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10 1 Rencontres 2 3 1 - Rosalia Géranio 2-d e gauche à droite : Rosalia, Eusebio, Sandro et lorenzo. 3-L orenzo, la 3e génération de Géranio À Paris les « Comestibles Geranio » ont une offre « italiano vero » Rosalia, Eusebio et Sandro Geranio disposent d’un point de vente dédié aux produits italiens (et surtout siciliens) à Paris dans le 12e arrondissement. L orsque Rosalia Geranio quitte sa ville natale Vila Frade (Près de Palerme) et ses parents dans les années 60, elle n’a guère que 19 ans. Et en quarante ans de vie en France la « Mama » Rosalia n’a pas chômé : apprentissage de la langue française en situation de travail, éducation de deux enfants puis formation sur le point de vente, pour en faire aujourd’hui de véritables associés, chacun dans son domaine de compétence. Lors d’un entretien informel nous avons rencontré Rosalia, Eusebio, Sandro (et le petit dernier : Lorenzo) ainsi que leur cuisinière Faten qui nous ont longuement parlé de leurs produits et de leurs expériences dans ce point de vente unique sur la place de Paris. Caps – Lorsque l’on troque le bleu de la Sicile contre le gris de Paris, comment vit-on cela ? Rosalia Geranio - De la fabrique de pâtes de mes parents jusqu’à mon actuel point de vente que de choses se sont passées ! Le premier souci fut de quitter sa famille et ses amis pour se reconstruire ailleurs. C’est comme si l’on avait déraciné un arbre pour le planter ailleurs… au départ il fallait s’acclimater et d’ailleurs en matière de climat j’ai plutôt eu froid ! Mais fort heureusement lorsque l’on vient de se marier on est souvent disposé à faire des efforts pour que cela marche. Mon époux travaillait à cette époque dans une Codec, un commerce à Paris. Pour ma part, arrivant sans connaître la langue, je souhaitais vivement trouver une activité dans le commerce, mes parents disposant d’une boutique dans la banlieue de Palerme, en Sicile. Finalement au bout de quelques années, j’ai tout naturellement trouvé du travail dans une activité sur plusieurs marchés en tant que salarié chez un spécialiste en épicerie (y compris de produits italiens). Même si la langue peut être une barrière, il faut savoir dépasser sa peur afin de la domestiquer et trouver du travail. Avec un peu de volonté j’y suis arrivée car je souhaitais vraiment m’insérer dans la société française. Il va sans dire que le fait d’élever des enfants et de travailler dans le commerce facilite cet apprentissage. Rencontrer les autres est sans doute la meilleure école de la vie. Caps – Pourquoi avoir choisi d’être à votre propre compte et de proposer des produits italiens ? Rosalia Geranio - Ce projet a mûri au gré des rencontres et des recommandations de mon entourage. Grâce à de multiples expériences j’ai pu emmagasiner des savoirs qui me servent toujours. Dans un premier temps, après 10 ans d’activité sur les marchés, j’ai dirigé, en tant que responsable, un point de vente de produits d’épicerie à Maisons-Alfort ; ensuite ce fut le tour d’une supérette à l’enseigne Monoprix, pendant sept ans. J’ai rapidement compris, par les remarques et compliments de mes différents employeurs que j’avais la fibre du commerce et qu’en m’investissant dans le travail j’y trouvais de réelles satisfactions. Restait le souci du financement mais avec un peu d’économies j’ai pu me lancer et m’installer à mon propre compte en 1985. Pour la petite histoire, ce qui est curieux, c’est que j’ai découvert le magasin actuel grâce à un ami adhérent du SEFAG et une annonce parue dans l’Alimentation Française. Après avoir fixé un rendez-vous et rencontré les anciens exploitants de mon point de vente, j’ai rapidement senti que nous étions faits pour nous entendre. Nous avons vite établi la promesse de vente et, pour l’engagement final, le propriétaire a souhaité un délai afin de juger de l’opportunité de mon projet. Il faut dire qu’il y tenait à son magasin de produits italiens, créé dans les années 30 ! Fort heureusement après quelques mois d’activité j’ai été reçue à mon examen d’entrée dans le monde des détaillants, les produits italiens et mon sens du commerce ont largement contribué à m’en faciliter la tâche. À ce jour, 22 ans après j’éprouve toujours beaucoup de plaisir à travailler dans ce lieu. Pourtant ce ne fut pas toujours rose, mais grâce à mon époux, qui m’a rejoint dans un premier temps, puis par la suite les enfants, Eusebio et Sandro, je suis fière du travail que nous avons accompli. D’ailleurs je compte bien rendre à d’autres ce que j’ai tant reçu durant ces années. Pour le moment je me contente de former, avec grand plaisir, des jeunes en CQP, venant de notre centre de formation, le CIFCA et cela m’apporte de grandes satisfactions. D’ailleurs à ce propos je vois bien, dans l’avenir, une formation sur nos produits à l’image de ce qui est fait sur d’autres produits (fruits et légumes, vins, crémerie…). Je me porte volontaire pour appuyer ce type de projet ! Rencontres 11 4 Caps - Comment travaillez-vous les produits italiens et est-ce que vous avez des produits qui vous renvoient à votre propre histoire ? Rosalia Geranio - Si les produits doivent avant tout plaire aux clients, je n’exclu pas les produits qui me plaisent personnellement. Mais en matière de référencement le choix n’est pas si facile que cela en a l’air. Car il s’agit aussi de contenter un peu tout le monde : des clients fidèles à certaines spécialités, des clients captifs vis-à-vis des nouveautés, des consommateurs qui ont goûté en vacances et qui veulent retrouver un ou plusieurs produits… sans compter que j’ai naturellement une attirance pour certaines spécialités siciliennes, il est clair que mon offre en magasin en contient car dans ce domaine, on est là également pour se faire plaisir. D’autant plus que plus vous appréciez un produit, mieux vous le vendrez ! C’est pourquoi je propose des produits phares de la gastronomie sicilienne. Il faut dire que j’aurais bien référencé d’autres produits mais il me manque de la place pour représenter dignement mon pays. Je ne vous cacherai pas que je suis toujours ravie de présenter une recette qui me renvoie vers une gastronomie qui pendant des siècles a longuement évolué du fait d’une succession de conquérants ayant laissé leur empreinte « culinaire » sur notre territoire. C’est cette trace que l’on trouve encore aujourd’hui dans nos différents ingrédients, et notamment les épices, ainsi que dans la préparation des plats que notre fantaisie a peu à peu enrichie. La variété de 8 5 nos produits peut sans doute s’expliquer par le manque de communication entre les différentes zones de l’île. Pour cuisiner, on n’utilisait que les produits du terroir. Or aujourd’hui personne n’est surpris de trouver sur la carte des restaurants de Catane ou de Palerme des tagliatelles à la crème et au jambon, un plat qui n’a rien de sicilien si ce n’est les pâtes fraîches maison. Tout comme la Sicile a accueilli le jambon et la crème, les marchés du 7 Nord ont adopté les ingrédients de la cuisine sicilienne (le fenouil sauvage, les câpres, l’origan et les fromages…). Ces multiples héritages, dont celui des grecs sont également visibles à travers l’emploi des olives, vertes et noires, de la ricotta salée, de l’agneau cuit au feu de bois, de certains poissons, du miel et, surtout, du vin (qui fut introduit sur l’île par les premiers colons grecs). Néanmoins, je reconnais que mon « envie » de Sicile n’exclut pas de tendre vers une offre typiquement italienne. En effet, si l’origine régionale est un élément important dans le choix de mes produits, la qualité et le goût sont des points sur lesquels je m’attarde le plus. Ce qui explique que, je n’achète aucun produit sans l’avoir goûté et apprécié. Et là aussi ma connaissance empirique des produits ainsi que mon expérience de la cuisine me sont d’un grand secours. C’est certainement pour ces raisons que je me laisse difficilement guider par les campagnes de marketing et de publicité alors que j’apporte plus volontiers du crédit à mon intuition et mon savoir-faire. De plus, comme bien d’autres spécialistes, il est clair que j’essaye de me démarquer de la grande distribution en proposant des gammes de produits « maisons » et plus artisanales, même sur des produits de consommation courante (pâtes, sauces, antipasti…). Sur une offre de type jambon de pays, 6 je propose un Parme de grande qualité et un autre jambon moins connu du consommateur français, le San Daniele ce qui me permet de satisfaire les clients souhaitant découvrir un produit ou bien de disposer de la référence traditionnelle. En matière de fromages l’offre est plus étoffée (une trentaine) et permet de contenter un grand nombre de connaisseurs et ceux qui se rendent chez nous pour les fromages siciliens. Quant aux vins et les alcools, il en existe une centaine de marques et de nombreux vins de Sicile. Pour certaines spécialités, dont des viandes ou poisson en sauce, des pâtes fraiches, des sauces et légumes « maison », les antipasti et quelques desserts, nous fabriquons nos propres produits traiteurs, en grande majorité pour des ventes surtout ciblées sur le week-end. … Et de nous rappeler combien nourrir le ventre c’est nourrir notre esprit… C’est dans cette ambiance familiale et amicale que notre chef d’orchestre, Rosalia, mène son activité de main de maître, en y associant ses enfants qui n’ont pas l’air de se plaindre de la « Mama ». Néanmoins en y mettant toute l’ardeur et l’enthousiasme d’une équipe unie, on y devine, comme partout, des jours qui ne ressemblent pas toujours à la « dolce vita ». Mais l’équipe ne se plaint guère. Depuis le début de son activité Rosalia a pris pour habitude de s’appuyer sur les services de notre organisation professionnelle lorsqu’une difficulté pointait. Nous sommes aussi là pour ça et espérons pouvoir toujours informer, former et soutenir les détaillants de proximité dans leurs bons comme dans leurs mauvais jours. 4- E usebio et Mme Haberschill de l’entreprise Molinari. 5 - Sandro découpe le fromage 6 - Plats traiteur 7 - Épicerie italienne 8 - Pancetta