XAVIER MOULIN ET LIONEL BOUTTER

Transcription

XAVIER MOULIN ET LIONEL BOUTTER
Design de la transition
Dans le contexte péninsulaire Finistérien
nous interrogeons les différentes phases de
projet d’un design en transition vers une
société post pétro-dépendante.
Procédant par projets-laboratoire, à la rencontre des chercheurs scientifiques, nous
esquissons pour un changement de paradigme source d’innovation. Du transport
à la voile au BioHacklab, les collaborations
posent les questions fondamentales et bousculent parfois les perspectives.
Je vais vous présenter un des axes de recherche qui s’est
développé à l’EESAB de Brest, il s’appelle Design de la transition. Le moment de la transition est né il y a déjà plusieurs
années en Angleterre avec Rob Hopkins qui s’attache à
trouver une solution pour justement transiter d’une société
très pétro-dépendante, à une société post-pétro-dépendante, de la façon la plus intelligente, et la plus douce possible.
Nous nous posons donc la question du design dans tout ça,
les phases du projet de design, à savoir si le design ne peut
pas être générateur, ou régénérateur d’autonomie et de
résilience. Le point important, c’est que ce changement de
paradigme, il existe, il s’opère, après, c’est une question de
perception, mais nous pensons que c’est une source d’inno-
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vation, de créativité, et un champ d’opportunités énorme.
Le contexte finistérien et les îles du Ponant sont un peu
des laboratoires idéals, parce qu’en fait, sur une île, nous
pouvons observer ce qu’on appelle les rétroactions, c’est-àdire depuis la cause à l’effet de façon évidente, et relativement immédiate. Les innovants aussi par nécessité opèrent
leur transition un peu en marge, donc des projets inscrits
localement, mais aussi évidemment en collaboration et en
échange avec des partenaires internationaux. En particulier nous commençons à développer une collaboration avec
le Politechnico de Milan qui a un axe de recherche dont
les préoccupations recoupent bien les nôtres. Je précise
que le Design de la transition est un axe de recherche naissant, qui a démarré cette année sur le site de Brest, donc
vous allez voir que les choses sont encore très indéfinies,
elles vont se préciser au cours de l’année. Pour le moment
Je vais vous présenter nos premières pistes, les rencontres
qui se sont effectuées, et les petits projets que nous avons
envie de mettre en place.
Je vais commencer par les deux projets de résidence :
- sur l’Ile Wrach avec le réseau d’artisans vannier local
- à l’abbaye de Landevennec avec les moines autour de
projets céramiques.
L’idée est vraiment de se mettre un peu en retrait, et d’aller
vers les communautés qui sont fragilisées, et voir comment
nous pouvons ou pas, essayer d’aller vers eux, et préserver
ou régénérer un peu de résilience dans ces communautés-là.
Nous avons commencé à travailler l’année dernière sur un
petit projet dans le cadre de TOWT (TransOceanic Wind
Transport). La question de l’échange s’est posée rapidement. Ça n’a pas été simple au début de savoir ce que nous
pourrions leur apporter. Rapidement nous avons réalisé
que nous pourrions leur apporter nos compétences sur la
partie communication pour une meilleure visibilité grâce
au design du packaging, toutes ces choses-là. C’était aussi
peut-être un peu frustrant, nous avions envie d’aller un peu
plus loin, donc c’est un projet qui est toujours en développement. L’année dernière, nous avons aussi travaillé sur un
espace lien entre leur expérience maritime et la terre à leur
escale. Ce sont des projets très ouverts qui ont donné lieu
à plusieurs réalisations : les étudiants ont conçu un triporteur pliant par exemple, une idée vraiment intéressante qui
a complètement étonné l’équipe de TOWT parce qu’ils ne
s’attendaient pas du tout à ça. D’autres ont conçu des espaces à base de récupération de voiles, de structures impor-
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DESIGNERS ET ENSEIGNANTS
EESAB-BREST
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nous avons lancé plusieurs champs d’investigations, nous
découvrons les nouveaux matériaux, et nous essayons de
les comprendre par la réappropriation des savoir-faire,
des moyens de production, des dialogues qui ont trait à
la bio-ingénierie. Nous nous interrogeons sur toutes les
questions, pas seulement éthiques, qui se posent autour du
bio-mimétisme par exemple, la conception collaborative
ouverte, les nouveaux modes de diffusion du projet, etc.
Ça fait beaucoup de choses et nous n’avons absolument pas
l’intention de tout couvrir dans les champs de la recherche
en art et en design. Notre intention en fait est de raconter
cette histoire de processus. Il y a un cheminement comme
ça qui se fait autour de rencontres, et chaque projet devient
la recherche-projet. Chaque projet devient une espèce de
petit laboratoire qui va poser des hypothèses et les valider ou pas, et nous avançons comme ça. Il y a une espèce
de cycle qui se met en place, et c’est la seule façon parce
qu’avec les quelques rencontres déjà faites, nous sentons les
trames se tisser, c’est très intéressant. Notre raisonnement
est adossé à la recherche scientifique. C’est très important
pour nous parce que les méthodes de recherche scientifique nous interrogent, et nous essayons de réfléchir, de
nous positionner par rapport à ça.
tantes ; et un étudiant a travaillé sur un système de poulie
pour pouvoir transporter le fret plus facilement. Donc c’est
quelque chose qui est en cours, et nous allons continuer
cette année.
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Une autre rencontre avec KAIROS, une cellule de recherche pilotée par Roland Jourdain, qui expertise les matériaux dits biosourcés particulièrement, mais pas seulement,
nous a donné une belle opportunité pour réfléchir autour
de ces matériaux-là. La collaboration est plus évidente
parce qu’à partir d’un matériau ils cherchent des domaines
d’utilisation, d’application, et de contextualisation ; et ça,
c’est quelque chose que les designers savent faire, donc la
collaboration se fait naturellement. C’est aussi une espèce
de carrefour qui est vraiment intéressant avec TOWT en
particulier, puisque TOWT s’intéresse aussi à ce type de
matériaux dans la prospective de concevoir quelque chose
à partir de ces travaux de recherche. Il y a aussi d’autres
équipes, par exemple une équipe très intéressante qui travaille sur le low-tech, c’est une petite équipe d’ingénieurs
qui partent, vraiment en territoire extrême, sur des îles
complètement isolées, et ils cherchent à mettre en place
des techniques avec les moyens du bord, des systèmes de
survie, mais dans la prospective réadaptée en milieux extrêmes.
BIOGRAPHIES
Xavier Moulin a travaillé en France, en Italie, et de nombreuses années
au Japon avant de s’installer en Bretagne. Son travail est en relation directe avec des préoccupations environnementales et se fonde sur des
notions telles que le développement durable.
La pratique de Lionel Boutter concerne tout à la fois les domaines du design de mobilier, de produits, d’espaces et le graphisme. Il élabore des réponses formelles et spéculatives
dans le champ du design industriel et du design de produits
à la frontière d’un travail critique, prospectif et plastique.
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Et je vais conclure avec le dernier projet parce que c’est celui
qui nous a posé le plus de problèmes. Nous avons rencontré
le directeur de l’IRENAV (institut de recherche de l’école
navale) très enthousiaste par rapport à une collaboration
science-design. C’était la rencontre la plus désarmante, et
puis, au final, la collaboration va se faire quand même.
Rencontre désarmante parce que nous avons eu le plus de
mal à expliquer à quoi sert un designer ? qu’est-ce qu’on
voulait ? qu’est-ce qu’on cherchait ? pourquoi on était là ?
Et en même temps, une rencontre rassurante parce que le
directeur décrivant la spécialité de la recherche, la collecte
et la modélisation de données sociogéographiques, n’a pas
su répondre à ma question : « pourquoi faites-vous ça, à
quoi ça sert ? ». Il a dit : « je n’en sais rien ! », alors je me suis
dit : « c’est là où nous pouvons faire des choses ensemble »
parce que qu’avec notre vision transversale des choses, et
cette envie de contextualiser les usages des choses, il y a
peut-être quelque chose qui pourra naître avec eux aussi.
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Tous deux sont enseignants en design à l’EESAB-Brest
Nous avons aussi rencontré les Fabriques du Ponant, le Fablab de Brest qui monte un BioHackLab. Qu’est-ce que c’est ?
C’est la version des Fab-labs davantage orientée sur la technique du numérique mais vers la biologie.Donc on peut
y faire de l’expérimentation biologique, on peut travailler
avec de l’ADN, on peut travailler des bactéries, on peut
penser et créer des nouveaux matériaux, des biomatériaux
à base de bactéries, à base d’algues, etc. Nous allons monter
un projet avec eux utilisant une technique de culture qui
met en place un cercle vertueux d’eau entre les cultures de
poissons, et les cultures de végétaux. L’eau passe de l’un à
l’autre, et reforme en rond comme ça les nutriments des
poissons, et les plantes, etc. Nous allons développer ce système-là avec eux. Ils souhaitaient déjà mettre en place un
prototype dans leurs locaux, et nous allons réfléchir sur la
contextualisation encore une fois de ce type de technique.