Télécharger - Pèlerinage Lourdes

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VENDREDI 3 JUIN 2011 L’EXPRESS - L’IMPARTIAL
ARMÉE
KEYSTONE
Une défense suisse forte
Le Conseil des Etats a fixé
la marche à suivre pour l’avenir
de l’armée. Mais il a renoncé à
fixer un budget à cette dernière.
Le National doit désormais se
prononcer.
PAGE 18
L’ACTU
SUISSE | MONDE | SOCIÉTÉ
FRANCE Avec six millions de visiteurs annuels, la cité mariale attise les envies.
Lourdes a foi en ses marchands
RAPPEL DES FAITS
Chaque année, la cité mariale
de Lourdes accueille quelque
six millions de visiteurs, dont
plusieurs
milliers
de
Romands. Une aubaine pour
les commerçants de la
deuxième ville hôtelière de
France, derrière Paris, souvent
affublés du peu glorieux titre
de «marchands du temple».
EN CHIFFRES
15 797 Le nombre d’habitants
de la ville de Lourdes à l’année.
PLUS DE 6 MILLIONS Les
pèlerins et autres visiteurs qui
sont passés par la cité mariale
en 2010.
8 MILLIONS Record lié au 150e
anniversaire des apparitions
(2008).
DE RETOUR DE LOURDES
YANN HULMANN
Le torchon glisse de statuettes
en statuettes. Habillée d’une
blouse blanche bordée de bleu
ciel, la jeune femme d’une vingtaine d’années astique les figurines de plastique représentant la
Vierge Marie. A quelques mètres
de la Porte Saint-Joseph des
Sanctuaires de Notre-Dame de
Lourdes, les enseignes lumineuses brillent, scintillent, aguichent le chaland pèlerin. Madones, cierges, icônes, boules à
neige, pastilles d’eau de Lourdes,
les étals bien rangés, arrangés,
tout au ciel dévoués rivalisent
d’inventivité, voire de mauvais
goût. Les souvenirs fantaisie côtoyant parfois les images pieuses
d’un peu trop près.
«Chapelets et récipients en plastique sont les produits qui partent le
mieux», confie Marguerite, qui
travaille depuis 12 ans dans la
cité mariale. Dix, cinq, un litre
voire à peine quelques centilitres, la pléthore de formats des
récipients vendus une poignée
d’eurosàLourdesestlàpoursatisfaire chacun des six millions de
visiteurs annuels. Aucun pèlerin
ne doit quitter les bords du Gave
du Pau sans un peu d’eau de la
source qui coule au sein des
Sanctuaires. Au cœur de la
grotte, où en 1858, Bernadette
Soubirous aurait longuement papoté avec «une dame vêtue de
blanc», la Vierge Marie. «La demande est telle que les commerces
825 868 Les participants à des
pèlerinages organisés au pied
des Pyrénées. Sur ce nombre,
60 000 personnes sont
signalées comme malades ou
handicapées et 87 000 membres
comme membre de l’Hospitalité
d’accompagnement.
62% La proportion de touristes
étrangers qui s’arrêtent à
Lourdes. Les Suisses
représentent 1% du total, les
Italiens 30%.
30 MILLIONS Le budget de
fonctionnement des Sanctuaires
de Notre-Dame de Lourdes.
220 Les magasins de souvenirs.
194 Les hôtels.
La ville où la Vierge serait apparue à Bernadette Soubirous vit au rythme des pèlerins et du commerce de souvenirs. YANN HULMANN
n’ont pas cessé de se multiplier»,
note Louis-François Guinguené,
vice-président du syndicat des
commerçantsdeLourdes.«Celaa
finalement débouché sur une concurrence si forte que les pèlerins
sont gagnants et qu’ils bénéficient
de prix extrêmement bas.»
Nous ne créons pas
«la demande,
nous ne faisons
qu’y répondre.»
LOUIS-FRANÇOIS GUINGENÉ VICE-PRÉSIDENT DU SYNDICAT DE COMMERÇANTS
Vendre, un métier
Fabriqués au Portugal, en Irlande, en Italie et plus largement en Chine, les très nombreux souvenirs de Lourdes ont
valu le qualificatif de «marchands du temple» aux commerçants locaux. «Dans la bible,
les marchands du temple avaient
pénétré celui-ci», rappelle
Louis-François
Guinguené,
propriétaire d’un hôtel quatre
étoiles, de deux commerces de
souvenirs, d’un salon de thé et
d’une brasserie. «A Lourdes, la
séparation entre les Sanctuaires
et les commerces est claire. Au
travers du syndicat, nous veillons
aussi à ce que les produits vendus
ne soient pas de mauvais goût,
nous avons une responsabilité envers les pèlerins. Par ailleurs, il ne
faut pas oublier que nous sommes
«Ce n’est pas le Pigalle de la foi»
Bien que son image ne puisse se départir de
celle des commerces de souvenirs omniprésents dans la cité mariale, Lourdes ne cesse
d’attirer des millions de pèlerins année après
année. «Cette approche qui veut que Lourdes
soit envahie par les marchands du temple est très
francophone», estime Corine Laussu, chargée
de communication à l’Office du tourisme de
Lourdes. «Les pèlerins italiens, espagnols, portugais et latino-américains apprécient ce côté un
peu kitsch de certains souvenirs.»
François Vayne, directeur du pôle EditionsCommunication des Sanctuaires de Lourdes
ne se formalise pas non plus. «Nous ne sommes
pas le Pigalle de la foi. Les commerçants ne forcent personne. Cette activité donne, par ailleurs,
du travail à beaucoup de monde, des jeunes notamment.» Quant aux Sanctuaires, François
Vayne assure que ce type de commerce en est
proscrit. S’agissant des cierges et des petites
bouteilles étiquetées «Lourdes» vendues à
une centaine de mètres de la grotte où prient
des milliers de pèlerins, François Vayne assure que les prix indiqués ne sont que des offrandes suggérées. «Les gens peuvent donner
ce qu’ils souhaitent. Rien par exemple.» Et de
reprendre, «l’argent récolté ne part pas à Rome
mais sert à financer l’entretien et le personnel
des Sanctuaires.» Quatre cents personnes,
dont un quart de saisonniers, travaillent aux
Sanctuaires qui disposent d’un budget de
30 millions d’euros (37 millions de francs)
pour les salaires et pour entretenir les édifices et les 52 hectares du site.
«L’Eglise n’a pas fait Lourdes», poursuit
François Vayne. «L’Eglise a été là pour acheter
le terrain et éviter le pire, mais elle n’est pas propriétaire de Lourdes, ni de son message qui la
dépasse largement.» Quant à la communication autour du site, l’ancien journaliste est
très clair. «Nous ne vendons pas Lourdes. Le
miracle de Lourdes, c’est année après année, les
pèlerins qui reviennent. Ils incarnent le message.» YHU
commerçants et que notre métier
c’est de vendre. Encore une fois,
nous ne créons pas la demande,
nous ne faisons qu’y répondre.»
Coincée entre le site religieux
et la ville haute, la basse ville de
Lourdes accueille l’essentiel des
restaurants, boutiques et hôtels. «Avec 194 hôtels, Lourdes
est la deuxième ville hôtelière de
France, derrière Paris», détaille
Corine Laussu, de l’Office du
tourisme local. «Du quatre étoiles de luxe au sans étoile. De quoi
contenter toutes les bourses.»
«Quant à la question des commerces», poursuit-elle, «avec ses
220 magasins de souvenirs, soit
un pour 30 000 visiteurs, Lourdes
se place derrières des sites comme
le Mont Saint-Michel ou NotreDame de Paris.»
En mains locales
Il n’empêche que la tentation
d’assimiler la vente de souvenirs religieux à une forme de
commerce idolâtre n’est jamais
bien loin. «Les gens ont parfois
besoin de s’accrocher à un objet»,
explique François Vayne, directeur du Pôle Edition-communications des Sanctuaires de
Lourdes. «C’est aussi ça l’incarnation. Une Vierge qui luit dans la
nuit, une médaille que l’on sert
dans sa main pour se rassurer.
Sans oublier que les gens aiment
partager Lourdes, en ramener un
souvenir pour la famille, les
amis.»
Majoritairement alimentés
par quelques grossistes locaux,
une dizaine selon Louis-François Guinguené, les commerces
lourdais resteraient en grande
partie propriété de familles locales. «Il y a tout de même de plus
en plus de gérants italiens et portugais», souligne Françoise, vendeuse dans un commerce de
souvenirs. «Mais les bâtiments
appartiennent cependant généralement encore aux gens d’ici. L’immeuble où je travaille est par
exemple la propriété du maire de la
ville.» Louis-François Guinguené, propriétaire de l’hôtel de la
Grotte confirme. «Mon arrièregrand-père, qui était venu à Lour-
des ouvrir un commerce de détail,
a racheté l’hôtel en 1933. Il y avait
vécu avec sa femme et leur fille.
Nous en sommes à la quatrième
génération.»
Toutes les histoires ne sonnent cependant pas comme
celle de l’hôtelier. En 2007, un
petit séisme secouait ainsi la
cité mariale. La famille Soubirous (descendants des cousins
de Bernadette) succombant
aux sirènes du marché vendait
le Grand hôtel moderne, l’un
des symboles lourdais, à un investisseur étranger. Italien
comme la grande majorité des
pèlerins. +
INFO
Plus de renseignements sur:
www.lourdes-frances.com
DE LA NUIT LOURDAISE
La flamme se balance, se déhanche doucement bercée par la brise. Puis la passion vacille, tangue, menace de mourir. Soufflés par un vent plus dur, plus
froid, les cierges qui gardent la grotte de Notre-Dame de Lourdes s’abandonnent les uns après les autres à la nuit. Logée au creux de la paroi, la statue de
la vierge, elle, illumine et veille toujours sur le rocher de Masabielle où Bernadette, la gamine de 14 ans, causa de longues heures avec la mère du Christ.
Au plus fort de la journée, jusqu’à 30 000 pèlerins garnissent les églises, les places et les allées des Sanctuaires de Notre-Dame de Lourdes. A deux heures du
matin passées, seules quelques jeunes femmes, latines, prient encore. La tête
couverte par un voile, elles se relaient auprès de la Vierge, prostrées sur de simples couvertures
Face à elles, foncée, noircie, lissée par le passage des mains des millions de
pèlerins, la roche de la grotte, si proche, intimide. Le croyant, peut-être, mais
l’homme surtout. Autant de mains pour autant de vies qui, d’un seul coup, pèsent sur le seul individu. Au vertige du nombre s’ajoute le parfum sucré des
fleurs déposées par les croyants, le son régulier de la source, les reflets de la
lumière blanche scintillant sur ce mince filet d’eau. Une pointe douce mais
brûlante de clarté coulant hors de la roche dans une parfaite mise en scène. A
la force du sacré s’ajoute ainsi la puissance païenne de la nature rappelant que
fées et ondines habitèrent longtemps les points d’eau. Bien avant que d’autres apparitions ne les en délogent. Mais à Lourdes, l’eau ne jaillit qu’après la
rencontre. YHU