Conférence 22 juin 2012 La Valentine Marseille

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Conférence 22 juin 2012 La Valentine Marseille
Cerveau, musique et dyslexie :
quelles applications pour la pratique orthophonique?
séminaire régional de formation
Vendredi 22 juin 2012
17h-20h
Hôtel Novotel La Valentine
Autoroute A50-Marseille Est
Pédagogie de la musique chez les dyslexiques
Alice Dormoy (musicienne, enseignante, Mélo-Dys, Nice).
L'idée d'une pédagogique adaptée aux enfants dyslexiques dyspraxiques dysphasiques
découle d'observations faites dans des classes d'instrument, et de formation musicale d'une part, et
d'une volonté de réponse pédagogique aux recherches récentes sur les effets d'un entraînement
musical régulier, d'autre part.
Les activités "traditionnelles" de groupe , comme le cours de solfège, peuvent être mal vécues par
les enfants dys pour diverses raisons. L'enfant peut se sentir jugé par les autres dans les cours
collectifs, il peut prendre du retard dans le domaine rythmique ou en lecture de notes. Dans les
cours d'instrument, l'enfant est vif, musical et motivé, mais il ne progresse pas, il a du mal à suivre
sa partition, a l'impression que les notes bougent, qu'il y en a trop, qu'elles sont trop petites, que les
lignes parallèles le troublent...
Le besoin d'une adaptation de l'enseignement instrumental se fait aujourd'hui sentir, au même titre
que dans le domaine de l'éducation nationale afin d'éviter de confronter les enfants à un échec dès le
début du contact avec l'instrument.
C'est ce à quoi l'association MéloDys souhaite répondre. Avec une vraie proposition
pédagogique adaptée amenant la musique à l'enfant, la pratique musicale est alors facilitée. Dans
ces conditions, la musique, art complet impliquant la participation gestuelle, affective, mentale de
l'individu redonne alors confiance en l'apprentissage scolaire. De plus, les recherches scientifique
récentes ont prouvé qu'un entrainement musical régulier provoquait des transferts d'apprentissages
et de nombreux autres effets bénéfiques sur les troubles du langage, que le Docteur Michel Habib
vient de vous détailler. Ces recherches nous ont orientés vers une approche pédagogique multisensorielle, et vers la création d'un matériel pédagogique adapté.
Notre pédagogie, la méthode MéloDys, s'inscrit dans la continuité des méthodes dites actives dont
je vais vous présenter les courants principaux. Dans un deuxième temps, nous aborderons les
difficultés d'apprentissage rencontrées en cours de musique, ainsi que leurs réponses pédagogiques,
afin d'engager une réflexion interdisciplinaire sur la rééducation des troubles dys.
I/ Historique des pédagogies dites « actives » et adaptées :
De nombreuses méthodes de rééducation pour dyslexiques parlent d'approche
multisensorielle. Depuis 400 ans environ, des pédagogues de la musique tels que Comenius,
Curwen, Gordon, Orff, Pestalozzi, Steiner, Suzuki, et plus récemment les méthodes dites "actives"
depuis 1900 (Adolphe Ferriere pédagogue non musicien un des pionnier des méthodes actives): tels
que la méthode Dalcroze, Kodaly, Froseth Method ont exploité cette approche qui semblait faciliter
l'acquisition de nombreux principes pédagogiques tels que la reproduction mélodique, la liberté
rythmique, la mémorisation.
Les méthodes actives nous intéressent en particulier car elles partent du principe que l'enfant doit
d'abord expérimenter la musique, avant de la théoriser.
1) La méthode J. Dalcroze.
Elle est également l’une des premières méthodes d’enseignement musical appelées « méthodes
actives », puisque Emile Jaques-dalcroze (1865-1950) a commencé ses recherches pédagogiques au
début du XXème siècle. Né à Vienne (autriche) et mort à Genève (Suisse), il souhaite établir un lien
entre le cerveau et le corps, dès le début de l'apprentissage musical. Il veut que le rythme ne reste
pas théorique, mais devienne une expérience physique. Il insiste sur le lien existant entre le mvt
corporel naturel et le mvt de la musique et fait marcher les enfants sur la musique... Pour lui, le
corps est le 1er instrument, c'est par lui que la musicalité est ressentie et transmise. Ces exercices
spécifiques développent conjointement les aptitudes auditrices et motrices, entraînent la mémoire et
la concentration, éduquent la sensibilité, la spontanéité et la capacité de se représenter la phrase
musicale.
"On n'écoute pas la musique uniquement avec ses oreilles, on l'entend résonner ds le corps tout
entier, ds le cerveau et ds le coeur" J. Dalcroze (Notes bariolées, Jeheber, Genève 1948 )
J. Dalcroze connut d’abord un succès plus évident aux États-Unis et dans les pays anglo-saxons,
scandinaves ou d’Europe de l’est, ainsi qu’au Japon.
Elle est aujourd'hui enseignée dans les conservatoires supérieurs de musique (Carnegie-Mellon
University de New York, Royal College of Music à Manchester, Haute Ecole de Musique et d’Art
dramatique de Bienne, Akademia Muzyczna de Varsovie…) et dans quelques structures françaises.
2) La méthode Kodaly
Une autre approche intéressante est la méthode Kodaly de son auteur le compositeur et pédagogue
Zoltan Kodaly (1882-1967), sa méthode est partie de Hongrie pr se divulguer ds le monde entier. Il
croit que la vraie alphabétisation musicale _ la capacité à lire, écrire et penser la musique _ est le
droit de tout être humain. Il incorpore les syllabes rythmiques d'Emile Joseph Chevé, dans sa
méthode, en associant à chaque valeur de notes, des syllabes spécifiques qui expriment littéralement
leur durée. Par exemple, une noire est dite "ta", tandis que deux croches sont dites "ti-ti". "deux
croches noires" font donc "titi ta". L'utilisation de syllabes, mots ou textes en musique est un
domaine à exploiter pour la dyslexie, nous le verrons un peu plus loin.
Cet exercice peut également être exploité dans le cas d'une difficulté à combiner les rythmes et les
hauteurs.
3) La méthode Froseth
La méthode du Docteur Froseth est une méthode d'apprentissage musical non verbale américaine de
la deuxième moitié du Xxème siècle qui emploie, quant à elle, les syllabes parlées en association
avec les percussions corporelles, l'ensemble pouvant se pratiquer sur un accompagnement
instrumental pour renforcer la sensation rythmique. Ce sont des exercices très utilisés dans des
classes entières des pays anglophones mais exploitables également en cours individuels.
4) La méthode Suzuki
La méthode Suzuki a été conçue au milieu du XXe siècle siècle par le violoniste Shinichi Suzuki
qui a observé la facilité qu'avaient les enfants à apprendre leur langue maternelle, même les
dialectes considérés comme difficiles. Il en déduisit qu'il pouvait en être de même pour
l'apprentissage d'un instrument de musique. Il a donc voulu reproduire les étapes d'assimilation
d'une langue maternelle et a basé sa méthode sur l'impregnation progressive. L'enfant observe et
écoute son professeur, il reproduit ce qu'il entend, et les parents assistent aux cours et participent
activement à l'apprentissage.
5) La méthode Willems
La méthode d'Edgar willems (1890 belgique-1978 suisse) est une méthode d'apprentissage musical
concernant l'éveil musical en 3 années, et les premières années de solfège et d'instrument. Elle
recherche l'épanouissement de l'enfant par la pratique musicale vécue par la motricité, les sens, la
sensibilité, et le mental. Elle privilégie la participation active des enfants autour de chansons,
d'exercices d'audition, de rythmes et de mouvements corporels.
Existe-t-il des méthodes spécifiques pour les enfants dys?
A l'heure actuelle, au Royaume uni et aux Etats Unis, de nombreuses associations enseignent la
musique aux enfants dys, selon des principes pédagogiques s'inscrivant dans la continuité des
méthodes actives que je viens de citer. Ainsi, par exemple, l'Association YAMSEN, the Yorkshire
Association for Music and Special Educational Needs, créée en 1979, publie des livrets de chansons
et de jeux musicaux adaptés. Il existe, par ailleurs, un groupe de travail sur la musique et la dyslexie
au sein de l'association anglaise de Dyslexie : British Dyslexia Association.
C'est au Royaume uni, encore, que l'on trouve l'ABRSM (Associated Board of the Royal Schools of
Music) qui est un grand jury des examens d’instruments depuis 1889 en Grande-Bretagne, et plus
récemment, dans plus de 80 pays du monde. Ce grand jury a instauré des dispositions spéciales pour
les enfants dys dans les examens de musique.
Pourtant, en France, ces méthodes participatives ne sont pas si répandues, dans les structures
d'enseignement de la musique et, surtout, n'abordent pas la spécificité des troubles dys.
Tout en posant ses fondements sur les principes des méthodes actives, notre méthode a cherché à
apporter un point de vue nouveau sur les moyens de musicaliser les enfants dys. Les activités
complexes de lecture et d'écriture sont découpées en différentes étapes progressives devenant
réalisables sans effort. Par l'utilisation d'un matériel adapté, les enfants touchent les sons, visualisent
les intervalles, entendent les gestes, mémorisent et automatisent. Ces nouveaux gestes et ces
nouveaux cheminements offrent des ouvertures novatrices vers d'autres acquisitions, dont les
apprentissages scolaires.
II/ Difficultés rencontrées dans la pratique musicale et réponses pédagogiques :
Dès les premiers cours, le professeur peut remarquer des problèmes de concentration,
coordination, mémoire, difficultés auditives, motrices, spatiales, dans la lecture, l' écriture, le
déchiffrage, la reproduction rythmique.
Ces difficultés ne sont pas rencontrées chez tous les enfants dys, un enfant peut être gêné par la
lecture, et à l'aise dans la motricité, et pour un autre cela peut être le contraire. Néanmoins, on
retrouve fréquemment : des inversions (de mains, de notes, de sens de lecture, de doigtés..), de
mauvaises associations (qui sont des compensations), une lenteur dans l'apprentissage moteur
(notamment des doigtés).
J'ai regroupé les difficultés en 4 parties : les troubles non spécifiques, les troubles de la perception
auditive, les troubles de la motricité, et ceux liés à l'acquisition de la lecture et l'écriture musicales.
Dans la pratique, les principes pédagogiques ne sont pas abordés de façon linéaire, ce qui réduirait
la pratique à un enchainement d'exercices. Chaque participation musicale de l'enfant contribue
globalement à son évolution.
1) Les troubles non spécifiques (Concentration, mémoire, gestion des informations)
L'apprentissage de la musique et d'un instrument de musique demande une grande
concentration, une gestion de nombreuses informations et actions simultanées, et la mobilisation de
nombreuses mémoires dont celles utilisées dans le langage.
Or, il est avéré que les dyslexiques ont souvent des difficultés à gérer plusieurs tâches
simultanément, à réaliser des tâches complexes, à automatiser des gestes ou des données, ainsi
qu'un déficit attentionnel souvent associé.
Dans la pratique musicale, ces difficultés se manifestent de la même façon, quand l'enfant peine par
exemple à :
– associer une note (une hauteur) à un rythme (une durée)
– lire une musique tout en pensant à la souplesse des gestes.
– Jouer une note en anticipant la lecture de la suivante.
– Écouter puis reproduire un motif mélodique (avec difficulté d'ordre temporel) action
complexe qui implique différentes mémoires la concentration mais aussi un traitement
temporel ainsi que la mobilisation des facultés auditives et motrices.
– Associer une image à son nom Ex : Reconnait un signe musical mais ne sait plus le nommer.
– une fois le morceau su, à l'enchaîner en entier sans sauter de passages
Face à ces difficultés, notre réponse pédagogique est basée sur l'apprentissage
multisensoriel, l'invention et l'apprentissage de mémoire, en respectant toujours le rythme de
l'enfant.
Le travail par les sens a une implication sur les mémoires, sur la concentration, et sur
l'automatisation des bons gestes et des bonnes associations. Par exemple, l'enfant se souviendra plus
facilement d'une mélodie s'il la chante, s'il en vit les contours, s'il en ressent le contenu émotionnel,
imagine des couleurs, des histoires, s'il touche du doigt les distances qui séparent les notes, s'il tient
et étire lui même les sons...
Exemple : monter un escalier de trois marches en chantant ou en écoutant les sons. Sauter la marche
du milieu pour vivre la distance de tierce.
D'autre part, l'invention musicale mobilise les qualités spontanées d'imagination et de
créativité des enfants dys, et contribue à améliorer les facultés de : mémorisation, concentration,
automatisation, et les amène à la théorie par le vécu corporel.
Exemple : Inventer des mélodies à plusieurs sous forme de question/réponse.
2) Les troubles de la perception auditive :
On observe par ailleurs un certain nombre de difficultés de l'ordre de la perception auditive,
tels que par exemple une difficulté à dissocier les sons aigus des sons graves.
Un parallèle peut être établi entre une prononciation altérée de certains mots et une oreille musicale
percevant difficilement les changements subtiles de hauteur des sons. L'entrainement musical est le
domaine de prédilection pour un affinement de l'oreille. Les effets qui en découlent auront
directement ou indirectement un impact sur les activités motrices, la lecture, l'écriture, et la
phonologie.
Un outil extrêmement important pour l'affinement de l'oreille est la transposition du
mouvement sonore en un geste montant et descendant (présent dans la méthode Willems). Vidéo.
Cet exercice gagne à être approfondi quand l'enfant commence la musique car il amène
naturellement et sans erreurs d'associations, aux notions d'aigus/graves indispensables à toute
pratique musicale. Il pose les bases pour aborder plus tard : l'ordre des notes, les gammes, les
intervalles, la reproduction mélodique, la lecture, l'écriture, etc.
Une application concrète de ce principe pourrait être envisagée à partir de l'intonation de phrases
simples du langage parlé (exemple 2)
Une autre piste de réflexion concernant le langage et la musique, indépendant du
mouvement sonore, est le travail sur les onomatopées associées à des timbres ou à des phénomènes
sonores naturels, s'appuyant sur l'imaginaire collectif. Exemple :
Baguettes de cymbales : baquette coton mia mié oi ion/baguette en bois : ka kak tak. On peut s'en
servir pour expliquer des mots tels que : un tacle, une tape, une claque.
En proposant des exemples aux enfants, ils en proposeront rapidement d'eux-même, et aborderons
ainsi la langue avec le plaisir de sa musique.
3) Les troubles de la motricité :
D'après les recherches récentes, un bon développement de la motricité générale, et fine,
constituerait un moyen d'amélioration des troubles dys. Nous avons constaté des difficultés dans les
domaines de la régularité des frappés, la reproduction rythmique, la coordination, la motricité fine
et la discrimination des durées.
La régularité des frappés concerne la difficulté à acquérir une pulsation régulière. Cet acte musical
n'est pas évident au premier abord pour un enfant dyslexique et d'autant moins pour un enfant
dyspraxique, qui peut de plus souffrir d'une arythmie dans la respiration. Parmi les solutions
pédagogiques, dont certaines sont peut être applicables dans une séance d'orthophonie, on
privilégiera l'aspect sensoriel, c'est à dire marcher et réaliser des mouvements en rythme sur une
musique, ou réaliser des frappés sur des empreintes de mains ou de pieds (avec notion visuelle de
l'équidistance entre les battements d'une pulsation)
Exemple : frappés d'une pulsation sur empreintes (mains, pieds)
Puis des frappés de pulsations régulières avec le doigt suivant une ligne de pulsations. Vidéo.
Les frappés rythmiques sont l'occasion de mettre en action les mécanismes de coordination,
préalables aux acquisitions de motricité fine. A cet égard, les jeux de percussion corporelle
développent la conscience corporelle et libère l'expression rythmique.
Par exemple, la coordination sera améliorée par l'exploration de la polyrythmie corporelle. Vidéo.
Lorsqu'ils sont associés au langage parlé, les frappés peuvent être également utiles pour l'épellation
et la découpe des mots en syllabes. Un dialogue frappé-parlé, sur le rythme naturel du langage, peut
s'instaurer entre l'enfant et son interlocuteur. Dans ce cas de figure, les frappés tombent sur chaque
syllabe du discours, mais ne sont pas réguliers comme une pulsation, ils suivent le flux naturel de la
parole. Exemple frappé-parlé.
Même si la notion de temps reste subjective pour tous, l'enfant dys est souvent touché par
des difficultés spécifiques d'ordre spatio-temporel. La musique est ici encore un domaine privilégié
pour développer cette perception.
Bien souvent pour un enfant dys deux figures rythmiques proches (noire, croche) peuvent paraître
semblables. Il a en fait du mal à accéder à une écoute consciente de la durée des sons. L'échelle
temporelle d'une mélodie est en effet souvent très dense en évènements rythmiques, ces derniers
s'enchaînant rapidement. Ce qui a pour conséquence de les rendre difficilement perceptibles pour
certains enfants. Il faut dire que, dans l'enseignement musical actuel, cette perception leur est
souvent proposée sous forme théorique : une noire vaut un temps, une blanche vaut deux temps,
alors qu'une approche encore une fois multisensorielle permettrait à l'enfant d''affiner sa perception
temporelle.
Dans la pratique, on peut lui proposer d'écouter et de ressentir la vibration d'un son jusqu'au bout
(mettre l'oreille sur la caisse de résonance du piano et l'écouter jusqu'à son terme, ou marcher sur
une musique tant qu'il l'entend vibrer, ou imaginer qu'il étire le son comme un élastique).
Quand l'enfant perçoit les limites d'un son (début du son, déroulement, extinction progressive, fin
du son), on peut lui proposer de différencier les sons courts des sons plus longs par l'utilisation de
divers instruments à percussion (cymbales pour les sons longs, wood block pour les sons courts et
secs). Il est important, ici également, que l'enfant accompagne son geste vocalement sur toute la
durée des sons.
4) Lecture et écriture musicales :
En partant de l'exemple du son étiré comme un élastique, l'enfant n'a plus qu'à répéter son
geste sur une feuille pour figurer le son. Il accède alors naturellement à une pré-notation musicale
consolidant la conscience temporelle. Le son devient visible, concret, et mesurable avec précision.
Exemple VIDEO: notation des sons courts et longs. Accompagner ce geste du son chanté ou des
mots court court long.
Tout en figurant la durée des sons, cette notation permet de concrétiser le temps qui passe, par un
mouvement progressant de gauche à droite sur le papier. Sans cette étape d'apprentissage de
l'écriture, les enfants dyslexiques ont tendance à agglutiner les sons les uns sur les autres.
On peut associer de courtes phrases à cette notation des durées. Voir vidéo.
Exemple d'écriture de notes par un enfant dyslexique n'ayant pas suivi de méthode adaptée.
Dans le même ordre d'idée, mais avant de passer à l'écriture musicale sur la portée, d'autres
étapes de préparation à l'écriture sont indispensables. L'enfant apprend d'abord à noter le
mouvement sonore continu qu'il a auparavant vécu par les gestes. Cette notation du mouvement
sonore doit être abordée de plusieurs façons : sous forme de dictée, d'invention, jeux de dialogue.
L'étape suivante consiste à introduire la notion de hauteur en comparant les sons à un escalier.
Exemple :
L'escalier est un mouvement sonore discontinu, c'est à dire que la courbe du mouvement continu a
été coupée en 3 points à 3 hauteurs différentes.
L'enfant comprend vite cette représentation que l'on utilise sous forme de cartes-escalier, et qui
constituent les premières partitions des enfants. Avec cet outil, l'enfant peut reproduire ce qu'il voit
sur son instrument, ou en chantant, combiner les cartes à sa guise, et retrouver des débuts de
chansons enfantines qu'il connaît.
On rajoute ensuite à cette notation le point de début de son correspondant à l'attaque du son. On
reconnaît déjà le dessin de la note de musique.
Malgré cela, la notation posée sur le papier en 2 dimensions ne suffit pas pour éviter une
confusion dans la lecture des notes sur une portée musicale. De nombreux enfants se trouvent très
gênés visuellement par le nombre de lignes, et la proximité des notes les unes par rapport aux autres
sur la portée. Sachant que les enfants dys ont une vision facilitée des schémas en 3 dimensions, et
qu'ils mémorisent aisément ce qu'ils ont vécu par leurs expériences propres, il nous est apparu
évident de commencer la lecture de notes de façon multisensorielle avec une portée musicale en 3
dimensions.
Ainsi, l'enfant peut construire lui-même les outils de sa compréhension et de son apprentissage. Par
l'action, et la stimulation visuelle, tactile, et auditive, il mémorise les notes en associant le son écrit
au son entendu.
Avec ce matériel, l'enfant peut poser une première ligne, puis poser des notes sur la ligne ou
au dessus, et noter ainsi deux sons conjoints. Dès qu'il se sent à l'aise avec cette notation, il rajoute
les autres lignes à son rythme.
Nous avons peu de recul sur l'emploi de cette portée 3D mais avons déjà d'excellents résultats car,
tout en s'amusant, les enfants posent les bases d'une écriture et d'une lecture saine. Grace à cette
approche, les enfants dys confondent beaucoup moins les notes sur les lignes et dans les interlignes.
Ces exemples ne sont qu'une partie du travail pédagogique effectué en cours de musique adapté,
mais constitue un préalable à l'apprentissage de la lecture et l'écriture musicales. Sans ces étapes, les
enfants dys peuvent retrouver leurs difficultés quotidienne en cours de musique. Le professeur de
musique formé et informé sur les troubles dys et sur les adaptations possibles de son enseignement,
évitera de les mettre en échec et participera activement à la rééducation de leurs troubles.
III/ Matériel pédagogique adapté :
Afin de faciliter l'enseignement de la méthode MéloDys, nous pensons intéressant d'utiliser un
matériel pédagogique adapté dont :
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Portée musicale 3D
Cartes-escalier
Carillon escalier : Il sert à visualiser la hauteur des sons, on l'utilise pour le développement
perceptif et l'écriture musicale, en association avec les cartes escalier.
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briques en carton : Vivre la hauteur des sons par la motricité.
Carillon intratonal : Outil de développement de la finesse auditive. Discrimination fine des
sons aigus et graves.
Tapis clavier : Clavier au sol sur lequel les enfants peuvent se familiariser avec les touches
du piano, découvrir l'intervalle dans sa dimension horizontale par la motricité.
portée au sol
cadre-cache : cadre en carton permettant de focaliser l'attention de l'enfant sur un élément de
la partition.
plaque métallique avec aimants : plaque métallique permettant de poser une feuille A4
représentant une portée, et ses aimants représentant les notes.
empreintes de mains et de pieds : Outil permettant de réaliser des frappés précis. Permet de
passer d'une motricité globale à une motricité plus fine.
Conclusion :
En conclusion, la richesse de la pratique musicale réside dans la transversalité de ses
constituants : elle met en oeuvre les processus cognitifs, la motricité, la perception auditive et
visuelle, l'imagination et l'expression affective. Elle est le terrain idéal d'un soutien actif à la
rééducation. Le professeur doit cependant rester prudent car il n'y a pas de recette rééducative mais
une action globale de la pratique musicale vécue et amenée de façon adaptée à l'enfant dys. Pour
une action encore plus ciblée, il est possible d'accentuer l'un ou l'autre des domaines pédagogiques
en fonction de la nature des troubles rencontrés (troubles à dominance phonologique, attentionnelle
ou motrice).
D'un autre côté, l'enfant dys a de nombreuses ressources pouvant le soutenir au quotidien :
perseverance, spontanéité, imagination, créativité, sensibilité. Adapter un enseignement signifie
aussi partir des forces de l'enfant tout en l'accompagnant dans sa découverte de l'apprentissage
musical.
Le rôle du professeur est de repérer ces qualités, ainsi que de communiquer avec les parents, voire
de les orienter vers un orthophoniste afin d'établir un bilan. Les perspectives de travail en équipe
avec les professionnels de santé entourant l'enfant dys ouvriraient de nombreuses opportunités de
collaborations fructueuses dans le but commun d'aider et de soutenir au mieux ces enfants.
Lectures conseillées :
Music and dyslexia, opening new doors, sous la direction de Tim Miles & John Westcombe, publié
par Whurr (2001)
music and dyslexia a positive approach
Edited by Tim Miles Westcombe John, Diana Ditchfield, published by John Wiley & Sons (2008)
British Dyslexia Association (1996). Music and Dyslexia. Reading, England.
Ganschow, L., Lloyd-Jones, J. & Miles, TR (1994). Dyslexia and musical notation. Annals of
Dyslexia , 44, 185-202.
Hubicki, M. (1991). A multisensory approach towards reading music. In M. Snowling, & M.
Thomson (eds.), Dyslexia: Integrating theory and practice (pp. 322-328). London: Whurr
Hubicki, M. (1994). Musical problems? Reflections and suggestions. In G. Hales (Ed.), Dyslexia
matters. London: Whurr, pp. 184-198.
Jaarsma, BS, Ruijssenaars, AJJ M & Van den Broeck, W. (1998). Dyslexia and learning musical
notation: A pilot study. Annals of Dyslexia , 48, 137-154.
Miles, TR, & Westcombe, J. (in press). Music and dyslexia: Opening new doors. London: Whurr.
Miles, TR, and Miles, E. (1999). Dyslexia: A hundred years on (2nd Ed.). Philadelphia: Open
University Press.
Oglethorpe, S. (1996). Instrumental music for dyslexics: A teaching handbook. London: Whurr.