Propriété responsable de l`entreprise familiale

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Propriété responsable de l`entreprise familiale
Propriété responsable de l’entreprise familiale
par Johan Lambrecht et Jozef Lievens 2009
Contenu
Propriété responsable de l’entreprise familiale
Introduction
2009 par Johan Lambrecht et Jozef Lievens
2
1.
1.1
1.2
1.3
Que signifie la propriété responsable d’une entreprise familiale?
Qu’est-ce que la propriété?
Qu’entend-on par propriété responsable?
Qu’a de spécifique la propriété responsable d’une entreprise familiale?
6
7
9
10
2.
Qu’est-ce qu’un propriétaire responsable d’une entreprise familiale?
14
3.
3.1
3.2
Comment arriver à la propriété responsable de l’entreprise familiale?
Prérequis à garantir aux actionnaires
Prérequis à garantir par les actionnaires
18
20
21
4.
24
4.1
4.2
4.3
4.4
Pourquoi la propriété responsable est-elle essentielle à l’entreprise
familiale?
Avantages pour les membres individuels de la famille
Avantages pour la famille
Avantages pour l’entreprise
Avantages pour l’entreprise familiale en tant qu’ensemble
5.
Recommandations
28
Références bibliographiques
32
25
26
26
26
1
Propriété responsable de l’entreprise familiale
Introduction
2
Propriété responsable de l’entreprise familiale: voilà un thème à première vue
déjà bien ancré dans les esprits. Rien n’est pourtant moins vrai. Le concept n’a été
vraiment mis à l’ordre du jour qu’avec le début de ce millénaire. C’est ainsi que
Responsible ownership a été choisi comme thème central du 16ième Annual Summit
du FBN (Family Business Network) en 2005. De récents scandales dans le monde
des entreprises, comme le cas Enron, expliquent en partie l’intérêt croissant porté à la propriété de l’entreprise. Les entreprises familiales ne sont pas restées à
l’abri de pratiques frauduleuses. Il suffit de penser au cas italien de Parmalat. En
2003, il apparut que son fondateur, Calisto Tanzi, y avait détourné des centaines de
millions d’euros. En 2009, l’entreprise indienne Satyam faisait la une de la presse
économique avec la fraude à grande échelle organisée par son fondateur, Ramalinga
Raju. Satyam fut même qualifié de « Enron indien ». La crise économico-financière
actuelle suscite elle aussi un intérêt accru pour la propriété responsable. Davies
(19 août 2009) estime, par exemple, que les actionnaires doivent davantage se
préoccuper des bonus démesurés, considérés comme un facteur important de la
crise, soulignant qu’en définitive, c’est leur argent qui est en jeu. Selon Johnson
(15 octobre 2008), un entrepreneur qui tient une chronique hebdomadaire dans
le Financial Times, la crise nous apprend qu’une société avec un actionnariat très
émietté dans le public, constitue un modèle voué à l’échec. Il attribue cela notamment au fait que dans les entreprises cotées en bourse, les managers et les propriétaires ne sont pas les mêmes personnes.
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Propriété responsable de l’entreprise familiale
D’une part, on peut s’étonner que la propriété responsable dans les entreprises
familiales ait été si longtemps traitée en parent pauvre par la communauté des
chercheurs. L’entreprise familiale est en effet souvent présentée comme un système constitué de trois sous-systèmes qui se chevauchent mutuellement: famille, entreprise, propriété (le modèle dit des trois cercles qui se chevauchent). Au début, il
n’était question que de deux sous-systèmes: famille et entreprise. En 1989, Davis et
Tagiuri y ajoutèrent la propriété comme troisième sous-système, parce que, d’après
eux, la famille et l’entreprise ne peuvent expliquer à elles seules le fonctionnement
du système de l’entreprise familiale.
D’autre part, il n’est pas si étonnant que la propriété responsable de l’entreprise
familiale n’a longtemps suscité qu’un intérêt très réduit. À partir du point de vue
selon lequel propriété et management constituent deux sphères différentes, les
chercheurs et les consultants ont trop longtemps laissé entendre que seules la compétence et la motivation comptent pour la gestion quotidienne de l’entreprise familiale. Ces deux critères n’entraient quasiment pas en ligne de compte pour les propriétaires. Apparemment, les liens de sang suffisaient pour accéder à l’actionnariat.
Aujourd’hui, on a pris conscience que les propriétaires d’une entreprise familiale
doivent aussi se comporter d’une manière responsable et que le lien familial ne
constitue pas un laissez-passer automatique pour l’actionnariat.
Nous espérons que ce rapport puisse contribuer non seulement à attiser le besoin
de propriété responsable, mais aussi à la rendre concrètement praticable dans
l’entreprise familiale...
Johan LAMBRECHT et Jozef LIEVENS
Bruxelles-Courtrai, septembre 2009
Cette publication entend répondre à quatre questions: (1) que signifie la propriété
responsable d’une entreprise familiale?, (2) qu’est-ce qu’un propriétaire responsable d’une entreprise familiale?, (3) comment arriver à la propriété responsable de
l’entreprise familiale? et (4) pourquoi la propriété responsable est-elle essentielle
à l’entreprise familiale?
Nous terminerons par six recommandations concrètes pour les entreprises familiales. Pour la rédaction de ce rapport, nous avons utilisé diverses publications récentes et les contributions de trois personnalités académiques1 au groupe de travail
Propriété responsable de FBNet Belgium.
En la personne du baron Paul Buysse, président de FBNet Belgium, ainsi que de la
comtesse Evelyn du Monceau, présidente du groupe de travail Propriété responsable, nous tenons enfin à remercier FBNet Belgium pour le soutien apporté à la
présente publication. Nous voulons également citer les membres du groupe de travail pour leur participation à la fois critique et constructive aux sessions de celui-ci.
1
4
Les professeurs Johan Lambrecht (Hogeschool-Universiteit Brussel), Asa Björnberg (London Business School) et Peter May (IMD-Lausanne).
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Propriété responsable de l’entreprise familiale
1. Que signifie la propriété responsable
d’une entreprise familiale?
Nous nous pencherons d’abord sur la notion de « propriété ». Ensuite, nous chercherons à savoir ce que peut signifier « propriété responsable ». Enfin, nous montrerons ce que la propriété responsable d’une entreprise familiale a de spécifique.
1.1 Qu’est-ce que la propriété?
La propriété d’une entreprise comprend beaucoup plus que des droits et des devoirs juridiques (Institute for Family Business, 2007). Il faut la voir comme l’ultime
source de capital d’une entreprise. Le capital, quant à lui, représente bien plus
que les finances. À côté de celles-ci, il faut distinguer six autres formes de capital
(Hughes, 2004 ; Lambrecht, Arijs et Beens, 2004):
(1)
(2)
(3)
(4)
Le capital spirituel: les valeurs familiales.
Le capital humain: les compétences, la motivation, ...
Le capital familial: l’harmonie familiale.
Le capital structurel: les structures de gestion telles que les instances de
concertation, la mission de la famille, etc.
(5) Le capital social: prise en compte de la communauté.
(6) Le capital intellectuel: la connaissance.
6
7
Propriété responsable de l’entreprise familiale
D’une enquête menée auprès d’étudiants conscients d’appartenir à une famille
nantie, et ayant une entreprise familiale chez eux, il ressort que le « capital »
signifie d’abord pour eux le capital financier. Pour 78 %, « capital » est synonyme de
« avoir beaucoup d’argent », et pour 63 %, renvoie spontanément à « nombreuses
possessions matérielles ». Les étudiants appartenant à une famille qui possède une
entreprise familiale citent cependant aussi les autres facettes du patrimoine familial
(voir Tableau 1).
La propriété responsable implique deux notions essentielles: (1) le stewardship et
(2) la propriété émotionnelle ou psychologique.
Le stewardship implique qu’il est tenu compte d’autres partenaires ou acteurs
concernés (stakeholders). Plusieurs auteurs définissent la propriété responsable par
référence explicite aux partenaires:
Tabel 1:
Eléments du capital cités par des étudiants de famille aisée possédant une entreprise familiale
(en %)
- « Responsible ownership is protecting and nurturing the family business and preserving it for the benefit of the next generation of family members and for employees,
customers, and the community » (Aronoff et Ward, 2002, p. 1).
Capital spirituel (valeurs familiales)
21,4
Capital humain
- Confiance en soi
- Ténacité
59,3
92,7
- « Responsible ownership is an active and long-term commitment to the family, the
business and the community, and balancing these commitments with each other »
(Lambrecht et Uhlaner, 2005, p. 10).
Capital familial (bonnes relations familiales)
17,9
Capital structurel
- Instances de concertation formelle
- Mission de la famille
22,9
9,7
Capital social (responsabilité sociale)
16,7
Capital intellectuel (vastes connaissances intellectuelles)
29,8
Source: Lambrecht e.a. (2004)
Les étudiants avaient aussi à préciser ce que leur famille entendait par « capital ».
Leur perception du terme « capital » différait sur un certain nombre de points de
celle de leur famille. Ainsi, à peine 18,5 % des étudiants désireux de poursuivre l’entreprise familiale de leurs parents, incluaient les valeurs familiales dans la définition
de « capital », alors que plus de 40 % déclaraient que pour leur famille, la notion de
capital allait de pair avec ces valeurs. Il est également frappant de constater que
les étudiants de famille aisée dotée d’une entreprise familiale affirmaient que leur
famille associe avant tout le « capital » à la responsabilité de sauvegarder le patrimoine familial, alors qu’eux-mêmes n’incluaient pas cette responsabilité dans les
cinq ingrédients principaux du « capital ».
8
1.2 Qu’entend-on par propriété responsable?
- « Responsible ownership is defined as those ownership behaviors which contribute
to the collective group of owners, as opposed to behaviors that selectively serve the
owner’s (selfish) interests » (Uhlaner, s.d., p. 4).
A noter que selon la définition d’Uhlaner, on peut clairement considérer
comme propriétaire la famille dans son ensemble.
La propriété émotionnelle ou psychologique, le deuxième ingrédient central de la
propriété responsable, est définie par Björnberg et Nicholson (2008, p. 3) comme
« a sense of closeness and belonging to the family business - what psychologists call attachment ». Leur définition contient clairement la notion d’ « identification »: l’entreprise
fait partie de vous-même en tant que personne. Le lien qu’un membre de la famille
éprouve avec l’entreprise est déterminant pour la propriété émotionnelle, même si
ce lien n’éveille pas que des sentiments positifs à l’égard de l’entreprise familiale.
Comme l’illustre le Tableau 2, les membres « critiques » de la famille, qui peuvent
éprouver des émotions aussi bien positives que négatives à l’égard de l’entreprise
familiale, ne partagent pas cette propriété émotionnelle à un moindre degré.
La définition de Björnberg et Nicholson attache par ailleurs à cette propriété émotionnelle une mentalité ou disposition d’esprit (spirit) qui n’est pas seulement présente lorsque l’entreprise marche bien.
Hall (2005) définit quant à lui la propriété émotionnelle comme une attitude dans
laquelle le sentiment de solidarité psychologique avec l’entreprise prédomine.
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Propriété responsable de l’entreprise familiale
Melin, Brundin et Samuelsson (2005) décrivent pour leur part l’actionnariat psychologique comme les responsabilités et les droits qu’on se reconnaît du fait de ses
liens avec l’entreprise familiale. Ces responsabilités s’expriment dans des émotions
telles que vouloir se montrer protecteur, préoccupé, prêt à faire des sacrifices et
à consacrer tout son temps et toute son énergie à l’entreprise familiale. Les droits
peuvent se référer à la possession d’actions, à l’exercice d’influence et à l’obtention
d’information sur l’entreprise familiale.
Tableau 2: Sentiments à l’égard de l’entreprise familiale et propriété émotionnelle
Pas souvent négatif
Souvent négatif
Pas souvent positif
16 % (« neutres »)
Propriété faiblement
émotionnelle
12 % (« déçus »)
Propriété faiblement
émotionnelle
Souvent positif
61 % (« supporters »)
Propriété hautement
émotionnelle
11 % (« critiques »)
Propriété hautement
émotionnelle
Source: Björnberg et Nicholson (2008)
1.3 Qu’a de spécifique la propriété responsable d’une entreprise familiale?
Comme nous l’apprend la crise économico-financière actuelle, la propriété responsable est importante dans toute entreprise. Elle l’est cependant encore à d’autres
titres dans l’entreprise familiale. On peut pour cela alléguer sept arguments (Institute
for Family Business, 2007):
(1)
(2)
Conflits entre différents types de propriétaires
Une entreprise familiale peut avoir six types différents d’actionnaires (Aronoff et
Ward, 2002). Le propriétaire opérationnel est celui qui est actif journellement dans
l’entreprise. Le propriétaire dirigeant joue un rôle actif dans le comité consultatif
ou le conseil d’administration. Le propriétaire impliqué ne travaille pas dans l’entreprise familiale, mais montre un réel intérêt pour celle-ci. Le propriétaire passif
perçoit ses dividendes et ne choisit pas délibérément de rester propriétaire. Le
propriétaire investisseur peut se comparer au propriétaire passif, mais choisit délibérément de garder ou de vendre ses actions. Enfin, le propriétaire supporter n’est
pas directement engagé dans l’entreprise familiale, mais est fier d’en être actionnaire. Les différents types de propriétaires peuvent jouer différents rôles dans le
système de l’entreprise familiale, ce qui peut mener à des tensions et à des conflits.
Des conflits peuvent même survenir entre différentes branches de la famille qui
sont propriétaires.
(3)
Conflits entre insiders et outsiders
Les insiders sont par exemple les propriétaires qui sont quotidiennement à la barre
de l’entreprise (les actifs), tandis que les outsiders sont les actionnaires qui ne travaillent pas dans l’entreprise (les passifs). Les deux groupes peuvent être l’objet
de préjugés et de malentendus les uns de la part des autres. Le Tableau 3 donne
un aperçu des antinomies qui peuvent exister entre passifs et actifs. Björnberg et
Nicholson (2008) ont cherché à savoir si les actifs et les passifs diffèrent les uns des
autres au niveau de la propriété émotionnelle. Ils sont arrivés à la constatation que
la plupart des actifs, indépendamment de leur position dans l’entreprise familiale,
montrent un haut degré de propriété émotionnelle. Les passifs présentent un profil
plus varié. Certains d’entre eux affichent un haut niveau de propriété émotionnelle,
alors que d’autres peuvent présenter un bas niveau de propriété émotionnelle.
Implication personnelle et émotionnelle
Les propriétaires familiaux souhaitent généralement faire davantage que l’investisseur-type. Ils sont censés agir comme des stewards du patrimoine familial. L’entreprise familiale ne constitue en effet pas seulement la composante essentielle du
patrimoine familial, mais aussi de la tradition et des valeurs familiales. Les propriétaires d’une entreprise familiale reconnaîtront ainsi volontiers qu’ils ont reçu cette
entreprise en prêt des générations futures.
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Propriété responsable de l’entreprise familiale
Tableau 3: Antinomies possibles entre passifs et actifs
(5)
Passifs
Actifs
Accès limité à l’information et à la
connaissance
Accès plus large à l’information et à la
connaissance
Souhaitent être davantage impliqués ou
peuvent choisir de démissionner
Si occupés par l’entreprise qu’ils ne
réalisent ce que d’autres ignorent
Dans une entreprise familiale, il est très possible qu’un membre de la famille soit
devenu propriétaire, non par choix délibéré, mais à la suite d’un héritage ou d’une
donation. Ces actionnaires familiaux peuvent alors éprouver des sentiments négatifs, du fait qu’ils n’ont pas mérité l’actionnariat par eux-mêmes.
Parfois embarrassés et paniqués par les
responsabilités à assumer
Ont le pouvoir et le statut pour prendre les
décisions importantes
Ne se sentent souvent pas respectés par
par les actifs
Travaillent dur et portent une lourde
charge
Peuvent se montrer méfiants à l’égard des
actifs parce que considérés comme âpres
au gain, et bénéficiant d’un salaire et
d’avantages extra-légaux excessifs
Voient parfois les passifs comme des
éléments perturbateurs et des profiteurs
(6)
Actionnariat non choisi délibérément
Actionnariat impersonnel
Lorsque l’entreprise familiale passe à une génération suivante, il arrive que les
actions s’éparpillent entre un plus grand nombre de propriétaires familiaux. Cet
éparpillement de l’actionnariat peut aboutir à ce que de plus en plus d’actionnaires
se distancient par rapport à la vie courante de l’entreprise. Björnberg et Nicholson
(2008) n’ont cependant relevé aucun lien particulier entre le degré de concentration
de l’actionnariat familial et la propriété émotionnelle.
(7)
Confusion de rôles
Source: Aronoff et Ward (2002)
Les insiders et outsiders peuvent encore consister en d’autres catégories que les actifs et les passifs. Les actionnaires majoritaires peuvent, par exemple, faire partie
des insiders et les actionnaires minoritaires, des outsiders. Björnberg et Nicholson
(2008) se sont demandés s’il existe un lien entre la hauteur de la participation à
l’actionnariat et la propriété émotionnelle. Ils ont constaté que la propriété émotionnelle d’un actionnaire croît avec l’augmentation du nombre de ses actions. Le
rapport positif entre les deux grandeurs est cependant ténu. Des membres de la
famille dépourvus d’actions peuvent ainsi faire montre d’un haut degré de propriété
émotionnelle, alors que des gros actionnaires familiaux peuvent être de faibles propriétaires émotionnels.
(4)
La propriété ne signifie pas le management. Il arrive cependant que des actionnaires familiaux pensent devoir tenir la barre de l’entreprise. Lansberg (2005, cité dans
Institute for Family Business, 2007) utilise l’image de l’avion pour illustrer la différence entre propriétaires et managers. Les propriétaires peuvent choisir à quoi utiliser
les avions, et comment financer la flotte. Ils restent cependant hors du cockpit et ne
servent pas les boissons. Les propriétaires doivent laisser le pilote et l’équipage
faire leur boulot.
Actionnaires captifs
Un actionnaire peut se sentir captif au sein de l’entreprise familiale, parce qu’il n’y
a pas de marché d’actions interne et que son patrimoine se trouve ainsi verrouillé
dans l’entreprise. Ce sentiment est d’autant plus fort lorsqu’il n’y a que peu ou pas
de dividendes distribués.
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Propriété responsable de l’entreprise familiale
2. Qu’est-ce qu’un propriétaire responsable
d’une entreprise familiale?
Un propriétaire responsable d’une entreprise familiale présente un certain nombre
des caractéristiques qui reflètent la propriété responsable telle que décrite supra
(voir Figure 1). Regardons d’un peu plus près ces six caractéristiques.
La première caractéristique indique ce que le propriétaire responsable n’est pas. Il
n’est pas un pur investisseur. Un propriétaire qui se contente d’apporter des moyens
financiers de nature générale et non spécifique, est remplaçable. L’actionnaire responsable d’une entreprise familiale est dès lors engagé (deuxième caractéristique)
et s’identifie personnellement avec l’entreprise. Il doit vouloir être propriétaire et
entretenir la relation entre la famille et l’entreprise. Un propriétaire familial qui n’a
en vue que les avantages de l’actionnariat, fait preuve d’une motivation déficiente.
La propriété devient alors un piège. En troisième lieu, un propriétaire responsable
est un propriétaire très bien informé des entreprises familiales en général et de
sa propre entreprise en particulier. Une quatrième caractéristique du propriétaire
responsable est son souci de l’avenir de la famille et de l’entreprise. En cinquième
lieu, un propriétaire responsable transmet ses connaissances au sujet de la propriété responsable de l’entreprise familiale aux nouvelles générations. Une sixième et
dernière caractéristique est de se comporter en propriétaire. Cette caractéristique
vise surtout les membres de la famille qui ne possèdent pas (encore) d’actions, et
ne sont pas (encore) juridiquement propriétaires. En endossant les caractéristiques
précitées, un propriétaire n’ayant pas ce statut juridique peut se comporter en propriétaire responsable.
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Propriété responsable de l’entreprise familiale
Figure 1: Caractéristiques d’un propriétaire responsable d’une entreprise familiale
Agir comme propriétaire
Transmettre la connaissance
Pas un pur investisseur
Propriétaire
responsable
Engagé
Soucieux de l’avenir
Très bien informé
Source: Aronoff et Ward (2002); Institute for Family Business (2007)
Si, à un certain moment, il apparaît à la famille que de nouveaux propriétaires seraient une bonne chose pour l’entreprise, cela prouve pour la propriété responsable de cette famille. La continuité ne signifie donc pas nécessairement la poursuite
de l’entreprise en tant qu’entreprise familiale (Mühlebach, 2005). Une famille qui
veut à tout prix poursuivre l’entreprise en tant qu’entreprise familiale, monopolise la
tradition de l’entreprise et peut être prisonnière de l’entreprise. Une famille qui,
par contre, comprend que la continuité peut être plus que la poursuite de l’entreprise comme entreprise familiale, s’inscrit dans la tradition entrepreneuriale (voir
Tableau 4 pour les différences entre tradition d’entreprise et tradition entrepreneuriale). Dans la tradition d’entreprise, l’entreprise familiale est centrale, tandis que
l’entrepreneuriat est au cœur de la tradition entrepreneuriale. En concordance avec
la tradition entrepreneuriale, la continuité peut par exemple.
Intégrer la préservation et le développement du patrimoine familial, ce qui peut
être obtenu via la vente (partielle) de l’entreprise familiale.
Tableau 4: Différences entre tradition d’entreprise et tradition entrepreneuriale
Tradition d’entreprise
Tradition entrepreneuriale
Objet central
Entreprise
Entrepreneuriat
Perspective
Statique
Dynamique
Sens de la tradition
Passé
Avenir
Continuité
Exclusive
Non exclusive
Source: Mühlebach (2005)
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Propriété responsable de l’entreprise familiale
3. Comment arriver à la propriété responsable
de l’entreprise familiale?
Pour permettre la propriété responsable de l’entreprise familiale, il y a un certain nombre de prérequis à garantir aux actionnaires ou à garantir par ceux-ci (voir
Figure 2). Examinons de plus près cette double série de prérequis.
Figure 2: Prérequis aux et par les actionnaires
- Revenus financiers
- Information
- Revenus psychiques
- Responsabilité
- Liquidité financière
- Liquidité émotionnelle
- Structure de l’actionnariat
Propriétaire responsable
- Vision de propriétaire collective
- Communication informelle
- Formation personnelle continue
- Formation des nouvelles générations
Source: Aronoff et Ward (2002)
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Propriété responsable de l’entreprise familiale
3.1 Prérequis à garantir aux actionnaires
(7)
Aronoff et Ward (2002) relèvent sept fondamentaux dont les propriétaires doivent
disposer pour pouvoir se comporter d’une manière responsable:
Les propriétaires familiaux doivent s’accorder sur le fait de savoir qui peut être
actionnaire de l’entreprise familiale, et sous quelles conditions. Ils mettront de
préférence ces questions sur papier, par exemple dans la charte familiale ou dans
un pacte des actionnaires. Les conventions écrites peuvent constituer un rempart
contre les éventuels conflits d’actionnaires, toujours très dommageables pour la
propriété émotionnelle (Björnberg et Nicholson, 2008).
(1)
Revenus financiers
La propriété implique que le capital propre est sujet à risque. Il est dès lors logique
que les actionnaires reçoivent une rétribution financière en contrepartie de ce risque.
(2)
Information
Les actionnaires doivent recevoir l’information nécessaire du management et du
conseil d’administration ou du comité consultatif. Les managers et les administrateurs doivent dès lors faire preuve de transparence.
3.2 Prérequis à garantir par les actionnaires
Les actionnaires familiaux doivent, à leur tour, offrir quatre leviers pour la propriété
responsable:
(1)
(3)
Structure de l’actionnariat
Une vision de propriétaire collective
Revenus psychiques
La vision de propriétaire repose sur six éléments (Lievens et Lambrecht, 2008):
A côté des revenus financiers, les propriétaires doivent recevoir des revenus psychiques. Cela signifie qu’ils doivent avoir le sentiment qu’ils contribuent au succès de
l’entreprise, et que leur contribution est reconnue par les partenaires de l’entreprise.
(4)
Responsabilité
Les actionnaires doivent pouvoir responsabiliser le management et le conseil
d’administration/comité consultatif pour un certain nombre d’affaires, comme les
valeurs, les objectifs non financiers, ...
(5)
Liquidité financière
Si les circonstances le permettent (par exemple, disponibilité de liquidités), les actionnaires doivent pouvoir revendre leurs actions à d’autres membres de la famille.
L’existence d’un marché d’actions interne augmente du reste les chances de garder
les actionnaires, puisqu’ils savent qu’ils peuvent toujours quitter l’actionnariat.
(6)
20
(a) Les valeurs
La valeur la plus invoquée par les entreprises familiales est l’honnêteté, suivie
des valeurs « clients » et « profit » (Lambrecht et Ting To, 2008).
Liquidité émotionnelle
Lorsqu’un membre de la famille revend ses actions, les autres actionnaires familiaux ne doivent pas lui en tenir rigueur.
(b) La philosophie fondamentale de l’entreprise familiale
Une famille propriétaire peut opter pour l’une des trois philosophies suivantes:
(1) l’entreprise d’abord, (2) la famille d’abord, ou (3) un équilibre entre les membres individuels de la famille, la famille et l’entreprise. La recherche récente
semble indiquer qu’aussi bien la famille que l’entreprise trouvent le mieux leur
compte dans la troisième philosophie. L’entreprise familiale fonctionne dans
ce cas comme un système parfait (Lambrecht et Pirnay, 2009; Molly, 2009).
(c) L’espèce de propriétaire qu’on veut être
Nous nous sommes référés ci-dessus aux différents types d’actionnaires. Il s’agit
ici des membres de la famille qui se profilent comme actionnaires responsables.
(d) Le type de leadership dans l’entreprise familiale
L’entreprise familiale peut avoir une direction unique ou pluricéphale. À son
tour, une équipe dirigeante peut avoir un président ou un directeur général,
ou être constituée de pairs.
21
Propriété responsable de l’entreprise familiale
(e) L’étendue de l’activité de l’entreprise
On vise ici le secteur dans lequel l’entreprise est active, le rayon d’action géographique, le mode de croissance (via des reprises et/ou par ses propres forces),
etc. La vision d’entreprise détermine donc également la stratégie d’entreprise.
(f) Les objectifs financiers
Les propriétaires familiaux doivent se pencher sur un certain nombre d’objectifs financiers, tels que l’évolution du chiffre d’affaires, du profit, ...
(2)
Communication informelle
La communication informelle comprend les échanges informels concernant l’entreprise, par exemple au cours des jeunes années de successeurs virtuels, à la table
familiale, ... Cette dernière semble revêtir une importance symbolique particulière.
Lorsqu’on demande à de nouveaux dirigeants familiaux comment ils ont appris leur
métier de dirigeant d’entreprise, ils répondent assez souvent: « autour de la table
familiale » (Aronoff et Ward, 2002, p. 16). La communication informelle au sujet de
l’entreprise apparaît également, surtout pendant les années d’enfance, comme un
terreau de la propriété émotionnelle (Björnberg et Nicholson, 2008). Les réunions
formelles ou organisées au sujet de l’entreprise familiale iraient plutôt de pair avec
un faible degré de propriété émotionnelle. Il peut cependant être souhaitable, à
une phase déterminée de la vie de l’entreprise familiale, que la famille propriétaire s’équipe d’instruments formels, comme des réunions de famille formelles, une
charte familiale, ... Une communication formelle peut en tout cas s’avérer salutaire
lorsque la famille croît en complexité du fait de la multiplication des membres de la
famille concernés.
(3)
Formation personnelle continue
L’autoformation commence par la disposition à devenir un propriétaire responsable.
Un propriétaire responsable s’efforce ensuite de combler continuellement ses lacunes
en matière d’entreprises familiales en général, et de sa propre entreprise familiale
en particulier. À cet effet, il suivra des cours, lira des livres et des articles, ...
(4)
Former les nouvelles générations
Un propriétaire responsable ne se forme pas seulement lui-même, mais aussi les nouvelles générations (Schuman et Ward, 2009). La formation de celles-ci comprend un
22
volet général, un deuxième sur l’entreprise familiale, et un troisième volet financier.
Le volet général est surtout focalisé sur les valeurs et les attentes réalistes; cet aspect de la formation doit nourrir la santé émotionnelle des enfants.
La formation sur l’entreprise familiale se réalise surtout via la table familiale, le jeu
et les petits jobs dans l’entreprise, les événements sociaux dans le cadre de l’entreprise familiale, et les symboles (par exemple, des publications sur l’histoire de
l’entreprise familiale). Au cours de cette formation, la communication informelle et
les contacts personnels restent toujours nécessaires (Björnberg et Nicholson, 2008).
Certaines grandes entreprises familiales ont même une école familiale interne, où
les jeunes membres de la famille acquièrent l’information sur l’entreprise.
Dans le volet financier de la formation, les jeunes membres de la famille sont initiés à
la connaissance technico-financière et communiquent avec la génération précédente
au sujet du patrimoine familial. Ce patrimoine familial fait cependant encore l’objet
d’un tabou. C’est ainsi que deux tiers des étudiants issus d’une famille nantie déclarent ne pas participer eux-mêmes aux discussions sur le patrimoine familial. Plus
de la moitié (57 %) des étudiants de familles nanties ne sont pas au courant de la
manière dont le patrimoine familial leur sera transmis. Le langage juridico-financier
est également hermétique pour une bonne partie de la jeune génération. Environ 44
% des étudiants de famille aisée avec une entreprise familiale chez eux, avouent que
le domaine juridico-financier est pour eux un rébus. La majorité (82 %) des étudiants
interrogés n’a d’ailleurs aucun contact avec les conseillers financiers. La formation
financière des futures générations ne doit pas seulement les préparer à la propriété
responsable, mais doit également les prémunir contre l’affluenza2. L’affluenza vise les
effets psychiques pervers de l’opulence, comme la honte, une faible image de soi, la
culpabilité, l’alcoolisme, la « fièvre acheteuse », le perfectionnisme, etc. (Lambrecht
e.a., 2004). Cela concerne aussi bien des gens qui vivent et grandissent dans l’abondance que des gens attirés par toujours plus d’argent. Une mauvaise communication
avec les héritiers et un manque de confiance dans leur chef sont les principales raisons pour lesquelles 70 % des transmissions de patrimoine familial échouent.
Les nouvelles générations doivent également prendre elles-mêmes l’initiative de
se former et ne pas seulement s’appuyer sur leurs prédécesseurs. Les successeurs
virtuels peuvent ainsi décider de participer à des activités en réseau avec leurs homologues d’autres entreprises familiales, de réunir les éléments de l’histoire de
l’entreprise familiale, ...
2
Contraction des mots anglais affluent (nanti) et fluenza (grippe).
23
Propriété responsable de l’entreprise familiale
4. Pourquoi la propriété responsable est-elle essentielle
à l’entreprise familiale?
La propriété responsable s’avérera des plus bénéfiques pour le système des entreprises familiales. Aussi bien les sous-systèmes « membres individuels de la famille,
famille et entreprise » que le système global « entreprise familiale », en récolteront
les fruits. Voyons pour chaque (sous-)système les avantages à attendre.
4.1
Avantages pour les membres individuels de la famille
Un premier effet positif de la propriété responsable est que le dirigeant de l’entreprise familiale tient bon malgré le stress qu’il peut éprouver. D’une enquête de l’International Centre for Family Business auprès de 3 000 dirigeants d’entreprises familiales dans 22 pays, il ressort que 44 % d’entre eux estiment que l’entreprise familiale
contribue sensiblement à leur stress (McCulloch, 2005). Les facteurs principaux de
ce stress sont le patrimoine attaché à l’entreprise (23 %), les relations avec les actionnaires (16 %), la propriété de l’entreprise (16 %) et l’implication familiale (13 %).
Les émotions positives découlant de la propriété responsable sont l’implication, la
confiance en soi et la fierté par rapport à l’entreprise (Lambrecht et Uhlaner, 2005).
La propriété responsable enlève également toute justification à des sentiments
comme « Je suis actionnaire par droit de naissance; je ne mérite pas ce que je possède »
(Aronoff et Ward, 2002).
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Propriété responsable de l’entreprise familiale
4.2
Avantages pour la famille
Les avantages de la propriété responsable pour la famille sont: l’harmonie familiale,
la fierté familiale, la transposition de valeurs en action, et le développement du
patrimoine familial (Aronoff et Ward, 2002).
4.3
La sous-utilisation dilapidatrice peut être combattue par l’effort individuel et la
collaboration. Lorsque l’entreprise familiale compte beaucoup d’actionnaires familiaux, il est nécessaire que ceux-ci collaborent entre eux et que chacun se comporte
de manière responsable. Autrement, le fonctionnement de l’entreprise familiale
risque le blocage, et les membres individuels de la famille, la famille, l’entreprise et
l’entreprise familiale en tant qu’ensemble sont tous perdants.
Avantages pour l’entreprise
Selon Aronoff et Ward (2002), la continuité de l’entreprise profite de la propriété
responsable. Les entreprises qui comptent plus de cent ans d’âge ont comme
caractéristique commune la propriété responsable. Björnberg et Nicholson (2008)
ont cependant observé que la propriété émotionnelle ne présente pas de corrélation
positive avec l’âge de l’entreprise, mais bien avec sa taille. La propriété émotionnelle paraît plus élevée dans les plus grandes entreprises.
La propriété responsable serait bénéfique aux prestations financières de l’entreprise (Lambrecht et Uhlaner, 2005). Enfin, on peut dire que grâce à la propriété responsable, le management et le conseil d’administration/comité consultatif peuvent
remplir leurs tâches de manière optimale (Aronoff et Ward, 2002).
4.4
Avantages pour l’entreprise familiale en tant qu’ensemble
La propriété responsable permet d’éviter le blocage du système de l’entreprise
familiale. Lorsqu’un trop grand nombre de propriétaires de « quelque chose »
(par exemple, une entreprise) ne coopèrent pas bien entre eux, ils peuvent bloquer l’usage de ce « quelque chose » (Heller, 2008). Les propriétaires se gênent
l’un l’autre dans l’usage de la propriété. Personne ne peut ainsi faire usage de la
propriété, et chacun y perd. On parle dans ce cas d’une sous-utilisation (underuse)
vdilapidatrice de la propriété. Faute d’une appellation anglaise de « sous-utilisation dilapidatrice », Heller utilise l’expression « la tragédie cachée des anticommons ».
« Cachée » indique qu’il est très difficile de déceler une sous-utilisation. « Anticommons » désigne le contraire d’utilisation abusive (overuse) dilapidatrice d’un bien
commun (commons, par exemple un terrain qui n’appartient à personne et appartient donc à tout le monde). « Tragédie », parce que chacun perd en cas de sousutilisation dilapidatrice.
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Propriété responsable de l’entreprise familiale
5. Recommandations
Nous terminerons par la formulation de six recommandations.
1.
Appliquez aussi les critères d’ « aptitude » et de « motivation » aux propriétaires de l’entreprise
familiale
On a trop longtemps donné l’impression que l’aptitude et la motivation valaient
surtout pour les membres de la famille qui assument (ou assumeront) la direction
journalière de l’entreprise familiale. Pour l’actionnariat, les liens du sang semblaient
suffire. A la faveur notamment de scandales dans le monde des entreprises et de
crises, on a cependant pris davantage conscience que le système de l’entreprise
familiale et ses stakeholders externes (collaborateurs, clients, fournisseurs, collectivité, ...) ont aussi besoin de propriétaires capables et motivés. Les actionnaires
actuels de l’entreprise familiale se perfectionnent en s’informant et en se formant
en permanence en matière d’entreprises familiales en général et de leur propre
entreprise familiale en particulier. En transmettant leur connaissance de la propriété
responsable, ils contribuent à l’aptitude des générations suivantes. Les jeunes
membres de la famille sont formés en général, en matière financière et au sujet de
l’entreprise familiale, via l’éducation, la table familiale, le jeu et les jobs dans l’entreprise, les événements sociaux au sein de l’entreprise familiale, les symboles, ...
La motivation des propriétaires actuels et futurs ressort de leur engagement et de
leur souci de l’avenir de la famille et de l’entreprise.
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Propriété responsable de l’entreprise familiale
2.
Considérez la propriété responsable de l’entreprise familiale avant tout comme une disposition
d’esprit
A côté de l’aptitude et de la motivation, un propriétaire responsable se sent lié
à l’entreprise et s’identifie à celle-ci. Cet attachement suscite certes souvent des
sentiments positifs à l’égard de l’entreprise familiale, mais peut aussi aller souvent
de pair avec des émotions négatives. Un propriétaire qui respire cet actionnariat
émotionnel ou psychologique ne se profile pas comme un pur investisseur. Un propriétaire qui fournit des moyens purement financiers, généraux et non spécifiques,
est d’ailleurs interchangeable. Un membre de la famille qui présente les dispositions d’un propriétaire émotionnel ne doit même pas nécessairement posséder des
actions de l’entreprise. Des membres de la famille sans actions peuvent présenter
un haut degré de propriété émotionnelle, alors que des membres avec actions peuvent présenter un bas niveau de propriété émotionnelle. En principe, la possession
d’actions doit cependant favoriser la propriété émotionnelle.
3.
Communiquez régulièrement de manière informelle entre vous
La communication informelle au sujet de l’entreprise familiale, surtout au cours des jeunes années autour de la table familiale, forme un terreau pour la propriété responsable.
Les actionnaires actuels doivent également faire grand cas des échanges informels entre
eux. S’il y a plusieurs types d’actionnaires, par exemple des actifs et des passifs, ceux-ci
doivent chercher à établir entre eux des lignes de communication informelle. Les propriétaires ont en effet besoin d’information de la part du management et du conseil d’administration/comité consultatif pour pouvoir adopter une attitude responsable. A leur
tour, les dirigeants et les administrateurs doivent connaître la vision des propriétaires.
4.
Donnez au besoin à la continuité un contenu plus large que la poursuite de l’entreprise
comme entreprise familiale
« A peine » un tiers des entreprises familiales passent à la génération suivante. Ce constat
a généralement entraîné une interprétation univoque de la continuité: la poursuite de
l’entreprise comme entreprise familiale. Au sein de la famille propriétaire, la continuité
peut cependant signifier beaucoup plus, par exemple le développement du patrimoine
familial. Chaque famille propriétaire devrait dès lors se confronter à deux questions:
- Quel est l’objectif le plus essentiel que nous voulons poursuivre?
- Quelle est la meilleure manière de réaliser la poursuite de celui-ci?
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Lorsque, pour la réalisation de cet objectif le plus essentiel, l’entreprise familiale
doit être (partiellement) vendue, cela ne doit pas être considéré comme une faillite. Si, en effet, il s’avère à un moment donné que de nouveaux propriétaires vaudraient mieux pour l’entreprise, la famille fait preuve de propriété responsable en
le reconnaissant.
5.
Prévoyez une solide formation financière pour les nouvelles générations, et brisez à cet égard
le tabou qui règne sur le patrimoine familial
La propriété a incontestablement partie liée avec la finance. Les futures générations
doivent donc être familiarisées dans une certaine mesure avec le langage financier.
Il est hautement recommandable qu’on communique aussi avec elles au sujet du
patrimoine familial. Celui-ci fait cependant encore l’objet d’un tabou. La plupart
des héritiers jeunes adultes ne participent pas personnellement à la réflexion sur
le patrimoine familial et n’ont aucune idée des modalités de transfert de celui-ci. La
formation financière des futures générations ne les prépare pas seulement à la propriété responsable, mais les préserve également de l’affluenza (néologisme anglais
désignant les effets psychiques pervers de l’opulence effrénée).
6.
Entretenez une bonne entente entre membres de la famille, et/ou élaguez l’actionnariat familial
pour pouvoir faire face à la complexité croissante de la famille et pour prévenir la paralysie de
l’entreprise familiale
La complexité familiale croît avec le nombre de propriétaires familiaux. Une mauvaise
entente entre eux peut paralyser l’entreprise familiale, en étouffant des projets et des
décisions dans l’œuf. Une coopération étroite entre les actionnaires familiaux peut
prévenir un tel blocage. A côté de la communication informelle, la communication
orale formelle, sous forme de réunions de famille, peut favoriser l’harmonie familiale.
Les conventions écrites, coulées en forme de charte familiale, constituent également
un ciment du système de l’entreprise familiale (Lievens, 2009; Lambrecht et Pirnay,
2009). La présence d’un chief emotional officer est encore un autre moyen de resserrer les liens entre les membres de la famille. Dans les entreprises familiales, ce rôle
de chief emotional officer est souvent dévolu à un membre féminin de la famille (par
exemple la mère). Mais il peut aussi être rempli par un homme, un non-membre de la
famille, ou un organe comme le comité consultatif ou le conseil d’administration.
Lorsqu’il règne une coopération déficiente entre les propriétaires familiaux, il y a
lieu de réduire leur nombre par rachat (Lambrecht et Lievens, 2008).
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Propriété responsable de l’entreprise familiale
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Johan Lambrecht
Jozef Lievens
Johan Lambrecht
Johan Lambrecht is doctor in de Economische Wetenschappen en hoogleraar aan
de Hogeschool-Universiteit Brussel waar hij macro-economie, ondernemerschap
en familiebedrijven doceert. Hij is tevens directeur van het Studiecentrum voor
Ondernemerschap aan EHSAL-K.U. Brussel. Hij is auteur van honderden werken
over familiebedrijven, ondernemerschap en kmo’s.
Jozef Lievens
Jozef Lievens is advocaat bij het kantoor Eubelius te Kortrijk. Hij is Fellow van het
Family Firm Institute en gedelegeerd bestuurder van het Instituut voor het Familiebedrijf en FBNet Belgium. Hij is de auteur van diverse boeken over familiebedrijven, onder meer van het boek “Governance in het Familiebedrijf” dat door “de Tijd”
werd genomineerd als managementboek van het jaar. Hij doceert governance en
opvolging in het familiebedrijf aan de Hogeschool Universiteit Brussel. Hij doceert
tevens in de executive education programmas van diverse universiteiten (Solvay,
Vlerick, UAMS e.a.).
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