La naissance du transport aérien dans l`Armée de l`Air, 1939-1941

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La naissance du transport aérien dans l`Armée de l`Air, 1939-1941
La naissance du transport aérien dans l’Armée de l’Air,
1939-1941
D’après Le Fana de l’Aviation, HS n°8, Décembre 1997.
Septembre 1939 à juin 1940 – Air France, sinon rien
En 1939, l’histoire du transport aérien dans l’Armée de l’Air est avant tout celle d’un conflit
d’intérêt avec Air France.
En effet, à l’entrée en guerre, le général Vuillemin ne dispose pas de groupes de transport
spécifiques. Les seules unités aérotransportables existantes, les GIA I/601 et I/602, sont
équipées de 12 Potez 650 et 4 Farman 224, destinés à des manœuvres parachutistes qui
n’auront, jamais lieu. Dans ces conditions, d’après la circulaire n°731 du 11 Avril 1939, Air
France et Air Bleu doivent être dissous à la déclaration de guerre, leurs avions passant sous le
contrôle de la DTAM (Direction du Transport Aérien Militaire). Cette DTAM doit assurer la
réquisition et le bon usage des appareils d’Air France pour l’Armée de l’Air.
Hélas, dans la pratique, les choses se passent fort mal, car, de son côté, le ministère de l’Air
crée une organisation appelée DTA, dont le PDG n’est autre que… Louis Allègre, patron
d’Air France ! Celui-ci n’a évidemment aucune envie de céder ses avions aux militaires,
surtout pour cette “drôle de guerre”. DTA et DTAM tirent donc à hue et à dia.
Les avions civils sont regroupés en SAT (Sections d’Avions de Transports), elles-mêmes
formant des GAT (Groupes Aériens de Transport). Mais ces groupes ne savent pas réellement
de qui ils dépendent : DTA civile ou DTAM militaire ? Achat d’avions, rechanges, tout est
compliqué par la double organisation et la réquisition n’en est pas une, faute d’autorité de la
part de l’Armée de l’Air. Les aviateurs militaires, eux, en sont réduits à assurer leur logistique
avec leur propres avions lors de leurs déplacements d’un terrain à l’autre.
Un pilote militaire témoigne – « Quand je me suis engagé en 1939 dans l’Armée de l’Air, je
voulais la Chasse, bien sûr, mais on m’a recalé à cause d’un défaut de vision. On m’a alors
affecté à un groupe de transport.
Sur le papier, tout semblait simple : il s’agissait d’une unité de l’Armée de l’Air utilisant des
avions d’Air France réquisitionnés. Dans la réalité, cela n’a pas tardé à tourner au
cauchemar bureaucratique kafkaïen.
Un jour un camarade loupe son atterrissage et fauche le train droit et l’hélice de son Bloch
220. Voilà un appareil à réparer… mais trois jours après, toujours rien, l’appareil est au
hangar. Je m’informe auprès des rampants, qui me narrent une histoire de fou. Ils se sont
aperçus que l’Armée de l’Air, bien qu’ayant pris possession de ces avions, n’avait pas eu
droit aux pièces pour les réparer ! Ne comprenant pas et pensant à un oubli, ils se sont
adressés au commandant de la SAT pour qu’il obtienne les pièces nécessaires à la réparation
du Bloch. Cet officier a déclaré qu’il n’avait pas les compétences et que cela relevait de plus
haut dans la hiérarchie, de la DTAM locale. Comme ils insistaient, il s’était mis à crier,
maudissant ces mécaniciens incapables, incapables oui, de se fournir en pièces détachées
aussi simples qu’une hélice. Obstinés, les mécanos sont allés voir la DTAM. Là, un
impassible rond-de-cuir leur a expliqué, après moult coups de téléphone passés à droite et à
gauche, que bien que les appareils aient été réquisitionnés par l’Armée, ils étaient en réalité
toujours propriété d’Air France et il fallait donc s’adresser pour avoir les pièces détachées,
non à la DTAM, mais au guichet VIII de la sous-section DTA du ministère de l’Air, à Paris.
Une lettre est donc partie et les choses en sont restées là toute une semaine.
Découvrant l’affaire, je me suis rendu moi-même aux renseignements au ministère de l’Air
pour m’apercevoir que, la DTA ignorant complètement l’existence de notre section au sein de
l’Armée de l’Air (car nous dépendions de la DTAM et que les deux services, se détestant
cordialement, ne communiquaient pas !), notre lettre avait été “perdue”.
Je sonnai à plusieurs portes, actionnai les leviers à ma portée, et nous finîmes par obtenir nos
pièces, auprès de la DTA. Mais cet exploit me valut une copieuse engueulade et un blâme de
la part de mon chef : je m’étais apparemment abaissé, l’Armée de l’Air ne devait pas mendier
ses pièces auprès d’Air France, et il allait rédiger un rapport au Général Vuillemin pour que
ça change.
Alors survint un nouveau problème : à l’arrivée des pièces, personne ne put me dire qui
devait payer la facture… La DTA, la DTAM, l’état-major de notre SAT, Air France, le
ministère de l’Air, l’Armée de l’Air et Dieu sait qui encore ! se renvoyaient la balle. Je ne sus
jamais qui avait payé la facture, ni même si elle avait été payée. Au moins notre Bloch avait-il
repris son vol… trois semaines après l’incident.
Ainsi allaient les choses en ce mois de septembre 1939. »
Air France est en effet en conflit avec l’Armée de l’Air, le ministère de l’Air avec celui de la
Guerre et les civils d’Air France et du ministère avec les militaires… Tout ce petit monde
perd son énergie et son temps en luttes intestines. Ainsi, quoique la France soit en guerre
depuis le 3 septembre, dès le 11 du même mois la compagnie reprend une activité aérienne
ordinaire, créant même de nouvelles lignes !
Mais en juin 1940, quand la France décide de continuer la lutte depuis l’AFN, de telles
bisbilles ne sont plus de saison. Le problème du transport aérien devient crucial, car les
opérations futures vont nécessiter de nombreux déplacements à travers la Méditerranée.
Juillet à décembre 1940 – Disputes autour d’un catalogue d’avions
Six mois de discussions
Le débat sur la nécessaire réorganisation du transport aérien va faire rage durant plusieurs
mois. Le manque d’avions de transport militaire se fera toujours cruellement sentir lors de la
prise du Dodécanèse aux Italiens à l’automne 1940. A l’époque, l’Armée de l’Air n’a que
quatre Groupes de Transport (GT), surtout équipés d’antiques bombardiers Bloch MB-200 et
MB-210 (entre autres). La toute nouvelle 64e Escadre de Transport, qui rassemble ces quatre
groupes, ne peut que gérer la pénurie. Il lui faut les avions d’Air France !
Les discussions sont âpres entre les anciens dirigeants de la compagnie, l’Armée de l’Air et le
gouvernement. En octobre 1940, le gouvernement menace même de dissoudre purement et
simplement Air France !
Pendant ce temps, la compagnie nationale, utilisant à fond son matériel et notamment ses
transports Dewoitine, s’efforce de reprendre au mieux ses activités. De son côté, le
gouvernement se lance dans l’achat d’avions américains de seconde main.
Les transports Dewoitine
– D.333
Sur les trois avions construits, l’Antarès avait été perdu en 1937. En 1940, les Cassiopée et
Altaïr sont en Amérique Latine, sur le tronçon Natal – Rio – Buenos-Aires de l’ancienne
Aéropostale.
– D.338
Vingt-neuf avions ont été construits pour Air France (pris en compte du 24 septembre 1937 au
18 juillet 1939) et deux pour l’Armée de l’Air, immatriculés R-244 et R-245 et équipés aux
standards d’Air France mais avec un pilote automatique américain. Ces appareils peuvent
transporter de 12 passagers sur 2 000 Km à 22 passagers sur 800 Km. Cette adaptabilité est le
grand avantage de l’avion, dont la conception date déjà par rapport au DC-3 (le D.338 est issu
du D.332 Emeraude de 1933, lui-même dérivé du D.33 Trait d’Union). Le D.338 est un avion
de transport correct (quoique volant moins bien que son ancêtre, car sa cabine rectangulaire
perturbe la stabilité de route). Le D.342, qui devait lui succéder, a eu une enfance difficile,
marquée par de gros problèmes de centrage et de stabilité de route. Ceux-ci ont été résolus,
mais l’appareil n’a pas eu le temps d’être construit en série.
Sur 31 D.338, deux avions ont été détruits par accident avant la guerre, un a été accidenté le
10 juin et un autre abattu « par erreur » (?) par la chasse japonaise le 7 juillet au-dessus du
Golfe du Tonkin. Au moment de la crise de l’été 1940, les D.338 sont répartis dans le monde
entier, y compris en Indochine et en Argentine. Dès septembre 1940, les 27 appareils restants
permettent de réactiver certaines lignes d’Air France, mais aussi d’en créer de nouvelles :
(i) Alger-Dakar (3 avions pour 3 rotations par semaine).
(ii) Alger-Extrême-Orient, en liaison avec les Britanniques et les Néerlandais. Après la
capitulation italienne en Libye, cette route passera par Tripoli – Benghazi – Le Caire –
Beyrouth – Bagdad – Bassorah – Bouchir – Jask – Karachi – Jodhpur – Allahabad – Calcutta
– Akyab – Rangoon – Bangkok – Saigon – Hanoi – Hong-Kong (d’où l’on peut se connecter à
la ligne trans-Pacifique de la PAA, qui va jusqu’à San Francisco par les Philippines, Guam et
Honolulu). Suivant l’horaire d’Air France d’avant-guerre, départ le jeudi à 12h00, arrivée le
mercredi suivant à Hong-Kong (ou le lundi soir à Saigon). A partir de mai 1941, il faudra
contourner la Thaïlande : Rangoon – Alor Setar – Singapour - Saigon avec une dérivation
Singapour - Batavia. Un service bihebdomadaire dans les deux sens demande 9 avions ; pour
un service hebdomadaire sans dérivation vers Batavia, il faut 5 avions.
(iii) Ligne Sud-Américaine (ex-Aéropostale). Elle relie Natal à Santiago du Chili, via Rio et
Buenos Aires. Il faut 2 avions en plus des 2 D-333.
(iv) Ligne Sud-Américaine complémentaire : Natal – Saõ Luis – Cayenne – Georgetown –
Fort de France – Pointe à Pitre (en 3 jours). Une rotation hebdomadaire : 1 avion.
(v) Ligne Sud/Nord Américaine complémentaire : Natal – Saõ Luis – Cayenne – Georgetown
– Caracas – Kingston – Miami – Nouvelle-Orléans – Corpus Christi – El Paso – Phoenix –
Los Angeles – San Francisco (en 6 jours). Cette ligne permet de se connecter au réseau
américain (Miami) et de joindre Mexico (Corpus-Christi – Mexico est assurée par une
compagnie mexicaine). Une rotation hebdomadaire : 5 avions.
Ce réseau occupe donc 20 D.338 (et les deux D.333 survivants) pour deux liaisons
hebdomadaires vers l’Extrême-Orient. En tenant compte des révisions nécessaires qui
obligent à avoir un volant d’au moins deux avions, Air France explique à l’Armée de l’Air
qu’il ne reste à la fin de l’été 1940 que 5 D.338 disponibles (en comptant les deux qui lui
appartiennent !) pour une affectation dans un groupe de transport.
Il faudra bien aller chercher du matériel supplémentaire Outre-Atlantique.
Les transports Farman
Les Farman 220.0 et 222.0, cousins à vocation postale des bombardiers, sont toujours en
service sur le trajet Dakar-Natal de la Ligne d’Air France vers l’Amérique du Sud (exAéropostale). Même s’ils ont accumulé nombre d’heures de vol et ont grand besoin d’une
révision qui sera difficile à réaliser en Afrique du Nord, il est impératif, pour des raisons
politiques et diplomatiques, de maintenir les communications avec l’Amérique du Sud. Les
élites brésiliennes et surtout argentines montrent en effet une certaine attitude pro-allemande,
qu’il faut contrebalancer par le maintien d’une présence française.
Par ailleurs, il faut développer la liaison aérienne avec les États-Unis. La ligne AlgerCasablanca-Dakar doit donc être prolongée jusqu’à Washington via Cayenne, Caracas et
Savannah (où l’importante usine d’armement destinée à l’Armée de Terre est en
construction). La longueur des trois premières étapes exclut l’utilisation des D.338. Seuls les
Farman ont l’autonomie requise. Air France n’est pas long à réclamer (et obtenir) aussi le
retour dans son giron des trois Farman 223.4 utilisés par l’Aéronavale.
Les avions américains de seconde main
– Boeing 247D
Cinq exemplaires de cet honnête et solide bimoteur (304 Km/h en croisière, 10 passagers sur
1 200 Km) sont achetés auprès d’United Air Lines (1) et de Western Air Express (4), tous au
standard 247D. Ces appareils peuvent assurer les liaisons militaires au Moyen-Orient
(Beyrouth-Le Caire, Beyrouth-Nicosie, Beyrouth-Bagdad), les liaisons vers Khartoum à partir
de Fort-Lamy et même, sous pavillon Air France, un trafic Beyrouth-Ankara et BeyrouthAthènes-Belgrade qui sera diplomatiquement important.
– Douglas DC-2
Cet excellent avion transporte 14 passagers sur 1 610 km. La RAF ayant racheté une bonne
partie de la flotte d’Eastern Air Lines, les Français doivent se rabattre sur cinq avions que la
TWA accepte de vendre au second semestre 1940. Ces appareils très fiables seront utilisés en
priorité sur le réseau africain et pour les liaisons désormais essentielles avec l’AOF et l’AEF,
ainsi qu’avec le Congo Belge.
– Curtiss AT-32A Condor
Ce gros biplan datant de 1933 emporte 12 passagers (ou jusqu’à 1 400 kg de charge
commerciale) sur 1 150 km à 269 km/h. Très facile à entretenir et réparer, il a une faible
charge alaire (70,7 kg/m2) et décolle et se pose dans un mouchoir de poche. L’Armée de l’Air
peut acheter deux exemplaires en juillet 1940, le n°32 à la Yukon Airways et le n°39 à la
TACA (Nicaragua). Tous deux seront précieux pour le soutien logistique aux troupes
engagées en Afrique de l’Est.
– Lockheed 10 Electra
Emportant 10 passagers sur 1 300 km, l’avion est trop petit pour les opérateurs américains.
L’Armée de l’Air achète 10 appareils en août et septembre 1940 (1 tchèque ex-BATA, 5 de la
LOT, 2 de Delta et 2 de Northwest).
– Lockheed 12 Electra Junior
Emportant 6 passagers sur 1 300 km, c’est un avion d’affaires qui convient bien aux liaisons
et à l’entraînement. A l’automne 1940, 8 appareils sont achetés à des propriétaires privés. Par
la suite, 32 “modèles 212” seront achetés neufs à Lockheed comme avions d’entraînement
(pour pilotes et équipages) en remplacements des Goéland.
– Lockheed 14 Super-Electra
Emportant 14 passagers sur 2 300 km, il reste peu rentable pour les compagnies américaines.
Fin 1940, le gouvernement français peut en acheter 9 d’occasion à la LOT (3) et à Northwest
(6). Ces appareils seront déployés sur les trois lignes américaines, libérant 9 D.338, capables
d’emmener plus de passagers… ou 18 parachutistes.
– Lockheed 18 Lodestar
Cette version à fuselage allongé du Super-Electra emporte 18 passagers sur 2 500 km. Le
Lodestar convient bien pour des étapes assez longues avec assez peu de passagers. Avec la
chute du trafic aérien sensible à partir de l’automne 1940, l’Armée de l’Air en rachète 6 entre
novembre 1940 et février 1941 (4 à la PAA, 1 à United et 1 à Continental). Ils remplaceront
les D-338 de la ligne d’Extrême-Orient.
Par la suite, le gouvernement français achètera en prêt-bail 4 avions neufs à Lockheed en
échange de la “compréhension” de l’avionneur sur le dossier des turbocompresseurs des P-38.
Ces appareils seront gréés en transport de personnalités (8 passagers sur 3 200 Km).
Janvier 1941 – La nouvelle organisation du transport aérien
Un compromis est trouvé fin décembre 1940 entre l’Armée de l’Air, Air France et le
gouvernement. Les moyens de transport de l’Armée de l’Air et ceux d’Air France sont mis en
commun au sein d’une structure unique, le TACM (Transport Aérien Civil et Militaire). Cet
organisme a toute liberté pour utiliser Air France comme complément aux GT de l’Armée de
l’Air, regroupés sous l’étiquette “64e Escadre de Transport”, mettre en commun bases et
mécaniciens dans le monde et gérer les échanges d’avions pour faciliter l’entretien et/ou
renforcer les capacités de ses différentes composantes. Deux missions claires lui sont
attribuées : desservir les grandes villes de l’Empire et assurer les missions de transport
militaire au profit de l’Armée de l’Air.
Cette nouvelle organisation du transport aérien est formalisée par un décret du 2 janvier 1941
portant création du TACM. Celui-ci est composé de deux sections. L’une, civile, administrée
par Paul Codos, réunit les mécaniciens, avions et navigants d’Air France. L’autre, militaire,
est confiée à Lionel de Marmier. Ces deux branches doivent être chapeautées par un membre
du gouvernement. Le choix se porte sur Laurent Eynac, secondé par Albert Caquot, brillant
conseiller technique. La nouvelle entité est mise en place fin janvier 1941, juste à temps pour
participer à la défense malheureuse de la Corse et de la Sardaigne.
Air France
La compagnie nationale doit devenir, dit le décret du 2 janvier, « un complément aux
capacités de transport propres de l’Armée de l’Air en temps de guerre si besoin est, tout en
assurant en priorité les liaisons aériennes à travers l’Empire. » Afin de créer de nouveaux
groupes au sein de la toute nouvelle 64e Escadre et de moderniser ceux qui existent déjà, tout
avion d’Air France pouvant être utile aux Groupes de Transport de l’Armée de l’Air doit être
réquisitionné. En réalité, seuls un petit nombre d’avions seront vraiment dans ce cas. Le 15
janvier 1941 est publiée une liste des appareils d’Air France portant réquisition des appareils
en question. L’entreprise traînant les pieds, De Gaulle tape du poing sur la table, fixant un
ultimatum de trois jours à la compagnie, avec ce commentaire féroce (rapporté par Lionel de
Marmier en 1945 au journal Les Ailes) : « En temps de guerre, un avion de transport n’est pas
là pour que Monsieur l’Ambassadeur mange du caviar à 3 000 mètres d’altitude, mais pour
emmener nos soldats se battre, nom de D… ! ».
Les avions réquisitionnés sont les suivants :
– Farman type 220 quadrimoteurs (11 machines),
– Bloch MB-160 et dérivés : 3 Bloch MB-160 (à moteurs Hispano) et 2 Bloch MB-161,
– Potez 620 et 621 (17 machines, mais seulement 9 sont encore en état de vol).
En compensation, Air France va recevoir pour ses liaisons les Boeing 247, Lockheed Electra
ou Super-Electra et Douglas DC-2 de seconde main achetés les mois précédents.
Par la suite, des avions modernes, type B-307 Stratoliner, vont s’y ajouter, notamment pour la
création d’une ligne Alger-Boston en passant par Lajes (Açores) avec des appareils à
pressurisation confirmée (B-307 TM, transport ministériel), notamment pour les nombreux
voyages diplomatiques vers les Etats-Unis. Cet achat s’impose en effet, compte tenu de l’âge
des Farman 220. Par chance, la TWA vient d’abandonner 17 options sur cet avion qui est un
succès du point de vue des passagers mais pas selon les compagnies, car son entretien coûte
cher. Sept pourront être terminés pour Air France et trois rachetés à des transporteurs
américains. Un onzième appareil s’y ajoutera : l’avion personnel d’Howard Hughes, qui,
grand seigneur, le cède gratuitement à la France Combattante !
En attendant ces renforts, les Dewoitine 338, une douzaine de Bloch MB-220 (bon avion
bimoteur dans la catégorie du DC-2) et des avions plus légers (les nombreux Caudron 445 et
448 Goéland, également utilisés par l’Armée de l’Air, les Caudron 630 et 634 Simoun et une
dizaine de LeO H-242 et H-242/1) doivent assurer la desserte du réseau africain, jusqu’à
épuisement de leur potentiel. Ils sont complétés par les six hydravions LeO H-246 pour la
ligne Dakar- Natal, pour laquelle Air France peut également compter sur le Laté 522 (Ville de
Saint-Pierre) 1 et les trois Farman 223.4 (Camille-Flammarion, Urbain-Le-Verrier, JulesVerne), restitués par la Marine Nationale après la campagne de Libye 2.
A l’échelle de la planète, l’Armée de l’Air et Air France doivent mettre en commun bases et
mécaniciens, pour créer un maillage permettant de mettre en place un réseau aussi complet
que possible. Cinq grandes zones d’activité sont délimitées et les avions répartis en
conséquence : Atlantique Nord, Atlantique Sud, Afrique et Méditerranée, Proche-Orient et
Extrême-Orient.
La 64e Escadre de Transport
L’escadre a été mise sur pied avec quatre groupes lors de la réorganisation de l’Armée de
l’Air en Afrique du Nord. En février 1941, elle passe à six groupes.
– Les groupes de transport au 1er septembre 1940
GT I/64 – Transport long-courrier, avec 8 Farman 223.3 et 1 Farman 222 (bombardiers
quadrimoteurs convertis, auparavant utilisés au sein des GB I/15 et II/15).
GT II/64 – Transport moyen-courrier, avec 12 Bloch MB-210 et 6 en dépôts (bombardiers
bimoteurs convertis).
GT III/64 – Transport moyen-courrier, avec 15 Bloch MB-210 et MB-200 convertis.
GT IV/64 – Transport moyen-courrier, avec des avions d’Air France : 9 Bloch MB-220
(bimoteurs) et 11 Dewoitine D.338 (trimoteurs). En fait, seuls 5 D.338 étaient disponibles au
1er septembre, les autres sont arrivés progressivement, au fur et à mesure de la mise en service
des Super-Electra sur les lignes d’Air France.
– Les groupes de transport au 15 février 1941
GT I/64 – Ce groupe reste sur Farman 223.3 et 222. Cependant, il est renforcé par 10 Farman
quadrimoteurs civils, ex-Air France, de type 220.0 et 223.4. Effectifs : 19 appareils.
GT II/ 64 – On décide de concentrer tout les vieux Bloch MB-200 et 210 au sein de cet
escadron. Une sélection des machines ayant le meilleur potentiel est effectuée, au terme de
laquelle 18 avions restent en service. Effectifs : 18 appareils.
GT III/64 – Dissous le 11 Février 1941 (machines versées au II/64), le Groupe est recréé trois
jours plus tard sur Potez 620 et 650. 11 Potez 620/621 civils complètent 5 Potez 650
survivants de la campagne de France. Ce groupe est affecté au parachutage, reprenant le rôle
de transport des GIA I/601 et I/602 d’avant guerre. Effectifs : 16 appareils.
GT IV /64 – Le rééquipement de ce groupe est réglé par le TACM. Il rend ses Dewoitine 338
à Air France, mais reçoit en échange 11 Bloch MB-220, pour un total de 20 machines.
GT V/64 – Cette unité va connaître une dotation hétéroclite et un destin quelque peu
chaotique. Elle préfigure l’actuel GT Esterel, chargé du transport à long rayon d’action.
Sa dotation est la suivante : 5 Bloch quadrimoteurs de transports (soit les 3 Bloch MB-160,
les 2 MB-161 3 et le bombardier lourd MB-162 4 converti en transport). Le groupe utilisera
1
Militarisé en 39, il a été rendu à l’aviation civile en mars 1940.
Conçus en 1937 afin de servir comme long-courriers transatlantiques pour la compagnie Air France, les
Farman ont été réquisitionnés par la Marine Nationale pour constituer l’escadrille B5. Seul le Jules-Verne a été
militarisé à temps pour participer à la campagne de France, au cours de laquelle il a bombardé Berlin.
3
Le MB 161, première version, est le dérivé logique du prototype MB 160. Il s’en distingue par différentes
modifications de la cellule et le remplacement des moteurs Hispano-Suiza par des moteurs en étoile Gnome &
Rhône. Les deux prototypes seront remotorisés avec des Pratt & Whitney de 1 200 ch.
4
Il a effectué son premier vol le 1er juin puis a été déplacé à Mérignac pour changer les moteurs. Ses
performances sont excellentes pour l’époque (540 km/h à 6 000 m avec moteurs Gnome & Rhône et armement).
Il sera reconfiguré en avion de liaison à grande distance. Sans armement ni blindage et avec une cabine (assez
spartiate) pour 6 passagers, il pourra couvrir plus de 4 000 km à près de 580 km/h, répondant à la nécessité de
2
également les trois derniers Amiot 351/354 en état de marche. Enfin, de manière anecdotique,
les bombardiers prototypes aux performances remarquables, qui ont pu s’enfuir de France
mais n’auront pas de descendance, lui sont affectés en priorité. Citons les Dewoitine D.342 5,
CAO-700 (quadrimoteur), Laté 570 6, Amiot 370, Bloch MB-135… « Dans nos hangars, on
se serait cru au Grand Palais si le Salon de l’Aviation avait eu lieu en 40 ! » témoignera un
mécanicien. Tous ces beaux appareils arriveront rapidement en bout de potentiel, posant dès
juillet 1941 la question du devenir de l’unité. La solution sera trouvée avec l’achat de Boeing
307 militaires obtenus en prêt-bail, les C-75.
GT VI/64 – Bien que le IV/64 ait rendu ses D.338 à Air France, la compagnie les a remplacés
par des Lockheed 14 et 18 de seconde main. Du coup, un nombre croissant de Dewoitine 338
redeviennent disponibles et l’Armée s’y intéresse pour l’entraînement au parachutage. Le
VI/64 est alors créé le 10 février 1941. Sa mission : récupérer tous les D.338 libérés par Air
France. Dès le départ, 18 machines sont disponibles, et leur nombre atteindra 22 en mai 1941
(plus 2 avions en grande révision). Ces appareils seront gréés soit en transports court-courriers
(22 passagers ou 2,4 t de fret sur 800 Km), soit en transports de parachutistes (18), très utiles
pour l’entraînement avant la transformation des LeO-451 en transports et la livraison par la
RAF de Whitley eux aussi convertis, au début de 1942. Ainsi utilisés de façon intensive, les
D.338 survivants seront à bout de potentiel au début de 1943, malgré une remotorisation fin
1941. Ils auront donné à l’Armée de l’Air une capacité de transport loin d’être négligeable,
soit en logistique (au moment des opérations en Grèce), soit pour l’entraînement des
parachutistes.
Ce bref aperçu des temps héroïques du transport aérien militaire français montre que son
histoire n’a pas commencé avec l’arrivée des Douglas DC-3 et des Curtiss C-46 acquis neufs
en prêt-bail en 1942-1943.
maintenir des liaisons avec l’Indochine, mais aussi avec le Pacifique (les DC-4 ne seront pas disponibles pour les
Français avant la mi-43). Il sera remotorisé avec des Pratt & Whitney, comme les MB-161, au début de 1941.
5
Le D.342, enfin mis au point en février 1940, servit d’avion de transport ministériel. Ses moteurs G&R 14N
furent avantageusement remplacés par des P&W Twin Wasp. L’avion était prévu pour des étapes de 950 km (en
tenant compte d’un vent contraire de 50 km/h) avec 24 passagers. Avec un équipement pour huit passagers
”VIP” et des réservoirs supplémentaires, son autonomie pouvait atteindre 2 400 km.
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Ce bombardier B-4 avait été le concurrent malchanceux des LeO-451 et Amiot 351/4, mais il était au point et
fiable (cas unique, ses Hispano 14-Aa fonctionnaient bien). Il fit une courte carrière de transport rapide,
emportant quatre passagers jusqu’à 2 700 km.