Salut à toutes et à tous

Transcription

Salut à toutes et à tous
Am, stram, gram…
« Pour que vos nuits soient plus belles que vos jours… » qu’ils disaient, sur le « flyer »…
Ca paraissait, c’est vrai, alléchant, ce tout nouveau trail nocturne belge, juste à côté de chez nous,
à Virton, baptisé, pour l’occasion, le TNT (le Trévire Night Trail) ! « Ca va être de la
dynamite !!! » renchérissaient-ils, même… Bon, n’en jetez plus, la cour est pleine… OK, j’arrive !
Et c’est ainsi que je me retrouvais ce soir, en compagnie de Gabriel, mon beau-frère (quelques
autres visages, de l’ESH, ne m’étaient pas inconnus…), sous une pluie battante, à attendre le
départ libérateur de ce 15 km de
nuit, en forêt… Heureusement
qu’on s’était pré-inscrits à
l’avance ! Avec toute cette eau
glacée qui nous tombait dessus
depuis le début de l’après-midi,
c’est vrai qu’il fallait être motivé
pour venir ce soir, prendre le
départ de ce trail de nuit (c’est
bizarre, quand même, de venir à
une course quand il fait noir…), à
l’entrée
de
la
vallée
de
Rabais (certains avaient sûrement dû renoncer, c’était sûr…) !
Bon, c’est vrai, on avait failli avoir un « trail blanc nocturne » (encore plus original, pour
l’occasion), mais bon, la nature en avait décidé autrement, avec ce redoux prématuré… Dommage,
avec toute cette neige accumulée, les jours d’avant ! Ce serait pour une prochaine… Si ça se
trouvait, on allait peut être même encore en trouver à 375m d’altitude (on partait de 230m, et on
avait 400m de dénivelé… et700m pour ceux qui avaient pris l’option « 30 » !) !? On allait bien
voir, mais bon, vu la quantité d’eau tombée ces derniers jours… Ce soir, en tout cas, pas de
chrono : j’avais décidé de faire la course « tranquillement » avec mon beau-frère, histoire de bien
profiter de l’instant présent !
Allez, 20h, fini de se faire
tremper pour rien, sur cette
ligne de départ, et nous
voilà enfin partis (le 30 km
était parti, lui, depuis une
petite demie heure…) !
C’est vrai que ce n’était pas
évident de se décider pour
le bon équipement, ce soir,
vues
les
conditions
atmosphériques… J’avais
opté pour un sweat double
couche et une casquette à
visière,
histoire
d’ « épargner » de la pluie,
mes lunettes (souvenir,
encore bien présent de mon
« humide » expérience des « Crêtes », cet été…) ! Dans le sac à dos, la couverture de survie
(obligatoire), le téléphone portable et le sifflet (conseillés), des piles de rechange pour la frontale
(on ne sait jamais), un k-way et une 2e paire de gants (au cas où j’aurais été « immobilisé » dans les
bois…), quelques provisions de bouche, aussi… Bon, je n’ai pas pensé, c’est vrai, à prendre,
comme certains, des bâtons (ah, si j’avais su...). Bon, c’est vrai, je débutais, encore, dans le trail de
nuit, moi…
Tout de suite après l’arche, on a suivi une route montante, en macadam (sûrement les 2%
annoncés…), et c’était l’occasion de s’étalonner, de prendre progressivement ses marques dans la
nuit, juste éclairés par nos frontales respectives. Pas de difficultés, pour l’instant, le plus dur étant…
d’éviter les flaques d’eau, invisibles dans la nuit… malgré le mince faisceau projeté de ma petite
frontale ! Quand je voyais certains avec de véritables « phares » sur la tête, je pensais vraiment que
je devrais investir, si je voulais persévérer dans ce genre de courses…
Bon, pour l’instant, les pieds étaient encore secs (là aussi, j’étais loin de me douter de la suite…) et
je ne sentais pas du tout, la pluie qui ne s’était toujours pas arrêtée de tomber… et ce, malgré les
prévisions vues sur internet (« 20h : accalmie » : ils l’avaient pourtant bien écrit !) ! Bon, on était en
paquet, là sur cette route de forêt, impossible de se repérer dans cette masse d’environ 300 coureurs
(et coureuses). Ca brillait de tous feux, que ce soit devant comme (et surtout) derrière… Ca y est, au
loin, à l’avant, les frontales semblaient déjà revenir dans notre direction (c’était quand même beau,
cette ribambelle de lucioles dans la nuit… !), mais c’était juste un virage à 180° que nous abordions,
qui nous fit pénétrer (enfin !) dans les bois belges de cette partie de la « Gaume profonde »…
Et très vite, nous avons été mis au parfum ! De la boue, il y en aurait. Et de la bonne, comme on
n’imagine même pas chez nous, sur nos terrains calcaires ou même argileux (pourtant, on était bien,
ici, sur terrains gréseux, il me semblait ! Quelle surprise !!). En tout cas, c’en était bien, là, sous nos
pieds, sur ces chemins de débardage forestiers, qui sillonnaient le massif… Et sous toutes les
formes ! Ca allait de celle dans laquelle on s’enfonçait pratiquement jusqu’à la cheville (bien vite
oubliées, les ridicules tentatives, du tout début, d’évitement des flaques d’eau…), jusqu’à la bonne
vieille ornière où l’on plongeait, par inadvertance, jusqu’au genou, en passant par des torrents de
boue liquide, en descente, créés, certainement, par des centaines de compétiteurs avant nous, où, tel
un « Gaston de Virton » (un cousin germain -ou belge, plutôt, de « Brice de Nice »…), nous
tentions désespérément de surfer « the wave »… en runnings !
… Pis qu’épique, qu’elle collait grav’ (… la boue) !
Juste une image, pour essayer de brosser le tableau : j’avais l’impression qu’un tracteur de
débardage avait spécialement hersé, rien pour nous, la piste forestière, n’hésitant pas à créer, même,
des ornières et des dévers traitres, que ce soit en montée ou en
descente (même sur les quelques mètres de plat…) ! Tels de vrais
gosses, nous pataugions, allègrement, dans les 10 cm de boue ainsi
générée… Plitch, platch ! UN-RE-GAL !!! Je vous le dis, moi
(enfin, ça… c’était avant !)… Et pour rajouter au tableau,
imaginez une pluie continue, génératrice de buée qui me donnait
l’impression (pour moi atteint de myopie avancée) de courir, la
nuit, carrément sans lunettes ! La faible luminosité engendrée par
le faisceau de ma frontale n’aidant vraiment pas… Bref, une
véritable « course-poursuite », en aveugle, s’était engagée dans la
nuit (et sans cane blanche, imaginez un peu !), où j’essayais
vainement de « lire » le terrain, en tentant d’apprendre, sur le tas,
le braille du bout des orteils ! Vraiment pas évident…
Combien de fois ai-je pesté !? Après cette boue qui s’insinuait
inexorablement à l’intérieur de mes runnings (complètement
recouvertes, par moments…) et qui me faisait avancer d’un pas et
reculer de deux, dans les montées ; après ce terrain spongieux qui glissait littéralement sous les
semelles (qu’elles soient crantées ou pas…), tel un tapis roulant mal réglé, donnant parfois
l’impression de faire du patinage « non artistique » dans des descentes incontrôlées ; après cette eau
glacée qui n’hésitait pas à nous éclabousser lors de nos « immersions » involontaires dans des
flaques soudaines et monstrueuses, dans lesquelles je croyais, à chaque fois, disparaître, comme
aspiré dans d’effroyables sables mouvants invisibles… Bon, c’est vrai, la nuit intensifie un peu les
sensations… et exacerbe l’imaginaire, aussi !
En fait, j’avais un peu l’impression de me retrouver, ici, à mi-chemin entre une « Transbaie »
nocturne (et ses fameux passages de sable mou et liquide, où celui-ci, après un bruit de succion
caractéristique, essayait de garder prisonnière, chacune de nos runnings…), et une épreuve de nuit à
« Ford Boyard », dans une lutte inégale, dans la boue (bien sûr), avec un adversaire insaisissable et
invisible… qui, à chaque fois, essayait de vous mettre par terre !
Et ça n’arrêtait pas, de monter et de descendre (j’avais bien repéré 5 montées, sur le topo… donc 5
descentes aussi !), le pire, pour moi étant, bien évidemment, ces dernières… ces « pistes de
bobsleigh » où je m’improvisais à les descendre, certes sans bob (non, juste avec Gabriel, en fait…),
au petit bonheur la chance, droit vers cet inconnu d’encre (foutue pluie… et foutue frontale !) et à
une vitesse incroyable… et incontrôlée ! Rien n’était plus important, pour moi, à cet instant, que de
rester debout (et non de boue) et d’arriver entier « au bout » de ce « calvaire », où tout plaisir
s’était, depuis longtemps, évaporé… lui, en tout cas !
… Bourre et boue… et patatras !
Des chûtes, malheureusement, il y en eut ! Et malgré tous nos avertissements relayés :
« Branche ! », « Tronc ! », « Trou ! »… Trois, seulement pour moi (c’est peu, au vu des vols-planés
auxquels j’assistais, impuissant, de ceux qui me précédaient…) : celle, où ayant choisi la mauvaise
option du côté du chemin, je m’enfonçais, donc, à ma grande surprise (et horreur !) dans la fange
boueuse d’une vieille ornière… et jusqu’au genou ! Celle où je m’étalais lamentablement dans ce
torrent terreux (mais d’où venait-elle donc, toute cette boue !? Incroyable… Je n’avais jamais vu
ça ! Un véritable cross de 15 km… Et que dire de ceux qui avaient choisi le 30 !!!), n’ayant que le
reflexe de tendre les mains pour me réceptionner, lamentablement, et me remplir les gants de cette
substance terreuse siliceuse insidieuse… Et pour finir, celle où une branche profita de l’obscurité
régnante pour me faire un vilain croche-pied, et où je plongeais vers le sol boueux, me « baugeant »
alors, tel un vulgaire sanglier…
Arriva, finalement, le ravito (le seul, à mi-parcours… mais tant attendu, car unique repère dans cette
univers noir…), juste après le « Trou aux fées », site mis en valeur par des photophores installés
dans ces « niches rocheuses » naturelles. Sympa, cette délicate attention ! Et magique, aussi…
« Déjà ! » me dis-je… « Seulement… » pensa plutôt Gabriel ! Personne ne se formalisa, alors, à
faire la queue, afin de recevoir, qui un thé chaud, qui un morceau de banane ou un cracker, dans cet
oasis inespéré de lumière… Le
temps de se revigorer… mais
aussi, de se découvrir, tout
couverts de boue, que nous
étions, des pieds à la tête !
Waouh, on était vraiment
chouettes, y avait pas à dire !!!
Mais bon, crottés ou pas, il
fallait la faire, malgré tout…
cette 2e partie ! Et c’était
reparti…
Toujours cette succession de
montées glissantes et en dévers
(je ne savais plus où j’en étais,
dans mes comptes…), et ces
« goulets »
descendants
vertigineux ! Cependant, quelque chose, progressivement, changeait… Autant, avant, nous
avancions les uns à la suite des autres, telle une procession lumineuse, autant là, c’était éloignés de
près d’une centaine de mètres, que nous continuions à « patauger » dans les bois… Ca devenait,
tout doucement, du « chacun pour soi ». Les personnes qui nous doublaient (Gabriel et moi) ne
restaient pas très longtemps en vue, et s’éloignaient immanquablement… malgré tous nos efforts
pour les retenir ! Mais bon, si j’étais, maintenant, seul au milieu de la nuit (enfin, à portée de voix
de Gabriel, mon « ange gardien » du jour, juste derrière moi…), il fallait, à présent… « faire la
trace » ! Pas évident, malgré toutes ces « rubalises », à bout réfléchissants, disposés tous les 50
mètres… Non seulement il fallait regarder en l’air pour les chercher, mais aussi voir où l’on posait
les pieds… le tout, en mémorisant ce qu’avait illuminé, furtivement, le faible faisceau de la frontale,
quelques secondes avant, tout en ayant, auparavant, tenté d’essuyer les lunettes avec les gants
boueux… Le tout, à un certain moment, dans un brouillard surprise et lugubre (on était sûrement
arrivés au point culminant…).
Sans idée du temps qui s’écoulait, cette fin me
parût bien longue, et l’arrivée, inaccessible (au
contraire de mon compagnon de sentiers, qui se
sentait, lui, « pousser des ailes », surtout dans les
descentes visqueuses que j’abhorrais !).
Dans cette forêt obscure, aucune lumière ne
filtrait de nulle part : nous étions bien, là,
« seuls », en plein cœur de la grande forêt
d’Orval… Brrr !!! Soudain, dans le lointain, se
rapprochèrent des petites lumières irréelles qui
semblaient virevolter… Des frontales, tout
simplement, et venant à notre rencontre ! Etaitce déjà l’arrivée !? Non, puisque nous devions rejoindre l’arche du départ… et qu’on ne devinait
(ou n’entendait) aucune animation à proximité ! Un 2e ravitaillement, imprévu !? Non plus, car il
n’y avait qu’une dizaine de petites lumières blanches… En fait, ceux que nous suivions, étaient tout
simplement… plantés, dans la boue ! Nous n’étions plus sur le « chemin »… Glups ! Bien sûr, des
langues luminescentes pendantes étaient toujours bien visibles, de-ci, de-là, mais n’indiquaient que
le circuit… des 30 km !
Impossible de se repérer dans cette obscurité quasi-totale, balayée par nos ridicules petits rayons de
lumière provisoire… Et nous étions déjà à 14.7 km, d’après une montre GPS d’un des concurrents
égarés… Un léger vent d’inquiétude souffla soudain sur nous. Nous étions maintenant une
vingtaine… et d’autres continuaient d’arriver ! Et même les « locaux » ne s’y retrouvaient plus !
Ne restait plus qu’une seule solution, qui s’imposa d’elle même : le coup de fil, non pas à un ami…
mais à l’organisation ! Et c’est au moment où l’un d’entre nous appelait, que, là, droit devant nous,
au bout de cette sommière obscure, apparût soudain une lumière vive, ou plutôt, non, trois… Une
sorte de « triangle lumineux » étrange… En fait, il s’agissait juste d’un quad, dépêché pour venir
nous « délivrer de la nuit »… et nous remettre sur le bon chemin ! Il
nous restait juste un bon kilomètre et demi à faire (enfin, c’est que
l’on nous dit…). Finalement, remis sur les « rails de boue », des
maisons apparurent, ainsi qu’un semblant d’éclairage urbain, tout à
fait incongru ! Ouf, nous étions enfin de retour dans la
« civilisation », après plus de 2 heures de pataugeage en pleine forêt
obscure… Et soudain, sous nos pieds, une surprise : un bout de
macadam ! Jamais je n’ai été aussi heureux de fouler le bitume,
comme cette fameuse nuit-là !!! Et celui-ci, en plus, nous conduisait
directement vers l’arrivée… Vers la délivrance ! Mais un signaleur
mis, hélas, rapidement fin à ce petit bonheur tout simple : il fallait
quitter ce bout d’asphalte détrempé et réfléchissant, maintenant, et
bifurquer vers la berge du lac (si molle et si sombre…), afin de
parvenir, via une passerelle hyper glissante, vers notre terminus du jour… enfin, de la nuit, quoi !
Et c’est dans une confusion irréelle que nous franchîmes, au milieu d’une foule, une ligne
imaginaire d’arrivée… Ca y est, on y était ! Nous ne connaitrions jamais notre temps (mais était-ce
vraiment important ?) et nous nous précipitâmes, aussitôt, sur la nourriture mise à notre disposition.
En échange du dossard, nous eûmes même droit à un ticket… de soupe ! Incroyable comme ça fit
un bien fou, ce simple potage chaud, mais si délicieux, après ce trail nocturne hivernal incroyable
(et mémorable !) où jamais nous n’avons su où nous étions réellement !!
Bon, on n’allait pas trop trainer, quand même, dans nos habits mouillés et dont une brise venait
accentuer, rapidement, notre latent refroidissement… maintenant que nous étions, définitivement, à
l’arrêt ! Vite fait, nous nous changeâmes, à la voiture, et sous la pluie (non, elle ne s’est jamais
arrêtée, je crois bien. Un peu comme dans le film « Godzilla » de 98… le monstre, ici, en moins !
En tout cas, ni vu, ni entendu…) et c’est dans l’optique d’une bonne douche bien chaude (ici, non, il
n’y avait que le lac… Humour belge, sans doute !) que nous avons pris finalement le chemin du
retour vers la France…
Quelle
aventure,
quelle expérience…
mais quelle galère
aussi ! Quand je pense
à
ceux
de
la
Saintélyon, qui ont
fait,
la
semaine
précédente, 70 km
dans des conditions
similaires de boue
(mais en rajoutant,
aussi, la neige et le
verglas...), je ne peux
que, sincèrement, les
admirer… et me dire que, jamais, oh non, jamais, je ne ferai (ou ne referai) une telle course dans
des conditions nocturnes aussi humides ! C’est bien ce qu’on dit habituellement, dans l’instant, dans
ces cas-là, non !? Bon, bien sûr, maintenant, s’il y avait de la neige, l’an prochain…
Le TNT, ça devait être de la dynamite, qu’ils disaient… Peut être bien « un pétard mouillé », pour
moi, avec toute cette eau… Mais bon, en tout cas… on l’a fait, ce sacré trail nocturne !
C’est sûr, c’était de la « dynamique »… De la « dynamique nocturne gadouilleuse », même !
Et de celle-là… évidemment, on s’en souviendra !!!
… Am, stram, gram !
Fin (de l’histoire belge…)

Documents pareils