syndicalisme indépendant, souveraineté nationale et mouvement

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syndicalisme indépendant, souveraineté nationale et mouvement
SYNDICALISME INDÉPENDANT, SOUVERAINETÉ NATIONALE
ET MOUVEMENT CITOYEN
José Randrianasolo, secrétaire général de la FISEMA
(Firaisan’ny Sendikan’ny Mpiasan’i Madagasikara,
Confédération Générale des Syndicats de Travailleurs de
Madagascar) et coordinateur de la CTM (Conférence des
travailleurs de Madagascar, plateforme syndicale nationale)
Abstract
La « politique » est devenue une profession voire un secteur économique très juteux, et non plus
un art de gouverner un Etat. Dans leur grande majorité, les partis malgaches sont devenus des
appareils clientélistes et peu font des préparations minutieuses pour accéder dignement à la
conduite de l’Etat.
Sous la colonisation, les luttes pour l’amélioration de la situation morale et matérielle des
travailleurs malgaches s’articulaient au combat pour l’indépendance de Madagascar, synonyme de
souveraineté nationale. La FI.SE.MA. s’est impliquée dans ce combat pour l’Indépendance effective
et la souveraineté nationale aux cotés des organisations et partis nationalistes et progressistes.
Face au bulldozer de la mondialisation capitaliste agissant avec une logique de domination et
d’accumulation, la promotion des travailleurs et travailleuses passe plus que jamais par
l’indépendance effective de la nation et il n’y aura pas de véritable souveraineté nationale sans
promotion des travailleurs et travailleuses, notamment par le travail décent*, et sans défense
déterminée des intérêts individuels et collectifs de la population. Le mouvement syndical malgache
indépendant constitue (toujours) un des piliers majeurs du mouvement citoyen.
--* La notion de travail décent résume les aspirations des êtres humains au travail. Le travail est
l’élément clé du bien-être économique des individus. Il constitue une source de revenus, mais il permet aussi
aux individus de progresser sur le plan socio-économique, de s’épanouir sur le plan personnel et d’offrir plus de
moyens à leur famille et à leur communauté. Tout cela n’est cependant possible que s’il s’agit de travail décent.
Tout d’abord, la FI.SE.MA. voudrait féliciter le CONSORTIUM pour l’initiative qu’il
a prise dans l’organisation de ce Colloque dans l’objectif d’échanger des vues et
d’approfondir les réflexions en vue de trouver une ou plusieurs démarches vers la
stabilité politique, économique et sociale de la Grande Ile ; et partant, pour un
véritable épanouissement du peuple malgache et une intégration réussie de ce
dernier dans la communauté mondiale.
La FI.SE.MA. tient aussi à remercier l’invitant d’avoir sollicité son point de vue,
ses actions dans la quête de la Souveraineté Nationale Malgache.
Vers la quête de la SOUVERAINETÉ NATIONALE
Pour le mouvement ouvrier malgache, la notion de souveraineté nationale paraît,
au départ, floue. Il est difficile d’affirmer que les luttes engagées à l’époque –
sous formes de grèves sporadiques, comme ce fut le cas des travailleurs de
l’usine de parfumerie à l’Ile Sainte-Marie en 1920 et la grève des dockers du port
de Tamatave en 1925 – avaient comme toiles de fond une lutte pour le retour de
l’indépendance de Madagascar, synonyme de souveraineté nationale. Ces luttes
étaient notamment axées sur l’amélioration des conditions et du rapport de
travail : augmentation de rémunération, arrêt des sanctions pécuniaires pour
fautes professionnelles, abolition des travaux forcés et faculté de rompre
volontairement les relations de travail.
L’implication du mouvement ouvrier malgache dans la revendication du retour de
l’Indépendance remonte à la fin de la Seconde Guerre Mondiale sous l’impulsion
de militants nationalistes tels que Jean Ralaimongo et le Docteur Joseph
Ravoahangy Andrianavalona – Co-Secrétaire Général de la C.G.T. de
MADAGASCAR, avec l’appui de quelques socialistes français pour ne citer que
Paul Dussac. À cette période, la préparation de la rédaction de la Charte des
Nations Unies faisait profiler déjà le droit des peuples colonisés à disposer d’euxmêmes, autrement dit l’auto-détermination.
Au niveau de la C.G.T. de Madagascar, la prise en main progressive de la
direction par des Malgaches nationalistes dès 1952 marquait le commencement
de l’exercice de ce droit à l’auto-détermination (sur le plan syndical bien
entendu) et le CONGRÈS fondateur de la FI.SE.MA. tenu du 11 au 15 août 1956
fut l’apogée de cette « malgachisation » de la C.G.T. de Madagascar. En effet,
pour elle, la promotion des travailleurs malgaches devait passer nécessairement
par l’indépendance complète de Madagascar.
Dès lors commença la lutte politique de la FI.SE.MA. pour le retour de
l’Indépendance effective de Madagascar et la souveraineté nationale, aux cotés
des organisations et partis nationalistes et progressistes, entre autres l’U.P.M.
(Union des Peuples Malgaches) et l’A.K.F.M. (Antokon’ny Kongresin’ny
Fahaleovantenan’ny Madagasikara, parti du Congrès de l’indépendance de
Madagascar) :
- Appel à voter « NON » au référendum de 1958,
- Participation à la lutte pour l’amnistie des détenus politiques des
évènements 1947 ;
- Rejet du néo-colonialisme et appel à la grève générale lors des
évènements de 1972 ;
Bien que taxée d’organisation d’obédience socialiste, la FI.SE.MA. n’avait
pourtant pas rejoint le FRONT NATIONAL POUR LA DÉFENSE DE LA RÉVOLUTION
SOCIALISTE (F.N.D.R.) pendant la seconde république pour la simple raison que,
pour elle, l’indépendance syndicale est aussi sacrée, au même titre que
l’indépendance nationale.
Toujours dans cette lancée de quête de la souveraineté nationale et pour donner
un élan au mouvement démocratique des années 1990/91 dans la foulée de la
Conférence de La Baule, la FI.SE.MA. a même mis à la disposition de la
Plateforme de l’Opposition de l’époque son siège à SOARANO pour servir de
Quartier Général. Cela a failli lui coûter très cher avec la tentative d’incendie
perpétrée par des gens malintentionnés.
Cet engagement pour une Souveraineté Nationale effective continue encore à
animer la FI.SE.MA. et justifie sa prise de position et ses appels aux citoyens et
organisations citoyennes malgaches pour un dialogue ou une concertation dès le
début de la crise actuelle.
Mais qu’est-ce que LA SOUVERAINETÉ NATIONALE pour la FI.SE.MA. ?
En tant qu’organisation syndicale longtemps engagée dans cette quête de la
SOUVERAINETE NATIONALE, la FI.SE.MA. perçoit cette notion comme :
- primo le droit d’un peuple ou d’une nation à disposer d’eux-mêmes, à l’autodétermination en matière d’organisation politique, économique, sociale et
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culturelle. L’article premier du Pacte International sur les droits civils et politiques
du 16 décembre 1966 est sans équivoque là-dessus : « tous les peuples ont le
droit de disposer d'eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent
librement leur statut politique et assurent librement leur développement
économique, social et culturel ».
- Secundo, c’est aussi un droit économique accordé à ce peuple ou à cette nation
de disposer des ressources naturelles se trouvant sur son territoire et de jouir les
résultats de leur exploitation, en vue répondre à leurs besoins sociaux et
culturels.
- Et tertio, c’est un droit à être traité sur un pied d’égalité dans les relations
internationales, dans les concerts des Nations.
Or, qu’en est-t-il pour Madagascar ? La FI.SE.MA regrette que durant ces 50 ans
d’Indépendance politique, les dirigeants successifs n’ont fait - consciemment ou
non - que renforcer la dépendance du pays envers les puissances étrangères. Ils
ont tous continué et entretenu le néo-colonialisme, sans réaliser qu’en réalité les
fondements et la consolidation de l’Indépendance politique sont d’ordre
économique et social. Force est cependant de constater que les appuis et les
soutiens de l’Etat étaient allés plutôt aux gros investisseurs étrangers au
détriment des petits promoteurs nationaux et des paysans. Le constat est ainsi
là, pour ne citer que
- en 50 ans d’Indépendance, le pays n’a pas encore atteint son
autosuffisance alimentaire malgré l’immensité des surfaces cultivables et
l’importance de la force productive rurale,
- l’illettrisme couvre encore plus de la moitié de la population ;
seulement 3% des Malgaches ont terminé leurs études supérieures et 13%
leurs études secondaires, selon l’enquête nationale auprès des ménages
faite par l’INSTAT, en 2005 ;
- les écoles et les centres de santé publique sont loin de satisfaire les
besoins vitaux de la population
alors que des millions de dollars – aux titres de prêts, de subventions ou d’aide –
ont été injectés pour accélérer le développement économique et social, sans que
la masse populaire n’ait senti leur odeur, ni vu leur couleur.
Pour expliquer cela, la FI.SE.MA. estime que la carence se situe, en grande
partie, au niveau de la classe politique. Bon nombre de politiciens malgaches
pensent en effet que la Politique est plutôt une profession voire un secteur
économique très juteux, et non un art de gouverner un Etat. Certains d’entre eux
sont même des citoyens véreux et avares. Parmi les 250 partis recensés, la
grande majorité n’ont pas d’idéologie, ni de vision de société claire. Il coule de
source qu’ils agissent en fonction des opportunités présentes. À notre
connaissance, peu de partis s’organisent réellement pour fournir des éducations
politiques adéquates à leurs adhérents et font des préparations minutieuses pour
accéder dignement à la conduite de l’Etat Malgache.
Pour conclure, la souveraineté nationale de Madagascar concerne tous les
Malgaches (ce évidemment, en termes de nationalité). Sa quête et sa
consolidation doivent se faire et se font tous les jours et de façon concertée entre
les Malgaches. Aussi, La FI.SE.MA. prône le dialogue national pour résoudre les
moult problèmes qui rongent le pays. La grande question qui se pose
présentement à tous et toutes, en ce temps de crise aigue, est cependant de
savoir comment et à quand nous parviendrons à consolider notre cohésion, à
nous entendre pour la démarche à suivre et à partager réellement une vision
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commune et NATIONALE en vue de cette véritable conquête de SOUVERAINETÉ
qui nous semble être chère. Le débat est ouvert….
En résumé,
- La promotion des travailleurs et des travailleuses passe par
l’indépendance effective de la nation. En effet, la performance
économique d’un pays, base solide de la souveraineté nationale, repose
grandement sur le niveau de qualification de ses ressources humaines.
- Il n’y aura pas de véritable souveraineté nationale sans promotion des
travailleurs et travailleuses, notamment par le travail décent – notion
qui résume les aspirations des êtres humains au travail -, et sans
amélioration tangible des conditions de vie de la population et sans
défense de ses intérêts.
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