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Infrastructures Par Christine Chung, Directrice de Guyacom Structurer une filière numérique et profiter ÉTAT DES LIEUX DU SECTEUR NUMERIQUE EN GUYANE : INFRASTRUCTURE ET SERVICES EXISTANTS En ce qui concerne le maillage du territoire, le réseau de télécommunications est détenu en grande partie par l’opérateur historique France Télécom, présent surtout sur le littoral guyanais (où est concentrée 89% de la population). En termes d’infrastructure longue distance internationale, la Guyane est desservie par un unique câble sousmarin mis en service en 1999. L’Americas II relie la Guyane (mais aussi la Martinique) à Miami et à Fortaleza, principaux nœuds d’interconnexion des câbles sous-marins sur le continent américain. L’opérateur national historique France Télécom est un membre du Consortium propriétaire de l’Americas II. Consciente de l’ancienneté de la conception de l’Americas II (1) et de la nécessité de disposer d’une source alternative de bande passante internationale (problématique de sécurisation et effet attendu de la concurrence sur les prix), les collectivités de Guyane ont initié une réflexion sur la mise en place d’un deuxième câble sous-marin. (2) Quant à l’intérieur du territoire guyanais, l’internet y est fourni par voie satellitaire et l’on comprend dès lors pourquoi la téléphonie mobile y est quasi-inexistante. En effet, les liaisons satellitaires présentent l’avantage de permettre l’usage de services numériques quel que soit le lieu où l’on se trouve en Guyane, c’est-à-dire même s’il n’y a pas de ligne téléphonique fixe. Toutefois, une connexion satellitaire ne peut être qu’une solution transitoire en raison de son coût et des débits fournis. Compte tenu des caractéristiques de peuplement de l’intérieur guyanais, marqué par une faible densité (3), la solution satellitaire est un bon palliatif puisqu’en l’absence de rentabilité, aucun opérateur n’y construira de réseau. Remarquons que dans l’Hexagone aussi, la solu- nomique et de création d’emplois sur le territoire guyanais. L a littérature sur l’économie numérique est abondante et plusieurs définitions coexistent. En retenant la plus transversale d’entre elles, l’on admettra que l’économie numérique n’est pas l’apanage de quelques secteurs qui produisent des services numériques – secteurs des télécommunications, de l’internet, du logiciel, des jeux vidéo, des services informatiques et autres services en ligne. Elle comprend ces secteurs, mais aussi tous ceux qui les utilisent pour en faire le support de leurs activités. L’économie numérique a une incidence sur la croissance, la productivité, l’exportation et la rentabilité des investissements tant privés que publics. Elle est en outre fortement associée à l’innovation technologique, identifiée par l’Union européenne comme un des objectifs de sa stratégie de croissance. Ainsi, la définition retenue doit nous permettre de comprendre les enjeux et la nature des impacts de l’économie numérique pour l’économie, la société et les Collectivités de Guyane. 40 Ci-après, un état des lieux des infrastructures et services numériques en Guyane sera suivi d’une mise en perspective à l’échelle du continent américain. Nous concluons par la nécessité d’un positionnement clair en faveur de l’économie numérique, en termes de développement éco- Source : Schéma Directeur Territorial d’Aménagement Numérique et Stratégie de Cohérence d’Aménagement Numérique de Guyane (juin 2012) Infrastructures de la situation géostratégique de la Guyane tion satellitaire est déployée en complément d’autres solutions dans les zones blanches. Le propos ci-dessus appelle deux remarques : d’une part, la démographie de l’intérieur de la Guyane est plus dynamique que celle du littoral et selon les estimations de l’INSEE, la population de la souspréfecture de St Laurent du Maroni dépassera celle de Cayenne en 2020. D’autre part, entre le réseau en fibre optique et les connexions satellitaires individuelles, existe la voie intermédiaire d’un réseau en faisceaux hertziens, moins coûteux, et bien que moins performant que la fibre optique en termes de débit, suffisant pour répondre aux besoins de la population. Ainsi, le projet numérique du Conseil Général est basé sur des liaisons hertziennes (projet RING). La Région a quant à elle, prévu une partie de l’infrastructure en faisceaux hertziens, à travers une Délégation de Service Public. Alors que le taux de pénétration du haut débit (4) est supérieur à 70% des foyers de l’Hexagone, ce taux est de l’ordre de 53% des foyers en Guyane. En effet, plusieurs communes de l’intérieur ne bénéficient d’aucun service ADSL, souvent faute de lignes téléphoniques. Malgré une croissance démographique dynamique, le territoire bénéficie d’une éligibilité DSL limitée par la faible diffusion du réseau téléphonique, contrairement aux autres DOM des Antilles ou de la Réunion. Cependant, contrairement aux autres DOM, la Guyane est située sur un continent. Les voisins surinamais et brésiliens peuvent-ils représenter un marché cible pour nos produits et services pour rompre avec la fatalité de l’étroitesse du marché guyanais ? SITUATION GEOGRAPHIQUE ET ATOUTS DE LA GUYANE Des liens possibles avec les pays voisins La Guyane faisant partie de l’espace économique national et communautaire, elle bénéficie des politiques de solidarité nationale et européenne. Cérémonie de lancement du projet haut débit à Macapa (Amapa) A ce titre, le Programme Opérationnel (PO) Amazonie 2007-2013 (FEDER) encourage la coopération transfrontalière. Le « développement des activités transfrontalières et de l’attractivité de l’espace de coopération» défini comme la Guyane, le Suriname et trois États du Nord du Brésil (Amapá, Para, Amazonas) est un des trois axes d’intervention retenus par ce Programme dont la Région Guyane est Autorité de gestion (3). Le plateau des Guyanes ainsi délimité par le PO Amazonie est « un espace dont l’accessibilité extérieure reste faible et présente de forts déséquilibres […] La discontinuité territoriale est insuffisamment compensée par un niveau adéquat d'infrastructures de communication et de transport […]. Ceci, contribue largement à la sous exploitation des potentialités de développement économique, social et culturel de la zone » (5). En 2011, le taux de croissance officiel du Suriname était de 5%. Selon le rapport du Fonds Monétaire International, ce pays accédera au rang de pays à haut revenu (PIB/hab. > 12 476 USD) avant la fin de la décennie. En tout état de cause, le Suriname a commercialisé un nouveau câble sous-marin en 2010, dont les équipements sont à la pointe des technologies disponibles dans le secteur. Ce câble répond en outre, aux critères les plus exigeants en termes de sécurisation de la connectivité. Une nouvelle liaison en fibre optique entre Cayenne et Saint Laurent, ville frontalière avec le Suriname, mettrait dès lors la bande passante du 41 Infrastructures câble surinamais à la portée des usagers guyanais. Quant au voisin de l’est guyanais, le maillage télécom du pays-continent qu’est le Brésil est relativement dense, bien que très inégal à travers le pays. Sans surprise, les zones économiques les plus dynamiques sont également celles où l’offre de service est la plus diversifiée, tant en qualité qu’en choix d’opérateurs. Plus globalement, bien que le Brésil soit le pays des BRICS qui accuse le retard le plus important en termes d’infrastructure, la Coupe du Monde en 2014 et les Jeux Olympiques de 2016 sont de puissantes incitations à l’investissement dans les infrastructures télécom. Le Projet SPANY porté par GUYACOM Depuis son démarrage opérationnel en 2007, l’activité de la société GUYACOM se développe principalement dans l’intérieur guyanais. Nos clients des communes des fleuves Maroni et Oyapock sont pour moitié des 42 administrations (Centre Hospitalier de Cayenne, Parc Amazonien de Guyane,…etc) et pour moitié des personnes et sociétés privées (secteurs minier et touristique). Les échanges commerciaux avec le fournisseur brésilien d’internet par satellite ont fait émerger l’idée d'un Depuis son projet de dorsale interrégionale, démarrage entre le Brésil, le Suriname, et la opérationnel en Guyane. Ce projet qui serait une 2007, l’activité de alternative à l'actuel câble sousla société marin qui relie la Guyane au GUYACOM se reste du monde, l'Americas II. développe En effet, à l’ère du tout numéprincipalement rique, la Guyane est connectée dans l’intérieur au reste du monde par la ramiguyanais. fication d’un unique câble sousmarin et se trouve sur une voie télécom « sans issue ». En conséquence, le prix de la matière première, le Mbit/s, est élevé et le demeurera tant que perdurera cette situation. Comme dit précédemment, Miami est le centre de gravité de l’activité numérique du continent américain et est à la croisée des câbles sous-marins de la zone. Or, sur le continent américain, la Guyane se trouve à mi-chemin entre Sao Paulo et Miami. Une liaison continue entre Sao Paulo et Miami, par diverses technologies terrestre et sous-marine, en passant par la Guyane garantirait donc à cette dernière la captation d’une partie de la connectivité transitant entre le géant américain et la puissance émergente brésilienne, dont les besoins en la matière ne cessent de croître. Il s’agit donc de positionner la Guyane sur ce qui est maintenant communément appelée une autoroute de l’information en visant une intégration dans les réseaux terrestres brésiliens au Sud et dans le système des câbles caribéens au Nord de la Guyane. Ces conclusions sont le résultat de l’étude de faisabilité approuvée en 2009 par le Programme Opérationnel Amazonie (FEDER) et ses différents partenaires : l’État français, le Conseil Régional de Guyane, le Conseil Général de Guyane et le Cnes. STRUCTURER UNE FILIERE COMPOSEE D’ENTREPRISES DU SECTEUR NUMERIQUE EN GUYANE ? L’écosystème institutionnel, juridique, fiscal, réglementaire et douanier dans lequel évolue l’entreprise guyanaise est, à quelques nuances près (notamment le régime de défiscalisation des investissements productifs), celui de l’Hexagone, ou encore celui de l’Union Européenne pour les sujets qui relèvent de la compétence de celle-ci. De ce point de vue, la Guyane est une exception notoire sur le continent sudaméricain, au sens qu’elle n’a pas de marge de manœuvre pour mettre en place une politique économique qui lui permettrait d’être compétitive par rapport à son environnement géographique immédiat. A ce titre, les constats de l’étude de l’AFD intitulée « Une entreprise dans un DOM, est-ce que cela change la donne ? Une analyse comparative des entreprises des DOM et de métropole » sont notamment que d’une part, « l’insularité » et l’éloignement de la métropole, principal partenaire dans les échanges commerciaux, renchérissent fortement les coûts des intrants et les coûts indirects associés (stockage, trésorerie…etc); d’autre part, l’étroitesse des marchés ne permet pas de réaliser des économies d’échelle. En conséquence, une série de dispositions en faveur Infrastructures des entreprises ultramarines a été mise en place (défiscalisation des investissements productifs, régime spécifique d’exonération des charges sociales, etc.) afin de « compenser » tant que faire ce peut, les contraintes s’exerçant sur les entreprises des DOM. Dans le secteur des services numériques, l’on s’affranchit des problématiques liées au coût du transport, à la logistique et à l’absence d’économie d’échelles (corollaire de l’étroitesse du marché). Les « coûts de transport » des services sont négligeables par rapport à la valeur du service, et la commercialisation des services viendrait en complément des biens et produits guyanais dans l’effort de structuration de l’export. En outre, la France numérique sont identifiés est bien positionnée sur le marcomme très productifs, parce ché international des services, qu’ils accroissent la compétitivité notamment celui des services de l’ensemble des autres secnumériques. teurs de l’économie. En outre, ils Bien entendu, les difficultés contribuent à la résolution de existent, surtout pour pénétrer problèmes sociétaux ayant trait le marché brésilien qui est proà l’éducation (télé-enseignetectionniste. Mais concernant ment), à l’environnement, la l’export de services, les diffiLes quelques santé (télé-médecine), à l’accescultés s’éloigent de celles spémilliers de sibilité et l’adaptation des sercifiques à la Guyane et partant, TPE/PME ces difficultés se rapprochent guyanaises sont une vices publics…etc. de celles pour lesquelles les source de solutions d’accompagnement créations d’emplois Les quelques milliers de sont nombreuses dans le dis- et d’insertion TPE/PME guyanaises sont une source de créations d’emplois positif national d’appui à l’esprit. sociale et professionnelle et d’insertion sociale et profesCONCLUSION dans un pays où sionnelle dans un pays où 45% de la population a moins de 20 45% de la Les technologies de l’informa- population a moins ans et où cohabitent plus d’une tion et de la communication sont de 20 ans et où centaine de nationalités. Leur essentielles pour accroître cohabitent plus capacité à se former, s’équiper, l’attractivité et la compétitivité d’une centaine de innover et entreprendre dans le de la Guyane, déjà mises à mal nationalités. nouvel environnement technologique est plus que vitale pour par son ultra périphéricité. L’écola compétitivité économique de nomie numérique est un des la Guyane. principaux facteurs de gain de La « simple » préservation compétitivité des économies d’emplois à faible valeur ajoutée développées (ce qu’est la ne peut être un objectif viable à Guyane, par certains aspects, moyen terme. Il convient en effet par rapport à ses voisins) et les de favoriser la mise en place investissements dans l’économie d’un cercle vertueux entre élévation du niveau de la qualification des guyanais et élévation du niveau des emplois dans l’économie, la compétence humaine étant de toute évidence le facteur essentiel de la performance et de la compétitivité et le critère de distinction de la Guyane dans son environnement géographique. n 1. Selon le Schéma Directeur Territorial d’Aménagement Numérique et Stratégie de Cohérence et d’Aménagement Numérique de la Région Guyane (juin 2012), l’Americas II a été conçu avec des répéteurs de première génération de technologie WDM (Wave Division Multiplexing). 2. Cf. le Schéma Directeur Territorial d’Aménagement Numérique et Stratégie de Cohérence et d’Aménagement Numérique de la Région Guyane (juin 2012) 3. les trois communes les plus étendues de France sont en Guyane avec Maripasoula qui compte 18 760 km², Régina 11 470 km² et Camopi 10 454 km². 4. ≥ 0,5 Mbit/s 5. GUYACOM, entreprise dirigée par l’auteure, a bénéficié de subventions du PO Amazonie. 6. Objectif Coopération Territorial Européenne 20072013, Programme Coopération Transfrontalière “Amazonie” Guyane-Brésil-Suriname, Programme Opérationnel l N°CCI 2007 CB 163 PO 051 GUYACOM Résidence « Petit Chalet » CHATON - 56 avenue Pasteur - 97300 Cayenne - Guyane Française www.guyacom.net [email protected] - Tél. + 594 25 00 00 - Fax. + 594 25 37 85 43