Kaboré, footballeur citoyen

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Kaboré, footballeur citoyen
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SPORTS
Mercredi 1 Septembre 2010
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FOOTBALL
Kaboré, footballeur citoyen
ENTRETIEN Désormais titulaire de la double nationalité franco-burkinaise, l’Olympien explique sa démarche
A
ppelez-moi François, comme François le Français !" À peine
venait-il de révéler sa récente naturalisation au centre des
médias de La Commanderie que, déjà, Charles Kaboré s’en
amusait, faisant référence au SAV d’Omar et Fred sur Canal +.
L’annonce a été une heureuse nouvelle pour Christophe Hutteau,
son agent, qu’on aurait pu imaginer à l’origine de la requête. "Il
m’a fait la surprise. Sa démarche est symbolique, il sait ce qu’il doit
à la France, c’est un garçon respectueux, confie-t-il. Il est même
tombé des nues quand je lui ai parlé des avantages pour le foot."
L’international burkinabé s’est rendu seul à la Préfecture, a fait
la queue comme tout le monde et déposé son dossier ; moins
d’un an plus tard - exploitant la possibilité pour un étranger issu
d’un pays francophone et présent régulièrement sur le territoire
national depuis deux ans -, il a obtenu le précieux document
bleu-blanc-rouge. "Le gouvernement décide selon ton profil : si tu
payes tes impôts, que tu es loyal, que tu ne fais pas des bêtises, c’est
bon ! Mais j’ai eu de la chance." Avec Charly, tout est simple.
❚ Qu’est-ce que ça représente
pour vous ?
C’est énorme ! Il y a trois ans,
je ne pensais même pas venir
en France et aujourd’hui je suis
français ; une grande surprise !
Au Burkina, il y avait plus de
joueurs talentueux que moi. Et
si je suis là, c’est grâce à mon
travail et ma persévérance ;
dans le foot comme dans la vie,
il y a des hauts, des bas, des
jours avec, des jours sans... Une
remise en cause permanente.
❚ Qu’est-ce qui vous a motivé ?
Déjà, je ne suis plus étranger
en France ! Ça permettra à mes
enfants et mes petits-enfants
d’être français. Les avantages ?
Les papiers... Quand j’ai voulu
partir à Libourne, il m’a fallu un
mois pour obtenir un visa ; j’en
ai souffert, on m’avait donné
une petite semaine de visa.
❚ Comment vos proches
l’ont-ils accepté ?
Dès que j’ai reçu les papiers
j’ai appelé là-bas. J’y allais très
souvent car c’est à la mairie que
je récupérais tous les trois mois
un acte de naissance pour mon
dossier de carte de séjour. J’ai
expliqué ma démarche à mes
amis et à ma famille. Ça ne
change rien : mon pays c’est le
Burkina... et la France ! Pour le
foot, c’est bien aussi de pouvoir
se déplacer dans toute l’Europe
(ndlr : l’Espagne et l’Angleterre
ne reconnaissent toujours pas
l’arrêt Malaja). Habib Bamogo,
aussi, a la double nationalité.
❚ Le chemin depuis Libourne,
sur le terrain, comme en dehors
est désormais immense.
En trois ans et demi... Je prie
tous les jours pour que ce soit
comme ça jusqu’à la fin de ma
carrière, la fin de ma vie... À
l’époque, j’avais pris un avion
de Ouagadougou à Bordeaux,
en passant par Casablanca et
Marseille, où j’avais honoré ma
AIDE AUX ENFANTS
Son sourire illumine le vestiaire
de l’OM au quotidien. Et quand
il rentre au Burkina, Charles
Kaboré transmet sa bonne
humeur aux enfants, sa raison
de vivre, au travers de l’action
de l’association "Graines de
joie". "Cet été, en vacances, j’ai
organisé un match et une fête
dans le centre des enfants avec
des artistes venus gratuitement
ainsi que Moumouni Dagano et
Jonathan Pitroipa. Grâce à la
Société Générale du Burkina,
qui a apporté 1 500 ¤ via ses
journées de solidarité, une
société de télécommunication,
qui nous a donné 800 ¤, et nous
qui avons complété la somme,
on a récolté près de 4 000 ¤, se
félicite "Charly". Ça va assurer
leur scolarité pendant six mois
ou un an. Les enfants étaient
contents. Nos frères burkinabés
doivent savoir qu’on n’est pas
là pour rouler dans des grosses
voitures... On pense à eux. Tout
le monde doit pouvoir manger ;
car si tu en as la garantie, c’est
un grand plus pour ton avenir."
La générosité de Kaboré ne
s’arrête pas aux frontières de
son village, de son pays. "Dans
le monde, on est tous des frères.
On a tous la même chair."
deuxième sélection (en amical)
contre l’Algérie à Marignane.
À Libourne, lors de mon premier entraînement, je ne pouvais pas frapper dans le ballon
car j’avais les pieds gelés, tellement il faisait froid.
❚ Aujourd’hui vous parlez le
français très facilement. Cela
a-t-il toujours été le cas ?
À Libourne, il y avait déjà
trois Burkinabés : Joël Kouassi,
Yahia Kébé et Boubacar Kébé.
Dans le vestiaire, il y a toujours
eu de la joie même si on perdait
souvent. On a tout fait pour le
maintien et quand on l’a eu, ça
a été un sacré soulagement !
À mon arrivée, mon accent
était plus fort ; souvent on me
faisait répéter les phrases, et ça
me dérangeait. Tu dis pardon
une fois ça va, mais au bout de
deux... J’arrête de dialoguer.
"En Afrique, on cherche
à s’entraider. En France
c’est chacun pour soi
et Dieu pour tous."
❚ À Marseille, vous êtes un
"bon client" pour la presse.
J’essaie de ne pas parler trop
vite. Je suis un joueur moins
connu que les autres mais bon,
parfois j’ai envie de parler. S’il y
a quelque chose à dire, il ne
faut pas hésiter, dans le respect.
❚ Depuis le Burkina, pendant
votre enfance, comment
voyiez-vous la France ?
Pas comme celle où, pour la
première fois, j’ai atterri. Dans
mon imagination, à la télé, je
voyais les belles rues... Ici, les
constructions ne sont pas les
mêmes. Surtout, je pensais le
climat cent fois meilleur qu’en
Afrique, plus doux. Mais quand
je suis arrivé, il faisait très, très
À Marseille, comme à Port du Crouesty - où il avait pris le temps de discuter dans l’eau avec de jeunes supporters
/ PHOTO FRÉDÉRIC SPEICH
durant le stage de préparation -, Charles Kaboré croque toujours la vie à pleine dents.
froid ! Chez nous, quand il pleut
ça tombe très fort et après il y a
le soleil ; en France, il pleut des
fois pendant plusieurs jours
d’affilée. On s’adapte...
❚ Ressentez-vous également
les inégalités sociales ?
(Il coupe) La France est plus
riche. Souvent, je me posais la
question : pourquoi l’Afrique
n’est pas comme la France ? Ce
n’est juste pas le même monde.
Il faut beaucoup construire et
copier les Européens. Nous, on
a une bonne culture familiale ;
quand l’un réussit, il doit aider
tous les autres. On cherche à
s’entraider, alors qu’en France,
c’est chacun pour soi et Dieu
pour tous. J’ai vu plus de gens
en difficulté en Afrique, où il y a
plus de pauvres, de gens qui
meurent de faim ; ici, il y a des
soins gratuits. Vos ancêtres
nous ont légué beaucoup de
choses ; c’est bien. J’espère que
l’Afrique va ressembler un jour
à la France. La colonisation fait
partie de notre histoire, mais si
on a voulu notre indépendance
c’est pour montrer qu’on était
capable de s’en sortir seuls.
❚ Avez-vous déjà été victime
du racisme en France, en ville ou
dans un stade ?
Non, je ne l’ai pas vécu. Mais
le racisme n’est pas propre à ici.
Ça existe dans le monde entier.
Les Noirs peuvent, eux aussi,
être racistes. Dans le foot, il faut
punir la personne car ce n’est
pas un bon exemple pour tous
les enfants qui regardent la télé
ou sont dans les tribunes. Les
banderoles, les cris, bien sûr
que c’est insultant, humiliant !
À Saint-Petersbourg, pendant
qu’on s’échauffait avec Zubar
et André Ayew, on nous jetait
des peaux de banane. Ronald
s’était énervé ; moi, je n’avais
pas pris ça en considération.
L’essentiel était de jouer car on
n’allait pas rester en Russie !
❚ Depuis plusieurs mois, nos
ministres de l’Immigration et de
l’Intérieur créent la polémique
par des petites phrases...
C’est grâce à eux que je suis
Français, alors je les remercie !
(Éclat de rire) C’est exactement
ce que je disais, partout dans le
monde, certains acceptent les
étrangers, d’autres non ! On
n’est pas obligé de se faire
aimer par tout le monde ; c’est
la nature, il faut l’admettre. Si je
parle, ça ne va rien changer.
Aimons-nous les uns les autres.
"Certains acceptent
les étrangers, d’autres
non. C’est la nature,
il faut l’admettre."
❚ Parmi les sujets de discorde,
il y a l’Islam, la burqa...
Il faut respecter la culture de
l’autre. Je m’appelle Charles,
mais je suis musulman comme
mon père, comme beaucoup
de Burkinabés. Chaque pays a
ses droits, ses lois ; donc, il faut
accepter qu’il dise de porter ou
non tel ou tel vêtement... On
peut juger, mais accepter et
chercher un terrain d’entente.
Les foulards ne me choquent
pas en France car beaucoup de
gens les portent en Afrique.
❚ Quels sont, selon vous, les
principales qualités et les princi-
LE BILAN DU MERCATO L’ATTAQUE OLYMPIENNE A ÉTÉ CONSIDÉRABLEMENT RENOUVELÉE CET ÉTÉ
Un visage offensif en reconstruction
L’EFFECTIF POUR LA SAISON 2010-2011
.......................................................GARDIENS .......................................................
1. Rudy RIOU, né le 22 janvier 1980 à Béziers.
16. Elinton ANDRADE, né le 30 mars 1979 à Rio Grande do Sul (Brésil).
30. Steve MANDANDA, né le 28 mars 1985 à Kinshasa (Zaïre). A France.
.....................................................DÉFENSEURS ....................................................
2. César AZPILICUETA, né le 28 août 1989 à Pampelune (Espagne). Espoirs Espagne.
3. Taye TAIWO, né le 16 avril 1985 à Lagos (Nigéria). A nigérian.
4. Julien RODRIGUEZ, né le 11 juin 1978 à Béziers.
5. Vitorino HILTON, né le 13 septembre 1977 à Brasilia (Brésil).
13. Senah MANGO, né le 13 décembre 1989 à Lomé (Togo). A Togo.
14. Leyti N’DIAYE, né le 19 août 1985 à Dakar (Sénégal).
17. Stéphane MBIA, né le 20 mai 1986 à Yaoundé (Cameroun). A Cameroun.
19. Gabriel HEINZE, né le 19 mars 1978 à Crespo (Argentine). A Argentine.
21. Souleymane DIAWARA, né le 24 décembre 1978 à Gabou (Sénégal). A Sénégal.
26. Jean-Philippe SABO, né le 26 février 1987 à Marseille.
.........................................................MILIEUX ........................................................
Loïc Rémy, André-Pierre Gignac et César Azpilicueta constituent les trois renforts enregistrés par l’OM
/ PHOTO OM/MERYL DIFFUSION
lors de ce mercato estival.
ILS SONT ARRIVÉS...
ILS SONT PARTIS...
César AZPILICUETA d’Osasuna Pampelune
(Espagne)
Loïc RÉMY de l’OGC Nice
Andr-Pierre GIGNAC du Toulouse FC
André AYEW d’Arles-Avignon (retour de prêt)
Jean-Philippe SABO et Leyti N’DIAYE de l’AC
Ajaccio (retour de prêt)
Mamadou NIANG à Fenerbahçe (Turquie)
Hatem BEN ARFA à Newcastle (Angleterre, prêt avec option d’achat)
Mamadou SAMASSA à Valenciennes
Bakari KONÉ à Lakhwiya (Qatar)
Pape M’BOW et Cédric D’ULIVO à l’AC Ajaccio (prêts)
Charley FOMEN à Dijon (prêt)
Laurent BONNART, fin de contrat
Fernando MORIENTES, Cyril ROOL, Guy GNABOUYOU, résiliation
6. Edouard CISSÉ, né le 30 mars 1978 à Pau.
7. Benoît CHEYROU, né le 3 mai 1981 à Suresnes.
8. LUCHO GONZALEZ, né le 19 janvier 1981 à Buenos Aires (Argentine). A Argentine
12. Charles KABORÉ, né le 9 février 1988 à Bobo-Dioulasso (Burkina Faso). A Burkina.
18. Fabrice ABRIEL, né le 6 juillet 1979 à Suresnes.
20. André AYEW, né le 17 décembre 1989 à Lille. A Ghana.
23. Alexander NDOUMBOU, né le 4 janvier 1992 à Port-Gentil (Gabon). A Gabon.
28. Mathieu VALBUENA, né le 28 septembre 1984 à Bruges. A France.
34. Kévin OSEI, né le 26 mars 1991 à Marseille.
.....................................................ATTAQUANTS ....................................................
9. Evaeverson BRANDAO, né le 16 juin 1980 à Sao Paulo (Brésil).
10. André-Pierre GIGNAC, né le 5 décembre 1985 à Martigues. A France.
11. Loïc RÉMY, né le 2 janvier 1987 à Lyon. A France.
15. Jordan AYEW, né le 11 septembre 1991 à Marseille. A Ghana.
R.L.
paux défauts des Français ?
Ils savent écouter, cherchent
à apprendre, avec cette envie
d’avancer. Je suis Français, or si
je dis un défaut, je me donne
des défauts à moi, non ? (Rires)
❚ C’est une réponse politique.
On nous dit souvent râleurs...
Oui, c’est vrai je le vois quand
il y a les grèves, c’est ça ! (Rire).
Les plaintes, les syndicats...
Chacun réclame ses droits,
c’est normal ; si tu veux plus, tu
réclames. Si on te donne tant
mieux, sinon t’auras essayé. Si
je suis un Français aisé ? Oui,
peut-être, mais j’espère gagner
plus (Rire). Français aisé, ça me
plaît cette expression !
❚ Maîtrisez-vous déjà toutes
les paroles de La Marseillaise ?
Il faut que je l’apprenne, que
je devienne un bon chanteur.
❚ Mais la plupart des Français,
quelles que soient leurs origines
ne la connaissent même pas...
Bon, alors ça va, j’ai un peu
de temps ! (Ultime éclat de rire)
Rémi LACASSIN
[email protected]
LA VIE OLYMPIENNE
◗ REPRISE CE MATIN
Après 48 heures de repos, les Olympiens (enfin ce qu’il en reste, douze
internationaux ayant déjà rejoint
leurs sélections respectives) reprennent le chemin de l’entraînement
aujourd’hui à 10 h, au centre Robert Louis-Dreyfus.
➔ Vendredi 3 septembre
Challenge Michel-Moretti
AC Ajaccio - OM .........18h50, Orange Sport
➔ Dimanche 12 septembre
Ligue 1, 5e journée
OM - Monaco............................21h, Canal +
◗ À L’HEURE DE LA
LIGUE DES CHAMPIONS
C’est aujourd’hui que les clubs doivent envoyer au siège de l’UEFA les
listes de joueurs qui participeront à
la Ligue des champions. Demain,
des dirigeants du Spartak Moscou
se rendront à Marseille, et plus particulièrement au stade Vélodrome,
afin d’étudier les possibilités d’accueil de leurs supporters. À l’inverse, lundi et mardi prochains, une
délégation de l’OM ira à Londres en
vue du premier déplacement à Chelsea avant de décoller en direction
de Zilina le mercredi.
R.L.