FRANQUET, Louis, Voyages et mémoires sur le Canada, Québec

Transcription

FRANQUET, Louis, Voyages et mémoires sur le Canada, Québec
FRANQUET, Louis, Voyages et mémoires sur le Canada, Québec, Imprimerie générale A. Côté &
Cie, 1889, 213 p. (Institut canadien de Québec). [TÉMOIGNAGE DE 1752]
Né à Condé le 10 juin 1697, Franquet entreprend, dès 1709, une carrière militaire qui le fera
successivement enseigne et, en 1712, lieutenant. En 1720, il obtient son brevet d'ingénieur ordinaire
du roi. Après quelques missions, il est envoyé à Louisbourg, en 1750, en qualité d'ingénieur en chef
chargé de l'inspection des fortifications de l'île Royale. En 1754, il est nommé directeur des
fortifications de la Nouvelle-France. On le fait prisonnier à la prise de Louisbourg, le 26 juillet 1758.
Il rentre en France au cours de la même année. Il meurt en 1768.
Le manuscrit des observations qu'il écrivait à chaque jour lors de ses voyages aux îles Royale et StJean, en 1751, et au Canada, en 1752, est composé de différents cahiers et fait partie des archives de
la guerre à Paris. Franquet commençait chacun de ses cahiers par la note suivante : « C'est moins en
vue de traduire ce voyage au public que j'écris, que pour me rappeler les objets que j'ai parcouru [sic]
et me rendre compte du temps que j'ai employé dans cette partie de l'Amérique. » 1 Une copie de ce
manuscrit fut transcrite et déposée aux Archives nationales du Québec en 1854. Cette copie a été
reliée en deux volumes. Le premier s'intitule : Isles Royale et St. Jean 1751. Voyage du Sieur
Franquet au Port La Joye, au havre de S t. Pierre, au Port des trois Rivieres de L'Isle S t. Jean [...], et
le deuxième : Voyage sur le fleuve S t Laurent et sur le Lac Champlain au Canada [1752 et 1753].
1
FRANQUET, Voyage et mémoires sur le Canada, p. 5.
Les notes sur le deuxième voyage ont été publiées par l'Institut canadien de Québec en 1889. C'est à
partir de cette édition que nous reproduisons le passage qui suit.2
[Passage daté des 5, 6, 7 et 8 août 1752]
« SECOND VOYAGE À MONTRÉAL
On rapporte ici ce qui peut avoir échappé à notre premier séjour à Montréal et au mémoire à la
Cour.
Séjour à Montréal
J'y repris la connaissance de ce qui intéressait les ouvrages de l'enceinte de cette ville, des
magasins du Roy, et des différents bâtiments qui sont à la charge de sa Majesté; et enfin, de tout
ce qui me parut avoir rapport au service. Il ne me fallait guères plus d'un jour pour éplucher tous
ces objets. Ainsi, je comptais partir de cette ville le 6, mais M. le Baron de Longueuil, qui était à
la veille de marier sa fille aînée3 avec M. de Maizières, lieutenant d'une des compagnies de la
marine en garnison à Louisbourg, me pria, eu égard à la liaison que j'avais contractée avec son
gendre futur dans le voyage que nous avions fait ensemble, de vouloir bien assister à son
mariage, de signer au contrat et de lui tenir lieu de plus proche parent. Il s'y prit d'une façon si
engageante qu'il ne me fut4 pas possible de m'en dispenser. La cérémonie était fixée au 8; il me
fallut donc malgré moy rester en cette ville plus longtemps que je ne m'étais proposé. [...]
Pendant mon séjour en cette ville, j'en parcourus l'intérieur. [...]
Tous les habitants y sont adonnés au commerce des pays d'en haut. Les officiers même
s'en mèlent. Il n'y en a que peu qui n'ayent un magasin chez eux de manière qu'ils sont tous à leur
aise, et plus occupés de leur profit, lorsqu'ils sont détachés dans leurs postes, que des intérests du
service. L'aisance qu'ils contractent les rend négligents à leur métier. Ils sont avantageux pour le
genre de guerre avec les sauvages et pour les fatigues des voyages, sont généreux, obligeants,
mais la plupart d'un caractère subordonné; ils aiment la parure et le faste, sont forts et vigoureux,
assez pourvus d'esprit, mais l'éducation leur manque, de sorte que s'ils étaient instruits, je les
croirais capables de pénétrer les sciences et de posséder les charges qu'exigent l'administration
d'un état.
2
Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec, vol. I, p. 790; Rapport de l'archiviste de la province de Québec
1923-24, pp. 111-112.
3
On lit ainée dans le texte.
4
fût dans l'original.
Les femmes y sont de figures plus jolies que belles, y sont d'une constitution forte, ont la
jambe bien faite, peu de gorge, marchant bien et ont dans leur port bonne grâce; elles l'emportent
sur les hommes pour l'esprit; généralement elles en ont toutes beaucoup, parlant un français
épuré, n'ont pas le moindre accent, aiment aussi la parure, sont jolies5 , généreuses et même
maniérées. Je leur soupçonnerais un peu de coquetterie; au moins leur façon de se mettre semble
l'annoncer; elles sont ordinairement bien chaussées, portent le jupon fort court, sont serrées à la
ceinture, et vêtues au lieu d'une robe, d'un mantelet des plus propres qui ne leur pend que jusqu'à
la taille.
Il est aisé de se représenter que sous un tel habillement tous leurs mouvements sont
marqués, et que pour le peu qu'elles soient soutenues de regards flatteurs, elles captivent aisément
les cœurs; elles sont néanmoins attachées à leurs maris et à leurs enfants, aiment le plaisir et s'en
font un sensible de prévenir de politesses les étrangers. ? (pp. 55-57)
5
On lit polies et non jolies dans la copie en dépôt aux Archives nationales du Québec; il n'est pas exclu qu'il puisse
s'agir d'une erreur du copiste (cf. p. 58).

Documents pareils