NEWSLETTER FEVRIER 2015
Transcription
NEWSLETTER FEVRIER 2015
NEWSLETTER FEVRIER 2015 Questions choisies sur l'adoption de la loi fédérale sur la mise en œuvre des recommandations du groupe d'action financière (GAFI) : Nouveautés pour les intermédiaires financiers I. INTRODUCTION Le 13 décembre 2013, le Conseil fédéral a soumis au parlement le projet de loi sur la mise en œuvre des recommandations du Groupe d'action financière ("GAFI"), révisées en 2012. Ce projet de loi, largement débattu devant le Conseil national et le Conseil d'Etat et modifié sur certains points, a été finalement adopté le 12 décembre 2014. Le délai référendaire arrive à échéance le 2 avril 2015. Selon le Conseil fédéral, les modifications législatives contribueront à préserver l'attractivité et l'intégrité de la place financière suisse tout en se conformant aux recommandations du GAFI révisées en 2012. Il convient de rappeler que le GAFI est un organisme intergouvernemental spécialisé en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ayant élaboré une série de recommandations à caractère non-contraignant. Ces recommandations sont aujourd'hui considérées comme des standards internationaux dans les domaines précités. Les modifications législatives voulues par le Conseil fédéral se divisent en sept axes : (i) l'amélioration de la transparence des personnes morales et des actions au porteur; (ii) la précision des obligations d'identification des ayants droits économiques des personnes morales pour les intermédiaires financiers; (iii) l'extension de la définition actuelle des personnes politiquement exposées ("PPE"); (iv) l'introduction d'infractions fiscales grave en infractions préalables au blanchiment d'argent (art. 305bis CP); (v) l'intervention d'un intermédiaire financier ou l'exigence de l'identification de l'ayant-droit économique en cas de paiements en espèces de plus de CHF 100'000.- lors d'opérations de négoce de biens; (vi) la modification du système de communication de soupçons; (vii) enfin, l'amélioration de la mise en œuvre de la norme du GAFI relative aux sanctions ciblées au financement du terrorisme. La présente contribution vise à analyser certaines de ces modifications législatives et à exposer les nouveautés et les changements majeurs qui interviendront lors de l'entrée en vigueur de la présente loi. II. EXTENSION DE LA NOTION DE PEP Jusqu’à présent, l’art. 2 al. 1 let. a OBA FINMA et l’art. 10 al. 4 let. a OBA CFMJ disposaient que seuls entraient dans la définition de personnes politiquement exposées (PPE), les personnes qui sont ou ont été chargées de fonctions publiques dirigeantes à l’étranger. Ces articles dressent ensuite une liste de personnes considérées comme tel. de Preux Avocats A noter que dès le moment où une personne est considérée comme PPE par un intermédiaire financier, la relation doit être désignée en tant que relation présentant des risques accrus. Le Conseil fédéral a repris ces exigences réglées jusqu’à présent au niveau des ordonnances pour les ancrer au niveau de la loi, plus particulièrement au futur article 2a LBA. Dorénavant, sont également considérées comme des PPE « les personnes qui sont ou ont été chargées de fonctions publiques dirigeantes au niveau national en Suisse dans la politique, l’administration, l’armée ou la justice, ainsi que les membres du conseil d’administration ou de la direction d’entreprises étatiques d’importance nationale » (art. 2a al. 1 let .b LBA nouveau). Sur ce point, il a été judicieux d'ancrer dans une loi fédérale une définition aussi importante qui jusque-là ne se trouvait qu'au niveau d'une ordonnance, amenant une plus grande légitimité démocratique et légale à cette notion. En outre, la définition de PPE a été étendue aux personnes qui ont ou été chargées de fonction dirigeante dans des organisations intergouvernementales ou au sein de fédérations sportives internationales. La définition de PPE en Suisse est légèrement différente de la définition de PPE à l’étranger afin de tenir compte des particularités du système suisse. Ainsi, le message du Conseil fédéral relatif au projet de la loi fédérale dispose qu’entre dans la définition de PPE en Suisse : les conseillers fédéraux, le chancelier de la Confédération, les conseillers nationaux et les conseillers aux Etats, les directeurs d’office et les secrétaires généraux de l’administration fédérale, le procureur général de la Confédération, les procureurs fédéraux, les juges fédéraux, les officiers généraux de l’armée, les présidents et les secrétaires généraux des partis politiques nationaux ainsi que les membres du conseil d’administration ou de la direction d’entreprises étatiques d’importance nationale. A cet égard, sont réputées entreprises étatiques d’importance nationale la Poste Suisse, Swisscom, CFF, SUVA, armasuisse, RUAG, Empaet, IFSN. Nous constatons que la définition de PPE en Suisse est limitée aux personnes exerçant ou ayant exercé leur fonction au niveau fédéral. Cette limitation doit être saluée dans la mesure où il nous paraît excessif d’élargir la définition de PPE en Suisse aux PPE exerçant ou ayant exercé une fonction publique dirigeante au niveau régional et de les considérer de manière systématique comme un Lausanne 22, rue du Petit-Chêne 22 ▪ Case postale 5890 CH-1002 Lausanne tel: +41 (0)21 312 59 40 ▪ fax: +41 (0)21 312 59 41 Genève 2, rue Pedro-Meylan ▪ Case postale 409 CH-1211Genève 17 tel: +41 (0)22 700 51 52 ▪ fax: +41 (0)21 700 51 53 2 risque accru. Toutefois, l’art. 12 al. 1 OBA-FINMA et l’art. 10 OBA CFMJ exigent que les intermédiaires financiers fixent des critères permettant de détecter les relations d’affaires présentant des risques accrus. Partant, des PPE aux niveaux cantonal et communal peuvent être également désignés en tant que relation à risque accru, conformément à l’approche basée sur les risques applicables en la matière. L’art. 6 al. 3 LBA nouveau dispose que les relations d’affaires avec des PPE à l’étranger, ainsi qu’avec les personnes qui leur sont proches au sens de l’art. 2a al. 2 LBA nouveau sont automatiquement réputées comporter un risque accru. En revanche, les relations d’affaires avec PPE en Suisse ou avec des PPE d’organisations internationales ne sont pas automatiquement réputées comporter un risque accru, d’autres critères de risque doivent entrer en jeu (art. 6 al. 4 LBA nouveau). Cette différence législative permet, par exemple, de ne pas considérer automatiquement tous les conseillers nationaux ou conseillers aux Etats comme des PPE à risque accru. Alors que le Conseil fédéral souhaitait exclure de la définition de PPE d’organisations intergouvernementales les fédérations sportives telles que la FIFA ou le CIO, le conseil des Etats a décidé d’aller plus loin et d’inclure également ces organisations au vu des récents soupçons de corruption au sein d’une d’entre elles. Le projet du Conseil fédéral ne comportait pas de limite temporelle au-delà de laquelle une personne ne devait plus être considérée comme PPE lorsqu’elle n’exerce plus une fonction publique dirigeante. Le Conseil fédéral considérait qu’il n’était pas possible de fixer un délai au terme duquel le statut du PPE prend fin, étant donné que cela dépend des circonstances particulières. Le parlement a modifié la loi sur ce point, en décrétant que les PPE en Suisse ne sont plus considérées comme politiquement exposées 18 mois après qu’elles ont cessé d’exercer leur fonction (art. 6 al 4 LBA nouveau). Il est évident que des PPE en Suisse peuvent toujours être désignées comme telles malgré la fin du délai de 18 mois, si celles-ci sont encore réputées comporter un risque accru selon les obligations de diligence générales des intermédiaires financiers (art. 6 al. 4 LBA deuxième phrase nouveau). III. EXTENSION DE L'INFRACTION DE BLANCHIMENT D'ARGENT (305BIS CP) AUX INFRACTIONS FISCALES PÉNALES GRAVES Conformément aux recommandations du GAFI, chaque pays doit au minimum inclure une gamme d'infractions graves au sein de chacune des catégories désignées d'infractions, telles que définies dans le glossaire générale qui est annexé aux 40 recommandations. Dans le cadre de la révision partielle de 2012, cette liste minimale a été étendue aux infractions fiscales pénales graves. Le GAFI n'a pas défini ce qui doit être considéré comme "infractions fiscales pénales" mais uniquement que cette catégorie d'infractions doit couvrir aussi bien les impôts directs que les impôts indirects. 1 ATF 136 IV 188 consid. 6.2 et références citées. En droit suisse, les infractions "graves" constitutives d'infractions préalables au sens de l'art. 305bis CP sont les crimes au sens de l'art. 10 al. 2 CP, soit les infractions passibles d'une peine privative de liberté de plus de trois ans. Le Conseil fédéral avait dès lors proposé, dans son avantprojet, de modifier l'art. 186 al. 1 LIFD afin de le transformer en crime selon l'importance des éléments imposables non déclarés. Un système identique avait été prévu pour la LHID. Lors de la consultation de l'avant-projet, le Conseil fédéral avait reçu de multiples critiques, de sorte qu'il a été renoncé à modifier la LIFD et la LHID mais a présenté une modification de l'art. 305bis CP afin d'étendre son application à un "délit fiscal qualifié". Ainsi, l'usage de faux au sens de l'art. 186 LIFD et la fraude fiscale au sens de l'art. 59 al. 1, 1er paragraphe – infractions, au demeurant, considérées comme des délits – constituent désormais des infractions préalables au blanchiment d'argent lorsque les impôts soustraits par période fiscale se montent à plus de CHF 300'000.-. Ce seuil d'impôts soustraits de CHF 300'000.- a été augmenté par les Chambres fédérales, alors que le projet du Conseil fédéral prévoyait un seuil de CHF 200'000.d'impôts soustraits. En plus d'intensifier le rôle d'auxiliaire de la justice qu'endosse les intermédiaires financiers, le seuil de CHF 300'000.- nous paraît encore trop bas. En effet, il est complexe pour l'intermédiaire financier de distinguer entre une planification fiscale légale et un délit fiscal qualifié. De surcroît, ce procédé aura certainement un coût non négligeable pour les intermédiaires financiers qui en présence de soupçons de délit fiscal qualifié devront déterminer si le seuil de CHF 300'000.- a été atteint. Dans le doute, il est à parier que les intermédiaires financiers auront tout intérêt à dénoncer les cas proches du seuil au bureau de communication (MROS) afin de se conformer aux exigences de l'art. 9 LBA nouveau et 305ter al. 2 CP nouveau. Cela est d'autant plus vrai que le Tribunal fédéral avait considéré que le blanchiment d'argent peut aussi être réalisé par omission si l'auteur, en sa qualité d'intermédiaire financier, se trouvait dans une position de garant qui entraînait pour lui une obligation juridique d'agir1. En matière de fiscalité indirecte, l'art. 14 al. 4 DPA a été élargi aux infractions commises sur le territoire suisse dans le domaine des contributions. Le droit suisse avait déjà été adapté le 1er février 2009 en qualifiant l'escroquerie fiscale d'infraction préalable. Cette disposition a été introduite pour mettre en œuvre l'infraction préalable de contrebande douanière, sa portée étant limité au trafic transfrontière de marchandises. Ainsi, le nouvel article 14 al. 4 DPA sera également applicable à l'impôt anticipé et aux droits de timbre. Elle visera aussi la TVA sur les livraisons réalisées sur le territoire suisse ainsi que sur les prestations de services, ou encore l'impôt sur l'alcool, la bière et le tabac perçu sur la fabrication en Suisse, etc. 3 IV. MODIFICATION DU PROCESSUS DE L'OBLIGATION DE COMMUNIQUER AU SENS DE L'ART 9 LBA l'intermédiaire financier de la transmission des informations communiquées aux autorités pénales, délai réduit à 20 jours par les Chambres fédérales. Le système actuel prévu à l'art. 9 et 10 LBA prévoit qu'en cas de communication au bureau de communication (MROS) par l'intermédiaire financier, ce dernier bloque immédiatement les valeurs patrimoniales qui lui sont confiées si elles ont un lien avec les informations communiquées en vertu de l'art. 9 LBA (art. 10 al. 1 LBA). Dès que le bureau de communication (MROS) a notifié à l'intermédiaire financier qu'il a transmis les informations communiquées à une autorité de poursuite pénale, l'intermédiaire financier bloque les valeurs patrimoniales qui lui sont confiées (art. 10 al. 1 LBA nouveau). Ce blocage est maintenu jusqu'à la réception d'une décision de l'autorité de poursuite pénale compétente, mais au maximum durant cinq jours ouvrables à compter du moment où il a informé le bureau de communication (MROS) (art. 10 al. 2 LBA). Sur la base de ce système, le bureau de communication (MROS) a transmis, en 2013, aux autorités pénales 79 % des communications2. Ce système est conçu pour inciter les intermédiaires financiers à communiquer des cas uniquement après en avoir effectué une analyse approfondie. En effet, l'intermédiaire financier doit procéder à des recherches approfondies afin de justifier ses doutes, aussi bien en ce qui concerne le droit de communication (art. 305ter al. 2 CP) que, a fortiori, l'obligation de communiquer3. Le Conseil fédéral, considérant que l'analyse accélérée du bureau de communication (MROS) peut avoir des répercussions négatives sur sa qualité, a décidé d'introduire un blocage des avoirs de manière différée afin de donner plus de temps non seulement au bureau de communication (MROS), mais aussi aux autorités pénales. En outre, le blocage automatique présentait, selon le Conseil fédéral, un risque que le client soit informé qu'une communication de soupçons a été faite à son encontre. Dorénavant, en cas de communication en vertu de l'art. 9 LBA nouveau, l'intermédiaire financier ne doit pas immédiatement bloquer les avoirs. L'art. 9a LBA nouveau prévoit que pendant l'analyse effectuée par le bureau de communication (MROS), l'intermédiaire financier continue d'exécuter les ordres des clients portant sur les valeurs patrimoniales communiquées, soit s'il sait ou présume, sur la base de soupçons fondés, que les valeurs patrimoniales impliquées dans la relation d'affaires: 1. ont un rapport avec une infraction des infractions mentionnées aux art. 260ter, ch. 1, ou 305bis CP; 2. proviennent d'un crime ou d'un délit fiscal qualifié au sens de l'art. 305bis, ch. 1bis CP; 3. sont soumises au pouvoir de disposition d'une organisation criminelle; 4. servent au financement du terrorisme (art. 260quinquies al. 1 CP). Une fois que la communication a été effectuée au bureau de communication (MROS), celui-ci dispose d'un délai de 20 jours pour informer l'intermédiaire financier s'il transmet ou non aux autorités pénales les informations communiquées (art. 23 al. 5 LBA nouveau). Le Conseil fédéral avait initialement prévu un délai de 30 jours au bureau de communication (MROS) pour informer 2 16ème rapport annuel du bureau de communication en matière de blanchiment d'argent MROS, p. 15. Ce blocage est maintenu jusqu'à réception d'une décision de l'autorité de poursuite pénale compétente, mais au maximum durant cinq jours ouvrables à compter du moment où le bureau de communication (MROS) a notifié à l'intermédiaire financier avoir transmis les informations à une autorité de poursuite pénale (art. 10 al. 2 LBA nouveau). A noter qu'il existera toujours un blocage immédiat des valeurs patrimoniales confiées à l'intermédiaire financier prévu à l'art. 10 al. 1bis LBA nouveau, en corrélation avec les art. 9a al. 1 let. c, 6 al. 2 let. d et 22a al.1 LBA nouveau. Le blocage immédiat se rapporte à des valeurs patrimoniales appartenant à une personne ou une organisation menant ou soutenant des activités terroristes (infra chiffre V). Ce système a certes le mérite de donner plus de temps au bureau de communication (MROS) pour examiner si la communication doit être transmise aux autorités pénales, mais elle donne une plus grande responsabilité aux intermédiaires financiers qui devront se montrer encore plus vigilants lors de l'exécution des ordres donnés par le client. En outre, l'intermédiaire financier est placé dans une position intenable contraint de surveiller la relation d'affaires, à défaut de pouvoir bloquer les avoirs, jusqu'à la fin de l'analyse par le bureau de communication (MROS), alors qu'il n'a pas la fonction d'auxiliaire de la justice et qu'il n'en a pas les compétences. L'avenir nous dira si le taux de transmission aux autorités pénales par le bureau de communication (MROS) aura baissé, étant donné que ce dernier disposera de plus de temps pour analyser chaque cas concret. Malgré une diminution du risque de voir le client informé d'une mesure de blocage à son encontre, dès le moment où celui-ci n'est pas automatique, ce risque existe toujours si le blocage intervient effectivement. Cela est d'autant vrai que le client est souvent au fait des législations en vigueur en Suisse grâce à l'appui de ses avocats. Le projet du Conseil fédéral excluait, initialement, de manière absolue que l'intermédiaire financier informe les personnes concernées ou les tiers d'une communication en vertu de l'art. 9 LBA nouveau. Toutefois, les Chambres fédérales ont considérés que cette interdiction d'informer tombait lorsqu'il s'agit de sauvegarder ses propres intérêts dans le cadre d'une procédure civile, pénale ou administration. On pense notamment à la reddition de compte de l'art. 400 CO où l'intermédiaire se trouve coincé entre l'obligation de rendre compte de la gestion du mandat et l'interdiction d'informer d'une communication ou d'un blocage des avoirs. 3 Ibidem. 4 V. SANCTIONS FINANCIERES CIBLES LIEES AU TERRORISME ET AU FINANCEMENT DU TERRORISME Deux résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU4 constituent les documents de base de la lutte internationale contre le financement du terrorisme. Le GAFI se fonde sur ces deux résolutions pour formuler sa recommandation 6 concernant le gel des fonds et autres biens appartenant à des terroristes et à des organisations terroristes. Concrètement, ces résolutions prévoient l'élaboration de listes de personnes et d'organisations amenant un gel des avoirs et à des sanctions financières ciblées. La Suisse a mis en œuvre ces résolutions par la reprise des listes de terroristes des Etats tiers. Pour ce faire, le Conseil fédéral a édicté des ordonnances instituant des mesures à l'encontre de personnes ou d'organisations se basant dans un premier temps sur l'art. 184 al. 3 Cst avant l'entrée en vigueur de la loi sur les embargos en 2003 (LEmb). A noter que durant le printemps arabe, le Conseil fédéral a édicté une multitude d'ordonnances instituant des mesures notamment à l'encontre de la Syrie, de l'Egypte ou de la Tunisie. La plupart d'entre elles se fondent encore sur l'art. 184 al. 3 Cst alors que la loi sur les embargos est entrée en vigueur. Nous n'entrerons pas sur le sujet de la légalité des ordonnances fondées uniquement sur l'art. 184 al. 3 Cst5. La Suisse n'a pas jugé opportun, dans un premier temps, d'adapter la législation concernant la lutte contre le financement du terrorisme à la suite des recommandations du GAFI, préférant au contraire – s'agissant de la reprise des listes de terroristes des Etats tiers – développer une pratique utilisant les structures et procédures en place de la législation sur le blanchiment d'argent. Concrètement, la FINMA transmet les listes étrangères de terroristes aux intermédiaires financiers qui vérifient ensuite leurs relations d'affaires et le cas échéant communiquent, en cas de soupçon fondé, les informations au bureau de communication (MROS) en application de l'actuel art. 9 LBA. A ce jour, la Suisse n'a pas souhaité établir elle-même de liste propre de terroristes ou d'organisations terroristes et le Conseil fédéral a maintenu ce souhait dans son projet de la présente loi. Comme l'indique très justement le Conseil fédéral, il est quasiment impossible de définir des critères objectifs permettant de déterminer qui, en Suisse, doit être désigné comme terroriste ou organisation terroriste. A noter que le Tribunal fédéral, selon sa jurisprudence constante depuis 1999, a qualifié à ce jour sept groupements d'organisations criminelles terroristes au sens de l'art. 260ter CP6. 4 5 6 Résolution 1267 (1999) concernant Al-Quaïda, Oussama Ben Laden et les Taliban et résolution 1373 (2001) exigeant une coopération étroite des Etats à la répression du financement du terrorisme. TF 2C_97/2014 du 13 décembre 2014. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a considéré qu'une telle ordonnance, en l'occurrence l'OEgypte, respectait les conditions d'application de l'art. 184 al. 3 Cst. Al-Quaïda et son réseau (TF 1A.194/2002 du 15 novembre 2002); les Brigades rouges (ATF 128 II 355 et 125 II 569); ETA (TF 1A.174/2002 du 21 octobre 2002); Les "Martyrs pour le Maroc" (TF 1A.50/2005 du 5 avril 2005), l'armée nationale Par ailleurs, entre 2004 et 2013, le bureau de communication (MROS) a communiqué 109 annonces aux autorités pénales, dont 2 cas seulement ont fait l'objet d'un jugement, 45 cas en cours d'instruction et 9 cas suspendus. Dans les 43 cas restants, le Ministère public n'est pas entré en matière7. Cela permet de relativiser la portée desdites listes qui pour la plupart sont établies sur la base de de la presse et de liens internet, ce qui a été récemment critiqué par le Tribunal de l'Union européenne dans le cadre de l'inscription du Hamas et du LTTE sur une liste de sanctions européenne8. En effet, le Tribunal de l'Union européenne a exigé que la base factuelle d'une décision de l'Union de gel des fonds en matière de terrorisme repose non pas sur des éléments que le Conseil aurait tirés de la presse et d'Internet, mais sur des éléments concrètement examinés et retenus dans des décisions d'autorités nationales compétentes9. La présente loi formalise, en quelques sortes, la pratique actuelle en matière de transmission de l'information par la FINMA aux intermédiaires financiers car le GAFI considérait que la pratique actuelle n'entraînait selon elle, aucune obligation légale directe pour les intermédiaires financiers. Il y a lieu de rappeler que les intermédiaires financiers ont tout intérêt à se plier aux listes établies par les Etats étrangers au vu du risque de réputation et des exigences de l'actuel art. 9 LBA. Ainsi, le Conseil fédéral relève que les listes d'organisations terroristes transmises par la FINMA sont prises très au sérieux par les intermédiaires financiers qui déclarent systématiquement au bureau de communication (MROS) les relations d'affaires qu'ils entretiennent avec des personnes ou organisations figurant sur une liste étrangère, et ce, qu'ils nourrissent ou non des soupçons fondés. Le nouvel article 22a LBA prévoit une transmission des listes de terroristes par le Département fédéral des finances (DFF) à la FINMA et à la Commission fédérale des maisons de jeux (CFMJ) aux conditions suivantes : premièrement, les données ont été remises à la Suisse (la Suisse ne doit pas rechercher des listes de terroristes et d'organisations terroristes dans le monde); deuxièmement, les listes étrangères ont été publiées dans le pays d'origine; troisièmement, les listes étrangères doivent reposer sur la résolution 1373 du Conseil de sécurité, soit notamment que les listes ne sont pas motivées politiquement, mais qu'elles se justifient au moins en raison d'indices révélant un arrièreplan terroriste. Par la suite, la FINMA et la CFMJ communiquent les listes aux intermédiaires financiers sous leur surveillance (art. 22a al. 2 et 3 LBA nouveau). Par ailleurs, dans le but de se conformer aux exigences de l'art. 2 let. b EIMP et de l'art. 15 de la convention internationale pour la répression du financement du 7 8 9 albanaise (ATF 131 II 235); la "Force de Défense populaire" (HPG) bras armé du PKK et les "Faucons de la liberté du Kurdisan" (TAK), liés eux aussi au PKK (TF 1C.470/2012 du 25 octobre 2012. 16ème rapport annuel du bureau de communication en matière de blanchiment d'argent MROS, p. 20. Arrêt du Tribunal de l'Union européenne T-400/10 du 17 décembre 2014 (s'agissant du Hamas); Arrêt du Tribunal de l'Union européenne T-208/11 et T-508/11 (s'agissant du "Liberation Tigers of Tamil Eelam (LTTE)). Ibidem. 5 terrorisme stipulant qu'une entraide ne peut être accordé si elle tend à poursuive une personne ou à la punir en raison de ses opinion politiques, de son appartenance à un groupe social déterminé, de sa race, de sa confession ou de sa nationalité, une disposition similaire a été introduite à l'art. 22a al. 4 LBA nouveau. Cette disposition oblige la Suisse à ne coopérer qu'avec les Etats qui répondent aux critères fondamentaux d'un Etat de droit et qui respectent les droits de l'homme et d'autres principes juridiques supranationaux pertinents. Le DFF ne peut ainsi pas transmettre une liste à la FINMA ou à la CFMJ tant qu'elle n'a pas consulté le DFAE, le DFJP, le DEFR et le DDPS en fonction de leurs compétences respectives. Si, après analyse, des raisons sérieuses subsistent quant à une violation des droits de l'homme ou des principes de l'Etat de droit, le DFF ne transmet pas la liste. Enfin, dès le moment où un intermédiaire reçoit la liste, il est tenu en vertu de l'art. 6 al. 1 let. d LBA nouveau de clarifier l'arrière-plan et le but d'une transaction ou d'une relation d'affaires si un cocontractant, un ayant droit économique ou un signataire concordent ou présentent des grandes similitudes avec la liste transmise par la FINMA ou la CFMJ. VI. CONCLUSIONS Au vu des modifications législatives opérées par le Conseil fédéral et adoptées par les Chambres fédérales, ces dernières respectent pleinement les recommandations du GAFI ce qui évitera à la Suisse d'être critiquée à l'avenir. La Suisse avait dès lors tout intérêt à mettre en œuvre les recommandations du GAFI pour ne pas subir de nouvelles pressions internationales. En revanche, il est regrettable de constater que l'intermédiaire financier se transforme progressivement en un auxiliaire de la justice voyant ses tâches s'alourdir alors que ses obligations de diligence sont d'ores et déjà extrêmement poussées. En effet, que ce soit l'extension de la définition du PPE, l'introduction d'un délit fiscal qualifié en tant qu'infractions préalables au blanchiment d'argent, le blocage différé des avoirs ou le contrôle de ses relations d'affaires au regard des listes étrangères de terroristes ou d'organisations terroristes, l'intermédiaire financier sera contraint à faire preuve d'une vigilance et d'un contrôle encore plus accrus de l'ensemble de ses relations d'affaires alors que la place financière suisse est aujourd'hui en pleine mutation. Si tel est le cas, l'intermédiaire financier communique immédiatement les informations au bureau de communication (MROS) (art. 9 al. 1 let. c LBA nouveau) et bloque immédiatement les valeurs patrimoniales qui lui sont confiées (art. 10 al. 1bis LBA nouveau), en dérogation au blocage différé instauré par les nouvelle dispositions sur l'obligation de communiquer (art. 9, 9a, 10 al. 1 et 3 LBA nouveau) (supra chiffre IV). Le contenu de cette Newsletter ne représente pas un avis ou un conseil juridique. Un des avocats suivants se fera un plaisir de vous conseiller sur votre situation particulière: A Lausanne : A Genève : Pascal de Preux Christian de Preux Associé Associé [email protected] [email protected] Daniel Trajilovic Chloé Tavernier Collaborateur Avocate-stagiaire [email protected] [email protected] de Preux Avocats / www.depreuxavocats.ch Lausanne Genève 22, rue du Petit-Chêne 2, rue Pedro-Meylan Case postale 5890 Case postale 409 1002 Lausanne 1211 Genève 17 T +41 21 312 59 40 T + 41 22 700 51 52 F + 41 21 312 59 41 F + 41 22 700 51 53