Réforme du lycée - SE-Unsa

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Réforme du lycée - SE-Unsa
Réforme du lycée :
faire le point
© Antonio Diaz
DOSSIER
Cinq ans après le lancement de la nouvelle classe de seconde
générale et technologique, il est possible d’effectuer un premier
bilan de la réforme du lycée GT. Les objectifs affichés
(mieux orienter et mieux accompagner les élèves, mieux les préparer
à la poursuite de leurs études) sont-ils en voie d’être atteints ?
L
LA RÉFORME DU LYCÉE GÉNÉRAL ET TECHNOLOGIQUE
n’a atteint à ce jour que très partiellement ses
objectifs. Sous la pression des syndicats
conservateurs, le maintien de sa structuration
en deux voies, elles-mêmes structurées en
séries dont la plupart n’ont pas changé ni
d’appellation, ni de « menu » de formation,
n’y est pas pour rien. Les passerelles entre
les voies et les séries ne fonctionnent en
général que de manière descendante et la
« personnalisation des parcours » reste à
l’état de slogan. Ni les enseignements
d’exploration, ni le tronc commun n’ont
modifié les fonctionnements des familles
et des équipes. Toutefois, l’accompagnement personnalisé et les moyens
complémentaires globalisés ont renforcé
le travail collectif, et la préparation à l’orientation dans le Supérieur est devenue une
priorité forte.
Le SE-Unsa est convaincu que le cycle
terminal doit être organisé en modules de
formation générale et technologique
choisis, construisant un parcours vers le
Supérieur, avec un baccalauréat largement
revisité. L’accompagnement des élèves
vers l’autonomie requise pour réussir
après le baccalauréat devient alors
central : le SE-Unsa revendique la mise
en place de référents-adultes en charge
du suivi du parcours et des apprentissages d’un nombre limité d’élèves.
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AP EN 2NDE
En direct du terrain
«
L’accompagnement personnalisé en seconde, ça marche et l’expérience menée
par certains collègues en est la preuve ! Cap sur le lycée du Golf à Dieppe : une
partition à trois voix pour une réponse chorale.
Pouvez-vous présenter succinctement votre lycée ?
Le lycée du Golf est un lycée polyvalent offrant des formations professionnelles (CAP ou bac pro) ou technologiques
(bac techno) dans les domaines tertiaire, sanitaire et social.
Il accueille, en seconde GT, un public assez homogène et
plutôt féminin.
Depuis les dernières réformes du lycée, les élèves de
seconde, première ou terminale doivent bénéficier de deux
heures d’AP. Comment s’organisent ces deux heures dans
votre établissement ?
Le projet d’accompagnement personnalisé sur lequel nous
avons travaillé concerne 96 élèves répartis dans trois classes
de seconde. Ils ont leurs heures d’AP tous en même temps,
sont répartis en 5 ou 6 groupes selon les périodes. Notre
année est découpée en quatre temps. De la rentrée aux
vacances d’automne, période d’accueil ; des vacances
d’automne aux vacances de Noël, première période en
groupes de besoins ; de Noël à mars, travail sur l’orientation
puis de mars à la fin de l’année, deuxième période en
groupes de besoins. À chaque fin de période, les élèves ne
sont pas en AP pendant deux heures, ce qui permet à l’équipe
de se concerter (bilan de la période et préparation de la
suivante).
Parlez-nous des menus de chaque période.
• L’accueil commence par une séance de « dynamique de
groupe » organisée par les professeurs d’EPS. Ils proposent
des activités physiques en groupe classe permettant aux
élèves de mieux se connaître, de commencer à apprendre
à s’entraider, à collaborer… Suivent des séances pendant
lesquelles les élèves sont sensibilisés aux problèmes du
harcèlement ou découvrent les filières proposées dans le
lycée (ST2S et STL)... La période est mise à profit pour organiser
des entretiens individuels de 15 min, ce qui permet un retour
vers les professeurs principaux et un repérage des besoins
individuels en vue de la période suivante.
• La première période en groupes de besoins s’organise
autour de cinq thèmes : révision de mathématiques appliquées, rédaction à partir de schémas et schématisation de
textes, estime de soi en passant par un travail oral devant
une caméra, mise en place d’une stratégie pour résoudre
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un problème (travail sur l’autonomie).
• La période consacrée à l’orientation permet de travailler
sur les représentations des métiers visés et parfois les déconstruire. On y accueille des professionnels qui viennent
présenter la réalité de leur activité.
• Pendant la dernière période en groupes de besoins, les
élèves sont répartis en fonction de la première qu’ils
demandent. Le thème commun est la rencontre de l’autre.
Cette année, nous avons fait appel à deux intervenants de la
réserve citoyenne : un directeur d’IME et une lieutenant de
l’administration pénitentiaire. Les élèves doivent créer, par
petits groupes, un livre illustré leur permettant de définir,
par exemple, ce qu’est une personne en situation de handicap
et de présenter une structure qui peut l’accueillir.
Quels sont les personnels impliqués dans l’AP ?
L’équipe d’AP est constituée de cinq collègues (philo, maths,
ST2S, physique-chimie, biochimie) qui peuvent faire intervenir
Yann Le Strat, Céline Le Strat et Karine Couillandre sont respectivement professeurs de mathématiques, de philosophie et de
physique-chimie au lycée du Golf de Dieppe (76). Ils ont bâti un
projet d’accompagnement personnalisé (AP) pour les secondes
générales de leur établissement.
ponctuellement et selon les besoins les profs d’EPS, le COP,
l’infirmière ou l’assistante sociale.
Pour construire votre projet, avez-vous bénéficié d’un accompagnement de l’institution et si oui, de quelle nature ?
À la mise en place de la réforme, le lycée a bénéficié d’une
formation autour de l’AP et du tutorat. Depuis, l’équipe
fonctionne de matière autonome. Pour l’anecdote, nous
assurons nous-mêmes toute l’ingénierie de formation nécessaire à ce projet.
Après quelques années de fonctionnement, pouvez-vous
mesurer l’apport de l’AP pour vos élèves ?
Ce travail nous permet de mieux connaître nos élèves et nous
donne la satisfaction de mieux les prendre en charge. Le fait
de travailler en équipe est nettement ressenti et déteint positivement sur l’ambiance générale du lycée.
Cette organisation a-t-elle modifié votre façon de travailler ?
Nous apprécions de changer de posture et de sortir du
« train-train » de notre discipline. Les élèves nous regardent
autrement et sont plutôt agréablement surpris de ce qu’on
leur propose.
Pensez-vous devoir faire évoluer votre projet et si oui, dans
quelle direction ?
Les évolutions se font par petites touches suite au bilan qu’on
tire collectivement en fin d’année scolaire et en fonction
d’éventuels changements dans l’équipe.
Comment l’institution pourrait-elle vous aider ?
Nous ressentons le besoin d’un regard extérieur sur ce que
l’on a mis en place. Nous demandons, par exemple, à être
inspectés pendant ces heures d’AP. Par ailleurs, au sein de
l’établissement, nous aurions besoin de temps pour nous
poser, échanger et mettre en commun ce qui se pratique au
niveau des classes de seconde, première et terminale.
Propos recueillis par Thierry Patinaux
© everything possible
L’ AVIS DU
SYNDICAT
L
Claire Krepper
secrétaire nationale
’ÉQUIPE DU LYCÉE DU GOLF DE DIEPPE montre qu’il est
tout à fait possible de mettre en place et de faire
vivre dans la durée un dispositif d’accompagnement
personnalisé en classe de seconde, deux heures par
semaine, et sans tomber dans les « usines à gaz »
dénoncées par les partisans de l’immuable « un prof, une
classe, une discipline », forme scolaire commode qui ne
nécessite aucun échange avec les autres enseignants de
l’équipe et n’impose aucune contrainte dans les emplois
du temps. Ce qui est à souligner particulièrement dans ce
dispositif, c’est qu’il sort du traditionnel soutien discipli-
naire en maths, français et Lv1, et propose aux élèves des
temps pour construire des « savoir-être » élèves de lycée,
et pour se projeter dans un parcours de formation qui va
même au-delà du baccalauréat. Connaître les attentes des
études lycéennes, mieux se connaître soi-même, prendre
confiance en soi et construire des projets dans une
dynamique de coopération, les élèves de seconde du
lycée du Golf se dotent de solides atouts pour réussir.
Soutenir la mise en place de l’accompagnement
personnalisé, c’est ce que le SE-Unsa a défendu dans
le cadre de la réforme du lycée.
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SÉRIES DE LA VOIE GÉNÉRALE
Un rééquilibrage insuffisant
D
DEPUIS LES ANNÉES 1980, LE LYCÉE GÉNÉRAL ACCUEILLE
toujours plus
nombreuses et donc des élèves
aux profils toujours plus différents.
Bizarrement, alors que son
recrutement se diversifie, le
lycée général s’est uniformisé
puisque la série S est devenue
l’objectif de nombreux élèves
entrant en seconde alors même
qu’ils n’ont pas toujours de
projet d’études scientifiques.
C’est pourquoi la réforme de
2009 s’est donné pour objectif
de rééquilibrer les trois séries
pour en faire trois parcours
d’excellence.
DES GÉNÉRATIONS
Malheureusement, on
est encore très loin du
compte.
Les effectifs de la série S continuent d’augmenter en 2014
pour atteindre 53,7 % des
effectifs de la voie générale en
première. Elle a en fait absorbé les deux tiers de la
croissance
des
effectifs de cette
voie entre 2009 et
2014.
La série L a vu,
quant à elle, ses
effectifs augmenter
légèrement sur la
période 2009-2014.
Toutefois, sa part
dans la voie générale s’est un peu
érodée (16 % en
2009, 15,5 % en
2014). L’enseignement d’exploration
« Littérature et société » de seconde
rencontre pourtant
un succès notable
mais seulement un
quart des élèves
ayant fait ce choix,
s’oriente en L.
De même, la série
ES a vu ses effectifs augmenter légèrement mais sa
part dans la voie générale a aussi diminué sensiblement entre 2009 (31, 8 %) et 2014
(30, 9 %).
De plus, les caractéristiques sociologiques des séries n’ont pas été
modifiées.
La part des Pcs(*) défavorisées est toujours la plus
faible en S (17,4 % en 2014) et les filles sont toujours
plus nombreuses en L (78,7 % en 2009 et 79,4 % en
2014).
La réforme du lycée n’a pas rééquilibré les effectifs
des différentes séries de la voie générale. Elle a même,
sur la période 2009-2014, encore accentué la part de
la filière S. Elle n’a pas non plus modifié les caractéristiques sociologiques des séries.
C’est, de ce point de vue, un échec avéré.
(*) Professions et catégories socioprofessionnelles
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ENSEIGNEMENTS D’EXPLORATION
On préoriente encore !
A
AVANT 2009, DANS LES VOIES GÉNÉRALE OU
existaient des enseignements de détermination.
Ils influençaient fortement l’orientation
des élèves vers certaines premières
notamment technologiques.
Leur volume horaire élevé (3 heures
hebdomadaires) permettait d’aborder
un programme conséquent sur lequel
s’appuyaient les enseignements de
première. De fait, les élèves étaient préspécialisés et les réorientations
marginales puisque compliquées.
TECHNOLOGIQUE,
Pour favoriser la fluidité des
parcours et diminuer le redoublement de fin de seconde, le ministère
les a remplacés, en 2009, par des enseignements d’exploration. Ils ont pour
objectif d’éclairer les choix des élèves
en leur proposant des disciplines qui
n’existent pas au collège, sans les
spécialiser dès la seconde. Les élèves
doivent choisir deux enseignements
d’exploration dont obligatoirement un
à dominante économique (SES ou PFEG).
En théorie, le choix est très large
BILAN DES RÉFORMES : TOUT N’EST PAS ÉVOQUÉ !
D
ÈS LA PREMIÈRE RÉUNION DE BILAN, le SE-Unsa a demandé que soient traitées
des questions que le ministère n’avait pas mises à l’ordre du jour.
Chacun peut constater que les classes de lycées sont souvent très chargées,
surtout en ces temps de hausse démographique. Cela influe, bien sûr, sur les
conditions de travail des enseignants et les résultats des élèves. La prise en
compte de ce fait devrait faire partie du bilan. Par ailleurs, les réformes de 2009 et
2010 ont été accompagnées de changements de programmes dont certains sont
soit trop lourds (SES en seconde, par exemple), soit laissent dubitatifs les enseignants qui sont chargés de les mettre en œuvre (sciences physiques en S, par
exemple). Même si des ajustements du programme de l’enseignement d’exploration de SES en seconde semblent devoir être proposés rapidement, la Dgesco
refuse d’ouvrir des discussions sur les autres sujets. On peut le regretter.
puisqu’il existe sur le papier 25 enseignements d’exploration possibles (en
plus de SES ou PFEG) allant des
classiques « méthodes et pratiques
scientifiques » ou « littérature et
société », au plus rare « arts du cirque ».
Malheureusement, la répartition de ces enseignements
entre établissements est loin d’être
satisfaisante.
À certains endroits, le choix est très
large, à d’autres, très limité. Les lycées
ont en fait proposé des enseignements
correspondant à leur image et aux
ressources humaines dont ils disposaient.
Ajoutons que les élèves choisissent
leurs enseignements d’exploration
après avoir été affectés dans un lycée.
De plus, ils sont souvent très réticents
à changer de lycée entre la seconde et
la première.
Les enseignements d’exploration
constituent encore trop souvent des
enseignements de préparation à une
série ou une voie particulière.
C’est regrettable.
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REVALORISATION DES SÉRIES INDUSTRIELLES
Sur la bonne voie
L
LA RÉNOVATION DE LA SÉRIE STI était devenue une nécessité. Ses
contenus de formation n’avaient pas été actualisés depuis
20 ans et ses effectifs étaient en chute (- 20 % sur la période
2001-2011). Par ailleurs, cette série attirait peu de filles et les
bacheliers qui en sortaient éprouvaient souvent des difficultés dans leur poursuite d’études (sauf en BTS).
En 2011, la série STI se transforme donc en STI2D (Sciences
et technologie de l’industrie et du développement durable)
et STD2A (Sciences et technologie du design et des arts
appliqués).
Cette rénovation a pour objectif de mieux préparer les élèves
à l’enseignement supérieur en « déprofessionnalisant » les
enseignements technologiques, en proposant deux langues
vivantes et une orientation plus progressive. En STI, on passe
ainsi de 12 spécialités à 4. Les enseignants, mal préparés, ont
vécu des années de mise en place compliquées, ce qui était
malheureusement prévisible.
En 2016, le bilan paraît plutôt encourageant.
Les effectifs remontent, la proportion de filles progresse et
les résultats au bac sont bons (91,7 % en 2015).
Il est encore trop tôt pour évaluer l’influence de la rénovation
SÉRIES TERTIAIRES : LA RÉNOVATION
PRODUIT PEU D’EFFETS
L
SCIENCES ET TECHNOLOGIES du management et de la
gestion (STMG, ex-STG) réformée en 2005, a connu
quelques ajustements en 2012. Là encore, l‘enjeu est
d’adapter ces formations pour que les élèves puissent
mieux s’intégrer à l’enseignement supérieur. Il fallait aussi
sans doute casser l’image de cette série qui apparaît
souvent comme une « sous-série générale » réservée aux
élèves en difficulté en seconde générale. La rénovation de
2012 a eu peu d’effets sur les effectifs globalement stables.
Pour ce qui est de l’adaptation des élèves au post-bac,
il faudra attendre que plusieurs générations passent pour
en tirer quelques conclusions. En ce qui concerne la série
ST2S (ex-STMS), les problématiques sont connues : l’hyper
féminisation, des flux importants en regard de débouchés
post-bac restreints dans certains bassins d’emploi.
Une réflexion sur cette série sera sans doute nécessaire
à moyen terme.
A SÉRIE
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sur les poursuites d’études puisque les premiers bacheliers
ont été diplômés en 2013.
Il n’empêche que les premières remontées semblent
positives, que les demandes de poursuite d’études vers les
IUT, les CPGE ou les licences augmentent. On est bien sur la
bonne voie.
© StockPhotoPro

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