer à fond de sa séduction. John, un journaliste américain, s’était entiché d’elle et avait vécu quelques temps aux côtés de la famille, bercé par l’illusion qu’il en était accepté. Fignolé, 123 qui ne supportait pas l’injustice à laquelle était en proie Haïti, s’était engagé avec fougue dans une contestation étudiante violente. Un jour de colère et d’exaspération, il avait jeté au visage de John qu’il n’était et ne pourrait jamais être l’un des siens. John était alors parti, sans que personne ne cherche à le retenir ni ne le regrette. Depuis un mois, Joyeuse est tombée amoureuse de Luckson, un étudiant qui l’avait arrachée courageusement à une émeute. Elle est remplie d’espoir vis-à-vis de lui, mais le jeune homme ne semble pas partager ses sentiments forts et profonds. Angélique est bouleversée par la mort d’un blessé qui s’est éteint après d’affreuses souffrances. Elle s’enfuit de l’hôpital et se rend au commissariat pour signaler la disparition de Fignolé. L’attitude des policiers lui semble étrange et elle croise des voisins, camarades de son frère, ce qui l’intrigue. Angélique se rend chez son oncle Antoine, un homme influent, dans l’espoir qu’il pourra l’aider. Elle se rend compte que le numéro trouvé dans les affaires de Fignolé n’est autre que celui du commissariat de police. Inquiète, elle rentre à la maison où elle apprend la mort violente de son frère, exécuté au cours d’une embuscade la veille. Sa famille est endeuillée, mais immédiatement soutenue par les voisins. Joyeuse prend la décision de quitter Luckson, et de tuer le jeune homme qui a livré Fignolé à la police. THEMES ABORDES Liens fraternels Société́ haïtienne Culture et religion caribéennes Désespoir/soumission/domination/violence Jeunesse révoltée/jeunesse soumise 124 RÉSUMÉ DÉTAILLÉ 125 Angélique, femme de 27 ans, se lève dans la petite maison des faubourgs de Port-au-Prince qu’elle partage avec sa mère, sa sœur Joyeuse, et son jeune frère Fignolé. Dans l’aube grise de février, l’inquiétude l’étreint : Fignolé n’est pas rentré et toute la nuit les tirs n’ont cessé de gronder au loin… Elle évoque la dévotion de sa mère pour des divinités africaines. Angélique a un jeune fils, Gabriel, dont elle doit s’occuper. Elle constate que Ti Louze, une jeune fille adoptée par la famille, est déjà sortie pour s’occuper des latrines, fonction qui semble lui être dévolue. Joyeuse, se réveille à son tour. Elle entend les informations à la radio, qu’écoute sa mère : un bain de sang a eu lieu après une manifestation contre le pouvoir en place. Joyeuse évoque la grande exiguïté qui règne dans la maison familiale. Sa sœur, Angélique, était la joie de vivre incarnée avant de rencontrer un homme qui la profondément transformée. Elle s’inquiète pour son neveu Gabriel. Constatant à son tour que son frère n’est pas rentré, elle fouille dans ses affaires et trouve une arme à feu. Le matin même, Angélique a battu Ti Louze et Gabriel. Tous deux ont le tort d’être noirs, mais elle regrette tout de même son geste. Ti Louze n’est pas vraiment de la famille : elle a été adoptée et ainsi tirée de la misère de la campagne. Angélique se rend à l’hôpital où elle travaille comme infirmière. Elle déplore que Joyeuse ne la trouve pas féminine. Joyeuse sort et rencontre des voisins : Mme Jacques qui est une commerçante, et Monsieur Fortuné. Celui-ci protège les gens du quartier et leur rend toutes sortes de services. Son passé, assez mystérieux, semble être celui d’un trafiquant aventurier. Joyeuse parle ensuite de Vanel, un ami de son frère Fignolé. Musicien très talentueux, il fait partie du groupe de Fignolé. Autrefois un garçon prometteur à maints égards, un professeur avait prétendu le prendre sous son aile alors qu’il profitait des moments passés avec lui pour le violer. Depuis, Vanel est secrètement bisexuel et seuls ses deux amis les plus proches sont dans la confidence. Angélique a la réputation usurpée d’être calme et prude. En réalité, elle se sent animée d’un grand feu intérieur et d’élans de désirs difficilement répressibles pour des inconnus. Elle s’amuse à provoquer Joyeuse et jubile secrètement de la faire sortir de ses gonds. Elle se sent solidaire de la violence à laquelle prend part Fignolé, qui aurait participé à un lynchage. Lolo est la complice de Joyeuse, l’amie dont elle se sent le plus proche. C’est une jeune femme séductrice et pleine de vie. Elle n’a pas peur des hommes avec lesquels elle couche sans arrière-pensées ni inhibition. 126 Joyeuse et Lolo ne sont pas des « culs-bénis » et elles sont redoutées par les femmes du quartier. Avec l’arme qui se trouvait dans les affaires de Fignolé, Joyeuse a trouvé un numéro de téléphone. Elle appelle, mais tombe sur un répondeur. Elle ne laisse pas de message par prudence. Elle s’interroge ensuite sur les noms trouvés avec le numéro : « Martissant », un quartier de la ville, souligné en rouge ; « Ismona », la copine de Fignolé, écrit en majuscule ; des vers du poète russe Maïakosvski. Le mystère reste entier. A l’hôpital, Angélique s’inquiète pour son frère. Elle regrette que sa mère soit en chemin pour aller voir sa tante Sylvanie, adepte de prédictions et de pratiques magiques. Elle a interrogé Paulo, un musicien du groupe de Fignolé, sur ce qui peut bien être arrivé à ce dernier. Paulo a cherché à esquiver sa question, il cache sans doute quelque chose. Le jeune homme s’était contenté de dire que Fignolé était parti pour Martissant en compagnie d’Ismona et de Vanel. Angélique se souvient comment, quelques années auparavant, Fignolé avait été pris d’une forte fièvre, qui l’avait fait claquer des dents en plein mois de juillet. Il avait été soigné par un médecin. Lui et Fignolé étaient devenus amis, ainsi qu’avec John, un journaliste américain qui déclarait « aimer les pauvres ». Quant à Angélique, elle était très appréciée par le père André. Ce Belge, qui vivait à Haïti depuis des années, s’était pris d’affection pour elle parce qu’elle soignait des malades à sa demande. Joyeuse, qui se promène avec Lolo, pense à Luckson, un amant rencontré peu de temps auparavant et dont elle attend beaucoup. D’ordinaire, les jeunes femmes vivent surtout dans l’espoir de séduire un homme riche qui les ferait échapper à la misère. Lolo a mis la main sur un homme de soixante ans qui l’entretient. Elle entend bien faire monter progressivement les enchères. Une voiture luxueuse s’arrête près des jeunes femmes. Ses passagers leur proposent de monter. Joyeuse refuse, ne voulant pas être détournée de la recherché de Fignolé, et agace Lolo. Angélique raconte que John est arrivé à Haïti dans les bagages de l’armée américaine au moment de la seconde occupation de l’île. Le journaliste s’est entiché de Joyeuse, qui a accepté de jouer le rôle de la pauvrette sensuelle et aguicheuse que lui donnait John dans le film qu’il se racontait sur sa vie à Haïti. Joyeuse a rencontré Luckson au cours d’une émeute dont il l’a arrachée et sauvée. Lorsqu’elle lui avait dit que son amie Lolo était encore au milieu des combats, il était immédiatement parti la chercher. 127 Contrairement aux autres garçons qui entourent la famille, Fignolé s’est rebellé contre le chef du parti des Démunis, revenu au pouvoir à Haïti. Il n’a pas eu peur de ses méthodes musclées, découvertes aux dépens de son oncle Octave. L’engagement de Fignolé est l’occasion d’une rupture brutale avec John. Le jeune homme considère en effet que l’américain, quoi qu’il en pense, ne pourra jamais être l’un des leurs, parce qu’il fait partie des riches et qu’en tant que tel, il possède un avenir, contrairement aux haïtiens qu’il prétend aimer. John n’avait plus reparu par la suite, ce qui laissa Joyeuse et tous les autres membres de la famille indifférents. Joyeuse fait la connaissance de son sauveur Luckson, qui fait des études de mathématiques. Cela fait un mois que la jeune femme l’a rencontré, et elle en est sévèrement amourachée, même si elle ne le voit que très peu. Elle raconte que Fignolé est engagé dans la contestation étudiante contre le « Prophète-président » d’Haïti et que le mouvement est très sévèrement réprimé. La jeune femme arrive chez sa patronne, Madame Herbruch, une femme riche par laquelle elle a réussi à se faire engager à force d’insister. Elle assume des tâches de service en faveur d’amis, de proches et de relations de sa patronne dont elle se sait méprisée. Depuis des semaines, elle subit les assauts d’une marchande de fruit qui cherche à lui faire acheter quelque chose alors qu’elle est visiblement très pauvre. Joyeuse sait bien pourtant qu’elle finira par céder à la marchande, comme Madame Herbruch avait fini par céder avec elle-même. Si Angélique est tombée enceinte, c’est parce qu’elle avait été piégée par l’émoi qu’avait suscité chez elle un homme, l’un des premiers avec lequel elle ait eu des relations charnelles. Ce n’est qu’après cette expérience qu’elle avait adopté un comportement d’une profonde piété. Elle s’en était d’abord beaucoup voulu de s’être laissée séduire et d’être tombée enceinte, mais elle avait fini par aimer l’enfant qu’elle portait grâce à l’enthousiasme que cette nouvelle avait suscité chez sa sœur Joyeuse. Revenue de ses pensées, elle rencontre à l’hôpital un jeune blessé dont les souffrances la bouleversent. Joyeuse n’a pas connu son père. Sa mère a eu de nombreux amants, mais n’a jamais voulu dépendre d’aucun d’entre eux, alors même qu’elle les fascinait. Angélique accompagne le blessé jusqu’à son dernier souffle. Il s’éteint après d’affreuses souffrances. La jeune femme s’enfuit de l’hôpital, bouleversée comme elle ne l’a jamais été. 128 Quelques temps auparavant, le mari de Madame Herbruch a entrepris Joyeuse, mais celle-ci l’a repoussé. L’homme déçu n’ose pas renvoyer l’employée par peur que sa femme n’apprenne son incartade. Les événements violents qui ponctuent le quotidien de l’île effraient Madame Herbruch qui songe sérieusement à partir pour la Floride, ce que Joyeuse ne peut pas envisager elle-même. La jeune femme raconte sa première sortie avec Luckson. Elle l’avait retrouvé en boite de nuit avec d’autres amis. D’abord tétanisée et mal à l’aise, elle s’était libérée, l’ivresse aidant, et s’était abandonnée dans la danse. Luckson avait fini par l’emmener chez lui. Elle s’était laissée entraînée, comme hypnotisée par lui. Angélique se rend au poste de police signaler la disparition de Fignolé. Elle se prépare à porter plainte contre X s’il ne réapparaît pas, même si elle sait bien qu’une telle démarche est illusoire. Au commissariat, la jeune femme s’attend à ce qu’on lui demande de payer en argent ou en nature pour hâter les recherches. Toutefois, elle est simplement invitée à revenir le lendemain. Elle croise Jean-Baptiste, un voisin, vraisemblablement proche des policiers, et Willio, un autre de ses voisins, lui conseille de ne plus jamais remettre les pieds au commissariat. Joyeuse va voir son oncle Antoine, qui vit de trafics assez lucratifs. Ensemble, ils téléphonent à Mme Jacques, la voisine commerçante de la famille. Celle-ci raconte que Paulo est rentré seul la veille et qu’il reste muet sur ce qui a pu se passer. Joyeuse tente une nouvelle fois d’appeler au numéro trouvé dans les affaires de Fignolé. Elle se rend compte qu’il s’agit en fait de la ligne du commissariat de police. Oncle Antoine s’engage à activer ses réseaux politiques pour retrouver le jeune homme. Angélique se lave de sa journée, comme elle s’était lavée de l’homme qui l’avait fait tomber enceinte. Joyeuse retrouve Luckson chez lui et se donne à lui, cherchant un abandon total afin d’oublier l’angoisse de la disparition de Fignolé. Elle rentre à la maison et voit arriver Paulo qui, soutenu par Vanel, annonce la mort de son jeune frère. Celui-ci a été pris dans une embuscade tendue par des policiers et a été tué en couvrant la fuite d’Ismona et de Paulo. Les voisins se mobilisent pour soutenir la famille en deuil. Joyeuse décide de placer secrètement la jeune Ti Louze dans un orphelinat, de quitter Luckson qu’elle ne veut plus attendre en vain et de tuer Jean-Baptiste, dont il s’avère qu’il a dénoncé Fignolé à la police. 129 PERSONNAGES 130 JOYEUSE Joyeuse est une jeune femme pétillante et aguicheuse, sans inhibition aucune. Elle joue de ses charmes qu’elle estime être ses seuls atouts pour se sortir de la misère dans laquelle elle est née. Quand l’occasion s’est présentée, elle a joué avec docilité le rôle que John, un journaliste américain qui s’était amouraché d’elle, lui donnait. Elle supporte mal le mépris que sa patronne, Mme Herbruch, et ses amis peuvent exprimer à son égard, mais elle n’y voit pas une injustice. Au contraire, elle n’aspire qu’à sortir de sa condition et rejoindre le groupe des dominants. Cependant, elle est tombée amoureuse de Luckson, un étudiant qui l’a sauvée lors d’une émeute. Pour la première fois, elle entrevoit la possibilité d’être heureuse avec un homme, qu’elle ne voit pas seulement comme le moyen de s’élever socialement. Malheureusement, celui-ci la laisse languir et ne semble pas pressé de répondre aux attentes de la jeune femme. ANGELIQUE Angélique est une jeune femme de 27 ans. Elle est tombée enceinte de façon accidentelle et a eu un fils, le petit Gabriel. Elle est très ambivalente vis-à-vis de lui, car, si elle a fini par l’aimer, elle voit aussi en lui la conséquence du piège de la sensualité dans lequel elle est tombée et qui lui a valu d’être abandonnée. Alors qu’elle était une jeune fille très gaie, elle s’est aigrie et est devenu profondément pieuse. Elle semble calme et prude en apparence, mais se sent habitée d’une grande rancœur. Elle comprend et partage l’indignation et le désespoir des contestataires qui tombent dans la violence politique. Elle réfrène de violents élans de désir pour les hommes auxquels elle ne veut plus succomber. Ses relations avec Joyeuse sont devenues d’autant plus tendues qu’elle ne peut s’empêcher de la provoquer, en partie par jalousie. LOLO La meilleure amie de Joyeuse. Elle est un alter égo pour la jeune femme. Pétillante et séductrice, elle multiplie les conquêtes et ne perçoit les hommes que comme un moyen de mieux vivre et de s’élever. Elle est entretenue par un homme d’une soixantaine d’années qui l’emmène en voyage. Lolo entend bien faire monter progressivement les enchères et obtenir toujours plus de cet amant. 131 LA MERE Femme mûre pratiquant une dévotion inébranlable pour des divinités africaines, elle fascinait les hommes lorsqu’elle était plus jeune. Cependant, elle a toujours voulu rester farouchement indépendante et n’est jamais restée sous la coupe d’aucune de ses conquêtes, si bien que ses enfants ne connaissent pas leur père. FIGNOLE Le frère de Joyeuse et de Fignolé est un jeune homme révolté de tout juste vingt ans qui ne supporte pas la main mise sur l’île par le Parti des Démunis, dirigé par un truand manipulateur. Il s’engage dans la contestation étudiante en dépit de la violente répression qui s’abat sur elle. Il ne supporte pas non plus le regard apitoyé de John, l’amant américain de Joyeuse, qui croit appartenir au même monde que sa famille par la seule magie de sa commisération. Fignolé a des amis proches, notamment au sein du groupe de musique dont il fait partie, mais il a pris ses distances avec d’autres camarades qui ne partagent pas son engagement politique. LUCKSON Cet homme courageux et charismatique est généreusement venu au secours de Joyeuse et de Lolo pendant une émeute. Il étudie les mathématiques et semble à ce titre avoir un avenir, contrairement à ce que pensent d’eux-mêmes les autres personnages principaux. Toutefois, il ne semble pas pressé de s’engager vis-à-vis de Joyeuse et de lui donner des gages, ce qui jette la jeune amoureuse dans le doute. JOHN Grand blond aux lèvres minces « des gens des pays froids », ce journaliste américain est arrivé à Haïti dans les valises de l’armée américaine. John se sent très proche des Haïtiens et solidaire de leur misère. Ceux-ci acceptent l’étranger parmi eux par calcul et non sans une certaine ironie, et se plient à l’image qu’il semble vouloir d’eux. Il devient l’amant de Joyeuse. Fignolé finit par lui crier ses quatre vérités et l’Américain disparaît définitivement dans l’indifférence générale. 132 COMMENTAIRES 133 Un univers sensuel et venimeux Dans La Couleur de l’aube, Yanick Lahens crée un univers d’une grande richesse. Elle évoque le quotidien d’une famille haïtienne pauvre à travers le regard de deux jeunes sœurs au caractère opposé, mais qui ont pour point commun d’être présentées sans concession. Loin d’être seulement des victimes, elles ont leurs armes propres et leurs zones d’ombre. Elles sont également toutes deux marquées par la sexualisation très fortes des relations entre les hommes et les femmes. Angélique s’est laissé séduire et l’a payé au prix fort, abandonnée alors qu’elle était tombée enceinte. Elle s’est repliée dans une dévotion chrétienne intransigeante, que tempère à peine la surprise de croiser dans la rue des prédicateurs exaltés s’affichant au volant de grosses berlines et possédant tous les attributs de la richesse. Elle contient en elle l’énergie et le désir qu’elle continue de ressentir pour les hommes. Derrière l’aspect généreux et charitable de son métier d’infirmière, elle est habitée par une rancœur sourde qui empoisonne son existence. Sa sœur Joyeuse a un rapport opposé à la séduction et à la sexualité. C’est pour elle un atout et une chance de se sortir de la misère et de la situation désespérée dans laquelle elle a le sentiment de se trouver. L’ensemble du roman est donc traversé par une sensualité contenue ou exacerbée. Ces attitudes semblent toutefois modelées par le désespoir que suscitent la violence de la police et des gangs, et l’exploitation des plus pauvres par les classes supérieures. L’insincérité et l’opportunisme l’emportent dans toutes les attitudes de ces jeunes gens désenchantés, en dehors de la figure de Fignolé dont la révolte cause la perte. Une structure mosaïque Le roman commence comme une enquête : Fignolé, le jeune frère révolté, n’est pas rentré, suscitant l’inquiétude des femmes de la maison. C’est Joyeuse qui part à sa recherche avec le plus d’énergie. Néanmoins, les recherches de la jeune femme sont sommaires et le récit prend un tour inattendu, puisqu’il dresse par petite touche, l’histoire de cette famille dominée par les femmes qui n’ont jamais pu ou voulu s’appuyer sur des hommes. Les souvenirs de Joyeuse et d’Angélique remontent à la surface par association, sans suivre un ordre chronologique qui serait par trop didactique. Le tableau se forme peu à peu, par fragment et révèle par la succession de séquences oniriques la personnalité de chacun des personnages, avant que la fin tragique ne vienne rebattre radicalement les 134 cartes. Tout en restreignant l’action à une seule journée, l’auteur capte le moment chancelant où l’existence d’une famille s’apprête à basculer. La voix des narratrices La narration est assumée par les deux personnages principaux, Joyeuse et Angélique. Elle prend la forme de monologues intérieurs enlevés et passionnés qui pourraient donner la matière à de beaux passages en voixoff. L’alternance entre le récit de l’un et de l’autre de ces personnages est un grand atout du roman. Les deux sœurs semblent être chacune une facette d’un même personnage dont l’existence aurait divergé radicalement au gré des aléas de la vie. Surtout, elles s’observent et se jugent mutuellement ce qui permet d’envisager une construction de personnages profondes et énigmatiques. Un film pourrait en effet travailler sur l’image de chacun des personnages, sur les dialogues, mais aussi sur le regard que les sœurs portent l’une sur l’autre grâce à une voix off qui pourrait alors créer avec l’action des effets de renforcement ou de contradiction. 135 CONCLUSION La Couleur de l’aube possède de nombreux atouts pour donner lieu à un drame riche et puissant sur la société haïtienne contemporaine. Les personnages sont complexes et profonds. L’univers dans lequel ils évoluent est très expressif et peut donner lieu à de belles évocations visuelles, de même que la sensualité qui se dégage de nombreux personnages. La structure narrative laisse entrevoir un traitement onirique qui serait une grande originalité du film. Le roman de Yanick Lahens peut séduire un réalisateur ambitieux, car il possède en lui des éléments susceptibles de nourrir un film fort et singulier. REFERENCES CINEMATOGRAPHIQUES Raul Peck, président de la Fémis, pour ses films inspirés par Haïti et l’actualité africaine. PRIX LITTERAIRES Prix du livre RFO 2009 Prix littéraire Richelieu de la Francophonie 2009 Prix des libraires Millepages 2008 L’auteur, Yanick Lahens vient de recevoir le Prix Femina 2014, catégorie roman français, pour son dernier roman paru Bain de lune, Sabine Wespieser éditeur. TRADUCTIONS Anglais, Seren Books (The Colour of Dawn) Allemagne, Rotpunktverlag (Morgenröte) Italie, Barbès Editore (Il colore dell'alba) 136 EXTRAITS 137 [page 81, début du chapitre 11] - Angélique est la narratrice Cet amour de John nous le lui avons bien rendu. À notre façon. Nous étions au fond de nous ravies de ce rapt de Fignolé. Un vrai butin de guerre. Et dès sa seconde visite, Mère l’a pris par la main, l’a planté devant l’image du Sacré Cœur de Jésus. Là elle lui a touché deux ou trois fois de suite la barbe et les cheveux pour qu’il fasse bien le lien entre ce Christ accroché au mur et lui. Mère sait y faire, je vous assure. Elle sait déployer son charme pour tenir son monde. Il a éclaté de rire, laissant apparaître des dents blanches, bien dessinées, et a embrassé Mère sur la joue. Il devait la trouver charming et exotique. John est arrivé il y a dix ans avec le contingent de soldats américains lors de la deuxième occupation d’une île où il n’y a désormais que des soumis revenant la queue basse et des perdants partant à genoux. Soumis et perdants se croisant dans une commune humiliation. Que pouvait désormais un peuple dont les chefs avaient été à ce point vaincus et humiliés si ce n’est entrer lui aussi dans la banalité quotidienne du désastre ? Alors qui dans cette île ne voudrait pas mettre un Blanc dans son sac, qu’il fût pasteur, coopérant ou humanitaire ? Avant il n’y avait que les Blancs* blancs, aujourd’hui des Blancs noirs s’y sont mis aussi. Le Blanc nous a apporté le malheur d’une main et des promesses de bonheur de l’autre. Qui, à moins de n’être pas normalement constitué, ne voudrait pas de cette chose extravagante qui a pour nom le bonheur et que l’on a fait miroiter au loin ? Toujours au loin. Et c’est d’ailleurs pour nous prouver que ce bonheur était à portée de main, que John a partagé quelques-uns de nos maigres repas, a payé des notes de pharmacie de Mère et à une période de vaches maigres, a même consenti à régler les funérailles d’une cousine qui n’existe pas. Nous avons empoché l’argent en silence. Il a deviné le subterfuge mais a joué le jeu pour apaiser sa mauvaise conscience de messager des cieux. D’autant plus que sur terre il voulait de Joyeuse. Et la première République noire pliait ses femmes à genoux pour quelques dollars, un repas, des carrés de chocolat. John regardait Joyeuse, il la regardait et avait du mal à se retenir pour ne pas planter ses dents dans ce morceau de chair fraîche et la dévorer là sous nos yeux. Et cela Joyeuse le sentait. Joyeuse était déjà si différente de moi. Grande, pulpeuse. Si sûre d’elle. Si effrontée et si sexuelle. Oui le mot est lâché. C’est bien ce qu’elle est Joyeuse. Sexuelle. Avec tout ce que cela comporte et tout ce que l’on peut deviner. Des pieds à la tête elle a allumé John comme une torche. Le corps encore incertain et toute jeune qu’elle était à l’arrivée de John dans notre vie, Joyeuse connaissait déjà le pouvoir de cette chose qu’elle savait si bien porter entre ses cuisses. À 138 chaque visite de John, elle prenait le soin, sous ses yeux médusés, de s’entortiller, de dresser un infranchissable mur de silence, ou de rire à pleine bouche, tout essoufflée d’avoir couru. John était flatté de l’émoi qu’il provoquait chez Joyeuse, cette jeune Noire aguicheuse, petite fée aux mille sortilèges, aux yeux luisants comme la braise, à la croupe enchanteresse. Et moi je guettais le moment où John allait défaillir ou la mordre. Je pouvais imaginer le film couleur café, canne à sucre et miel que John déroulait dans sa tête, lui novice parmi les novices, qui dans son Amérique blanche n’avait jamais approché une Joyeuse que dans un autobus ou à la caisse d’un magasin. John avait le goût obstiné, têtu de ce fruit défendu et salivait à vue d’œil. Et moi, Angélique Méracin, comme toujours je n’ai rien dit. [page 207, fin du chapitre 30] - Joyeuse est la narratrice Dans ma gorge des éclats de coquillages qui ne laissent rien passer. Ni pleurs, ni colère, ni cris. Un substrat étrange. Sec et froid. Et plus bas, au creux de la poitrine, ma pierre grise qui devient coupante. Dure. Cassante. Dans la nuit j’ai eu le sentiment qu’elle se durcissait dans une vraie malveillance. Et ce matin je goûte pour la première fois la haine: un sentiment sublime qui me réchauffe le corps comme un alcool. Je mesure la profondeur du mal et l’infinie variété de ses conséquences. La jubilation, l’euphorie et l’indicible sentiment de supériorité qu’il procure quand il est couronné de succès. Le dernier acte de mon ancienne vie sera de faire partir Ti Louze à l’insu de tous. Je la confierai à l’orphelinat des Sœurs ou ailleurs. De toute façon loin d’ici. Je le dois à Fignolé. Le premier acte de ma nouvelle vie sera d’abandonner Luckson après l’avoir tant attendu. Et sans remords. Le remords est une dernière vanité mal placée. Lolo a raison. Je pense à l’autre. Au traître. À la robe moulante que je mettrai ce jour-là. À mes talons aiguilles. Au rouge carmin dont je dessinerai mes lèvres et à cette chose que je dissimulerai dans mon sac. Je pense à ce traître couché sur mon ventre et haletant pour une dernière fois. J’entends déjà la détonation. Je sens la tiédeur du sang sur mes mains. Je vois ses yeux démesurément grands, fixant la mort avec étonnement. 139 LE CRIME D’OLGA ARBELINA Titre original LE CRIME D’OLGA ARBELINA Auteur ANDREÏ MAKINE Nationalité Française Pages 304 Editeur © Mercure de France, 1998 Epoque XXe siècle Lieux Campagne enneigée. Capitale. Genre Thriller psychologique 140 PITCH Une immigrée russe d’une quarantaine d’années vit seule avec son fils adolescent, atteint d’une maladie héréditaire. De plus en plus isolés, notamment par l’hiver qui les coupe du monde extérieur, ils semblent établir une relation coupable. Quand la mère pense son secret découvert par un médecin trop entreprenant, elle est prête à tout pour le faire taire. INTRIGUE Olga naît dans une famille noble de Russie, avant la Révolution bolchevique. Adolescente, elle voit avec terreur et plaisir le monde qu’elle connaît jeté à bas. Elle rompt avec son milieu, fréquente les cercles de poètes, les écoles pour ouvriers, s’essaie à la peinture. Elle rencontre le Prince Arbéline. Ils se retrouvent à Paris et pendant dix ans poursuivent une fête toujours plus folle. Enfin, ils se marient. L’enfant qui leur naît est hémophile. Quand celui-ci a six ans, le Prince Arbéline abandonne sa famille. Olga, devenue la princesse Arbélina, refuse toute aide et quitte Paris. Elle s’installe avec l’enfant dans une petite ville, au milieu d’une communauté russe, qui occupe une ancienne fabrique. La princesse Arbélina tient la bibliothèque. Sa vie n’est plus mondaine, tournée uniquement vers l’enfant. Elle s’aperçoit qu’il a grandi, qu’il est un adolescent, qu’il porte le manteau de son père. Elle trouve trace de ses lectures dans les livres qu’elle cache et qui détaille les séquelles les plus terribles de l’hémophilie. Elle s’étonne parfois de s’endormir subitement. Elle remarque comme une poudre blanche dans son infusion du soir, elle s’aperçoit que la porte de sa chambre qui grinçait a été huilée. Elle se surprend à attendre une présence, à la ressentir près d’elle, en elle, alors qu’elle garde les yeux clos. Elle accepte peu à peu ce qui lui semble d’abord monstrueux. Alors que l’hiver les tient reclus depuis plusieurs semaines, Olga doit faire appel en urgence à un voisin russe, médecin d’appoint, car son fils s’est blessé. Il l’opère et le veille dans la maison d’Olga. Quand les beaux jours reviennent, l’homme s’impose à la princesse Arbélina. 141 Un soir, il l’embrasse de force. Elle pense alors qu’il ira jusqu’au chantage pour obtenir ce qu’il souhaite. Au cours d’un pique-nique, leur barque se renverse et l’on retrouve sur le rivage, le corps inanimé de l’homme et la princesse Arbélina, prostrée, les seins dénudés par la transparence du tissu trempé de sa robe. THEMES ABORDES L’inceste. La folie. Le désir. 142 RÉSUMÉ DÉTAILLÉ 143 Olga naît avec le siècle, dans une grande demeure nobiliaire à colonnades blanches, en Russie. A six ans, elle sait que si on entoure de coussins les arbres du parc, c’est pour protéger des coups son grand cousin. A la mort de sa grand-mère, propriétaire du domaine, conservatrice et réactionnaire, tout un protocole qui régissait les relations entre ceux du château et ceux du village est abandonné. L’adolescente est plus libre de ses mouvements. L’oncle, qui a hérité du domaine, organise des bals costumés, où les invités se plaisent à retourner le portrait de la grand-mère. Au cours d’une fête, Olga surprend un couple dans une pièce écartée : l’homme est déguisé en paysan, la femme en chauve-souris. De surprise, elle laisse échapper la baguette de magicien de son amie Li. Quelques semaines plus tard, alors que Li lance des feux d’artifices, l’homme se moque d’elle. La jeune fille se blesse : elle est défigurée par l’une de ses fusées. A seize ans, Olga vit à Saint-Pétersbourg. La demeure familiale a été rasée, son oncle s’est suicidé. Olga fréquente avec son cousin « atteint du mal princier » la bohème artistique de la ville. La jeunesse s’enivre des mots, de champagne, de drogues. La marche libertaire fait voler en éclats les vieilles traditions. Olga s’essaie à la peinture, tandis que Li, la « fille de parents pauvres » défigurée, entre à l’école de médecine. L’Histoire est en marche tout comme cette jeunesse festive et désabusée qui fuit à présent vers l’Europe. Lors d’une étape dans une petite ville, Olga est violée par un soldat roux, vêtu d’un manteau de femme. Olga entend un coup de feu et sent le corps de son agresseur peser plus lourd, s’affaisser en elle. Elle se dégage et fuit. Ses pas sont couverts de sang. Dans la cour, elle découvre son sauveur, un géant aux yeux sombres d’Oriental. « Prince Arbéline », murmure-t-il, avant de s’éloigner en direction des coups de feu. Olga arrive à Paris. Elle a vingt-deux ans. Elle retrouve Li. Et cet homme qui l’avait sauvée avant de disparaître. Cette seconde rencontre entre la princesse ruinée et le courageux guerrier en exil leur semble trop belle, trop romanesque pour être manquée. Ils partagent leur désir, leur appétit désespéré de vivre, les soirées littéraires, la vie mondaine des casinos. Ils vivent ainsi dix années légères et fuyantes. Jusqu’au suicide d’un de leurs amis, qui marque la fin de cette gaîté folle et oublieuse. Olga et son prince Arbéline se marient. Olga a trente-deux ans quand naît leur enfant. Il est hémophile. Au bout de six ans et demi d’une routine déchirante, le prince Arbéline abandonne sa famille. 144 Sans ressources et souffrant d’un chagrin aigu et sans mélange, Olga se réfugie avec son enfant en-dehors de Paris, dans une ville provinciale à la boulangerie unique, à la vie monotone et apaisante. Pour la première fois depuis son enfance, Olga a le sentiment de ne plus jouer un rôle, d’en avoir fini avec les détours tortueux de sa vie. Elle rejoint une communauté d’immigrés russes installés dans une ancienne fabrique de bière. Le bâtiment de brique rouge brunie par les intempéries est envahi d’herbes folles et de houblon sauvage. Le lieu a l’allure d’une forteresse : les murs carrés renferment une cour intérieure, les fenêtres étroites s’apparentent à des meurtrières. La proximité avec la rivière renforce l’impression d’isolement fortifié. L’étendue entre le bâtiment et la rivière est couverte de vase et les immigrants doivent renoncer à y construire quelque chose de pérenne. Lieu d’habitation éloigné et manquant de confort, l’ancienne fabrique abrite aussi une bibliothèque, située dans un local au-dessus de l’entrée centrale. A son arrivée, Olga aménage une annexe restée inoccupée, avec vue sur l’étendue de vase. Vivant dans cette maison accotée au dos du bâtiment, et ainsi coupée de la cour intérieure, Olga a l’impression d’être très éloignée de la vie communautaire. Pour se rendre chaque matin à la bibliothèque, dont elle est l’administratrice, Olga doit contourner deux angles de la bâtisse et passer par les ruelles basses de la ville. Quand elle arrive par l’entrée centrale, elle a le sentiment de venir de très loin. Alors qu’Olga y habite depuis sept ans, à la fin de l’automne, sa maison paraît encore plus éloignée de la ville, encore plus étrangère au monde, car les pluies l’isolent, transformant en un pointillé de bottes d’herbe le sentier qui y mène. Un matin, c’est le froid qui enrobe de givre le chemin éphémère. A la nuit, les coupures d’électricités sont fréquentes et l’on voit trembloter par les fenêtres les lueurs des bougies dans les maisons noires. Dans la pénombre, Olga pense souvent à sa vie passée et dialogue mentalement avec Li, ce qui constitue de brefs intermèdes dans ce tissu à la fois dense et transparent à travers lequel elle voit le monde : la vie de son fils. Cette année-là, à la fin septembre, au début de l’automne, elle l’a découvert subitement grandi et adolescent. Le recueillement et la discrétion du jeune homme le rendent presque absent. Un soir, elle le surprend, par la fenêtre, agiter sa main au-dessus de l’infusion, qu’elle boit avant de se coucher, puis froisser un rectangle de papier dans sa poche. Il lui semble tendu comme quelqu’un qui veut conserver ses agissements secrets : ce qu’elle croit alors deviner lui paraît 145 monstrueux. Elle fait le lien entre ce geste au-dessus de l’infusion et son sommeil de mort, certains jours. Le lendemain soir, le souffle d’une fenêtre ouverte entrebâille silencieusement la porte de la chambre d’Olga. D’aussi loin qu’elle se souvienne, la porte a toujours grincé. Olga se lève et ouvre franchement la porte : elle ne grince pas. Elle touche les gonds qui luisent, l’huile en est récente. Olga est saisie de frayeur. Un soir d’octobre, elle découvre sous un meuble le crayon orange qu’elle a vu glissé dans le cahier de son fils. Elle l’identifie soudain comme celui qui marque des passages dans les livres de médecine traitant de la maladie du jeune homme. Elle croyait que ces commentaires avaient été laissés par son mari, mais elle s’aperçoit que c’est son fils qui a lu et annoté spécialement les passages qui concerne sa maladie. Il sait donc tout. Elle continue de surprendre le garçon versant quelque chose dans son infusion, mais elle ne dit rien et se contente de boire l’infusion. Une nuit, en novembre, la nuit de la première neige de l’hiver, elle fait tomber l’un des anneaux des rideaux de sa chambre. Alors qu’elle s’endort, elle voit son fils entrer dans la chambre, faire tomber un autre anneau. Puis à la fenêtre, elle devine une ombre s’éloigner. Elle sombre dans le sommeil. Au matin, les rideaux sont soigneusement tirés. Elle est recouverte d’une couverture alors qu’elle se souvient s’être endormie sur le dessus de lit. Elle a alors la conviction que cela est arrivé. Cela, qu’elle garde encore innomé. Elle pense à fuir. Elle erre tout l’après-midi dans la ville. Le soir, elle s’avoue ce qui s’est passé en termes rudes. Son travail de culpabilité est interrompu par un enfant qui frappe chez elle : il vient la prévenir que son fils s’est blessé et qu’il est à l’hôpital. Elle le ramène à la maison une semaine plus tard. Le jeune adolescent de quinze ans est en convalescence. Un soir de décembre, elle voit à nouveau la poudre blanche dans son infusion. Elle en vide le contenu dans l’évier. Dans son lit, elle reste éveillée mais garde les yeux clos, elle ressent contre elle l’esquisse charnelle d’un corps inconnu. Quand elle s’éveille au matin, elle est seule. Le lendemain, en essayant une robe ancienne, elle nomme le secret : l’inceste. Elle repense à une jalousie d’enfant, que son fils avait eue en la voyant aller dans cette robe au théâtre avec son amant. Elle tente de lutter, elle se rend à Paris pour parler de cette situation à Li. Mais Li lui annonce son départ prochain pour la Russie. En rentrant chez elle, Olga pense : « La folie doit ressembler à tout cela. » 146 Deux semaines plus tard, une nouvelle scène d’amour nocturne a lieu : Olga semble feindre le sommeil et surprendre un adolescent nu la caresser. Olga songe à ne plus préparer son infusion mais redoute que son fils devine tout. Elle n’est plus sûre de ce qu’elle perçoit. Elle le voit venir toutes les nuits à la lueur de la bougie et se réveille seule dans le noir. Elle se surprend à parler seule face au miroir. Elle tente d’expliquer le comportement de l’adolescent : il est intrigué par son corps de femme, il n’en a pas d’autre à sa disposition. Le soir du réveillon du Noël, la mère et le fils sauvent en toute hâte des poissons dans la mare voisine. Suite à quoi, l’adolescent a brusquement de la fièvre. Olga contourne la fabrique pour aller chercher un voisin russe, qui exerce parfois illégalement la médecine, pour rendre service. Il insiste toujours : « Tout ceci doit rester entre nous. » Olga et son fils l’ont surnommé le « médecin-entre-nous ». Cette nuit de Noël, il vient et soigne l’enfant. Le lendemain, celui-ci est guéri. La semaine suivante, Olga voit son fils réapparaître dans la chambre. Une nuit, elle contemple d’un regard étranger, extérieur, comme quelqu’un qui regarderait par la fenêtre, les deux nudités à la lueur de la bougie : la femme immobile et l’adolescent endormi. Au début du mois de janvier, les coupures de courant s’intensifient. Le facteur ne fait plus de livraisons à la bibliothèque. Olga reste de plus en plus enfermée chez elle. Puis, un matin d’hiver, le temps perd définitivement sa cadence d’heures, de jours, de semaines. Elle sait que son fils viendra le soir, car tout l’annonce. Dans la nuit, c’est son départ, toujours brusque comme une fuite, qui rompt l’instant. En ranimant le feu, elle se dit avec une résignation tranquille : « Je suis donc folle. » Elle pense avec émotion à son fils dont c’est peut-être le dernier hiver, le dernier printemps, et à son corps de femme qui est le premier qu’il connaît. Le dernier, aussi. A cet instant, il lui semble que tout doit être exactement ainsi : cette femme, cet adolescent, leur indicible intimité dans cette maison suspendue au bord de l’hiver. Elle ne souvient plus d’avoir vécu autrement. Un soir de redoux, elle s’aperçoit que le grand tas de neige derrière la maison a fondu. Au printemps, il y a des inondations. Le « médecin-entrenous » leur porte des vivres. 147 Un soir de mai, l’enfant demande à appeler le médecin car il s’est blessé. Le médecin reste la nuit pour veiller l’adolescent. Il se tient dans la pièce voisine. Quand son fils se met à délirer d’une voix forte, Olga redoute que l’homme entende ces mots qui révèlent leur secret. Durant les journées grises et fraîches de juin, l’enfant est en convalescence. Après les orages inouïs de juillet, elle cherche à oublier, elle ne veut plus se souvenir, il ne s’agissait pour elle que de moments de tendresse trouble entre une mère et un fils. Selon elle, ils étaient allés un peu plus loin que les autres. Il n’y avait eu en tout que huit ou dix nuits. Au cours du mois de juillet, l’enfant se fait opérer du genou et reste à Paris. Le « médecin-entre-nous », qui s’appelle Serge Goletz, poursuit Olga de ses assiduités. Il vient la chercher à la gare, se rend chez elle pour le thé ; s’il ne la trouve pas, il cherche à s’imposer pour le diner. Il semble à Olga qu’il a percé son mystère, sa folie, et la traite comme une simple d’esprit dont on voudrait abuser. Un soir, il s’introduit chez elle et elle le repousse. Avant de partir, il lui extorque la promesse d’une promenade. Il évoque les rideaux trop étroits de la fenêtre, qu’il a remarqués en se promenant tard le soir, et ce qu’il a pu y apercevoir. La promenade est l’occasion d’un repas sur l’herbe, très arrosé. Le couple reprend ensuite sa promenade en barque. Goletz est ivre. Il tire sur la robe d’Olga pour la déshabiller. La barque chavire. On ne sait pas si la violence avec laquelle il se jette sur elle est due à son ivresse, à son envie de la sauver ou à son incapacité à nager. Il disparaît sous l’eau. Son corps émerge un peu plus loin, immobilisé par un bloc de béton. Olga se laisse porter, entourée des lambeaux de sa robe. Sur la rive, on voit courir deux hommes et un garçon, tenant toujours en main une canne à pêche, qui découvrent la scène. 148 PERSONNAGES 149 OLGA ARBELINA Olga est une femme de quarante-cinq ans, éprouvée par la vie. Auparavant, elle a vécu de fêtes et de sensualité, de mondanités et de passion. A présent, elle est encore belle, ses cheveux sont cendrés, ses seins souples. Elle redoute de vieillir et cherche à maintenir ses sens en éveil. Elle se sent prise au piège dans une identité que les autres immigrés et les habitants de la ville lui accole : princesse déchue de sa caste, désargentée, encore noble dans l’attitude et le maintien, femme bafouée par un mari coureur et enfui, mère brisée par la maladie de son enfant. Elle se voit comme une femme libre de ses pensées et de ses actes. Elle se sent incomprise par le monde. Après le départ de son mari, elle voit régulièrement un amant journaliste. Elle n’attend rien de lui, ni soutien, ni affection, seulement une éteinte. L’amour pour son fils est absolu. Elle cherche à le préserver de la diminution physique qu’entraîne sa maladie. Elle cherche à repousser le plus longtemps possible l’échéance de la mort. On la voit peu à peu sombrer dans la folie. LE FILS C’est un adolescent de presque quinze ans, chétif, brun, le teint pâle. Il est souriant, silencieux, rêveur, effacé. Il ne parle que pour annoncer des malheurs, qu’il s’est blessé. On le voit deux fois seulement en compagnie de camarades de son âge : il est rieur, il semble intégré. A cause de sa maladie, il boîte, il ne peut plus déplier complètement une de ses jambes. A travers les yeux d’Olga, on l’aperçoit comme une silhouette dénudée, hésitante, malhabile, et pourtant pleine de douceur et de désir. Il est courageux et calme. SERGE GOLETZ C’est le voisin russe, surnommé le « médecin-entre-nous ». C’est un homme d’une soixantaine d’années, au teint brun, comme sali de poussière. Il présente une calvitie et un embonpoint avancés. Son aspect est repoussant. Ses mains sont transpirantes et poilues, ses vêtements trop petits et rapiécés. Il semble désirer Olga depuis longtemps. Il n’est peut-être pas réellement médecin. Certains habitants de la ville l’appellent « l’équarrisseur ». C’est un personnage marqué par sa concupiscence mais aussi par une certaine bonhomie. Il tente de profiter d’Olga, mais 150 préférerait qu’elle soit consentante, qu’elle lui donne son amitié. L’enquête après sa mort révèle qu’il ne tentait peut-être pas de la faire chanter. LI C’est l’amie d’enfance qui montre ce qu’Olga aurait pu être : aventurière, artiste, célibataire, libre. Li est la fille de parents pauvres, défigurée par une fusée d’artifice. Au moment où Olga s’enferme chez elle, Li s’apprête au contraire à partir, à recommencer une nouvelle vie en retournant en Russie. LE PRINCE ARBELINE Il est présenté comme un guerrier hongrois : c’est un géant brun au regard oriental, c’est une force sensuelle. Il aime l’amour, le jeu, la fête. Le suicide de son ami et la maladie de son fils le font sombrer dans un désespoir suicidaire, qui l’amène à abandonner sa famille. Il ne cesse de répéter : « voilà un beau jour pour se pendre ! ». L’AMANT Il apparaît peu. On ne connaît pas son nom, seulement des initiales : L.M. Il serait un journaliste marié. Après le départ du mari, il aurait adouci l’angle d’une table pour que l’enfant ne se blesse pas, sans jamais vouloir devenir un père de substitution. Il apparaît sous forme de télégrammes et de lettres. Il représente le monde extérieur, le monde au-delà de la maison d’Olga. Il n’apparaît que pour être repoussé par Olga, qui lui préfère son fils. Dès le début du récit, elle songe à rompre avec lui, et finit par le faire. 151 COMMENTAIRES 152 CONCLUSION Le Crime d’Olga Arbélina peut fonctionner à la fois comme un destin de femme (la Révolution, l’Exode, la Passion, le Jeu des casinos, le Sort qui s’acharne) ou comme un huis-clos, comme un thriller psychologique qui analyse, sans porter de jugement, le comportement d’une femme seule avec son fils. Il y a une tension dramatique très forte qui amène le spectateur à douter en permanence de ce qu’il voit : est-ce que l’inceste est consommé ou non ? Olga a-t-elle tué le médecin pour se protéger ? Est-ce un accident ? Que savait vraiment celui-ci ? Bien entendu, toutes les pistes restent ouvertes à l’interprétation, ce qui fait à la fois la fascination et l’horreur de ce récit. Le narrateur, ici, joue sans cesse avec les points de vue : qui voit ? D’où ? De l’intérieur ? De l’extérieur ? Cet événement est-il ressenti ou vécu ? Enfin, l’environnement naturel, le décor jouent fortement sur l’humeur et les émotions des personnages (et des spectateurs) : la pluie qui efface le chemin, la neige et le givre qui isolent du monde, les coupures d’électricités qui font vivre dans une nuit quasi permanente, ou encore la chaleur du printemps et de l’été qui apporte légèreté et désir d’oubli. La nature prise par le froid et par l’hiver est décrite dans un langage expressif qui en recrée la sensation et la beauté. REFERENCES CINEMATOGRAPHIQUES François Truffaut, Pawel Pawlikowski, Xavier Dolan CESSIONS POCHE (FOLIO) TRADUCTIONS Anglais (Angleterre et Etats-Unis), Allemand, Bulgare, Chinois complexe, Espagnol, Finlandais, Grec, Hébreu, Italien, Néerlandais, Norvégien, Roumain, Serbe, Suédois 153 EXTRAITS 154 p. 315-317, édition Folio - Allez-vous-en ! dit-elle d’une voix fatiguée. Je vous en prie… Elle alla à la porte-fenêtre, l’ouvrit largement, en écartant le rideau. Il obéit, en murmurant avec un ricanement vexé : « D’accord, d’accord… Mais vous ne me refuserez pas quand même le plaisir d’une simple promenade ? Demain, dans l’après-midi… » Il sortit, se retourna et attendit la réponse. Elle fit « non » de la tête et tira la poignée. Le bouton de manchette brilla – il eut le temps de bloquer la porte. - Un dernier mot, lança-t-il, ne parvenant pas à équilibrer sur ses lèvres le sourire et les tiraillements de colère. Le tout dernier, je vous assure. Cette porte vitrée dont vous m’écrasez le bras (elle lâcha la poignée), cette porte-fenêtre très large pour ces rideaux, ou ces rideaux trop étroits, comme vous voulez… Elle perçut en elle un profond frisson qui germait rapidement dans son ventre, montait à la poitrine, tordait les muscles de sa gorge. L’homme allait annoncer quelque chose d’irréparable, elle en avait une intuition précise, aveuglante. Elle l’avait senti, inconsciemment, depuis le début de ses manœuvres et c’est ce pressentiment qui la rendait désarmée contre lui. - … ces rideaux vraiment trop étroits, voyez-vous, ne me sont pas tout à fait inconnus. J’ai, voyez-vous, un faible, j’aime me promener tard le soir, avant d’aller me coucher. Que voulez-vous, quand on vit seul… Et puis je suis très observateur… Il aurait fallu lui couper la parole, le retenir au bord de la nouvelle phrase… Il aurait fallu le laisser faire tout à l’heure, accepter ses baisers, se donner à lui car ce qu’il allait dire étaient mille fois plus monstrueux. Mais l’air devenait lourd comme le coton mouillé, il entravait les gestes, étouffait la voix. - Surtout qu’avec les froids de cet hiver, je me suis souvent inquiété : vous avez un enfant… euh… malade, dans cette bicoque, on ne sait jamais. Un soir, je passais justement tout près, presque sous vos fenêtres, j’ai jeté un coup d’œil, les rideaux étaient tirés, mais ils sont, je vous l’ai dit, trop étroits… Donc j’ai regardé et… … Et je vous ai vue, vous, et votre fils, nus, dans un acte d’amour. Non ! Il ne le dit pas. Elle crut qu’il allait le dire et la phrase devint immédiatement réelle, inséparable de ce qui l’avait précédée. Peut-être 155 venait-il de parler aussi de leur nudité, de l’étrangeté charnelle de leur couple… Elle ne savait plus… - Enfin, vous comprendrez sans doute mon étonnement… J’en ai vu d’autres dans ma vie… Je ne suis pas un enfant de chœur, loin de là. Mais quand même ! Heureusement, je ne suis pas bavard car sinon, vous connaissez les mauvaises langues… … Et quand je vous ai proposé mon… amitié, c’était pour pouvoir vous en parler plus librement, vous comprenez, en intimité. Et pour vous donner la possibilité de vivre normalement votre vie de femme, avec un homme qui vous ferait jouir… Non ! Il ne prononça pas ces dernières paroles ! Mais elles étaient tout de même réelles, incontournables car imaginées par elle. 156 CROSS FIRE Titre original CROSS FIRE Auteur JEAN-LUC SALA ET PIERRE-MONY CHAN Nationalité Française Pages 6 tomes de 48 pages Editeur © Editions Soleil, 2004 Epoque Contemporaine Lieux Canada, Italie, Vatican et Irak Genre Aventure / action 157 PITCH Pour régler une vieille dette d'honneur, un parrain de la Mafia met à la disposition du Vatican son meilleur tueur. Ce jeune prodige du flingue est engagé par un cardinal, en marge de l'administration vaticane, qui dirige le Cabinet noir, pour mener des missions discrètes. Il sera l'ange gardien d’une jeune et belle investigatrice nommée Sofia. Mais leurs missions pourraient révéler des secrets vieux de 2000 ans et mettre en danger le Vatican. INTRIGUE Le Cabinet-noir du Vatican, dirigé par Monsignor le Cardinal Marchesi, a pour mission d’être informé de tout et de protéger discrètement les intérêts du Vatican en cas de menace. Or, au cours d’une mission, un de ses agents est tué. Pour protéger la meilleure de ses espions, la sexy et très intelligente Sofia d’Agostino, Marchesi fait appel à une de ses vieilles connaissances de la mafia. Celui-ci lui conseille son neveu, un tueur audacieux et beau gosse, nommé Angelo Costanza. Cross Fire raconte la course poursuite de différentes organisations occultes et de nos deux héros, pour s’emparer d’un potentiel évangile hérétique retrouvé en Irak, écrit par Judas. Sofia a été contactée par son indic Prometheus, qui réclame de l’aide sur un site archéologique qui pourrait être celui du tombeau de Judas. Des manuscrits s’y trouvent qui pourraient s‘ils s’avéraient authentiques, pourraient mettre à bas le pouvoir du Vatican. Marchesi comprend immédiatement la dangerosité du dossier et envoie sa meilleure agent accompagnée de son protecteur maffieux. Dans un premier temps, Angelo et Sofia qui font connaissance non sans réticence, découvrent qu’on cherche à les doubler ; différentes organisations secrètes sont aussi sur le coup : L’ordre de Béthanie, héritiers des Templiers, franc tireurs de l’Eglise, et combattants d’exception, les équipes du l’Inquisition, sensées collaborer avec Marchesi, mais manifestement motivées par leur propre intérêt. Peu après Marchesi et Angelo disparaissent mystérieusement. Marchesi a en fait été contacté par Prometheus, qui se révèle être le 158 maître de l'ordre de Béthanie. Lui aussi en course pour le manuscrit, il souhaite rallier Marchesi à sa cause et espère qu’il prendra sa succession à la tête des Templiers. Marchesi décide de rester auprès de Prometheus pour se faire initier, craignant pour la vie d’Angelo également kidnappé. Angelo, aux mains de Prometheus, parvient à s’échapper. Il rejoint Sœur Anna (experte en datation), Gina (cousine sulfureuse d’Angelo) et Sofia qui viennent d’échapper aux sbires du Cardinal Monsignor Markus, le bras droit du Grand Inquisiteur, officine concurrente. Tous partent retrouver le tombeau de Judas et entrent en Irak sans encombre, grâce à Rebecca, archéologue. Mais Rébecca travaille pour Prometheus. Alors que Sofia vient de localiser le tombeau au fond du lac artificiel du barrage de Saddam Hussein, Rebecca fait exploser une bombe qui ensevelit Sofia. Angelo récupère son corps sans vie. Restée à la surface, sœur Anna comprend que son tour est arrivé. Notre héros va-t-il réussir à se sauver et protéger le Vatican ? THEMES ABORDES Le côté obscur du Vatican La quête du Graal La complicité improbable d’un tueur et d’une agent spéciale du Vatican. 159 RÉSUMÉ DÉTAILLÉ 160 Aujourd’hui, au Canada, l’équipe composée de Sofia et Luigi, agents des opérations spéciales du Vatican, est sur la piste d’un trésor caché à l’intérieur d’un puits. Au lieu de trouver sur les lieux une équipe d’archéologues effectuant des fouilles, Luigi et Sofia découvrent qu’ils sont plutôt en compagnie de mercenaires armés jusqu’aux dents. Leur mission est de ramener un échantillon d’ossements qu'ils trouveront dans le tombeau pour effectuer une datation. La mission accomplie, Luigi et Sofia prennent la clé des champs. Mais ils sont suivis par les mercenaires. Chacun sur leurs quads, Sofia et Luigi tentent d’éviter les balles, pourtant un hélicoptère les prend d’assaut et tire une bombe qui atteint Luigi. Son quad explose devant Sofia, en larmes. Seule, Sofia parvient à s’échapper. De retour au Vatican, Monsignor Marchesi souhaite trouver de toute urgence quelqu’un qui pourra veiller sur sa meilleure investigatrice. C’est ainsi que Marchesi fait appel à Costanza, un parrain de la mafia, qu’il a connu alors qu’il n’était pas encore rentré dans les ordres. Afin de respecter une vieille dette d’honneur, Costanza met à la disposition du Vatican son meilleur tueur, son neveu : Angelo Costanza. Il doit donc se rendre au plus vite au Vatican et rencontrer Marchesi. Lorsqu’Angelo arrive au Cabinet noir du Saint–Siège, il est loin d’être attendu comme le messie et Sofia n’apprécie pas l’idée de devoir être chaperonnée. Angelo s’empresse de faire bonne figure, auprès de la jolie Sofia. Marchesi prend le temps de lui expliquer le rôle du Cabinet noir. Le Vatican est stable sur ses fondations et l’Église n’accepterait pas qu’un seul de ses piliers soit remis en question. Le Cabinet noir intervient pour déceler et désamorcer toute menace ou toute révélation. Il s’avère que certaines enquêtes les poussent parfois à mener des infiltrations dans des musées ou chez des particuliers, afin que des documents religieux ne tombent pas entre de mauvaises mains. La dernière mission s’est soldée par la mort d’un agent, car ils ont dû faire face à un bataillon de mercenaires. C’est pour cela qu’il a fait appel à lui. Si cette situation devait se reproduire, Angelo devra protéger Sofia. En parallèle, dans les cryptes du Vatican, le Cardinal Markus et le Grand Inquisiteur discutent de Marchesi. Ce dernier est un érudit qui travaille depuis longtemps pour le Cabinet noir. Il a rassemblé les pièces d’un puzzle occulte dont Monsignor Markus est le gardien. Markus doit le surveiller et l’empêcher de le mettre en péril, sinon il faudra réduire au silence son cher Marchesi. 161 Alors que Sofia envoyait les mails annonçant le décès de Luigi, un certain Prometheus prend contact avec elle. Selon Marchesi, Prometheus est leur meilleur informateur. Ils n’ont jamais réussi à l’identifier, mais il s’agit certainement d’une personne haut placée du Vatican, car il dispose d’informations de premier ordre et les a toujours aiguillés sur des pistes intéressantes. Cette fois-ci, Prometheus affirme qu’un ensemble de parchemins auraient été exhumés dans le plus grand secret à Jérusalem. Ces parchemins confirmeraient une thèse hérétique selon laquelle un évangile aurait été écrit par Judas. Voici leur prochaine mission : se rendre à Jérusalem et subtiliser ces écrits afin de pouvoir les dater. Si le parchemin qu’il retrouve est bien un évangile plus vieux que ceux sur lesquels sont basés les fondements de l’Église catholique, cela voudra dire que l’Église ne détient pas la parole divine, d’autant plus que cet évangile serait écrit par Judas, celui qui a trahi Jésus. Si le manuscrit est authentique, cela prouverait surement que Judas ne s’est pas suicidé. Arrivés sur le chantier de fouilles, à Jérusalem, ils constatent une nouvelle fois la présence de militaires. C’est une preuve éclatante de l’importance du manuscrit trouvé. Mais leur arrivée est connue des militaires dirigés par Markus qui fera tout pour les empêcher d’accéder à ce parchemin. Marchesi et Sofia souhaiteraient que leur infiltration se passe sans encombre et sans le moindre mort. Ils utiliseront donc les méthodes habituelles, fléchettes anesthésiantes et grenades aveuglantes. Angelo ne sera là que pour couvrir Sofia et il ne devra faire feu sous aucun prétexte. Malheureusement la mission tourne au carnage et Angelo doit reprendre les choses en mains. Leurs adversaires sont prêts à tuer pour cet évangile, ils vont devoir riposter. Lorsque Sofia et Angelo parviennent à entrer dans la salle, le parchemin est enflammé. Un seul feuillet a été sauvé des flammes. Suite à cette mission, Marchesi est en plein doute. Cette quête égoïste de la vérité n’est-elle pas en train de les éloigner de Dieu ? Il y a déjà eu trop de morts et cette méthode est contraire aux commandements divins. Pour Sofia, ils doivent absolument quitter le pays et faire identifier le morceau de parchemin qu’ils ont sauvé. Marchesi et son équipe vont se rendre chez le père Dimitrios qui réside au monastère du mont d’Athos, il leur traduira ce parchemin. 162 Mais cet endroit est aussi un piège, car le Grand Inquisiteur souhaite que Marchesi et ses agents soient tués. Leur curiosité pourrait mettre en péril toute leur organisation. Arrivés au port de Saint-Jean d’Acre, Sofia, Marchesi et Angelo sont accueillis par Costanza, ainsi que par la belle Gina, dont la complicité qu’elle entretient avec Angelo a l’air d’affecter Sofia. Le lendemain, sur les côtes du Mont Athos, sœur Anna, agent de Monseigneur Kyu (expert en datation, inventeur, et maitre en logistique du Cabinet noir), les rejoint sur le bateau afin d’effectuer la datation du parchemin. Sofia, Angelo et Marchesi se rendent chez le père Dimitrios avec le reste du parchemin. Mais sur la route du Mont Athos, ils sont attaqués par les agents de Markus. Marchesi et Angelo disparaissent dans la mer Égée. Marchesi est en fait recueilli dans un sous-marin. Un homme se dirige vers lui, il se présente comme étant Prometheus. Il l'assure qu'il est loin d'être son ennemi et qu'il souhaiterait même qu'il rejoigne son ordre et même lui succéder. Revenues à bord, Sofia et Gina sont affectées par la mort d'Angelo et de Marchesi. Le Père Dimitrios les a suivies afin de traduire le morceau de parchemin et ainsi honorer le père Marchesi, afin qu'il ne soit pas mort en vain. Alors que Gina allait lui révéler quel lien l'unissait à Angelo, sœur Anna les rejoint en criant « Judas ! C'est Judas ! » Ce parchemin, écrit en araméen, est le premier rouleau d'une lettre que Judas a adressé à sa secte de fidèles, certainement à la veille de sa mort. Père Dimitrios leur remet sa traduction, mais devant la haute teneur hérétique de ce document, il leur demande de ne plus l'impliquer dans leurs recherches. Elles sont sur la piste des premières hérésies, des Templiers, donc de tout ce qui a toujours été impitoyablement persécuté et exterminé par l'Église catholique. Soeur Anna, Sofia et Gina, qui est en fait la cousine d’Angelo, sont donc seules pour venger Marchesi et Angelo. Dans ce parchemin, Sofia trouve enfin le lien qui unit Judas et les Templiers: le Graal. Mais pour confirmer ce lien, elles doivent se rendre aux archives secrètes du Vatican. 163 Au Vatican, convaincu de la mort de Marchesi, Monsignor Markus dissout le Cabinet noir et tous ses services. Pour le Grand Inquisiteur, C’est l’ordre des Templiers, ennemi héréditaire du Vatican, qui cherche à s’emparer du manuscrit, et il les détruira. Alors que les nos 3 héroïnes s'apprêtent à rejoindre le Vatican, à bord du sous-marin, Prometheus conte à Marchesi l'histoire du Graal. L'ordre du Temple a survécu jusqu'à aujourd'hui. Les Templiers détenaient le secret de Judas et celui du Graal. Ces savoirs occultes découverts et gardés par les Templiers ont été menacés par les rois et les papes lors de L’Inquisition. L’ordre des Templiers dissout, ils ont créé des ordres secrets à travers le monde, dont fait partie l’ordre de Béthanie dirigé par Prometheus. Ces confréries ont pour but de transmettre les secrets de templiers. Voici ce qu'il lui propose : devenir son successeur et connaître tous les grands secrets. Convaincu de son hérésie, Marchesi tente de s’enfuir, mais lorsqu’il découvre qu’ils détiennent aussi Angelo, qui pourrait être son fils, il accepte leur requête. Grâce à Sofia et ses techniques d’infiltration, la fine équipe s’introduit dans sanctum sanctorum, la partie la plus secrète de la bibliothèque et récupére les livres essentiels à leur quête. Angelo reprend ses esprits dans un hôpital maltais et tente de s’échapper avec Marchesi, mais ce dernier fait part de sa volonté de rejoindre l’ordre de Béthanie et les Templiers. Angelo parvient à retrouver Gina, Sofia et Anna. Elles sont soulagées de savoir que Marchesi est lui aussi en vie. Un des ouvrages qu’elles ont récupéré aux archives secrètes les mène sur la piste du tombeau de Judas, en Irak, plus précisément à Mossoul. Angelo, Sofia et Anna, se dirigent donc vers Mossoul. Aidés par une amie de Luigi, Rebecca Mackeow, archéologue, responsable des sites irakiens, elle les conduit directement sur le site archéologique de Ninive. Pensant que Rebecca est une femme de confiance, ils lui font part de leurs récentes découvertes. Au même moment, l’armée de l’ombre de Monsignor Markus est en route vers le domicile de Kyu pour le tuer. Arrivés dans les ruines de Ninive, Sofia, Anna et Angelo partent à la recherche de la tombe de Judas, grâce 164 aux indications données par le manuscrit. Rebecca qui est en fait un membre de l’ordre de Béthanie, appelle son maître Prometheus pour lui faire part des découvertes des ex-agents de Marchesi. Rebecca devra les réduire au silence. Elle décide de faire appel aux autorités irakiennes et déclare que des pillards sont entrés dans le site archéologique de Ninive. Alors qu’ils s’apprêtent à quitter les lieux, une bombe explose tout près d’eux. Sofia, sœur Anna et Angelo luttent contre des militaires et parviennent à s’échapper. Durant l’attentat, un des gadgets que leur avait confié Kyu pour leur mission est été touché, et le mécanisme d’ouverture a été abimé. Ils n’ont aucun moyen de l’ouvrir, sauf si Kyu leur fourni un autre moyen de l’ouvrir. Mais étrangement Monsignor Kyu ne répond pas à leurs appels. Inquiète pour lui, Anna le rappelle, cette fois-ci son robot décroche et lui annonce que monsignor Kyu est mort. Anna demande à Gina, restée à Rome, de lui confirmer la mort de Monsignor Kyu. Mais L’Inquisition a intercepté l’appel et localise Sofia et son équipe. Anna, Angelo et Sofia sont en route pour le barrage de Saddam Hussein. Sous ce lac qui s’est formé au-dessus de ce barrage, se trouverait la tombe de Judas. Pendant ce temps, Gina arrive chez Monsignor Kyu mort en effet. Elle y est attaquée par un des agents de Markus. Elle parvient à le tuer et décide de rejoindre ses amis en Irak. À Malte, Marchesi est devenu un chevalier de l’ordre de Béthanie, il est donc prêt à comprendre le grand secret : celui de l’immortalité ou de la résurrection. La pierre de l’immortalité est une météorite apparue au temps des égyptiens. Les maîtres des différents ordres, comme Prometheus, ont tous portés un éclat de cette pierre. Elle ne donne pas la vie éternelle, mais elle lui a permis de vivre bien plus longtemps. Cet objet divin a été gardé par les ordres puis… Prometheus est interrompu, car les ex-agents de Marchesi sont sur le point de découvrir le secret des Templiers. Alors que Sofia et Angelo plongent à la recherche de la tombe de Judas, Rebecca, qui a reçu des directives strictes de la part de Prometheus, fait son apparition devant sœur Anna restée à terre. Rebecca maîtrise Anna et plonge pour retrouver Angelo et Sofia. Arrivée au sanctuaire, Sofia constate la présence d’une obélisque et une 165 rose des vents comme sur la place du Vatican et c’est à ce moment qu’elle comprend tout, que tous les plus grands secrets des templiers, le tombeau de Judas et le graal sont dissimulés dans le livre de pierre qu’est le Vatican. Le chevalier Bernin, alors qu’il supervisait la construction du Palais de Saint-Pierre, a été contacté par l’ordre des Templiers pour construire cette grande énigme de pierre. Mais c’est à ce moment qu’une bombe explose et ensevelit Sofia. Angelo parvient à l’extirper, mais il récupère son corps qui semble sans vie. Rebecca remonte elle aussi à la surface, sœur Anna sait que son tour est malheureusement arrivé. Que fera Marchesi quand il saura que les Templiers qu’il vient de rallier cherchent à tuer ses amis ? L’Inquisition parviendra-t-elle à s’emparer du secret des templiers et à étouffer la vérité ? Nos amis vont-ils mener à bien la mission de protection du Vatican qui est la leur ? Et à quel prix ? 166 PERSONNAGES 167 SOFIA D’AGOSTINO Sofia est une jeune fille d’une vingtaine d’années. De caractère impétueux et de nature réservée, c’est une spécialiste de l’ordre des Templiers, c’est d’ailleurs pour cela qu’elle a été engagée par Marchesi. Spécialisée dans l’exfiltration de documents secrets, elle a toujours menée ses missions sans effusion de sang, privilégiant les techniques de défense douce. C’est pour cela que son association avec un tueur de la mafia ne tombe pas sous le sens. ANGELO COSTANZA C’est le neveu du maffieux sicilien Costanza. Brut de décoffrage, charmeur et séducteur, son humour et sa naïveté ne séduisent pas grand monde au Vatican. C’est un tueur hors pair, d’une condition physique sans égale et capable de s’extirper des situations les plus difficiles. Son passé est trouble, ses parents ont été assassinés par des maltais. On apprend au fur et à mesure du récit qu’il est le fils de Monsignor Marchesi. MONSIGNOR MARCHESI C’est un Cardinal d’une soixantaine d’années, il est à la tête du Cabinet noir du Vatican. C’est un homme torturé par la recherche de la vérité, mais aussi par son passé de truand. SŒUR ANNA C’est une belle jeune fille d’une vingtaine d’années. Experte en datation de fichiers anciens, elle lit le mandéen et le latin. Mais elle maitrise aussi le Krav Maga. GINA C’est une séduisante trentenaire. Cousine d’Angelo, c’est une femme qui n’a peur de rien et qui manipule les armes et la bagarre comme personne. Toujours élégante, elle n’hésite pas à partir à l’attaque en tailleur et talon. 168 PROMETHEUS Vieil homme amoindri et grand maître de l’Ordre de Béthanie, Prometheus était, jeune, destiné à une grande carrière ecclésiastique au Vatican. Mais sa quête de la vérité sur le Graal l’a mené vers une carrière tout aussi ambitieuse mais cependant plus occulte. LE GRAND INQUISITEUR Il est vêtu d’une cape qui lui couvre le visage. Ses cheveux sont longs et blancs, tout comme ses yeux. Il semble avoir traversé les âges, sans le moindre impact physique, déjà présent au XIVe siècle lors de la dissolution de l’ordre des Templiers. Il est aujourd’hui à la tête de l’Inquisition, censée étouffer toutes les découvertes hérétiques de l’Église. Il possède le pouvoir de vie ou de mort. 169 COMMENTAIRES 170 Cross Fire est une bande dessinée d’action et de divertissement sur fonds de lutte de pouvoir au Vatican. Elle présente un Vatican moderne qui n’a rien à envier aux grandes organisations secrètes internationales, criminelles ou policières, sans avoir renoncé à ses quêtes ésotériques fondamentales. La singularité de Cross Fire réside dans ce mix d’atmosphères d’espionnage, de couloirs feutrés du Vatican, de manuscrits hérétiques, de bibliothèques et de spécialistes du mandéen, et une course poursuite pétaradante et endiablée qui n’a rien à envier au plus tonique des James Bond. On est ici dans le plus pur genre du divertissement d’action. Et le scénario tient sa promesse : on retrouve avec jubilation les incontournables du genre : scènes d’action extrêmes au tout semble désespéré, des voitures, des armes, des explosions et une bande de jolies fille qui n‘ont pas froid aux yeux. Mais le cœur de l’intrigue liée aux fondamentaux de l’Eglise catholique et aux enjeux géopolitiques du Vatican de nos jours, pousse assez loin la réflexion avec des enjeux crédibles, fondés et intéressants. REFERENCES CINEMATOGRAPHIQUES Entre James Bond et Le Da Vinci Code SUCCES DU LIVRE Plus de 80.000 exemplaires vendus. TRADUCTIONS Anglais : Marvel Allemand : Splitter Verlag Néerlandais : Uitgeverij Saga 171 EXTRAITS 172 173 174 DOLFI ET MARILYN Titre original DOLFI ET MARILYN Auteur FRANÇOIS SAINTONGE Nationalité Française Pages 288 Editeur © Grasset & Fasquelle, 2013 Epoque 2060 Lieux France, Allemagne Genre Comédie dramatique 175 PITCH Lorsque Tycho Mercier, historien discret, gagne à une tombola de supermarché le sixième exemplaire prohibé d’un clone d’Hitler, et hérite de la Marilyn du voisin, reconstitution piratée de la célèbre starlette, sa vie bascule. INTRIGUE Paris, 2060 : la loi autorise le clonage humain des célébrités décédées. Tycho Mercier, un professeur d’histoire divorcé, voit son quotidien contrarié le jour où il remporte un clone d’Adolf Hitler à une tombola. Son fils s’entiche très vite du clone, qu’il surnomme « Dolfi ». Mais la série dont ce clone est issu a été prohibée par la loi – il est désormais illégal d’en posséder un chez soi. Désireux de s’en débarrasser, le héros se retrouve confronté à un dilemme moral quand il découvre le sort réservé aux clones prohibés : ceux-ci sont purement et simplement éliminés. Un ennui n’arrivant jamais seul, le héros se retrouve forcé d’héberger un clone de Marilyn Monroe le jour où son précédent propriétaire, un voisin, succombe à un AVC. Marilyn est elle aussi un clone illégal, mais le héros est d’autant moins enclin à s’en débarrasser qu’elle le rejoint dans son lit tous les soirs et qu’il commence à éprouver des sentiments amoureux à son égard. Cette petite communauté poursuit sa vie tranquille jusqu’au jour où la police débarque au domicile. Les clones ont tout juste le temps de s’enfuir : ils disparaissent sans laisser de traces et ne donnent pas signe de vie pendant plusieurs années. Cinq ans plus tard, le héros reçoit une invitation pour se rendre aux festivités destinées à marquer la naissance d’un nouvel Etat : la principauté de Schliffkopf, un territoire qu’un milliardaire mégalomane a racheté à l’Allemagne. Une fois sur place, le héros découvre que le Chancelier de la principauté et son épouse ne sont autres que… Dolfi et Marilyn ! Le milliardaire allemand Reinhard Gentschel les a pris sous son aile et a fait de Dolfi sa marionnette. Gentschel, centenaire éperdument nostalgique du IIIe Reich, a un projet diabolique : recréer un Reich éternel en clonant Dolfi autant de fois que nécessaire. Mais ce projet est stoppé net par un attentat : l’explosion d’un avion dans laquelle Dolfi, Marilyn et Reinhard Gentschel trouvent la mort. 176 A son retour chez lui, bouleversé par la perte de Marilyn, le héros commande un nouveau clone de Marilyn Monroe qu’il tente de modeler « à l’image » de celle qu’il aimait. THEMES ABORDES Clonage et dérives de la biotechnologie Frontières entre l’inné et l’acquis Le Bien et le Mal La tentation totalitaire Le monde de demain et le poids de l’Histoire La singularité et les archétypes La responsabilité individuelle L’amour et comment il nait 177 RÉSUMÉ DÉTAILLÉ 178 Nous sommes en 2060, la société est restée la même, à une différence près : désormais le clonage humain est autorisé et les clones peuvent s’acheter en toute légalité ou presque. L’attente est longue mais pour ceux qui peuvent mettre le prix, se procurer un clone est facile, le piratage de clones est répandu, mais sévèrement sanctionné. La règlementation est stricte : on ne peut cloner qu’une personne décédée depuis plus de 70 ans, et certains personnages controversés de l’Histoire sont formellement prohibés. Professeur d’Histoire spécialisé dans la seconde Guerre Mondiale à l’Université, père divorcé pince sans rire d’une quarantaine d’années élevant seul son petit garçon Bruno, Tycho Mercier mène une existence simple et un peu morne. Un jour ordinaire, après avoir donné à ses étudiants un cours sur l’Histoire du 20e siècle et emprunté le RER pour regagner son pavillon de banlieue, il franchit le seuil et retrouve son fils. Ce dernier n’est pas seul : assis dans le fauteuil club du salon, un homme en culotte de cuir tyrolienne et pull-over dont le visage lui parait familier. Etonné, Tycho Mercier demande des explications. Bruno lui explique alors qu’il s’agit d’un lot, gagné par sa mère, à la tombola du supermarché. En regardant de plus près, saisi de terreur, l’universitaire s’aperçoit qu’il s’agit là du clone d’Adolf Hitler, sans moustache certes, mais bien un des clones prohibés du Führer. Furieux, il contacte son ex-femme, avec qui il n’entretient pas les meilleurs rapports. En effet, tout les oppose, professeure de fitness nourrie aux UV et collectionneuse d’amants, cette dernière ne se montre pas d’une grande aide pour trouver une solution au problème qu’elle a pourtant créé. Mercier décide de rendre le clone du Führer au magasin, qui ne veut rien entendre, malgré la menace d’un procès. Son ex-femme lui suggère alors d’appeler un de ses anciens amants, haut placé dans l’administration de régulation des clones. Bruno commence à s’attacher au clone, qu’il a d’ailleurs surnommé Dolfi, et avec qui il fait de longues parties de jeux vidéo, mettant en scènes les plus grandes batailles de la Seconde Guerre Mondiale. Passionné 179 d’Histoire, ce jeune garçon espiègle a tiré la référence du petit nom donné à Adolf Hitler par Eva Braun. Vexé par la suggestion mais tellement désespéré, Mercier contacte l’amant. Ce dernier se montre très prévenant, sans toutefois apporter de réponse claire. Il lui propose de venir avec lui effectuer une mystérieuse visite. Une fois sur place, dans une zone industrielle sinistre, Mercier comprend ce qu’il advient des clones illégaux ou piratés : l’élimination pure et simple. C’est le choc. Il rentre chez lui et abandonne l’idée de laisser Dolfi, et ce malgré les risques de poursuites qu’il encourt. Après tout posséder un clone n’a rien d’exceptionnel, le voisin détient d’ailleurs celui de Marilyn Monroe, tout à fait remarquable, qui ravive chez Tycho une fougue qu’il croyait bien enfouie. Et puis Dolfi n’a rien d’un dictateur, réservé et discret il exécute les tâches ménagères sans protester, ne parle jamais sans qu’on ne lui demande et se montre heureux comme un prince à la vue d’un chocolat chaud. En plus, malgré la mèche emblématique, il reste difficilement reconnaissable, et cela d’autant plus que ce clone illégal n’est pas abouti et que son développement intellectuel s’est arrêté à l’âge de l’adolescence. Et la seconde Guerre Mondiale est bien loin dans la plupart des mémoires… La vie continue, donc. Dolfi se révèle être un excellent jardinier, et un redoutable partenaire de jeux pour Bruno. Jusqu’à ce qu’on frappe à la porte. Marilyn, le clone du voisin, en larmes, désespérée, échevelée. Son propriétaire a fait un AVC, elle a besoin d’aide. Mercier, décontenancé, la suit chez le voisin, accompagné de Dolfi. Devant la gravité de la situation il appelle le docteur Grinstein, médecin du quartier d’origine juive, qui se montre soupçonneux à la vue du clone et pose quelques questions. Le voisin est emmené à l’hôpital, son état n’est pas encourageant. Marilyn supplie alors Mercier de l’héberger et, sensible à ses charmes, il cède. Petit à petit elle s’impose dans la petite famille, et dans le lit de son hôte. C’est alors que Tycho découvre l’impensable : Marilyn est un clone 180 piraté : elle ne possède pas de tatouage d’identification comme c’est la règle. Malgré tout, lorsque son propriétaire décède, elle s’installe pour de bon chez les Mercier. Ces derniers hébergent désormais un clone prohibé et un clone piraté. Un voisin finit par découvrir de qui Dolfi est la reproduction et dénonce Mercier. A l’arrivée de la police, les deux clones prennent la fuite, ensemble. Mercier écope d’une amende et retrouve sa vie d’avant. Il se demande souvent où se trouvent les deux clones, surtout Marilyn. Sans nouvelles d’elle depuis presque trois ans, il retrouve sa trace grâce au docteur Grinstein. Ce dernier l’emmène dans un cabaret clandestin d’une banlieue sordide où le clone de la starlette, ayant perdu sa superbe, s’effeuille tristement. Mercier est choqué. Aussi, lorsque le médecin lui donne l’adresse de la jeune femme, il ne peut s’empêche d’aller la voir. Elle habite désormais dans un quartier défavorisé, dans un appartement miteux, dans la misère. Lorsqu’il pénètre dans l’appartement, Mercier remarque une chaise pour enfant. Il découvre alors que Marilyn a une fille. Pendant la fuite, elle s’est liée à Dolfi, elle est tombée enceinte de lui et ils ont vécu ensemble dans la misère. Il apprend que ce dernier a disparu du jour au lendemain après avoir été approché par un groupuscule néonazi. Mercier s’éclipse, non sans laisser un peu d’argent à la jeune femme, en échange d’un mystérieux badge avec un symbole nazi, seule chose que Dolfi ait laissée en partant. Mais Mercier repense à Marilyn, il veut la revoir, prétextant une visite pour lui rendre les affaires qu’elle avait abandonnées lors de sa fuite. Lorsqu’il y retourne, Marilyn n’est plus là. Une voisine bavarde lui confie qu’elle est partie il y a peu, emmenée avec sa fille par des hommes vêtus de longs manteaux en cuir noir, en limousine. Deux ans plus tard, Mercier reçoit une invitation pour se rendre aux festivités destinées à marquer la naissance d’un nouvel Etat : la principauté de Schliffkopf, un territoire qu’un milliardaire mégalomane a racheté à l’Allemagne et sur lequel il a pour projet de réaliser les plans jadis dessinés par Albert Speer, destinés à magnifier la Germania et incarner l’ordre nouveau. Une fois sur place, il découvre que le Chancelier de la principauté et son épouse ne sont autres que… Dolfi et Marilyn ! Le 181 milliardaire allemand Reinhard Gentschel les a pris sous son aile et a fait de Dolfi sa marionnette. Gentschel, centenaire éperdument nostalgique du IIIe Reich, a un projet diabolique : recréer un Reich éternel en clonant Dolfi autant de fois que nécessaire. Les festivités battent leur plein et le public se laisse entrainer par une mise en scène grandiose et hypnotique, Mercier lui-même se laisse envahir par cette drôle d’ambiance. Dans la foule il croit reconnaitre quelqu’un, un homme qui l’avait approché quelques années plus tôt en lui posant des questions au sujet de Dolfi. Un attentat viendra mettre fin à ce projet : Dolfi, Marilyn et Reinhard Gentschel décident d’effectuer un pèlerinage en Autriche dans un avion d’époque. Mercier, qui devait monter à bord, est enlevé juste avant le départ par l’homme mystérieux. L’avion explose, tous les passagers trouvent la mort. A son retour chez lui, bouleversé par la perte de Marilyn, le héros commande un nouveau clone de Marilyn Monroe qu’il tente de modeler « à l’image » de celle qu’il aimait. 182 PERSONNAGES 183 TYCHO MERCIER Professeur à l’université, historien spécialiste de la Seconde Guerre Mondiale. Tycho Mercier est un quarantenaire divorcé, un peu gauche. Tycho Mercier a des principes. Personnage humaniste, il est à l’écoute des autres. C’est un père exemplaire qui élève seul son petit garçon. Drôle malgré lui, il a le don de se retrouver dans des situations cocasses, la plupart du temps par peur de froisser quelqu’un. Plus porté sur l’introspection que sur l’action, il s’engouffre dans ses dilemmes moraux sans jamais réussir à les résoudre. DOLFI Dolfi est le 6e clone prohibé d’Adolf Hitler. Personnage effacé et affectueux, ce clone a l’âge mental d’un enfant de 12 ans. Docile et serviable, c’est une marionnette, dépourvue de volonté propre, qui exécute ce qu’on lui demande de faire et qui représente une proie idéale pour tous ceux qui veulent le manipuler. MARILYN Clone de contrebande, Marilyn est blonde et pulpeuse comme l’original. N’ayant aucune existence légale, elle dérive de protecteur en protecteur, passant du voisin à Mercier, pour finir avec Dolfi. Elle n’est guère autre chose pour eux que l’archétype de la femme-poupée, belle, douce et soumise. BRUNO Bruno est le fils de Tycho Mercier. C’est un garçon curieux et malicieux, doté d’une grandeur d’âme. Passionné comme son père par l’Histoire du 20e siècle, il est comme tous les jeunes de son âge accro aux jeux-vidéo, dans lesquels il excelle. 184 L’EX-FEMME DE TYCHO MERCIER Pur produit narcissique, l’ex-femme de Tycho Mercier et mère de Bruno enchaîne les séances de gym et de cabines à UV. Elle enchaîne également les amants et ne pense qu’à son bon plaisir, sans aucun sens des responsabilités. REINHARD GENTSCHEL Milliardaire centenaire, nostalgique du IIIe Reich qu’il a connu enfant, cet affreux vieillard a pour but de reconstruire la Grande Allemagne. Mégalomane, manipulateur, il représente le Mal. LE DOCTEUR GRINSTEIN Médecin de quartier d’origine juive, ce personnage un peu bourru va d’abord réagir violemment en découvrant l’existence de Dolfi. Il va ensuite essayer de comprendre. Il deviendra un allié pour Tycho Mercier et c’est d’ailleurs lui qui l’aidera à retrouver Marilyn. 185 COMMENTAIRES 186 Le concept du clonage de Hitler n’est pas inédit en soi (c’était déjà le sujet du thriller de Franklin J. Schaffner, Ces garçons qui venaient du Brésil). Cependant, force est de constater que ce postulat narratif épouse mieux les conventions de la comédie que celle du thriller… Le pitch même du roman, qu’on pourrait résumer dans la formule « Hitler à domicile », est original et porté par un humour noir corrosif. De ce point de vue, l’humour de Dolfi et Marilyn peut s’inscrire dans la veine des comédies comme To be or not to be de Lubitsch, Le dictateur de Chaplin ou Les producteurs de Mel Brooks, qui parvenaient à désacraliser le nazisme en le ridiculisant. Dans le roman, la première apparition du clone dʼAdolf Hitler, assis dans le salon du héros en culotte de cuir tyrolienne et en pull-over, ne manque dʼailleurs pas d’évoquer la présence incongrue dʼHitler seul dans une rue de Varsovie au début de To be or not to be de Lubitsch. Si lʼhumour du roman tient en grande partie à son concept absurde et aux situations qui en découlent, il repose également sur le monologue intérieur du personnage de Tycho Mercier, dont les atermoiements sont relatés avec ironie et dérision. L’intrigue repose souvent sur des conflits internes, sur des dilemmes moraux du héros, mais aussi sur ses réflexions sur les clones. Même si l’intrigue du roman se déroule dans le futur, on n’y trouve pas de cités futuristes (à l’exception de la Germania du Schliffkopf, plutôt rétrofuturiste) ou de voitures volantes à la Blade Runner – tout juste apprend-on que Paris est désormais entouré par deux périphériques, pour répondre à l’expansion urbaine, sans doute. Dolfi et Marilyn dépeint une vision modeste du futur : le futur comme un simple prolongement du présent, où l’avancée de la technologie se loge dans les détails (comme dans Bienvenue à Gattaca, Les fils de lʼhomme…). Si l’univers futuriste dépeint était trop différent du nôtre, l’étrangeté de la société futuriste et celle des clones se neutraliseraient – et le comique s’en trouverait atténué. Le voyage du héros à Schliffkopf dans le troisième acte offre un changement de cadre au récit. Cette reconstitution du IIIe Reich en 2060 évoque une version sinistre du Brigadoon de Vincente Minnelli: une enclave de passé, hors-du-temps, où même les téléphones ne passent pas. Dans son effroyable démesure, cette nouvelle « Germania » peut évoquer ces récits uchroniques de science-fiction où les nazis ont gagné la 187 guerre (Le maître du haut-château de K. Dick, Fatherland de Robert Harris)… Mais le Schliffkopf peut tout aussi bien être traité de manière grotesque, comme un Metropolis dʼopérette. CONCLUSION A la fois drôle et inquiétant, Dolfi et Marilyn dresse un portrait de la société future, pas si étrangère et pourtant bien différente. Dolfi et Marilyn est une fable autour de la faiblesse humaine face à la mécanique des clones, pauvres archétypes dépourvus de sentiments, de volonté et de caractère. Avec des intrigues bien nouées et un rythme haletant, on va de rebondissement en surprises. Il s’agit ici d’une fiction qui oscille entre science, sciences-humaines et science-fiction. REFERENCES CINEMATOGRAPHIQUES Docteur Folamour (Stanley Kubrick) To be or not to be (Ernst Lubitsch) TRADUCTIONS Langue allemande Langue turque 188 EXTRAITS 189 Page 7 Je m’appelle Mercier. Tycho Mercier. Si mon patronyme est courant mon prénom l’est beaucoup moins. Il m’a valu bien des moqueries durant mon enfance. A l’école on m’appelait Artichaut. Quand je protestais que ça se prononçait « Tiko », ça devenait Asticot. A cause de mon prénom, un professeur crut drôle de claironner que j’étais dans la lune, tête en l’air. Cette finesse passa au-dessus de celle de mes camarades. La plupart d’entre eux n’avaient jamais entendu parler de Tycho Brahé, l’astronome au nez d’or. Par coïncidence, l’allusion n’était pas tout à fait arbitraire : j’étais un gamin distrait, un peu lunaire. Page 22 Il jaillit aussitôt du fauteuil et se mit au garde-à-vous. « Numéro 6 d’Adolf Hitler, pour vous servir ! » lança-t-il d’une voix criarde. Son français se teintait de l’accent teuton des acteurs incarnant des soldats allemands dans les pantalonnades vengeresses dont le public du siècle précédent avait fait ses délices. De lui-même il inclina la tête et écarta d’un doigt le col roulé de son pull. Je pus lire une quinzaine de lettres et de chiffres tatoués à même la chair de son cou, sous le logo officiel du bureau d’homologation des clones. J’en ignorais la signification pour l’essentiel. Tout au plus le début, A.H.6, confirmait-il que j’étais en présence du sixième exemplaire de ce modèle. Le clone rajusta le col de son pull, redressa la tête et recula de trois pas. Il affectait maintenant l’attitude déférente d’un domestique attendant les instructions de son maître. Voilà autre chose ! Se comportait-il ainsi devant tout « homme véritable » ? Embarrassé, je me tournai vers mon fils. – Bruno, tu peux m’expliquer ?… Bruno se dressa d’un bond et vint se poster près de moi face à A.H.6. Il saisit ma main et répondit d’une voix enthousiaste : – Il est chouette, hein ? Maman l’a gagné la semaine dernière à la tombola du supermarché : c’était le gros lot ! – Tu ne m’en as rien dit… – On n’en savait rien. Le tirage au sort a eu lieu samedi, maman a été avertie par téléphone qu’elle avait gagné le gros lot surprise, et il a été livré tout à l’heure… – Ici ? En quel honneur ? 190 – Quand elle a su qu’elle avait gagné un clone, maman m’a dit qu’elle me l’offrait pour mon anniversaire, et elle a donné l’adresse d’ici pour la livraison. – Mais ce modèle est interdit !… Est-ce qu’elle savait de qui il s’agissait ? – Non, non, « le lot surprise », je te dis ! Page 42 Un bruit de savates traînées sur le tapis de coco du couloir attira mon attention alors que je plantais un pied de vigne et un olivier dans un coin de mon rêve. C’était Bruno qui sortait de sa chambre, en pyjama, les cheveux en bataille, les yeux battus. En apercevant le clone, il sourit, soulagé. Sans doute avait-il craint de ne pas le retrouver à son réveil. « Bonjour Dolfi ! » s’écria-t-il d’une voix joyeuse. Je tressaillis. Dolfi ! Eva Braun avait appelé ainsi son amant dans l’intimité, et dans sa correspondance. A.H.6 n’en savait rien, selon toute vraisemblance. Il se tourna vers Bruno, intrigué. Pour ma part, je n’appréciais pas l’emploi de ce petit nom familier. Où Bruno était-il allé chercher ça ? Dans la bibliothèque, ça allait de soi. Il allait falloir régler ce problème… Je grondai mon fils : – Bruno, veux-tu… Il s’étonna : – Eh ben quoi ? Il faut bien qu’on sache comment l’appeler. Dolfi, c’est mieux que mein Führer, non ? 191 LA DOUBLE VIE D’ANNA SONG Titre original La Double Vie d’Anna Song Auteur Minh Tran Huy Nationalité Française Pages 170 p. Editeur © Actes Sud, 2009 Epoque Contemporaine Lieux France, Vietnam Genre Imposture musicale, drame suspense psychologique romantique, 192 PITCH La Double Vie d’Anna Song est l’histoire d’un amour fou et d’une imposture musicale. C’est l’invention d’Anna Song, mystérieuse pianiste d’exception à la carrière exclusivement discographique par son mari, entre Tristan et Frankenstein. Vengeance ou tentative de « réparation » du destin, conduite au mépris du scandale, la grande falsification de Paul Desroches (sa vérité) révèle et défend la folie d’aimer, mais aussi le droit à inventer des vies à la hauteur de cette folie. INTRIGUE Le roman s’ouvre sur la mort d’Anna Song relatée par la presse spécialisée. Mystérieuse pianiste à la discographie encyclopédique, Anna Song était “la plus grande pianiste vivante dont personne n’a jamais entendu parler”. Et pour cause : personne ne l’a jamais vue en concert. Et pourtant sa musique habite la vie et l’imaginaire de Paul Desroches depuis leur enfance partagée : en voisin puis en ami, le petit Paul a écouté Anna travailler son piano pendant des années sans jamais se lasser, l’émerveillement intact longtemps encore après leur séparation. Car pour le garçon, orphelin à la suite d’un tragique accident, la mystérieuse petite fille si délicate, si différente aussi – Anna appartient à une famille vietnamienne – incarne instantanément tout un monde alternatif, échappatoire inespérée à la cruauté du réel. Anna ne lui fait pas découvrir que la musique : elle lève aussi pour lui le voile sur la contrée lointaine de ses origines, planète de contes et de légendes enivrants qui recèlent aussi l’histoire tourmentée d’une famille aux prises avec les tempêtes de l’histoire. Tout en jeu de miroirs, le roman se déroule dans une chronologie éclatée qui fait fi de la continuité. La narration est portée par les souvenirs de Paul Desroches, producteur et époux de l’artiste, gardien du temple et architecte de la légende. Le récit est étayé et rythmé par des articles de presse qui peu à peu révèlent le scandale d’une œuvre falsifiée : Anna Song n’a probablement jamais joué une note des enregistrements mis en vente sous sa signature. Il y a d’ailleurs à cela une bonne raison : frappée par la dystonie du musicien – une paralysie de la main qui affecte certains virtuoses, elle perdra très jeune la capacité de jouer. Et ne s’en remettra pas. C’est avec 193 retard que Paul apprendra la terrible vérité sur le destin de son amour perdu. Au fil d’une enquête passionnante, constamment contredite par la version de Paul Desroches, comme en contrepoint acharné, la supercherie est progressivement exposée, le concert de louanges vire au tonnerre d’opprobre. On comprendra petit à petit la folie de Paul Desroches qui, séparé de l’amour de sa vie, a continué à vivre avec et par elle in absentia, lui taillant sur mesure un destin musical à la mesure de son talent à elle, de sa frustration à lui, se sculptant avec elle une vie commune imaginaire dont les aléas de l’exil et de la maladie l’auront privé. THEMES ABORDÉS L’amour fou, l’amour impossible. L’imposture. L’invention de la vie face aux trahisons du destin. La persistance du pays perdu ; l’omniprésence de l’absence. La puissance immortelle des images et des liens de l’enfance. 194 RÉSUMÉ DÉTAILLÉ 195 Alors qu’il vient de perdre ses parents dans un accident de voiture, Paul Desroches, huit ans, est recueilli par sa grand-mère dans sa maison de Normandie, et fait la connaissance d’Anna, jeune pianiste prodige et petite-fille de madame Thi, voisine et amie de sa grand-mère. Il s’attache aussitôt à elle, fasciné par ses dons comme par son histoire. Issue d’une famille d’exilés vietnamiens qui lui ont légué le goût de la musique, une discipline rigoureuse et un courage sans faille, Anna vit en effet dans le souvenir de ceux qui l’ont précédée. Notamment celui de son grand-père maternel, qui s’est élevé au rang de riche planteur, a édifié une magnifique maison qu’il désirait léguer à ses enfants, et a finalement été forcé d’incendier cette demeure, symbole de sa réussite, pour éviter qu’elle ne tombe aux mains des Français lors de la guerre d’Indochine. Il a bientôt été ruiné et la mère d’Anna, brillante pianiste elle-même, a renoncé à ses velléités artistiques dans l’espoir de restaurer cette grandeur disparue – elle a fait des études scientifiques qui lui ont permis d’obtenir une bourse et de partir pour la France. Puis l’exil, qu’elle pensait provisoire, est devenu définitif avec la guerre du Vietnam et l’instauration du régime communiste… Les deux enfants deviennent toujours plus proches en grandissant, mais doivent se séparer lorsque la famille d’Anna s’installe aux Etats-Unis pour des raisons professionnelles. Paul collecte religieusement les courriers de son amie, où elle lui détaille le programme musical auquel elle s’astreint chaque jour, ainsi que ses premiers succès. Bientôt, cependant, les lettres s’espacent et Paul cesse de recevoir des nouvelles. Persuadé qu’Anna l’a oublié, il se referme sur lui-même. Ce n’est que bien plus tard qu’il apprend les raisons de son silence. Atteinte de la dystonie du musicien – une paralysie de la main qui affecte certains virtuoses – Anna a vu sa carrière brisée net. Incapable de surmonter cette épreuve, elle s’est suicidée en se jetant du dernier étage de sa maison. Devenu producteur de disques, Paul, qui n’a jamais cessé d’aimer Anna, décide de lui offrir le succès et la célébrité qui lui ont été refusés de son vivant. À cet effet, il met en place une géniale imposture. Après avoir choisi des centaines de pièces pour piano jouées par les plus grands interprètes, il fait appel à un ingénieur du son pour les retravailler électroniquement – modifications de tempo, unification des ambiances, etc. Son but ? Constituer à partir de ces enregistrements volés une extraordinaire discographie – tant en qualité qu’en quantité – qu’il va envoyer à la presse et mettre sur le marché, en accompagnant chaque CD de communiqués décrivant l’itinéraire hors normes de leur interprète, Anna Song. Soit une version romancée de celui d’Anna Thi… 196 Anna Song, enfant prodige et surdouée du clavier, s’apprêtait à entamer une carrière fulgurante lorsqu’elle a été frappée par une paralysie de la main dont elle a mis des années à guérir. Ce brutal coup d’arrêt l’a coupée des réseaux traditionnels ; elle a ensuite donné quelques concerts, et sa trajectoire, bien qu’honorable, se serait achevée sans bruit si elle n’avait été une nouvelle fois frappée par la maladie – un cancer, cette fois, qui l’a amenée à se retirer de la scène pour se consacrer à l’enregistrement, avec le soutien moral et technique de son époux Paul Desroches. En ont résulté plus de cent Cds absolument magnifiques, couvrant presque l’intégralité du répertoire pour piano. Enthousiasmés, les journalistes publient des recensions d’autant plus dithyrambiques qu’ils sont tombés amoureux du destin si hollywoodien de cette artiste qui a réussi à achever son grand œuvre alors qu’elle se trouvait aux portes de la mort – si amoureux qu’ils en oublient de vérifier leurs informations. Le succès est immense, les disques se vendent par brassées et la belle Anna devient une figure de légende dont Paul Desroches orchestre la communication avec maestria. Six mois se sont écoulés dans le même climat de ferveur quand un mélomane écrit à un grand magazine pour raconter une mésaventure troublante : désireux de télécharger les Variations Diabelli de Beethoven par Anna Song, il a vu apparaître le nom d’un autre pianiste en lieu et place de celui de cette dernière. C’est le début d’une enquête au terme de laquelle il s’avère qu’Anna n’a enregistré aucun des Cds qui ont fait sa gloire… « L’Annagate » succède à la « Songmania », les journaux se déchaînent et, découvrant une mystification après l’autre, cherchent à contacter un Paul Desroches devenu injoignable. Terré dans la maison de son enfance – celle où Anna et Lui jouaient autrefois sous le regard bienveillant de leurs grands-mères – ce dernier couche sur le papier ses confessions, avoue ses regrets à l’idée d’avoir sali la réputation de celle à qui il désirait au contraire rendre le plus beau des hommages. Décrivant avec douleur les derniers jours d’Anna rongée par le cancer, il exprime le désir de rejoindre sa femme sitôt qu’il aura envoyé son carnet aux journaux. Tous ignorent que dans la réalité, Anna est morte des années plus tôt et que Paul a voulu lui offrir bien plus qu’une discographie : une vie à part entière, où ils se seront retrouvés, et aimés. 197 PERSONNAGES 198 PAUL Paul est un bel homme qui peut avoir entre 40 et 50 ans, intelligent et raffiné, versé dans la musique et les arts en général. Méticuleux, obstiné, fidèle jusqu’à la manie. Très romantique et passionné derrière une apparence calme et raisonnable. Traumatisé, enfant, par l’accident de voiture qui a coûté la vie à ses parents et fait de lui un orphelin, il a reporté son affection sur sa grand-mère et surtout sur Anna, la petite voisine d’origine vietnamienne que sa grand-mère lui a présentée peu après le drame dans l’espoir de briser sa solitude. Toutes ses actions sont sous-tendues par l’amour qu’il porte à Anna, pour qui il a eu le « coup de foudre » sitôt qu’il l’a entendue jouer au piano, avant même de la voir. Il est tombé amoureux de sa musique, puis de sa douceur et de sa beauté, de sa singularité, de son histoire familiale, de ses récits sur le Vietnam. Il n’a jamais désiré qu’une chose, le bonheur d’Anna. S’efforçant depuis l’enfance d’être à la hauteur de l’objet de son idolâtrie – car son amour est inséparable de la fascination, voire la dévotion – il a toujours craint d’échouer. Son attachement pour Anna le fait basculer dans une résolution qui confine à la folie lorsqu’elle disparaît : accablé de remords, persuadé qu’il aurait pu la sauver s’il avait su, il devient dès lors obsédé par l’idée de lui rendre justice, de lui offrir ce qu’elle aurait mérité selon lui – une brillante carrière, la gloire et la célébrité – quitte à commettre une escroquerie qui peut lui coûter sa réputation et sa liberté. Escroquerie qui, par sa grandeur et son audace, dénote une certaine forme de génie. Paul est aussi un créateur, un artiste à sa manière, qui a inventé la légende d’Anna Song, qui a donné à celle qu’il aimait une œuvre et un nom. Il est l’homme pour qui la fiction est plus forte, plus vraie, que le réel, ne serait-ce que parce qu’elle lui permet de faire advenir ce qui n’a pu avoir lieu dans la vie : non seulement la réussite d’Anna mais un amour partagé. Un homme ambigu, à la fois monstrueux et attachant, aussi magnifique que tragique dans son refus d’admettre la réalité. On l’imaginerait bien interprété par un acteur comme Mathieu Amalric. ANNA Une femme d’environ 30-35 ans d’une grande beauté et d’une grande élégance. Souriante, douce, délicate, presque irréelle dans sa grâce. Hantée par son passé familial, elle est d’autant plus déterminée à réussir 199 dans sa carrière pianistique et dissimule une volonté de fer derrière une allure fragile et rêveuse. Très dévouée à sa famille – sa grand-mère notamment, qui l’a élevée – elle témoigne une grande tendresse à Paul, son ami et confident, qui sait tout d’elle, de ses désirs, de ses espoirs et de ses craintes. Tous deux sont poursuivis par le passé, mais alors que Paul est quelqu’un qui vit dans le fantasme, Anna veut croire en un avenir concret, et si Anna est tout pour Paul, l’inverse n’est pas vrai. La vocation d’Anna, ses ambitions artistiques, priment sur l’affection qu’elle a pour Paul. Atteinte de dystonie du musicien et voyant ses aspirations brisées, elle est incapable de faire face à cette situation et préfère se suicider plutôt que de continuer à mener une vie dans laquelle ne se reconnaît pas et qu’elle juge médiocre. Le personnage d’Anna est double lui aussi, mais d’une façon différente : elle est à la fois une artiste surdouée, perfectionniste, absolue, et la compagne idéalisée de Paul, son épouse imaginaire, un rêve qu’il tâche de rendre réel – une présence-absence. LES DEUX GRAND-MERES C’est par le biais de leurs grands-mères que Paul et Anna se sont rencontrés et sont devenus proches. Il faut imaginer deux vieilles dames charmantes et chaleureuses, discrètes, très dévouées à leurs petitsenfants, qu’elles ont élevés (les parents d’Anna travaillant avec acharnement et Paul ayant perdu ses propres parents). Madame Thi, la grand-mère d’Anna, d’origine vietnamienne, est toujours vêtue de couleurs automnales, et porte toutes sortes de châles et de foulards taillés dans des étoffes luxueuses (soie, cachemire), qui la protègent du froid, qu’elle juge redoutable quelle que soit la saison. Elle est très soignée et élégante. Elle ne parle pas français, mais parvient à communiquer avec la grand-mère de Paul par signes, ou par le biais d’Anna, qui traduit ses mots. La grand-mère de Paul porte moins d’attention à sa mise. Douloureusement frappée par la disparition des parents de Paul, elle s’efforce de donner à son petit-fils tout l’amour et l’attention dont il a besoin. C’est quelqu’un d’ouvert et de généreux. Les deux grands-mères deviennent amies presque sans mot dire, en échangeant des sourires et des gourmandises « maison » (pâtés 200 impériaux versus confitures du jardin), et sont ravies de voir leurs petitsenfants devenir amis. Ce sont les gardiennes de l’enfance de Paul et Anna. ROGER CHATTERTON Ingénieur du son et technicien auquel fait appel Paul pour truquer les enregistrements qu’il déclarera réalisés par Anna. Un homme efficace, ayant à cœur de voir le travail bien fait, qui ne soupçonne pas une minute l’imposture montée par Paul. 201 COMMENTAIRES 202 Comme la musique classique qui lui sert de cadre, le livre offre par sa richesse plusieurs interprétations possibles. La Double Vie d’Anna Song recèle à l’évidence la possibilité d’un grand film romantique porté par le souffle de l’amour fou confronté à un destin contraire et par l’omniprésence de la musique. Mais il appartient aussi – par le processus de l’imposture démasquée – au domaine du suspense. C’est dans sa construction que le roman est le plus musical, et sans doute peut-on voir là, dans le dialogue des tonalités, comme du réel et du rêve, de la vérité et de sa réinvention, des indications précieuses quant à l’atmosphère du film et le tissage de ses lignes narratives. On imagine la potentielle séduction d’un récit à la chronologie éclatée dont l’un des enjeux formels et narratifs serait de démêler le vrai du faux et qui serait transmis du point de vue progressivement douteux d’un protagoniste (Paul Desroches) fort peu fiable (mais qui ne se révélerait tel qu’au fil du film, qu’on ne remettrait en cause que progressivement). Cette reconstitution d’une vérité trouble, transmise par une mémoire falsifiée, n’est pas sans évoquer la construction à rebours d’un film comme Memento. Une des principales décisions scénaristiques réside dans le choix de garder (ou pas) tout l’aspect vietnamien du roman qui – s’il induit un changement d’échelle du point de vue de la production – peut être adapté dans la mesure où l’on n’en garderait que son aura de mystère et d’étrangeté, cette opacité impavide plus généreuse qu’elle ne s’affiche, qui évoque irrésistiblement les eaux calmes d’un lac, sous lesquelles se jouent – et demeurent – les plus violentes tragédies. Ainsi sans tomber dans l’illustration obligatoire (et faisant ainsi l’économie de décors « authentiques » mais lointains, de flash-backs peu maniables – et déjouant les risques de l’exotisme), l’adaptation au cinéma pourrait cependant bénéficier de ce qui fait la signature de Minh Tran Huy en tant qu’écrivain : un goût prononcé et une maîtrise rouée des jeux d’échos et des nœuds narratifs filés, ainsi que l’omniprésente absence du pays des origines, le Viêtnam, dont la réalité floutée par le temps et l’éloignement s’enracinent dans un silence peuplé de contes. Enfin, pour développer cette histoire d’amour impossible plus fantasmée que vécue – mais qui prend des proportions médiatiques et publiques considérables – et pour véhiculer le suspense inhérent à l’élucidation du mensonge de Paul Desroches, on pourrait imaginer un personnage de journaliste (absent du livre) qui mènerait l’enquête, prenant en charge la 203 part du récit charriée par les articles de presse dans le roman. En incarnant l’enquêteur, on offrirait ainsi, d’une part un interlocuteur à Paul (dans un vif dialogue vérité/affirmation mensonge), et d’autre part un axe narratif, producteur de rythme et de suspense, au film lui-même. CONCLUSION Un beau film couve sous ce livre. Le roman est (très librement) inspiré d’une histoire vraie : le scandale qui a éclaté autour des enregistrements de la pianiste britannique Joyce Hatto (1928-2007). Celle-ci est devenue célèbre sur le tard, quand des copies non autorisées d’enregistrements faits par d’autres pianistes furent commercialisées sous son nom, et saluées par la critique. La supercherie ne fut découverte que quelques mois après sa mort. Dans le roman, Minh Tran Huy excelle dans l’utilisation – la réinterprétation, la réinvention – du talent de la réalité pour raconter une histoire follement romantique d’amour et de trahison, de grands espoirs et de déceptions profondes. La maîtrise narrative, l’atmosphère enivrante, la richesse des personnages et l’universalité des thèmes font de La Double Vie d’Anna Song une généreuse source d’inspiration pour un film plein de suspense et de poésie, sur le destin d’un indestructible amour. REFERENCES CINEMATOGRAPHIQUES On imagine assez naturellement ce qu’une Jane Campion pourrait faire de cette histoire qui est finalement le portrait aussi détaillé qu’inventé d’une femme fictive, inspirée des insurpassables émerveillements du premier amour. PRIX LITTERAIRES Prix Pelléas 2010 Prix Drouot 2010 204 EXTRAITS DE PRESSE « En dotant son héroïne d’une riche famille dans la région de Nha Trang, marquée par les spoliations et l’exil, après la chute de Saigon, et d’une indestructible culture mi-bouddhiste, mi-confucéenne, comme en lui prêtant un mari sans racines, l’auteur donne à cette usurpation une forme d’humanité et en fait le ressort d’un romantisme de l’exil, où les mélodies de Liszt s’uniraient aux effluves de mousson pour engendrer, sous le climat tempéré de l’Ile-de-France, un art total. » Claude Arnaud, Le Point « La force de ce deuxième roman aux accents murakamiens tient à sa brillante narration. Un livre vertigineux. » Baptiste Liger, L’Express « Minh Tran Huy nous entraîne dans un jeu de miroirs d’autant plus troublant qu’il s’orchestre dans une écriture limpide. Jusqu’à la dernière page, elle conjugue passion et trahison, suspense et légende, nostalgie d’un Viêtnam lointain et tragédie silencieuse. La construction, alternant articles de presse et confession de Paul, diffuse l’émotion subtilement. » Evelyne Bloch Dano, Marie Claire « Un étonnant roman autour du faux qui sonne drôlement juste. » Isabelle Lortholary, Elle « Par une construction tendue, l’auteur évite le piège du sentimentalisme pour mieux décrire la férocité d’une réalité qui nourrit les uns et brise les autres. Le mensonge devient alors le seul moyen d’échapper au silence, de prolonger le souvenir, ou de la parfaire… jusqu’à l’imposture. » Christine Ferniot, Télérama TRADUCTIONS Italien, La Doppia vita di Anna Song, trad. Riccardo Fedriga & Elena Sachhini, Neri Pozza, 2010 Coréen, Hyundaemunhak Publishing Co Ltd, 2010 Espagnol, La Doble vida de Anna Song, trad. Manuel Serrat Crespo, Navona editorial, 2014 205 EXTRAITS 206 Extrait p. 75-76 ; Actes Sud Le souvenir : ce qui reste à ceux qui ont le temps, qui ont le choix. Anna et moi avions chacun nos morts, et cela ne nous empêchait nullement de vivre dans le souvenir – le fantasme – de ce qui avait été. A cet égard, nous nous ressemblions, tous deux calmes, réservés, et nostalgiques. Mais j’étais un enfant éteint, étourdi par la disparition de ceux dont j’avais imaginé qu’ils seraient toujours là, veillant sur ma petite personne qu’il neige ou qu’il vente, que la terre tremble ou que le ciel brûle. Anna, au contraire, était forte. Son allure fragile dissimulait une volonté plus dure à briser qu’une lame d’acier. En elle brillait le désir d’accomplir de grandes, de belles choses. Une flamme l’illuminait dès qu’elle s’adonnait à la musique ou me parlait de l’empire fugitif sur lequel avait régné son grand-père et que sa mère avait espéré ressusciter. Elle était portée par une énergie que j’avais perdue, à moins que je ne l’aie jamais eue. J’étais un doux rêveur ; elle poursuivait un rêve qu’elle s’était promis de réaliser, devenir une artiste reconnue puis- qu’elle avait le talent et la ténacité nécessaires, et aucun obstacle à affronter qui fût comparable à ceux qui avaient barré la route de ses parents et grands-parents, les forçant à renoncer à leurs aspi- rations. Anna était à sa juste place face à son piano. La musique, qui lui était aussi nécessaire que l’air que nous respirions, l’emplissait d’un bonheur intense, où la joie se mêlait au sentiment du devoir non pas accompli, mais en passe de l’être : Anna voulait se montrer digne de ceux qui l’avaient précédée. Je ne voulais rien d’autre que demeurer auprès d’elle. Mon vœu fut exaucé pour les deux ans qui suivirent. Deux ans durant lesquels ma vie s’est déroulée au rythme de mes visites chez Anna. En évoquant l’histoire de sa famille, qui participait du charme mélancolique qui émanait d’elle, elle m’a fait entrer dans son univers. Cela faisait déjà un moment que nous allions à l’école ensemble, en revenions ensemble, goûtions ensemble, faisions nos devoirs ensemble – que nous riions, discutions ou gardions de pair le silence. Mais les confidences d’Anna, auxquelles ont répondu les miennes, ont marqué une nouvelle étape dans nos relations. Il me semblait parfois avoir troqué l’héritage que mes parents n’avaient pas eu le temps de me transmettre contre le sien, comme si endosser la mémoire de personnes inconnues offrait un exutoire à mon chagrin, tout en me rapprochant de l’une des seules personnes qui me soient chères. Nous nous quittions avec tant de répugnance, Anna et moi, que ma grand-mère en est venue à nous surnommer “les inséparables”, en référence à ces oiseaux dont on dit qu’ils ne peuvent vivre qu’en couple. 207 LA GARCONNIERE Titre original La garçonnière Auteur Hélène Grémillon Nationalité Français Pages 368 Editeur Flammarion © Epoque Contemporaine Lieux Milieu urbain Genre Drame [2013] 208 PITCH Lisandra, belle et charismatique jeune femme, est l’épouse de Vittorio, un psychanalyste. Une nuit, elle est retrouvée morte, défenestrée de son appartement. La police soupçonne Vittorio. Mais Eva Maria, une patiente, est convaincue de son innocence. Elle va mener sa propre enquête et lever le voile sur les mystères de Lisandra. INTRIGUE Au commencement fut un coup de foudre: celui du psychanalyste Vittorio Puig pour Lisandra, jeune femme "étrangement belle", danseuse de tango exceptionnelle. Quelques années plus tard, alors que leur couple bat de l'aile, c'est le coup de grâce: Lisandra défenestrée du cinquième étage, son corps sans vie sur le trottoir, des traces de dispute dans l'appartement. Le mari fait figure de coupable idéal. Les témoignages de sa mésentente avec la victime se multiplient. Il est incarcéré fissa. Mais Eva Maria, l'une de ses patientes, amoureuse de son thérapeute croit en son innocence et va mener l'enquête. Cette vulcanologue ne se remet pas de la disparition de sa fille, Stella. Boire l'aide à oublier, soutenir le Dr Puig aussi. A partir des enregistrements de ses dernières séances avec certains patients, plusieurs suspects émergent: Alicia, qui en veut aux femmes jeunes; Felipe, tortionnaire qui veut protéger son sombre secret; Miguel, pianiste emprisonné par la police politique et qui aurait voulu se venger de Puig. Eva Maria doute, tergiverse, poursuit son enquête. Pour cela elle marchera dans les pas de Lisandra, au point de s’y perdre, comme dans l’alcool. Esteban, son fils de 20 ans, assiste impuissant à la destruction de sa mère par le fantôme de sa sœur disparue. Eva Maria revient sur les derniers moments de Lisandra, découvre qu’elle a des amants, qu’elle leur impose un rituel sexuel répétitif. Ce serait son seul chemin vers le plaisir. Puis elle va à la rencontre de son vieux professeur de Tango, Pepe, qui lui parle de la jalousie maladive de Lisandra, qui la détruit et la ronge. Le vieux Pepe donne quelques clés sur ce dernier après-midi. Elle lui aurait demandé de l’accompagner dans cette étrange boutique de jouets pour acheter des petits chats en porcelaine. A force de chercher, Eva Maria devient pour la police la suspecte idéale, et disculpe Vittorio. 209 La police vient pour arrêter Eva Maria, mais c’est Esteban qui s’accuse du crime, pour donner une bonne leçon à cet enfoiré de Puig. Qu’il comprenne ce que c’est que de perdre l’être le plus cher. Esteban est condamné mais c’est la voix de Lisandra qui nous révèle le secret de sa mort. Elle a échoué à se tuer pour faire condamner et punir l’homme qui tient la boutique de jouets, qui vend des petits chats de porcelaine, et qui la viola, elle enfant, lorsqu’il était adolescent. THEMES ABORDES Ce roman aborde les relations entre les hommes et les femmes, et plus précisément la jalousie qui peut détruire un couple. Une jalousie qui inévitablement produit des incompréhensions, un manque de communication et même parfois, des tragédies. La garçonnière est aussi l’histoire émouvante de personnes meurtries par la vie. Secrets de famille, honte, souvenirs douloureux, blessures d’enfance : le poids du passé peut parfois devenir insupportable. A travers Eva Maria, le spectateur vit également la douleur d’une mère qui a perdu son enfant. Elle est prisonnière d’une spirale descendante. Le rôle de la psychanalyse est central dans le roman. Le lecteur, grâce à Eva Maria, découvre les dernières sessions de Vittorio avec ses patients, nous permettant ainsi d’être le témoin du travail fascinant d’un psychanalyste. 210 RÉSUMÉ DÉTAILLÉ 211 Au commencement fut un coup de foudre: celui du psychanalyste Vittorio Puig pour Lisandra, jeune femme "étrangement belle", danseuse de tango exceptionnelle. Quelques années plus tard, alors que leur couple bat de l'aile, c'est le coup de grâce: Lisandra défenestrée du cinquième étage, son corps sans vie sur le trottoir, des traces de dispute dans l'appartement. Le mari fait figure de coupable idéal. Les témoignages de sa mésentente avec la victime se multiplient. Il est incarcéré fissa. Mais Eva Maria, l'une de ses patientes, amoureuse de son thérapeute, dans un phase totale de transfert amoureux, croit mordicus en son innocence et va mener l'enquête. Cette spécialiste des volcans ne se remet pas de la disparition de sa fille, Stella. Boire l'aide à oublier, soutenir le Dr Puig aussi. A partir des enregistrements "sauvages" de ses dernières séances avec certains patients, plusieurs suspects émergent: Alicia, qui en veut aux femmes jeunes d'accaparer les hommes; Terriblement jalouse de Lisandra, elle aurait pu tuer la jeune femme qui représente la beauté qu’elle a perdue. Felipe, tortionnaire qui aurait pu souhaiter faire disparaitre Lisandra pour protéger son sombre secret ; En écoutant sa séance, Eva Maria réalise qu’il est peut-être impliqué dans l’enlèvement de sa fille. Miguel, pianiste emprisonné par la police politique et qui aurait voulu se venger de Puig d’avoir accepté un patient tel que Felipe. Eva Maria doute, tergiverse, poursuit son enquête. Pour cela elle marchera dans les pas de Lisandra, au point de s’y perdre, comme dans l’alcool. Esteban, son fils de 20 ans, qui est vivant et présent lui, assiste impuissant à la destruction de sa mère par le fantôme de sa sœur disparue, il n’y tient plus. Eva Maria revient sur les derniers moments de Lisandra, découvre qu’elle a un ou des amants, qu’elle leur impose un rituel sexuel répétitif, qui fait de chacun l’objet sexuel de l’autre. Ce serait son seul chemin vers le plaisir. Puis elle va à la rencontre de son vieux professeur de Tango, Pepe, qui lui parle de la jalousie maladive de Lisandra, qui la détruit et la ronge. Tous ses patients, ses patientes, la menacent, l’éloignent de son mari. 212 Se serait-elle suicidée par jalousie ? Pour punir son mari de la délaisser ? Le vieux Pepe donne quelques clés sur ce dernier après-midi, lui qui fut le dernier à la voir vivante. Elle lui aurait demandé de l’accompagner dans cette étrange boutique de jouets pour acheter des petits chats en porcelaine. A force de chercher, de s’immiscer, de revenir sur les lieux du drame, Eva Maria devient pour la police la suspect idéale, et disculpe Vittorio par son acharnement. La police vient pour arrêter Eva Maria, mais c’est Esteban qui s’accuse du crime, pour donner une bonne leçon à cet enfoiré de Puig qui aura permis que sa mère avoue qu’elle aurait préféré voir sa fille épargnée plutôt que son fils. Qu’il comprenne ce que c’est que de perdre l’être le plus cher. Esteban est condamné mais c’est la voix de Lisandra qui nous révèle le secret de sa mort. Elle a échoué, échoué à se tuer pour faire condamner quelqu’un. Son objectif était que sa mort punisse l’homme qui tient la boutique de jouets, qui vend des petits chats de porcelaine, et qui la viola, elle enfant, lorsqu’il était adolescent et que sa mère gardait Lisandra. Elle a retrouvé sa trace par hasard, et son plan était de le séduire et de l’attirer chez lui un soir, ce qu’elle a fait. Elle voulait que la police l’accuse de son meurtre, puisqu’il aurait laissé des indices derrière lui. Désespérée, elle se suicide sous ses yeux, pensant être vengée plus tard. Mais cela ne sera pas le cas, elle meurt sans revanche, victime jusqu’au bout et tout au long de sa vie. 213 PERSONNAGES 214 LISANDRA Lisandra est une belle et élégante jeune femme aux cheveux noirs (28 ans). Athlétique, elle danse le tango, une passion très importante dans sa vie. Mais Lisandra est une personne fragile, constamment anxieuse. Elle a peur du noir et quand elle est seule dans son appartement, elle s’enferme à double tour de peur qu’un inconnu pénètre chez elle. C’est également une femme pleine de mystères, qui cache beaucoup de choses à son mari. Elle a eu des relations avec d’autres hommes, des adultères basés seulement sur le sexe et des règles très strictes édictées à ses amants. Sa relation avec Vittorio est compliquée. Elle est rongée par la jalousie et a l’impression que son mari s’est lassé d’elle, que c’est un phénomène inévitable dans un couple. Sa jalousie va peu à peu se transformer en une constante paranoïa qui va littéralement la détruire. Elle ne peut même pas en parler à son mari, car elle ne veut pas apparaître comme une patiente à ses yeux. Les blessures de Lisandra viennent du passé, quand elle était enfant elle a été sexuellement abusée par le fils de sa babysitter. Elle n’en a jamais parlé à personne et ce fardeau aura de terribles conséquences. VITTORIO Vittorio est un psychanalyste âgé de 51 ans dont les méthodes sont assez peu conventionnelles. Il enregistre les séances de ses patients à leur insu. La manière dont il a rencontré Lisandra est très particulière : à l’origine, c’était une patiente, elle est venue sonner à sa porte au hasard, car elle cherchait quelqu’un à qui parler. Vittorio est tombé amoureux d’elle et a tout fait pour retrouver sa trace alors qu’elle ne lui avait même pas dit son nom. Cependant, ces derniers temps, sa relation avec Lisandra s’est détériorée, ils se sont éloignés l’un de l’autre. La paranoïa de Lisandra le suffoquait. Il a fini par la tromper, comme pour s’échapper de la tristesse de cette relation. Le paradoxe chez Vittorio réside dans le fait que bien qu’il soit psychanalyste, il n’a pas été capable de connaître réellement sa femme. Il ne percera jamais son secret. 215 EVA MARIA Eva Maria est une scientifique, spécialisée dans l’étude des volcans. Elle a environ 50 ans. Eva Maria agit comme un fantôme dans sa propre maison. Depuis que sa fille a disparu, elle souffre d’une grave dépression. Elle a un fils, mais elle l’ignore complètement. Elle est alcoolique. Elle va tout faire pour découvrir la vérité au sujet de la mort de Lisandra. Evidemment, son enquête va l’aider à se détourner de la perte de sa fille, l’aider à se focaliser sur un autre sujet. Mais elle a également besoin de la présence de son psychanalyste. Sans ses séances avec lui, elle ne pourra pas s’en sortir. Même s’il n’y a pas de liaison amoureuse entre Vittorio et Eva Maria, leur relation est très forte. 216 COMMENTAIRES 217 La garçonnière aborde des sujets tels que la jalousie et l’obsession et en ce sens, la manière dont ces thèmes sont traités rappelle le film La fin d’une liaison réalisé par Neil Jordan, avec Ralph Fiennes et Julianne Moore. L’auteur maîtrise remarquablement la construction de ses personnages, qui dévoilent au fur et à mesure leur secrets et blessure du passé. Même si les histoires sont complètement différentes, le personnage de Lisandra rappelle celui de Kate Winslet dans The Reader ou Rosamund Pike dans Gone Girl (également des adaptations de romans). Toutes les trois sont des énigmes, des personnages charismatiques qui peuvent faire preuve d’une certaine rigidité ou froideur. De plus, ces deux films partagent avec le roman des similitudes en termes de structure narrative. Tout d’abord, l’importance des flashbacks. Ces derniers sont parfaitement maîtrisés dans ces deux films. Le suspense est également un point commun majeur entre Gone Girl et La garçonnière. Le casting de La garçonnière aura besoin de deux acteurs très charismatiques pour incarner Lisandra et Vittorio. Pour Vittorio : Robert Downey Jr, Mads Mikelsen, Liam Neeson ou Bryan Cranston. Pour Lisandra : Marion Cotillard, Anne Hathaway, Natalie Portman, Rose Bryne. Le rôle de la psychanalyse est central dans ce roman. Les séances qui intéressent le lecteur passionneront également le spectateur, et renforceront le suspense du film. La série télévisée In Treatment a démontré que les séances et le travail d’un psychanalyste pouvaient captiver les spectateurs. CONCLUSION La garçonnière est un suspense captivant qui tient le lecteur en haleine de la première à la dernière page. La puissance de ce roman tient également par sa richesse : ce n’est pas seulement une simple enquête mais également un drame conjugal, dont le thème principal est la jalousie qui peut détruire un couple. Mais c’est aussi un roman émouvant, où gravitent des personnages blessés par la vie. 218 REFERENCES CINEMATOGRAPHIQUES - The Reader de Stephen Daldry - The end of an affair de Neil Jordan - Gone Girl de David Fincher - Closer de Mike Nichols - The Fugitive d’Andrew Davis AUTRE INFORMATION Ventes de 40.000 exemplaires à ce jour TRADUCTIONS Droits étrangers vendus pour les langues suivantes : allemand, anglais, italien, néerlandais, hébreu, grec, japonais et norvégien. 219 EXTRAITS 220 Page 36 « Ce n’est pas parce qu’on a l’air malheureux qu’on n’est pas coupable ». Page 88 « La manière dont une séance se termine n’est jamais un hasard, le patient en arrive là où il devait en arriver. S’il y a bien un endroit où le hasard n’existe pas, c’est dans un cabinet de psychanalyste ». Page 204 « Le propre de certains amants, c’est parfois de rendre les femmes à leurs maris plus amoureuses que jamais » Page 222 “Quand les autres éclataient de rire, elle ne faisait que sourire, c’est une des choses que j’ai tout de suite observées chez Lisandra : elle ne faisait pas de bruit ». Page 241 « Quand l’amour commence, un sablier quelque part se retourne et on se dirige inlassablement vers la fin » « La jalousie ne choisit pas celui ou celle qu’elle va animer, c’est plus torve, plus collectif, plus génocidaire. La jalousie ne veut pas détruire une seule personne, elle veut détruire un couple. » Page 244 « J’ai su que j’allais perdre Vittorio. Une autre allait prendre ma place. Lui apporter cette nouveauté que je ne pourrais plus jamais lui apporter. Comme l’eau qui s’étend, implacable, la jalousie s’est étendue partout, a investi le moindre interstice de ma vie, de mon raisonnement, de mes émotions. De mon identité ». 221 HELL SCHOOL Titre original HELL SCHOOL Auteur ERS & DUGOMMIER Nationalité France Pages 3 X 48 PAGES Editeur Le Lombard ©, [2013] Epoque Contemporaine Lieux Ile – Ville Genre Thriller 222 PITCH « Marche ou crève », telle devrait être la devise de l’Institut de l’Excellence, où les accidents mortels étant monnaie courante pour les plus faibles. Un groupe de quatre lycéens tente de se rebeller pour y survivre. Réalisant que cette école d’élite est liée à un trafic d’orphelins aussi cruel qu’immoral ils découvrent que leur pire ennemi pourrait bien être le plus grand défenseur de l’humanité… INTRIGUE Bastien, Hina et Boris sont « condamnés » à passer 3 ans à l’Institut de l’Excellence, une école pilote réservée à l’élite, située sur une île. En refusant de se plier au rituel initiatique du lycée, ils doivent souffrir l’exclusion violente de la part des autres élèves et supporter d’être surnommés les « bâtards ».À Franck, le président des élèves, de s’assurer avec l’aide de ses troupes qu’ils vivront un véritable enfer: privations, harcèlement, tout est bon pour les faire flancher. Bastien, un soir qu’il fuit un groupe ayant décidé de lui couper les cheveux de force, découvre une plaque en souvenir d’un élève mort sur l’île. En enquêtant avec Hina et Boris, il comprend que plusieurs anciens « bâtards » ont disparus à la suite d’accidents mortels et qu’ils pourraient, tous les trois, être également en danger de mort! Sous prétexte de devoir laver l’honneur de l’école, Franck reçoit l’ordre d’éliminer Bastien mais il échoue. Cette tentative de meurtre motive d’autant plus Bastien et ses acolytes à faire tomber l’école et en dénoncer les meurtres. Profitant de fêter Noël sur le continent, Bastien fugue et remonte la piste d’un des élèves disparu, orphelin et exclu, tout comme lui. Il découvre qu’ils ont partagé la même famille d’accueil, celle qui lui a imposé des années d’éducation stricte à la limite de la torture psychologique. Pendant que ses complices retournent en cours et obtiennent plus d’informations, il découvre enfin et au péril de sa vie la vérité sur l’homme qui se cache derrière tout cela: Henry Mennert, orphelin, n’a pu compter que sur lui-même pour gravir les échelons de la haute société en passant par l’Institut. D’une empathie et d’un altruisme sans faille, il a construit un empire en investissant dans les pays du Tiers-Monde pour en revaloriser les richesses. Convaincu de la justesse de sa cause et que son parcours personnel était la clé de sa réussite, il a mis en place un réseau de mères porteuses et un programme 223 d’éducation destiné aux orphelins pour qu’ils revivent sa vie à l’identique et développent ses qualités altruistes. Le passage par l’Institut étant devenu le test ultime, Bastien comprend qu’il a retrouvé son père mais surtout que quantité de ses demi-frères ont été manipulés voire tués. Que lui reste-t-il quand il réalise que la dénonciation de l’homme qui a tout orchestré provoquerait la chute de l’empire financier le plus désintéressé que le monde ait jamais porté ? THEMES ABORDES Histoires d’amitiés Meurtres Enlèvements, disparitions Héritages Quête du passé Complot Clonage Lutte pour la survie Enquête Règles de vie en groupe Jeunes abandonnés à eux-mêmes Discipline rétrograde Rejet / Acceptation 224 RÉSUMÉ DÉTAILLÉ 225 Il y a 10 ans, début janvier, un groupe de jeunes en uniforme attend d’embarquer dans un bateau de transport. Quand l’embarcation arrive, l’un d’eux, « le bâtard » est interdit de séjour dans la cabine et devra attendre à l’extérieur. Un des jeunes décide d’aller voir ce qu’il devient. À peine dehors, il se précipite sur lui et le jette par-dessus bord. Aux autres, il expliquera qu’il n’y avait personne sur le pont et que le bâtard était probablement resté à quai. Dix ans plus tard, sous un soleil radieux, on découvre sur une île privée l’Institut de l’Excellence où se rend un groupe de jeunes lycéens. Il s’agit de la nouvelle promotion. Deux étudiants font déjà bande à part, Bastien, un jeune rasta et Hina, une grande fille aux cheveux bleus et piercing. À peine débarqués, les étudiants sont convoqués par le directeur qui leur rappelle le règlement très strict de l’établissement : pas de téléphone portable, port de l’uniforme obligatoire et coupe de cheveux réglementaire… la liste est longue! Un rituel de plusieurs jours est organisé par les anciens auquel chaque étudiant est fortement convié. Les étudiants qui refuseront de se plier au bizutage ou ne correspondraient pas à la mentalité n’auront pas le droit de porter l’écusson de l’école et resteront en marge ! Surnommés les bâtards, ils devront subir, en véritable défouloirs pour les autres, les pires humiliations et exclusions : derniers autorisés à passer à table, logés dans un ancien bâtiment de service loin des dortoirs communs, sujet continuels de moqueries et rabaissements divers, le tout, sous la bienveillance du Directeur de l’école bien entendu. Dans ce nouvel environnement, Bastien, altermondialiste patenté a bien du mal à trouver sa place. Quand un groupe d’élèves l’attaque pour lui couper les cheveux de force, il réussit à prendre la fuite et sème ses poursuivants en empruntant un ancien sentier de douaniers. Au bout du chemin, il est brusquement rappelé à plus de prudence en tombant sur une stèle en souvenir d’un élève qui aurait fait une chute dans le vide. Le danger est bien réel. Le rituel commence et Bastien et Hina vivent officiellement leurs premières heures d’outcast loin du groupe en attendant que les cours reprennent. Boris ne tardera pas à les rejoindre, exclu lui aussi du cercle des privilégiés au motif qu’il n’arrive pas à canaliser sa violence. Les musiques de la fête de clôture du rituel sonnent comme un glas pour les bâtards, les voici unis par leur triste sort ! A l’autre bout de l’île, ils en 226 profitent pour se livrer et expliquent leurs présence sur l’île: Boris a été envoyé par son père pour s’endurcir et être moins « cool ».Hina s’entend tellement mal avec ses parents adoptifs (elle est d’origine maori) qu’ils l’ont envoyé sur l’île pour la recadrer. Bastien quant à lui, est orphelin, il n’a vécu qu’en famille d’accueil et institutions et n’a pas de parents. Il ne comprend pas quelle institution l’a envoyé sur l’île ni qui a pris sa scolarité en charge. Valérie, une étudiante réservée qui vient de découvrir que son père, prof de math de l’école, couche avec les élèves de terminale pour améliorer leurs notes, tente timidement de rejoindre le groupe des exclus mais se heurte à un refus catégorique. Les « bâtards » ayant peur d’un nouveau piège. Après la cérémonie de clôture, dans le bureau du directeur, Franck, le président du rituel, doit s’expliquer devant deux anciens présidents de la présence de trois « bâtards » dans ses rangs. L’un d’eux, une version plus âgée de 10 ans du meurtrier de la première scène, lui explique qu’ils ont tous deux dû se charger du même problème et l’éliminer de leurs propres mains et qu’avec trois « bâtards » au sein de sa promotion, Franck doit prendre la même décision. Le directeur lui propose de choisir au hasard un des trois billets au dos desquels il a inscrit le nom des exclus et c’est le nom de Bastien qui est retenu. Mais à peine Franck est-il sorti que le directeur rassemble les billets restant, eux aussi au nom de Bastien… Peu de temps après cet entretien, un couple vient justement se recueillir auprès de la plaque commémorative du garçon tombé de la falaise. Ils n’étaient pas les parents de l’enfant mais seulement les voisins chez qui il passait la plupart de son temps. Bastien surprend deux professeurs, en train de discuter d’un cas similaire, un élève aurait péri en mer en tombant d’un bateau pendant la traversée. Il fait le rapprochement et décide de mener une rapide enquête. Il découvre que les deux élèves disparus étaient tous deux des « bâtards ». Dans un premier temps ils comprennent ensemble que, les harcèlements allant trop loin, l’Institut a préféré cacher ces accidents regrettables pour préserver sa réputation sans pour autant agir par la suite. Mais en poussant leurs recherches, ils apprennent qu’en plus d’être des bâtards, les élèves étaient également orphelins ! De quoi donner de sérieuses angoisses à Bastien et Hina qui se sentent tout de suite moins en sécurité ! A ce titre, Franck lutte avec sa conscience, s’il a trouvé un moyen de tuer Bastien en déclenchant un effondrement de rochers non loin de la plage qu’il côtoie, il n’a pas l’étoffe d’un assassin et se persuade qu’il le fait pour 227 l’honneur de l’école. Mais quand il passe à l’action, Bastien se jetant sur le côté évite de justesse le bloc de pierre qui lui aurait été fatal ! Convaincu que la course contre la montre a commencé, les « bâtards » acceptent d’inclure Valérie à leur bande pour faire du chantage auprès de son père et récupérer un maximum d’informations. Les vacances de Noël approchant à grand pas, chacun sera de retour sur le continent et Bastien à bien l’intention de mettre cette occasion à profit pour percer le secret des meurtres en série et questionner les voisins du jeune homme retrouvé en bas de la falaise. Pendant ce temps, Franck, que la présence de Bastien a mis sous les coups de projecteurs des sbires du Directeur, subit une remontrance musclée : s’il ne s’occupe pas de Bastien à la rentrée, c’est lui qui risquerait bien d’être la prochaine victime d’un accident regrettable… Enfin de retour sur le continent, Bastien ne perd pas de temps et fait une fugue pour se rendre à l’adresse indiquée par le père de Valérie pour retrouver le couple de voisin. Rassuré de constater que ses recherches avancent bien, il contacte Hina mais une fois devant la maison, il reste sans voix malgré les inquiétudes d’Hina qui l’exhorte à lui expliquer ce qui lui arrive… Il est en train de réaliser que la maison du jeune élève disparu n’est autre que la maison d’une de ses familles d’accueil dans laquelle il a passé plusieurs années de son enfance ! Epiphanie d’autant plus troublante que c’était justement cette famille d’accueil qui lui a fait subir une éducation des plus strictes, à la limite de la torture psychologique. Bastien revis en quelques secondes les traumatismes de son enfance que lui ont infligé cette famille d’accueil froide et austère : ils lui tendaient des pièges pour qu’il apprenne à ne faire confiance à personne en le laissant s’électrocuter avec une prise de courant par exemple. Troublé, il en oublie sa mission première et se faufile dans la propriété pour les espionner. Dans le jardin, un garçon est déguisé en cow-boy, bâillonné et attaché à un arbre. Bastien se souvient avoir vécu la même scène, son tuteur l’invitait alors à répondre à la question : « Quel est le plus important : Connaître ses vrais parents ou boire et manger ? » Au bout de plusieurs heures, affaiblit et aussi affamé qu’assoiffé, il reconnaissait finalement que boire et manger était effectivement plus important. De peur d’avoir été repéré en entendant les sirènes d’une 228 voiture de police, il prend la fuite et décide de remettre à plus tard son enquête. Alors qu’Hina, Valérie et Boris s’apprêtent à bientôt retourner sur l’île, ils effectuent un virement sur le compte de Bastien pour l’aider à survivre avec plus de confort pendant sa fuite. Malheureusement, ce dernier est étroitement surveillé par le directeur et un certain Henry Mennert qui suit de très près les événements de l’école et qui semble avoir de nombreuses connections. Les mouvements de sa carte sont localisés et il est vite retrouvé par les hommes de main du directeur. Quand ils retrouvent sa piste, ils le suivent patiemment jusqu’à ce qu’il se retrouve seul. Celui qui avait déjà jeté son camarade par-dessus bord 10 ans plus tôt tente de le poignarder mais il hésite pendant quelques instants et décide finalement de l’épargner et empêche son collègue de finir son travail en hurlant à Bastien de fuir et de disparaître. Celui-ci en profite pour prendre la fuite pendant que les hommes de mains se battent entre eux, jusqu'à ce que l’autre poignarde son collègue qui n’a pas su se montrer à la hauteur. D’abord terrorisé par cet évènement, Bastien se reprend vite et comprend qu’étant l’homme à abattre, il doit se débarrasser de tout ce qui pourrait le trahir. Il jette son téléphone à l’arrière d’un camion et reprend la fuite. Henry Mennert, l’homme qui le surveille d’aussi près, est en réalité le président de la Mennert Fair Trade Industries. Une puissante compagnie internationale qui installe des usines vertes et équitables dans les pays du Tiers-Monde. Dans le respect de l’environnement, il redistribue ensuite les richesses sur place pour qu’elles profitent aux habitants. En somme, l’une des compagnies les plus bénéfiques pour la répartition des richesses et le développement des pays du Tiers-Monde que le monde ait connu. Le sachant prêt à découvrir le pot aux roses, Henry Mennert déclenche la « procédure d’urgence » pour couper court aux recherches de Bastien si d’aventure ils n’arrivent pas à l’arrêter. On apprend alors l’incroyable machination qui se cache derrière la Mennert Fair Trade Industries : un réseau de cinq familles d’accueil aussi strictes apparemment que celle de Bastien sont appelées à déménager dans la minute. Pire ! Une résidence de procréation et de gestation serait également concernée car occupée actuellement… par une mère porteuse ! A quel marché un tel réseau d’élevage d’enfants profite-t-il ? Et quel rapport existe-t-il avec la 229 compagnie si altruiste et pleine de bonnes intentions qu’est la Mennert Fair Trade Industries ? Les brimades et humiliations ont repris de plus belle sur l’île pour Hina et Boris et loin de s’imaginer ce qu’endure Bastien, chacun parmi les élèves y va de son petit mot facile pour accuser la faiblesse dont il fait preuve de n’avoir pas oser revenir. Mais si la prochaine victime désignée par le directeur à Franck semble être Hina, le trio continue de déterrer les secrets de l’île. C’est Valérie qui relance l’enquête en découvrant, qu’au pied des terrasses de l’établissement, se trouve une autre stèle, confondue dans la végétation et faisant état de la disparition d’un étudiant… il y a plus de 40 ans ! Réussissant à pénétrer les archives de l’école ils découvrent dans le carnet de scolarité de l’époque que l’élève tué du haut des terrasses était de la même année de promotion que le directeur mais surtout qu’il était lui aussi un « bâtard » ! Plus troublant encore, en tournant les pages du livre ils réalisent que le président du rituel, un certain Henry Mennert, était par contre un orphelin ! A l’aide d’un téléphone à carte prépayée, Bastien appelle ses complices pour faire le point. Leurs informations mises en commun tout semble désigner la Mennert Faire Trade Industries et surtout Henry Mennert. Celui-ci devant justement recevoir une distinction pour son œuvre en tant que fer de lance dans l’industrie du commerce équitable, Bastien compte bien aller le provoquer publiquement pour qu’il avoue le fin mot de l’histoire. Mais Mennert dispose d’un service de renseignement efficace et intercepte Bastien avant la remise de son prix, il ne tient plus à l’éliminer, Bastien ayant fait preuve de tant d’intelligence et d’obstination qu’il la convaincu de lui devoir des explications… l’heure de la confrontation et de la vérité a enfin sonné ! Né orphelin, Henry Mennert a très vite développé une certaine empathie pour les plus défavorisés. En grandissant, il s’est forgé un caractère hors du commun qui l’a amené à l’Institut de l’Excellence dont il est très vite devenu le président du rituel. Avec les années, il a commencé à investir dans le monde pour créer la Mennert Fair Trade Industries. Inquiet de sa succession et persuadé que seule une personne ayant vécu ce qu’il a vécu serait capable de poursuivre son œuvre, il a « créé » une série d’orphelins et élaboré un programme d’éducation strictement identique à son parcours personnel. C’est lui qui tirait depuis le début les ficelles avec 230 l’aide du Directeur, son ami d’enfance. En dépit du parcours atypique de Bastien qui n’a pas du tout suivi le programme qu’on avait défini pour lui, Mennert reconnaît qu’ils aspirent finalement l’un et l’autre au même idéal et a compris ces derniers jours que c’est lui le successeur qu’il attendait depuis tant d’années ! Malgré les horreurs qu’il vient d’entendre et en dépit de toutes les manipulations dont il a été l’objet toute sa vie durant, Bastien se retient à la dernière seconde de dénoncer le scandale, la chute de la Mennert Faire Trade Industries ferait plus de victimes que Mennert n’en n’a fait luimême… De retour sur l’île, le directeur, au motif que les brimades ont assez duré, fait passer l’ordre parmi les élèves de cesser leurs harcèlements. On explique à Franck qu’il a fait partie d’une expérience psychologique et que son dernier test face à autant de pression a révélé chez lui des qualités humaines hors du commun. Quant à Bastien, s’il réfléchit sérieusement à reprendre la Mennert Faire Trade Industries, il pense également aux alliés de confiance dont il aura besoin à l’avenir, Hina, Boris et Valérie accepteront-ils de le suivre dans cette aventure ? 231 PERSONNAGES 232 BASTIEN Homme - 15 ans. Roux avec des dreadlocks, porte un sweat à capuche aux couleurs de la Jamaïque. Esprit vif, libre, calme et réfléchi. A une nette tendance à l’altermondialiste, en opposition totale donc avec la mentalité de l’école. Bastien est la définition du mec cool. Bastien est orphelin, il n’a jamais connu ses parents et a été trimballé de famille d’accueil en famille d’accueil. Il garde un très mauvais souvenir d’une famille en particulier qui jouait à le torturer psychologiquement. Un des exercices qu’il avait dû subir consistait à ce qu’il soit attaché à un arbre et après plusieurs heures sans eau ni nourriture, devait répondre à la simple question : « Quel est le plus important : Connaître ses vrais parents ou boire et manger ? » Au bout de plusieurs heures, il avait finalement reconnu que boire et manger était effectivement plus important. Mais loin de lui briser son tempérament rebelle, ces différentes humiliations lui ont valu un caractère bien trempé notamment face à l’autorité. Du fait d’être orphelin, il est le seul élève de sa promotion à bénéficier d’une inscription à titre gracieux, une tradition instauré par un « illustre ancien » qui aurait vécu les mêmes vicissitudes que lui. Il fait partie de la « formation Mennert » consistant à tester les orphelins. HINA Femme – 15 ans. Rappelle à qui veut l’entendre qu’elle est d’origine Maori – se teint les cheveux en bleu et arbore fièrement plusieurs piercings. Hina est également orpheline mais a été adoptée très tôt. Parce que son adoption est un échec, elle est en guerre ouverte contre ses parents. Elle les méprise pour leur manque d’ambition et s’attaque souvent à son père, qu’elle imagine ancien alcoolique et simple policier alors qu’il travaille pour le GIPN (Groupe d’Intervention de la Police Nationale).Elle leur en a tellement montré de toutes les couleurs qu’ils ont décidé de l’inscrire à l’Institut de l’Excellence pour la recadrer un peu en espérant qu’elle en tirera quelques enseignements. Elle est sensible et se protège avec une carapace de dure à cuire. Par peur de voir sa bande voler en éclat mais 233 surtout car elle serait incapable d’y faire face, elle fait jurer à Bastien et Boris qu’aucun ne tentera de la draguer. BORIS Homme – 15 ans. Grand costaud blond aux yeux bleus, il a peur de sa propre violence et sa susceptibilité n’arrange rien. Une vraie armoire à glace, les muscles de la bande, il a un cœur gros comme ça mais sait aussi se servir de ses poings quand c’est nécessaire. Il est loyal avec ses amis et ne supporte pas l’injustice. Il ne cherche pas à défier l’autorité mais à protéger les plus faibles. Alors qu’Etienne, son compagnon de chambré malingre et peureux sert de souffre-douleur aux autres élèves, il va provoquer une bagarre pour inverser la tendance et faire en sorte qu’Etienne soit protégé par ceux qui le harcèlent. Il est en rupture total avec son père qui l’a inscrit de force à l’Institut de l’Excellence pour l’endurcir. En réalité, son père est un abruti violent qui gagne sa vie en faisant du recèle de matériel informatique. Il sera furieux d’apprendre que son fils fasse parti des exclus de l’école mais éprouvera une certaine fierté de savoir que ce dernier a également brisé le nez d’un de ses camarades pendant une bagarre. Boris n’est pas un rebelle dans l’âme, il s’est juré de ne pas finir comme son père et ne supporte pas l’idée de devoir enfreindre les règles. Pourtant, la force des choses va le pousser à dépasser ses limites pour sauver ses amis. VALERIE Femme - 15 ans.. Timide, réservée, romantique et gentille. Elle ne supporte pas l’Institut de l’Excellence même si elle y jouit de certains privilèges car son père y est prof de math, secret bien défendu des autres élèves. Elle a passé le rituel d’initiation mais n’arrive pour autant pas à s’intégrer parmi la faune de gosses de riches que composent ses camarades de classe. Quand elle découvre que son père couche avec les étudiantes à peine majeures contre quelques cours particuliers elle manque de se jeter du haut d’une falaise. Elle décide de rejoindre en 234 secrets les trois exclus et de les aider de l’intérieur en faisant pression sur son père pour obtenir différents renseignements. Quand Hina lui fait part de sa promesse qu’elle a obtenu des garçons de ne pas la draguer elle lui reproche son pragmatisme, si elle éprouvait des sentiments pour l’un ou l’autre, elle ne se cachera pas pour les exprimer, après tout, l’amour rend plus fort ! FRANCK Homme – 17 ans – beau gosse. C’est le président du rituel, autrement dit le statut le plus élevé que peut atteindre un élève de l’Ecole. Orphelin également, il fait aussi partie de la « formation Mennert ». Il semble répondre aux critères de sélection et se laisse manipuler à loisir tout en subissant une très forte pression de la part de la direction qu’il supporte de plus en plus mal. D’abord bouleversé de devoir laver l’honneur de l’école en tuant Bastien il devra subir la punition des sbires du directeur quand il échouera lors de sa première tentative. C’est à ce moment que l’on réalise que Franck n’est pas le lycéen aussi sûr de lui qu’il est populaire : sa condition d’orphelin lui étant brutalement rappelée il est en réalité terrorisé par le rejet et est prêt à tout pour faire partie d’un tout, au risque d’y laisser sa santé mentale. HENRY MENNERT Homme – 55 ans – homme d’affaire richissime et très occupé. Père biologique de Bastien, Franck et nombreux autres jeunes orphelins éliminés lors de leur passage à l’Ecole ou encore en « formation » dans les diverses familles d’accueil. C’est le Président de la Mennert Faire Trade Industries, gigantesque société œuvrant pour la revalorisation du patrimoine et des richesses des pays émergeant. Il s’apprête à recevoir la South Respect, équivalent du prix Nobel de l’équitable et de l’écologie. Il a une haute estime de lui et de ce qu’il est devenu et surtout de ce qu’il a traversé pour le devenir. Très inquiet pour sa succession, il a peur que le projet d’une vie ne tombe aux mains d’un chef d’entreprise corrompu qui aurait une autre vision des choses. Profondément altruiste et empathique, il n’en est pas moins devenu 235 suffisamment fou pour monter un élevage d’orphelins destinés à lui ressembler pour prendre sa suite. GREGOIRE BEYER Homme – 55 ans – dégarni, sinistre. Le directeur de l’école, il connaît bien Henry Mennert depuis leurs années à l’Institut de l’Excellence. Partage la passion de l’art primitif d’Henry et s’est laissé convaincre du bien-fondé de la « formation Mennert » et prête main-forte à son ami d’enfance pour mettre sa force de conviction et ses talents de manipulateurs à son service. 236 COMMENTAIRES 237 D’un thriller sur la compétition jusqu’à la mort dans un lycée de gosse de riche, Hell School nous plonge rapidement au cœur d’une affaire plus vertigineuse encore: l’élevage d’orphelin à des fins de clonage de l’esprit. Au fil des pages, on suit les aventures d’un clan formé apparemment par le destin, qui devra surmonter des épreuves de plus en plus dangereuses voire mortelles. A tel point qu’ils devront s’unir pour résoudre ce mystère sur l’île comme sur le continent avant que l’un d’entre eux ne la mort de les rattrape. Entre « Sa majesté des mouches » et les romans actuels à succès comme « Hunger Games » ou « Le Labyrinthe », cette quête initiatique rapproche des destins qui n’auraient pas dû se croiser et qui ne devront leur survie qu’à leur solidarité, leur réactivité et leur ingéniosité face au danger. Et au bout du compte, en découvrant les réelles motivations du Deus ex Machina, un cas de conscience encore plus profond va se poser : Comment réagiriez-vous si votre pire ennemi s’avérait être l’équivalent d’un prix Nobel d’altruisme ? Les meilleures intentions justifient-elles qu’on ferme les yeux sur les pires actions ? Et jusqu’où le faux-pas peut-il être pardonné ? Autant de questions que le scénario apporte et pour lesquelles le spectateur devra trouver ses propres réponses, tant elles font appelle à sa subjectivité. Une subjectivité qu’on retrouve dans la galerie de personnages, forts et riches d’aspérités, qui composent le récit. Leur ego, leurs singularités apportent la matière et le crédit nécessaire à leurs motivations personnelles pour le bon déroulement de l’intrigue. Pernicieux, manipulateurs, naïfs ou faussement innocents, les personnages principaux, au début de leur vie d’adultes, vont devoir se départir de leurs rêves d’enfants rebelles pour composer avec la dualité de leurs sentiments. Un ressenti très justement éprouvé par Hina à la fin de leurs aventures:« Je le crois pas, on a à peine 15 ans et on doit déjà accepter des arrangements puants ! » REFERENCES CINEMATOGRAPHIQUES Sa majesté des mouches Hunger Games Le Labyrinthe Battle Royal TRADUCTIONS Anglais 238 EXTRAITS Tome 1 – P34-41 Survivre en milieu hostile 239 240 241 242 243 244 245 246 247 248