Texte écrit par Lucile Clair 1ère L1 Lycée Lalande Bourg en Bresse

Transcription

Texte écrit par Lucile Clair 1ère L1 Lycée Lalande Bourg en Bresse
Le 17 octobre dernier s’est déroulée notre cérémonie de remise des prix aux lauréats des concours AMOPA : Langue Française,
Jeunes Pros de la Technique, Jeunes Talents de la Musique Classique, sous l’égide de M. Galli, Préfet de l’Ain, de M. Tarlet,
Directeur Académique des Services de l’Education Nationale, en présence de nombreuses personnalités, de parents et professeurs
attentifs. Un moment toujours émouvant lorsqu’on entend les extraits de textes primés, les interprétations musicales ou les projets de
chacun. Pour rendre compte de ces moments intenses à un plus large public, deux journalistes d’une radio locale ont enregistré une
émission diffusée plusieurs fois : musique et interviews. Permettez-nous de retranscrire ici des extraits de l’un de ces entretiens réalisé
par Isabelle Berger.
Extraits
Lucile Clair, vous êtes en Terminale L option Arts Plastiques, au Lycée Lalande à Bourg en Bresse, vous avez reçu le 1er prix
départemental de la Jeune Nouvelle pour votre texte : Angoisse. Bravo ! Comment écrivez-vous, sur des cahiers, des feuilles ?
Sur des feuilles volantes ; beaucoup sur ordinateur. Cela me permet de retravailler plus facilement les textes, de les modifier. Mais il
est vrai aussi que pour des choses plus spontanées, je peux très bien écrire sur un coin de feuille pendant un cours, sur mon
agenda… J’ai aussi un petit carnet dans lequel je note des idées…
C’est différent d’un journal intime.
Oui. Généralement, ce sont des idées qui me viennent comme ça, dans la journée, n’importe quand. Alors je les note sur mon carnet,
comme une idée de scénario. Puis je les retravaille selon mes envies, selon mes humeurs. Il se peut que j’aie dix ou quinze textes en
même temps ou aucun ! Cela dépend du moment.
Comment avez-vous eu connaissance de ce concours de l’AMOPA ?
Ce concours m’a été présenté par mon professeur de Français, Madame Jacob, l’année dernière. L’idée qu’on évalue mon travail
différemment, qu’on le juge, me paraissait intéressante. Effectivement, c’est intéressant ! (rires)
Eh oui ! Un 1er prix, c’est un bon jugement !
Vous lisez beaucoup ? Quel rapport entre la lecture et l’écriture ?
Je dirais que la lecture est mon échappatoire. Comme l’écriture. Mais je voyage davantage avec la lecture. Quand j’écris, c’est moi qui
crée le voyage, alors c’est plus terre à terre. Dans chaque livre que je lis, je pioche une idée, une ambiance que j’aime bien. Il est très
rare que je n’aie pas un livre à lire. Je pense que je ne pourrais pas m’en passer en fait.
Je reviens à ce 1er prix de la Jeune Nouvelle décerné par l’AMOPA. Le titre de votre nouvelle est Angoisse.
C’était un thème imposé ?
Non, pas du tout. La seule obligation était d’écrire une nouvelle. On avait carte blanche pour le reste. Mais c’est tout aussi bien une
difficulté qu’un avantage. Facile puisqu’on est libre et difficile parce que c’est tellement vaste que l’idée ne jaillit pas spontanément.
L’histoire vient de ma propre expérience. Elle se passe dans un hôpital. Quand j’étais toute petite, mon frère est resté longtemps
hospitalisé. C’est un milieu que je connais même si cela remonte à loin. Je devais avoir trois ou quatre ans. C’est pour moi un endroit
vraiment particulier : en même temps tellement calme et pourtant inquiétant. On ne sait pas trop à quoi s’attendre. Je pense que c’est
un univers très intéressant à explorer dans un une nouvelle ou un roman.
Ce prix vous donne-t-il envie de poursuivre ? De tenter votre chance à d’autres concours ?
Oui vraiment. Quand on écrit quotidiennement, comme ça, on n’a pas d’objectif précis. On ressent juste le besoin de coucher sur le
papier ses réflexions, ses sentiments, pour pouvoir les relire, les analyser, les compléter. Ensuite, montrer ce travail, voir ce qu’il vaut,
être récompensé, oui, cela donne envie d’aller plus loin.
Vous êtes en Terminale avec le Bac en fin d’année, puis des études supérieures… Quel serait votre métier en rêve ou pas en rêve
d’ailleurs ?
En rêve, la publication. (rires) Mais nous sommes nombreux à en rêver ! De façon plus réaliste, vu que j’ai une option Arts Plastiques
cette année, je suis vraiment intéressée par le milieu de l’Art. J’aime surtout travailler les matières. Alors pourquoi ne pas me lancer
dans la scénographie. De plus j’apprécie énormément le milieu du théâtre. Tenter ma chance à l’ENSATT de Lyon, une école de
scénographie… On verra bien !
Quand vous avez appris que vous aviez le 1er prix, quelle a été votre réaction ?
Indéfinissable ! Tout d’abord j’ai eu du mal à y croire. Vraiment j’ai été ravie.
Et que ce soit très officiel, dans les salons de la Préfecture ? L’AMOPA, par ses concours, a l’objectif de récompenser, d’encourager
les jeunes. Qu’en pensez-vous ?
Le côté très officiel de la Préfecture est bien sûr impressionnant au début. Je pense que c’est une très bonne idée de pouvoir ainsi
récompenser les jeunes, voire les très jeunes puisqu’il y a aussi des enfants d’école primaire. Je trouve ça vraiment bien; ça incite à
entreprendre des choses qui nous paraissent incroyables, infaisables, à nous dépasser, à y croire !
Texte écrit par Lucile Clair 1ère L1
Lycée Lalande
Bourg en Bresse Professeur Madame Jacob
Angoisse
La lumière tamisée de sa chambre le calme et le stress de l’attente de ses résultats médicaux retombe un peu. Tout est blanc
et stérilisé ; les autocollants au-dessus des poignées des portes, des robinets, rappellent sans cesse la maladie omniprésente. Les
cernes, la fatigue des infirmières et des médecins se font ressentir de plus en plus lourdement. Le corps médical fond sous la chaleur
des néons qui diffusent leur flot de lumière aussi pâle que les pyjamas des malades traînant leur vie au bout d’une perche.
Pourtant, il ne s’inquiète plus. Il ne sait plus faire, il l’a trop fait. Il fait tourner dans ses doigts chauds une pièce de monnaie,
usée, un peu orangée, un peu ternie. Seul symbole du monde extérieur, au-delà des portes anti-feu, anti-bruit, anti-microbe, anti-joie
de vivre, un filet à sourire. Il sort de sa chambre lentement. A présent, son visage se reflète dans la vitre du local des aides-soignantes.
En général, le dimanche après-midi n’est jamais un moment palpitant car le vrombissement des machines à cœur et à pulsations
mécaniques n’accélère pas le rythme de la vie ici. Il regarde autour de lui, un peu timide, comme s’il voyait tout pour la première fois.
Il est hésitant, son visage d’enfant qu’il n’a jamais perdu prend un air de garnement surpris en flagrant délit de bêtise. Il
aurait presque envie de l’être ce garnement. Il aurait presque envie de courir de chambre en chambre, de monter sur les lits des
malades, de débrancher les câbles, d’arrêter de retenir des vies à bout de souffle… Il aurait envie de repeindre les murs en couleur, de
cacher la peine et la souffrance sous une tonne de maquillage, il aurait envie de hurler, d’ouvrir toutes les fenêtres, de faire s’envoler
les résultats médicaux, de faire une farandole de feuilles, de voir se dessiner sur les allées du parc des poumons par transparence, des
tibias sur les bancs et sur les trottoirs, de jouer avec la chaleur du soleil ;
Puis, soudain, il retombe sur terre ? Son imagination débordante ralentit. Les dossiers médicaux reprennent leur place, la
vraie vie reprend. Il marche. Il est entraîné par ses pas jusqu’au bout du couloir. Il s’arrête, il hésite, il repart .Un pas, deux pas, trois
pas, la marche reprend, le monde alentour s’évapore comme le rêve avant lui. Elle est là, au détour d’un couloir. Elle est encore là.
Elle est vitrée, brillante, et les rayons de soleil se répercutent sur ses parois métalliques et se déversent dans tout le couloir. Un
tsunami de lumière. La cabine téléphonique.
Après de nombreuses hésitations, il appelle…
- Bonjour…
- Bonjour
La voix qu’il entend pour la troisième fois est calme, grave, un peu flottante, presque joyeuse. Elle engage à nouveau la
discussion.
- Vous appelez pour quelque chose de précis ?
- Oui… enfin juste pour savoir si peut-être… vous pourriez…
- Oui ?
Il tremble. Il a un peu peur. La lumière l’éblouit à présent comme si les nuages qui lui obscurcissaient l’esprit avaient été
soufflés par cette voix. Il déglutit encore et se lance :
- Je vous appelle pour mon cancer.
- Oui, c’est à quel nom ?
- Dubuis. D.U.B.U.I.S.
- Et donc ?
- Je pensais que vous pourriez me donner les résultats, le … rendu final, le compte rendu ?
- Le compte rendu ? Je vois … Je vais vous le dire… un instant…
- Est-ce que ça mène à quelque chose ?
- Si ça mène à quelque chose ? Mais, la Vie, c’est quand même quelque chose de pas mal, non ?
- Oui, peut-être… Je ne sais pas vraiment… Alors ?
- C’est bon. Vous êtes tiré d’affaire.
- Oh merci ! Merci beaucoup !
- Mais je n’ai rien fait, rien du tout !
- Merci quand même ! Merci mille fois : Donnez-moi votre nom, que je puisse le louer à chaque minute de ma vie !
- Qui voulez-vous que ce soit ? Pardi… Dieu !