Actes de la journee EDUCASOL du 28 sept. 09

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Actes de la journee EDUCASOL du 28 sept. 09
L’éducation au développement et à la solidarité internationale et
le milieu de l’entreprise
Les actes de la journée Educasol du 28 septembre 2009
Objectifs de cette journée
■ Permettre la rencontre entre acteurs de l’entreprise et acteurs associatifs intervenant dans le champ de
l’éducation au développement et à la solidarité internationale ou de l’éducation à l’environnement.
■ Mieux comprendre ce que peut vouloir dire parler d’ead-si dans l’entreprise et apprécier en quoi cela
impacte la vision du développement et de l’ead-si portée par les membres d’Educasol.
■ Partager un état des lieux des pratiques d’ead - si avec ou dans le milieu de l’entreprise.
■ Croiser les attentes des acteurs (associatifs ou entreprise) ainsi que les difficultés qu’ils rencontrent dans
la mise en œuvre commune d’actions d’ead-si.
■ Affiner la représentation parfois schématique que les ASI ont de l’entreprise.
■ Identifier les relais les plus pertinents permettant d’intervenir notamment auprès des salariés.
Plan des actes :
Pourquoi est-il pertinent de vouloir faire de l’ead-si dans le milieu de l’entreprise ?
Eléments constitutifs d’une bonne pratique de partenariat.
Présentation des résultats de l’enquête menée au sein d’Educasol. Anne Kaboré – Frédéric Ambroise .. p.2
Intervention de Antonio Manganella : responsable commission entreprise de Amnesty International
France………………………………………………………………………………………………………….p.4
Intervention de Antoine Cassard du Réseau Ecole et Nature sur la recherche action menée sur le
partenariat association / Entreprise…………………………………………………………………………p.5
Intervention de Nathalie Père-Marzano (CRID) sur le travail ASI-Syndicats……………………………p.6
Echanges avec les participants……………………………………………………………………………….p.7
Présentation de 3 expériences d’ead-si mises en œuvre dans ou avec le milieu de l’entreprise.
Planète Urgence : Marie-France Maréchal et Caroline Lacoentre…………………………………………….p.8
Fédération Artisans du Monde -Guayapi Tropical : Lise Trégloze et Tristan Montvenoux……………..p.8
CMCAS (edf) Hauts de Seine - Vincent Leroy ……………………………………………………………p.9
Echanges avec les participants…………………………………………………………………………………………p.10
Eléments de synthèse de la journée (Anne Kaboré- Educasol)………………………………………………….p.10
1
Pourquoi est-il pertinent de vouloir faire de l’ead-si dans le milieu de l’entreprise ?
Eléments constitutifs d’une bonne pratique de partenariat.
Présentation des résultats de l’enquête menée au sein d’Educasol (Anne Kaboré – Frédéric Ambroise)
Dans le cadre de la préparation de cette journée, Educasol a réalisé un travail d’enquête (non exhaustive) sur la
manière dont différents acteurs abordent le lien entre ead-si et milieu de l’entreprise. Ont été rencontrés 12
associations membres d’Educasol, une non membre et 5 acteurs de l’entreprise. Aucun représentant syndical n’a
pu hélas à ce jour être interrogé.
En guise de remarques préalables, notons que les personnes des associations interrogées ont des profils divers
(responsable partenariat, responsable mécénat, responsable EAD). Par ailleurs, les expériences d’EAD-SI
évoquées sont souvent d’ordre ponctuel et expérimental et n’entrent généralement pas dans une stratégie globale.
Enfin, les liens entre entreprises et associations ont été abordés de manière plus large (plaidoyer, mécénat,…)
dans le cadre des entretiens mais seuls les éléments concernant uniquement l’EAD-SI sont ici pris en compte.
Une lecture croisée des retours d’entretiens des seuls membres d’Educasol met en exergue des préoccupations
partagées que l’on peut regrouper autour des 5 axes suivants.
1. Les raisons de faire de l’ead-si en direction du milieu de l’entreprise
Des enjeux forts :
● Sensibiliser l’entreprise aux problématiques Nord-Sud (donc faire de l’EAD) ;
● Faire comprendre aux salariés de l’entreprise ce qu’est le développement et leur permettre de saisir
l’impact de leur activité à l’autre bout du monde.
● Contribuer à construire une solidarité entre travailleurs du Sud et du Nord pour que chacun puisse
défendre ses droits et ceux des autres.
● L’entreprise est un acteur incontournable de la mondialisation.
● Permettre aux entreprises de redéfinir la notion de richesse au-delà du profit.
D’autres raisons :
● Permettre à des acteurs de différentes natures de travailler au changement (en particulier avec les
entreprises de l’économie sociale et solidaire).
● Répondre à un désir des acteurs de l’entreprise (en particulier des salariés) de mieux comprendre et d’agir
pour la solidarité internationale.
● Répondre à des personnes frustrées par des contradictions entre exigences professionnelles et convictions
personnelles.
● Sortir du cercle des convaincus et toucher un plus grand nombre de personnes.
● Aller vers le public là où il se trouve.
● Trouver de nouvelles sources de financement (avec une diversité d’approches des personnes interrogées,
celles-ci évoquant la possibilité de prestation de service, de mécénat ou de partenariat).
● Bénéficier des savoir-faire des entreprises.
● Créer des formes d’actions innovantes en croisant des compétences diverses.
2. Les publics potentiels
● Les salariés (le plus souvent évoqués).
2
● Les comités d’entreprise.
● Les syndicats.
● La Direction, les Actionnaires.
● Les Clients, consommateurs (bien que souvent présentés comme étant à la limite du champs de
l’entreprise)
3. Les démarches évoquées. 5 types de démarche d’ead-si sont évoqués par les membres d’Educasol ayant
participé à l’enquête :
● Agir dans le lieu entreprise mais sans lien avec son activité (Animation commerce équitable auprès des
salariés, projets de SI portés par le CE,… ).
● Agir sur l’entreprise pour la faire évoluer sur des pratiques périphériques à son cœur de métier
(installation de machines à café équitable, achat d’uniformes en coton équitable…).
● Agir sur l’entreprise dans ses pratiques de cœur de métier pour la faire évoluer vers une pratique plus
responsable (souvent porté par des hauts cadres et dirigeants).
● Agir avec des gens de l’entreprise en dehors de l’entreprise.
● Agir avec l’entreprise pour toucher un public hors-entreprise : exemple = co-production d’outils
pédagogiques.
4. Les points d’attentions soulignés par les acteurs associatifs
Mieux comprendre le milieu de l’entreprise et sa diversité.
Etre en capacité de réinterroger l’identité associative.
Prendre en compte les risques d’interférence avec des actions de plaidoyer.
Mieux définir et cadrer la notion de mécénat de compétence.
S’interroger sur notre réelle capacité à aller vers des publics néophytes .
5. Les pistes évoquées
S’appuyer sur des acteurs internes de l’entreprise (les CE et les syndicats qui sont demandeurs).
Travailler en amont pour définir les points d’intérêts communs puis contractualiser la collaboration et la
concevoir dans le long terme (le court terme risque d’engendrer un échange finance-communication).
S’appuyer sur des personnes relais existantes, les bénévoles ou les donateurs, qui peuvent être aussi
salariés.
Impliquer les partenaires du Sud de nos organisations pour choisir les entreprises avec lesquelles on
envisage un lien.
Prendre en compte les entreprises de l’économie sociale et solidaire.
Penser aux PME et aux TPE.
Rendre le sujet EAD attrayant sans fausser le message.
S’adapter aux contraintes du public salarié.
Etre vigilant sur le fait que l’aspect communication ne perturbe pas la construction de la démarche.
Envisager la possibilité d’intégrer la direction de l’entreprise dans la démarche si elle est réceptive.
3
Intervention de Antonio Manganella : responsable commission entreprise de Amnesty International
France.
Amnesty International (AI) travaille pour prévenir les violations des droits humains et en faire la promotion.
Elle n’est pas une association qui a comme vocation première à faire de l’ead-si. Amnesty International mène ses
actions, en général, vers les Etats auxquels revient la responsabilité de garantir l’accès aux droits mais depuis
quelques années elle est amenée à travailler avec les entreprises et principalement les grandes entreprises
multinationales qui peuvent avoir un réel impact négatif sur les droits humains.
Dans le domaine de la solidarité internationale, les grands bailleurs de fonds manquent d’expertise et de
compétence pour évaluer des projets sous le prisme des droits humains. C’est ainsi qu’Amnesty International est
également souvent sollicité dans ce cadre.
AI est un mouvement qui s’appuie sur un réseau de militants qui a établie en 2001 que le mouvement pouvait
travailler également sur les domaines du commerce, de l’aide au développement, du développement durable et
de la RSE.
Amnesty International ne reçoit pas de fonds des entreprises ni des Etats pour mener ses actions et sa
commission « entreprises », comme toutes commission ou coordination régionale, est composée et animée par
des bénévoles.
La mondialisation a entraîné une déréglementation sans que l’on légifère en matière de droits humains. La notion
de « responsabilité de l’entreprise » n’existe pas en droit international. A Amnesty on préfère parler de
responsabilité des entreprises en matière de droits humains au lieu du concept plus large de RSE. Il n’y a pas d’a
priori sur l’action que peut avoir une entreprise en matière de droits humains. L’impact peut être négatif ou
positif.
Pour analyser une entreprise en matière de droits humains, la première étape consiste à déterminer sa sphère
d’influence (prise en compte des parties prenantes). Par ailleurs, les droits humains ne sont pas limités aux seuls
droits civils et politiques mais sont étendus aux droits sociaux, économiques et culturels (droit du travail, égalité
des chances, droit et liberté de réunion, droit des peuples autochtones, accès aux ressources, éducation, santé…).
Sur ces derniers points, le rôle de l’entreprise en tant qu’employeur est primordial.
Pour l’évaluation des entreprises soupçonnées de violer ou avoir violé les droits humains, Amnesty International
préfère s’appuyer sur sa propre recherche. Les outils de référence sont le droit international (traité
internationaux, travail sur les normes au sein de l’ONU…) mais aussi les chartes ou textes incitatifs non
obligatoires. La communauté internationale va aujourd’hui vers un système de référence hybride construit à
partir de réglementation contraignante et d’initiatives volontaires.
Les actions menées dans l’entreprise peuvent prendre différentes formes :
-
Sensibilisation des acteurs de l’entreprise dont les salariés (mais nous considérons que ce n’est pas
notre rôle). Notons que la sensibilisation peut passer aussi par la dénonciation.
-
Pression et dénonciation de certaines pratiques.
-
Concertation en comité restreint pour faire évoluer les pratiques.
-
Promotion des normes contraignantes.
Les types de relations avec les entreprises sont :
-
L’interpellation
-
La dénonciation.
-
Le partenariat ou actions concertées. (Exemple du partenariat avec Casino. Celui-ci avait été initié en
2003, suite à la signature d’un protocole d’accord portant sur plusieurs points
4
(http://www.orse.org/site2/maj/phototheque/photos/engagement_pp/Amnesty_Casino.pdf). Après 5 ans de
partenariat, la commission entreprises a souhaité lancer une étude sur les objectifs atteints depuis 2003 en
partant des points présents sur la protocole d’accord. Peu de résultats ont été constatés. La raison pour laquelle
la commission avait initié ce partenariat est le secteur d’appartenance de Casino, la grande distribution, qui est
par la nature de ses activités, particulièrement susceptibles de violer les droits humains (chaîne
d’approvisionnement). La commission a conclu que l’entreprise n’accordait pas assez d’importance à ce
partenariat. La démarche RSE n’était pas intégrée à d’autres directions importantes de Casino (achats,
marketing, direction générale), mais elle restait confinée au développement durable et éthique
.(http://www.amnesty.fr/index.php/amnesty/s_informer/communiques_de_presse/ai_france_met_fin_au_parte
nariat_avec_le_groupe_casino). Il est à préciser que en aucun cas, la mise à terme de ce partenariat signifie
que AI a constaté des violations directes de casino sur les droits humains. Ce type de recherche n’a pas été
mené.
-
Consultation : ex l’initiative Entreprises pour les Droits de l’Homme (EDH) , BLHIR française.
Le but est de faire en sorte que les entreprises rendent compte des violations qui peuvent être commises dans
toute leur sphère d’influence (concept de accountability = devoir de rendre compte) et qu’elles puissent prévenir
en amont les violations possibles (due diligence).
Aujourd’hui, Amnesty International s’est lancée dans une nouvelle campagne : « Exigeons la dignité » sur une
durée de au moins 6 ans. Cette campagne met l’accent sur les DESC et met en parallèle la lutte pour les droits de
l’homme et la lutte contre la pauvreté. Elle s’appuie sur trois axes : l’obligation de rendre compte, l’accès aux
droits, la participation active des personnes dont les droits sont violés.
Pour Amnesty International, agir en direction de l’entreprise est tout à fait pertinent dans la mesure où
l’entreprise est une des partie les plus importante de notre sociabilité quotidienne. Mais il faut faire attention !
-
Ne pas devenir la caution d’une entreprise qui ne veut pas respecter les droits de l’homme. Les
entreprises ont tendance à intégrer la sphère ONG dans son management sans tenir compte de la
spécificité de l’ONG. L’entreprise se soucie peu de qui est l’ong, elle veut surtout communiquer !
-
Ne pas devenir un simple prestataire de service ! L’ONG est un acteur qui porte une expertise avec
laquelle l’entreprise doit discuter de pair à pair.
-
Ne pas tomber dans une relation de dépendance et prévoir, dés le départ, un moyen de se retirer, de
son propre chef, si l’échange n’est plus satisfaisant et ne correspond plus aux attentes. (ex de notre
partenariat avec casino auquel on a mis fin).
Intervention de Antoine Cassard du Réseau Ecole et Nature sur la recherche action menée sur le
partenariat association / Entreprise
Présentation de la recherche – action menée sur le partenariat association – entreprise par le réseau Ecole et
nature.
Ce travail a été effectué sur la base d’une étude de 20 partenariats et en s’appuyant sur 42 questionnaires. Elle a
duré 4 ans.
L’objectif est de proposer des balises qui permettent de rationaliser cet espace de partenariat association entreprise.
Parmis ces balises :
1. Identifier les raisons pour lesquelles on souhaite établir des partenariats. A ce premier stade, il est important de
bien se connaître, de ne pas négliger la dimension « sympathie », peurs, envies… et de tout dire sans taire ses
réserves et ses limites. Il faut savoir aussi ne pas mettre en place de partenariat.
2. Après cette première étape, définir le type de partenariat le plus approprié :
-
Prestation de service
5
-
Collaboration
-
Coopération (avec réciprocité)
Pour arriver à ce point, on notera que les relations interpersonnelles entre ceux qui sont impliqués, de part et
d’autre, dans l’échange, ont un rôle essentiel dans la réussite du partenariat. La confiance qui pourra exister dans
leur rapport, sera un élément majeur du succès.
3. Donner ensuite une dimension réellement collective au projet : participer ensemble à la construction d’un
projet commun, définir un plan commun d’action et se définir des objectifs à atteindre. Sans cette organisation et
ce suivi du travail au quotidien, le partenariat peut vite se transformer en une coquille vide.
4. Il faudra aussi être vigilant à toujours être à l’écoute de l’autre et tenir compte de son point de vue, dans une
relation d’égal à égal, et travailler à améliorer ensemble l’organisation du partenariat. Il s’agit de travailler en coresponsabilité.
5. Développer une éthique de la discussion entre les partenaires tout au long du partenariat. Chacun devra
déterminer son seuil de tolérance et en avertir l’autre dans le cadre d’un échange respectueux. Il est
indispensable d’accepter de travailler avec quelqu’un qui ne pense nécessairement comme nous et de trouver des
moyens de dépasser les contradictions en complexifiant son propre jugement et en se remettant en cause (tout en
restant fidèle à ses convictions).
6. Pour finir, on insistera sur le fait qu’il est impossible de définir, a priori, les grandes lignes d’un partenariat. Il
s’agit d’un travail évolutif sur la durée qui s’adaptera dans le temps aux envies et aux limites de chacun des
partenaires.
Intervention de Nathalie Péré Marzano du CRID
Le CRID propose depuis 2003 un espace de réflexions entre ASI et syndicats suite à des mobilisations
communes de plus en plus fréquentes entre ces deux types d’acteurs au cours de la décennie précédente.
Le CRID est un collectif d’associations de solidarité internationale et d’éducation populaire au départ et il
accueille maintenant des acteurs associatifs venant du monde de l’environnement comme GreenPeace et des
droits de l’homme.
Cette dynamique de rapprochement avec les syndicats se situe dans la continuité du travail de sensibilisation du
CRID auprès des citoyens sur les enjeux du développement et des inégalités de développement.
Les premiers points de convergence entre ASI et Syndicat concernaient la défense des droits des travailleurs du
Sud mais peu à peu, en apprenant à se connaître le champ des préoccupations communes s’est élargi.
Le groupe élabore un texte commun qui rappelle le rôle de l’entreprise dans la mondialisation actuelle et sa
contribution à la non régulation des échanges ainsi que les conséquences qui en découlent. La question d’une
stratégie globale à mettre en place pour transformer le modèle de mondialisation est abordée.
Pour les ASI, les syndicats sont une bonne porte d’entrée dans le milieu de l’entreprise qui est devenu un acteur
majeur de la mondialisation. Et c’est avec les syndicats que les actions de plaidoyer ont pu être portées dans
l’entreprise. Il faut repositionner l’entreprise comme un acteur de la mondialisation face auquel une régulation
doit s’imposer.
Les ASI n’ont pas de parti pris sur l’entreprise, mais elles connaissent peu le monde de l’entreprise. Peu de
salariés viennent du milieu de l’entreprise et le parcours en entreprise est éloigné des compétences dont les
associations ont besoin. Il est important de mieux connaître l’acteur entreprise sans le viser forcément en tant
que partenaire.
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Débat avec la salle
-
Nécessité de communiquer entre associations afin d’articuler convenablement les différentes
actions en direction des entreprises. Comment articuler les différents objectifs des ONG (de
plaidoyer, d’éducation au développement…) ? Quelle structuration des plates-formes ?
-
Les entreprises peuvent elle être demandeuse « d’éducation » ? Oui mais pour certains
participants pas forcément sur l’ead-si. On essaie de « vendre » un concept qui n’est pas
naturellement présent dans l’entreprise. Dans les années 80 l’éducation portait sur la sécurité, dans
les années 90 sur la qualité et depuis 2000 sur l’environnement et le développement durable. Le
développement durable recouvre un enjeu financier et économique qui ne fait pas partie de la
dimension pédagogique. Pour d’autres participants il y a une demande de la part des entreprises à
être accompagnés sur des démarches éducatives en lien avec la solidarité internationale. Si des
programmes solidaires sont mis en place il faut assurer un suivi or l’entreprise n’a pas ces
compétences en interne. Par ailleurs, la direction de l’entreprise peut être une cible intéressante, elle
a valeur d’exemple.
-
Toute intégration d’une nouvelle thématique dans l’entreprise est faite en tenant compte des
objectifs de l’entreprise (assurer son développement et être compétitive) . D’où la difficulté pour
l’ead-si de trouver sa place. Pourtant l’ead-si vise aussi à changer les hommes et donc à faire
évoluer les mentalités dans l’entreprise. Il est intéressant d’établir un parallèle avec le monde des
collectivités territoriales (à priori éloigné de ces préoccupations) qui progressivement grâce à
l’implication d’un petit nombre d’élus très actifs se sont depuis une vingtaine d’années impliquées
dans le champ de l’ead-si.
-
Il faut admettre les différences ong / entreprise sur le modèle de société. Même en étant différent on
peut faire de l’ead-si pour toucher les salariés, d’où l’importance d’inscrire les actions d’ead-si dans
la durée. Si l’objectif est de faire changer l’entreprise, il faut alors plus de poids aux associations et
alors s’allier avec les syndicats. Dans ce type de relation, se crée nécessairement un rapport de
force qu’il faut savoir gérer. Il est nécessaire de réfléchir à un référentiel établi en concertation
pour envisager le travail sur le long terme.
-
Le désengagement des pouvoirs publics français et européen sur l’APD est inacceptable. Se tourner
vers l’entreprise aussi en tant que bailleur de fonds, ne doit pas signifier qu’on accepte le
désengagement de l’état en matière d’aide publique au développement.
-
L’entreprise est un lieu à investir mais il est important d’identifier des relais pertinents dans
l’entreprise pour pouvoir y entrer dans de bonnes conditions.
-
Importance de qualifier le type de relation que l’on souhaite avoir avec l’entreprise. Le partenariat
(pour le CRID) suppose une relation d’égal à égal.
-
On peut faire de l’ead-si vers les salariés sans être en lien avec la direction. On reste très en marge
du cœur métier de l’entreprise.
-
Ce qui fait aussi bouger l’entreprise c’est ses salariés. Les comités d’entreprise peuvent travailler
sur l’ead mais une fois les élections passées.
-
Pour d’autres participants il faut aller dans le sens de la recherche d’un équilibre à trois : ong,
syndicats et dirigeants. Le fait d’avoir des dirigeants engagés est un enjeu important.
-
Une autre difficulté est de travailler avec l’étage du « middle management », celui des cadres
intermédiaires.
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-
Les syndicats sont un interlocuteur très important. C’est regrettable que aucun n’ait pu être
interviewé dans l’enquête d’Educasol.
-
Il faut profiter de la diversité des acteurs dans l’entreprise pour y pénétrer. Cette diversité
existe aussi dans les syndicats. Il faut travailler sur des alliances et des opportunités et favoriser
l’interpellation à l’intérieur de l’entreprise. Les salariés de Schelle sont aussi des victimes ! Par
ailleurs l’entreprise vit elle aussi entre action et réaction. La relation au profit a évolué au sein de
l’entreprise. Il y a un durcissement dans le milieu de l’entreprise d’où l’importance des contrepouvoirs.
-
La commission des titres d’ingénieur est en train de travailler à un référentiel de formation sur
l’éducation au développement durable. Le champ de la formation, en particulier auprès des
syndicats est intéressant pour les associations d’ead-si.
-
Les ONG ont acquis une dimension politique. Parfois l’entreprise dépasse le syndicat pour aller
directement vers l’ONG.
Présentation de 3 expériences d’ead-si mises en œuvre dans ou avec le milieu de
l’entreprise.
Planète Urgence : Marie-France Maréchal et Caroline Lacoentre
Planète urgence existe depuis 10 ans. A l’origine : le concept de congé solidaire. Le but de la démarche
de Planète Urgence a été de décloisonner le monde de l’entreprise et celui des ONG en permettant aux
compétences existantes dans l’entreprise de participer à un projet de solidarité internationale.
Les interlocuteurs vers qui s’est tournée Planète- Urgence dans l’entreprise ont d’abord été les DRH
afin de valoriser les compétences de l’entreprise. Des démarches ont aussi été faites en direction des CE mais le
montage des partenariats a été plus compliqué. Pour mener ses actions, Planète-Urgence préfère travailler avec
les différentes directions de l’entreprise.
L’action de Planète-Urgence ne se limite pas à l’envoi de volontaire. Elle passe par l’information et la
préparation des personnes qui souhaitent partir. Ainsi l’EAD-SI est le fil rouge de la démarche dont le but ultime
est de répondre aux besoins des populations du Sud. L’EAD-SI passe par la formation des volontaires et l’impact
qu’ils peuvent avoir à leur retour dans leur entourage professionnel.
Cette notion d’ead-si n’intéresse pas vraiment les interlocuteurs de Planète-Urgence dans l’entreprise
qui préfèrent mettre en valeur ces actions sous l’angle de la communication ou de la gestion des ressources
humaines. En effet une telle expérience permet de développer les compétences d’adaptabilité des salariés à des
contextes différents, elle permet aussi de faire du lien entre les salariés, elle attire aussi les salariés qui sont
intéressés à travailler dans des entreprises qui s’engagent.
La limite que reconnaît Planète-Urgence dans son mode de fonctionnement est le manque de suivi des
volontaires qui reviennent de missions et pour lesquels, l’association a du mal à trouver les moyens de leurs faire
poursuivre leur engagement.
Fédération Artisans du Monde -Guayapi Tropical : Lise Trégloze et Tristan Montvenoux
La FADM : 35 ans cette année, trois volets d’activité : la vente de produits issus du commerce équitable
par le biais d’un réseau de distribution de proximité, des actions de plaidoyers, des actions d’éducation au
commerce équitable.
Guayapi Tropical : entreprise créée en 1990, une vingtaine de salariés, importe la matière première et la
diffuse sous forme de complément alimentaire et de cosmétique.
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Cette collaboration est née de la volonté de la Fédération Artisan du Monde de travailler avec les jeunes
sur la question des boissons à base de Guarana (boissons dites énergisantes) dont ce public est la cible favorite.
L’approvisionnement en guarana, passe par l’Italie où est situé un gros importateur équitable de
guarana. Mais travailler sur cette filière compte-tenu de cet intermédiaire imposant était compliqué. C’est ainsi
que la fédération s’est adressée à Guayapi, petit importateur français de guarana. Ces deux acteurs faisant partie
de la plateforme française du commerce équitable, la mise en relation a été facilitée.
Ainsi, Guayapi a ouvert ses portes à la fédération Artisan du Monde pour lui permettre de travailler sur
la filière complète de production et d’importation de guarana et de produire une valise pédagogique avec DVD et
livrets décrivant toute la chaîne.
Malgré quelques soucis de communication au départ à cause d’une différence de vocabulaire pour
désigner les mêmes choses (différences entre associations et entreprises), la collaboration s’est très bien passée et
chacun y a trouvé un intérêt. La Fédération Artisan du Monde a pu construire son outil pédagogique et Guayapi a
pu communiquer sur ses produits à base de guarana.
Cette collaboration a été fructueuse pour plusieurs raisons :
- elle rejoint les intérêts respectifs de chacun. Pour Guayapi : enjeu économique (faire connaître le
guarana), pour la FADM enjeu pédagogique (création de la mallette).
- la différence de statut (entreprise et association) importe peu car les deux structures partagent les
mêmes valeurs (soutien à la communauté des satérénaxés…).
- l’entreprise a joué la transparence totale sur son fournisseur.
CMCAS (EDF) Hauts de Seine - Vincent Leroy
L’intervenant a été pendant 10 ans engagé au sein du CCFD et est depuis 12 ans permanent CFDT au
sein de l’entreprise EDF.
Les activités sociales de EDF sont gérées par la CCAS qui est en soi une grande entreprise avec 4000
salariés, un pôle national et des pôles départementaux.
La notion de solidarité internationale dans les activités sociale existe depuis plus de dix ans. Elle
représente en terme financier 600.000 euros (soit 0,2% du budget de l’organisme). Elle s’est traduite par la mise
en place du « pôle international » et par un appui des engagements associatifs des collègues. Dans ce cadre
cinquante à soixante projets sont co-financés. Par ailleurs, la CMCAS, centre d’action sociale des hauts de
Seine, propose aux salariés d’EDF la possibilité de participer à des voyages solidaires, de s’engager dans des
actions de solidarité internationale ou d’être appuyé dans ce type de démarche.
Remarque : les activités sociales concernent les collègues en activité, leurs familles et les retraités, soit
600.000 personnes en particulier susceptibles d’être intéressées par la dimension « voyages ». C’est le 2ème
organisme de vacances en France après le Club Méd.
En principe un comité d’entreprise est porteur de valeurs, il est donc de son rôle d’être à l’initiative et
de s’impliquer dans ces dynamiques.
Exemples d’actions sur la Palestine :
Au départ, le but était de soutenir la commercialisation de bouteille d’huile d’olive en provenance des territoires
occupés. La première initiative a été de donner un coup de pouce en proposant aux salariés d’acheter ce produit
(issu d’une filière équitable) en le rendant accessible financièrement au plus grand nombre par une subvention du
CE.
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Ensuite, un premier voyage solidaire en Palestine a été organisé. Une quinzaine de personnes ont pu
partir par ce biais et à leur retour, elles ont manifesté une réelle envie de témoigner de ce qu’elles avaient pu
voir. Une animation de 3h a été organisée sur le parvis de la Défense. Elle a permis de réunir des personnes
sensibilisées au problème palestinien et de partager l’expérience de ceux qui étaient partis.
Cet exemple montre de quelle manière la CMCAS essaie de proposer aux salariés d’EDF différentes
manières de s’engager dans des actions de solidarité internationale et de les accompagner dans leur envie de
solidarité.
Réactions et Débats.
A la suite de ces présentations, de nombreuses questions ont émergé dont en grande partie des questions
d’éclaircissement sur l’expérience présentée par Planète-Urgence .
P.U. est sensible à l’idée de faire venir en France les partenaires du Sud mais des difficultés administratives
(obtention de visa) compliquent les choses. Les partenaires du Sud sont aussi impliqués dans la formation des
volontaires qui arrivent au Sud et sont des acteurs à part entière du projet.
Les quelques tentatives de sollicitation de migrants (résidents en France issus des régions dans lesquelles se
déroulent les projets de P.U.) pour participer à la préparation des missions n’ont pas été concluantes.
Difficile de répondre à la question des changements constatés dans l’entreprise suite au partenariat avec PlanèteUrgence. Peu de chose ont véritablement évolué dans l’organisation de ces entreprises. Mais il s’agit d’un
processus long qu’il est difficile d’évaluer dès à présent.
Quant à la pertinence réelle des missions (besoin réel, pas de ressources locales…) les responsables de P.U.
rappelle que les missions sont construites en partenariat avec des partenaires locaux qui évaluent les besoins et
les possibilités locales d’y répondre. Quand les solutions n’existent pas ou sont trop chères, les volontaires
Planète-Urgence sont sollicités.
Par ailleurs il a été rappelé la nécessité d’accompagner les volontaires à leur retour pour que l’action d’EAD-SI
soit vraiment efficace.
Des représentants d’autres associations ont exprimé une certaine réserve à ce modèle. En effet, pour eux, l’envoi
de volontaires n’est pas vraiment la panacée pour sensibiliser des personnes à la solidarité internationale. De plus
ces démarches n’ont qu’une portée individuelle et ne sont pas pourvues d’une dimension collective.
Pourtant bien que la démarche proposée par Planète-Urgence s’appuie sur une logique individuelle et
personnelle, c’est une des rares démarche à proposer aux salariés des manières de s’engager dans des projets de
solidarité internationale. En plus, en étant centré sur le mécénat de compétence, elle a l’avantage de plaire aux
directions des entreprises.
Enfin, la volonté de Planète-Urgence est de ne pas se positionner en tant que prestataire de service mais bien en
tant que partenaire des entreprises, chacun venant avec des besoins et des savoir-faire à partager.
Eléments de synthèse de la journée. (Anne Kaboré)
Pour l’ensemble des participants il est pertinent de faire de l’ead-si en direction de l’entreprise (celle-ci est un
acteur de la mondialisation et un lieu de socialité quotidienne).
Les ong travaillent déjà de manière diverse en direction de l’entreprise (démarche d’interpellation, mise en place
de partenariat…). La sensibilisation peut aussi passer par la dénonciation du comportement de certaines
entreprises même si l’objectif premier n’est pas en tant que tel de « faire de l’ead-si ».
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Une des questions est alors de savoir quelles sont les difficultés particulières et les points de vigilance dont ont à
tenir compte les acteurs désireux de faire de l’ead-si en direction de ce milieu spécifique.
La diversité des perceptions par ces acteurs de ce que recouvre le terme d’ead-si et ses enjeux (changer l’homme
ou changer le monde…) complexifie la réponse à cette question.
Pour ce qui est des cibles des actions d’ead-si : une cible a été pointée comme étant prioritaire : celle des salariés
des entreprises. Par contre la question des interlocuteurs des acteurs de l’ead-si au sein de l’entreprise
(dirigeants, syndicats, CE…) demande à être appréhendée dans toute sa complexité. Il faut pour chaque projet se
poser la question des raisons pour lesquelles on souhaite travailler avec l’entreprise et à partir de là déterminer la
démarche la plus adéquate (alliance, partenariat, action ponctuelle, à plus long terme…).
La question de l’ead-si dans le milieu de l’entreprise interroge aussi l’identité de l’ONG. Celle-ci doit valoriser
compétences spécifiques plutôt que se positionner comme prestataire de service. L’ong est un acteur qui porte
une expertise avec laquelle l’entreprise doit discuter de pair à pair.
Les ONG doivent aussi à apprendre à mieux connaître les entreprises (en sachant que les rapports d’égal à égal
seront difficiles) et trouver en leur sein des contacts et des alliés qui leurs permettront de mener au mieux leurs
missions.
Il faut se donner du temps pour se comprendre et complexifier notre jugement. Ceci signifie de :
-
travailler sur nos représentations mutuelles,
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prendre en compte le fait que l’entreprise change (durcissement social au sein des entreprises….)
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profiter de la diversité des acteurs de l’entreprise pour y pénétrer
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trouver des alliés et des opportunités (même si dans un premier temps les actions d’ead-si mises en
œuvre sont des actions de court terme, le court terme qui se répète peut permettre de réfléchir à une
stratégie plus élaborée)
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travailler avec les syndicats dans le domaine de la formation
Il est nécessaire de se donner les moyens d’évaluer l’impact par rapport aux objectifs que l’on s’est fixés.
Enfin la question de savoir si il y avait une demande spécifique des entreprises sur le champ de l’ead-si a été
plusieurs fois soulevée. Il est intéressant et instructif de faire un parallèle avec l’évolution des collectivités
territoriales qui se sont progressivement de plus en plus impliquées (même si cela varie fortement d’une
collectivité à l’autre) sur le champ de l’ead-si souvent avec l’appui des associations.
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