Situation pré-électorale : les voix critiques en danger au Honduras

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Situation pré-électorale : les voix critiques en danger au Honduras
info
Juillet 2013
En route pour les droits humains
Situation pré-électorale : les voix critiques en
danger au Honduras
Manifestation devant le congrès
encadrée par une forte présence
policière et militaire.
Photo: Daniel Langmeier (PWS)
Agenda
Prochains séminaires
de préparation
Palestine/Israël:
du 26 au 29 septembre et
du 10 au 13 octobre 2013
Guatemala, Honduras,
Colombie:
du 27 octobre au
2 novembre 2013
Conférence de presse avec
Fidelina et Bertha Oliva
Photo: Daniel Langmeier (PWS)
Au mois de novembre 2013, les quelque 5,3 millions d’Honduriens et
Honduriennes éliront leur président-e, renouvelleront tous les membres du
congrès et du parlement centraméricain ainsi que les représentant-es des
298 communes. Théoriquement le paysage politique hondurien pourrait
être totalement transformé dès l’année prochaine. Actuellement, le pays est
aux mains d’une élite qui détient fermement tous les pouvoirs et porte une
responsabilité importante dans la situation de violence et de violations des
droits humains. Les journalistes qui portent un regard critique sur la campagne
électorale ou d’autres thèmes brûlants sont bien souvent victimes de violations
de leurs droits. Daniel Langmeier, observateur de PWS au Honduras depuis le
mois de mars a accompagné l’une d’entre eux. Il relate la situation préélectorale
dans le pays et l’intensité de l’accompagnement protecteur qu’il effectue sur
le terrain.
Le mercredi 22 mai 2013, en début de soirée, des centaines de personnes manifestent
devant le congrès contre une réforme de la loi électorale aux côtés du président destitué
Manuel Zelaya et de sa femme Xiomara Castro, candidate à la présidence pour le parti LIBRE
– la campagne électorale est lancée.
Les élections qui se dérouleront le 24 novembre 2013 au Honduras devront renouveler toutes
les instances politiques du pays. Celles de novembre 2009, organisées peu après la chute de
Zelaya, n’ont pas été reconnues par de nombreux représentants et représentantes de la société
civile. Avec la fondation du nouveau parti LIBRE, la situation a changé et, pour la première
fois depuis longtemps, une alternative politique est offerte aux citoyen-ne-s. Les quatre
sondages publiés à ce jour, donnent Xiomara Castro gagnante. Les membres d’organisations
non gouvernementales et journalistes avec qui je me suis entretenu au cours des dernières
semaines sont tous et toutes persuadées qu’elle remportera l’élection présidentielle pour
autant qu’il n’y ait pas de fraude électorale. Les opinions divergent toutefois sur la question
de la tenue des élections. Certain-es pensent que la militarisation actuelle au Honduras laisse
penser qu’un état d’urgence pourrait être déclaré afin d’empêcher la tenue des élections. La
situation actuelle rappelle celle des années 80, lorsque des centaines de personnes avaient
été portées disparues. D’autres pensent que les élections auront lieu mais que tout sera fait
pour maintenir le parti LIBRE loin des cercles du pouvoir.
Tentative d’assassinat contre une journaliste critique
Les journalistes dont la tâche est de rendre compte de la situation pré-électorale au Honduras
font partie des groupes de personnes les plus menacés dans ce pays d’Amérique centrale.
Fidelina Sandoval est l’une d’entre elles. En avril, elle a fêté ses 24 ans. Depuis tout juste
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Peace Watch Switzerland, rue Liotard 5, 1202 Genève, tél: 022 344 70 83, [email protected] www.peacewatch.ch
En route pour les droits humains
deux ans, elle travaille pour Radio Globo, une des dernières radios qui continue à parler des
protestations sociales et qui ose critiquer le gouvernement de facto du président Porfirio
Lobo. Ce jour-là, à 8h25, Fidelina traversait le Boulevard Morazán lorsqu’elle a remarqué
une voiture de livraison grise sans plaque d’immatriculation. Deux hommes y étaient
assis et l’un d’eux a tenté de se cacher. Selon les dires de Fidelina lors de la conférence
de presse qui s’est déroulée dans les locaux de COFADEH (Comité de Familiares de
Detenidos Desaparecidos en Honduras) quelques heures plus tard, sa première réaction a
été de détourner le regard et de traverser la route le plus rapidement possible. Quelques
secondes plus tard, elle a entendu la détonation assourdissante d’un pistolet et senti
une balle effleurer sa joue gauche. «J’ai pris conscience que je n’avais pas été blessée.
J’ai regardé autour de moi et n’ai plus vu personne.» Fidelina ajoute qu’elle avait déjà
reçu des menaces par téléphone une semaine auparavant, après avoir traité les questions
du processus de nettoyage au sein de la police et du conflit dans le Bajo Aguán. Le 4
avril, son entretien avec le Comisionado de Policía Aldo Oliva sur l’éviction du haut cadre
de la police avait été diffusé sur Radio Globo. Sur la question du conflit au Bajo Aguán,
elle avait relaté de manière critique la découverte d’une fosse commune où les corps de
plusieurs représentants du mouvement paysan auraient été enterrés. Elle avait souligné
que quelques membres de l’armée avaient activement tenté d’entraver l’enquête.
Accompagnement protecteur
Photo: Daniel Langmeier (PWS)
Prochaines séances
d’information de Peace
Watch Switzerland et Peace
Brigades International:
Zurich: Samedi 31 août 2013
AKI Katholisches Hochschulzentrum,
Hirschengraben 86 (au dessus de
Central), 13h30 - 16h30
Berne: Samedi 7 septembre 2013,
Bildungszentrum WWF,
Bollwerk 35, 13h30 - 16h30
Genève: Mercredi 25 septembre
2013, Uni-Mail Genève,
Boulevard du Pont d’Arve 40,
19h - 21h30
Voyage de délégation au
Honduras
Visites de terrain, rencontres et
discussions: aperçu du contexte
politique, culturel, social et
économique au Honduras avant les
élections
Du 30 septembre au
15 octobre 2013
Délai d’inscription: 15 juillet 2013
Infos:
>
Un accompagnement protecteur dans un contexte difficile
D’après le dernier rapport de l’UNESCO, le Honduras fait partie des pays où l’on comptabilise
le plus grand nombre de meurtres de journalistes par habitant-es. Au cours des dix dernières
années, plus de 600 journalistes ont été assassinés. Rien que sous le gouvernement de
facto du président Porfirio Lobo, au moins 34 journalistes ont été tués, mais seule une
inculpation a été prononcée. Menaces, persécutions, enlèvements et agressions contre
l’intégrité physique sont quotidiens pour les journalistes critiques envers les instances au
pouvoir.
Comme aucune aide ne peut être attendue du côté étatique, COFADEH suit les cas comme
celui de Fidelina afin de leur offrir une protection, de déposer plainte auprès du ministère
public et d’informer publiquement sur ces agressions. Bertha Oliva, la coordinatrice de
COFADEH, était persuadée que la situation de Fidelina restait très incertaine. C’est la raison
pour laquelle nous avons reçu une demande d’accompagnement peu après son agression.
En équipe de deux, nous avons accompagné Fidelina, sa mère et sa cousine pendant les
quatre jours suivants.
Cela a été une période difficile et intense pour nous tous. Fidelina est une jeune femme
intelligente et pleine de ressources qui s’est rapidement remise du choc et s’est avérée
une interlocutrice passionnante. Elle ne voulait pas renoncer à sa mission de journaliste et
affirmait: «Je n’ai pas peur. Je veux continuer à m’engager avec honnêteté et dévouement.»
Mais lorsque le surlendemain matin une voiture aux vitres teintées a suivi sa cousine
depuis sa maison jusqu’à l’hôtel, la décision de faire quitter le pays à Fidelina, tout au
moins temporairement, s’est imposée. A travers cet accompagnement, nous avons partagé
automatiquement le destin de cette vie et la séparation a été très dure émotionnellement.
Même si Fidelina est très forte et espère pouvoir poursuivre sa formation dans son nouveau
lieu de résidence, il reste l’amère constat que dans un pays aussi peu sûr que le Honduras,
mener une vie indépendante en ce moment est quasiment impossible.
Daniel Langmeier, 1987, Buchs ZH, est observateur pour PWS de
mars à décembre 2013 au Honduras. Il rédige régulièrement
des articles sur le blog tortilladigital >
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