Hommes de main des SS, les mercenaires de Travniki
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Hommes de main des SS, les mercenaires de Travniki
8 mémoire LE PATRIOTE RÉSISTANT N° 907 - avril 2016 Hommes de main des SS, les mercenaires de Travniki Pour compenser leur faiblesse numérique dans les territoires conquis à l’est, les SS procédèrent à des recrutements parmi les populations vaincues, entre autres dans les camps de prisonniers soviétiques. Un certain nombre fut formé en Pologne au camp de Travniki, d’où leur surnom. Auxiliaires des SS qui les méprisaient, les hommes en uniforme noir, environ 5 000 au total, participèrent à l’extermination des juifs et furent aussi utilisés dans les camps du système concentrationnaire. ou sans réticences, au service de l’ennemi, d’autant qu’on leur garantissait, apparemment, qu’ils ne seraient jamais engagés contre l’Armée rouge. Côté nazi, il est évident que tous les prisonniers n’étaient pas égaux. Parmi les soldats de l’Armée rouge on trouvait des citoyens des diverses républiques, et les ressortissants des régions asiatiques n’étaient pas, aux yeux des nazis, comparables par exemple aux Ukrainiens ou bien entendu aux « Allemands d’origine ». Le manque crucial de main d’œuvre poussa pourtant les nazis, très tôt après le début de l’invasion de l’URSS, à recruter ainsi dans les rangs de prise par surprise malgré les avertissements adressés à Staline par plusieurs sources bien informées, la Wehrmacht avait encerclé et fait prisonniers des millions de soldats soviétiques. Rien n’avait été prévu par les nazis pour gérer cette situation. De toute façon, les Soviétiques étaient pour Hitler des sous-hommes, dont la vie était sans valeur, et dont des « Lois scélérates » permettaient d’éliminer immédiatement tous les cadres. On se contenta donc de faire rejoindre l’arrière du front à pied au gros des prisonniers, dans les pires conditions, et quelles que soient les blessures ou les maladies, sans une alimentation valable et au Trahir pour survivre On sait aujourd’hui combien le traitement des prisonniers de guerre soviétiques par les nazis a été inhumain, puisqu’ils sont morts par millions (entre 2,6 et 3,3 millions entre 1941 et 1945), longtemps parqués dans des « camps » totalement dépourvus d’installations quelconques permettant un séjour plus ou moins normal. On peut comprendre que certains prisonniers aient cédé à la tentation de « trahir » pour survivre, et aient accepté de s’engager, avec © Wikimedia Commons H itler avait déclaré en juillet 1941 que seuls les Allemands devaient avoir le droit de porter des armes : « Seul l’Allemand doit être armé, pas le Slave, pas le Tchèque, pas le Cosaque ou l’Ukrainien ! » Certes, lors de l’attaque contre l’Union Soviétique en juin 1941, les quelque trois millions d’Allemands de la Wehrmacht avancèrent aux côtés de près de 700 000 alliés étrangers, Hongrois, Roumains, Finlandais, Slovaques ou Italiens. Mais il s’agissait d’armées nationales alliées. Par contre l’avancée foudroyante des premiers mois dépassa rapidement les moyens de contrôle du terrain et des populations, et poussa bientôt les SS et la police à recruter des auxiliaires parmi les populations des zones conquises. Hitler maintint longtemps son opposition de principe à ce type de recrutement, mais sur le terrain, les nécessités dominaient, et peu à peu l’utilisation d’autochtones devint courante, qu’il s’agisse de volontaires ou de recrutements forcés. La source la plus évidente était constituée au début par les « Allemands d’origine » (Volksdeutsche), descendants d’émigrés plus ou moins volontaires au cours des siècles, comme les « Allemands de la Volga », regroupés en « République socialiste soviétique autonome ». Au cours de la guerre, les principes cédèrent rapidement, et on vit même vers la fin du conflit des unités musulmanes ou slaves. Il n’est donc pas vraiment surprenant que ce besoin de personnel ait poussé à recourir à des sources comme les prisonniers de guerre. Deux Travniki devant les corps de juifs assassinés dans le ghetto de Varsovie en 1943. l’ennemi, pour les faire travailler sans mesure, et sans que leur sort définitif soit déterminé. La priorité allait aux Volksdeutsche, puis à ceux qui parlaient allemand, enfin aux soldats non-russes, dont on pouvait imaginer qu’ils détestaient les Bolcheviques. Des « camps de travail » avaient été créés dès l’automne 1939 en Pologne occupée (le « Gouvernement général »), pour les juifs de 12 à 60 ans qu’une ordonnance nazie astreignait au travail obligatoire. Exploités dans tous les domaines possibles, et en particulier dans l’industrie de guerre, ces juifs furent parqués dans ces camps, devenus obligatoires pour les travailleurs de l’armement. Les camps de travail étaient au nombre de 3 ou 400 rien que sur ce territoire. Selon l’historien Dieter Pohl, largement plus de 200 000 Juifs y seraient morts. L’un de ces camps, situé à 35 km au sudest de Lublin, à Travniki, est indirectement entré dans l’histoire, et pas seulement parce que ses occupants du moment ont été tous assassinés en novembre 1943. Dès les premiers combats, entre la Wehrmacht déjà dopée par la guerre éclair en Europe de l’ouest et la défaite de l’Armée française, et l’Armée rouge, inférieure en nombre et mépris des pertes. Quant aux lieux où on les interna, provisoirement ou non, c’étaient pratiquement dans tous les cas des terrains non aménagés, sans protection contre les intempéries, et le tout sans qu’un ravitaillement suffisant soit envisagé. Il faut ajouter qu’une autre menace pesait sur les soldats soviétiques : Staline avait clairement déclaré que ses soldats ne devaient en aucun cas être faits prisonniers, et que leur dernière balle était pour eux-mêmes. Survivre en tant que prisonnier signifiait déshonneur et perte de sa nationalité soviétique. Travniki, un camp unique en son genre Les militaires allemands chargés de la garde des prisonniers de guerre étaient en nombre très insuffisant même pour la simple surveillance des dizaines de milliers d’hommes ainsi parqués. C’est pourquoi on recourut presque aussitôt à la collaboration de certains des prisonniers. Bien entendu on tenta de choisir pour cela, dans la masse, ceux qui présentaient une certaine « valeur raciale », les « Soviétiques allemands », les Baltes ou les Ukrainiens. On leur confiait des tâches de « maintien de l’ordre » et de discipline, en leur fournissant même à cette fin des bâtons ou des cravaches. Bientôt il devint évident que ces « auxiliaires » seraient longtemps indispensables et qu’il serait utile de leur donner une formation. C’est là qu’intervient la création, à proximité du camp de travail de Travniki, d’un autre camp, unique en son genre, confié aux meilleurs spécialistes du maintien de l’ordre. Il s’agit du « Camp de formation SS de Travniki », qu’on installa dans les bâtiments d’une ancienne sucrerie à proximité du « camp de travail » en fonctionnement. C’est entre juin et septembre 1941 que fut créé ce camp, qui devint, après quelques flottements, « Camp de formation pour personnel de surveillance d’origine étrangère ». Ce personnel devait contribuer à la domination nazie dans les territoires conquis de l’est. Il devait aussi bientôt se trouver devant des tâches d’un tout autre ordre. Comme l’expliquait le nouveau Kommandeur du camp depuis fin octobre 1941, le Hauptsturmführer SS Karl Streibel, alors qu’il devait à l’origine recruter dans les camps de prisonniers de guerre des manœuvres pour des travaux de construction, il avait dû former militairement des Ukrainiens comme personnel de surveillance, et pratiquement en faire une véritable « police auxiliaire » rattachée aux SS (SS-Gefolge), bientôt dotée d’uniformes et de grades spécifiques. Groupés en compagnies et en bataillons, ils formaient une véritable structure dépendant des SS, qui avaient choisi de les rassembler autant que possible par nationalités. Ainsi une des compagnies était constituée entièrement de Baltes : Estoniens et Lettons. Bien entendu, ceux qui parlaient allemand trouvaient leur place tout naturellement comme interprètes. Pour nombre de ces recrues, l’antisémitisme était une motivation possible, et il se traduisit souvent par des abus divers et des brimades cruelles envers les juifs qui dépendaient d’eux. La participation des Travniki au génocide des juifs Parallèlement, les plans pour l’assassinat de l’ensemble de la population juive d’Europe prenaient forme. En janvier 1942 se tenait à Wannsee, dans la banlieue de Berlin, la conférence où le « ratissage » de l’ensemble des pays occupés en Europe fut mis au point. C’est le moment où, dans le nouveau camp d’Auschwitz-Birkenau, dit « Auschwitz II », on commençait à asphyxier par le Zyklon B des milliers de juifs dans des chambres à gaz spécialement conçues. Bientôt le KZ de Lublin-Majdanek, ou le « petit » camp de Maly Trostinez près de Minsk, assassinèrent aussi en masse des juifs. C’est en effet le 19 juillet 1942 qu’Himmler donna l’ordre crucial dans lequel il décidait du « transfert » (Umsiedlung) de l’ensemble de la population juive du « Gouvernement général » avant le 31 décembre 1942. Trois jours plus tard débutait la déportation de mémoire LE PATRIOTE RÉSISTANT N° 907 - avril 2016 la population du ghetto de Varsovie vers Treblinka. Ensuite ce fut le tour d’autres communautés, et les Travniki participèrent à la « liquidation » d’au moins 19 ghettos en Pologne. Une interruption provisoire intervint après l’assassinat des derniers juifs de Lublin. Pourtant on recommença début octobre à assassiner systématiquement tous les juifs incapables de travailler de cette région. Les chambres à gaz de Majdanek étaient prêtes, Treblinka et Sobibor avaient été agrandis, et la Société de chemins de fer avait promis deux trains par jour pour le mois de novembre. L’opération pouvait se poursuivre. Elle avait en fait déjà débuté aussi ailleurs qu’à Auschwitz. Le camp de mise à mort de Belzec, dont la construction avait débuté en novembre 1941, avait commencé à fonctionner dès mars 1942, et c’est là que nous allons retrouver les Travniki, dont une soixantaine avait déjà participé aux travaux de construction du camp. Actifs pour l’évacuation des ghettos dans 19 villes polonaises, ils participèrent aux côtés des SS à la plupart des assassinats de masse de l’« Aktion Reinhardt », à commencer justement par Belzec. Là, ils fusillaient, ils poussaient les victimes vers les chambres à gaz (gaz d’échappement de moteurs), ils surveillaient l’arrachage des dents en or des cadavres, en un mot, ils furent utilisés par les SS pour faire une grande partie de leur « travail ». Selon les témoignages, environ 250 d’entre eux « Russes, Ukrainiens, Mongols, en uniformes noirs » étaient de garde à Belzec. Dans ce camp, que le dernier convoi atteignit à la mi-décembre 1942 en provenance de Rawa Ruska, on estime le nombre des juifs assassinés à environ 434 000. Ce camp, ayant rempli son rôle, fut entièrement rasé au printemps 1943. Pourtant la situation militaire et les durs combats autour de Stalingrad dérangeaient les plans d’Himmler, qui décida de faire disparaître les traces de l’assassinat massif en déterrant (Enterdung) et brûlant les cadavres. D’énormes grilles formées par des rails de chemin de fer furent utilisées à Belzec comme ailleurs pour réaliser les bûchers. Là, l’opération fut terminée en mars 1943. Elle se poursuivait dans les deux autres camps d’extermination de l’« Aktion Reinhardt » Sobibor et Treblinka (voir encadré ci-dessus). Entre autres activités des Travniki, on peut encore signaler qu’au milieu de l’année 1942, une compagnie avait été transférée à Lublin et mise à la disposition du chef de la SS et le la police (SSPF), suivie par la suite de deux ou trois autres compagnies. Ces hommes devaient assurer entre autres la garde des entrepôts où s’entassaient peu à peu les vêtements et autres biens volés aux juifs assassinés dans le cadre de l’« Aktion Reinhardt ». On les fit participer également à diverses opérations de déportations et d’assassinats de masse. Une autre « annexe » de Travniki, le camp de Poniatova, créé à l’automne 1942, fut utilisée jusqu’à juin 1943 pour loger trois ou quatre compagnies de Travniki impliquées dans la liquidation du ghetto de Varsovie. Ce camp de Poniatova fut également utilisé, jusqu’à sa fermeture en novembre 1943, comme centre de formation de gardes recrutés parmi la population ukrainienne de Lublin, donc également des Travniki. 9 Les « uniformes noirs » à l'œuvre à Sobibor et Treblinka Le second camp d’extermination de l’« Aktion Reinhardt », Sobibor, avait été installé au printemps 1942 et, entre sa mise en service et l’automne 1943, environ 150 000 à 250 000 personnes y furent asphyxiées à l’aide d’installations utilisant également des gaz d’échappement de moteurs puissants. Trois chambres à gaz pouvaient contenir chacune 200 personnes. Quelque 120 Travniki assuraient la garde du camp vers l’extérieur, mais aussi à l’intérieur. Ils surveillaient le débarquement des déportés lors de l’arrivée des trains, la tonte des cheveux ou le déshabillage, puis les poussaient vers les chambres à gaz, le tout sous les menaces et avec la plus grande violence, eux-mêmes étant constamment sous la surveillance de SS. Un doublement du nombre des chambres à gaz, et donc de victimes possibles, fut effectif en octobre 1942, et les installations fonctionnèrent à plein jusqu’au printemps 1943. Lorsque les convois devinrent plus rares, les détenus employés à de nombreuses tâches dans le camp (Arbeitsjuden, « juifs de travail ») comprirent qu’ils risquaient à brève échéance d’être assassinés par les SS s’ils n’étaient plus utiles. Ils préparèrent et réalisèrent une révolte, suivie de l’évasion d’environ 600 détenus, dont finalement seuls 47 survécurent. Les SS tuèrent des centaines de détenus, le camp fut bientôt totalement rasé, son emplacement camouflé, et les SS et les Travniki transférés ailleurs. Treblinka, le troisième et plus important des camps de mise à mort de l’« Aktion Reinhardt », fut construit en mai-juin 1942, et ses premières victimes, des juifs du ghetto de Varsovie, furent gazées en juillet. Aux trois chambres à gaz d’origine s’ajouta dès le mois d’août un nouveau bâtiment avec 10 autres, Quelles étaient leurs motivations ? En résumé, on peut dire que ces « auxi liaires » des SS ont participé à presque toutes les tâches de ceux-ci. En particulier, en dehors de leur action au sein des camps de mise à mort, ils ont été largement mis à contribution dans le système concentrationnaire. Au moins un millier d’entre eux ont été mis au service des KZ par l’Office central d’administration économique de la SS (WVHA), plus de 500 par exemple sont passés à Sachsenhausen, mais ils ont été utilisés également à Flossenbürg, à Stutthof, à Ravenbrück ou à Neuengamme, et certains ont également accompagné des SS dans des missions en Italie dans les camps de la zone Adriatique. Leur place, pourtant, dans la hiérarchie raciale nazie, resta toujours dans la zone inférieure, à peine au-dessus des juifs. Certes, ils avaient tous pouvoirs sur les détenus, mais ils étaient eux-mêmes à la merci de l’arbitraire des SS. Ils n’étaient pas constamment sous la menace de mort, mais la moindre faute entraînait des punitions sévères. Quelles étaient leurs motivations pour accepter ces risques ? Pour les prisonniers de guerre, nous l’avons dit, le simple espoir de survie face à la mort probable dans les camps. Mais pour tous, le pouvoir pratiquement illimité sur les détenus, et la possibilité de profiter de nombreux avantages matériels jouait un rôle certain. Entre autres, ils étaient alors sûrs de manger à leur faim et au-delà, d’avoir accès à de l’alcool, légalement ou non, de façon régulière. Pour les ex-prisonniers de guerre, il y avait aussi une certaine façon de retrouver un certain pouvoir et une certaine liberté de mouvements (et éventuellement la possibilité de s’évader…) Enfin, et peut-être surtout pour nombre construites avec un plafond surbaissé (2 mètres) pour accélérer le processus d’asphyxie. La capacité était ainsi portée à 4 000 personnes. En tout, on compta à Treblinka entre 90 et 120 Travniki, chargés de garder le camp, de patrouiller le long des clôtures, d’occuper les miradors, de surveiller les kommandos de travail de détenus juifs et de faire le service des chambres à gaz. À Treblinka, comme à Sobibor, une révolte eut lieu au début d’août 1943. Les détenus avaient un peu espéré entraîner des Travniki dans leur mouvement, mais la plupart restèrent du côté des SS. Sur quelque 700 participants, il n’y eut qu’une soixantaine de survivants. Le chiffre des victimes de ce camp, au total, est estimé à environ 900 000 juifs, et quelques milliers de tsiganes. Les révoltes dans ces camps d’extermination inquiétèrent aussitôt Himmler, qui eut peur d’une sorte de contagion, mettant son plan en danger. Il ordonna pour le 3 novembre 1943 une « Action Fête de la récolte » (Erntefest) qui consistait en la liquidation pure et simple des détenus encore présents dans le complexe de camps de Lublin. Elle coûta la vie à quelque 42 ou 43 000 juifs supplémentaires. Les seuls à être épargnés furent ceux qui étaient employés dans des ateliers travaillant pour l’armée, et en particulier pour la Luftwaffe. Les unités de Travniki jouèrent leur rôle dans ces assassinats, et lorsque les victimes de ces massacres eurent été brûlés, comme nous l’avons dit, et que des détenus juifs, hommes et femmes, eurent tamisé les cendres des exécutés, à la recherche d’éventuels restes d’or, ce sont les Travniki qui finalement les fusillèrent aussi et brûlèrent leurs cadavres. d’entre eux, ils trouvaient là la possibilité de disposer de ressources importantes. Les victimes de l’assassinat de masse avaient toutes été induites en erreur sur la destination de leur transfert. On leur avait parlé de camps de travail, et chacun avait tenté d’emporter argent ou objets de valeur pour augmenter ses chances de survie. Théoriquement rassemblés pour être versés dans les caisses de l’Etat nazi, ces valeurs étaient régulièrement pillées par des SS, et également par des Travniki, qui trouvaient là un avantage important de leur activité. Au moins un tiers a déserté Si l’on veut résumer un tableau d’ensemble sur le phénomène Travniki, on peut sans doute partir de deux points de vue opposés. Pour les victimes de leurs activités, ils étaient « les noirs » (couleur de leur uniforme), les « askaris » (du nom des troupes de supplétifs africains des colonies allemandes avant la guerre de 1914), ou justement les Travniki. Plus généralement on parlait des « Ukrainiens », le groupe le plus nombreux : presque 46 %, contre un peu plus de 27 % pour les Russes et 15,2 « Allemands de souche ». Ils étaient craints et méprisés par leurs victimes. Leurs chefs, les SS, n’avaient de façon générale aucune considération pour eux, à l’exception, jusqu’à un certain point, des Volksdeutsche. Dans certains cas, exceptionnels, il y eut pourtant des décorations, de l’avancement et parfois des pensions pour les survivants. En opposition à l’image globalement négative qui les définit en général, ils comptaient sans doute une certaine proportion d’hommes décidés à chercher une occasion de reprendre le combat avec leur propre camp : au moins un tiers des quelque 5 000 Travniki ont déserté. Naturellement il n’est pas possible de chiffrer la proportion de ceux qui ont réellement repris leur place dans les troupes ou surtout les maquis soviétiques. On a souvent entendu les survivants des camps nazis dire que les Travniki étaient « pires que les SS ». D’autres témoignages font état d’attitudes inverses, de gestes positifs… Ils ont sans aucun doute existé aussi ! Un détail encore : un seul Travniki a été condamné après-guerre par un tribunal allemand, une cinquantaine en Pologne, quelques-uns en Ukraine, d’autres eurent de petits ennuis aux USA. Voici, pour être complet, les dernières lignes du travail d’Angelika Benz : « Parmi les hommes de Travniki se trouvaient des profiteurs et des compagnons de route du système allemand, mais la majorité était composée de figures tragiques qui, pour survivre, se sont transformées de victimes en bourreaux. Ils se sont rendus coupables de crimes affreux, dont ils n’étaient pourtant pas les instigateurs ». Rien ne fera pourtant oublier l’action de ces bataillons et compagnies d’apparents renégats, agissant dans leur majorité comme auxiliaires dévoués des SS, acceptant une position humiliante en échange d’un pouvoir discrétionnaire sur les victimes désignées d’un pouvoir inhumain. Rien ne peut faire oublier les crimes, les massacres, les tortures au service de l’expansionnisme et du racisme nazis. « Travniki » restera un gros mot et une insulte. Jean-Luc Bellanger Angelika BENZ, Handlanger der SS, Die Rolle der Trawniki-Männer im Holocaust (Hommes de mains des SS, Le rôle des hommes de Travniki dans le génocide des juifs), Ed. Metropol, Berlin, 2015 (non traduit). n