Optimisation du refroidissement d`un moule d`injection de

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Optimisation du refroidissement d`un moule d`injection de
Optimisation du refroidissement
d’injection de thermoplastique
d’un
moule
Alban AGAZZI, Vincent SOBOTKA, Laetitia PEREZ, Yvon JARNY, Didier
DELAUNAY
Laboratoire de Thermocinétique de Nantes, UMR CNRS 6607,
Ecole Polytechnique de l’Université de Nantes,
Rue Christian Pauc, BP 5060-44306 Nantes,
Cedex 03, France
Résumé - Dans les procédés d’injection de pièces en thermoplastique, la qualité des pièces mises en
forme ainsi que le temps de cycle du procédé sont fortement conditionnés par la phase de solidification
du polymère dans la cavité moulante. L’analyse des transferts de chaleur pendant cette phase, conduit
à investiguer le positionnement optimal des sources froides ainsi que leurs intensités. Notre approche
est basée sur un positionnement du type « conformal cooling » des canaux de refroidissement, puis sur
une méthode de contrôle optimal pour déterminer les flux de chaleur à évacuer en régime périodique
établi.
Nomenclature
T
Température, K
Tinj Température d’injection, K
Tejec Température d’éjection désirée, K
Tréf Température de référence, K
∇δT Gradient de température, K/m
∇δTréf Gradient de référence, K/m
Γ
Ω
tf
τ
λ
ρ
Cp
Fibre neutre, m
Surface de la pièce, m2
Temps de cycle, s
Période de temps, s
Conductivité thermique, W/m.K
Masse volumique, kg/m3
Chaleur spécifique, J/kg.K
1. Introduction
Dans le domaine de la mise en forme des thermoplastiques par le procédé d’injection,
l’amélioration de la qualité des pièces injectées ainsi que la réduction des temps de fabrication
sont des objectifs essentiels pour les industriels. La production cyclique d’une pièce plastique
se déroule en quatre étapes : remplissage de la cavité moulante, maintien en pression,
solidification et éjection. La durée consacrée à la solidification est évaluée entre 70 et 80% du
temps de cycle. Une diminution même modérée de cette étape du cycle a un impact fort sur la
productivité [1,2]. Le système de régulation thermique de l’outillage apparaît comme le levier
essentiel pour atteindre cet objectif. Cependant, outre son efficacité thermique, il s’avère
nécessaire que la conception du circuit de régulation prenne en compte les aspects qualité de
la pièce. Une solidification non homogène et non équilibrée va engendrer des défauts tels que
des bulles d’air, des déformations et/ou du retrait différentiel.
Barone and Caulk [3] furent les premiers, au début des années 80, à s’intéresser à
l’amélioration du refroidissement, en terme de qualité finale des pièces. Le développement
récent de nouveaux outils de fabrication rapide (frittage laser par exemple) permet la
réalisation d’outillages avec des canaux de refroidissement de formes de plus en plus
complexes. Une attention particulière est portée aux systèmes de refroidissement de type
conforme ou « conformal cooling », c'est-à-dire sur un positionnement des canaux qui suit au
mieux les formes de la pièce [2,4]. Comparée aux techniques conventionnelles de conception,
où ce positionnement est basé principalement sur l’expérience des concepteurs, cette approche
nouvelle a démontré ses atouts : il est possible notamment de réduire le temps de mise en
régime du moule, ainsi que l’étape de solidification. Cependant, en rapprochant les canaux de
la cavité moulante, ils vont être affectés thermiquement de façon plus importante par la
variation périodique de température. La forme de cette zone étant corrélée à celle de la pièce
et la géométrie des pièces injectées étant de plus en plus complexe, une analyse rigoureuse
(non empirique) des transferts de chaleur dans cette zone au sein de l’outillage est devenue
indispensable.
Numériquement, cette analyse peut être réalisée dans des configurations géométriques 2-D
ou 3-D, via la méthode des éléments frontières (BEM) [3,5,6] ou des éléments finis (FEM) [79]. Cette deuxième méthode est utilisée dans la suite de notre étude. Dans la littérature
[3,5,10], la plupart du temps les problèmes d’optimisation visent à déterminer une position et
un diamètre optimal par canal [8,10], et le critère à optimiser ne prend en compte que la
température dans la pièce ou à la surface de la cavité moulante [3,5,10]. D’autres études
s’intéressent aux débits du fluide caloporteur s’écoulant dans chaque canal, ainsi qu’à
l’influence du nombre de canaux [5].
Nous avons choisi d’orienter cette étude en vue de quantifier à la fois des critères
d’efficacité (temps de cycle) et de qualité de la pièce. En effet pour ne pas être endommagée
par les éjecteurs, la pièce doit être suffisamment rigide à son éjection. En outre, pour éviter les
déformations engendrées par les gradients thermiques au sein de la pièce [11], ceux-ci devront
être réduits à l’éjection. Un critère basé conjointement sur la température et sur la norme du
gradient thermique dans la pièce pendant sa solidification est donc introduit. La minimisation
de ce critère s’effectuera en agissant sur la température des sources froides, et donc des
fluides dans chaque canal.
2. Position des canaux
Considérons la pièce de géométrie cylindrique, figure 1. Du point de vue thermique, le
caractère cyclique du procédé d’injection se traduit par la durée de mise en régime périodique
établi du moule. La distance entre canal de refroidissement et paroi de la cavité moulante
conditionne cette durée, ainsi que l’amplitude des oscillations. En diminuant cette distance,
l’inertie thermique du moule et donc cette durée d’établissement sont réduits, contrairement à
l’amplitude des oscillations qui augmente (figure 2)
La thermique du moule n’étant généralement pas une priorité pour les moulistes, les
techniques conventionnelles consistent à concevoir des canaux de formes simples
(circulaires), placés de façon empirique. La figure 3 montre que cette stratégie de
refroidissement entraîne un profil de température non uniforme au bord de la pièce, c’est-àdire des zones qui solidifient à des vitesses différentes. Par souci de clarté, la distribution
spatiale de température n’est représentée que sur le segment AB à l’instant d’éjection, car il
caractérise au mieux les limites d’un refroidissement classique.
En positionnant les canaux suivant une approche « conformal cooling », c'est-à-dire qui
suivent au mieux les formes de la pièce nous constatons clairement, figure 3, que le
refroidissement est plus rapide. En effet, pour le même temps de cycle, la température atteinte
à l’éjection est plus faible et le profil de température obtenu sur le segment AB devient plus
uniforme.
La figure 2 montre que la température du moule au point A, atteint un régime périodique
établi thermiquement, après 10 cycles avec des canaux disposés de façon conventionnelle, et
seulement après 2 cycles avec une disposition « conformal cooling ». D’autre part, on observe
que l’amplitude des oscillations, au même point A, est moins importante dans la configuration
conventionnelle.
3. Optimisation de la température des sources froides
Les résultats précédents justifient le choix de la configuration du type « conformal
cooling » pour positionner les canaux au plus près de la paroi moulante. Pour éviter les
défauts de gauchissement et les défauts dus au retrait différentiel à l’éjection, nous cherchons
toutefois à refroidir la pièce de façon uniforme et à limiter les gradients thermiques. La
géométrie de la pièce n’étant pas uniforme, nous admettons disposer de nc circuits de
refroidissement indépendants dont les positions sont fixées et nous cherchons à déterminer la
température de fluide dans chaque canal. La discussion sur la position optimale des canaux
n’est pas abordée dans cette étude, il faudrait en effet analyser le système de régulation
thermique dans son ensemble (puissance maximale à évacuer, dimensionnement de
l’échangeur…)
Pour formuler le problème d’optimisation, le temps de cycle t f est supposé fixé, et on note
T ( x, t ; T∞ ) la température en régime périodique établi, en tout point de la pièce, à chaque
[
]
instant pendant la durée du cycle, calculée avec T∞ = T∞j , j = 1.., nc le vecteur températures
des fluides (supposées constantes). Nous introduisons alors le critère suivant :
tf
J μ (T∞ ) = μ
∫
tf −τ
-
1 ⎛⎜ T − Tejec
Γ ∫Γ ⎜⎝ δTréf
2
tf
⎞
⎛
⎟ .dΓ.dt + (1 − μ ) 1 ⎜ ∇T
∫
∫
⎟
Ω Ω ⎜⎝ ∇δTréf
tf −τ
⎠
2
⎞
⎟ .dΩ.dt
⎟
⎠
(1)
Le premier terme intègre les variations de température de la pièce le long de sa fibre
neutre ( Γ ), sur l’intervalle t f − τ , t f qui précède l’instant d’éjection. τ est un
[
]
paramètre temporel qui permet de limiter la période de calcul du critère en fin de
solidification.
-
Le second terme intègre la norme (au carré) du gradient thermique dans tout le volume
Ω de la pièce, sur le même intervalle de temps.
Le paramètre μ ∈ [0,1] permet de pondérer les deux termes.
Pour normaliser les deux termes, on introduit l’intervalle de température
δTref = Tinj − Tejec , écart entre la température d’injection et celle d’éjection, et le
gradient moyen associé ∇δTref = δTref / e obtenu en considérant cet écart sur
l’épaisseur moyenne e de la pièce.
La prise en compte simultanée de deux termes dans le critère à optimiser illustre la dualité
du problème qualité/productivité, le premier terme étant lié à la productivité, le second à la
qualité.
La minimisation du critère peut s’effectuer en utilisant l’algorithme du gradient conjugué,
les composantes du gradient étant déterminées en utilisant la technique de la variable adjointe
[12].
4. Résultats
Les résultats présentés ont été obtenus en considérant la solidification d’un polymère
thermoplastique injecté à Tinj=220°C et que l’on cherche à éjecter à Tejec=80°C avec un cycle
d’une durée de tf=20s.
Dans une première approche, on a supposé nc = 1 , la même température T∞1 est imposée
1
) pour une
dans tous les canaux. Observons, figures 4 et 5, la variation du critère J μ (T ∞∞
température de refroidissement T∞1 variant de 20°C à 200°C et μ ∈ [0,1] . Les valeurs optimales
de T∞1 qui minimisent le critère pour μ=0 (critère basé uniquement sur la température) et pour
μ=1 (critère basé uniquement sur le gradient) sont différentes. Entre ces deux cas extrêmes,
les iso-valeurs du critère se développent autour d’un point-selle voisin de
(T∞1 = 110°C , μ = 0.5) qui réalise le meilleur compromis au sens du critère choisi.
L’analyse du refroidissement avec nc=1 montre la présence de zones moins refroidies à la
fin du cycle du fait d’une plus grande épaisseur (point A sur la figure 2). Pour améliorer cette
situation, on choisit nc=2. La figure 6 est obtenue en choisissant la partie du critère basée
uniquement sur la température ( μ = 1) . La valeur optimale de J μ (T∞1 , T ∞2 ) = 0.407 est obtenue
pour le couple (T∞1 , T∞2 ) = (70°C ,20°C ) . Cette valeur est inférieure à celle obtenue avec
nc=1 : J μ (T∞ = 50°C ) = 0.64 0 (figure 4). Ce résultat illustre l’intérêt d’utiliser des canaux
indépendants à différentes températures.
5. Conclusion
Les résultats obtenus démontrent l’intérêt d’une configuration de type « conformal
cooling » pour le refroidissement d’une pièce, par rapport à une configuration
conventionnelle.
Un critère prenant en compte à la fois les températures et les gradients thermiques dans la
pièce a été introduit pour quantifier l’efficacité du procédé ainsi que la qualité des pièces
injectées. La minimisation de ce critère s’effectue en déterminant la température des sources
froides, et donc des fluides dans chaque canal, pour une configuration et un temps de cycle
donné.
Les résultats présentés illustrent l’intérêt de considérer des canaux indépendants à
différentes températures. Par ailleurs cette méthodologie permet d’envisager l’utilisation d’un
nombre plus importants de circuits indépendants (nc>2), pour abaisser encore le même
critère.
Références
[1] Z.C. Lin, M.H. Choi, Design of the cooling channels in non rectangular plastic flat injection
mold, Journal of manufacturing systems , Vol. 21 n°3, pp.167-186 (2002)
[2] D.Dimitrov, A. Moammer, Investigation towards the impact of conformal cooling on the
performance of injection moulds for the packaging industry, Polymer engineering and science,
pp.67-74.
[3] M.R. Barone, D.A. Caulk, Optimal arrangement of holes in a two dimensional heat conductor by
a special boundary integral method, International for numerical methods in engineering, Vol.18,
pp.675-685,(1982)
[4] Xu, Sachs, Allen, The design of conformal cooling channels in injection molding tolling,
Polymer engineering and science, Vol. 41, n°7, pp.1265-1279,(2001)
[5] T. Matsumoto, M. Tanaka, Optimum design of cooling lines in injection moulds by using
boundary element design sensitivity analysis, Finite Elements in Analysis and Design , Vol.14,
pp.177-185,(1993).
[6] N. Pirc, F. Bugarin, F.M. Schmidt, M. Mongeau, 3d BEM-based cooling-channel shape
optimization for injection moulding process,
http://www.math.univtoulouse.fr/~mongeau/EngOpti.pdf
[7] Tang, Pochiraju, Chassapis, Manoochehri, Three-dimensional transient mold cooling analysis
based on Galerkin finite element formulation with a matrix-free conjugate gradient technique,
International journal for numerical methods in engineering, Vol. 39, pp.3049-3064 (1996)
[8] Li Q. Tang,C. Chassapis, S.Manoochehri, Optimal cooling system design for multi-cavity
injection molding, Finite elements in analysis and design, 26, pp.229-251, (1997)
[9] L.Q. Tang, K. Pochiraju, C. Chassapis, S. Manoochehri, A computer-aided optimization
approach for the design of injection mold cooling systems, Journal of mechanical
design,Vol.120, pp.165-174, (1998)
[10] H. Qiao, A systematic computer-aided approach to cooling system optimal design in plastic
injection molding, International Journal of Mechanical Sciences, 48 , pp.430-439, (2006)
[11] H.H. Chiang, K. Himasekhar, N. Santhanam and K.K. Wang, Integrated simulation of fluid flow
and heat transfer in injection molding for the prediction of shrinkage and warpage, J. Eng. Mater.
Tech., Vol.115, pp.37-47, (1993)
[12] Y. Jarny, The Adjoint Method to compute the Numerical Solutions of Inverse Problems, Inverse
Engineering Handbook,Woodbury K.A., editor CRC press LLC ISBN 0-8493-0861-5,(2003)
Remerciements
Cette étude a été réalisée conjointement avec le Pôle Européen de Plasturgie dans le cadre du projet
OSOTO, labélisé par le Pôle de Compétitivité Plastipolis de la Région Rhône Alpes.
100
CONFORMAL COOLING
A
Température (°C)
80
CANAUX CONVENTIONNELS
60
40
Canaux conventionnels
B
Conformal Cooling
20
0
50
100
150
200
250
300
Temps (s)
Figure 1 : Coupe axisymétrique de la pièce étudiée dans les
deux configurations de refroidissement
355
Figure 2 : Influence de la position des canaux sur la
mise en régime périodique établi –Comparaison de la
configuration conventionnelle et du conformal cooling
CONFORMAL
COOLING
CANAUX
CONVENTIONNELS
350
30
25
20
340
J
335
μ=0
330
10
325
5
0
320
0
0,002 0,004 0,006 0,008
0,01
A
0,012 0,014 0,016 0,018
0,02
0
0,022
50
1.137 1
160
140
8. 8
1
5.
97 7. 73 89. 810 .112..74 2
2 5 90 7 40 80 877 53
67
97 1 2
8
7
5.
00
6.9
54
39
8
68
9
83
03
4.
180
9
41
10
29
2.
71
3.0
120
4.03839
22234.3
.3
18 .5 20 .4
212.4
.4 84074
14 .6 16 .6
1 4 4 7 9 4 611323
7 65 1706.587 719 .51 1
7
9
15 .6
4 35
13 .7
120.7944
11 .77 23
8.87 9.8140 .8
0 8 52
7.903687 0 97 1
7
7
5.97
2 58
6.939 68
5. 005 48
Figure 4 : Evolution du critère J dans le cas nc=1
60
40
0
0.2
160
15
0.6
0.8
120
4
3.3 . 034 1
08
1
2.5 72
83 3
3
1.8
57 9
4
100
14 115
20 22 .82324
.184 . .64 17
.712229 4.6.134
9691 504 .0
10 11
91
811.4.163 965
.56.28 1213 .
4 389
161
.7346
26 8
.36
19 5
4
8
2
12 8
57
119 .9
.01
178 .5.269 27
34
.814 173
659
7.6 8. 3 9.8
6. 961 086 4 9.37 2
14 15
11 3
1
6
5
.
3
1
18
6 56
8 94 .9.64
4 10 11
4. 5. .210 7
6 1 504
75 48 2
.5 .2
6 2 8 8 1213
95 48 8
6
.7 .46
9
38 4
82
1.
13
25
5
80
10
5.9
72
58
7. 9
06
77
6.9
5.
39
00
1 9.8
6
54
110 .80480 98.87
.77 1 7 3 8 8
8
52
7
0.4
140
20
4.038 39
29
71
3. 0
5.00
5 48
15 .6
1 4 35 14
19 .518 61.6
.67 6
7 1 06
1.5
5
94 4.57 77
01
212.4
.4
4 6719 8
20
25
9.8
7. 668.38 9.37 23
6. 9 1 066 45 111 8
35 6
4
6.
7
5. 42810 28
4 89
1
41
03 72 3
4. 308
3
3. . 583
2
7 94
1.85
80
180
60
19
04
2.1
9
83
03
4.
5.972 58
7.906 77
6.939
68
8.873
109.8.8040 97
87
11 .77 81
5
1
2
2 .74
13 .7
0 9423
200
5
40
20
1
mu
Figure 5 : Iso-valeurs du critère J dans le cas nc=1
1. 132 55
20
40
60
80
100 120
Tfluide2 (°C)
25
20
15
4
3 4
13
72 18
.0
83 11
12
9. 9.45
6
38 6
8. 1 0 67 8
66 35 0 2
7. 6.9 6.21 4 89
8
5. 4
95
4.75
100
150
Tfluide (°C)
200
200
100
B
X [m]
Figure 3 : Profil de température surfacique du moule à l’instant
d’éjection sur le segment [AB] - Comparaison de la
configuration conventionnelle et du conformal cooling
Tfluide (°C)
μ=1
15
Tfluide1 (°C)
Temperature [K]
345
140
160
180
10
5
200
Figure 6 : Iso-valeurs du critère J dans le cas nc=2
et μ=1

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