Dunkerque_La-sous-préfecture-de-Dunkerque-et-le-travail

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Dunkerque_La-sous-préfecture-de-Dunkerque-et-le-travail
La sous-préfecture de Dunkerque
et le travail des enfants (1842-1867)
Odette Bonte
"Une surveillance des enfants au travail doit se faire pour réprimer les
abus dont ils sont victimes jusqu'au scandale dans certaines villes
manufacturières".
A.Blanqui
L'explosion du machinisme au 19ème siècle, contribuera largement, par
l'intermédiaire des manufactures, à développer le travail des femmes et des
enfants, sans prévoir le contrôle des conditions d'exploitation de cette maind'œuvre.
Le journal "l'Atelier", des hommes comme Adolphe Blanqui, Villermé,
dénoncèrent vigoureusement, dès 1840, l'état misérable, physique et moral, des
ouvriers y compris les femmes et les enfants, dans les manufactures.
"L'abus du travail des enfants cause un mal qui se perpétue de générations
en générations, attaquant l'enfant dans sa fleur, créant une population malsaine,
souffreteuse, maladive".
A.Blanqui
"Dans le Nord il y a des misères à nulle autre pareille, dont on ne peut
sans effroi, sonder les profondeurs".
Villermé
Le rapport que fait Villermé, en 1840, fit grand bruit. Guizot, alors
ministre de Louis-Philippe, propose une loi pour réglementer le travail des
enfants dans les manufactures.
Durant la discussion au parlement, fut évoquée "la triste condition des
malheureux enfants au travail". La loi est votée, le 22 mars 1841, première
étape d'une législation sur le travail encore inexistante.
Elle fixe : - l'âge minimum de l'enfant
- la durée du temps de travail
- les repos des dimanches et des fêtes
- le travail de nuit
- l'instruction primaire.
La loi française définit comme "enfants" : ceux âgés de moins de 18 ans.
Dès 1842, la sous-préfecture de Dunkerque met en place une commission
de surveillance dont l'objectif est de :
- surveiller et assurer l'exécution de la loi du 22 mars 1841 sur le travail
des enfants dans les manufactures, usines et ateliers.
La première séance de la Commission s'ouvre le 23 mars 1842, dans une
salle de la sous-préfecture, sous la présidence du Magistrat.
Sont présents :
Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Page 1
- Monsieur Zylof d'Obigny, conseiller d'arrondissement demeurant à
Bergues,
- Monsieur Auguste Dupouy, conseiller municipal, membre de la Chambre
de Commerce de Dunkerque,
- Monsieur le général Thévenet, conseiller municipal, président de la
Commission des Asiles de Dunkerque,
- Monsieur Jules Lemaire, membre du Conseil de salubrité, demeurant à
Dunkerque,
- Monsieur le Docteur Demeuninck, délégué du Comité supérieur de
l'instruction primaire, demeurant à Bourbourg.
Sont absents :
- Monsieur Gourdin, maire de Dunkerque, en voyage,
- Monsieur l'Abbé Delattre, doyen de Saint-Eloi.
Monsieur le Sous-Préfet ouvre la séance et donne acte des membres
présents, il communique les instructions reçues de Monsieur le Préfet du Nord:
"Messieurs les maires des chefs-lieux de Canton, sont invités à faire
l'inventaire des établissements existants sur le territoire".
La consigne reçue, la séance est levée, les membres de la Commission se
mettent au travail et en livrent le contenu, à Monsieur le Sous-Préfet, lors d'une
réunion le 12 août 1842.
L'état des lieux est applicable aux communes de Bergues, Steene,
Hondschoote, Watten, Coudekerque-Branche.
L'aperçu est intéressant et permet de mesurer la situation économique de
l'arrondissement de Dunkerque. Il existe deux ateliers de tissage à Bergues.
- Le premier, dirigé par Monsieur Paresys, comprend vingt ouvriers, trois
enfants de 8 à 12 ans, quatre enfants de 12 à 16 ans ; deux enfants fréquentent
l'école primaire et deux sont sans instruction.
- Le deuxième, est l'établissement Charpentier qui emploie trois enfants de
8 à 12 ans, qui fréquentent une école, six enfants de 12 à 16 ans, dont cinq sont
sans instruction.
A Steene, la fabrique de sucre de Monsieur Degrave emploie six enfants de
12 à 16 ans, aucun n'a reçu d'instruction primaire.
A Hondschoote, la fabrique de sucre de Monsieur Coppens occupe parfois
quelques enfants, mis seulement en emploi saisonnier.
A Watten, la poterie de Monsieur Landeau, utilise sept enfants de 12 à 16
ans, trois avec instruction primaire, quatre sans instruction. Cet établissement
comprend plus de 12 ouvriers.
A Coudekerque-Branche, la manufacture de toiles à voile, Malo Dickson,
est nettement plus importante. Un suivi des vingt-cinq enfants au travail sera
assuré par la Commission. Ils sont tous reçu l'instruction primaire.
Aucune insalubrité représentant un danger pour l'enfant n'est constatée
dans les fabriques de l'arrondissement. Il n'y a pas de travail de nuit. Le
chômage des dimanches et jours de fête est bien observés. Le maintien des
bonnes moeurs est convenable, avec partout, séparation des deux sexes. Les
conditions d'instruction primaire et religieuse laissent un peu à désirer.
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La Commission demande :
- Que les enfants consacrent deux heures par jour à l'école communale et
que, pour les manufactures et ateliers isolés, les enfants "donnassent" à leur
éducation, soit deux jours ou trois demi-journées par semaine, afin de concilier
l'intérêt des familles, avec les besoins moraux et intellectuels de la population.
Pour la fixation des jours et heures supplémentaires réservés pour l'étude,
la Commission émet le vœu que le choix en fut laissé à la prudence des comités
locaux. Ils décideront en connaissance de cause, d'après leur expérience, des
habitudes locales et des nécessités particulières à chaque fraction de la grande
famille des travailleurs.
Aucun commentaire n'est fait par Monsieur le Sous-Préfet, la séance est
donc levée.
Le 23 décembre 1843, la Commission reprend ses travaux. La formalité du
serment des membres de la Commission est faite devant Monsieur le Sous-Préfet:
"Je jure fidélité au Roi des Français, obéissance à la Charte
Constitutionnelle et aux Lois du Royaume"
Monsieur le juge Thévenet est nommé vice-président, Monsieur Jules
Lemaire, secrétaire. Monsieur le Sous-Préfet transmet le modèle de P.V. à
rédiger en cas de constatation de contravention. Un inventaire rapide des
établissements existants est dressé, il permet de constater la diminution des
usines en zone rurale.
Les sucreries Feron de Téteghem et d'Hondschoote ont disparu, la sucrerie
de M.Degraeve à Steene n'emploie plus d'enfants et les ateliers de tissage de
Bergues sont descendus en dessous de vingt ouvriers.
Par contre, en six mois de temps, le développement de la manufacture de
toile à voile Malo-Dickson à Coudekerque, est spectaculaire, elle emploie
quatre-vingt enfants. Il est signalé que la délivrance des livrets de travail laisse à
désirer dans cette fabrique.
Un nouvel établissement est signalé : la fabrique de toiles à voiles de
Monsieur Pannein à Bourbourg Campagne, quarante ouvriers y travaillent.
Monsieur le Sous-Préfet décide d'organiser une prise de possession
solennelle des fonctions de la Commission, une visite en corps se fera à la
manufacture Malo Dickson à Coudekerque-Branche.
Le compte rendu de cette séance inaugurale est fait le 3 janvier 1844.
Cette visite de la manufacture Malo Dickson, s'est réalisée correctement,
avec le souci d'aller dans les moindres détails : présentation du registre
d'inscription, pas d'enfant de moins de 12 ans, ceux qui ont été admis ont tous
fait leur Première Communion. Les cinquante-trois enfants de 12 à 16 ans,
possédaient leur livret et donnaient 12 heures de travail effectif, soit 72 heures
par semaine. Pour les enfants n'ayant pas suivi l'école, MM. Malo et Dickson
ont pris l'engagement de leur faire donner l'instruction primaire une heure par
jour, deux à trois fois par semaine.
Les membres de la Commission se sont plus à reconnaître les bons effets de
la Loi dans l'intérêt des enfants... et même dans celui des fabricants, qui
s'engagent par ailleurs à se conformer en tous points à la Loi. La Commission
est satisfaite de l'ordre et de la bonne tenue de l'usine. Hélas, après cette prise de
pouvoir solennelle..., la Commission ne se réunit plus qu'épisodiquement.
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- En mars 1845, pour désigner les instituteurs chargés de donner
l'instruction primaire dans chacune des localités possédant usines ou ateliers, et
pour approuver les règlements intérieurs des polices des manufactures.
Y sont notées :
- L'interdiction de tout acte de brutalité à l'égard des enfants.
- L'obligation d'empêcher toute influence dangereuse pour leur moralité, et
d'assurer les conditions normales de salubrité et de sécurité, nécessaires à la vie
et à la santé.
La séance du 8 janvier 1846 est employée à organiser le travail de la
Commission : fixation des réunions trimestrielles à la Sous-Préfecture, elles
auront lieu les premiers jeudis de janvier, avril, juillet et octobre. Les visites
d'usine à contrôler sont réparties entre les différents membres de la Commission.
Toujours en 1846, la Commission propose d'étendre les dispositions prises
pour l'usine Malo-Dickson aux autres industries, après lecture de l'excellent
rapport du Général Thévenet sur cette entreprise : l'école y est en pleine
activité, il n'y a pas de travail le dimanche.
Le travail de la Commission semble, dans les années suivantes, ne
s'intéresser qu'au bon fonctionnement des écoles dans les manufactures, MaloDickson étant particulièrement surveillé, et ce, jusqu'en 1853, où l'on envisage
une réorganisation avec répartition des inspections.
En 1856, les rapports nous donnent une idée assez précise des conditions
de travail des enfants dans l'agglomération.
A Hondschoote, l'atelier où se réunissent les filles, n'est pas assez aéré, la
température y est trop élevée. Les classes ont lieu le matin, tout est organisé pour
"mettre les mœurs à l'abri", pendant les heures de travail, mais pendant les
repas qui se prennent à l'intérieur ou à l'extérieur, aucune surveillance n'est
possible. Ce point de surveillance des bonnes mœurs, qui préoccupe beaucoup
les membres de la Commission, est repris par Messieurs Delattre et Beauvoisin,
qui constatent qu'à la filature Malo-Dickson :
"L'organisation de l'instruction primaire est vicieuse et illégale sur un
point d'une grande importance: les ouvriers, garçons et filles, fréquentent
ensemble l'école, et de plus, c'est un instituteur qui dirige cette école".
On partage les quatre-vingt-trois filles et les quarante-deux garçons en
plusieurs catégories qui se succèdent, sans distinction de sexe. Il faut faire cesser
cette illégalité et obtenir l'établissement d'une école de filles, qui devrait être
confiée à des institutions religieuses. Par ailleurs, quelques irrégularités sont
relevées au niveau des livrets ouvriers.
Monsieur le Préfet insiste sur le fait que les enfants employés dans les
manufactures ne peuvent être dispensés d'être conduits aux offices religieux par
leur instituteur (instruction du 20 janvier). Monsieur Morel est chargé
d'entretenir Monsieur Dickson des intentions de la Commission.
Dans les années qui suivent, ces divers points (les bonnes mœurs, la
séparation des sexes à l'école, avec institutrice pour les filles, obligation
d'assistance à la messe) constituent le programme essentiel de surveillance de la
Commission.
Il y a peu d'indications concernant les conditions de travail, sa nature.
Seuls les temps de travail et de repos sont notés. On remarque par exemple, que
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le règlement intérieur des usines Malo-Dickson est conçu avec sagesse, l'esprit
de sévérité équitable et ferme en ce qui concerne les punitions mérite d'être
remarqué. On ne peut que se féliciter des soins dont l'ouvrier et l'enfant sont
l'objet dans cette filature.
Temps de travail pour les garçons et filles de 12 à 16 ans : en 1856, la
journée commence à 6h30 le matin et se termine à 19h30 le soir. Une heure de
repos par jour : ½ heure à 9 heures et 1/2 à 14 heures, hors atelier.
La durée du travail est la même chez Brocquart-Hochart et Cie, manufacture
de filets de pêche. Les enfants ne sont à l'ouvrage, ni la nuit, ni le dimanche, ils
sont tous pourvus d'un livret.
A l'usine de Watten, un plan d'études a été adopté : les pauvres enfants en
retirent des résultats très fructueux, l'application est remarquable, les progrès
sensibles, l'instruction religieuse parfaitement suivie, non seulement à l'école
mais à l'église. Les maîtres veillent activement à ce que les enfants se rendent
exactement au catéchisme du curé de la paroisse, les rapports des enfants entre
eux y gagnent beaucoup. Trente à quarante garçons sont concernés.
Conclusion de la Commission : les enfants peuvent continuer le genre de
labeur auquel ils sont employés. »
La Commission poursuit sa tâche dans le même esprit, les années
suivantes. L'usine Malo-Dickson est l'objet d'une stricte surveillance. Le
manufacturier est loué pour la qualité de l'instruction religieuse donnée aux
enfants, bien qu'il appartienne à la religion réformée. Cent cinquante-quatre
filles et soixante et onze garçons sont conduits chaque semaine à la messe.
On peut s'interroger, après lecture de ces rapports, sur l'efficacité de la
mission du comité de surveillance du travail des enfants. En 1866, le Ministère
de l'Agriculture et des Travaux Publics se pose la question et lance une enquête
auprès des notabilités, afin de connaître comment la Loi de 1841 est appliquée.
Question numéro 1 :
Question numéro 2 :
Question numéro 3 :
Comment la Loi de 1841 est-elle exécutée ?
Comment est organisé le service de l'Inspection ?
Les Commissions fonctionnent-elles régulièrement ?
Quel est, pour l'année 1866, le nombre de visites, de
PV, de poursuites, de condamnations ?
Quelles sont les difficultés rencontrées par la Loi ?
Quels seraient les moyens de les faire disparaître ?
Les réponses sont surprenantes :
Le maire d'Armbouts-Cappel déclare, qu'en fait, tout se passe comme si la
Loi n'existait pas, aucune visite n'avait été faite en 1866, les difficultés découlent
"de la négligence que l'on met dans l'exécution ignomineuse de la loi".
Il faudrait étendre le régime à tous les établissements employant des
enfants hors de la famille et des conditions d'apprentissage.
- Défendre le travail de nuit comme éminemment contraire à la santé, la
destinée de l'homme étant le travail de jour et le repos la nuit, même pour
l'adulte, et à bien plus forte raison pour l'enfant.
- Maintenir la durée de travail de jour actuelle, en élevant le minimum
d'âge à 15 ans.
- Rendre la fréquentation de l'école obligatoire jusqu'à 15 ans.
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La ville de Dunkerque signale que tout se passe normalement, il n'y a pas
d'enfant au travail en-dessous de 8 ans. Les horaires sont les suivants :
- 8 heures pour les enfants de moins de 12 ans
- 12 heures pour les enfants de plus de 12 ans.
Le repos des dimanches et fêtes est bien observé. Il n'y a pas de travail de
nuit, seule l'instruction primaire laisse à désirer. La Commission d'Inspection
devrait compter un plus grand nombre de membres actifs, afin de mieux
organiser la charge de surveillance des usines. Des propositions sont faites, pour
améliorer le système :
- Adjoindre des juges de paix au Comité de surveillance, ces fonctionnaires
auraient plus de crédit auprès des industriels.
- Elever l'âge minimum de travail de 8 à 12 ans.
- Rendre l'école obligatoire.
Pour Monsieur le Doyen, curé de Saint-Jean-Baptiste, la Loi est observée
avec quelques transgressions pour les repos, mais le travail de nuit n'existe pas.
Pour l'instruction, plusieurs filatures ne tiennent aucun compte de la Loi. Il
ne peut répondre aux autres questions, il n'est pas membre de la Commission.
A la filature Detraux et Cie, tout est normal, il n'y a aucune difficulté dans
l'application de la Loi. Un inspecteur des écoles primaires, membre de la
Commission, visite régulièrement l'usine, quatre-vingt enfants y sont employés, la
durée de travail n'est pas exagérée, les enfants la supportent sans fatigue. La
fréquentation de l'école devrait être obligatoire jusqu'à 16 ans, à moins qu'elle
ne soit jugée suffisante.
Le Juge de Paix de Gravelines, déclare, que pour la sucrerie Duriez, il y a
dix enfants de 10 à 15 ans qui travaillent 10 heures par jour avec un travail de
nuit, pendant une semaine, alternativement. Ils ne fréquentent pas l'école, et, en
1866, aucune visite n'a été faite dans cet établissement.
Il n'y a pas de difficulté dans l'application de la Loi. Il suggère qu'un enfant
en-dessous de 13 à 15 ans, ne devrait être au travail que 8 à 9 heures au plus, le
minimum d'âge devrait être de 12 ans.
A Hondschoote et Watten, Monsieur Gouvaert, membre du Comité de
surveillance, estime que la Loi est bien observée. Seule la durée du travail de
nuit dépasse un peu les limites à Watten. Il pense qu'il n'y a pas d'amélioration à
apporter dans le travail des enfants, le moment n'est d'ailleurs pas opportun
étant donné le calme des affaires.
Autre estimation avec le maire d'Esquelbecq, nommé au Comité de
surveillance, il n'a jamais été convoqué. Le Conseil municipal s'est d'ailleurs
ému de cet état de fait. Il existe, dit-il, une Loi fort sage pour réprimer l'excès de
travail des enfants et cette Loi n'est pas appliquée.
Le rapport de la sous-préfecture remarque une diminution de cinquanteneuf enfants dans le nombre des élèves des écoles primaires. Il attribue ce fait à
l'établissement des manufactures qui les enlèvent à l'école, et craint que l'excès
de travail impose’ aux enfants de Dunkerque en fit une race chétive, malade et
ignorante.
Les réponses sont intéressantes, significatives dans leurs contradictions
d'un état de choses qui souligne les difficultés de fonctionnement d'une
Commission qui manque de moyens pour agir efficacement et qui concentre son
regard sur les manufactures les plus importantes.
L'application de la Loi est demandée, mais, comme souvent, son exécution
est difficile.
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Liste des établissements employant des enfants en 1866/1867
Nom
Nombre
Nombre
désignation
d’établissements
d’enfants employés
8/10 ans 10/12 ans 12/16 ans
Filature de jute
8
61
287
642
Filature de coton
1
1
6
Filature de filets de pêche
1
3
53
86
Fonderie de cuivre
1
2
Sucrerie mécanique
1
6
18
Diverses
10
Filature Steenbrock
1
4
13
34
Malo et Cie
1
3
5
Fonderie mécanique
Watten filature étoupes
2
12
10
Filature de Bierne
5
10
Distillerie Duriez
3
Dans quatre des nouvelles filatures, les enfants ne sont pas envoyés à
l'école.
A la fonderie mécanique de Malo et Cie, l'enfant doit rester trois ans dans
l'établissement, après deux ans d'apprentissage, il est rémunéré suivant ses
aptitudes.
Conclusion
Avec l'application de la Loi de 1841, sur le travail des enfants, nous
assistons à la naissance de deux phénomènes qui marquèrent pour
l'agglomération dunkerquoise, un tournant décisif.
1. - Le démarrage de l'essor économique et industriel
En 1840, les mots "usines" et "industrie" ne sont pas encore utilisés, le
rapport inventaire demandé par la sous-préfecture mentionne : les ateliers et
fabriques existants en milieu rural ainsi que la seule manufacture de toiles à
voiles de Monsieur Dickson.
Ces établissements ruraux disparaîtront quelques années après, la
manufacture Dickson s'agrandira, la notion d'usine apparaîtra avec une
implantation de plus en plus dense dans le Dunkerquois, principalement à
Coudekerque-Branche où se développera un véritable pôle industriel. Cela
attirera un lot de population ouvrière étrangère pour beaucoup à la ville. Le
machinisme fait son entrée en force. L'enfant et la femme au travail marquent
l'économie dunkerquoise... et française.
2. - La naissance d'une surveillance institutionnelle du monde du travail,
assurée par un pouvoir local.
Induite par la loi, cette surveillance est assumée par la sous-préfecture qui
s'appuie sur des notables pour l'aider dans cette tâche. Reflet de l'état bourgeois,
la Commission de surveillance, s'attachera plus à vérifier la lettre que l'esprit de
la loi. Elle s'inquiétera, en priorité du maintien des bonnes mœurs, de la moralité
ainsi que de l'éducation religieuse des enfants.
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L'assistance obligatoire à la messe du dimanche, au catéchisme lui paraît
plus importante que l'apprentissage de la lecture et des trois opérations. La
séparation des sexes dans les ateliers et à l'école l'emporte sur les conditions
déplorables du travail, le nombre d'heures effectuées et l'insuffisance du temps
de repos. L'insalubrité des ateliers n'attire guère son attention, pourvu que la
morale soit sauve...
L'enjeu majeur de la loi n'a pas été mesure’; seuls deux notables ruraux
s'inquiètent de sa non-application et s'interrogent sur les effets funestes d'un
travail excessif pour les générations futures.
Inutile, la Commission de surveillance ? Non, elle a le mérite d'exister. Elle
ouvre la voie du champ d'application d'une loi. D'autres voix se feront entendre
par la suite et continueront à dénoncer les abus, l'abbé Lemire en est un exemple,
il arrivera à faire voter en 1891 une loi interdisant le travail de nuit aux femmes
et aux enfants... Un intervalle de 40 ans ! Mais l'élan est donné, les syndicats
suivront, et officiellement l'institution restera garante du droit.
Source : ADN. : SZ 539, 540 et 543.
Odette Bonte / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Page 8

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