L61AU2_ Margerie H_la détermination verbale
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L61AU2_ Margerie H_la détermination verbale
UFR Langues et Civilisations Pays anglophones Année Universitaire 2011-2012 Licence : d’Anglais Année de licence : 3ème Année Semestre : 2nd semestre Code de UE : L6IAU2 Nom de l’UE : Linguistique La détermination verbale Auteur : Année de création : MARGERIE Hélène 2012 Année de mise à jour : Les cours sont strictement réservés à l’usage privé des étudiants inscrits à l’UFR Langues et Civilisations de l’université Michel de Montaigne de Bordeaux 3. Toute personne qui utiliserait ce document à d’autres usages ou qui en ferait une reproduction intégrale ou partielle sans le consentement de l’UFR Langues et Civilisations de l’université s’exposerait aux poursuites judiciaires et sanctions prévues par la loi. Introduction, rappels Ce semestre sera un peu particulier pour vous cette année si vous receviez les cours de L2 de la FAD l’an dernier. En effet, la détermination verbale était au programme du second semestre de la L2. Un changement de maquette a eu lieu qui est effectif à partir de cette année. La détermination verbale n’est plus traitée en L2 mais en L3. A l’inverse, le programme de l’ancien second semestre de la L3, à savoir la syntaxe de la phrase complexe, est désormais au programme de la L2, au second semestre. Ceci devrait signifier que les étudiants L3 de cette année étudieront de nouveau la détermination verbale (qui correspond effectivement au cours que vous trouverez dans la présente brochure1) mais n’étudieront jamais la syntaxe de la phrase complexe. Cela me semble regrettable pour votre formation d’angliciste, notamment si vous avez l’intention de passer plus tard les concours de l’enseignement. Afin de pallier ce problème qui ne se posera que cette année de transition, je vous propose, si vous le souhaitez, de vous envoyer la brochure de syntaxe, qui correspond au cours magistral que je donnerai aux étudiants assidus de L3. Votre formation d’angliciste serait inévitablement plus complète avec ce cours. Cette proposition s’adresse principalement à ceux parmi vous qui étiez déjà inscrits en L2 à l’université de Bordeaux 3. Si vous venez d’une autre université ou êtes en reprise d’études, la brochure sur la détermination verbale vous donnera suffisamment de travail. De plus, vous serez interrogé sur la détermination verbale (et la modalité ; cf. le cours de Mme Moreau en deuxième partie de semestre) et non pas sur la syntaxe à l’examen terminal. Enfin, le devoir d’entraînement que je proposerai ce semestre portera sur ce même domaine, les temps et les aspects. La syntaxe n’étant pas au programme officiel, nous ne vous interrogerons pas sur cette partie. Si vous voulez consulter la brochure de syntaxe, vous pouvez m’envoyer un courriel à : [email protected]. La FAD ne vous donnera pas de version papier de cette brochure car elle n’est pas au programme. Je répète que c’est un complément pour vous qui nous permet de régler quelques problèmes de passage d’une maquette de cours à une autre. 1. Conseils de travail Il est important de réfléchir aux questions de linguistique de façon régulière. Il faut acquérir des connaissances, disposer d’une métalangue (le vocabulaire technique d’analyse, si vous préférez) suffisante pour ne pas avoir à se contenter de poncifs sur le point de grammaire que l’on vous demandera d’analyser. Bref, n’attendez pas de vous retrouver face au sujet du devoir à remettre pour commencer un travail de fond. Vous verrez que j’ai mis en gras les termes que vous devez absolument connaître et comprendre, les points qu’il est essentiel de retenir. Cela ne signifie pas que vous ne devez retenir que ces éléments mis en relief. Le but est seulement de faciliter votre apprentissage, surtout si vous vous constituez des fiches récapitulatives, ce qui constitue une méthode de travail très recommandée. 1 Il y a quelques ajouts par rapport à la brochure de L2 de 2010-2011, notamment p.33-35, que je vous invite à lire attentivement. 1 2. Bibliographie Vous devez impérativement effectuer un travail complémentaire dans au moins un des manuels mentionnés dans la bibliographie. a) Les ouvrages conseillés sont les suivants : Rotgé, Wilfrid et Jean-Rémi Lapaire. Linguistique et grammaire de l’anglais. Toulouse : PUM, 1991.2 Bouscaren, Jacqueline. Linguistique anglaise. Initiation à une grammaire de l’énonciation. Paris : Ophrys, 1991. Larreya, P. ; Rivière, C. Grammaire explicative de l’anglais. Paris, Longman, 2003 (nouvelle édition). Cette grammaire a été rééditée en 2003 ; si vous avez une ancienne édition, il est inutile d’en acheter une autre. Vous avez certainement utilisé ce manuel en première année ; il constituera un ouvrage de référence indispensable pour tous les points au programme. Toutefois, il n’est sans doute pas aussi complet que les deux précédents qui vous permettront d’approfondir l’analyse de certains points. b) Lectures complémentaires. De nombreuses grammaires et livrets d’exercices existent sur le marché. Il ne faut pas se noyer dans les ouvrages accumulés ; cependant, il peut être utile de se référer à d’autres sources que celles qui sont mentionnées ci-dessus, surtout si vous achoppez sur un point précis ou si vous voulez approfondir vos connaissances sur un point qui vous intéresse plus particulièrement. Répétons que la linguistique est avant tout affaire de réflexion, de remise en question d’idées reçues sur le fonctionnement de la langue, de questionnement, aussi est-il utile de pouvoir disposer d’éclairages différents sur un même problème. Les titres qui sont indiqués sont tous accessibles facilement en bibliothèque. - Souesme, J.C. 1992 Grammaire anglaise en contexte. Paris, Ophrys. Grammaire très complète, d’une grande utilité sur tous les points au programme, et en particulier pour le deuxième semestre. 2 Ne vous laissez pas rebuter par l’épaisseur de cet ouvrage ; il contient des chapitres qui ne vous concerneront pas cette année. Je le conseille vivement car il est très clair, évite le jargon (même si vous ne pouvez pas faire l’impasse sur la métalangue) et propose de nombreux exemples. Les étudiants en sont généralement très satisfaits. De plus, il vous sera utile tout au long de vos études d’anglais, notamment si vous souhaitez passer les concours de recrutement des enseignants (CAPES et/ou agrégation). 2 - Busuttil, P. ; Roques-Frampton V. 1997 Exercices de grammaire anglaise, réflexion et application. Cahiers 128, Paris, Nathan Université. Des exercices commentés pour un travail de révision. - Larreya, P. ; Watbled, J. Ph. Linguistique générale et langue anglaise. Paris, Nathan Université (collection 128), 1994. Pour les curieux et les bûcheurs, ainsi que ceux qui souhaitent approfondir des connaissances théoriques sur les différentes écoles de pensée linguistique et se forger une « culture linguistique ». A cette liste, il faut ajouter un dictionnaire unilingue qui vous donnera des renseignements sur la nature des mots à analyser. Je vous conseille le Longman qui possède des language notes sur un certain nombre de marqueurs (cherchez par exemple « modals »). Bien sûr, si vous possédez déjà un (bon) dictionnaire unilingue auquel vous êtes habitué, il n’est pas indispensable d’en changer. - Longman Dictionary of Contemporary English. London, Longman. ou - Oxford Advanced Learner’s Dictionary, Oxford. 3. Méthodologie de l’analyse Il n’y a pas, bien sûr, une seule façon de rédiger un devoir de linguistique. Ce sera à vous de trouver la vôtre, en fonction du point à étudier, du contexte, etc. Avant de commencer votre étude, il faut soigneusement observer l’énoncé dans lequel est inséré le segment à analyser, et observer le contexte. Ensuite, vous commencerez par décrire ce que vous voyez, c’est-à-dire les agencements des marqueurs. Ex : vous devez analyser le groupe verbal souligné dans l’énoncé suivant : A woman was cleaning her step. He went up to her. Vous direz dans la description que le groupe verbal was cleaning est constitué de l’auxiliaire BE portant le suffixe flexionnel du prétérit –ED, suivi du verbe lexical clean portant le suffixe flexionnel –ING. Nous avons donc affaire à une forme auxiliée BE-ING dont il conviendra de justifier l’emploi dans l’analyse. On s’interrogera également sur l’emploi du prétérit (marque portée par l’auxiliaire). Ce groupe verbal a pour sujet le GN a woman et est suivi d’un GN COD du verbe transitif direct clean, i.e. her step. Il faut ensuite se poser des questions, identifier le problème linguistique qui se pose. En observant l’énoncé en contexte, on remarque que le prétérit en BE-ING contraste avec le prétérit simple (went) employé dans l’énoncé suivant. On pourra ainsi se demander quelle est la valeur de ce prétérit en BE-ING, en essayant de lui substituer une forme de prétérit simple (a woman cleaned her step). On appelle cela une manipulation : on manipule le(s) marqueur(s) à étudier avec un autre afin de comprendre la valeur qu’il(s) prend(/prennent) dans un contexte précis. Il faudra dans un premier temps se demander si l’énoncé obtenu est 3 grammatical3 et, le cas échéant, ce qui le différencie d’un énoncé avec une autre forme, ici un prétérit simple (cleaned). En d’autres termes, la question que vous devez envisager est la suivante : pourquoi l’énonciateur (que vous aurez déterminé, soit dit en passant. Il s’agit ici du narrateur) a choisi d’employer cette forme verbale et non une autre qui aurait pu convenir, du moins au niveau grammatical ? Vous ne manipulerez pas le marqueur à étudier avec n’importe quel autre ; vous essaierez de proposer une manipulation pertinente qui vient appuyer votre analyse du segment souligné. Ces différentes manipulations vous conduisent à proposer une analyse du marqueur souligné. Par rapport à l’exemple proposé cidessus, il conviendra de justifier l’emploi du prétérit (on pourra ainsi parler de la valeur de décalage par rapport à un repère, T0 ici ; cf. infra) et de la forme auxiliée (= avec auxiliaire) BE-ING (renvoi à une activité, point de vue interne au procès, valeur d’ouvert, etc.). Je vous renvoie aux corrigés proposés à la fin de cette brochure pour plus de détails. Pour résumer, les étapes par lesquelles il est conseillé de passer pour bâtir un commentaire sont les suivantes : ⇒ OBSERVATION (PRISE EN COMPTE DU CONTEXTE) ⇒ DESCRIPTION ⇒ IDENTIFICATION DU :(/DES) PROBLÈME(S) ; QUESTIONNEMENT ⇒ MANIPULATIONS, GLOSES4 (SUBSTITUTION, EFFACEMENT, ETC.) ⇒ ANALYSE Dans l’immédiat, il se peut que toutes ces remarques vous semblent floues. C’est normal, vous n’avez pas encore découvert le cours. Toutefois, il est essentiel que vous vous y reportiez une fois que vous maîtriserez le cours et que vous souhaiterez faire un devoir d’entraînement, ou même avant, lorsque vous étudierez quelques-uns des corrigés de devoirs proposés à la fin. Les devoirs des étudiants présentent très souvent un défaut de méthodologie (même les devoirs des étudiants présentiels). C’est la raison pour laquelle j’insiste sur la nécessité de revenir plus tard sur ces conseils méthodologiques afin de bien avoir en tête, le jour de l’examen, la démarche que l’on attend de vous. Même si, je le répète, il n’y a pas de devoir type, il est inconcevable, par exemple, de ne pas proposer de description du segment à étudier. C’est cette description qui met en lumière les problèmes linguistiques à traiter. Cela peut sembler évident mais je me permets toutefois d’ajouter que le bon sens veut que la description apparaisse au début et non à la toute fin du devoir. 4. Conseils pour rédiger vos devoirs 3 Un astérisque * est employé devant un énoncé pour signaler que celui-ci est mal formé, agrammatical ou irrecevable. Le point d’interrogation ? placé devant un énoncé signale un énoncé douteux, difficilement recevable ; vous pouvez utiliser le point d’interrogation lorsque vous avez un doute sur la recevabilité d’un énoncé que vous aurez manipulé. 4 Une glose est une reformulation explicative. Par exemple on pourra gloser may dans certains contextes par « It is possible that ». Une traduction commentée peut constituer une glose, mais attention, une traduction qui ne vient pas s’articuler sur votre explication est à proscrire ; au mieux elle ne servira à rien ; au pire elle pourra révéler une incompréhension du texte si elle est erronée. 4 Les devoirs sont rédigés en français. Veillez à la clarté de vos commentaires, relisezvous pour éviter de laisser trop de fautes d’orthographe. Pensez que votre devoir va être lu par le correcteur, facilitez-lui la tâche en ponctuant correctement, et en n’oubliant pas les accents (aigu et grave, notamment). Il est très agaçant (et par conséquent mauvais pour la note !) d’avoir à faire soi-même tout un travail de correction avant de pouvoir se concentrer sur le contenu. Evitez les fautes classiques et particulièrement urticantes à auxiliaire (un seul <l>), énonciateur, énoncé, notamment, événement (accent aigu sue le second <e> et non accent grave), nous avons affaire à, occurrence (deux <c> et deux <r>). Le verbe renvoyer est un verbe du 1er groupe et à la troisième personne il s’écrit : il renvoie (et non il renvoit). Les citations (même s’il s’agit d’un seul mot) doivent être soit soulignées ou entre guillemets (elles sont en italiques dans un texte imprimé ; je ne les souligne donc pas dans le cours). Par exemple, vous écrirez : Les substantifs smell et coffee sont précédés de l’article défini the, seule trace de détermination. (Corrigé du devoir n° 2, 11 avril 1997) Vos démonstrations doivent être argumentées ; ménagez des transitions, enchaînez l’explication sur la description. Méfiez-vous du mot donc qui est souvent une solution de facilité pour passer d’une idée x à une idée y qui n’a aucun rapport de sens avec elle. Vous devez considérer que votre correcteur ne sait pas à l’avance ce que vous allez écrire : évitez les explications trop elliptiques, et surtout expliquez, définissez tous les termes techniques que vous employez. Si vous dites : « l’article the a une valeur anaphorique », cela ne suffit pas, vous n’avez encore rien expliqué. C’est la démarche inverse qui est intéressante : au terme d’un raisonnement, montrer que le fonctionnement est anaphorique et aboutir à l’étiquetage après cette démonstration. Ce point est essentiel, c’est la raison pour laquelle je le mets en exergue. Trop de devoirs se contentent d’accumuler des termes linguistiques sans proposer aucune définition. Il est ainsi impossible de vérifier que vous maîtrisez ces termes et comprenez véritablement ce que vous avez lu dans la brochure. Ne vous contentez pas non plus de rester au niveau théorique. Il faut bannir la récitation de cours. Votre point de départ est le texte qui vous est soumis. Ce qu’on attend de vous, c’est que vous utilisiez le cours à bon escient afin de justifier l’emploi de tel marqueur dans tel énoncé spécifique, figurant dans tel texte spécifique. Vous partez donc du texte et vous vous servez du cours pour l’analyse d’un segment particulier. En aucun cas vous ne partirez de vos connaissances pour éventuellement, si vous n’avez pas alors oublié le texte, les confronter au segment à étudier. Dernier conseil : soignez la rédaction, écrivez de manière lisible, éviter les ratures. Bon courage ! 5 CHAPITRE 1 – LA DÉTERMINATION VERBALE Dans l’étude de la détermination verbale, nous nous intéresserons en particulier aux temps et aux aspects. Déterminer, c’est délimiter, caractériser, préciser. La détermination verbale, comme la détermination nominale, va entrer en jeu dès lors qu’un énoncé en situation est construit. On passera alors, avec un verbe, d’une notion prédicative, par exemple EAT à la construction d’un prédicat, qui portera des marques de temps et d’aspect : (1) There was a time when she ate nothing but fruit. En (1), la marque de temps est le prétérit (-ED) et on a affaire à un aspect dit zéro (cf. infra). Il importe d’être rigoureux dans l’emploi des termes « temps » et « aspect ». Vous confondez souvent les deux, ou plutôt ne les distinguez pas l’un de l’autre. Ainsi, il est impropre de dire : « le temps utilisé est le present perfect. » Cela n’a pas de sens parce que le present perfect n’est pas un temps. En effet, les marqueurs du present perfect (l’auxiliaire HAVE et la marque du participe passé –EN) donnent une indication de temps (le présent porté par HAVE) et une indication concernant l’aspect (on verra plus tard ce qu’on entend par aspect). Lorsque l’on parle de temps, on fait référence au temps grammatical (tense en anglais). L’anglais ne dispose que de deux temps grammaticaux : le présent et le prétérit5. A ces deux temps grammaticaux correspondent trois temps chronologiques (time) si l’on souhaite localiser un procès dans le temps6 : passé, présent ou futur, mais il n’y a pas toujours correspondance entre le temps chronologique (time) et le temps grammatical du verbe (tense). Ex : (2) The train to Paris leaves at 4.30. Le verbe leave porte la marque du temps grammatical (tense) présent et pourtant le départ du train est situé dans le futur (time) par rapport au moment d’énonciation, noté T0, qui est le moment où l’énonciateur7 (celui qui prend en charge l’énoncé, celui qui est à l’origine des divers repérages temporel, aspectuel, etc.), énonce (2). Rappelez-vous que vous devrez toujours situer le moment de réalisation d’un procès par rapport à un repère temporel. Celui-ci pourra être T0, un repère antérieur à T0 (situé dans le passé, donc), noté T-1, T-2, etc., un repère postérieur à T0 (situé dans le futur) noté T1, T2 etc. J’ai parlé de « procès » mais qu’entend-on par ce terme ? On appelle procès ce qui est exprimé par le verbe. Vous avez sans doute pris l’habitude de dire qu’un verbe exprime une action. Or, on sait bien que les verbes ne renvoient pas seulement à des actions. Prenons un 5 Attention à l’orthographe : prétérit en français ; preterite en anglais. Ce n’est pas là le seul rôle des temps grammaticaux. Le prétérit, par exemple, peut être employé afin de marquer un décalage non pas temporel mais modal. Voir la partie sur le prétérit simple (p. 19). 7 Nous utiliserons le terme d’énonciateur pour un sujet qui produit un énoncé, c’est-à-dire pas seulement des phrases dont la syntaxe est régie par des règles immuables, mais un discours (une unité d’expression) plongé dans une situation particulière. 6 6 exemple: My sister knows the director. Le verbe know ne décrit pas une action. Il s’agit d’un verbe de cognition (cf p.11). Par son sémantisme, il a une valeur d’état. D’autres verbes indiquent un dynamisme. Ce sont des verbes de processus. On distinguera donc au sein des verbes ceux qui expriment un procès-état et ceux qui expriment un procès-processus. Le procès-processus implique le passage d’un état à un autre. Ex : He died ; he left the room. Avec un procès-état, on n’envisage aucun déroulement du procès. Ex : he is dead; the bottle contains whisky ; she likes cooking. Les verbes d’état marquent l’existence de quelque chose ou bien expriment un contenu de perception, de savoir, ou de croyance. Un procès peut se représenter par un intervalle bornable : G D Le procès-processus a une borne à gauche et éventuellement une à droite (autrement dit un début et éventuellement une fin. Ex : She did the cooking). Dans le cas d’un procès-état, l’intervalle n’est pas intrinsèquement borné. Un procès-état n’a ni début ni fin (ex : she’s very tall). Il est impossible de représenter cet événement par des bornes de début et de fin. Après cette explication à propos du terme procès, revenons-en aux temps. Le temps grammatical présent se caractérise par l’absence de désinence (c'est-à-dire de terminaison) sauf à la troisième personne du singulier où l'on trouve un -S à la fin des verbes (Ex : she eatS too much). On symbolise ce temps présent par un zéro barré (Ø) pour montrer que ce qui caractérise ce temps, c'est l'absence de marque, de désinence. Dans l’exemple she eats too much, on ajoutera la marque –S de la 3ème personne du singulier ; les marqueurs de détermination verbale seront donc dans ce cas : Ø +-S. Le prétérit se caractérise par la désinence -ED. C’est un symbole. Il va sans dire que tous les verbes ne prennent pas une marque orthographique -ED au passé. Mais on dira que, dans l’énoncé I ate too much, le verbe ate se décompose en EAT + -ED. (C’est l’occasion de rappeler l’absolue nécessité, à votre niveau, de connaître les verbes irréguliers.) L’aspect permet d’exprimer un point de vue de l’énonciateur sur le déroulement d’un événement. L’aspect est la manière dont l’énonciateur exprime sa façon d’envisager le procès. Il peut s’intéresser : Au début du procès (ex : il commenca à écrire une lettre) Au milieu du procès (ex : il est en train d’écrire une lettre) A la fin du procès (ex : il finit d’écrire une lettre) Au procès dans son intégralité (ex : il écrivit une lettre) A ce qui suit le procès, son résultat (ex : il a écrit une lettre) Nous verrons que les formes simples (présent simple, prétérit simple) indiquent que l’énonciateur considère le procès en dehors de tout point de vue particulier (on parle d’aspect zéro ou aoristique). A l’inverse, les formes auxiliées (= comportant un auxiliaire, BE ou 7 HAVE) BE+ V-ING et HAVE+ V-EN indiquent que l’énonciateur considère le procès par rapport à un point de vue particulier, qu’on précisera ultérieurement. Remarque : D’autres éléments que des éléments verbaux peuvent marquer l’aspect : particules (up dans drink up indique la complétude) ; adverbes (continually, often) ; verbes lexicaux (stop, begin, continue). On parlera dans ce cas d’aspect lexical (par opposition à l’aspect grammatical marqué par des marqueurs grammaticaux, BE-ING et HAVE-EN en l’occurrence). 8 LES TEMPS I- LE PRÉSENT SIMPLE L’emploi du présent simple en anglais signale que la relation prédicative est déclarée (par l’énonciateur) validée, vérifiée, vraie. L'énonciateur se contente de valider la relation entre le sujet et le prédicat, en présentant ce qu’il dit comme une vérité en soi, indépendante de tout point de vue particulier. Rappel : Une relation prédicative est une relation qui relie un sujet à son prédicat. Le prédicat est le verbe à la forme nue, sous forme de base verbale (donc dénué de toute marque de temps, d’aspect, de modalité et de voix) et ses arguments compléments (COD, COI). On note la relation prédicative RP ou S/P (Sujet/Prédicat). Dans une phrase telle que He sold his car, on dira que la RP est : he/sell his car. Attention : ne confondez pas prédicat et relation prédicative. Le prédicat est ce qu’on dit à propos du sujet. Il s’agit ici de <sell his car>. La RP, elle, inclut le sujet, he, puisqu’il s’agit d’une relation entre le sujet et le prédicat. On peut distinguer les emplois du présent simple en contexte spécifique (où le procès est rattaché à une situation particulière) de ceux en contexte générique. 1. Emploi générique Le procès n’est pas lié à un moment précis. Cet emploi a plusieurs valeurs possibles selon le contexte. Il est important de pouvoir les distinguer. Vous trouverez ci-après quelques exemples de valeurs principales qui vous aideront à vous repérer. Cependant, ne voyez pas en ces valeurs des cases bien étanches. Servez-vous en de repère, et gardez toujours à l’esprit l’idée selon laquelle l’emploi du présent simple signifie, de manière générale, que la relation entre le sujet et le prédicat est déclarée vraie par l’énonciateur. 1.1 La qualification du référent du sujet Attention : Quand on parle de 'sujet', on désigne un mot dans une phrase, et non une chose ou une personne. Si on dit 'George smokes too much', le sujet de cette phrase est 'George', mais celui qui fume est le vrai George, l'homme que le mot 'George' désigne. Il faut donc distinguer le mot de son référent, c'est-à-dire l'objet (la personne, etc.) du monde auquel le mot fait référence. Le présent simple permet dans certains cas de qualifier le référent du sujet. Il est employé avant tout pour indiquer une propriété du sujet, une caractéristique permanente8 qui lui est attribuée : 8 J.C. Souesme pp 57-58. 9 (3) She works at Bloomingdale’s. Le prédicat <work at Bloomingdale’s > permet de définir le référent du sujet de l’énoncé (She), sans qu’un lien avec une situation d’énonciation soit créé (il s’agit donc d’un emploi générique et non spécifique). Rappel : la situation d’énonciation est définie par un énonciateur (la source origine des différents repérages effectués, qui peut être le locuteur), un moment d’énonciation noté T0 et un lieu d’énonciation. Dans l’énoncé suivant, au contraire, le procès < is working > est présenté par l’auteur de l’article de journal comme un événement particulier, exceptionnel, sur lequel il souhaite attirer l’attention du lecteur : (4) About 1,000 of the ERPM miners facing dismissal are from Transkei, a former black homeland. Simbongile Kamtshe, an official of the Transkei Land Services Organisation, says the redundancies are tearing the social fabric of the region every bit as much as apartheid did. "There are households where absolutely nobody is working. Sometimes I go into a house and I don't like to ask when they last ate. It's pathetic. It contributes to a rise in crime. Alcoholism is increasing." (The Guardian Weekly) Avec un présent simple (There are households where absolutely nobody works) le lecteur aurait eu l’impression que le fait de ne pas travailler était une caractéristique du sujet, que le journaliste présentait objectivement. Or la forme aspectuelle en BE + V-ING nous livre le point de vue particulier de l’énonciateur sur le procès. Nous verrons cela plus en détails dans la partie sur l’aspect (il faudra en effet définir ce point de vue plus précisément). Notez toutefois dès à présent que l’analyse du présent simple se prête souvent à une manipulation avec un présent en BE-ING, pour la distinction qui qui vient d’être faite en termes de point de vue. 1.2 L'habitude Le présent simple est souvent employé avec des adverbes marquant l’itération, la répétition ; il s’agit de la notion « d’habitude », de la valeur fréquentative du présent simple. Il ne s’agit pas d’une propriété du référent du sujet mais d’une vérité générale limitée à un sujet spécifique (à distinguer de la valeur gnomique ou de « vérités générales » qui concerne un sujet générique ; cf. section 1.3). (5) I buy two papers everyday and enjoy them for different reasons. (6) Whenever I watch this film, I cry. L’absence d'auxiliaire (ou plutôt de forme auxiliée, i.e. BE + -ING) permet de ne pas préciser à quel moment le procès se situe, ce qui permet d'insister sur la fréquence du procès plus que sur son moment de déroulement. Notez que les compléments de temps (every day et whenever I watch this film) participent à la mise en place de ce sens d’habitude. Ce sont d’ailleurs ces compléments qui nous indiquent une valeur d’habitude, pas le présent simple tout seul. 10 Observez les verbes au présent dans le texte suivant : (7) Eva’s worried about her delightful, overweight nephew. His mother never eats vegetables, his father doesn’t believe in fruit, they live on a diet of fat and starchy foods and go to McDonald’s every Saturday - but she doesn’t want to say anything because she gets on well with the family. I have a friend who is very healthconscious. She forbids her children sweets, or chocolate biscuits, she insists they take sticks of celery in their lunch-box to school instead of crisps, and feeds them baked potatoes, salads, beansprouts, pasta and chicken. No red meat. When the children come round they gorge themselves on all the chocolate biscuits, sweets, crisps and burgers that I keep for them. (The INDEPENDENT 98 Feb 26 / Dilemmas: My nephew is obese and his parents feed him on burgers by VIRGINIA IRONSIDE) Vous pouvez constater l’emploi de marqueurs d’itération (His mother never eats vegetables ; and go to McDonald's every Saturday ; When the children come round) ; le présent simple, indiquant une propriété du sujet, est compatible avec la répétition, l’itération. Il faut bien noter que l’itération est compatible avec tous les aspects : (8) "Hundreds of people are arriving every day as more and more villages get terrorised." (The Guardian Weekly) Cependant l’interprétation que l’on pourra faire d’un présent en BE-ING ne sera pas la même (voir chapitre sur BE-ING). On décèle un point de vue subjectif en (8) absent en (7). Dans l’exemple (7), on peut également noter l’importance de prendre en compte dans l’analyse les types de procès : believe (ligne 2) est un prédicat « mental », associé de façon privilégiée au présent (ou prétérit) simple (i.e. sans BE-ING). Il n’est bien évidemment pas question, ici, d’habitude. L’emploi d’une forme simple (le présent simple, en l’occurrence), se justifie par le fait que les verbes qui expriment un procès-état (psychologique, dans le cas de believe) sont difficilement compatibles avec une forme BE-ING en raison du caractère indivisible, insécable du procès. Ce type de verbe s’associe donc naturellement à une forme simple (présent ou prétérit) qui permet de donner une vision globalisée du procès. C’est le cas en (9)-(10) : (9) She is twenty. (*She is being twenty) / The car is blue. (*The car is being blue) Cependant, dans certains contextes, avec certains adjectifs appréciatifs, par exemple, il est possible de construire des verbes d’état avec une forme en BE-ING. Ex : you’re being stupid. Mais dans ce cas, le verbe ne dénote plus un état ; il devient verbe d’activité. Nous verrons cela plus tard, dans le chapitre sur BE-ING. Remarque sur les verbes de cognition et de perception : Les verbes qui décrivent un état psychologique, un sentiment ou une perception (ex: know, think, love ou feel) sont délicats à analyser, car il n’est pas toujours aisé de déterminer s’ils sont employés de manière spécifique ou générique. (10a) I think you’re right. (10b) Tom thinks Elvis isn’t dead. 11 Il s’agit d’un emploi spécifique du présent simple en (10a). L’énonciateur mentionne une opinion valable à un moment spécifique coïncidant avec le moment d’énonciation T0. I think (something) est asserté par rapport à NOW. Il s’agit d’une annonce purement factuelle. En (10b), l’emploi est générique. L’opinion n’est pas liée à un moment spécifique. C’est une croyance permanente (jusqu’à nouvel ordre, du moins). 1.3 Valeur gnomique Ce mot peu courant, et potentiellement déconcertant, permet en fait de désigner ce que l'on appelle parfois le présent de vérités générales (trans-situationnelles). Prenons quelques exemples: (11) Iron rusts. (12) Water boils at 100°. Il ne s'agit pas d'habitude. Ce n'est pas par habitude que le fer rouille ou que l'eau bout à 100 degrés. Dans l’emploi gnomique du Présent Simple, l'information est présentée comme vraie à tout moment. Cet emploi ressemble à la valeur de qualification du référent du sujet : on pourrait en effet penser qu’en (12), il est dit que l’eau a la caractéristique de bouillir à 100°. Mais l’emploi gnomique s’en distingue toutefois. Le mot gnomique signifie : "qui se présente sous la forme de sentences, sentencieux, qui se présente comme quelque chose de vrai et d'immuable". La différence entre (11)-(12) et (3) (cf. section 1.1) tient au fait que dans une phrase comme she works at Bloomingdale’s, la relation prédicative she/work at Bloomingdale’s n’est vraie (ou validée) que pour un temps limité (mais l’emploi reste générique), à savoir la vie professionnelle du référent du sujet grammatical she, alors que (11)-(12) expriment des caractéristiques vraies de tout temps. Le présent simple est le temps privilégié des dictons (A rolling stone gathers no moss), des vérités générales qui ne sont pas rattachées à une situation particulière : (13) Soon her eye fell on a little glass box that was lying under the table: she opened it, and found in it a very small cake, on which the words `EAT ME' were beautifully marked in currants. `Well, I'll eat it,' said Alice, `and if it makes me grow larger, I can reach the key; and if it makes me grow smaller, I can creep under the door; so either way I'll get into the garden, and I don't care which happens!' She ate a little bit, and said anxiously to herself, `Which way? Which way?', holding her hand on the top of her head to feel which way it was growing, and she was quite surprised to find that she remained the same size: to be sure, this generally happens when one eats cake, but Alice had got so much into the way of expecting nothing but out-of-the-way things to happen, that it seemed quite dull and stupid for life to go on in the common way. (Lewis Carroll, Alice’s Adventures in Wonderland) L’énonciateur n’intervient pas ici car ces vérités générales existent en dehors de lui. D’où la forme simple du présent (au risque de me répéter, un présent en BE-ING n’indiquerait pas un point de vue objectif sur la relation prédicative ; c’est une opposition essentielle entre présent simple et présent en BE-ING). 12 2. Emploi spécifique Bien que le Présent Simple soit prototypiquement générique, il est possible, dans certains contextes, de l’utiliser pour exprimer des procès spécifiques. Voici les principaux cas de figure que l'on peut distinguer. 2.1 Le présent instantané Parfois le présent simple suffit à exprimer ce que l'on est en train de faire. Il y a coïncidence entre l’événement rapporté et le moment d’énonciation, sans véritable description : ce qui a de l’importance est l’information contenue par le procès. Cette forme de présent a une valeur temporelle d’actuel parce que le moment de validation du procès est en relation d’identification (coïncidence) avec le moment d’énonciation. C’est l’emploi typique dans les reportages sportifs, les explications données par un cuisinier qui présente une recette à la télévision (14) ou bien dans les indications scéniques (15) : (14) Now I take the eggs and I break them. Next I add the sugar … (15) Laurel stands up slowly, parodying a somnambulist. Arms extended, as if hypnotized. Walks to heap. With no preparations, he squats down to lift a stone. (Paul Auster, ‘Laurel and Hardy Go to Heaven’ in Hand to Mouth) En (14), le présentateur/cuisinier n'a pas besoin du présent en BE + -ING pour exprimer le fait que le procès est en cours. D’ailleurs BE-ING mettrait l’accent sur l’activité du référent du sujet ; celui-ci serait montré comme engagé dans l’activité de casser des œufs, etc. Or là n’est pas le propos de l’énonciateur. Grâce au présent simple, celui qui parle se contente de mettre des mots sur ses actions. L’énoncé se veut objectif car tout le monde voit bien que le cuisinier casse les œufs et qu'il ajoute le sucre : c’est un fait objectif et indiscutable et pas seulement le point de vue de l’énonciateur. En (14), seul le pur événement compte. Ce qui importe, c’est que la RP soit actualisée. Il y a une immédiateté langue / événement. L’énonciateur ne décrit pas ce qu’il voit (sinon, il utiliserait un présent en BE-ING). Il se contente de valider de manière neutre la relation sujet/prédicat. Ce qui est plus intéressant ici, c’est la succession de procès vus dans leur globalité. Pour des raisons identiques, les commentaires de matchs de football sont faits au présent simple : le commentateur met en mots ce à quoi il assiste en même temps que les spectateurs. La langue « colle à » l’événement. C’est objectif, car tout le monde constate la même chose. Toutefois, il faut voir que ce n'est pas le présent simple qui, à lui seul, permet de situer le procès dans le présent, mais le contexte, ou la situation d'énonciation plus large. Le geste qui accompagne l'énoncé en (14) et l'adverbe now font pencher le présent du côté spécifique. Une fois de plus, le présent simple à lui seul ne dit rien quant au moment de validation de la relation prédicative: il ne permet pas de dire quand l'événement a lieu. Mais allié à une 13 situation spécifique et à certains mots comme l'adverbe now, il reçoit une interprétation spécifique. Votre travail sera donc, entre autres, de repérer les indices qui font pencher la balance du côté du spécifique (ou du générique). 2.2 Emploi retrospectif / Présent Simple de narration Prenons l'énoncé suivant, extrait d’une narration : (16) “I’m a vampire”, I say. “You’re not”, says Cordelia, standing up. (Margaret Atwood, Cat’s Eye) L'anglais emploie le présent parfois dans le but de donner l'impression que ce dont on parle est d'actualité. En (16), il s'agit bien d'un récit de faits ponctuels dans le passé. Chaque procès est inscrit dans une séquence sur l'axe chronologique. L’énonciateur est le narrateur (I). Au moment d’énonciation/de narration, les événements (que l’on croit réels) sont censés être révolus en T0, mais l'utilisation du présent (portée par les verbes en gras) rend le récit plus immédiat et plus informel. Grâce au présent simple, c’est un peu « comme si on y était. » Le présent de narration « présentifie » les événements, il fait comme s’ils se déroulaient sous les yeux du co-énonciateur (lecteur, ici). Les faits sont relatés avec une immédiateté qu’exclut le prétérit (parce que sa valeur centrale, comme nous le verrons, est celle d’un décalage, d’une rupture). 2.3 Emploi performatif On parle d'emploi performatif dans le cas d'énoncés tels que : (17) I declare the meeting open. (18) I promise I won't be late. (19) I now pronounce you husband and wife. On utilise ici le présent simple et non le présent en BE + -ING. Les procès concernés sont instantanés – ils ont lieu au moment d’énonciation (en T0) ; ces énoncés sont donc spécifiques – et pourtant, il ne s'agit plus, comme pour la recette de cuisine ou le match de foot, de se contenter de mettre des mots sur une situation, c’est-à-dire de la décrire de manière objective. Avec l'emploi performatif du présent simple, le procès a lieu dès lors qu’on prononce l’énoncé. Prenons deux exemples pour comprendre : - Quand on dit I break the eggs and I add the sugar (présent instantané), on se contente de dire ce que l'on fait. - Quand on dit I pronounce you husband and wife (présent performatif), on fait quelquechose par la même occasion. En effet, par ces paroles, on marie les gens (pourvu qu'on soit maire, cela va sans dire). Il est important de sentir la différence. Le fait de dire I break the eggs ne suffit pas à casser les œufs. En revanche, le fait de dire I pronounce you husband and wife suffit à mettre en acte les paroles du maire – c'est d'ailleurs le seul moyen par lequel le procès you are now husband and wife puisse se réaliser. On dit donc qu'il s'agit d'un emploi performatif parce que les paroles "performent", c'est-à-dire "font" quelque chose. On résume souvent l'emploi performatif par l’expression "quand dire, c'est faire" (cf. J.L. Austin, How to do things with words.) 14 La question de la performativité est une question philosophique que nous ne pouvons pas traiter de manière approfondie. Nous dirons, pour les besoins de ce cours, que pour qu'on puisse dire que l’acte performatif est réussi, il y a essentiellement trois règles à respecter : (i) Il doit s'agir d'un verbe de discours. Par verbe de discours, nous entendons des verbes qui impliquent un acte de parole. Il s’agit des verbes de la série declare, pronounce, state, promise, request, accept, etc. (Voir Larreya & Rivière 2003, p. 45) (ii) Ce verbe doit être conjugué à la 1ère personne. En effet, si le sujet est autre chose que I (ou we), cela ne peut pas fonctionner. Par exemple: (20) ? Now, the registrar pronounces Charles and Rebecca husband and wife. (iii) Le verbe doit être conjugué au présent simple. Prenons un exemple pour nous en convaincre. Vous êtes l'officier d'état civil qui a marié Charles et Rebecca. Des années plus tard, vous vous souvenez de ce jour en disant : (21) And then, I pronounced them husband and wife. Ce n'est pas grâce à l'énoncé (21) que Charles et Rebecca se trouvèrent mariés. Quand l’énonciateur dit I pronounced them husband and wife, personne ne se retrouve marié. Ce n'est qu'un récit, rien n'est performé, ou mis en acte. De plus, s’il faut le présent simple et non le présent en BE + -ING, c’est parce que, comme on l’a vu, le présent simple est une forme objective qui, en tant que telle, implique un lien étroit entre la langue et le réel (l’énonciateur s’efface au maximum pour livrer le constat le plus proche de la réalité). Or, le performatif, c’est exactement cela : un lien direct entre la langue et le réel puisque dans ces énoncés, c’est l’énoncé lui-même (la langue, donc) qui change le monde. On pourrait ajouter à ces trois critères le fait que l'énonciateur doit avoir l'autorité requise dans le contexte requis (si l’énonciateur n’est pas maire en (19), l’acte performatif échoue). Il y a toutefois controverse à ce sujet. 2.4 Emploi prospectif / Renvoi à l’avenir Le présent simple est une des façons dont l’anglais dispose pour exprimer un (time) futur. Le présent simple ne dit rien sur le moment de validation du procès. Il suffit que le sens du verbe soit compatible avec un futur (comme en (22) ci-dessous) et que la phrase contienne un complément de temps futur (next Friday, at 5, par exemple) pour que le présent simple reçoive une interprétation temporelle future: (22) Next Friday, we leave the office at 5, catch the 6.30 train and arrive in Eton at 79 . En anglais, l’emploi du présent simple (et non d’un présent en BE-ING, de WILL, etc.) pour exprimer un temps chronologique futur se fait lorsqu’un plan a été établi à l’avance, un programme a été défini, comme en (22). Le présent simple permet de donner pour vrai un événement qui n’a pas encore eu lieu mais qui ne saurait manquer de se produire. 9 Exemple emprunté à Paul Boucher et Frédéric Ogée, Grammaire appliquée de l’anglais, Paris, SEDES, 1997. 15 L’énonciateur ne s’implique pas personnellement puisque l’événement à venir s’inscrit dans un emploi du temps, un horaire, etc. Le renvoi à l’avenir peut se faire aussi avec BE –ING, mais avec un degré moindre de certitude. Geoffrey N. LEECH10 donne les explications suivantes : The key to the Simple present as a ‘future tense’ is, then, that it represents FUTURE AS FACT : that is, it attributes to the future the same degree of certainty that we normally accord to present or past events. (…) From this it is an easy step to the Simple Present signifying a PLAN OR ARRANGEMENT REGARDED AS UNALTERABLE : We start for Istanbul to-night. / I get a lump sum when I retire at sixty-five./ Her case comes before the magistrate next week / The Chancellor makes his budget speech tomorrow afternoon. The Simple Present is a ‘marked’ future here also : it carries a special, rather dramatic overtone similar to that of the ‘instantaneous present’. It would weaken the force of the above sentences to substitute the Present progressive : We are starting for Istanbul to-night announces a present plan which may, conceivably, be altered later ; but in We start for Istanbul to-night changing the plan is out of the question. Les choses se compliquent un peu quand on a besoin d'exprimer un futur chronologique dans une proposition subordonnée. Le français utilise sans problème une conjugaison future dans la proposition subordonnée en gras. L'anglais n’a pas de temps grammatical futur. Il ne peut pas d'avantage utiliser le modal WILL dans une proposition subordonnée. L'anglais a recours au présent simple. Il faut essayer de comprendre pourquoi. Dans notre culture, le futur est le temps de l'incertain. On ne sait pas ce qui se passera, quelles relations prédicatives seront validées, quelles relations ne le seront pas. Mais ce n'est pas pour autant que l'on n’a pas besoin de parler de ce moment et de faire des projets sur ce qui arrivera dans le futur. Pour cela, il faut faire comme si quelque chose qui, en réalité n’est pas sûr, est sûr d’arriver. C’est pour cette raison que l'anglais utilise dans sa subordonnée de temps le présent simple, temps dont nous avons dit qu'il est celui de la validation non problématique. Soit l’énoncé suivant : (23) Warning: When I am an old woman, I shall wear purple. (titre d’un livre) On utilise le présent simple dans les circonstancielles de temps parce qu'il permet de dire deux choses à la fois : - Peu importe quand précisément ce procès sera validé. - La relation prédicative [I/be an old woman] est un point de départ valable pour la suite de l'énoncé [I/wear purple] – sa validation ne pose pas de problème, donc à partir de ce repère stable, on peut envisager la validation d’une autre RP, I/wear purple. 10 LEECH, G.N. (1971) Meaning and the English Verb, London, Longman, pp 60-61. 16 Conclusion Derrière cette multitude d’emplois du présent simple, il est possible de déceler une valeur invariante, qui permet d’unifier tous ces emplois. Même si on anticipe un peu, on ne peut comprendre la spécificité du présent simple qu’en le comparant au présent en BE + -ING (vous l’aurez compris d’après les manipulations fréquentes que j’ai faites tout au long de cette première partie). Prenons les exemples (24) et (25) : (24) Iron rusts. (25) This knife is rusting. Ce qu’il faut voir, c’est que l’énonciateur n’a pas obtenu les deux informations de la même manière. Pour affirmer (25), il doit lui-même être témoin du processus. En revanche, sa connaissance du monde (des propriétés du fer) lui suffit pour énoncer (24), même s’il n’a jamais vu de fer rouiller. En fait, (24) peut être paraphrasé par : « Tout le monde sait que le fer, ça rouille », alors que (25) sous-entend quelque chose comme: « Moi, je suis en mesure d’affirmer que ce couteau rouille... je le vois de mes propres yeux. » Le présent simple se veut donc l’expression d’une représentation objective du monde : Je décris la réalité de la manière la plus neutre qui soit, et n’importe qui dans ma situation dirait la même chose. On voit bien que la RP est validée en dehors de tout point de vue particulier. En revanche, le présent en BE + -ING engage davantage l’énonciateur : il se présente comme seul responsable de son énoncé ; le sous-entendu est : « Je présente la réalité telle que moi, je la perçois – de mon propre point de vue ». Le présent en BE + -ING est donc une forme plus subjective puisque, grâce à elle, l’énonciateur donne son point de vue personnel. 17 II- LE PRÉTÉRIT SIMPLE La marque du prétérit est –ED à l’écrit pour les verbes dits réguliers. Rappel : A l’oral, <ed> se réalise de trois façons différentes : - /t/ après une consonne sourde, non voisée : shipped - /d/ après une consonne sonore (voisée) ou une voyelle : poisoned ; shadowed11 - /d/ après les occlusives /t/ ou /d/ : inhibited ; shielded De même que les marqueurs du présent simple Ø/-S, -ED marque une mise en relation du sujet et du prédicat et l’actualisation de cette réalisation. Rappelons qu’actualiser signifie ici donner une réalité à la RP, en asserter l’existence, la considérer comme vraie. –ED (comme Ø/-S) apporte également une indication temporelle : l’énonciateur situe le procès par rapport à T0. Plus précisément, le prétérit simple est employé chaque fois qu’il y a décrochage/décalage/rupture, éloignement par rapport à la situation d’énonciation. Un décalage est établi entre la situation d’énonciation et le procès dénoté par le verbe qui porte le suffixe flexionnel -ED. Le décalage est principalement de deux ordres : temporel ou modal. 1. Décalage temporel/chronologique Le prétérit peut s’employer pour signaler qu’un événement est situé dans le passé, en rupture avec T0 (moment d’énonciation) (alors qu’un emploi spécifique du présent simple signalait une coïncidence entre moment d’énonciation et moment de validation du procès). Ce décalage, cette non-coïncidence peut donner au procès une valeur de révolu. C’est le cas en (26) où un marqueur temporel, yesterday, rend explicite le décalage chronologique : (26) Yesterday the biggest teachers’ union, the National Union of Teachers, rejected the proposal as "an insult to the vast majority of teachers.” (THE GUARDIAN, Monday November 30, 1998) La relation prédicative the biggest teachers’ union/reject the proposal as an insult to the vast majority of teachers est en décalage par rapport à T0: en effet l’événement est révolu, situé antérieurement au présent d’énonciation. NB : même si cela vous semble évident (ce qui ne sera pas toujours le cas), il vous faudra toujours situer la validation d’une RP par rapport à un repère. Autrement dit, il ne faut pas se contenter de dire « ‘la RP a été validée dans le passé », mais dire « dans le passé par rapport à tel repère précis ». En (27), les procès sont également en décalage par rapport au T0 de l’énonciateur I, mais qui plus est, ils sont datés les uns par rapport aux autres : 11 Attention à ne pas se laisser influencer par la forme écrite : shadow se termine bien phonétiquement par une voyelle (la diphtongue). 18 (27) I did not see her again for a twelvemonth. She was then out. I met her at Mrs. Holford's, and did not recollect her. She came up to me, claimed me as an acquaintance, stared me out of countenance; and talked and laughed till I did not know which way to look. (Jane Austen, Mansfield Park) On a alors une succession d’événements dans le passé, en décalage avec T0. Remarque sur la différence entre Prétérit/ Present Perfect et la notion de rupture : Lorsqu’il utilise le prétérit (simple), l’énonciateur souhaite établir une coupure nette avec le moment d’énonciation. (28) "New Haven, it is? Ah, that's going to be a fine show. I'm glad to see you. Did you see a big dog in the other room?" "Yes." "How much do you think that dog weighs?" "One hundred and forty-five pounds." "Look at that, now! He's a good judge of dogs, and no mistake. He weighs all of one hundred and thirty-eight. (Mark Twain, MARK TWAIN'S SPEECHES) En (28), la question porte sur un événement daté implicitement (« (when you were) in the other room »). La validation de la RP you/see a big dog in the other room est entièrement révolue en T0. En (29), avec le present perfect, l’énonciateur interroge le co-énonciateur sur les conséquences dans le présent d’un événement passé ; il n’y a aucune valeur de rupture ici ; au contraire, un lien est établi entre le moment d’énonciation et un moment passé. Nous y reviendrons ultérieurement. (29) "Jekyll is ill, too," observed Utterson. "Have you seen him?" (= “do you know where he is now?”) (Robert Louis Stevenson, THE STRANGE CASE OF DR. JEKYLL AND MR. HYDE) Cas particulier : le prétérit d’énonciation rapportée/de translation (de concordance des temps, en grammaire traditionnelle) On trouve un exemple particulier de rupture dans le cas du discours rapporté : (30) Tom said: "The sun revolves around the earth". (31) Tom said the sun revolved around the earth (but actually, it’s the other way around). Dans l'énoncé (30), l’emploi du présent simple (revolves) signale que l’énonciateur Tom déclare la relation prédicative the sun/revolve around the earth vraie par rapport au T0 de Tom (peu importe que ce ne soit pas le cas, que ce soit la terre qui tourne autour du soleil ; ce qu’il faut que vous compreniez, c’est que c’est l’énonciateur qui présente cette relation prédicative comme validée à tout moment (valeur gnomique du présent simple). 19 Le moment où Tom prend la parole est en décalage (cf. le prétérit sur said) par rapport au moment où l’énonciateur en (31) (celui qui dit "Tom said…" ; appelons-le Jack) rapporte les paroles de Tom. Avec le discours direct en (30), la relation prédicative the sun/revolve around the earth est validée par Tom. Le T0 de Tom est mis en scène par le biais des guillemets, il n'y a donc pas de rupture, et le verbe revolve porte la marque du présent. Dans l'énoncé (31), il n'y a pas de guillemets ; c'est l’énonciateur Jack qui valide les deux relations prédicatives Tom/say sthg et the sun/revolve around the earth. Mais l’énonciateurorigine de « the sun revolves around the earth » reste Tom. Le –ED du Prétérit sur say relève d'une rupture chronologique : en effet, Tom a parlé à un moment du passé antérieur au T0 de l’énonciateur qui rapporte les paroles, Jack. Le suffixe –ED sur revolve, qui relève de ce que les grammaires appellent souvent la concordance des temps, ne signifie pas que la RP n’est pas valable, validée en T0. Il signale, comme on vient de le voir, un décalage au niveau des plans d’énonciation, plus précisément entre le moment d’énonciation d’origine et le moment d’énonciation rapportée et il indique également un décalage dans le sens où Jack, énonciateur-rapporteur, n'assume pas la responsabilité de la validation de cette relation prédicative – soit il sait que c’est faux, soit il n'est pas sûr que ce soit vrai, du moins il ne fait que rapporter les propos de quelqu’un d’autre. C’est en cela qu’il y a décalage. On dit alors que le prétérit est un prétérit de translation. Les paroles de Tom, énonciateur d’origine sont translatées par l’intermédiaire de Jack, énonciateur-rapporteur ici. Le temps du récit, notamment du verbe rapporteur de discours (said), est le prétérit. Le présent du discours direct (DD) devient donc du prétérit au discours indirect (DI) par ajustement syntaxique. 2. Décalage modal12 Il s’agit ici d’un décalage entre la situation réelle, constatée et une situation voulue, désirée, souhaitée, regrettée, etc. Le prétérit indique l’écart entre ce qui est la réalité et la non-réalité. Dans les énoncés (32) et (33), le passage à l’irréel est déclenché par les formes I wish et I’d rather : (32) The common complaint of career-driven men is 'I wish I could spend more time with my children'. But when did you last hear one say 'I wish I could spend more time with my wife? (The Independent on Sunday 98 Jan 11 by HESTER LACEY) (33) I’d rather you told her the truth yourself. I wish et I’d rather signalent que les RP I/spend more time with my children et you/tell her the truth sont, au moment d’énonciation, placées sur le plan de l’irréel. On souhaite qqch que l’on n’a pas au moment présent. D’où l’emploi du prétérit pour marquer ce décalage sur la forme verbale. En (34), c’est le repère fictif signalé par la subordonnée adverbiale hypothétique (if …me) qui déclenche l’emploi du prétérit modal. 12 Le terme « modalité » fait référence à l’attitude de l’énonciateur qui porte un jugement sur ce qu’il est en train de dire. La modalité inclut l’affirmation, la négation, l’interrogation, l’hypothèse, les jugements portant sur le possible (modalité « épistémique » : He has surely arrived in London/ He must have arrived in London) et le nécessaire (modalité « radicale » You must return the book as soon as possible). 20 (34) If you listened to me, you would not get into trouble again. La RP you/listen to me est déclarée irréelle en T0. Le décalage par rapport au réel peut être renforcé par l’emploi d’un auxiliaire modal (shall, notamment) portant la marque –ED, comme en (35) : (35) 'Take them away,' Marty said, now kindly, to the guard. He was sorry for them as human beings if it should be necessary to liquidate them. But it was the tragedy of Golz that oppressed him. (Ernest Hemingway, For Whom The Bell Tolls) Cas particulier : emploi atténuatif de -ED On parle de tentative use. L’énonciateur formule une demande, une requête, et pour adopter un ton plus poli introduit une distanciation supplémentaire à l’aide du prétérit : (36) I wanted to have a word with you. La demande en (34) est faite en T0, et non à un moment passé en rupture avec ce repère. C’est au moment où l’énonciateur parle qu’il souhaite s’entretenir avec le référent de you. Mais en utilisant le prétérit, l’énonciateur atténue la force de son exigence en instaurant un décalage. Le même phénomène existe en français : je voulais te parler deux minutes. 21 LES ASPECTS I- LE PRESENT PERFECT : HAVE(Ø) + V-EN On représente le present perfect par la formule HAVE (auxiliaire) + participe passé, noté de façon conventionnelle –EN, même si le verbe est régulier. Le present perfect est une forme aspectuelle marquant l’aspect d’accompli, qui n’est pas toujours synonyme d’un procès terminé, comme on le verra. HAVE(Ø)13-EN signale que l’énonciateur crée un lien entre un événement passé (marqué par –EN) et le moment présent (cf. le présent sur l’auxiliaire HAVE), moment de l’énonciation. Souvenez-vous qu’à l’inverse, le prétérit (dans son emploi temporel) code une rupture entre le passé et le moment présent. Ce lien entre présent et passé peut être de types différents : 1. Valeur de continuité temporelle Soit l’énoncé (37) : (37) "How long have you been here, Alice?" "Since the beginning," she replied. "How awful, John. Oh, how awful! What can we hope for at the hands of such as those?" (Edgar Rice Burroughs, Tarzan of the Apes) La question posée à Alice porte sur une mesure du temps (how long) qui s’étire jusqu’au moment présent (T0), sur la durée de l’intervalle entre le moment où le procès be here a commencé à être validé et T0. La réponse d’Alice, since the beginning, construit la borne de gauche du procès, indiquant son début. HAVE + -EN nous dit que le procès continue sans aucune rupture jusqu’au moment repère T0, et la relation prédicative [You / be here] est toujours validée en T0. Avec l’énoncé ci-dessous, on peut observer dans les suites en caractères gras le fonctionnement du prétérit et du present perfect : (38) Just then another groan reached their ears, and the sound seemed to come from behind them. They turned and walked through the forest a few steps, when Dorothy discovered something shining in a ray of sunshine that fell between the trees. She ran to the place and then stopped short, with a little cry of surprise. 13 Rappel : Ø est le symbole du présent simple. A toutes les personnes sauf la troisième du singulier, on notera le présent simple par Ø. A la troisième personne du singulier, le présent simple sera noté Ø/-S. 22 One of the big trees had been partly chopped through, and standing beside it, with an uplifted axe in his hands, was a man made entirely of tin. His head and arms and legs were jointed upon his body, but he stood perfectly motionless, as if he could not stir at all. Dorothy looked at him in amazement, and so did the Scarecrow, while Toto barked sharply and made a snap at the tin legs, which hurt his teeth. "Did you groan?" asked Dorothy. "Yes," answered the tin man, "I did. I've been groaning for more than a year, and no one has ever heard me before or come to help me." (L.Frank Baum, The Wonderful Wizard of Oz.) "Did you groan?" réfère à un moment spécifique ; dans la réponse (I did. I've been groaning), il y a d’une part reprise au prétérit (I did) puis prise en compte du moment présent (avec HAVE Ø -EN) en indiquant que le procès n’a pas atteint son terme en T0. Il a commencé à être validé plus d’un an avant T0 et se poursuit en T0 (même si le personnage n’est pas en train de grogner en T0 même). Avec no one has ever heard me before, l’énonciateur construit un état résultant en T0, à savoir l’homme est resté seul pendant tout ce temps (cf. valeur résultative ci-dessous). L’énonciateur prend en compte l’intervalle fermé entre un moment passé indéfini et T0 et il note la validation de la RP no one/ever hear me before (cf. section 2 pour la valeur résultative). Les valeurs de continuité (avec HAVE-EN) ou de rupture (avec –ED) ne sont pas forcément imposées par l’extra-linguistique (le réel) ; il peut également s'agir d'un choix de l’énonciateur et de la manière dont il décide de présenter la situation. Prenons les énoncés suivants: (39) He got up five minutes ago ≈ he has been up for five minutes (40) He came back one hour ago ≈ he has been back for one hour (41) He died last week ≈ he has been dead for a week. (42) He was released on Friday ≈ He has been free since Friday. Le premier énoncé au Prétérit évoque un événement ponctuel en rupture avec T0, alors que le deuxième, avec le present perfect, représente la même situation comme un état qui commence dans le passé et continue au présent de l’énonciateur. 2. Valeur résultative Le deuxième cas de figure est celui où HAVE + -EN indique le résultat du procès exprimé par le verbe. L’énonciateur prend en compte à la fois un événement passé et un état présent, appelé état résultant. Il ne s’agit plus de montrer la continuité du procès en T0 car celui-ci n’est plus validé à ce moment-là. Ce qui importe alors, ce sont les conséquences d'un événement passé qui se font sentir en T0, d’où l’emploi de HAVE(Ø) -EN qui marque un lien avec T0. Il s'agit d'énoncés que l'on peut souvent paraphraser au présent (ce qui, je le répète, explique la marque du présent sur l’auxiliaire HAVE): (43) I have broken my leg. Résultat: my leg is broken (44) She has lost her purse Résultat: her purse is lost/missing/she does not have her purse now/ She cannot pay now 23 (45) They have washed the car (46) Your taxi has arrived (47) We have already met Résultat: the car is clean. Résultat: your taxi is here. Résultat: we know each other. Pour se convaincre qu'avec le Present Perfect on parle vraiment du présent, et non pas du passé, on peut considérer les énoncés suivants : (48) ?? I have lost my wallet, but fortunately someone found it. (48') I lost my wallet, but fortunately someone found it. L'énoncé (48) montre que si l'on ne met pas en avant un résultat direct dans le présent, on ne peut pas utiliser HAVE + -EN (en (48), il y aurait alors contradiction entre l’emploi de HAVE-EN qui signale un état présent tel que I do not have my purse now/my purse is lost et l’information someone found it). Il faut alors le Prétérit, comme en (48’). De la même façon, dès qu'on utilise un complément de temps indiquant une rupture avec T0, on perd de vue le lien établi avec le présent, ici avec un résultat dans le présent ; HAVE + -EN est alors (habituellement) impossible : (49) * I have lost my wallet yesterday morning. I hope I find it soon. Le complément de temps (yesterday morning) bloque l'utilisation de HAVE + -EN ainsi que l'interprétation résultative, puisque le procès lose my wallet est repéré par rapport à une situation en rupture avec T0 (yesterday). Il faut donc choisir quel type de présentation on fait de l'événement : (50) (50') I wrote five letters this afternoon. A: Are you happy with your work? B: I am. I have written five letters so far. (51) I spoke to Mr Smith, and then I went home. (51’) I have spoken to Mr Smith, and now the problem is solved. Les énoncés (50) et (51) présentent un procès en rupture avec T0, alors que l'utilisation de HAVE + -EN en (50’) et (51’) permet de mettre en avant un résultat en T0 (voir le temps présent de are en (50’) et de is en (51’)). Du point de vue aspectuel, HAVE-EN signifie que le procès est fermé puisqu’on prend en compte le résultat de ce procès. Le point de vue de l’énonciateur se situe dans l’adjacence du procès dont la borne de droite est franchie, ce qui donne la représentation topologique suivante : [….] x Les crochets représentent l’intervalle de validation du procès et x signale où se situe le point de l’énonciateur, soit, ici, dans l’adjacence du procès, après sa borne de droite (sa borne de fin). Si les compléments de temps en rupture avec T0 imposent le choix du Prétérit, il existe également des adverbes (yet, already, so far, etc.) qui impliquent un repérage par rapport à T0, et imposent donc HAVE + -EN avec une interprétation résultative : (52) He has not arrived yet. (résultat: he’s not here) (53) Have you already finished ? 24 Dans cette catégorie figure l’emploi du present perfect lorsque le procès a eu lieu tout récemment (les changements occasionnés sont encore du domaine du présent), avec des adverbes tels que just, lately, recently, etc. (54) Guess who's just moved in next door! Il y a ici absence de coupure nette entre présent et passé, marquée par HAVE-EN. Le procès s’est réalisé immédiatement avant T0 et reste ainsi rattaché à la situation d’énonciation. En anglais américain, toutefois, c’est un prétérit qui est employé avec just : Guess who just moved in next door ! L’anglais américain choisit de mettre l’accent sur la rupture entre présent et passé : le procès est alors présenté comme étant révolu en T0. 3. Le present perfect d’expérience Dans un certain nombre de cas, on utilise HAVE + -EN pour évoquer une conséquence en T0 qui est plus abstraite qu'un simple résultat. On s’intéresse alors à l’expérience vécue, parce qu’elle entraîne une nouvelle vision des choses ou qu’elle permet de vivre le présent en tenant compte de la richesse du passé. (55) Have you been up the Eiffel Tower? (56) I have lived in seven different countries (and Scotland is the one with the finest weather). Dans ces énoncés, les procès be up the Eiffel Tower et live in seven different countries ont été validés antérieurement à T0 mais leur validation a une répercussion sur le présent, sans que l’on puisse parler de résultat (concret). Le lien avec le présent peut se résumer à : J'en sais donc quelque chose, je peux donc en parler. Dans le cadre du Present Perfect d’expérience, on trouvera souvent les adverbes ever et never qui, en conjonction avec HAVE + -EN, permettent de balayer tout un vécu, jusqu'à T0, à la recherche d'une occurrence du procès. (57) Have you ever been to Japan? (58) I have never seen anything so ridiculous! Ce balayage peut se résumer ainsi : Existe-t-il ((cf.57))/Il n’existe pas (cf.(58)) dans l’expérience du référent du sujet jusqu’à T0, une période où la relation prédicative a été validée. En (58), l’énonciateur parcourt toutes les fois où le procès aurait pu être validé dans le passé et fait un bilan au présent : aucune occurrence (du procès see anything so ridiculous) n’a été trouvée. Notez que ce balayage peut fonctionner avec le Prétérit dans le cadre d'une période circonscrite dans le passé (c’est-à-dire totalement coupée du présent) : (59) Did you ever go to Japan while you were working in the Far East? (59’) I never went up the Eiffel Tower when I was living in Paris, but I did climb it once on a school trip. 25 En effet, while you were working in the Far East et when I was living in Paris ne font aucune référence à T0. Ces deux propositions subordonnées adverbiales de temps renvoient en revanche à une période de temps coupée de T0. On peut justement trouver HAVE + -EN dans ces subordonnées adverbiales compléments de temps. Sa valeur peut alors être la continuité comme en (60) ou le résultat comme en (61). Mais dans ce cas, le point de repèrage n’est plus T0. (60) When you have fried the onions for two minutes, add the vegetables and spices. (61) When you have read Ulysses, could you lend it to me please? Dans chaque cas, HAVE + -EN situe la validation de la relation prédicative de la proposition principale après celle de la subordonnée de temps. En (60) et (61), le moment repère est situé dans l’avenir par rapport à T0 (soit en T1) (= quand vous aurez fait frire/lu...). Le procès exprimé par les prédicats add the vegetables and spices et lend it to me seront validés ultérieurement à T1, soit en T2. Le repère-point de vue ne se situe donc plus en T0 mais dans l’adjacence des procès fry the onions et read Ulysses réalisés en T1. On retrouve le même phénomène avec le PluPerfect : (62) When she had read the newspaper, she folded it up neatly, and left it on the table. Dans l'énoncé (62), HAD + -EN (ou HAVE-ED + EN) signale que la validation de la relation prédicative she/read the newspaper a eu lieu avant she/fold it up et she/leave it on the table (valeur de résultat en T-1 d’un procès ayant lieu en T-2). Le point de vue se situe en T-1 (she folded it up), dans l’adjacence du procès read the newspaper qui s’est déroulé en T-2. 4. La valeur d’annonce – « Hot news » ou « scoop » Un autre type de lien que le Present Perfect permet de créer est un effet d'annonce. Prenons l'énoncé suivant : (63) Scotland has won the World Cup! On peut analyser cet emploi en terme de conséquence en T0, puisqu'il y a l'annonce de quelquechose de récent, que le co-énonciateur ignorait et qu'il sera obligé d'intégrer dans sa vision du monde en T0. L'énoncé suivant illustre bien l'utilisation qui est faite de cette forme par la presse télévisuelle et radiophonique : (64) President Obama has arrived in Paris for two days of official visits. He was greeted off the plane at Orly by President Sarkozy. La première phrase annonce l'histoire qui va suivre. La pertinence de la validation de la RP en T0 est assurée par HAVE + -EN. La suite du reportage donne des détails sur les circonstances de cette première journée de visites, et l'on y trouve ainsi le Prétérit Simple (was greeted). C’est le fait révolu qui compte, il y a alors neutralisation d’un point de vue particulier avec was greeted…Avec le prétérit, on revient sur le développement chronologique des événements. 26 5. Différence prétérit / present perfect En thème, ne pas vous laissez influencer par le français :J’ai joué au tennis avec mon ami hier soir : I played tennis with my friend last night. Seule compte l’indication temporelle : il est impossible d’utiliser un present perfect. Lorsqu’il y a le choix : (65) Did you see “Gangs of New York”? (66) Have you seen “Gangs of New York”? En (65), l’énonciateur fait référence à un moment du passé. Ce qui l’intéresse, c’est de savoir si ce fait a été validé antérieurement à T0. En (66), l’attention ne porte pas sur le moment du passé mais sur le résultat présent (do you know the film, can you talk about it ?). 6. Conclusion Avec HAVE(Ø)-EN, il s’agit de localiser (au moyen de HAVE) un procès envisagé comme accompli (-EN) par rapport à un repère pris comme point de vue (très souvent, mais pas systématiquement, T0). Le lien entre présent et passé apparaît sous deux formes : - Soit le procès est situé explicitement dans le révolu mais il existe un rattachement mental entre le procès révolu et l’actuel. Ce lien prend alors la forme d’un résultat, d’une répercussion sur le présent, d’un bilan dans le présent. Le procès a alors une borne de droite fermée et le point de vue se situe dans l’adjacence du procès. - Soit le lien entre passé et actuel est d’ordre temporel : le procès a commencé à être validé dans le passé et sa validation se poursuit jusqu’en T0. Il s’agit de la valeur de continuité temporelle de HAVE-EN. La différence entre HAVE-EN et –ED est essentiellement une différence de point de vue. Avec –ED, le procès est vu dans sa globalité, en rupture avec le moment d’énonciation. Le procès forme un tout, qui est présenté de façon globale. D’où l’emploi de –ED dans le récit qui privilégie les faits eux-mêmes, sans commentaire : « les événements semblent se raconter eux-mêmes » (Emile Benveniste, Problèmes de linguistique générale, 1966). Avec HAVE-EN, le procès n’est pas vu dans sa globalité, dans sa complétude, de façon autonome, mais dans son rapport à un autre time. L’énonciateur souhaite rattacher un procès à un moment repère, le localiser par rapport à ce point de vue-repère. 27 II- LE PAST PERFECT : HAVE-ED + V-EN L’auxiliaire HAVE n’est plus au présent mais au passé, d’où l’étiquette HAD-EN (soit HAVE-ED + V-EN). HAD-EN permet à l’énonciateur de revenir sur des événements antérieurs à T-1 (c’est-à-dire exprimés par des verbes portant une marque de prétérit) pour les commenter ; il s’agit de ce que l’on pourrait appeler un « retour explicatif » : (67) The second time she came she wanted to make tea for me but I told her to go to bed. Soon, if no money comes, we shall all have to eat less and perhaps she will get thinner. Poor thing, she's so fat and getting fatter. I wonder if it's due to the white bread. None of us had ever tasted white bread before we came to England. The boys loved it and ate so much of it that they were sick. (Barbara Vine, ASTA'S BOOK) La différence avec none of us ate white bread before we came to England est la suivante: en (67), le procès taste white bread est acompli par rapport à une situation repère passée (we came to England) pour effectuer un bilan en T-1 : none of us knew what white bread tasted like, therefore we were eager to taste it. HAD-EN n’est pas obligatoire si on présente une chronologie. On peut trouver le prétérit simple: (68) Last year, I went to Japan. The year before, I went to India. HAD-EN (I had gone to India) introduirait un point de vue: le procès go to India serait repéré par rapport au repère passé I went to Japan. Avec HAD-EN, on retrouve les autre valeurs principales associées au present perfect : Emploi temporel Valeur de continuité (69) Last time I saw John, he’d been ill for some months. L’état he/be ill avait commencé avant ma dernière visite (T-1) et était troujours vrai à ce moment. Le point de vue de l’énonciateur est toujours situé dans l’adjacence du procès be ill réalisé en T-2, soit en T-1. Valeur résultative (70) An instant later, I saw him below me. Round the rock he had drawn a circle, such as we had found shelter in last night. When he had completed it he stood beside me again. (Bram Stoker, Dracula) La valeur d’état résultant » du present perfect est ici calculée par rapport à T-1 plutôt que T0 avec en plus l’effet « rétroactif », « flashback » déjà noté. 28 3 Valeur d’expérience (71) John had lived in Paris for some time, so he knew a lot about it. 4 Valeur de “scoop” (72) That same day he had learned that she had gone mad. Cette valeur est la transposition de la valeur de « scoop » dans le passé. Ici, le Pluperfect indique qu’en T-1, la relation he/learn something venait tout juste d’être validée. La répercussion en T-1 (moment repère) de la validation du procès learn sthg en T-2 est mise en avant. Remarque : Dans les exemples que nous venons de voir, HAD-EN correspondait à la transposition dans un contexte passé de la valeur de HAVE-EN. Il s’agissait alors d’un fermé translaté (décalé dans le passé). Si on ne tient pas compte de la translation (décalage dans le passé), l’énoncé (72) correspond à : he has learned that she has gone mad. Cela montre bien que l’énonciateur se situe dans l’après du procès learn sthg. Comme en (72) le point de vue repère est situé dans le passé (comme le montre –ED sur HAVE), on parlera de fermé translaté. En revanche, un énoncé tel que (73) dans une narration (73) He had arrived a moment before. correspond à he arrived a moment ago dans un discours direct et illustre donc la translation d’un aoriste14 (et non plus d’un fermé). On parlera alors d’aoriste translaté. On se posera ces questions lorsque l’on aura affaire à du discours rapporté. On se rappellera que la marque du prétérit sur was dans He said the sun revolved around the earth correspond à un –ED de translation, d’énonciation rapportée (ou concordance des temps) (le présent du discours direct, he said : « the sun revolves around the earth », est ajusté syntaxiquement au temps prétérit du verbe rapporté de discours, said dans l’énoncé He said the sun revolved around the earth). De la même manière, face à un pluperfect utilisé dans du discours indirect, on se demandera s’il s’agit de la translation d’un aoriste, comme en (74) (74) He said he had called me the day before. à partir du discours direct he said : « I called you yesterday », où called est une forme aspectuelle aoristique ou s’il s’agit de la translation d’un fermé (75) He said he had never met her before. à partir de he said : « I’ve never met her before » où HAVE-EN a une valeur de fermé. 14 Rappel : il s’agit de la valeur aspectuelle des formes simples, en l’occurrence ici du prétérit simple. 29 Emploi non temporel Enfin on trouve un emploi du Past perfect à valeur non temporelle : (76) I wish you had been there to meet her when I was at the Smiths’ party. Il s’agit d’un « irréel du passé » : à un moment repère T-1 (ici when I was at the Smith’s party), l’événement you/be there n’avait pas été pas réalisé. L’énonciateur exprime le regret (cf. wish) que la RP n’ait pas été validée dans le passé. Sa validation dans le passé est donc contrefactuelle (elle n’a pas eu lieu). 30 III- LE PRÉSENT EN BE + V-ING Introduction Très souvent, on trouvera les termes de Présent Continu ou Présent Progressif mais ces termes posent problème. Prenons le mot progressif. Il s'agit en fait d'un anglicisme. C'est une traduction du mot progress en anglais qui est un faux ami. In progress signifie en cours. Vous voyez donc bien l'idée qui se cache derrière ce présent "progressif". Cela voudrait dire que quelque chose est EN TRAIN de se passer. Cette analyse ne fonctionne pas systématiquement, comme le montre (77) : (77) Tracy can't go out tonight. She is getting up at 6 a.m. tomorrow. Tracy n'est pas, en T0, en train de se lever : elle le fera en T1, à un moment spécifique dans le futur. On préférera donc aux termes de Présent Continu et de Présent Progressif l’appellation plus neutre, plus descriptive de Présent en BE + -ING ou (auxiliaire) BE(Ø) + V-ING. Nous pouvons associer plusieurs valeurs au présent en BE + -ING. 1. Valeurs aspectuelles 1.1 L’inaccompli Lorsque BE + -ING a une valeur aspectuelle (ce qui n’est pas toujours le cas)15, celle-ci correspond le plus souvent à ce qu’on appelle l’aspect progressif ou inaccompli (qui s’oppose à l’aspect accompli véhiculé par HAVE-EN). Toutefois, en fonction du type de procès, on trouvera d’autres valeurs aspectuelles plus ou moins proches de cet aspect d’inaccompli. Avec l’aspect inaccompli, la borne gauche du procès est franchie mais pas la borne droite ; celle-ci reste ouverte, ce qui nous donne la représentation suivante du procès : […[ Le point de vue de l’énonciateur se situe à l’intérieur de l’intervalle de validation du procès. A l’intérieur de cet intervalle, tout point est équivalent à tout autre. Ceci est à contraster avec la représentation du present perfect où le point de vue se situait dans l’adjacence du procès : [ ]x Soit l’énoncé (78) : (78) John is watching a movie. BE + -ING exprime ici l’aspect inaccompli, et comme l’auxiliaire BE est au présent, le procès watch a movie est envisagé en cours de déroulement en T0 (enT0, une partie du procès a été 15 J’insiste sur ce point, il faut que vous compreniez bien ce que veut dire « aspectuel » pour voir que de nombreux emplois de BE-ING n’entrent pas dans cette catégorie. 31 accomplie, et une autre reste à accomplir). On parle de saisie dilatatoire du procès : le procès est vu dilaté, il est divisible en trois phases : un avant, un pendant et un après. L’énonciateur nous donne son point de vue d’observateur d’un procès dans une situation précise. Il s’agit de la valeur situationnalisante de –ING (qu’on ne mentionnera que lorsque le procès est directement observable par l’énonciateur au moment repère, soit le présent lorsque l’auxiliaire BE est au présent ou un moment repère passé si BE est au prétérit). Toutefois, ce qui importe, ce n’est pas tant le caractère inaccompli de l’événement, mais le fait que le sujet soit montré engagé dans une activité (visionnage d’un film en (78)) à ce moment particulier, en coïncidence avec le moment d’énonciation. Nous avons déjà vu que pour parler du présent, on pouvait utiliser le Présent Simple, dont l'emploi est prototypiquement générique. Avec cette forme, le procès est donc rarement repéré par rapport à une situation particulière. A l’inverse, le présent en BE + -ING est prototypiquement spécifique ; ce qui veut dire qu’il permet de renvoyer à une situation particulière ancrée dans le présent. Comparons (79) et (80): (79) The sun rises in the East. (80) Look! The sun is rising. En (79), nous avons une valeur gnomique, et on ne se demande pas quand le procès a lieu. La relation prédicative est déclarée vraie, indépendamment de tout point de vue particulier. En revanche, en (80), avec BE + -ING, l'emploi est spécifique, et l'on peut donc se représenter le moment où le procès a lieu. On dira que le procès est ancré dans la situation d'énonciation, et que « Look! » contribue à ancrer le procès en T0. L’événement est directement observable au moment d’énonciation. 1.2 Procès validé sur une période temporaire On ne trouve pas systématiquement une valeur situationnalisante avec BE-ING lorsque cette forme a une valeur aspectuelle d’inaccompli. (3’) She’s working at Bloomingdale’s. On retrouve une valeur aspectuelle d’inaccompli dans le sens où la borne de droite du procès n’est pas franchie. Le procès est validé temporairement, on nous parle d’un métier provisoire. Il a déjà commencé avant le moment point de vue de l’énonciateur, il est toujours vrai en T0, mais pas directement en cours de déroulement en T0, et il est inachevé en T0. Puisque le procès n’est pas directement observable en T0, la personne n’étant pas vue en train de travailler au moment d’énonciation, on ne parlera pas de valeur situationnalisante. 1.3 Les types de procès Lorsqu’on étudie BE-ING, il est important de prendre en compte le type de procès qui est désigné par le prédicat. Je dis bien par le prédicat et non par le verbe tout seul. Le prédicat, 32 soit le verbe et ses compléments, a un certaines propriétés définitoires qui le rendent compatibles ou incompatibles avec la valeur aspectuelle de BE-ING. Nous passons donc à l’étude des types de procès avant d’envisager le rapport entre le sémantisme de tel prédicat et sa compatiblité ou son incompatibilité avec la valeur aspectuelle de BE-ING. On pourra distinguer, selon la classification de Vendler, cinq types de procès : (a) état (b) activité (c) accomplissement (d) achèvement$ (e) sémelfactif Voici les propriétés de chacun de ces types de procès : - L’état est un procès statique ; sa propriété est notée ainsi : [- dynamique] - L’activité est un procès : [+ dynamique], [+duratif], [- télique] - L’accomplissement est un procès : [+ dynamique], [+duratif], [ + télique] - L’achèvement est un procès : [+ dynamique], [- duratif], [+ télique] - Le sémelfactif (Latin semel : « once ») est un procès: [+ dynamique], [-duratif], [- télique]. Les deux premiers critères, [+/- dynamique] et [+/- duratif] ne devraient pas vous poser de problème. Je reviendrai toutefois sur le critère [+/-duratif]. Mais d’abord, qu’est-ce que la télicité ? Le terme vient du grec télos : « fin, finalité ». « Telicity refers to the inherently conclusive and definitive endpoint of an event (Radden & Dirven, Cognitive English Grammar). Les procès qui n’ont pas de terme sont dits atéliques. Voici quelques exemples de procès téliques : write a poem, drink a beer, run 10 miles, walk to the station, eat a few cherries, reach the summit, leave the house. Une fois le procès « write a poem » parvenu à son terme, autrement dit une fois le poème écrit, le procès est terminé. Une fois les 10 milles parcourues, le procès run 10 miles est terminé. En revanche, les procès suivants sont [-téliques], soit atéliques : write, drink, drink beer, run, walk in the park, eat cherries. En effet, le procès n’a pas de terme. Il faut bien évidemment comprendre ceci à un niveau notionnel. Rien dans le prédicat write n’indique que le procès prendra fin à un moment donné. Drink beer s’oppose à drink a beer car alors que a beer laisse entendre une fin, il n’en va de même pour le procès drink beer. De la même manière, to the station indiquait le terme du procès dans le prédicat walk to the station, mais pas in the park dans le prédicat walk in the park. Notionnellement, walk in the park n’indique aucun terme au procès. Cette première distinction revêt une grande importance pour l’analyse de HAVE-EN dont il a été question précédemment. HAVE-EN n’est compatible - en dehors des procès-états, i.e. I have lived here since 1999 - qu’avec des procès téliques car il faut une borne droite qui marque l’accompli. Autrement dit, il est agrammatical de dire : *He has written. Il faudra soit ajouter un complément tel que a letter, qui marque la fin du procès et le rend ainsi télique, soit utiliser une forme HAVE-EN + BE-ING dont on parlera plus tard : he’s been writing. Revenons aux critères définitoires des procès. Le procès est-il duratif ou non duratif ? Les procès duratifs sont ceux qui n’ont pas lieu dans le cadre d’un instant. 33 Ainsi, write a poem, drink a beer, run 10 miles, walk to the station, eat a few cherries, write, drink, drink beer, run, walk in the park, eat cherries sont des procès duratifs. En revanche, reach the summit, leave the house, get married, become ill, lose/find sthg, notice sthg, jump, cough, knock on the door, kick the dog, sneeze, etc. sont des procès non duratifs. Le fait d’atteindre le sommet ne dure pas, le procès est instantané. Ce qui dure, c’est la période d’ascension qui permet d’arriver au sommet. De la même manière, quitter la maison est un procès non duratif ; il se réalise dans l’instant où on franchit la porte. Ces trois critères nous permettent de classer les prédicats suivants selon le type de procès qu’ils désignent dans les catégories (a)-(d) (cf. ci-dessous): (a) état : be ill, feel good, wear silk pyjamas, live in Paris, look like a beggar, like someone (b) activité : write, run, drink, drink beer, walk in the park, eat cherries (c) accomplissement : write a poem, drink a beer, eat a few cherries, run 10 miles, walk to the station (d) achèvement : reach the summit, leave the house, get married (e) sémelfactif : jump, cough, sneeze, knock on the door, kick the dog Ce qui est intéressant ici, c’est que le type de procès exprimé par le prédicat sans marque aspectuelle n’est pas toujours le même que le type de procès exprimé par un prédicat qui porte une forme aspectuelle telle que BE-ING, par exemple. - BE-ING et les procès-états Le propre d'un état est qu’il n’est pas constitué d’étapes différentes, et puisque BE + -ING, dans son emploi aspectuel à valeur d’inaccompli, implique un découpage du procès en une partie accomplie et une partie inaccomplie, on comprend pourquoi cette forme est problématique avec les états qui sont, par nature, indivisibles (puisqu’ils forment un bloc compact). C’est ce qui explique l’agrammaticalité de (81) et de (82). (81) * Gordon is knowing the answer. (82) * Georgina is owning several horses. Cependant, si, sous certaines conditions, on décide tout de même d’utiliser BE + -ING avec ce genre de prédicats, ceux-ci cessent de renvoyer à un état pour désigner une activité (l’activité est par définition divisible puisqu’elle comprend plusieurs étapes). C’est ce qui explique la grammaticalité de (84): (83) I think it's a fake. (84)“What's the matter?” “I'm thinking about what you said last night. Au présent simple, think (en 83) veut dire « croire, estimer ». Il s'agit donc d'un verbe de cognition, d’attitude mentale, proche en ce sens d’un verbe d'état. Le présent simple signale que l’énonciateur s’en tient à la simple mention d’une opinion. En revanche, sous sa forme en BE + -ING en (84), le verbe signifie « réfléchir, penser », et il s'agit, alors, d'une activité (toute cérébrale soit-elle) qui peut donc être divisée en une partie accomplie et une partie inaccomplie. 34 Ce phénomène se retrouve pour les verbes de perception. Comparez (85) et (86) : (85) This yoghurt tastes funny. (86) One moment! I'm just tasting the soup for salt. Le goût d'un yaourt est quelque chose de relativement constant, qui ne change pas d'un moment à l'autre. C'est donc un état, et le Présent Simple s'impose en (85). Avec BE + -ING, le sens n'est donc plus le même. On renvoie en (86) à une activité. Parfois le changement de sens du verbe est encore plus marqué : (87) Did you go to Bob's party? I didn't see you there. (88) Are you seeing Bob? (= Est-ce que tu sors avec Bob en ce moment?) Dans l'énoncé (87), see au Présent Simple fonctionne comme verbe de perception et signifie voir. Mais dans l'énoncé (88), la forme en BE + -ING bloque cette interprétation, ou du moins nous invite à comprendre see autrement, c'est-à-dire dans le sens de fréquenter, sortir avec. Ce qui en fait un verbe d’activité compatible avec l’aspect BE-ING. Cela ne veut pas dire que les verbes de perception ne puissent jamais s'employer avec BE + ING. Mais quand tel est le cas, il faut en trouver la raison, car de façon prototypique, le verbe de perception (qui ressemble beaucoup au verbe d’état) est à la forme simple. Dans les énoncés suivants on voit comment le verbe d'état par excellence, be suivi d’un attribut, peut être compris, par le biais de BE + -ING, comme verbe d'activité : (89) Justin is a fool. (90) You’re being stupid! Dans l'énoncé (89), il s'agit de décrire le référent du sujet en termes d’une propriété inhérente, qui ne change pas. Dans l'énoncé (90), l'ajout de BE + -ING fait de be stupid un prédicat désignant une activité, et il faut comprendre : tu fais l’idiot. Cette activité consiste vraisemblablement ici à dire n’importe quoi, à faire des bêtises, etc. En passant du présent simple à un présent en BE + -ING, on passe donc ici de l’expression d’un état à l’expression de la manifestation de cet état, c’est-à-dire un comportement, une activité (qui n’est que temporaire) (cf. l’emploi modal de BE + -ING pour des remarques complémentaires). Les achèvements sont des procès instantanés, comme reach the top (le fait même d’atteindre le sommet est non duratif ; avant, on essaie d’atteindre le sommet, après on l’a atteint), et téliques. S’ils sont difficilement compatibles avec BE + -ING, c’est en raison de leur instantanéité (ils sont indivisibles). Avec ces prédicats, l’ajout de BE + -ING donne un sens différent : l'anticipation. (91) Listen! They're arriving! (= Les voilà qui arrivent!) (92) I think we are reaching the bottom. (= J'ai l'impression qu'on va toucher le fond). Dans les énoncés (90) et (91), BE + -ING implique que l'on est presque arrivé, et que le fond n'est pas loin. En effet, ce que veulent dire ces phrases, c’est : Ils sont sur le point d’arriver et : nous sommes sur le point de toucher le fond. La locution être sur le point de traduit bien 35 l’idée qu’on est proche du but mais qu’on n’y est pas encore. L’énoncé (93) relève également de cet emploi. (93) We are leaving tomorrow on the 5 o'clock train. BE + -ING signale que le départ est proche, ou, qu’en tout cas, il est prévu (la décision est prise, les bagages sont faits, les billets sont achetés, etc.). Le référent du sujet est déjà, en quelque sorte, engagé dans la réalisation du procès. On parlera ici de l’emploi prospectif de BE-ING. Néanmoins, vous savez que le Présent Simple peut également exprimer un futur, si bien que (94) est possible aussi : (94) We leave tomorrow on the 5 o'clock train. Comme on l’a vu, le Présent Simple décrit la réalité de manière objective : les faits et rien que les faits. Lorsqu’il renvoie au futur, on le trouvera donc dans des contextes où cet événement à venir est incontestable : il n’y a objectivement aucun obstacle à la réalisation de l’événement. C’est pour cette raison qu’on préférera le Présent Simple pour évoquer les horaires officiels, un programme établi, etc. Avec BE + -ING le ton est moins neutre, plus subjectif. L’énonciateur fait un constat sur le présent et dit qu’en T0, il observe16 que toutes les dispositions sont prises pour que le départ ait lieu demain à 5h. L’emploi prospectif de BEING signale le caractère préconçu de la relation prédicative. L’énonciateur signale qu’il prend appui sur le contexte pour asserter que la relation prédicative sera validée, d’où une plus grande conviction en (93) qu’en (94) (au-delà du fait que l’énonciateur ignore les obstacles qui pourraient survenir et empêcher la réalisation de la RP en (93)). Le présent en BE-ING s’oppose en ce sens au présent simple au moyen duquel l’énonciateur se contente d’annoncer de façon factuelle que la RP sera actualisée à un moment postérieur au moment d’énonciation. 2. Emploi modal Souvent, lorsque BE + -ING est combiné à un adverbe (ou expression adverbiale), l'énoncé prend une valeur qu’on peut qualifier de modale. 2.1 La modalité : modus/dictum Par modalité, il faut comprendre : expression du jugement de l’énonciateur sur une relation prédicative. La notion de modalité nous vient d’Aristote qui, le premier, a remarqué que tout énoncé modalisé pouvait se décomposer en deux parties : la proposition (dictum) et le jugement modal proprement dit (modus). Un énoncé comme Il est possible qu’il soit en retard peut donc être analysé comme suit. (95) Il est possible qu’il soit en retard. MODUS 16 DICTUM D’où l’idée qu’il y a un point de vue exprimé par BE-ING. 36 Ici, l’énonciateur émet un jugement modal sur un dictum (le fait qu’il soit en retard) en l’estimant possible. Notons que dans cette phrase, modus et dictum sont clairement séparés, puisque le modus est à l’extérieur de la proposition. Mais le modus peut aussi être exprimé à l’intérieur même de la proposition. Par exemple : (96) Il doit être en retard. (DICTUM = <il – être en retard>) MODUS Vous étudierez les auxiliaires de modalité (may, can, shall, etc.) en L3. Je n’entre donc pas dans les détails. Il existe un autre moyen « d’exprimer », pour ainsi dire, la modalité : le modus peut en effet être implicite. C’est le cas avec BE + -ING. On décèle parfois une valeur modale, mais, dans la mesure où celle-ci n’est pas explicite, il faut s’aider du contexte pour identifier sa valeur exacte. L'adverbe (always, not, par exemple) joue un rôle primordial à cet égard. On distinguera deux grands cas de figure. • Refus/Interdiction (avec NOT + BE + -ING) : Avec NOT, l’énonciateur qui utilise BE + -ING peut signifier son refus de voir se réaliser la relation prédicative, comme en (97). La modalité, que l’on peut gloser par I refuse, n’est bien sûr pas explicitée mais n’importe qui comprendra cet énoncé comme marquant le refus de l’énonciateur, son opposition à la validation du procès. (97) There's no point in insisting! I'm not coming with you, and that's final. = I REFUSE [ I –come with you] MODUS DICTUM Ce qui est nié est une attente antérieure. L’énonciateur refuse de valider la RP que le coénonciateur pensait acquise d’avance. Celui-ci s’attendait à ce que l’énonciateur de (97) l’accompagne. On retrouve à travers cette idée d’attente le caractère préconstruit du procès qui donne une valeur anaphorique à BE-ING, anaphorique s’entendant ici comme acquis pour l’énonciateur car déjà repéré, déjà construit mentalement, déjà dit/exprimé. Toujours avec NOT, et surtout avec un sujet de 2ème ou de 3ème personne, BE + ING peut signifier une interdiction émise par le locuteur. Par exemple : (98) No way! You're not marrying that guy. = I FORBID [ you – marry this guy] MODUS DICTUM De nouveau, l’énonciateur rejette la validation de la RP préconstruite you/marry that guy. • Modalité appréciative (avec BE + ING (+ adverbe)) 37 Il existe un autre type de modalité susceptible d’être impliqué par BE + -ING : la modalité appréciative. On rencontrera deux configurations : soit l’énonciateur émet un jugement positif (il apprécie le dictum) soit il fait part d’un jugement négatif (il n’apprécie pas le dictum). C’est le contexte qui l’indiquera. (99) "Ah, poor old Madman, he's always losing his books," said Tom, "and getting called up and floored because he hasn't got them." (Thomas Hughes, Tom Brown's Schooldays) Le présent en BE + –ING n’est pas incompatible avec un marqueur d’itération comme always. Par opposition au présent simple (he always loses his books) qui indiquerait une simple habitude, une caractéristique de la personne observée de façon objective, la forme en BE – ING a une coloration modale : en l’employant, l’énonciateur fait un commentaire ; ici, il y a jugement de valeur négatif. Le contexte montre que l’énonciateur ne se contente pas de faire un constat. Il s’implique. Il donne son point de vue subjectif sur les relations prédicatives et c’est pour cette raison que la forme en BE + ING est obligatoire, puisqu’elle permet justement à l’énonciateur d’exprimer son point de vue personnel. Avec les verbes d’état, de perception, la forme en BE –ING permet à l’énonciateur de faire un commentaire, d’indiquer que l’état constaté n’est pas l’état normal, qu’il y a quelque chose d’exceptionnel dans la situation : (100) My mother comes in with a tray and asks me if I'm feeling better. (Margaret Atwood, THE HANDMAID'S TALE) Un présent simple (and asks me if I feel better) indiquerait simplement que l’énonciateur constate un état de façon objective, sans commentaire. Avec les verbes d’état, comme nous l’avons vu, il y a normalement incompatibilité avec la forme en BE-ING. Cependant cette incompatibilité disparaît lorsque l’attribut est un adjectif appréciatif de la classe /good ; kind ; naughty ; nasty, etc. : (101) `We have had a holiday for five years from worrying about this," said Robin Lee, also an outgoing Falklands councillor. `When the Argentines are being nasty it's no problem. It's when they are being nice that they are dangerous." (“Cautious Approach to Faulkland Talks”, Corpus LOB) L’état est ainsi marqué comme temporaire (il ne s’agit pas d’une propriété du sujet) comme on peut le voir dans l’énoncé (102) avec la subordonnée en when qui circonscrit dans le temps en construisant des bornes : (102) And when Pepys used it, crony was a nice word, evocative of loyalty and laughter and the love of friends, which it was till quite recently. But now it has been poisoned by envy and malice, and we are not being nice to Mr Blair when we talk about 'Tony's cronies' who are believed to have got themselves into places where they ought not to be. As Milton said of the 38 priests and the presbyters, 'they creep and intrude, and climb into the fold'. (The Independant on Sunday, 2/08/98) On peut dire qu’une recatégorisation est mise en œuvre : le procès n’est plus envisagé comme statif, mais construit comme dynamique. Le verbe d’état se voit transformé, par le truchement de BE-ING, en verbe d’activité. Il y a modalisation de l’énoncé, avec critique implicite de la part de l’énonciateur qui implique que l’attitude du sujet n’est justement pas le cas habituellement. 3. Réinterprétation ou Reformulation Le dernier cas de figure dans les emplois de BE + -ING implique également une subjectivité, qui, cette fois-ci, est de l'ordre de l'interprétation. (103)He is joking when he says all students should go out and get a proper job. (104) If you recycle your rubbish then you are contributing to the well-being of future generations. Les énoncés (103) et (104) montrent clairement que l'on ne peut pas réduire BE + -ING à une valeur aspectuelle. Dans ces énoncés, il n'y a qu'un seul procès (la prise de parole/le recyclage) malgré la présence de deux verbes (joke et say en (103), et recycle et contribute en (104)), procès qui est décrit deux fois : une fois objectivement avec la forme simple (he says all students should go out and get a proper job/you recycle your rubbish), et une fois plus subjectivement (he is joking/you are contributing to...). L’énonciateur part donc d’un constat objectif non problématique et il le ré-interprète en le décrivant avec ses mots à lui d’une manière très personnelle qui, par définition, n’est sans doute pas partagée par tout le monde et peut donc s’avérer problématique pour le co-énonciateur. Cette valeur de réinterprétation se retrouve dans l’exemple (102) ci-dessus : l’énonciateur reinterprète « talking about ‘Tony’s cronies’ » comme « not being nice to Mr Blair ». L’emploi de BE-ING tient donc à la présence d’un commentaire de la part de l’énonciateur. 4. Valeur invariante Nous venons de constater que l'expression de l'aspect progressif/inaccompli n'est pas la seule valeur du Présent en BE + -ING, et que cette forme est souvent associée à des utilisations plus subjectives, modales ou interprétatives. Maintenant nous allons essayer de voir ce que ces différentes utilisations de BE + -ING ont en commun. Ce point commun est appelé invariant ou valeur invariante. Si l’on résume ce qui vient d’être dit, on s’aperçoit qu’avec BE + -ING, il est toujours question du point de vue de l'énonciateur. En effet, lorsque le marqueur prend une valeur modale, l’énonciateur fait un commentaire sur une relation prédicative : il la refuse, l’interdit ou la désapprouve (I am NOT coming, You are NOT watching TV tonight, He’s ALWAYS complaining). Quand BE + -ING a sa valeur de réinterprétation (He’s joking when he says that), l’énonciateur donne son point de vue en désignant autrement, de façon plus subjective, une relation prédicative déjà mentionnée. On retrouve ici une autre valeur centrale de BEING : la valeur anaphorique, de reprise, d’un élément déjà mentionné, d’un constat déjà 39 posé ou implicite. La forme en BE-ING dans He’s joking when he says that reprend (anaphore) un constat déjà materialisé, when he says that, lié à une situation définie par when. Quand il a sa valeur aspectuelle (He’s writing a letter now), le présent en BE + -ING sert à décrire un événement en cours en t0. Mais en fait comme t0 est le moment auquel l’énonciateur parle, encore une fois, il est question du point de vue de l’énonciateur, puisque celui-ci se place en t0, point à partir duquel il observe et décrit un procès en cours. La valeur aspectuelle exprimée par BE + -ING nous permet donc de considérer le procès en adoptant le point de vue de l’énonciateur. Mais cette fois (pour la valeur aspectuelle d’inaccompli), il s’agit du point de vue temporel de l’énonciateur ; c’est-à-dire le moment à partir duquel il observe et décrit le procès. Cette valeur aspectuelle est associée à une valeur anaphorique : une partie du procès a déjà été accomplie au moment-repère. Si donc l’on considère que le présent en BE + -ING est subjectif, c’est parce qu’à travers cette forme, l’énonciateur nous fait partager son point de vue. C’est justement parce que cette forme lui permet d’exprimer son point de vue que l’énonciateur va constamment s’en servir pour expliquer, justifier ou commenter une situation donnée. Prenons un dernier exemple: (105) Jason : “Hasn't your sister put on a lot of weight recently!” Betty : “She's having a baby!” Bien entendu, cet énoncé ne veut pas dire que l'accouchement est en cours : BE + -ING n’a pas sa valeur d’aspect progressif – mais la valeur d’inaccompli a du sens puisque le procès reste à valider – mais plutôt une valeur aspectuelle d’anticipation (= elle est sur le point d’avoir/elle attend un bébé) du fait du procès de type achèvement, have a baby, qui est instantané, non duratif. Mais en plus de l’aspect, il faut comprendre ici que l'énoncé de Betty vient apporter une explication à la phrase de Jason : JE PENSE (point de vue de l’énonciateur) que c’est parce qu’elle est enceinte que ma soeur a pris du poids. Nou avons également vu que BE + -ING se distingue de la forme simple parce que BE-ING inscrit toujours la relation prédicative dans une situation particulière. Contrairement au présent simple, elle exprime l’inhabituel, le temporaire et renvoie de façon générale à tout ce qui est activité. 40 IV- LE PRÉTÉRIT EN BE + -ING Cette partie sera courte dans la mesure où de nombreux emplois du prétérit en BE-ING reprennent les valeurs de BE-ING véhiculées par le présent en BE-ING, la différence étant le moment repère, c’est-à-dire le moment par rapport auquel le procès (exprimé par le verbe portant la marque BE-ING) est localisé, repéré. Avec le présent en BE-ING, le moment repère est le moment présent d’énonciation. Avec le prétérit en BE-ING, ce moment repère n’est plus T0 mais un moment antérieur à T0, soit T-1. (106) When I came in, she was dressing up. Le repère pour la validation de la RP she/dress up est le moment de validation de la RP I/come in. Le procès <come in> a eu lieu en T-1, c’est-à-dire à un moment antérieur au moment d’énonciation (T0). La RP she/dress up est vue en cours de déroulement (valeur aspectuelle d’inaccompli) au moment repère T-1 : une partie du procès avait été accomplie avant T-1, en T-1, le procès était toujours en cours de déroulement et il restait une partie inaccomplie. Dans la situation de référence (marquée par l’adverbiale when I came in), le procès dress up est ouvert : la borne de gauche a été franchie, mais pas la borne de droite, qui reste ouverte. La forme simple sur dress up neutraliserait la situation point de vue : le procès serait envisagé indépendamment de tout point de vue et les occurrences des procès come in et dress up, vues de manière globale, pourraient figurer en succession chronologique. Or ici, BE-ING permet à was dressing up de servir de cadre événementiel au procès ponctuel come in. De plus, BE-ING nous montre ce que l’énonciateur voit lorsqu’il entre dans la pièce. Il y a donc une valeur situationnalisante : l’ouvert renvoie à la situation spécifique dans laquelle se trouve le référent du sujet I. Attention : le fait d’employer BE-ING n’a rien à voir avec la durée effective du procès. Vous avez souvent tendance à penser que BE-ING indique que le procès dure dans le temps et que cela expliquerait la différence avec un prétérit simple. C’est faux. La différence entre un prétérit simple et un prétérit en BE-ING tient au fait que dans le premier cas, l’énonciateur choisit de présenter un procès dans sa totalité, du commencement à la fin, alors qu’avec un prétérit en BE-ING, il choisit en (106) de présenter le procès dress up en cours de déroulement à un moment passé. 41 V- (HAVE(Ø)-EN) + (BE-ING) LE PRESENT PERFECT EN BE-ING De la même manière que le prétérit simple se distingue du prétérit en BE-ING, il existe une différence entre le present perfect simple et le present perfect en BE-ING. On retrouve la valeur de continuité ; le procès englobe alors explicitement T0 : (107) Where have you been living since May twelfth of this year? Le procès live somewhere since May twelfth this year a commencé à être validé le 12 mai de l’année du locuteur et se poursuit en T0. Cependant, le procès peut avoir atteint une borne de fin en T0, comme en (108) : (108) It was a terribly hot summer, a hundred and thirty degrees, so they said though I can hardly believe it, and there were a lot of murders brought on by the heat. There was a terrible lot of violence. I've been reading the newspapers for July and August that year. But you ought to read about it in Famous Trials, I've got a copy you can have." (Barbara Vine, ASTA'S BOOK) On pourrait alors s’attendre à une valeur résultative. On va toutefois montrer qu’elle passe au second plan, en raison de la présence de BE-ING. Ce n’est pas seulement le résultat du procès qui a de l’importance comme avec un present perfect sans BE-ING (I’ve read the newspapers = I know them, I know the stories) ; ce qui compte, c’est l’activité (« newspaper reading ») qui est distinguée. L’énonciateur part d’une série de constatations (It was a terribly hot summer/ and there were a lot of murders/ There was a terrible lot of violence) pour remonter à l’activité (read the papers) origine de ces constatations. Il s’intéresse au référent du sujet et à l’activité à laquelle il s’est livré. Dans d’autres contextes, c’est un indice présent dans la situation (dans l’énoncé (109), le fait de savoir) qui permet à l’énonciateur de reconstruire l’événement : (109) `Now I declare that's too bad!' Humpty Dumpty cried, breaking into a sudden passion. `You've been listening at doors--and behind trees - and down chimneys - or you couldn't have known it!' (Lewis Carroll, Through the Looking-Glass) Dans l’énoncé ci-dessous, <fill with tears> amène à reconstruire le procès-origine <eat raw onions> : (110) If Harris's eyes fill with tears, you can bet it is because Harris has been eating raw onions, or has put too much Worcester over his chop. (Jerome K Jerome, Three Men in a Boat.) L’énonciateur s’intéresse ici moins au résultat du procès eat raw onions (ce qui serait le cas avec un Present Perfect sans BE-ING) qu’au sujet Harris et à l’activité à laquelle il s’est livré 42 et qui permet de justifier pourquoi il pleure. L’énonciateur part d’un constat présent pour remonter à l’événement-origine. Comparez (111) et (112) : (111) They’ve drunk three glasses of wine. (112) They’ve been drinking. En (111), le procès drink three glasses of wine est télique, ce qui signifie qu’il a une finalité. Une fois que les trois verres sont bus, le procès <drink three glasses of wine> est terminé. Le Present Perfect montre que l’énonciateur s’intéresse à la finalité du procès, qui est indiquée par le COD three glasses of wine. C’est le résultat concernant les trois verres de vin bus qui importe. En revanche, en (112), le verbe drink est employé de manière intransitive, i.e. sans complément. Le Present Perfect en BE-ING montre que l’énonciateur porte son attention non pas sur la finalité du procès drink (qui serait indiquée par un COD) mais sur le sujet et son activité qui vient expliquer un comportement présent qu’on peut deviner être le suivant : ils titubent, ils ne savent plus ce qu’ils disent, etc. C’est la raison pour laquelle (111’) et (112’) sont très étranges : (111’) ? They’ve drunk. (112’) ? They’ve been drinking three glasses of wine. Attention : cela ne signifie pas que le Present Perfect en BE-ING ne peut pas s’employer lorsque le verbe est suivi d’un complément. Comparez (113) et (114): (113) You’ve eaten my cake. (114) You’ve been eating my cake. Dans l'énoncé (113) on comprend qu'il s'agit d'un procès télique, et qu'il ne reste donc plus de gâteau. La valeur de HAVE + -EN est résultative (il n’y a plus de gâteau, je ne peux plus en manger), et l'énoncé est relativement neutre. L'énoncé (114), en revanche, parle moins du gâteau que du sujet. Il se peut qu'il en reste, mais ce n'est pas le plus important. Ce qui compte c’est que l’énonciateur relève dans la situation, donc en T0, des indices (des miettes par terre, une assiette sale, des traces de chocolat autour de la bouche, etc.) et désigne le référent du sujet comme le responsable étant donné l’activité à laquelle il s’est livré. Cet énoncé est effectivement plus efficace dans le cadre de l'accusation, du reproche, ou même du contentement (je suis content que vous l'ayez apprécié...). On retrouve ici la valeur de commentaire de BE-ING qui laisse voir le point de vue de l’énonciateur. Le Past Perfect en BE-ING combine les valeurs du Past Perfect et de BE-ING. Soit (115) : (115) Judging by the way he talked, it was obvious that he’d been drinking. Ici, l’énonciateur nous apprend qu’en T-1 le référent du sujet avait un comportement anormal et il en déduit que, antérieurement à T-1 (antérieurement à he/talk), celui-ci avait bu plus que de raison. On retrouve donc le lien (marqué par HAVE + -EN) entre le moment repère (ici T-1) et une activité antérieure (he/drink) ainsi que la forte implication de l’énonciateur (marquée par BE + -ING) qui explique le comportement du référent du sujet en T-1. 43 CONCLUSION SUR L’ASPECT Les problèmes d’aspect peuvent être posés en termes de changement d’état et de franchissement de bornes. Nous avons vu trois types d’aspect : -le fermé : on se place après la borne de droite du procès, qui est prise en compte. On est dans l’adjacence du procès. I have written a letter [ ] x - l’ouvert: on se place dans l’intervalle, la borne de droite reste ouverte, on ne garantit pas le terme du procès. I am writing a letter. [ [ - l’aoristique: autre manière de considérer le procès, en dehors de l’opposition fermé/ouvert ; procès vu globalement, notionnellement, en neutralisant l’intervalle. C’est la valeur aspectuelle des formes simples du verbe, que l’énoncé ait une valeur spécifique (He then smoked a cigarette) ou générique (he smokes). 44 IV. Annales de sujets - examens et devoirs A part le devoir n°1, tous les autres devoirs sont des devoirs ayant été donnés à l’examen. Il vous est conseillé de répondre aux questions avant de lire le corrigé pour pouvoir comparer votre travail au corrigé proposé. Les devoirs 2 et 3 sont des devoirs donnés en entraînement à la FAD. Le corrigé que j’ai fait contient des conseils/remarques relatifs aux commentaires que j’ai pu trouver dans les devoirs d’anciens étudiants. Je les ai laissés car je pense qu’ils pourraient vous être utiles en vous éclairant sur certaines de vos erreurs. Note : certains corrigés ont été rédigés par moi-même, d’autres par des collègues. Par conséquent, la terminologie est parfois un peu différente de celle que vous trouverez dans la partie « cours ». Si la formulation change quelque peu, l’analyse des formes verbales et nominales qui vous sont proposées est cependant la même. Je vous conseille de bien lire le corrigé du devoir 1 pour vous familiariser avec la terminologie avant de passer aux autres devoirs proposés. DEVOIR n°117 Ce devoir propose une synthèse (temps/aspect) ; le corrigé proposé n’est donc pas un corrigé-type et constitue une transition entre le cours et les devoirs de type examen proposés à partir du devoir n°2. Texte A : 1 5 10 'Hello, Lady Selina. Haven't seen you since Crufts. How are the Borzois ?' 'What on earth are you doing here, Bess ?' 'Just staying here. I've just driven up from Land's End. Four hours and three quarters. Not bad.' 'You'll kill yourself one of these days. Or someone else.' 'Oh I hope not.' 'But why are you staying here ?' Bess Sedgwick threw a swift glance round. She seemed to see the point and acknowledged it with an ironic smile. 'Someone told me I ought to try it. I think they're right. I've just had the most marvellous doughnut.' 'My dear, they have real muffins too.' Texte B 1 17 'We must put the Fenland College of Arts and Technology on the map.' 'I should have thought it was there already, said Dr Board, resorting as usual to the literal to preserve his sanity. 'In fact to the best of my knowledge it's been there since 1895 when-' Corrigé : M. Lanc. 45 5 'You know perfectly well what I mean, 'interrupted Dr Mayfield, 'The fact of the matter is that the College has reached the point of no return.' 'From what ?' asked Dr Board Dr Mayfield turned to the Principal. 'The point I am trying to make-' he began, but Dr Board hadn't finished. 'Is apparently that we are either an aircraft halfway to its destination or a cartographical feature. Or possibly both.' Etude de la détermination verbale dans: 1 (TxtA, 1.4) I've just driven up from Land's End. 2 (TxtA, 1.9) Bess Sedgwick threw a swift glance round. 3 (TxtA, 1.3) What on earth are you doing here, Bess ? 4 (TxtB, 1. 12) Dr Board hadn't finished. DEVOIR n° 1 CORRIGÉ A/ Temps: On pouvait rapprocher les énoncés 1 et 3 du point de vue de la marque portée par le premier auxiliaire (marque de présent sur have/are). Dans les deux cas, nous avons un échange dialogué. Chacun des énonciateurs rapportés renvoie par ce présent à la situation étroite qui est celle du dialogue, rapport allocutif instauré entre Lady Selina et Bess. Ces formes de présent ont une valeur temporelle d'actuel parce que le moment auquel réfère chaque énonciateur, est en relation d'identification (coïncidence) avec le moment de l'énonciation (To moment défini comme origine, ici moment de locution). Les énoncés 2 et 4 portent la marque morphologique du prétérit sur le verbe (knew) ou sur l'auxiliaire (had). Cette marque signifie que le moment auquel réfère l'énonciateurnarrateur est en relation de différenciation (décalage) avec To (moment de l'énonciation origine). Cette non-coïncidence donne aux procès une valeur temporelle de révolu. B/ Aspect : Du point de vue de l'aspect, on peut considérer dans un premier temps les formes auxiliées 3,1 et 4. Enoncé 3 : On observe la marque BE-ING, qui donne au procès une valeur d'ouvert (que l’on peut représenter ainsi : [ [ ) On parle également de valeur aspectuelle d’inaccompli : en T0, au moment d’énonciation, une partie du procès est réalisée, mais une autre reste éventuellement à accomplir ; le procès est en cours de développement en T0. 46 Dans ce contexte précis on peut remarquer que cet ouvert renvoie explicitement à la situation de locution. On a une valeur situationnalisante de « be-ing ». La signification de cet énoncé est : "je suis étonné de vous voir ici'. On remarquera que le sens visé n'est pas celui de la question 'What are you doing ?". Il ne s'agit pas d'interroger le co-énonciateur sur son activité actuelle, mais sur sa présence dans le lieu (here) et au moment (now) défini par la situation de dialogue. Cet ouvert renvoie donc à la situation spécifique des interlocuteurs en cause. Enoncé 1 La R[elation]P[rédicative] I/just drive up from Land’s End a été validée à un moment antérieur au moment d’énonciation. Toutefois, la marque de présent portée par l’auxiliaire HAVE est le signe d’un lien établi entre ce repère passé et le présent. Il s’agit ici d’un emploi avec l’adverbe just qui indique que la RP a été validée peu avant le moment d’énonciation, d’où le lien entre le repère passé et le présent. De plus, la validation de cette RP dans le passé a des conséquences sur T0 : au moment d’énonciation, le résultat de la validation du procès est que l’énonciateur se trouve bien là, ce qui renvoie à la question what are you doing here ? Autrement dit, nous sommes en présence ici de la marque HAVE-EN de l'aspect fermé, qui signifie que le moment point de vue sur le procès DRIVE est en relation de différenciation par rapport au moment associé au procès. Cette relation de différenciation est induite par le marqueur de localisation HAVE. Cette localisation donne au procès une valeur de fermé. L'énonciateur rapporté garantit l'événement DRIVE UP dans sa totalité et se place dans la zone d'adjacence du procès : [ ] x Aussi met-il l'accent sur l'après-procès, il considère l'impact de ce procès sur le moment de référence qui est le présent. On peut gloser en : "voilà ce qui en résulte" : l'm here. Il ne réfère donc pas à l'événement en lui-même mais à ses conséquences. Enoncé 2: Cette forme, qui porte la marque temporelle du prétérit, est une forme simple, non auxiliée. L'énonciateur se place en dehors de la dichotomie ouvert/fermé, de manière à présenter objectivement l'événement qui est ainsi globalisé. On pourra le représenter par des bornes confondues. Il y a rupture entre le moment de validation de la RP Bess Sedgwick/throw a swift glance et la situation point de vue, qui correspond au moment d’énonciation. «Les événements semblent se raconter eux-mêmes » (Benveniste). Il y a indétermination aspectuelle, en ce sens que le procès n'est montré ni comme ouvert, ni comme fermé. C'est un aspect aoristique. Enoncé 4 Nous sommes en présence de la marque HAVE-EN, avec sur l'auxiliaire la marque du prétérit. Il s'agit ici de savoir si nous avons affaire à un fermé (comme dans l'énoncé 1) translaté, ou à un aoriste (comme dans l’énoncé 2) translaté, « translaté » signifiant calculé par rapport 47 à un repère dérivé. Si l'on ne tient pas compte de la translation (décalage dans le passé) l'énoncé correspond à : but Dr Board hasn't finished. Cela signifie que l'énonciateurnarrateur se situe dans l'après du procès FINISH et met en évidence le résultat du procès sur le moment de référence qui est ici le passé. Il s'agit donc d'un fermé translaté. Un énoncé du type « He had arrived a moment before » correspond à « He arrived a moment ago » et illustre donc la translation d'un aoristique. Seul le contexte permet d'interpréter le type de repérage auquel renvoie la forme HAD-EN. Il est intéressant de remarquer ici que FINISH est un méta-verbe d'aspect, et illustre la borne de droite du procès SPEAK implicite dans ce contexte : he hadn't finished speaking. Ceci est à rapprocher du procès BEGIN (l. 12, he began) qui est aussi un méta-verbe d'aspect, mais qui illustre la borne de gauche du procès SPEAK.18 DEVOIR n° 2 She stretched out her legs and stuck her feet under his thigh. ‘Do you want to eat?’ ‘Yes, but I want to take a shower first.’ ‘All right’, she said, pulling her feet out and setting them on the floor. ‘I’ve made the sauce with peppers and sausage.’ ‘I know’. ‘I’ll send Chiara to get you when it’s ready.’ She got to her feet and set her own glass, still more than half full, on the table in front of the sofa. Leaving him there in her study, she went back to the kitchen to finish preparing dinner. By the time they all sat down, Raffi having returned home just as Paola was serving the pasta, Brunetti’s spirit had lifted a bit. Donne Leon, Friends in High Places, 2001 Identifiez, expliquez et justifiez les marques de détermination portées par les verbes : SIT (9), SERVE (l.9) et LIFT (l.10) DEVOIR n° 2 CORRIGÉ Je distingue clairement a) description b) problématique c) analyse pour proposer un corrigé clair et insister sur l’importance de la méthodologie mais on ne s’attend pas à ce que vous indiquiez « a) description, b), etc. ». C’est seulement le plan qu’il faut suivre. 18 Corrigé : M. Loret, C. Moreau. 48 Les trois verbes à analyser figurent dans le même énoncé. On attend de vous une analyse détaillée de la détermination verbale portée par chacun de ces verbes, mais comme ils figurent dans le même énoncé, quelques remarques sont attendues pour commenter la présence de ces trois formes différentes au sein d’un même énoncé. (c’est ce que je fais lorsque je pose la problématique relative à l’analyse de sat ; cf. infra). Certains devoirs ont bien compris la démarche de comparaison. On pourra signaler que l’énonciateur de l’énoncé à étudier est le narrateur, l’énoncé s’inscrivant dans le récit. SIT Description et contextualisation : Le GV sat (down) est composé du verbe lexical sit portant le suffixe flexionnel –ED du prétérit (prétérit irrégulier) (suivi de la particule adverbiale down). On remarque que ce prétérit fait suite à une série de verbes dans le paragraphe précédent qui portent la même marque de détermination verbale: got, set, went. Problématique : L’emploi du prétérit dans le récit est tout à fait attendu. Toutefois, il sera intéressant de comparer cet emploi à l’emploi du prétérit en BE-ING dans la suite de l’énoncé et du pluperfect (HAD-EN) à la fin du même énoncé. Analyse : -ED marque une rupture, d’ordre chronologique ici, entre la situation-repère, c’est-à-dire le présent d’énonciation du narrateur, et le moment de validation de la relation prédicative (RP) they/ sit down19. En effet, cette RP a été validée antérieurement au T0 du narrateur, à un moment du passé. –ED prend donc une valeur de révolu : l’événement (ou le procès) sit down est en décalage (temporel) avec le moment d’énonciation. Cette forme de prétérit simple véhicule un aspect aoristique ou zéro : l’énonciateur, i.e. le narrateur, ne fait que livrer au co-énonciateur (le lecteur) le fait passé, sans le commenter. Il n’y a rien d’étonnant à cela : l’énoncé figurant dans le récit, l’énonciateur retrace la chronologie des événements de manière purement factuelle, objective. Nous remarquons que sa stratégie n’est pas la même dans la suite de l’énoncé qui fait apparaître un prétérit en BE-ING signalant un point de vue subjectif que nous mettrons au jour après avoir d’abord analysé la détermination verbale portée par le verbe lift car cette analyse se fera au regard de l’emploi du prétérit que nous venons d’étudier. LIFT Description : Le GV had lifted se compose de l’auxiliaire HAVE au prétérit (-ED) suivi du verbe lexical lift portant le suffixe flexionnel du participe passé, -EN. 19 Au lieu de parler de RP, vous pouvez également parler du procès sit down. 49 Problématique : Comme indiqué précédemment, on s’interrogera sur la présence de cette forme auxiliée HAVE-EN à la suite d’une série de verbes au prétérit (autrement dit, pourquoi l’énonciateur n’a-t-il pas dit Brunetti’s spirit lifted a bit ?). On justifiera également la marque –ED du prétérit sur l’auxiliaire HAVE. Analyse : HAVE-EN permet ici de localiser le procès lift par rapport à un autre procès, sit down en l’occurrence (l.11). -ED signale une relation de décalage temporel entre le moment-repère (autres termes : le moment-point de vue, la situation repère) situé dans le passé et le moment présent de narration. L’énonciateur situe son point de vue à un moment du passé antérieur à T0 (on précisera ce moment dans l’analyse). HAD-EN signale ici un fermé translaté. Il s’agit en effet de la translation de HAVEØ+ -EN dans un contexte passé (Brunetti’s spirit has lifted a bit, dans un contexte présent). La validation de la RP Brunetti’s spirit/lift a bit est repérée par rapport au moment de validation de la RP they/sit down. Plus précisément, la RP Brunetti’s spirit/lift a bit a été validée à un moment antérieur au moment de validation passé de la RP they/sit down (nous savons que cette RP a été validée en T-1 d’après l’analyse faite plus haut de sat). HAD-EN marque un aspect fermé représentable ainsi: [ ] x. La borne de droite du procès lift est fermée et le point de vue de l’énonciateur se situe dans l’adjacence du procès. L’énonciateur prend en compte en T-1 (au moment où le procès sit down est validé, qui correspond au moment repère de l’énonciateur ici) le résultat de la validation du procès lift effectuée en T-2. Cet état résultant peut être formulé de la sorte : Brunetti was in a better mood then. HAD-EN véhicule donc une valeur résultative mise en évidence à un moment-repère passé. N.B. N’oubliez pas de reconstruire l’état résultant. C’est ce que j’appelle dépasser le niveau théorique. Interrogez-vous sur le résultat précis que l’énonciateur veut mettre en relief en utilisant HAD-EN ici. SERVE Description : Le GV was serving se compose de l’auxiliaire BE au prétérit (l’auxiliaire porte donc la marque –ED) suivi du verbe lexical serve portant le suffixe flexionnel –ING. Problématique : Il s’agit de la seule forme en BE-ING que l’on trouve dans ce récit essentiellement au prétérit. Pourquoi l’énonciateur n’a-t-il pas employé ici un prétérit simple (as Paola served the pasta)? Analyse : Par l’intermédiaire de BE-ING, l’énonciateur attire l’attention sur une situation bien spécifique, ce que n’aurait pas permis une forme de prétérit simple. Celle-ci aurait présenté le procès dans sa globalité. Or ici il est présenté sous son aspect inaccompli. Au momentrepère situé en T-1 (moment de validation de la RP Raffi/return home), la RP Paola/serve the pasta est vue en cours de déroulement. C’est la marque –ED portée par l’auxiliaire BE qui 50 situe le point de vue de l’énonciateur dans le passé, en décalage temporel avec le moment de narration/d’énonciation. L’aspect inaccompli indique qu’au moment-repère en T-1, une partie du procès serve the pasta avait été accomplie et une partie restait à accomplir. La borne de gauche du procès avait donc été franchie mais sa borne de droite restait ouverte : [ [ BEING revêt ici une valeur anaphorique puisque la forme verbale signale du déjà accompli, signalant ainsi une pré-construction du procès au moment-repère. L’intérêt de l’énonciateur se porte sur cette situation particulière, sur l’activité serve the pasta à laquelle se livrait le référent du sujet Paola au moment-repère, au moment où l’énonciateur se pose en témoin de la scène pour observer le procès de l’intérieur. BE-ING signale comme un zoom fait sur cette situation particulière. L’énonciateur quitte le domaine du récit lui-même pour nous donner une description de la scène au travers de son propre point de vue. Enfin, nous remarquons que la validation du procès serve the pasta sert de cadre à l’intérieur duquel vient s’inscrire la validation de la RP Raffi/return home. C’est ce qu’indique la conjonction de subordination temporelle as associée à BE-ING. Finalement, un prétérit simple n’aurait pas convenu puisqu’il aurait donné à voir un procès dans son intégralité, et pas en cours de déroulement au moment-repère passé. Le prétérit simple ( ?? just as Paola served the pasta) ne convient pas avec la conjonction as signalant non pas la succession de deux événements mais plutôt la simultanéité entre ces deux procès. DEVOIR n° 3 He said : “Why don’t you ask Denise who she’s sleeping with ? Ask her if the guy’s married and if he has any kids.” “I don’t think she’s dating anybody,” Enid said. “I’m telling you,” he said, “ask her if she’s ever been involved with somebody married. I think honesty compels you to ask that question before you hold her up as a paragon of Midwestern values. Jonathan Franzen, The Corrections Etudiez les déterminations verbales dans : - She’s ever been involved l.4 - Honesty compels you to ask that question l.5 Comparez les repérages aspecto-temporels dans: - (…) she’s dating anybody l.3 - I’m telling you l.4 51 DEVOIR n° 3 CORRIGÉ - She’s ever been involved l.4 Le segment à étudier est un énoncé au discours direct pris en charge par l’énonciateur désigné par le pronom he (l.1). Le groupe verbal (GV) est constitué de l’auxiliaire HAVE portant la marque Ø du présent simple ainsi que la flexion –S de la 3ème personne du singulier et du participe passé de la copule BE (qui porte donc la marque –EN) (suivi du participe passé du verbe lexical involve fonctionnant ici comme adjectif). On notera la présence de l’adverbe de fréquence ever entre l’auxiliaire HAVE et la copule BE, qu’il faut prendre en compte dans l’analyse. HAVE-EN est une forme auxiliée qui implique un point de vue défini de l’énonciateur. Il s’agit d’une forme aspectuelle au moyen de laquelle l’énonciateur situe son point de vue dans l’adjacence du procès < be involved with someone married >. La détermination verbale indique ici que l’énonciateur établit un lien avec le présent (car l’auxiliaire HAVE est au présent) en effectuant un bilan en T0. L’adverbe ever signale un parcours jusqu’au présent de toutes les fois où la relation prédicative she/be involved with someone married a pu être validée dans le passé. Il demande si on peut trouver au moins une occurrence du procès sur cette période de temps. Ce qui intéresse l’énonciateur, c’est « l’après-procès », pour ainsi dire, le bilan qu’il peut effectuer au présent. Si on ne peut pas vraiment parler de valeur résultative, en revanche on pourra suggérer une valeur d’expérience : l’énonciateur demande si au présent, le référent du sujet she a l’expérience de ce genre d’hommes. Un prétérit simple n’est normalement pas possible en raison de la présence de l’adverbe ever qui signale un parcours repéré par rapport au présent. D’autre part, le prétérit simple dans ask her if she was involved with someone married présenterait le procès en décalage temporel, en rupture avec le présent. L’énonciateur ne s’intéresserait alors qu’aux faits passés, de manière objective (valeur aoristique ou aspect zéro), alors que son attention se porte ici sur le bilan qu’il peut dresser au présent : « a-t-elle l’expérience de ce genre d’hommes ? » Pour reprendre la formulation de l’un d’entre vous : « à la lecture de l’énoncé, on comprend que les questionnements portent bien sur la moralité présente [du référent] du sujet she et cette moralité ne peut être appréciée qu’en procédant au bilan d’actes ayant eu lieu antérieurement, en T-1. » - Honesty compels you to ask that question l.5 Le GV se compose du verbe lexical compel portant les marques Ø du présent simple et –S de la 3e personne du singulier. Il s’agit donc ici d’une forme non auxiliée. L’énoncé est de nouveau inscrit au sein du discours direct et l’énonciateur est le même que précédemment. Le présent simple signale que la relation prédicative honesty/compel you est déclarée vraie, vérifiée. L’énonciateur se contente de valider la relation entre le sujet honesty et le prédicat < compel you >, sans ajouter un commentaire particulier. Le présent simple se charge ici d’une valeur générique, plus particulièrement d’une valeur gnomique, dite de vérité générale. La relation prédicative est déclarée vraie à tout temps, à n’importe quel moment de l’axe 52 chronologique, indépendamment de tout point de vue particulier (aspect aoristique) (donc quelque soit l’énonciateur), ce qui donne à l’énoncé une valeur objective. L’énoncé se veut sentencieux, moralisateur. Remarque (en dehors du corrigé lui-même) : Certains ont dit qu’il s ‘agissait d’une valeur de qualification du référent du sujet. Ce n’est pas totalement faux, mais en référence au cours de la brochure, c’est toutefois inexact. Ce que j’ai présenté sous l’étiquette « présent simple à valeur de propriété/qualification du référent du sujet » dans la brochure se distingue de la valeur gnomique en raison de la valeur spécifique du sujet dans le premier cas et de sa valeur générique dans le second. Dans un énoncé tel que iron rusts, où le présent simple a une valeur gnomique, il est vrai qu’on donne une propriété du référent du sujet iron à travers le prédicat <rust>. Toutefois, iron est un sujet à référent générique et la relation prédicative est valable à tout moment de l’axe chronologique, ce qui n’est pas exactement le cas dans un énoncé tel que You smoke too much, à valeur, certes, générique, mais où là le sujet you est spécifique et la relation prédicative est validée sur une période de temps beaucoup moins large que pour iron rusts. L’emploi est générique mais la RP n’est toutefois déclarée vraie que jusqu’à nouvel ordre ou sur une période de temps définie par la vie du référent du sujet. - she’s dating anybody l.3 Le GV comporte ici une forme auxiliée : il est constitué de l’auxiliaire BE au présent (portant les marques Ø du présent simple et –S de la 3e personne du singulier) suivi du verbe lexical date portant la flexion –ING. La forme aspectuelle BE-ING confère ici une valeur spécifique à l’énoncé. Le procès < date anybody > est rattaché à une situation définie. Contrairement à un présent simple (ask her if she dates anybody…) qui montrerait la validation du procès indépendamment d’un point de vue particulier (et conférerait sans doute une valeur générique à l’énoncé), la forme BE-ING souligne le fait que le procès est considéré par rapport à un point de vue bien défini, appelé aussi « situation repère ». La situation repère est ici la situation d’énonciation élargie. Il ne s’agit pas de T0, moment d’énonciation, mais d’une situation présente élargie (le procès est vu en cours de déroulement mais pas en T0 exactement (elle n’est pas décrite en train de fréquenter qqn en T0 même).: « ask her if she is dating anybody these days/at the moment ? ». Dans cette situation élargie, le procès est considéré comme non arrivé à son terme, d’où une valeur aspectuelle d’inaccompli : la borne de droite du procès n’est pas franchie, autrement dit elle est ouverte. On s’intéresse à l’activité du référent du sujet dans ce cadre temporel élargi. Le présent simple n’est pas possible ici car il ne permettrait pas de renvoyer à une activité liée à une situation spécifique. Il prendrait une valeur générique, qui ne correspondrait pas à l’intention de communication de l’énonciateur. - I’m telling you l.4 La description du GV est sensiblement la même que celle du GV précédent : l’auxiliaire BE au présent est associé à la forme en –ING du verbe lexical tell dans un énoncé au discours direct produit par le même énonciateur. 53 Toutefois la valeur de BE-ING diffère. La détermination verbale ne prend pas une valeur aspectuelle d’inaccompli ici, même s’il s’agit d’un emploi spécifique de BE-ING. BE-ING a une valeur anaphorique, de reprise d’un constat, ou plutôt ici d’une question, déjà posé(e) auparavant. L’énonciateur a en effet déjà dit : Why don’t you ask Denise who she’s sleeping with ? Ask her if the guy’s married and if he has any kids.” I’m telling you renvoie à ces énoncés précédents, l’énonciateur reprenant le contenu sous une autre forme. On pourrait presque traduire par : « je te le répète, demande-lui si… » La composante subjective de la forme BE-ING est ici très claire. Une forme simple ( ?? I tell you…) serait très étrange en raison du caractère objectif que prendrait l’énoncé. Or ici, nous voyons bien la position, le point de vue de l’énonciateur qui commente, reformule un déjà dit. Remarque : certains d’entre vous ont parlé d’insistance. C’est juste, mais c’est un effet de sens, vous n’expliquez pas la valeur de BE-ING qui est une valeur de reprise d’un déjà dit, ici. Si l’énonciateur répète ses propos, c’est en effet pour insister sur l’importance de la question qu’il pose à Enid. DEVOIR n° 4 When he came back she was leaning against the post box beside the road, waiting. It was pretty late, the smell of broiled steak floated nose-high in the cooling air. Her face was young and smooth and fresh-looking. Her unmanageable funny black air was all on end. She waved to him from a distance, and he speeded up. She called out that supper was ready and waiting, was he starved? You bet he was starved. Here was the coffee. He waved it at her. She looked at his other hand. What was that he had there? Well, it was the rope again. He stopped short. He had meant to exchange it, but forgot. She wanted to know why he should exchange it, if it was something he really wanted. Wasn’t the air sweet now, and wasn’t it fine to be here? Katherine Anne Porter, Rope. a) Identifiez les marques de détermination que les formes verbales suivantes portent: came back was leaning had meant b) she was leaning : comparez la forme retenue à "When he came back, she leant against the post box beside the road". 54 DEVOIR n° 4 CORRIGÉ a) Il s'agit d'identifier les marques de détermination associées aux verbes. Tous portent la marque du morphème du prétérit réalisé qualitativement dans chaque cas. - came back est une forme simple du verbe, alors que les trois autres formes sont des formes auxilées. - was leaning : -ed- (be-ing) - had meant : -ed- (have-en) Les marqueurs (be-ing), (have-en), (shall), marqueurs de déterminations particulières, sont des constituants facultatifs. b) La détermination en '-ed –(be-ing)' dans she was leaning donne lieu à deux types de repérages. 1 - Sur le plan temporel, le morphème du prétérit signale que l'énonciateurnarrateur réfère à un moment qui ne coïncide pas avec To. Ce moment est représenté par l'adverbial When he came back. 2 - Cette subordonnée sert à son tour de repère par rapport auquel est construit le procès représenté par le verbe 'lean'. Ce verbe traduit une position, une attitude. Il s'agit pour le narrateur de montrer ce qu'a vu le personnage masculin à son retour. La jeune femme (Her face was young) est adossée contre la boîte aux lettres. C'est cette position, cette attitude de la jeune femme, à ce moment particulier qui est représentée par was leaning. La marque BE-ING a donc essentiellement une valeur situationnalisante. Elle donne à voir ce que voit le personnage he quand il revient. Il y a référence à une occurrence de procès construit comme ouvert, dans la situation de référence. Les valeurs aspectuelle et situationnalisante sont ici conjuguées. Topologiquement, en représentant le procès par des bornes, on voit que la borne de gauche est franchie, la borne de droite ouverte. A l'intérieur de l'ouvert, tout point est identifiable à tout autre. [ [. Avec la seule marque -ED sur le verbe, la forme simple aurait représenté le procès bornes confondues, c'est-à-dire en neutralisant la situation point de vue : 'He came back, she leant against the box'. Les deux occurrences ainsi constituées, globalisées, pourraient figurer en succession chronologique, alors que BE-ING permet à was leaning de servir de cadre au procès ponctuel he came back.20 Ce dernier vient s’inscrire à l’intérieur de l’intervalle de validation du procès lean. 20 Corrigé : M. Loret, C. Moreau. 55 DEVOIR n° 5 A woman was cleaning her step. He went up to her 'Excuse me, lady, am I right for Saunders Road?' She looked at him for a while without speaking. She realized at once that he had just come off a ship. 'I must be crazy today, don't know my way about. Not even where I belong.' 'Belong?' He stared at her. 'Where do you belong?' she asked him. The bag fell at his feet, he could not speak, he could not understand. 'This is a bit of Hornby Road,' the woman said, 'and that was Saunders Road.' Elsen did not move. He felt something swimming inside him he said, 'I ' You had better come in,' the woman said, she put a hand on the sailor's arm. She called into the house, 'Fred, come quick, will you.' And when Fred came, 'He was looking for Saunders Road and he was standing on it all the while,' she said. 'Oh !' Fred said. 'Oh Elsen had fallen across his canvas bag. They took him into the house. J.Hanley, The Road – p 84 Etudier en contexte la valeur des marques de détermination (temps et aspect) : was cleaning had fallen DEVOIR n° 5 CORRIGÉ a) Quelles sont les marques de détermination qui affectent les verbes « clean » et « fall » ? Description : le GV was cleaning se compose de l’auxiliaire BE portant la marque –ED du prétérit suivi du verbe lexical clean auquel est affixé le suffixe flexionnel –ING. Le GV had fallen se compose de l’auxiliaire HAVE au prétérit suivi du participe passé du verbe lexical fall, soit HAVE-ED + -EN. Les deux énoncés à étudier s’inscrivent dans la narration. On observe des couples d'opposition tels que : was cleaning s'oppose à is cleaning d'une part, et à «cleaned » d'autre part ; had fallen s'oppose à has fallen d'une part, et à fell d'autre part. Nous avons donc deux jeux de marques distincts, l'un au niveau de l'auxiliaire (be / have) et l'autre dans l'opposition forme simple / forme composée en Be-ING ou HAVE-EN. 56 b) Rôle de la marque -ED -ED a pour fonction d'instituer une relation de décalage entre le moment auquel réfère l'énonciateur-narrateur et le moment origine de la construction du récit. Cette relation de décalage prend une valeur temporelle de révolu par rapport au moment de l'énonciation. On pourrait faire apparaître cette distance entre le moment que construit l'énonciateur et l'origine énonciative par un adverbial du type « at that moment ». Dans (1), le moment auquel réfère le narrateur pourrait être explicité de la façon suivante : ‘When he went up to her, he saw that...'. En (15), ''At that moment they saw that he had fallen/he was lying on the pavement'. Ce moment, représenté par les deux adverbiaux cités, et construit comme révolu, sert à son tour de repère point de vue dans la représentation aspectuelle du procès. Il sert de relais à l'énonciateur pour la prise en compte du procès. c) Rôle de la marque BE-ING Pour tout témoin de la situation révolue à laquelle renvoie l'énonciateur, et notamment le personnage représenté par 'he', la scène suivante était observable: «il y avait une femme occupée à laver son devant de porte ». Ainsi, la représentation aspectuelle du procès, i.e. la construction que donne l'énonciateur-narrateur de l'intervalle associé au procès CLEAN, n'est pas celle d'un événement globalisé, insécable (ce qui serait le cas avec la forme simple: 'She cleaned her step. And then he went up to her’) qui permettrait la construction d'une chronologie. Il s'agit avec BE-ING de représenter un procès en cours dont le dernier point n'est pas garanti, d'où la valeur dite d'ouvert . Ce qui est important ici, ce n'est pas le caractère inaccompli de l'événement CLEAN, mais le fait que le sujet de l'énoncé 'a woman' soit montré engagé dans une activité (ménage) à ce moment particulier (when he went up to h-er). Avec ces marques, l'énonciateur s'intéresse davantage à l'activité du sujet, validée dans une situation spécifique (relation forte sujet/prédicat). d) Rôle de la marque HAVE-EN. Du point de vue aspectuel, les marques have-en signifient que le procès FALL est considéré comme fermé. En effet, le narrateur prend en compte le moment résultant du procès FALL. On s'intéresse alors à la borne droite fermée, représentée topologiquement comme la zone adjacente à la borne droite:[ ]x. le narrateur définit le moment de son point de vue sur le procès FALL: la phase résultante dont on peut rendre compte avec un état: 'Elsen was lying on the Pavement'. L'exclamation de Fred 'Oh ! Oh !'est la conséquence de la chute. DEVOIR n° 6 She stood silent, looking down and the voice rushed over her. You pushed - you pushed me - Molly. She found she could swallow again, and the hammering in her throat was less. By now his voice had dropped an octave; he had been speaking without a pause but for his gasping - the gasping had stopped now, and he was sitting there normally. '... not well; a spasm. Wasn't it, Molly ?' he was saying ; and she heard him say 'accident" sometimes. 57 Patrick O'Brian, Samphire Décrire et justifier : 1. his voice had dropped an octave 2. he was sitting there (1. 5) 3. he had been speaking without a pause. DEVOIR n° 6 CORRIGÉ 1. his voice had dropped an octave Description: marques -ed, have-en, verbe intransitif, suivi d'un GN à valeur de quantification (an octave). a) -ed L'énonciateur-narrateur réfère à une situation révolue, telle que l'indique le premier énoncé du texte : She stood silent. L'énonciateur construit, grâce à -ed, la référence à une situation en relation de décalage avec Sito. b) have -en L'énoncé She found she could swallow again introduit, par le verbe 'intime' (find) le point de vue du personnage Molly, point de vue dont se fait écho le marqueur de déixis now dans By now his voice had dropped an octave. Ceci montre que le point de vue aspectuel sur le procès est celui du personnage (Molly). Grâce à la forme have-en est opéré un constat, un bilan, une mesure (an octave) sur l'accomplissement du procès. On observera l'incompatibilité d'une forme simple de prétérit avec by now: *By now his voice dropped. En reconstruisant le point de vue du personnage auquel on prête le constat 'his voice has dropped", nous voyons que ce –ed -(have-en) est bien la translation par rapport à un repère révolu d'un présent have-en (même chose avec the gasping had stopped now). 2- he was sitting there Description: marques -ed, be-ing, verbe de position. Il est important d'observer ici encore les traces des doubles repérages. a)-ed 58 Repérage par rapport à l'énonciateur-narrateur, la marque -ed sur l'auxiliaire (be) est la trace de la construction du repérage temporel par l'énonciateur-narrateur qui réfère à une situation révolue. b) be-ing Repérage par rapport à l'énonciateur-rapporté, le personnage de Molly, dont nous sommes conduits à partager le point de vue, par le biais de ses perceptions visuelles (looking down), auditives ou autres sensations. Il nous est donc donné à voir ce que voit Molly. La forme be-ing a une valeur situationnalisante, glosable par: 'Dans la situation de référence, pour quelque observateur que ce soit (dont Molly), on pouvait voir le personnage (he) assis'. Par comparaison avec une forme simple de prétérit ('he sat'), la forme périphrastique rend compte de l'intrusion d'un point de vue extérieur sur le procès, alors que l'aoristique poserait l'événement de façon neutre. 3. He had been speaking without a pause Description : marques -ed (have-en) et (be-ing), verbe intransitif Même explication pour le repérage temporel que dans les deux énoncés précédents. Par ailleurs, combinaison des deux marques 'aspectuelles' [Rappel : on entend par 'aspect' la relation entre la situation point de vue et l’intervalle associé au procès]. L'on peut commencer par l'observation d'un énoncé qui ne comporterait que les marques ed(be-ing). 3'- He was speaking without a pause Be-ing conférerait au procès la même valeur d'actualisation - valeur situationnalisante d'un procès repéré par rapport à une situation spécifique, procès représentable par un ouvert, c-à-d que tout point de l'intervalle est identifiable à tout autre (N.B. : il ne s'agit pas d'envisager l'inachèvement d'une action). Glose : 'Dans la situation de référence, Molly pouvait l'entendre parler sans arrêt'. Néanmoins cette représentation est modifiée par l'introduction de la marque have-en qui signale un bilan (point de vue construit dans l'adjacence de la borne de droite d'un sousntervalle borné, à l'intérieur de l'ouvert). Par rapport à l'activité du Sujet de l'Enoncé, telle que be-ing permet de l’imaginer dans la situation de référence, l'énonciateur dresse un bilan (have-en) tel qu'il caractérise le Sujet affecté par l'activité à ce moment particulier. Ce qui est en question dans ce texte, c'est la voix, la voix que Molly n'a cessé d'entendre après 'l'accident'. Alors qu'elle se tait, qu'elle regarde autour d'elle, et que commencent à s'estomper les manifestations de malaise, Molly constate que le personnage masculin (he) n'a cessé de parler. 59 DEVOIR n° 7 Austin was seated all in a heap on the step of the car. It was his coughing which I had heard from above. He had been holding his head in silence, but now he was muttering to himself and running his eyes over the car. "Young fat-head!" he grumbled. "Can't leave things alone!" "What's the matter, Austin?" "Lubricators left running, sir. Someone has been fooling with the car. I expect it's that young garden boy, sir." Lord John looked guilty. "I don't know what's amiss with me," continued Austin, staggering to his feet. "I expect I came over queer when I was hosing her down. I seem to remember flopping over by the step. But I'll swear I never left those lubricator taps on." (Sir Arthur Conan Doyle, The Poison Belt.) Analysez les formes en caractères gras : 1a. Someone has been fooling with the car. 2a I never left DEVOIR n° 7 CORRIGÉ I/ 1a) (a) Someone has been fooling with the car. 1) Description : la suite soulignée est un present perfect + BE-ING : sujet + Have + BE – EN + (présent) (participe passé) FOOL + ING (verbe lexical) 2) Les problèmes qui se posent sont les suivants : a/ - valeur du present perfect + BE-ING par rapport au present perfect : (b) Someone has fooled with the car. et par rapport au prétérit : (c) Someone fooled with the car. b/ - effet de sens produit par le choix de cette forme. 60 3) Analyse : Le present perfect, en (b), indique la construction du résultat d’un événement passé (FOOLED) au moment d’énonciation. Or l’énonciateur ne se livre pas à un simple constat : Someone has fooled with the car => résultat : the Lubricators (were) left running de la même façon que l’on aurait : I have hosed down the car => résultat : the car is clean. Avec (a), on a plutôt l’inverse. L’énonciateur part d’un constat (Lubricators left running) et remonte à l’origine du résultat constaté. Le present perfect + BE-ING permet de mettre en valeur l’activité (fool) et, en même temps, l’agent origine de cette activité (someone). Un prétérit (c) ne ferait référence qu’à un moment détaché du moment d’énonciation. Avec fool, de sens péjoratif, et l’emploi du present perfect + BE-ING, l’énonciateur, partant d’indices présents dans la situation reconstruit l’activité et modalise l’énoncé en livrant un commentaire de type « reproche ». 2a I never left 1) Description : il s’agit d’un prétérit « irrégulier » (leave + ED) : sujet + NEVER + V-ED 2) Problème : Avec never on s’attend à un present perfect, comme dans les énoncés du type : I’ve never been to Australia, c’est-à-dire la construction d’un résultat négatif (never bloque tout parcours) au moment d’énonciation. 3) Analyse : or dans ce cas, l’énonciateur se refuse à construire un résultat : il ne veut en aucun cas envisager la moindre occurrence comme possible. Le procès est détaché de T0, sans faire de lien avec le présent d’énonciation. Le ton est emphatique (I’ll swear) et on peut supposer que never, à l’oral, recevrait un accent distinctif : I 'never left. DEVOIR n° 8 Jane Olivera came running along the path. Her hair streamlined back behind her. Her eyes were wide with fear. She gasped: ‘Howard?’ Howard Raikes said lightly : ‘Hallo, Jane. I’ve just been saving your uncle’s life.’ ‘Oh!’ She stopped. ‘You have?’ 61 ‘Your arrival certainly seems to have been very opportune, Mr – er –’ Blunt hesitated. ‘This is Howard Raikes, Uncle Alistair. He’s a friend of mine.’ Blunt looked at Raikes – he smiled. ‘Oh!’ he said. ‘So you are Jane’s young man! I must thank you.’ With a puffing noise as of a steam engine at high pressure Julia Olivera appeared on the scene. She panted out: ‘I heard a shot. Is Alistair – Why –’ she stared blankly at Howard Raikes. ‘You? Why, why, how dare you?’ Jane said in an icy voice: ‘Howard has just saved Uncle Alistair’s life, mother.’ ‘What? I – I- ’ ‘This man tried to shoot Uncle Alistair and Howard grabbed him and took the pistol away from him.’ Frank Carter said violently: ‘You’re bloody liars, all of you.’ Mrs Olivera, her jaw dropping, said blankly: ‘Oh!’ It took her a minute or two to readjust her poise. She turned first to Blunt. ‘My dear Alistair! How awful! Thank God you’re safe. But it must have been a frightful shock. I – I feel quite faint myself. I wonder – do you think I could have just a little brandy?’ (Agatha Christie, One, Two, Buckle My Shoe, London, 1940-1994, HarperCollins , pp 152-153) I-Analysez, en les comparant, les formes en caractères gras : I’ve just been saving your uncle’s life. (l. 4) Howard has just saved Uncle Alistair’s life, mother. (l. 15) II- Justifiez l’emploi du prétérit dans l’énoncé suivant : ‘This man tried to shoot Uncle Alistair and Howard grabbed him and took the pistol away from him.’ (l. 17) DEVOIR n° 8 CORRIGÉ I-Analyse Les deux énoncés proposés : (1) I’ve just been saving your uncle’s life. (l. 4) (2) Howard has just saved Uncle Alistair’s life, mother. (l. 15) comportent des formes verbales au present perfect : present perfect + BE-ING pour (1) ; present perfect pour (2). La question que nous nous posons est de savoir pourquoi, dans des contextes équivalents, avec le même verbe save, deux formes aspectuelles différentes ont été choisies. 62 En (1) l’énonciateur pose I (c’est-à-dire l’énonciateur lui-même) comme point de départ de la relation prédicative. Il est à la fois sujet syntaxique (C0) et agent du procès. La question précédente, qui déclenche la réplique contenant (1) porte aussi sur le sujet : She gasped: ‘Howard?’ et la réponse est encore une reprise du sujet : ‘You have?’ avec focalisation sur celui-ci, focalisation matérialisée par l’utilisation des italiques dans le texte. Avec un present perfect sans BE-ING, l’énonciateur s’intéresse à un résultat, comme en (2) avec le prédicat <save - Uncle Alistair’s life>. En (2), il ne s’agit pas de prendre en compte l’activité ni l’agent origine de cette activité, mais surtout le résultat que l’on peut gloser par : « Uncle Alistair is alive ». En (1), avec BE-ING, une opération linguistique supplémentaire est mise en place : non seulement il y a prise en compte d’un résultat comme avec le present perfect sans BE-ING, mais en plus de l’activité <save>, en même temps que l’origine du procès, agent-origine de cette activité. Cela vient du fait qu’avec le marqueur have, le procès validé par –EN est repéré par rapport au sujet ; avec BE-ING il y a ancrage dans la situation et mise en relief du verbe d’activité21. Avec un present perfect en (1) : (1a) I’ve just saved your uncle’s life. l’accent serait mis non plus sur l’agent mais sur le résultat du procès ; l’énonciateur se mettrait moins en valeur, se placerait moins sur le devant de la scène. Avec un prétérit : (1b) I just saved your uncle’s life. le lien avec le moment présent (T0) n’est plus établi, et l’énoncé devient uniquement narratif, détaché de la situation présente de l’énonciateur. Dans la situation de dialogue, avec en plus l’utilisation de just, cet énoncé ne semble pas être acceptable. II. Justifiez l’emploi du prétérit dans l’énoncé suivant : (1) ‘This man tried to shoot Uncle Alistair and Howard grabbed him and took the pistol away from him.’ (l. 17) On peut distinguer deux composantes du texte : la narration, œuvre du narrateur omniscient (par exemple : Frank Carter said violently ; Mrs Olivera, her jaw dropping, said blankly) et les parties dialoguées, qui représentent le style direct. Dans toutes les parties 21 Une étudiante fait remarquer que « le locuteur adopte un comportement volontairement désinvolte, marqué par l’utilisation de l’adverbe lightly (l. 3), exprimant peut-être [sa] volonté d’impressionner Jane ». Cette observation me semble bien, en effet, souligner la focalisation faite sur la fonction agentive. 63 narratives, le temps employé est le prétérit. Le prétérit permet d’introduire une coupure entre les événements rapportés (t-1) et le moment-repère, le présent (T0). En revanche, dans les parties dialoguées, le présent est le temps dominant (‘You’re bloody liars, all of you.’) ; on trouve aussi le présent dans le present perfect (Howard has just saved Uncle Alistair’s life, mother.’). Le moment-repère est le présent des personnages. Dans les dialogues, on ne rencontre que 4 occurrences de prétérit : dans l’énoncé donné et dans une autre réplique (I heard a shot). On peut se demander pourquoi le prétérit apparaît dans un contexte où le présent domine. Même à l’intérieur du discours direct, il est bien sûr possible d’inclure une narration, de rapporter des évènements passés, ce qui est le cas ici. Il y a passage du present perfect dans la réplique précédente (Howard has just saved Uncle Alistair’s life, mother) où le lien avec le présent est établi au prétérit : la coupure avec le présent est explicite, l’énonciateur s’efface au profit des faits rapportés. D’autre part, plusieurs procès sont mentionnés (tried to shoot ; Howard grabbed him ; took the pistol away). Chaque procès date le suivant, une impression de succession est donnée. DEVOIR n° 9 ‘Sir, I must speak to you about something that’s been on my mind concerning the department - for some time. What I have to say, if you’ll permit me, is merely a considered observation - nothing more - which I feel obliged to make by my position here in the office. It’s quite possible that I may be intruding into matters which shouldn’t concern me and which have a perfectly satisfactory official explanation. In which case, Sir, I’d be grateful - I’d quite understand - if you’ll tell me when I’m venturing too far.’ Even as I spoke I thought : What studied, what ingratiating servility. Out with it ! Accuse him face to face : You’ve been stealing office files. ‘Good heavens, Prentis, what an introduction. You’d better go on.’ The eyes expressed curiosity, but not alarm. I thought : It’s not too late to change tack ; to avoid wrecking my promotion prospects ; to avoid Quinn’s wrath. I could hastily invent some other story which wouldn’t launch me into trouble. Graham Swift, Shuttlecock, Allen Lane 1981. Analyse du present perfect + be-ing dans l’énoncé suivant : You’ve been stealing office files (l. 9). Comparer avec le present perfect de la l. 1 : something that’s been on my mind. 64 DEVOIR n° 9 CORRIGÉ You’ve been stealing office files : 1. Description : C0 + HAVE + BE-EN + V-ING + C1 c’est à dire un double aspect : un present perfect combiné avec une forme progressive. 2. Valeur des morphèmes composant la forme à étudier : le present perfect permet d’établir un lien entre moment passé et moment présent (présent de l’auxiliaire have ; accompli du participe passé). On pourrait dire que le résultat des événements passés est : « Office files are missing ». La forme BE-ING a un invariant : le repérage, choix d’une valeur dans un ensemble de possibles, d’où découlent des valeurs telles que l’ancrage dans une situation particulière (valeur éventuelle de « procès en cours », ce qui n’est pas le cas ici), l’anaphore (dans ce texte, il s’agirait d’indices qui permettent à E0 de porter son accusation). 3. Contexte : il s’agit d’un contexte négatif, d’accusation : « Accuse him face to face ». Il y a forte intervention de l’énonciateur, même si ce n’est qu’au travers de paroles fictives. L’énoncé est modalisé, et BE-ING est le marqueur de cette modalisation, qui met le C0 en vedette en le détachant du prédicat (rôle de BE). 4. Manipulations. Un present perfect simple : (1’) You’ve stolen office files ne marquerait que la construction d’un résultat en t0. On pourrait avoir : (1’’) You’ve stolen five office files alors que l’énoncé : (1’’’) You’ve been stealing five office files semble irrecevable, ce qui prouve que ce qui est important, c’est le processus lui-même et l’origine de ce processus : You, ainsi que le commentaire négatif portant sur le sujet. Dans l’énoncé : (2) something that’s been on my mind (for some time) seul le present perfect simple est possible en raison du type de procès en jeu, le verbe BE étant un verbe d’état, verbe statif : (2’) *something that’s been being on my mind.22 DEVOIR n° 10 But the fact is, a man hates the idea of a woman rushing. One night I know I did crack: I said, "Hell, I've got a ghost in my room!" He put me straight into a taxi and sent me - not took me home. 'I did see him several times after that. So his letter - his letter was a complete surprise … The joke was, I really had been out with a girl that evening I came in, late, to find his letter. 'If Neville had not been there when I got the letter, Neville and I might still - I suppose - be married. On the other hand - there are always two ways to see things - if Neville had not been there I should have gone mad ... So now,' she said, with a change of tone, 'I'm living in an hotel. Till I see how things turn out. Till the war is over, or something. It isn't really so bad, and I'm out all day. Look, I'll give you my address and telephone number. It's been wonderful seeing you, darling. You promise we'll meet again? I do really need to keep in touch with my friends. And you don't so often meet someone who's seen a ghost!' 22 Corrigé : J. Albrespit. 65 'But look, did you ever see it?' 'Well, not exactly. No, I can't say I saw it.' 'You mean, you simply heard it?' 'Well, not exactly that… 'You saw things move?' 'Well I never turned round in time. I ... ' 'If you don't understand - I'm sorry I ever told you the story! Not a ghost - when it ruined my whole life! Don't you see, can't you see there must have been something? Left to oneself, one doesn't ruin one's life!' E. Bowen Décrire et justifier l'emploi des marques de détermination verbale : I'm living in a hotel.' You don't so often meet someone who's seen a ghost.' DEVOIR n° 10 CORRIGÉ Décrire et justifier l'emploi des marques de détermination verbale : 'I'm living in a hotel Nous observons, associées au verbe live, la marque du présent sur l'auxiliaire BE, et la marque BE-ING. De quelle catégorie relèvent ces marques ? De quelle détermination du procès live sont-elles la trace ? a) La forme de présent. Nous trouvons dans cet énoncé l'adverbe now, image du moment auquel réfère l'énonciateur rapporté (she said: le sujet d'énoncé she est montré, par le verbe déclaratif qui intervient dans l'incise, comme origine de l'énoncé en cours). La marque de présent sur l'auxiliaire BE confirme que le moment auquel réfère cet énonciateur coïncide avec le moment de l'énonciation. De là découle une valeur d'actuel, à opposer à une valeur de révolu dont témoignerait le prétérit dans : ‘So then, I was living in a hotel.’ b) Quel est le rôle de BE-ING ? La valeur de cette marque peut d'abord être approchée si l'on met en regard : I live in a hotel, (adresse déclarée permanente), et I’m living in a hotel (situation transitoire). Le contexte montre explicitement que le procès considéré, (procès-processus, intrinsèquement bornable, itérable), est garanti partiellement. Il y a eu, pour le sujet concerné, représenté par I, changement de domicile, et ce pour une période passagère, dont le terme ne peut encore être fixé :Till I see On peut dire que BE-ING manifeste ici l'aspect ouvert: En termes topologiques, en termes d'espaces, la borne de gauche du procès est franchie, et donc fermée, et la borne de droite, 66 non-atteinte, est ouverte. Le point de vue sur le procès se situe quelque part entre les deux bornes, tout point à l'intérieur de l'intervalle étant identifiable à tout autre. On ne parlera pas ici de valeur situationnalisante : l'événement représenté n'est pas, au moment de locution, signalé comme directement observable. how things turn out. Till the war is over, or something. 'You dont so often meet someone who’s seen a ghost. ' (1. 16-1 7) Nous trouvons ici deux formes verbales auxiliées : - DO + base verbale infinitive, MEET, et le marqueur de négation NOT contracté en N'T, et un adverbe de fréquence OFTEN. - HAVE + le participe passé de SEE Chacun des deux auxiliaires est porteur de la marque de présent, mais il est important de montrer que la valeur d'actuel (coïncidence entre le moment auquel renvoie l'énonciateur et l'origine énonciative) ne se construit pas par rapport au même repère dans les deux cas. Alors que le repérage temporel de 'meet' s'organise à partir du même énonciateur que celui de 'I’m living', celui de 'has seen' implique un discours rapporté du 'someone who can say : « I’ve seen a ghost ». Le texte permettait de ce point de vue de contraster l'énoncé retenu à : 'I cant say I saw it' et, ligne 2, avec marqueur de datation explicite, 'One night I know I did crack. Sur le plan aspectuel, la détermination de MEET, procès-processus, est liée à la présence de l'adverbe sur lequel porte la négation : not so often : 'It's not often the case that you meet…', 'You rarely meet... ', 'at times only'. L'adverbe de fréquence, et la forme simple du verbe, permettent de représenter des occurrences globalisées et itérées du procès, la valeur aoristique étant liée à l'indétermination de chaque occurrence , représentable par un intervalle aux bornes enchevêtrées. N.B. You, en italiques le texte, ce qui traduit un accent d'emphase, n'a pas ici la valeur générique de people mais désigne expressément l'interlocuteur. Someone who has seen a ghost Nous opposerons le point de vue aspectuel sur le procès SEE A GHOST aux représentations qu'en donnent les énoncés des lignes 18 did you ever see it ? (= did you at any time meet a ghost ?) , 1.19 I can't say I saw it, (= je ne puis affirmer, me porter garant qu'il y ait eu validation du procès 'see it') ou même, avec changement de verbe de perception , l.20 you simply heard it ? Ce que montre l'emploi de la forme HAVE-EN, c'est que dans cet énoncé, l'énonciateur ne s'intéresse pas à l'événement perceptif lui-même, au moment où il s'est produit, mais aux conséquences du procès: someone who’s seen a ghost can tell what a ghost is like. C'est en cela que la forme HAVE-EN signale que l'énonciateur s'intéresse à l'adjacence du procès. Peu importe le moment où a été validé see a ghost, peu importe qu'il y ait eu une ou plusieurs occurrences validées de ce procès (I saw a ghost once or several times), ce qui compte, c'est que le sujet concerné soit dans l'état de quelqu'un qui a la connaissance de ce qu'est un fantôme. Dans les cas de transitivité du verbe qui décrivent une relation d'agent à 67 patient, (ex :I’ve broken a bottle), l'aspect fermé permet de construire l'état résultant qui affecte l'objet (la bouteille est cassée). Dans le cas du verbe de perception, l'accomplissement du procès n'affecte pas l'objet perçu mais a des conséquences sur le sujet siège de la perception.23 23 Corrigé : M. Lanc. 68