Le chien est-il sensible à nos émotions?
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Le chien est-il sensible à nos émotions?
Le chien est-il sensible à nos émotions? Par Anaïs RACCA Docteur en Ethologie, équipe recherche du refuge AVA Il est indispensable de porter attention à l’état émotionnel des personnes qui nous entourent afin de pouvoir s’y adapter. Si untel vous sourit alors vous pouvez le saluer et engager une conversation, s’il fronce les sourcils alors il est peut être préférable de s’abstenir, si vous trouvez votre ami en larmes vous serez tenté de le prendre dans vos bras, etc. Détecter les émotions des autres n’est pas une aptitude propre à l’homme comme le montre les recherches en éthologie. De nombreuses espèces sociales expriment leurs émotions et sont capables de percevoir celles de leurs congénères. Ces études révèlent des similarités dans l’expression des émotions chez différentes espèces mais aussi des spécificités à chacune. Par exemple, les vocalisations aigües sont associées à un état de stress chez la plupart des mammifères. En revanche, le fait de montrer ses dents n’a pas la même signification pour tous. Par exemple, chez les canidés ou certains primates tels que les macaques rhésus, il est utilisé comme un signe de menace alors que chez d’autres primates tels que les macaques de Tonkean, les chimpanzés ou les humains, il est un signe d’apaisement et d’affiliation. Alors, est-il possible pour deux espèces de comprendre les émotions de l’autre ? Le chien est-il capable de comprendre nos émotions ? Les chercheurs se penchent sur la question de la communication entre l’homme et le chien depuis une quinzaine d’années et l’intérêt pour la communication émotionnelle entre espèces est encore plus récent. Dans une étude réalisée en Allemagne, des chiens étaient introduits dans une salle où un expérimentateur se trouvait face à 2 boites opaques identiques. Avant de laisser le chien accéder aux boites pour vérifier si de la nourriture s’y trouve, un expérimentateur regardait à l’intérieur de chacune d’elles tout en exprimant une émotion. Pour l’une, il exprimait de la joie en souriant et en s’exclamant d’un « Oh ! » et pour l’autre, il exprimait le dégout grâce à une moue renfrognée accompagnée d’un « Eww ! ». Les chiens étaient alors lâchés et pouvaient choisir d’aller explorer plutôt l’une ou l’autre des boites. Les auteurs de l’étude ont observé que les chiens préféraient approcher la boite associée à l’émotion de joie que celle associée à l’émotion de dégout. Les chiens testés faisaient donc bien la distinction entre ces deux émotions et pouvaient adapter leur comportement de manière appropriée. Pour aller plus loin les chercheurs ont conduit la même étude mais avec cette fois-ci une différence moins évidente entre les émotions proposées. Pour l’une des boites, l’émotion était la joie, comme précédemment, et pour l’autre l’expérimentateur n’exprimait pas d’émotion. Il se comportait de manière neutre. Dans ce cas ci, les chiens ne présentaient pas de préférence pour l’une ou l’autre des deux boites. Ceci suggère donc que la différence entre ces deux émotions pourrait ne pas être perceptible pour le chien ou qu’il ne prend pas en compte cette distinction. Une autre étude menée en Italie reprit ce paradigme de préférence de boite en incluant cette fois-ci l’émotion de peur. Ici, ils ont pu montrer que les chiens préfèrent approcher une boite associée à une émotion de joie comparé à une boite associée à une émotion de peur. La distinction était également possible entre une émotion de joie et une émotion neutre. Toutefois, ceci était bien plus apparent si la personne exprimant les émotions était le maitre du chien plutôt qu’un étranger. Il est donc probable que le chien apprenne à associer les expressions émotionnelles de son maitre avec une certaine issue, favorable ou non (si mon maitre sourie alors j’ai des chances d’obtenir une croquette, etc.). Néanmoins, cette faculté ne serait pas transposable à tout individu. Si le chien est capable de tirer des informations concernant les émotions de son maitre ou, dans une moindre mesure peut être celles d’étrangers, sur quels signaux se base-t-il ? Est-ce la voix ? Le visage ? Les mouvements corporels ? L’ensemble de toutes ces informations? Des chercheurs ont isolé certains paramètres de l’expression émotionnelle humaine pour pouvoir examiner plus en détail les aptitudes des chiens dans leur perception. Ce sont les informations visuelles sur lesquelles les chercheurs se sont davantage concentrés jusqu'à présent, grâce à l’utilisation de photographies. Une étude anglaise a mis en évidence que les chiens regardent différemment les photographies de visages humains en fonction de l’émotion exprimée. Cette distinction était visible notamment entre les émotions positives (joie) et celles qui ne le sont pas (colère, neutralité). Depuis, d’autres recherches ont également utilisés des photographies pour interroger les chiens sur ces questions. Des chercheurs ont entrainé des chiens à choisir entre 2 photographies présentés sur un mur devant eux, l’une contenant le visage d’une personne souriante et l’autre contenant le visage de cette même personne n’exprimant pas d’émotion particulière. Le chien était récompensé s’il touchait la photographie de la personne souriante. Au départ, les chercheurs utilisèrent des photographies du maitre des chiens. Dans ce cas, la plupart des chiens étaient capables de choisir la bonne photographie, montrant leur capacité de distinction entre les deux types d’émotions. Puis, les chiens furent testés avec des photographies de personnes inconnues. Dans ce cas, les chiens présentaient de bonnes performances, mais seulement si la personne était de même sexe que leur maitre. Encore une fois, la transposition à d’autres personnes ne semble pas évidente, notamment lorsque l’on s’éloigne de ce dont le chien est habitué. En Allemagne, des chercheurs se sont intéressés à l’aspect acoustique de l’expression émotionnelle. Ils ont observé que le ton de la voix lors d’une commande influe sur le comportement des chiens. Si le maitre dit au chien « cherche » avec une voix aigue alors le chien cherchera plus longtemps que si la maitre utilise une voix plus grave. Les émotions sont bien connues pour modifier le ton de la voix, il est donc probable que les chiens puissent percevoir ces variations. Mais comprennent-ils le sens de ces variations ? De futures recherches sont nécessaires pour l’évaluer. Un autre domaine sensoriel qui n’a jusqu'à présent jamais été exploré de manière scientifique concernant la communication émotionnelle entre homme et chien est celui de l’odorat. Ceci est d’autant plus surprenant que c’est justement dans ce domaine que les capacités de perception du chien excellent ! Bien que l’expression « le chien sent que vous avez peur » soit courante, rien ne montre que le chien soit capable de détecter nos émotions sur la base olfactive. Par ailleurs, depuis une dizaine d’années des études menées dans le champ de la psychologie humaine montre qu’effectivement nos émotions portent une odeur. Celles-ci étant détectable et reconnaissables par l’Homme (de manière inconsciente dans la plupart des cas), elles seraient donc très probablement accessible au chien. Mais saurait-il les interpréter correctement ? La communication émotionnelle entre l’homme et le chien n’est pas à sens unique. Sommes-nous capables de comprendre les émotions de nos camarades canins ? En Angleterre, des scientifiques ont présenté à des adultes et des enfants des photographies de faces de chiens présentant diverses émotions. Parmi elles, des chiens avaient une expression particulièrement menaçante, les oreilles en avant, les babines retroussées avec les dents visibles, etc. Pour les adultes le message était très clair, ces chiens n’étaient clairement « pas de bonne humeur ». Mais pour les enfants, les choses n’étaient pas si claires. Parmi les plus jeunes enfants testés (4 ans), plus de la moitié d’entre eux pensaient que ces chiens étaient « contents » et qu’ils pouvaient donc aller le caresser ou lui faire un câlin. Cette erreur d’interprétation est probablement la conséquence d’une analogie avec le sourire humain, suggèrent les auteurs de l’étude. Celle-ci était encore présente chez les enfants jusqu'à 7 ans. Ce type de croyance pourrait expliquer une grande partie des cas de morsure sur les enfants de cette tranche d’âge.