Perdue dans ses pensées, elle réfléchit, se torture
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Perdue dans ses pensées, elle réfléchit, se torture
Semaine 13 Ça Perdue dans ses pensées, elle réfléchit. Elle se torture. Elle ne pense qu’à ça, s’endort avec ça, se réveille avec ça. Ce ‘‘ça’’ l’empêche de travailler, de dormir, de faire autre chose que ce qu’elle est contrainte de faire. Le ça envahit tout, étouffe tout, ravage tout. Le ça n’a quasi pas d’origine, est futile, presque inexistant. Mais pour elle, il est tout : complexité, frustration, problèmes ; sans issue, bouleversant, trop présent. De l’autre côté du ça est l’inconnu, ce qui attise tant la curiosité. L’ignorance de ce qu’il se passe derrière. L’envie de remonter le temps, d’avancer le temps, d’oublier, d’y penser toujours, de se maîtriser, de tout contrôler. Savoir ce qu’il se serait passé, savoir ce qu’il se passera, savoir quelle voie choisir ; savoir que dire, que faire, que penser, qu’oublier. Obsédant ressassement de ce qui n’est peut-être qu’illusion, néant, imagination trop débordante, nocive. L’humain est vraiment bête. Ou alors, elle est vraiment bête. Se pourrir la vie des journées entières, pour rien. Ce ça occupe son cerveau en continu. Elle aimerait savoir. Elle repasse tout pour grappiller des indices. Mais rien, rien sur quoi s’appuyer. L’attente… Encore et encore… Jusqu’à ce que la fureur des sentiments et émotions chuchote de plus en plus et finisse par s’éteindre. Mais dans cette expectative, que de mal fait dans le vide, que de pensées inutiles perdues à jamais, que de temps gaspillé pour ça. Elle sent l’imbécillité de tout ceci, mais c’est plus fort qu’elle, elle ne contrôle rien. Et ça continuera, encore et encore, et quand ce ne sera plus ce ça, c’en sera un autre, puis encore un, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’elle en crève, à force de trop souffrir. La fin est proche, bien plus proche qu’elle ne pense. Elle surviendra sans prévenir, et alors elle regrettera tout. Elle le sait, elle sait qu’elle regrettera. Mais la vie est tellement futile et fausse, que ce genre de « passe-temps » sont des fils auxquels elle s’accroche pour ne pas tomber dans la réalité. Elle fait comme tout le monde, elle s’invente une vie, sans vraiment savoir ce que c’est, ni ce qu’elle doit faire avec. Elle observe, voit ce qui est censé la rendre heureuse ou la briser, se plonge dedans, en ressort encore plus banale, mais en est vivante. Du moins, comme elle croit devoir l’être. Imbécillité. Mensonge. Refus de la vérité. Elle fait partie de la masse, elle fait partie de tous ceux qui ont construit cette croûte d’apparences, ce couvercle de fabulations miroitantes. L’intérieur, la solution, n’est pas estimée à sa juste valeur. Elle aussi pense détenir la vérité, alors qu’elle n’a fait que sauter dans l’immense simulacre des Hommes. Elle non plus ne se fatigue pas à essayer de saisir l’Immense, le Vrai, le Juste. Elle aussi vivra dans l’ignorance, mais le plus triste, c’est qu’elle ne s’en rendra même pas compte. Elle ignore son ignorance, ne sait rien et ne le sait même pas. Ocyna Rudmann