XAVIER MOULIN ET LIONEL BOUTTER
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XAVIER MOULIN ET LIONEL BOUTTER
Design de la transition Dans le contexte péninsulaire Finistérien nous interrogeons les différentes phases de projet d’un design en transition vers une société post pétro-dépendante. Procédant par projets-laboratoire, à la rencontre des chercheurs scientifiques, nous esquissons pour un changement de paradigme source d’innovation. Du transport à la voile au BioHacklab, les collaborations posent les questions fondamentales et bousculent parfois les perspectives. Je vais vous présenter un des axes de recherche qui s’est développé à l’EESAB de Brest, il s’appelle Design de la transition. Le moment de la transition est né il y a déjà plusieurs années en Angleterre avec Rob Hopkins qui s’attache à trouver une solution pour justement transiter d’une société très pétro-dépendante, à une société post-pétro-dépendante, de la façon la plus intelligente, et la plus douce possible. Nous nous posons donc la question du design dans tout ça, les phases du projet de design, à savoir si le design ne peut pas être générateur, ou régénérateur d’autonomie et de résilience. Le point important, c’est que ce changement de paradigme, il existe, il s’opère, après, c’est une question de perception, mais nous pensons que c’est une source d’inno- Journée de Recherche EESAB, 18 septembre 2014, Lorient vation, de créativité, et un champ d’opportunités énorme. Le contexte finistérien et les îles du Ponant sont un peu des laboratoires idéals, parce qu’en fait, sur une île, nous pouvons observer ce qu’on appelle les rétroactions, c’est-àdire depuis la cause à l’effet de façon évidente, et relativement immédiate. Les innovants aussi par nécessité opèrent leur transition un peu en marge, donc des projets inscrits localement, mais aussi évidemment en collaboration et en échange avec des partenaires internationaux. En particulier nous commençons à développer une collaboration avec le Politechnico de Milan qui a un axe de recherche dont les préoccupations recoupent bien les nôtres. Je précise que le Design de la transition est un axe de recherche naissant, qui a démarré cette année sur le site de Brest, donc vous allez voir que les choses sont encore très indéfinies, elles vont se préciser au cours de l’année. Pour le moment Je vais vous présenter nos premières pistes, les rencontres qui se sont effectuées, et les petits projets que nous avons envie de mettre en place. Je vais commencer par les deux projets de résidence : - sur l’Ile Wrach avec le réseau d’artisans vannier local - à l’abbaye de Landevennec avec les moines autour de projets céramiques. L’idée est vraiment de se mettre un peu en retrait, et d’aller vers les communautés qui sont fragilisées, et voir comment nous pouvons ou pas, essayer d’aller vers eux, et préserver ou régénérer un peu de résilience dans ces communautés-là. Nous avons commencé à travailler l’année dernière sur un petit projet dans le cadre de TOWT (TransOceanic Wind Transport). La question de l’échange s’est posée rapidement. Ça n’a pas été simple au début de savoir ce que nous pourrions leur apporter. Rapidement nous avons réalisé que nous pourrions leur apporter nos compétences sur la partie communication pour une meilleure visibilité grâce au design du packaging, toutes ces choses-là. C’était aussi peut-être un peu frustrant, nous avions envie d’aller un peu plus loin, donc c’est un projet qui est toujours en développement. L’année dernière, nous avons aussi travaillé sur un espace lien entre leur expérience maritime et la terre à leur escale. Ce sont des projets très ouverts qui ont donné lieu à plusieurs réalisations : les étudiants ont conçu un triporteur pliant par exemple, une idée vraiment intéressante qui a complètement étonné l’équipe de TOWT parce qu’ils ne s’attendaient pas du tout à ça. D’autres ont conçu des espaces à base de récupération de voiles, de structures impor- DESIGN DE LA TRANSITION DESIGNERS ET ENSEIGNANTS EESAB-BREST 2 6 « XAVIER MOULIN ET LIONEL BOUTTER nous avons lancé plusieurs champs d’investigations, nous découvrons les nouveaux matériaux, et nous essayons de les comprendre par la réappropriation des savoir-faire, des moyens de production, des dialogues qui ont trait à la bio-ingénierie. Nous nous interrogeons sur toutes les questions, pas seulement éthiques, qui se posent autour du bio-mimétisme par exemple, la conception collaborative ouverte, les nouveaux modes de diffusion du projet, etc. Ça fait beaucoup de choses et nous n’avons absolument pas l’intention de tout couvrir dans les champs de la recherche en art et en design. Notre intention en fait est de raconter cette histoire de processus. Il y a un cheminement comme ça qui se fait autour de rencontres, et chaque projet devient la recherche-projet. Chaque projet devient une espèce de petit laboratoire qui va poser des hypothèses et les valider ou pas, et nous avançons comme ça. Il y a une espèce de cycle qui se met en place, et c’est la seule façon parce qu’avec les quelques rencontres déjà faites, nous sentons les trames se tisser, c’est très intéressant. Notre raisonnement est adossé à la recherche scientifique. C’est très important pour nous parce que les méthodes de recherche scientifique nous interrogent, et nous essayons de réfléchir, de nous positionner par rapport à ça. tantes ; et un étudiant a travaillé sur un système de poulie pour pouvoir transporter le fret plus facilement. Donc c’est quelque chose qui est en cours, et nous allons continuer cette année. XAVIER MOULIN ET LIONEL BOUTTER Une autre rencontre avec KAIROS, une cellule de recherche pilotée par Roland Jourdain, qui expertise les matériaux dits biosourcés particulièrement, mais pas seulement, nous a donné une belle opportunité pour réfléchir autour de ces matériaux-là. La collaboration est plus évidente parce qu’à partir d’un matériau ils cherchent des domaines d’utilisation, d’application, et de contextualisation ; et ça, c’est quelque chose que les designers savent faire, donc la collaboration se fait naturellement. C’est aussi une espèce de carrefour qui est vraiment intéressant avec TOWT en particulier, puisque TOWT s’intéresse aussi à ce type de matériaux dans la prospective de concevoir quelque chose à partir de ces travaux de recherche. Il y a aussi d’autres équipes, par exemple une équipe très intéressante qui travaille sur le low-tech, c’est une petite équipe d’ingénieurs qui partent, vraiment en territoire extrême, sur des îles complètement isolées, et ils cherchent à mettre en place des techniques avec les moyens du bord, des systèmes de survie, mais dans la prospective réadaptée en milieux extrêmes. BIOGRAPHIES Xavier Moulin a travaillé en France, en Italie, et de nombreuses années au Japon avant de s’installer en Bretagne. Son travail est en relation directe avec des préoccupations environnementales et se fonde sur des notions telles que le développement durable. La pratique de Lionel Boutter concerne tout à la fois les domaines du design de mobilier, de produits, d’espaces et le graphisme. Il élabore des réponses formelles et spéculatives dans le champ du design industriel et du design de produits à la frontière d’un travail critique, prospectif et plastique. Journée de Recherche EESAB, 18 septembre 2014, Lorient 4 DESIGN DE LA TRANSITION Journée de Recherche EESAB, 18 septembre 2014, Lorient 3 » Et je vais conclure avec le dernier projet parce que c’est celui qui nous a posé le plus de problèmes. Nous avons rencontré le directeur de l’IRENAV (institut de recherche de l’école navale) très enthousiaste par rapport à une collaboration science-design. C’était la rencontre la plus désarmante, et puis, au final, la collaboration va se faire quand même. Rencontre désarmante parce que nous avons eu le plus de mal à expliquer à quoi sert un designer ? qu’est-ce qu’on voulait ? qu’est-ce qu’on cherchait ? pourquoi on était là ? Et en même temps, une rencontre rassurante parce que le directeur décrivant la spécialité de la recherche, la collecte et la modélisation de données sociogéographiques, n’a pas su répondre à ma question : « pourquoi faites-vous ça, à quoi ça sert ? ». Il a dit : « je n’en sais rien ! », alors je me suis dit : « c’est là où nous pouvons faire des choses ensemble » parce que qu’avec notre vision transversale des choses, et cette envie de contextualiser les usages des choses, il y a peut-être quelque chose qui pourra naître avec eux aussi. DESIGN DE LA TRANSITION Tous deux sont enseignants en design à l’EESAB-Brest Nous avons aussi rencontré les Fabriques du Ponant, le Fablab de Brest qui monte un BioHackLab. Qu’est-ce que c’est ? C’est la version des Fab-labs davantage orientée sur la technique du numérique mais vers la biologie.Donc on peut y faire de l’expérimentation biologique, on peut travailler avec de l’ADN, on peut travailler des bactéries, on peut penser et créer des nouveaux matériaux, des biomatériaux à base de bactéries, à base d’algues, etc. Nous allons monter un projet avec eux utilisant une technique de culture qui met en place un cercle vertueux d’eau entre les cultures de poissons, et les cultures de végétaux. L’eau passe de l’un à l’autre, et reforme en rond comme ça les nutriments des poissons, et les plantes, etc. Nous allons développer ce système-là avec eux. Ils souhaitaient déjà mettre en place un prototype dans leurs locaux, et nous allons réfléchir sur la contextualisation encore une fois de ce type de technique.