Les banques éthiques veulent changer d`échelle

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Les banques éthiques veulent changer d`échelle
Date : 12 MARS 15
Page de l'article : p.28
Journaliste : Sharon Wajsbrot
Pays : France
Périodicité : Quotidien Paris
OJD : 122744
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FINANCE & MARCHES
Les banques éthiques
veulent changer d'échelle
• L'Alliance mondiale pour la banque fondée sur les valeurs se dote d'un fonds
d'investissement pour renforcer les fonds propres des acteurs alternatifs.
BANQUE
Sharon Wajsbrot
[email protected]
Cest un tout nouvel outil dont se
dotent aujourd'hui les 25 banques
de l'Alliance mondiale pour une
banque fondée sur les valeurs
(CABY), le réseau mondial de banques durables créé après la crise
financière. Pour décupler leur
action et propager leur vision de la
finance, ces dernières lancent
aujourd'hui un fonds d'investissement dédié aux banques durables,
qui financent le développement
économique, social ou environnemental. Doté de 40 millions de dollars aujourd'hui, ce fonds vise un
total de I milliard de dollars d'actifs
sous gestion d'ici à 2025.
Changer la finance
Pour les banquiers venus du Danemark, du Bangladesh ou des Etatsunis, qui assistaient cette semaine à
l'assemblée générale de la CABY à
Paris, il était temps de changer
d'échelle. « Avec IOU milliards de
dollars d'avoirs sous gestion, notre
réseau reste encore relativement
restreint, nous voulons tracer une
routepour changer la finance et pour
financer le changement », a fait
valoir Peter Blom, directeur général
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Les performances des banques éthiques
En %, en 2013
Banque éthique
Banque systémique
Ratio prêts/
actifs
Ratio dépôts/
actifs
I
Croissance*
des prêts
Croissance*
des revenus
Pas bousculées par la crise
ROE
'Taux annuel moyen 2009-2013
•LES ÉCHOS» /SOURCE. CABY
de la banque néerlandaise Triodos
mercredi. De fait, si ces acteurs
alternatifs revendiquent une rentabilité sur fonds propres similaire
-voire supérieure - à celle des banques traditionnelles (voir ci-dessus), ils pèsent encore peu face à ces
géants de la finance : au total, le
réseau CABY rassemble 20 millions de clients dans le monde.
En investissant en fonds propres
dans les acteurs émergents - à 60 %
dans les pays en développement et à
40 % dans les pays développés - le
de l'allocation de leurs crédits à leurs
déposants.
Pour son premier tour de table,
l'équipe de gestion du fonds a
convaincu 21 investisseurs iles membres de la CABY qui ont apporté un
total de 16 millions d'euros, mais
aussi l'Eglise suédoise, le « family
office » Skopos Impact Fund
- société d'investissement d'une ou
de plusieurs familles très fortunées ou encore la fondation américaine
KB. Héron qui font partie des plus
importants contributeurs. « II n'y a
aucun fonds public », s'est félicité
Jean-Louis Bancel, président du Crédit Coopératif
nouveau fonds d'investissement du
réseau éthique, baptisé « Saphir »
espèrechangerladonne. «Nousvoulons donner un coup de projecteur sur
ces banques qui financent l'économie
réelle et leur fournir suffisamment de
capitaux pour qu'elles soient à même
de croître », explique Jim Prouty,
directeur général du fonds. Selon la
CABY, 2.000 banques, dont les actifs
s'élèvent à 600 milliards d'euros,
seraient éligibles à ce véhicule
d'investissement. Point crucial : ces
acteurs garantissent la transparence
Pour convaincre ces investisseurs,
Saphir promet un rendement
moyen de 7 à 9 % servi au cours des
sept à dix prochaines années. Mais
surtout, il vante le modèle de la
finance éthique : « Ce secteur est en
croissance de 10% environ et ses revenus sont très stables, ces banques
n'ont pas été bousculées par la crise
financière », assure Jim Prouty. Pour
son prochain tour de table, le fonds
compte profiter de l'élan des investisseurs pour les investissements
durables. Il espère ainsi convaincre
des fonds de pension et des assureurs, mais aussi des établissements bancaires traditionnels de
miser sur la finance éthique. •
COOPERATIF 5359033400505
Date : 12 MARS 15
Page de l'article : p.28
Journaliste : Sharon Wajsbrot
Pays : France
Périodicité : Quotidien Paris
OJD : 122744
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« Les banques prêtent moins aux PME, il faut
que d'autres acteurs prennent le relais »
Comment les banques
durables encaissent-elles
les nouvelles exigences
réglementaires ?
Cette catégorie d'acteurs se définit
structurellement comme des banques traditionnelles qui financent
l'économie réelle, elles sont donc
confrontées aux mêmes défis : la
faiblesse des taux d'intérêt, la révolution numérique ou la régulation.
Maîs si elles sont logiquement
soumises aux mêmes contraintes
prudentielles que tout autre acteur,
elles y sont nettement plus sensibles étant donné leur petite taille.
Aujourd'hui, plus que d'autres
banquiers, nous regrettons l'excès
de réglementation qui ne prend pas
en compte de critères à impact
social ou environnemental.
Ces critères font-ils vraiment
la différence ?
En Europe, les statistiques montrent que les banques traditionnelles prêtent de moins en moins aux
PME, il faut donc que des acteurs
alternatifs, comme les banques
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INTERVIEW
JEAN-LOUIS BANCEL
Président du Crédit Coopératif
coopératives, puissent prendre le
relais. Maîs votre question le montre : il nous faut parvenir à expliquer notre rôle dans le financement
de l'économie réelle, dans les différentes communautés. Si nous sommes des banquiers plongés dans le
monde de la finance, nous avons
aussi une mission de service public.
En France, les banques
durables sont peu audibles
par rapport à d'autres pays
européens. Pourquoi ?
L'exemple du Crédit Coopératif est
révélateur, nous sommes une banque autonome adossée au groupe
BPCE. C'est un élément rassurant
pour les déposants et les épargnants. Ce modèle très jacobin n'est
pas forcément la seule solution
pour fournir aux épargnants des
solutions qui donnent du sens à
leur épargne, maîs le discours
ambiant ne laisse pas de place à des
banques de petite et de moyenne
taille. C'est devenu un dogme qui
prévaut au motif de la stabilité du
système. Au sem de la CABY, nous
cherchons à faire émerger de nouvelles structures. Dans cette optique, l'essor de la banque digitale
offre des opportunités médites.
Est-ce que la loi votée cet été
sur l'économie sociale
et solidaire pourrait changer
la donne ?
Cette loi a permis une reconnaissance juridique de l'économie
sociale et solidaire, et de ses apports
à l'économie réelle. Ce n'est pas
qu'une avancée statutaire, elle a
aussi permis de déflmr des catégories pour que le modèle français se
développe en collaboration avec
des acteurs publics comme la
Caisse des Dépôts et bpifrance. Ces
institutions doivent désormais
activer leur capacité d'entraînement de l'investissement privé dans
ce secteur. Maîs il appartient aussi
aux fédérations, associations et
mutualistes de s'en saisir.
Propos recueillis par S. W.
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