NEWSLETTER FEVRIER 2015

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NEWSLETTER FEVRIER 2015
NEWSLETTER FEVRIER 2015
Questions choisies sur l'adoption de la loi fédérale sur la mise en œuvre des recommandations
du groupe d'action financière (GAFI) :
Nouveautés pour les intermédiaires financiers
I.
INTRODUCTION
Le 13 décembre 2013, le Conseil fédéral a soumis au
parlement le projet de loi sur la mise en œuvre des
recommandations du Groupe d'action financière ("GAFI"),
révisées en 2012. Ce projet de loi, largement débattu
devant le Conseil national et le Conseil d'Etat et modifié sur
certains points, a été finalement adopté le 12 décembre
2014. Le délai référendaire arrive à échéance le 2 avril
2015.
Selon le Conseil fédéral, les modifications législatives
contribueront à préserver l'attractivité et l'intégrité de la
place financière suisse tout en se conformant aux
recommandations du GAFI révisées en 2012.
Il convient de rappeler que le GAFI est un organisme
intergouvernemental spécialisé en matière de lutte contre le
blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme
ayant élaboré une série de recommandations à caractère
non-contraignant. Ces recommandations sont aujourd'hui
considérées comme des standards internationaux dans les
domaines précités.
Les modifications législatives voulues par le Conseil fédéral
se divisent en sept axes : (i) l'amélioration de la
transparence des personnes morales et des actions au
porteur; (ii) la précision des obligations d'identification des
ayants droits économiques des personnes morales pour les
intermédiaires financiers; (iii) l'extension de la définition
actuelle des personnes politiquement exposées ("PPE");
(iv) l'introduction d'infractions fiscales grave en infractions
préalables au blanchiment d'argent (art. 305bis CP); (v)
l'intervention d'un intermédiaire financier ou l'exigence de
l'identification de l'ayant-droit économique en cas de
paiements en espèces de plus de CHF 100'000.- lors
d'opérations de négoce de biens; (vi) la modification du
système de communication de soupçons; (vii) enfin,
l'amélioration de la mise en œuvre de la norme du GAFI
relative aux sanctions ciblées au financement du terrorisme.
La présente contribution vise à analyser certaines de ces
modifications législatives et à exposer les nouveautés et les
changements majeurs qui interviendront lors de l'entrée en
vigueur de la présente loi.
II.
EXTENSION DE LA NOTION DE PEP
Jusqu’à présent, l’art. 2 al. 1 let. a OBA FINMA et l’art. 10
al. 4 let. a OBA CFMJ disposaient que seuls entraient dans
la définition de personnes politiquement exposées (PPE),
les personnes qui sont ou ont été chargées de fonctions
publiques dirigeantes à l’étranger. Ces articles dressent
ensuite une liste de personnes considérées comme tel.
de Preux Avocats
A noter que dès le moment où une personne est considérée
comme PPE par un intermédiaire financier, la relation doit
être désignée en tant que relation présentant des risques
accrus.
Le Conseil fédéral a repris ces exigences réglées jusqu’à
présent au niveau des ordonnances pour les ancrer au
niveau de la loi, plus particulièrement au futur article 2a
LBA. Dorénavant, sont également considérées comme des
PPE « les personnes qui sont ou ont été chargées de
fonctions publiques dirigeantes au niveau national en
Suisse dans la politique, l’administration, l’armée ou la
justice, ainsi que les membres du conseil d’administration
ou de la direction d’entreprises étatiques d’importance
nationale » (art. 2a al. 1 let .b LBA nouveau).
Sur ce point, il a été judicieux d'ancrer dans une loi fédérale
une définition aussi importante qui jusque-là ne se trouvait
qu'au niveau d'une ordonnance, amenant une plus grande
légitimité démocratique et légale à cette notion.
En outre, la définition de PPE a été étendue aux personnes
qui ont ou été chargées de fonction dirigeante dans des
organisations intergouvernementales ou au sein de
fédérations sportives internationales.
La définition de PPE en Suisse est légèrement différente de
la définition de PPE à l’étranger afin de tenir compte des
particularités du système suisse. Ainsi, le message du
Conseil fédéral relatif au projet de la loi fédérale dispose
qu’entre dans la définition de PPE en Suisse : les
conseillers fédéraux, le chancelier de la Confédération, les
conseillers nationaux et les conseillers aux Etats, les
directeurs d’office et les secrétaires généraux de
l’administration fédérale, le procureur général de la
Confédération, les procureurs fédéraux, les juges fédéraux,
les officiers généraux de l’armée, les présidents et les
secrétaires généraux des partis politiques nationaux ainsi
que les membres du conseil d’administration ou de la
direction d’entreprises étatiques d’importance nationale. A
cet égard, sont réputées entreprises étatiques d’importance
nationale la Poste Suisse, Swisscom, CFF, SUVA,
armasuisse, RUAG, Empaet, IFSN.
Nous constatons que la définition de PPE en Suisse est
limitée aux personnes exerçant ou ayant exercé leur
fonction au niveau fédéral. Cette limitation doit être saluée
dans la mesure où il nous paraît excessif d’élargir la
définition de PPE en Suisse aux PPE exerçant ou ayant
exercé une fonction publique dirigeante au niveau régional
et de les considérer de manière systématique comme un
Lausanne
22, rue du Petit-Chêne 22 ▪ Case postale 5890
CH-1002 Lausanne
tel: +41 (0)21 312 59 40 ▪ fax: +41 (0)21 312 59 41
Genève
2, rue Pedro-Meylan ▪ Case postale 409
CH-1211Genève 17
tel: +41 (0)22 700 51 52 ▪ fax: +41 (0)21 700 51 53
2
risque accru. Toutefois, l’art. 12 al. 1 OBA-FINMA et l’art.
10 OBA CFMJ exigent que les intermédiaires financiers
fixent des critères permettant de détecter les relations
d’affaires présentant des risques accrus. Partant, des PPE
aux niveaux cantonal et communal peuvent être également
désignés en tant que relation à risque accru, conformément
à l’approche basée sur les risques applicables en la
matière.
L’art. 6 al. 3 LBA nouveau dispose que les relations
d’affaires avec des PPE à l’étranger, ainsi qu’avec les
personnes qui leur sont proches au sens de l’art. 2a al. 2
LBA nouveau sont automatiquement réputées comporter un
risque accru.
En revanche, les relations d’affaires avec PPE en Suisse ou
avec des PPE d’organisations internationales ne sont pas
automatiquement réputées comporter un risque accru,
d’autres critères de risque doivent entrer en jeu (art. 6 al. 4
LBA nouveau).
Cette différence législative permet, par exemple, de ne pas
considérer automatiquement tous les conseillers nationaux
ou conseillers aux Etats comme des PPE à risque accru.
Alors que le Conseil fédéral souhaitait exclure de la
définition de PPE d’organisations intergouvernementales
les fédérations sportives telles que la FIFA ou le CIO, le
conseil des Etats a décidé d’aller plus loin et d’inclure
également ces organisations au vu des récents soupçons
de corruption au sein d’une d’entre elles.
Le projet du Conseil fédéral ne comportait pas de limite
temporelle au-delà de laquelle une personne ne devait plus
être considérée comme PPE lorsqu’elle n’exerce plus une
fonction publique dirigeante. Le Conseil fédéral considérait
qu’il n’était pas possible de fixer un délai au terme duquel le
statut du PPE prend fin, étant donné que cela dépend des
circonstances particulières.
Le parlement a modifié la loi sur ce point, en décrétant que
les PPE en Suisse ne sont plus considérées comme
politiquement exposées 18 mois après qu’elles ont cessé
d’exercer leur fonction (art. 6 al 4 LBA nouveau). Il est
évident que des PPE en Suisse peuvent toujours être
désignées comme telles malgré la fin du délai de 18 mois,
si celles-ci sont encore réputées comporter un risque accru
selon les obligations de diligence générales des
intermédiaires financiers (art. 6 al. 4 LBA deuxième phrase
nouveau).
III.
EXTENSION
DE
L'INFRACTION
DE
BLANCHIMENT D'ARGENT (305BIS CP) AUX
INFRACTIONS FISCALES PÉNALES GRAVES
Conformément aux recommandations du GAFI, chaque
pays doit au minimum inclure une gamme d'infractions
graves au sein de chacune des catégories désignées
d'infractions, telles que définies dans le glossaire générale
qui est annexé aux 40 recommandations. Dans le cadre de
la révision partielle de 2012, cette liste minimale a été
étendue aux infractions fiscales pénales graves.
Le GAFI n'a pas défini ce qui doit être considéré comme
"infractions fiscales pénales" mais uniquement que cette
catégorie d'infractions doit couvrir aussi bien les impôts
directs que les impôts indirects.
1
ATF 136 IV 188 consid. 6.2 et références citées.
En droit suisse, les infractions "graves" constitutives
d'infractions préalables au sens de l'art. 305bis CP sont les
crimes au sens de l'art. 10 al. 2 CP, soit les infractions
passibles d'une peine privative de liberté de plus de trois
ans.
Le Conseil fédéral avait dès lors proposé, dans son avantprojet, de modifier l'art. 186 al. 1 LIFD afin de le transformer
en crime selon l'importance des éléments imposables non
déclarés. Un système identique avait été prévu pour la
LHID.
Lors de la consultation de l'avant-projet, le Conseil fédéral
avait reçu de multiples critiques, de sorte qu'il a été renoncé
à modifier la LIFD et la LHID mais a présenté une
modification de l'art. 305bis CP afin d'étendre son application
à un "délit fiscal qualifié".
Ainsi, l'usage de faux au sens de l'art. 186 LIFD et la fraude
fiscale au sens de l'art. 59 al. 1, 1er paragraphe – infractions,
au demeurant, considérées comme des délits – constituent
désormais des infractions préalables au blanchiment
d'argent lorsque les impôts soustraits par période fiscale se
montent à plus de CHF 300'000.-.
Ce seuil d'impôts soustraits de CHF 300'000.- a été
augmenté par les Chambres fédérales, alors que le projet
du Conseil fédéral prévoyait un seuil de CHF 200'000.d'impôts soustraits.
En plus d'intensifier le rôle d'auxiliaire de la justice
qu'endosse les intermédiaires financiers, le seuil de CHF
300'000.- nous paraît encore trop bas. En effet, il est
complexe pour l'intermédiaire financier de distinguer entre
une planification fiscale légale et un délit fiscal qualifié.
De surcroît, ce procédé aura certainement un coût non
négligeable pour les intermédiaires financiers qui en
présence de soupçons de délit fiscal qualifié devront
déterminer si le seuil de CHF 300'000.- a été atteint.
Dans le doute, il est à parier que les intermédiaires
financiers auront tout intérêt à dénoncer les cas proches du
seuil au bureau de communication (MROS) afin de se
conformer aux exigences de l'art. 9 LBA nouveau et 305ter
al. 2 CP nouveau.
Cela est d'autant plus vrai que le Tribunal fédéral avait
considéré que le blanchiment d'argent peut aussi être
réalisé par omission si l'auteur, en sa qualité d'intermédiaire
financier, se trouvait dans une position de garant qui
entraînait pour lui une obligation juridique d'agir1.
En matière de fiscalité indirecte, l'art. 14 al. 4 DPA a été
élargi aux infractions commises sur le territoire suisse dans
le domaine des contributions. Le droit suisse avait déjà été
adapté le 1er février 2009 en qualifiant l'escroquerie fiscale
d'infraction préalable. Cette disposition a été introduite pour
mettre en œuvre l'infraction préalable de contrebande
douanière, sa portée étant limité au trafic transfrontière de
marchandises. Ainsi, le nouvel article 14 al. 4 DPA sera
également applicable à l'impôt anticipé et aux droits de
timbre. Elle visera aussi la TVA sur les livraisons réalisées
sur le territoire suisse ainsi que sur les prestations de
services, ou encore l'impôt sur l'alcool, la bière et le tabac
perçu sur la fabrication en Suisse, etc.
3
IV.
MODIFICATION
DU
PROCESSUS
DE
L'OBLIGATION DE COMMUNIQUER AU SENS
DE L'ART 9 LBA
l'intermédiaire financier de la transmission des informations
communiquées aux autorités pénales, délai réduit à 20
jours par les Chambres fédérales.
Le système actuel prévu à l'art. 9 et 10 LBA prévoit qu'en
cas de communication au bureau de communication
(MROS) par l'intermédiaire financier, ce dernier bloque
immédiatement les valeurs patrimoniales qui lui sont
confiées si elles ont un lien avec les informations
communiquées en vertu de l'art. 9 LBA (art. 10 al. 1 LBA).
Dès que le bureau de communication (MROS) a notifié à
l'intermédiaire financier qu'il a transmis les informations
communiquées à une autorité de poursuite pénale,
l'intermédiaire financier bloque les valeurs patrimoniales qui
lui sont confiées (art. 10 al. 1 LBA nouveau).
Ce blocage est maintenu jusqu'à la réception d'une décision
de l'autorité de poursuite pénale compétente, mais au
maximum durant cinq jours ouvrables à compter du moment
où il a informé le bureau de communication (MROS) (art. 10
al. 2 LBA).
Sur la base de ce système, le bureau de communication
(MROS) a transmis, en 2013, aux autorités pénales 79 %
des communications2. Ce système est conçu pour inciter les
intermédiaires financiers à communiquer des cas
uniquement après en avoir effectué une analyse
approfondie. En effet, l'intermédiaire financier doit procéder
à des recherches approfondies afin de justifier ses doutes,
aussi bien en ce qui concerne le droit de communication
(art. 305ter al. 2 CP) que, a fortiori, l'obligation de
communiquer3.
Le Conseil fédéral, considérant que l'analyse accélérée du
bureau de communication (MROS) peut avoir des
répercussions négatives sur sa qualité, a décidé d'introduire
un blocage des avoirs de manière différée afin de donner
plus de temps non seulement au bureau de communication
(MROS), mais aussi aux autorités pénales.
En outre, le blocage automatique présentait, selon le
Conseil fédéral, un risque que le client soit informé qu'une
communication de soupçons a été faite à son encontre.
Dorénavant, en cas de communication en vertu de l'art. 9
LBA nouveau, l'intermédiaire financier ne doit pas
immédiatement bloquer les avoirs.
L'art. 9a LBA nouveau prévoit que pendant l'analyse
effectuée par le bureau de communication (MROS),
l'intermédiaire financier continue d'exécuter les ordres des
clients portant sur les valeurs patrimoniales communiquées,
soit s'il sait ou présume, sur la base de soupçons fondés,
que les valeurs patrimoniales impliquées dans la relation
d'affaires:
1.
ont un rapport avec une infraction des infractions
mentionnées aux art. 260ter, ch. 1, ou 305bis CP;
2.
proviennent d'un crime ou d'un délit fiscal qualifié
au sens de l'art. 305bis, ch. 1bis CP;
3.
sont soumises au pouvoir de disposition d'une
organisation criminelle;
4.
servent au financement du terrorisme (art.
260quinquies al. 1 CP).
Une fois que la communication a été effectuée au bureau
de communication (MROS), celui-ci dispose d'un délai de
20 jours pour informer l'intermédiaire financier s'il transmet
ou non aux autorités pénales les informations
communiquées (art. 23 al. 5 LBA nouveau). Le Conseil
fédéral avait initialement prévu un délai de 30 jours au
bureau de communication (MROS) pour informer
2
16ème rapport annuel du bureau de communication en matière de
blanchiment d'argent MROS, p. 15.
Ce blocage est maintenu jusqu'à réception d'une décision
de l'autorité de poursuite pénale compétente, mais au
maximum durant cinq jours ouvrables à compter du moment
où le bureau de communication (MROS) a notifié à
l'intermédiaire financier avoir transmis les informations à
une autorité de poursuite pénale (art. 10 al. 2 LBA
nouveau).
A noter qu'il existera toujours un blocage immédiat des
valeurs patrimoniales confiées à l'intermédiaire financier
prévu à l'art. 10 al. 1bis LBA nouveau, en corrélation avec les
art. 9a al. 1 let. c, 6 al. 2 let. d et 22a al.1 LBA nouveau. Le
blocage immédiat se rapporte à des valeurs patrimoniales
appartenant à une personne ou une organisation menant
ou soutenant des activités terroristes (infra chiffre V).
Ce système a certes le mérite de donner plus de temps au
bureau de communication (MROS) pour examiner si la
communication doit être transmise aux autorités pénales,
mais elle donne une plus grande responsabilité aux
intermédiaires financiers qui devront se montrer encore plus
vigilants lors de l'exécution des ordres donnés par le client.
En outre, l'intermédiaire financier est placé dans une
position intenable contraint de surveiller la relation
d'affaires, à défaut de pouvoir bloquer les avoirs, jusqu'à la
fin de l'analyse par le bureau de communication (MROS),
alors qu'il n'a pas la fonction d'auxiliaire de la justice et qu'il
n'en a pas les compétences.
L'avenir nous dira si le taux de transmission aux autorités
pénales par le bureau de communication (MROS) aura
baissé, étant donné que ce dernier disposera de plus de
temps pour analyser chaque cas concret.
Malgré une diminution du risque de voir le client informé
d'une mesure de blocage à son encontre, dès le moment où
celui-ci n'est pas automatique, ce risque existe toujours si
le blocage intervient effectivement. Cela est d'autant vrai
que le client est souvent au fait des législations en vigueur
en Suisse grâce à l'appui de ses avocats.
Le projet du Conseil fédéral excluait, initialement, de
manière absolue que l'intermédiaire financier informe les
personnes concernées ou les tiers d'une communication en
vertu de l'art. 9 LBA nouveau. Toutefois, les Chambres
fédérales ont considérés que cette interdiction d'informer
tombait lorsqu'il s'agit de sauvegarder ses propres intérêts
dans le cadre d'une procédure civile, pénale ou
administration. On pense notamment à la reddition de
compte de l'art. 400 CO où l'intermédiaire se trouve coincé
entre l'obligation de rendre compte de la gestion du mandat
et l'interdiction d'informer d'une communication ou d'un
blocage des avoirs.
3
Ibidem.
4
V.
SANCTIONS FINANCIERES CIBLES LIEES AU
TERRORISME ET AU FINANCEMENT DU
TERRORISME
Deux résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU4
constituent les documents de base de la lutte internationale
contre le financement du terrorisme. Le GAFI se fonde sur
ces deux résolutions pour formuler sa recommandation 6
concernant le gel des fonds et autres biens appartenant à
des terroristes et à des organisations terroristes.
Concrètement, ces résolutions prévoient l'élaboration de
listes de personnes et d'organisations amenant un gel des
avoirs et à des sanctions financières ciblées.
La Suisse a mis en œuvre ces résolutions par la reprise des
listes de terroristes des Etats tiers. Pour ce faire, le Conseil
fédéral a édicté des ordonnances instituant des mesures à
l'encontre de personnes ou d'organisations se basant dans
un premier temps sur l'art. 184 al. 3 Cst avant l'entrée en
vigueur de la loi sur les embargos en 2003 (LEmb).
A noter que durant le printemps arabe, le Conseil fédéral a
édicté une multitude d'ordonnances instituant des mesures
notamment à l'encontre de la Syrie, de l'Egypte ou de la
Tunisie. La plupart d'entre elles se fondent encore sur l'art.
184 al. 3 Cst alors que la loi sur les embargos est entrée en
vigueur.
Nous n'entrerons pas sur le sujet de la légalité des
ordonnances fondées uniquement sur l'art. 184 al. 3 Cst5.
La Suisse n'a pas jugé opportun, dans un premier temps,
d'adapter la législation concernant la lutte contre le
financement du terrorisme à la suite des recommandations
du GAFI, préférant au contraire – s'agissant de la reprise
des listes de terroristes des Etats tiers – développer une
pratique utilisant les structures et procédures en place de la
législation sur le blanchiment d'argent.
Concrètement, la FINMA transmet les listes étrangères de
terroristes aux intermédiaires financiers qui vérifient ensuite
leurs relations d'affaires et le cas échéant communiquent,
en cas de soupçon fondé, les informations au bureau de
communication (MROS) en application de l'actuel art. 9
LBA.
A ce jour, la Suisse n'a pas souhaité établir elle-même de
liste propre de terroristes ou d'organisations terroristes et le
Conseil fédéral a maintenu ce souhait dans son projet de la
présente loi. Comme l'indique très justement le Conseil
fédéral, il est quasiment impossible de définir des critères
objectifs permettant de déterminer qui, en Suisse, doit être
désigné comme terroriste ou organisation terroriste.
A noter que le Tribunal fédéral, selon sa jurisprudence
constante depuis 1999, a qualifié à ce jour sept
groupements d'organisations criminelles terroristes au sens
de l'art. 260ter CP6.
4
5
6
Résolution 1267 (1999) concernant Al-Quaïda, Oussama Ben
Laden et les Taliban et résolution 1373 (2001) exigeant une
coopération étroite des Etats à la répression du financement du
terrorisme.
TF 2C_97/2014 du 13 décembre 2014. Dans cet arrêt, le Tribunal
fédéral a considéré qu'une telle ordonnance, en l'occurrence l'OEgypte, respectait les conditions d'application de l'art. 184 al. 3
Cst.
Al-Quaïda et son réseau (TF 1A.194/2002 du 15 novembre
2002); les Brigades rouges (ATF 128 II 355 et 125 II 569); ETA
(TF 1A.174/2002 du 21 octobre 2002); Les "Martyrs pour le
Maroc" (TF 1A.50/2005 du 5 avril 2005), l'armée nationale
Par ailleurs, entre 2004 et 2013, le bureau de
communication (MROS) a communiqué 109 annonces aux
autorités pénales, dont 2 cas seulement ont fait l'objet d'un
jugement, 45 cas en cours d'instruction et 9 cas suspendus.
Dans les 43 cas restants, le Ministère public n'est pas entré
en matière7.
Cela permet de relativiser la portée desdites listes qui pour
la plupart sont établies sur la base de de la presse et de
liens internet, ce qui a été récemment critiqué par le
Tribunal de l'Union européenne dans le cadre de
l'inscription du Hamas et du LTTE sur une liste de sanctions
européenne8. En effet, le Tribunal de l'Union européenne a
exigé que la base factuelle d'une décision de l'Union de gel
des fonds en matière de terrorisme repose non pas sur des
éléments que le Conseil aurait tirés de la presse et
d'Internet, mais sur des éléments concrètement examinés
et retenus dans des décisions d'autorités nationales
compétentes9.
La présente loi formalise, en quelques sortes, la pratique
actuelle en matière de transmission de l'information par la
FINMA aux intermédiaires financiers car le GAFI considérait
que la pratique actuelle n'entraînait selon elle, aucune
obligation légale directe pour les intermédiaires financiers.
Il y a lieu de rappeler que les intermédiaires financiers ont
tout intérêt à se plier aux listes établies par les Etats
étrangers au vu du risque de réputation et des exigences
de l'actuel art. 9 LBA. Ainsi, le Conseil fédéral relève que
les listes d'organisations terroristes transmises par la
FINMA sont prises très au sérieux par les intermédiaires
financiers qui déclarent systématiquement au bureau de
communication (MROS) les relations d'affaires qu'ils
entretiennent avec des personnes ou organisations figurant
sur une liste étrangère, et ce, qu'ils nourrissent ou non des
soupçons fondés.
Le nouvel article 22a LBA prévoit une transmission des
listes de terroristes par le Département fédéral des finances
(DFF) à la FINMA et à la Commission fédérale des maisons
de jeux (CFMJ) aux conditions suivantes : premièrement,
les données ont été remises à la Suisse (la Suisse ne doit
pas rechercher des listes de terroristes et d'organisations
terroristes dans le monde); deuxièmement, les listes
étrangères ont été publiées dans le pays d'origine;
troisièmement, les listes étrangères doivent reposer sur la
résolution 1373 du Conseil de sécurité, soit notamment que
les listes ne sont pas motivées politiquement, mais qu'elles
se justifient au moins en raison d'indices révélant un arrièreplan terroriste.
Par la suite, la FINMA et la CFMJ communiquent les listes
aux intermédiaires financiers sous leur surveillance (art.
22a al. 2 et 3 LBA nouveau).
Par ailleurs, dans le but de se conformer aux exigences de
l'art. 2 let. b EIMP et de l'art. 15 de la convention
internationale pour la répression du financement du
7
8
9
albanaise (ATF 131 II 235); la "Force de Défense populaire"
(HPG) bras armé du PKK et les "Faucons de la liberté du
Kurdisan" (TAK), liés eux aussi au PKK (TF 1C.470/2012 du 25
octobre 2012.
16ème rapport annuel du bureau de communication en matière de
blanchiment d'argent MROS, p. 20.
Arrêt du Tribunal de l'Union européenne T-400/10 du 17
décembre 2014 (s'agissant du Hamas); Arrêt du Tribunal de
l'Union européenne T-208/11 et T-508/11 (s'agissant du
"Liberation Tigers of Tamil Eelam (LTTE)).
Ibidem.
5
terrorisme stipulant qu'une entraide ne peut être accordé si
elle tend à poursuive une personne ou à la punir en raison
de ses opinion politiques, de son appartenance à un groupe
social déterminé, de sa race, de sa confession ou de sa
nationalité, une disposition similaire a été introduite à l'art.
22a al. 4 LBA nouveau.
Cette disposition oblige la Suisse à ne coopérer qu'avec les
Etats qui répondent aux critères fondamentaux d'un Etat de
droit et qui respectent les droits de l'homme et d'autres
principes juridiques supranationaux pertinents.
Le DFF ne peut ainsi pas transmettre une liste à la FINMA
ou à la CFMJ tant qu'elle n'a pas consulté le DFAE, le DFJP,
le DEFR et le DDPS en fonction de leurs compétences
respectives. Si, après analyse, des raisons sérieuses
subsistent quant à une violation des droits de l'homme ou
des principes de l'Etat de droit, le DFF ne transmet pas la
liste.
Enfin, dès le moment où un intermédiaire reçoit la liste, il
est tenu en vertu de l'art. 6 al. 1 let. d LBA nouveau de
clarifier l'arrière-plan et le but d'une transaction ou d'une
relation d'affaires si un cocontractant, un ayant droit
économique ou un signataire concordent ou présentent des
grandes similitudes avec la liste transmise par la FINMA ou
la CFMJ.
VI.
CONCLUSIONS
Au vu des modifications législatives opérées par le Conseil
fédéral et adoptées par les Chambres fédérales, ces
dernières respectent pleinement les recommandations du
GAFI ce qui évitera à la Suisse d'être critiquée à l'avenir.
La Suisse avait dès lors tout intérêt à mettre en œuvre les
recommandations du GAFI pour ne pas subir de nouvelles
pressions internationales.
En revanche, il est regrettable de constater que
l'intermédiaire financier se transforme progressivement en
un auxiliaire de la justice voyant ses tâches s'alourdir alors
que ses obligations de diligence sont d'ores et déjà
extrêmement poussées.
En effet, que ce soit l'extension de la définition du PPE,
l'introduction d'un délit fiscal qualifié en tant qu'infractions
préalables au blanchiment d'argent, le blocage différé des
avoirs ou le contrôle de ses relations d'affaires au regard
des listes étrangères de terroristes ou d'organisations
terroristes, l'intermédiaire financier sera contraint à faire
preuve d'une vigilance et d'un contrôle encore plus accrus
de l'ensemble de ses relations d'affaires alors que la place
financière suisse est aujourd'hui en pleine mutation.
Si tel est le cas, l'intermédiaire financier communique
immédiatement les informations au bureau de
communication (MROS) (art. 9 al. 1 let. c LBA nouveau) et
bloque immédiatement les valeurs patrimoniales qui lui sont
confiées (art. 10 al. 1bis LBA nouveau), en dérogation au
blocage différé instauré par les nouvelle dispositions sur
l'obligation de communiquer (art. 9, 9a, 10 al. 1 et 3 LBA
nouveau) (supra chiffre IV).
Le contenu de cette Newsletter ne représente pas un avis ou un conseil juridique. Un des avocats suivants se fera un plaisir de
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