Diététique - Almanach du Marin Breton

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Diététique - Almanach du Marin Breton
Almanach 1906 : P. 65
L’EUCALYPTUS
Depuis deux ans, l’eucalyptus est en train de se révéler aux marins-pêcheurs bretons d’une façon frappante. La vogue si rapide et croissant toujours des feuilles et
des fruits de l’eucalyptus mérite assurément quelques détails, à cause des services très
sérieux qu’ils rendent déjà sur nos côtes.
En trois mois de l’hiver 1905,
les « Abris-du-Marin » ont distribué 72.086 bolées chaudes
et sucrées d’eucalyptus.
En trois mois de l’hiver 1905, les « Abris-du-Marin » ont distribué 72.086 bolées
chaudes et sucrées d’eucalyptus ; et près de 100 kilos de ces petits fruits ont été
«chiqués» avec un tel entrain qu’il n’en restait pas trace quelques jours après l’arrivée
des ballots !
L’Œuvre des Abris-du-Marin est très heureuse de voir les marins avec leur grand
bon sens apprécier aussi intelligemment l’eucalyptus ; car, nombreux sont les bienfaits de cet arbre !
En effet, l’eucalyptol, qui est la principale essence contenue dans les feuilles et
dans les fruits de l’eucalyptus, possède des vertus antiseptiques absolument précieuses contre les maladies de la gorge, de la poitrine, des dents, et généralement la
plupart des maladies contagieuses, microbiennes. Les médecins l’ont si bien reconnu
qu’ils ordonnent très souvent ce médicament.
Or, grâce à la générosité d’excellents amis de l’Œuvre, des feuilles et des fruits
d’eucalyptus sont envoyés gratuitement, et en quantité, dans les Abris-du-Marin ;
de telle sorte que, sans aucun déboursé, les pêcheurs peuvent en profiter largement,
ainsi que leurs familles.
Nous attirons l’attention des marins sur les différents modes d’emploi.
1) Les feuilles demandent à bouillir 5 ou 10 minutes dans de l’eau, à la dose de
5 à 8 feuilles par litre. Il faut sucrer à la dose d’au moins deux morceaux par tasse.
Se rappeler que le métal donnant un mauvais goût, il vaut mieux faire bouillir eau
et feuilles dans une casserole émaillée ou en terre. Cette décoction de feuilles doit
être bue très chaude, dans tous les cas de maux de gorge, de poitrine, de fièvres. Elle
se trouve aussi être un remède excellent pour panser les plaies, surtout si elles sent
ulcérées.
Plusieurs marins de notre connaissance ont pris l’habitude de faire la soupe à
l’eucalyptus et en disent merveille. En tous cas, nous ne saurions trop engager les
pêcheurs à avoir toujours à leur bord des feuilles d’eucalyptus pour mettre dans la
cotriade : cela remplacerait avec avantage le poivre qui n’est qu’un irritant.
2) Quant aux fruits, que tant de marins de nos côtes sont si enchantés de chiquer,
ils ont déjà rendu grand service à ceux qui souffraient des gencives, et ils ont guéri
beaucoup de douleurs de dents, sans compter les maux de gorge, les rhumes, etc.,
qu’ils ont soulagés ou enrayés,..
Malheureusement cette pulpe (car c’est la pulpe entourant ce petit gland et non
les graines elles-mêmes que l’on chique) se dessèche en trois ou quatre mois, à moins
qu’on n’y maintienne avec soin de l’humidité ; il est assez difficile, quoiqu’on fasse,
de les conserver juteuses après le mois de juin, et cette particularité en restreint
un peu l’emploi forcément. Aux chiqueurs passionnés du gland d’eucalyptus, nous
conseillons vivement, lorsque ce fruit leur manquera, de chiquer des feuilles. Ils ne
doivent pas oublier que les gardiens des Abris seront toujours heureux d’en donner
à qui en demandera...
Des consultations sérieuses que nous avons obtenues de savants spécialistes, il
résulte que les essences renfermées dans les feuilles et dans les fruits de l’eucalyptus
ne présentent que des avantages curatifs sans aucun inconvénient à doses raisonnables, et surtout dans les proportions où elles sont données par les Abris-du-Marin.
L’abus et les effets nuisibles ne pourraient se produire qu’à des doses infiniment
supérieures, et résulteraient d’une consommation extraordinaire qu’il n’y a pas lieu
de prévoir.
Voilà pourquoi nous nous employons, sans inquiétude aucune, à la propagation
et à l’extension de la vogue de ce bienfaisant produit naturel que le Midi nous offre
en abondance...
Avis à ceux que tourmentent
les puces et les punaises...
Un dernier mot. L’odeur de l’eucalyptus fait fuir les insectes de literie : avis à ceux
que tourmentent les puces et les punaises ; un petit sac de feuilles maintenu entre les
draps, suffit habituellement à en éloigner ces vilaines petites bêtes.
Vous le voyez, chers amis, l’eucalyptus valait la peine d’être propagé parmi les marins ! A vous tous d’en profiter le plus possible...
Almanach 1906 : P. 99
Pourquoi les petits Japonais sont si forts
Le monde entier, depuis deux ans, a suivi avec stupéfaction les exploits des Japonais : ces petits hommes à l’air chétif qui ont triomphé avec une facilité et une
rapidité si extraordinaires de ces hommes magnifiques que paraissent les Russes !
Pourquoi ?... Comment !...
Nous allons essayer d’exposer clairement les principales causes de la supériorité
des Japonais, car les faits qui viennent de se passer en Extrême-Orient sont pour
nous de très précieux enseignements, enseignements dont nous devons profiter.
On a beaucoup discuté, beaucoup étudié, beaucoup écrit à ce sujet, aussi est-il aisé
de résumer les conclusions généralement admises. Nous laisserons de côté les causes
de supériorité morale dont la discussion nous entraînerait trop loin. Nous n’allons
considérer ici que les causes de la force et de la résistance matérielle des soldats et
des marins japonais. Leur force musculaire, leur résistance à la fatigue, leur adresse
incroyable tout cela provient de deux causes : alimentation excellente et intelligente
éducation du corps. Si vous le voulez, examinons de plus près ces deux causes : nous
y trouverons de très utiles leçons pour nous-mêmes.
1° Alimentation. - La nourriture des soldats et des marins japonais se compose
principalement de végétaux, et quelquefois d’un peu de poisson. Pas de viande !
Leurs végétaux, ce sont surtout du riz, certaine espèce de haricots rouges, des choux,
du maïs, des oignons, des patates... La ration journalière du soldat ou du marin
japonais en campagne se compose de 1 kilog. de riz et d’une allocation de six sous
au moyen desquels il achète, suivant les localités, du poisson, du tofou (qui est une
sorte de pâte de haricots), des choux, des raves, des oignons, des concombres, de la
confiture, des fruits, de la pâtisserie. La boisson habituelle est le thé ou simplement
de l’eau. Quelques-uns boivent, à l’occasion, du saki (ou alcool de riz), mais ils en
boivent infiniment moins que les Européens ; il y a là un penchant dangereux que
l’intelligent Empereur du Japon va combattre très énergiquement, ne sera-ce que
pour donner une fois de plus l’exemple aux gouvernements soi-disant civilisés.
On vient de le voir, la nourriture du Japonais se compose de végétaux, de farineux,
quelquefois de poisson et rarement de viande. Les savants du Japon regardent ce
genre d’alimentation comme le meilleur. Le gouvernement japonais qui a donné,
depuis vingt ans, des preuves de si haute sagacité et de si adroite initiative, en sachant
imiter tout ce qu’il y avait de bon chez les Européens, s’est bien gardé d’introduire
l’usage de la viande au Japon : il a compris que les qualités précieuses de la race
japonaise doivent être attribuées pour une grosse part au régime végétarien et, qu’assurément, elles en dépendent.
Ceci démontre, avec la dernière évidence, la sagesse de ce que nous n’avons cessé
de vous répéter, chers amis, et que nous vous rappelons encore une fois : « Restez
fidèles à votre nourriture habituelle : mangez du poisson, qui est un merveilleux
aliment à cause du phosphore vital qu’il contient, mangez des farineux (lentilles,
pommes de terre, avoine, froment, haricots, pois, blé noir, riz, etc.), mangez des
aliments gras tels que beurre, huile, lard, etc.; quand vous le pouvez, régalez-vous de
pommes, de lait, d’œufs... mais ne vous figurez pas que la viande est nécessaire pour
fortifier ; ne la regrettez pas sur votre table. » Nombre de riches s’aperçoivent enfin
que beaucoup de leurs maladies sont causées par l’usage fréquent de la viande, et plu-
sieurs constatent que, lorsqu’ils suppriment les viandes de leur régime alimentaire,
leur tempérament, leur santé s’améliorent ainsi que leur caractère. Faites donc bon
profit de ces exemples, chers amis ; consolez-vous bien vite, ô vous tous qui n’avez
pas les moyens de vous offrir habituellement de la viande à vos repas, car, loin d’être
un malheur, c’est un avantage pour vous. Et lorsque par goût, par plaisir, vous vous
en payez, n’oubliez pas qu’elle n’est d’aucune utilité. La plupart des jeunes médecins
sont de cet avis : ils ordonnent plus rarement de la viande, et, très souvent, le régime
végétal.
2° Education corporelle intelligente. - Nous aurions beaucoup à dire au sujet de
l’éducation du corps chez les Japonais, et le cadre de ce livre est bien petit !
Nous devons nous borner à faire ressortir qu’au Japon l’enfant, le jeune homme,
ainsi que l’homme fait sont passionnés pour tous les exercices violents, mais raisonnés, qui y sont en grand honneur.
Au Japon, tout le monde s’entraîne : les luttes, les courses à pied, les exercices de
saut, de nage, sont les grands divertissements. Vous avez sans doute entendu parler
des smô, ces populaires lutteurs de profession qu’on rencontre partout et qui ont
toujours affluence de spectateurs. Mentionnons un genre spécial de lutte, très originale, qui a été inventée par les Japonais : le jiu-jitsu. Le jiu-jitsu est le nom qu’ils
donnent à une sorte de lutte de ruse et d’adresse qui se compose de coups très habiles (assez traîtres d’ailleurs), au moyen desquels on rend impuissant un adversaire
trois fois plus fort que soi. En fait, dans les luttes où le jiu-jitsu est employé on voit
souvent un lutteur énorme terrassé et paralysé par un tout petit Japonais. Nous vous
en reparlerons. Quant aux courses à pied, inutile d’insister : vous savez que, là-bas,
c’est l’homme et non le cheval qui traîne les voitures, les «pousse-pousse» ; aussi, dans
les rues, ce ne sont que gens qui courent : ceux qui traînent les pousse-pousse sont
suivis de nuées de garçons qui courent derrière eux en criant et en s’entraînant. Ces
exercices journaliers développent à un haut degré chez le Japonais non seulement la
force corporelle, l’adresse, la souplesse, la résistance aux fatigues et aux intempéries,
mais aussi l’énergie morale et le courage stoïque. Rusés comme le renard, adroits
comme le singe, souples comme la panthère, ils se font des muscles exercés qui ne
sentent pas la fatigue ; et leur moral, soutenu par la vigueur corporelle, les rend inaccessibles au découragement et à la crainte.
Mais puisque nous cherchons des enseignements à travers la vie et les événements,
nous ne devons pas nous contenter de considérer chez les vainqueurs les causes de la
victoire : examinons aussi, du côté des vaincus, d’où vient leur impuissance et quelle
est la cause de leurs défaites.
C’est là un sujet un peu délicat à traiter. La pauvre Russie est assez déchirée, humiliée, épuisée, pour avoir quelque droit à la discrétion des peuples amis. Mais, d’autre
part, la cause de leur faiblesse, que d’ailleurs tout le monde connait plus ou moins,
nous donne un avertissement si frappant et si précis qu’il n’est pas possible de la
passer sous silence : l’alcool est le bourreau de la Russie ! Les défaites de ce peuple
immense sont le résultat de l’alcoolisme.
Dans toutes les classes de l’empire russe (plus encore peut-être parmi les dirigeants,
et chez les officiers), l’usage effréné de l’alcool a engendré à profusion une insouciance et une paresse insurmontables, une démoralisation effrayante : du haut en
bas, ignorance et avilissement. Il serait trop pénible de citer des exemples, d’énumérer les preuves à l’appui de ce qui précède : le lamentable alcoolisme des Russes est,
hélas, trop connu pour que personne puisse avoir idée de protester... Quant à nous,
ayons au moins la sagesse et l’intelligence, nous qui avons sous les yeux leur plaie
béante, de nous dire : « La cause de tout cet effondrement d’un grand peuple, c’est
l’alcool !... »
Pensons quelquefois à tout cela, chers amis : employons notre énergie et notre
intelligence à détourner les camarades du breuvage traître et fatal... Il s’agit de sauver
de l’avilissement, votre superbe et vaillante race !