Le radar harmonique permet-il le suivi des juvéniles d`amphibiens

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Le radar harmonique permet-il le suivi des juvéniles d`amphibiens
LE RADAR HARMONIQUE PERMET-IL LE SUIVI DES JUVENILES
D’AMPHIBIENS DANS UN PASSAGE A PETITE FAUNE ?
Héloïse LAGAÜZERE*; **, Emmanuel MALET*, Grégory MAILLET **, Pierre JOLY*
* Laboratoire Ecologie des Hydrosystèmes Fluviaux, Université Lyon I
Lyon - France
** AVENIR, réserve naturelle du Grand-Lemps
Grenoble - France
Parmi les différentes migrations effectuées par les amphibiens au cours d’un cycle
annuel, les migrations printanières vouées à la reproduction sont les plus spectaculaires car les
animaux se déplacent alors en grand nombre. En conséquence, les lieux où ces migrants
croisent les routes sont le siège de très nombreux écrasements. La migration des juvéniles,
observée plusieurs semaines après, est un phénomène plus étalé dans le temps qui passe
souvent inaperçu. Ils sont pourtant également fortement concernés par l’écrasement sur les
routes. En raison du caractère remarquable de la migration des adultes et étant donné la très
petite taille des juvéniles, l’observation des déplacements au travers les passages à petite
faune n’est généralement faite que pour les amphibiens adultes.
Toutefois la validation de la conception d’aménagements tels que les passages à petite
faune ne devrait être faite que suite à une évaluation réalisée sur l’ensemble de la population
cible, toute génération confondue.
Dans cette perspective, nous avons exploré la possibilité d’utiliser un système de suivi
télémétrique adapté à la petite taille des juvéniles, pour suivre leur trajectoire et leur
comportement lors de leur passage à travers le dispositif.
I. PRESENTATION DE LA TECHNIQUE
La technique choisie pour l’étude est celle du radar harmonique. Cet outil de détection
est développé par la société RECCO® (www.recco.com), dans le but premier de détecter les
victimes d’avalanches. Il est constitué d’un appareil de détection manuel (figure 1) et d’un
réflecteur fixé sur la cible à détecter.
Le principe de fonctionnement est représenté par le croquis suivant :
Appareil de
recherche
manuel
870 MHz
réflecteur
1740 MHz
Figure 1 : principe de fonctionnement de la technique télémétrique du radar
harmonique. L’appareil de recherche émet des micro-ondes (en rouge). Le réflecteur
perçoit le signal, double sa fréquence et le renvoie à l’appareil (en bleu) qui le
transforme en un signal sonore entendu par le biais d’un casque.
Les réflecteurs se composent d’une diode, d’une antenne plate rectangulaire soudée à
un pôle de la diode et d’une antenne filiforme soudée à l’autre pôle.
En comparaison aux autres techniques télémétriques, le radar harmonique offre
l’avantage d’installer sur l’animal un dispositif très léger car ne nécessitant pas de batterie. De
plus, la durée de vie du réflecteur est presque illimitée et le prix est très raisonnable. Cette
technique a donc été adaptée à l’étude des insectes (Capaldi et al. 2000, Lövei et al. 1997,
Mascanzoni & Wallin 1986, Osborne et al. 1999), des reptiles (Engelstoft et al. 1999,
Langkilde & Alford 2002) ou des amphibiens ( grands juvéniles : Leskovar & Sinsch 2005,
adultes : Pellet et al., in press).
II. ADAPTATION DE CETTE TECHNIQUE A LA TAILLE DES JUVENILES
La conception d’émetteurs de petite taille nécessite de trouver un compromis entre
l’efficacité des réflecteurs et leur poids. En télémétrie, le seuil maximum acceptable pour le
poids des réflecteurs est fixé à 10% du poids de l’animal. Les juvéniles de grenouilles agiles
(Rana dalmatina) manipulés pour les expériences pesaient en moyenne 0.9 grammes. Les
réflecteurs conçus lors des études précédentes pesaient en moyenne 0.11 grammes (Pellet &
al, in press), poids trop élevé pour équiper des juvéniles.
La conception de réflecteurs dont le poids serait inférieur à 0.09 grammes passe par
l’essai de différents matériaux pour les antennes, de différents types d’attaches et de colles. La
longueur de l’antenne filiforme est également déterminante pour la portée. Des tests mesurant
la portée du réflecteur en fonction de la longueur de l’antenne ont donc été effectués (figure 2)
afin de déterminer sa taille optimale.
10
8
6
(m4)
2
0
distance
de dŽtection
0
2
4
6
8
10
12
longueur antenne (cm )
Figure 2 : distance de détection moyenne des émetteurs en fonction de
la longueur de l'antenne. Calculé sur 5 diodes, avec 2 essais par diodes.
De cette manière, nous avons mis au point des réflecteurs pesant en moyenne 0.046
grammes, ayant les caractéristiques suivantes :
-
une diode RECCO®, modèle R2
une antenne plate rectangulaire en cuivre (2 x 3 mm)
une antenne filiforme en cuivre de 10 cm de longueur
Ce dispositif a été fixé à l’animal au moyen d’une ceinture de gaze nouée autour de sa
taille (Pellet et al. in press) (figure 3). Les juvéniles ont été équipés en laboratoire. Le port de
l’équipement a entraîné certains comportements anormaux : difficultés à nager, renversement
sur le dos, mauvais positionnement des pattes arrières…
Dès lors que l’animal présentait de tels handicaps posturaux, il devenait impossible d’envisager
un comportement migratoire normal.
Figure 3. A : Utilisation de l’appareil de recherche manuel RECCO®. B : Un réflecteur. C : Grenouille agile
(Rana dalmatina) juvénile équipée d’un réflecteur. D : Mauvais positionnement des pattes arrières. E :
Déséquilibre lors de la nage. Photos : Héloïse Lagaüzère.
B
A
C
D
E
III. CONCLUSION
Ainsi, malgré une littérature scientifique optimiste quant à l’utilisation du radar
harmonique pour le suivi de très petits animaux, nous ne pensons pas que cette technique
puisse être utilisée pour le suivi de juvéniles d’amphibiens de petite taille. Elle reste toutefois
une technique intéressante pour étudier les déplacements d’individus adultes.
L’étude de l’utilisation des passages à petite faune par les juvéniles d’amphibiens doit par
conséquent s’appuyer sur d’autres techniques d’observation comme le suivi visuel ou la
recapture d’individus marqués. Des résultats préliminaires sont présentés dans une autre partie
de cet ouvrage.
BIBLIOGRAPHIE
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